C. UNE AUGMENTATION DUE À UN DOUBLE EFFET « PRIX ET VOLUME » DES DÉPENSES D'INTERVENTION ET À DES MESURES DE PÉRIMÈTRE

1. Un « effet volume » lié au dynamisme des dépenses d'intervention

Cette augmentation est principalement due au dynamisme des dépenses d'intervention financées par cette mission , qui sont structurellement orientées à la hausse, en raison :

- des évolutions démographiques , avec le vieillissement de la population . Le risque de survenance d'un handicap et le taux de prévalence de l'AAH augmentent avec l'âge ;

- du recul de l'âge légal de départ à la retraite , qui conduit également à augmenter le « stock » de personnes bénéficiant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), même si ce facteur produit aujourd'hui moins d'effets ;

- de la mise en oeuvre de différentes réformes paramétriques ;

Des mesures favorables aux bénéficiaires de l'AAH depuis 2017

L'article 49 du projet de loi de finances pour 2017 , à la suite du rapport Sirugue visant à réformer les minima sociaux, a prévu la mise en oeuvre de plusieurs réformes de paramètres de l'AAH :

- la possibilité pour les personnes handicapées ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 % (AAH 1), au moment de leur départ à la retraite, de conserver le bénéfice de l'AAH sans avoir à solliciter préalablement l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), ce qui était jusqu'à présent obligatoire.

- l'ouverture du cumul entre l'AAH et la prime d'activité. Depuis le 1 er juillet 2016, le montant d'AAH n'est plus retranché de celui de la prime d'activité ;

- l'accroissement de la durée d'attribution de l'AAH 1 pour les personnes dont le handicap est insusceptible d'évolution favorable - par dérogation, l'allocation pourra être versée pour une durée de vingt ans ;

- la suppression de la possibilité de cumul de l'allocation de solidarité spécifique (AAS) 1 ( * ) et de l'AAH, en retenant une « primauté » au droit à l'AAH.

Source : commission des finances du Sénat

- du faible taux de sortie du dispositif pour l'AAH : seuls 7,7 % des bénéficiaires sont sortis en 2017 ;

- de l'extension du champ et de la reconnaissance du handicap , qui a joué un rôle non négligeable dans l'augmentation des dépenses d'AAH ;

- d'une certaine « porosité » entre les minima sociaux , la DGCS ayant identifié un basculement, dans certains départements, du RSA vers l'AAH.

Par ailleurs, l'évolution conjoncturelle de la situation économique contribue également au dynamisme de ces dépenses.

2. Un « effet prix » dû essentiellement aux revalorisations dites « exceptionnelles » de l'AAH et de la prime d'activité

Cet effet « prix » correspond à une évolution de la dépense résultant de la variation du montant des allocations versées aux bénéficiaire s. Cette augmentation, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, est essentiellement due aux revalorisations « exceptionnelles » du montant de l'AAH et de la prime d'activité, dont vos rapporteurs saluent le principe.

L'impact des revalorisations « annuelles » est très limité sur l'évolution des crédits de la mission, puisque le Gouvernement a décidé de supprimer la revalorisation annuelle du 1 er avril de la prime d'activité et de l'AAH, dont le montant était indexé sur le taux d'inflation (article 65 du projet de loi de finances pour 2019).

Ces revalorisations dites « exceptionnelles » correspondent à des mesures votées en loi de finances initiale pour 2018, dont 2019 enregistrera le coût en année pleine :

- la revalorisation de 20 euros du montant forfaitaire de la prime d'activité , versée à compter de décembre 2018 et dont le coût est estimé à 777 millions d'euros 2 ( * ) ;

- la revalorisation de 50 euros du montant de l'AAH à taux plein versée à partir de décembre 2018, qui portera l'AAH à 860 euros par mois. Cette mesure a un coût estimé à 512 millions d'euros sur 2019 3 ( * ) .

Sont également prévues, dans le projet de loi de finances pour 2019, les mesures suivantes :

- la création d'une seconde bonification individuelle de la prime d'activité versée, à partir de juin 2019, aux bénéficiaires dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 SMIC (article 82 du projet de loi de finances pour 2019) . Ce bonus atteindra son montant maximal, soit 30 euros, à 1 SMIC, puis sera décroissant au-delà. Cette mesure aura un coût estimé initialement, dans le projet de loi de finances, à 18 millions d'euros en 2019, et à 200 millions d'euros en année pleine. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale sur ce sujet ( cf . commentaire infra de l'article 82 rattaché à la mission), - à savoir l'avancement de la mise en oeuvre de ce bonus au 1 er avril au lieu du 1 er août 2019 et l'augmentation prévue - qui devra être mise en oeuvre par décret - de 20 à 30 euros - conduisent à relever le coût estimé de la mesure, sur 2019 à environ 135 millions d'euros.

- la revalorisation de 40 euros du montant de l'AAH à taux plein à partir de décembre 2018, qui la portera à 900 euros. Cette revalorisation aura un coût estimé à 40 millions d'euros en 2019.

3. Une augmentation qui s'explique, dans une moindre mesure, par des mesures positives de transfert et de périmètre

L'augmentation des crédits de la mission est également liée, dans une moindre mesure, à des mesures positives de transferts ou de périmètre :

- Le programme 304 comprend ainsi le financement du RSA pour la collectivité territoriale de Guyane et le département de Mayotte qui devrait être pris en charge par l'État à compter de 2019, selon les dispositions prévues à l'article 27 du présent projet de loi de finances. Cette recentralisation est financée par une mesure de périmètre au titre de la reprise des recettes affectées aux collectivités territoriales (124,6 millions d'euros) ainsi que par une mesure de transfert de 50 millions d'euros, en crédits de paiement, depuis le programme 123 (« Conditions de vie outre-mer ») permettant de couvrir le reste à charge du département de Mayotte et de la collectivité territoriale de Guyane.

- Le programme 124 intègre trois mesures de périmètre, hors titre 2, pour un montant net total de - 19 830 000 euros en AE et en CP , dont - 24 500 000 euros en AE et CP en matière de dépenses immobilières. Dans le cadre de la nouvelle politique immobilière de l'État , l'information sur la valeur économique des biens immobiliers de l'État occupés sera désormais traitée par des instruments non budgétaires. De fait, leur facturation est ainsi supprimée pour l'exercice 2019, et les crédits auparavant inscrits sur le programme au titre de cette dépense font l'objet d'un « débasage » du même montant (24,5 millions d'euros).

La mission « Solidarité » : un périmètre mouvant
depuis plusieurs années

Cette mission a connu, notamment depuis 2016, des évolutions importantes.

En 2016 :

- la création de la prime d'activité venue se substituer à la part « activité » du revenu de solidarité active (RSA) et à la prime pour l'emploi (PPE) ;

- la réforme du financement de la protection juridique des majeurs avec un transfert au budget de l'État de dépenses auparavant prises en charge par l'assurance-maladie ;

- la mise en place de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leurs pays d'origine (ARFS) qui est destinée aux travailleurs immigrés âgés disposant de faibles ressources ;

- la création du fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées.

En 2017 :

- le transfert du financement des dotations de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à l'assurance-maladie ;

- le transfert des moyens de fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées ( MDPH) de l'État à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ;

- la suppression du Fonds national des solidarités actives (FNSA ) et la prise en charge par le budget de l'État des dépenses qu'il finançait.

En 2018 :

- la création d'une enveloppe de 50 millions d'euros dédiée au fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI), créé par la loi de finances initiale pour 2017. Prélevé sur les ressources de la CNSA en 2017, ce montant est financé sur le budget de l'État depuis 2018 ;

- un financement exceptionnel de l'État de 66,8 millions d'euros au titre de la prise en charge partielle des dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE) liées au nombre de mineurs non accompagnés (MNA) supplémentaires présents au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016, en raison de la crise migratoire.

Source : commission des finances du Sénat


* 1 L'allocation de solidarité spécifique (ASS) est versée pour une période renouvelable de six mois aux demandeurs d'emploi ayant épuisé leurs droits aux allocations chômage et ayant travaillé au moins cinq ans au cours des dix années précédentes.

* 2 Il était estimé à 71 millions d'euros sur 2018.

* 3 Ce coût était estimé à 40 millions sur 2018.

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