II. LES CRÉDITS À DESTINATION DU SPORT SONT MIS SOUS TENSION PAR L'ORGANISATION DES JEUX DE 2024

Le tableau ci-après détaille par action les crédits demandés au titre du programme 219 « Sport ».

Évolution des crédits du programme 219 « Sport »

(en millions d'euros)

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

2018-2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre

89,7

89,7

50,1

49,5

- 45 %

Action 02 « Développement du sport de haut niveau »

208,8

208,9

230,8

219,5

+ 10 %

+ 4,6 %

Action 03 « Prévention par le sport et protection des sportifs »

20,3

20,3

-

Action 04 « Promotion des métiers du sport »

27,4

30,0

+ 8,3 %

Total

346,1

347,2

331,1

319,2

- 4,3 %

- 8,1 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Les ajustements opérés sur le programme 219 procèdent certes de la technique budgétaire et ne se répercutent pas sur le soutien effectif au mouvement sportif.

Selon les informations transmises par la direction des sports, le coût réel de la mesure de compensation à l'Acoss est difficile à évaluer dans la mesure où l'exonération de cotisations sociales étant totale, l'Acoss ne dispose pas des informations relatives aux rémunérations versées. L'évaluation erratique, insuffisante en loi de finances pour 2017 puis excédentaire en loi de finances pour 2018, serait aujourd'hui fiabilisée grâce au retour d'expérience de ces deux exercices.

Cependant, ainsi que l'a concédé à votre rapporteur spécial la direction des sports, le décalage des AE/CP au titre du transfert de dépenses du CNDS vers le programme 219 relève davantage d'un arbitrage afin de concilier les besoins de financement des programmes 219 et 350 avec la maîtrise des dépenses publiques.

Un tel ajustement, par nature non pérenne, permet certes de préserver les soutiens effectifs au mouvement sportif en 2019. Il ne résout toutefois pas la question de la montée en puissance du programme 350.

A. LE SPECTRE D'UN FINANCEMENT DES OLYMPIADES DE 2024 AU DÉTRIMENT DU MOUVEMENT SPORTIF

1. Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 : la participation... mais pas la compétition ?

Les ajustements proposés ne vont pas sans soulever des interrogations .

Il est intéressant de relever qu'outre l'abondement de la mission en cours d'examen du projet de loi de finances 2018, la victoire de la candidature française aux Olympiades de 2024 a également été répercutée sur le budget triennal inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. De fait, la comparaison entre les deux trajectoires triennales devrait traduire l'effort budgétaire supplémentaire nécessaire pour la préparation de la compétition.

Or, comme l'illustre le tableau ci-après, les besoins de financement du programme 350 excèdent de plus de 20 millions d'euros les plafonds de crédits de paiement du triennal pour les exercices 2019 et 2020 .

Plafond des crédits de paiements de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour le triennal 2018-2020

(en millions d'euros)

2019

2020

LPFP (1)

1 053

1 070

PLFP (2)

1 010

970

Coût JOP (3)

65

120

Écart non compensé (= 1 - 2 - 3)

- 22

- 20

NB : Le projet de loi de programmation des finances publiques a été présenté avant la décision d'attribution des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à la candidature française ; à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a, en nouvelle lecture, adopté un amendement majorant les plafonds de crédits de paiement afin de tenir compte de l'attribution de cet évènement à la France.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

De fait, l'engagement du Président de la République selon lequel l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ne se fera pas au détriment du sport pour tous se heurte à la réalité des chiffres .

Ce risque, identifié par votre rapporteur spécial l'an dernier, semble se matérialiser à deux égards :

- d'une part, compte tenu de la modulation des crédits du programme 219 à la baisse pour amortir la montée en puissance du programme 350 ;

- d'autre part, au-delà des crédits proposés, compte tenu du recentrage de la maquette de performance du programme 219 sur le périmètre des sports olympiques pour apprécier le rang sportif de la France, écartant donc les autres disciplines. Cette évolution ne doit pas conduire à occulter la concentration des soutiens aux seules disciplines olympiques (36) au détriment des quarante-six autres disciplines non-olympiques.

Déjà, le transfert opéré l'an dernier entre le CNDS et le programme 219 s'est accompagné d'une réduction des dépenses du CNDS de 63,8 millions d'euros. Les crédits supplémentaires (27 millions d'euros) votés en loi de finances rectificative pour 2017 visaient uniquement à honorer les engagements contractés au titre de 2017 et 2018 (cf. infra ).

Il en résulte une diminution de 8,5 % du soutien effectif au mouvement sportif entre 2017 et 2019 . Le graphique ci-après illustre cette atrophie, en prenant en compte les crédits du programme 219 neutralisés du coût de la compensation à l'Acoss.

Évolution neutralisée des crédits dédiés au sport

(en millions d'euros)

NB : pour 2018, les dépenses du CNDS inscrites à son budget initial sont retenues ; pour 2019, le chiffre retenu est son plafond de ressources, étant entendu que la trésorerie du CNDS a été fortement mise à contribution en 2018 et devrait s'établir à 19,1 millions d'euros, contre 75 millions d'euros fin 2017.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Ensuite, pour 2019 et 2020, la confrontation des différentes trajectoires révèle que ce sont 42 millions d'euros qui seront prélevés sur les crédits du sport afin de financer les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 .

La parade proposée par la direction des sports au titre de 2019 ne pourra pas être reproduite l'année suivante. À l'occasion du projet de loi de finances pour 2020, ce seront donc 20 millions d'euros de crédits du sport pour tous qui risquent d'être déviés vers le financement des Olympiades de 2024.

Compte tenu de la montée en puissance des besoins de financement au titre du programme 350 prévue pour les exercices suivants, avec un quasi-doublement des crédits nécessaires entre 2020 et 2021, une telle ponction ne saurait être envisagée durablement. Le graphique ci-après reproduit la trajectoire des besoins de financements publics auprès de la Solidéo.

Encore les montants indiqués devront-ils être actualisés fin 2020. Comme l'a indiqué Nicolas Ferrand, directeur général de la Solidéo, lors de l'audition organisée le 21 juin dernier par la commission des finances du Sénat sur les enjeux financiers des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, « l'ensemble des montants inscrits dans le protocole financier 8 ( * ) est hors taxes et en euros de 2016 ; sauf pour l'État, dans ce cas les taxes sont comprises. Mais l'ensemble des cofinanceurs a accepté, dans le cadre du protocole signé la semaine dernière, que ces tableaux financiers soient actualisés à l'horizon 2021. Nous disposerons alors des prix de l'essentiel des marchés publics et nous connaîtrons le niveau des recettes privées, issues des ventes de terrains par exemple. Le financement public correspond à l'écart entre ces recettes privées et les montants des marchés. Début 2021, nous adapterons le financement de chacun en fonction de la réalité et en proportion des apports prévus aujourd'hui. Je ne peux néanmoins pas vous garantir que nous atteindrons exactement un coût de 1,374 milliard d'euros, comme prévu aujourd'hui en euros constants ».

Échéancier et répartition des financements publics de la Solidéo

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par la Solidéo

En parallèle, une des orientations stratégiques de la mission vise à augmenter de trois millions le nombre de pratiquants d'un sport - sans toutefois préciser à quelle échéance.

En tout état de cause, pour honorer ses engagements et atteindre les objectifs qu'il se fixe, le Gouvernement devra donc considérablement augmenter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Entre 2019 et 2023, le besoin de financement supplémentaire au titre du programme 350 s'élève à près de 200 millions d'euros, soit 20 % des crédits proposés pour la mission en 2019 .

Or, comme l'atteste le secteur ci-après, les dépenses de la mission sont fortement concentrées sur certains dispositifs. Sauf à rogner sur les soutiens aux mouvements sportif et associatif ou à remettre en cause le service civique universel, les crédits de la mission devront être réévalués de 100 millions d'euros dès 2021 et de 160 millions d'euros en 2023.

Pour éviter que ce spectre se matérialise, votre rapporteur spécial vous propose, dès 2019, de transférer les 20 millions d'euros d'écart constaté entre l'ajustement de la trajectoire et les besoins de financement au titre des Olympiades de l'action 01 du programme 350 vers l'action 01 du programme 219 soutenant le sport pour tous.

Répartition des crédits de paiement de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » par principaux postes de dépenses

(1) Cette catégorie regroupe les subventions et dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'Insep, des CREPS, du Musée national du sport, de l'AFLD et de l'AMA, ainsi que des Écoles nationales du sport.

Source : commission des finances du Sénat

2. L'ajustement des crédits en faveur du sport pour tous intervient dans un contexte difficile pour les associations sportives

Votre rapporteur spécial relève la situation particulièrement difficile des petites associations sportives qu'il a constatée lors de ses auditions et qui lui est relayée au quotidien dans son territoire.

Ces petites structures sont en effet confrontées à la conjugaison de cinq facteurs négatifs :

- la diminution de la part territoriale du CNDS ;

- la suppression de la dotation d'action parlementaire , non compensée pour les associations sportives dans la mesure où celles-ci sont exclues du périmètre du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), dont les crédits ont été majorés de 25 millions d'euros par la loi de finances pour 2018, ce que le projet de loi de finances pour 2019 reconduit ;

- la diminution du nombre de contrats aidés en 2018, prolongée en 2019 ;

- la réforme des rythmes scolaires , qui se traduit par une modification des pratiques sportives des plus jeunes - la fédération française de judo ayant ainsi indiqué à votre rapporteur spécial avoir constaté une chute de 16 000 licenciés parmi les jeunes à la suite de la mise en oeuvre de cette réforme ;

- la diminution des concours financiers des collectivités territoriales en raison de l'attrition de leurs ressources.

La conciliation entre l'organisation des Olympiades de 2024 et la maîtrise des comptes publics ne doit pas s'opérer au détriment des associations sportives dans les territoires.

Les Jeux de 2024 ne sauraient être réussis sans la préservation et la participation active du tissu sportif de terrain.


* 8 « Protocole pour des Jeux olympiques et paralympiques ambitieux pour toute la France » conclu entre les cofinanceurs publics, le mouvement sportif (Comité d'organisation des Jeux olympiques [COJO], Comité national sportif français [CNOSF] et Comité paralympique sportif français [CPSF]) et la Solidéo, signé à Paris le 14 juin 2018.

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