C. LES EFFETS DE LA RÉFORME DU PERMIS DE CONDUIRE SEMBLENT S'AMENUISER

1. Un délai d'attente qui stagne bien au-dessus de l'objectif de 45  jours

La réforme annoncée par le Gouvernement en juin 2014 et poursuivie dans le cadre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite « loi Macron ») avait pour objectif de rendre le permis de conduire plus accessible et plus transparent en réduisant les délais d'attente pour passer l'examen du permis de conduire, et en relançant la conduite accompagnée.

Bien que le délai d'attente moyen entre deux présentations à l'examen B ait nettement diminué entre 2014 et 2016, chutant de 96 jours à 63 jours, il semble désormais stagner. L'objectif de 45 jours inscrit au projet annuel de performances 2017 et 2018 n'a pas été atteint , et est désormais repoussé à 2020. Alors que l'an dernier la prévision actualisée indiquée pour 2017 dans le projet annuel de performances 2018 était de 57 jours, le délai s'est finalement élevé à 63 jours, soit un délai identique à ceux de 2016 et de la prévision actualisée pour 2018.

Le projet annuel de performances souligne cependant le caractère « artificiellement long » de ce délai : cette stagnation serait en effet liée soit à des contraintes d'agenda (par exemple, poursuite des études dans une autre ville) ou financières (le candidat ne disposant pas immédiatement des ressources nécessaires pour compléter sa formation), soit à la peur d'un nouvel échec. La perception des délais d'attente serait donc biaisée par les candidats qui attendent parfois plus de 9 mois avant de repasser l'examen.

Le délai médian serait donc à cet égard « plus pertinent et plus juste ». Cependant bien que celui-ci - qui s'élève à 42 jours - s'avère désormais sensiblement inférieur à celui de 2014 - 61 jours - il demeure supérieur à celui annoncé en 2017 - 39 jours.

En outre, la délégation à la sécurité routière (DSR) explique que les taux de réussite en première présentation ont également un impact sur le délai moyen d'attente. Elle rappelle que ce taux a baissé de plus de 3 points entre mai 2015 (61,56 %) et mai 2017 (58,04 %), cette évolution étant présentée comme une conséquence de la réduction des délais qui permet aux candidats de se présenter en ayant effectué le minimum d'heures de conduite requis (20 heures) alors qu'en moyenne 35 heures sont nécessaires pour réussir l'épreuve pratique dès la première présentation.

2. Un coût unitaire moyen du permis pour l'administration bloqué au-dessus du seuil des 60 euros

De même, après avoir enregistré une légère baisse entre 2015 et 2016, le coût unitaire moyen du permis de conduire pour l'administration a stagné en 2017 et reste toujours supérieur (61,5 euros) à celui enregistré en 2014 (60,8 euros).

Bien que les prévisions du projet annuel de performances 2019 laissent augurer que ce coût passera en-dessous des 60 euros en 2018 et 2019, il convient de rester prudent. En effet, ces dernières années, les prévisions de baisse du coût unitaire indiquées dans les projets annuels de performance, tout comme celles du délai d'attente, se sont parfois avérées pour le moins optimistes. 7 ( * ) .

En outre, le projet annuel de performances suggère que ce coût est parvenu à un point d'équilibre : dans un premier temps, la mobilisation d'un effectif plus important d'inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) a engendré une légère hausse des coûts de fonctionnement (formation et fonctionnement courant) et de la masse salariale, avant que le coût moyen ne se stabilise. Le projet annuel de performances précise que « la période 2017-2020 se caractérisant par une stabilité du cadre de gestion, le coût unitaire du permis ne devrait pas connaître d'évolution. »

La mise en oeuvre de la réforme du permis de conduire

L'apprentissage anticipé de la conduite encouragé

Depuis la publication du décret n° 2014-1295 du 31 octobre 2014 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, il est dorénavant possible de s'inscrire pour apprendre à conduire par le biais de la filière de l'apprentissage anticipé de la conduire (AAC) dès l'âge de 15 ans. Précédemment, cet âge était fixé à 16 ans. Cette mesure permet à ces jeunes d'acquérir plus d'expérience en parcourant plus de kilomètres. Ce décret introduit deux autres mesures ayant également pour objectif de rendre l'AAC plus attractive : la possibilité de passer l'épreuve du code dès l'âge de 15 ans (16 ans auparavant), et la possibilité de passer l'épreuve pratique du permis de conduire dès l'âge de 17 ans et demi (18 ans auparavant). Cette dernière évolution ne modifie pas l'âge auquel il est possible de conduire seul qui reste fixé à 18 ans . De plus, la validité du code a été allongée à 5 ans (3 ans auparavant), ce qui donne un délai plus long aux candidats pour passer l'épreuve pratique du permis de conduire.

Pour faire connaître ces nouvelles mesures, une vaste campagne de communication a été réalisée, principalement composée de spots radio et d'informations diffusés sur internet.

La promotion des différentes filières d'apprentissage à la conduite est désormais assurée dans le cadre de deux mesures décidées lors de la réforme : la demi-journée obligatoire de sensibilisation à la sécurité routière pour les entrants en lycée (et en centre de formation d'apprentis public), mise en place à partir de la rentrée scolaire de septembre 2015, et la « journée défense et citoyenneté » (JDC) , au cours de laquelle est diffusée, depuis janvier 2016, une information sur les différentes filières d'apprentissage, visant notamment à promouvoir celles comportant une phase de conduite accompagnée.

Enfin, plus récemment, la « loi Macron » a introduit deux dispositions ayant directement pour objectif de promouvoir ce type de filières d'apprentissage. Ainsi, les établissements d'enseignement de la conduite doivent dorénavant proposer systématiquement à chaque élève, lors de l'inscription, un des modes d'apprentissage comportant une phase de conduite accompagnée . De même, les exigences nécessaires au suivi de la formation en conduite supervisée ont été assouplies avec la suppression des conditions de distance et de durée minimales pour la phase de conduite accompagnée .

En 2017, le taux de réussite à l'examen de la catégorie B du permis de conduire pour les candidats ayant suivi la filière « apprentissage anticipé de la conduite » (AAC) dépasse les 74 %. Il est nettement plus élevé que le taux de réussite global (+17 %) et le taux de réussite hors AAC (+ 21 %).

L'activité des IPCSR recentrée sur l'épreuve pratique du permis de conduire

S'agissant de la réduction des délais d'attente, le ministre de l'intérieur a annoncé dès le 13 juin 2014 un train de mesures. Ainsi, l'activité des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) a été recentrée sur le passage de la catégorie B du permis de conduire et leurs missions de contrôle. Plus précisément, le nombre de candidats examinés à l'épreuve pratique du permis de conduire a été porté de 12 à 13 par jour et par inspecteur, grâce à la réduction du temps de l'examen pratique de 35 à 32 minutes. Les effets de cette réforme ont permis de proposer 38 700 places supplémentaires en 2014 et 63 600 places supplémentaires en 2015.

L'organisation de l'épreuve théorique générale externalisée

En outre, la « loi Macron » a prévu la possibilité de recruter des agents publics et contractuels pour faire passer l'épreuve théorique générale du permis de conduire de catégorie B dans les départements où le délai d'attente entre la première et la deuxième présentation excède 45 jours. Le décret n° 2016-516 du 26 avril 2016 relatif à l'organisation de l'épreuve théorique général du permis de conduire et les arrêtés subséquents ont permis d' agréer à ce jour cinq organisateurs pour faire passer cette épreuve (la société SGS Automotive Services, le groupe La Poste, les sociétés Pearson Vue, Bureau Veritas SGIT et Dekra Services France).

Depuis le 13 juin 2016, SGS Automotiv et le groupe La Poste ont ouvert respectivement 526 et 609 centres d'examen en capacité de faire passer l'épreuve théorique générale. Ils sont répartis dans l'ensemble des départements. Pearson Vue, Bureau Veritas GSIT, qui ont été agréés plus tardivement, ont ouvert respectivement 142 et 177 centres d'examens. Dekra Services France, dernier opérateur à avoir obtenu l'agrément, est toujours en phase de déploiement avec environ 90 centres ouverts. L'objectif de cet opérateur est de remplir ses obligations de couverture territoriale d'ici le mois de septembre.

Actuellement, 1 544 centres privés sont ouverts , contre environ 520 centres d'État avant l'externalisation. Ils accueillent les candidats sur une large plage horaire ainsi que le samedi.

Pendant la période comprise entre le 13 juin 2016 et le 31 mai 2018 :

- 2 575 000 candidats ont passé l'épreuve théorique générale du permis de conduire auprès des opérateurs privés,

- 476 000 candidats (soit cinq fois moins) ont été examinés par les services de l'État sur la même période.

En année pleine, l'externalisation de l'épreuve théorique correspond à la création de 142 000 places supplémentaires d'examen pratique.

Au cours du mois de mai 2018, parmi les 128 350 candidats à l'ETG , 0,07% ont été examinés dans les centres tenus par l'État et 99,93 % l'ont été dans un centre géré par un opérateur agréé (43 % dans un centre SGS, 51 % dans un centre La Poste, les 6% restant se répartissant entre les trois autres opérateurs). Le déploiement de Pearson Vue, de Bureau Veritas GSIT et de Dekra Services France, devrait aboutir à un rééquilibrage du marché entre les cinq opérateurs, et permettre une offre de places en nombre encore supérieure, avec des conditions de passage d'examen très favorables pour les candidats (horaires, moyens logistiques et proximité des centres d'examen).

S'agissant de l'organisation de l'examen par les services de l'État pour les publics spécifiques que sont les personnes atteintes de dyslexie , de dysphasie ou de dyspraxie , les personnes sourdes ou malentendantes, les détenus et les non francophones, une réflexion est en cours pour transférer cette activité pour certains de ces publics vers le service national universel .

L'externalisation a également été élargie aux épreuves théoriques et pratiques du « groupe lourd » des diplômes professionnels du ministère de l'Éducation nationale .

L'objectif est que, pour la très grande majorité des cas (candidats au permis poids lourd dans le cadre d'un diplôme de l'Éducation nationale (CAP, BEP et Bac Pro)), l'examen soit passé devant des examinateurs de l'Éducation nationale et non plus en présence d'inspecteurs du permis de conduire. Ainsi, depuis le 1 er janvier 2016, les épreuves pratiques des catégories C et CE du permis de conduire inscrites au programme de formation des CAP et Bac Pro de conducteur routier marchandises ont été transférées à l'Éducation nationale dans le cadre du contrôle en cours de formation (CCF). Cette mesure est venue renforcer celles déjà mises en oeuvre et a contribué à augmenter de 25 000 le nombre de places d'examen disponibles chaque année, notamment pour la catégorie B du permis de conduire.

Une réflexion sur le bilan de la réforme du permis de conduire confiée au Parlement

Enfin, par décret du 3 août 2018, le Premier ministre a chargé deux députés , Françoise Dumas (Gard) et Stanislas Guerini (Paris) de dresser un bilan des réformes mises en oeuvre au cours des trois dernières années en matière de permis de conduire et d'envisager les évolutions possibles pour améliorer les dispositifs en place . Les deux parlementaires ont pour objectif de formuler des propositions permettant de garantir une formation de qualité tout en assurant son accessibilité et celle des examens à la fois en termes de délais et de prix, ainsi que de consolider le secteur économique de l'éducation routière. Leurs conclusions sont attendues d'ici le 15 décembre prochain.

Un coût moyen du permis de conduire réduit grâce à la suppression des frais de présentation à l'épreuve

Selon le rapport Gilbert de 2014, le coût moyen du permis de conduire est estimé à 1 600 euros. Cette moyenne occulte d'importantes disparités. Le coût est généralement réduit pour les conducteurs ayant choisi la conduite accompagnée ou la conduite sur boîte automatique par exemple (environ 1 100 euros), alors que les frais sont nettement plus conséquents pour ceux qui échouent au premier passage après un apprentissage classique. Les candidats confrontés à des délais d'attente de plusieurs mois sont en effet contraints, pour maintenir leur niveau en conduite, de prendre de très nombreuses leçons. Ce prix de l'échec, pour les 40 % de candidats qui échouent lors de la première présentation s'élève à environ 200 euros par mois d'attente.

À la suite du décret n° 2015-1571 du 1 er décembre 2015 relatif aux conditions d'application de l'article L. 213-2 du code de la route, la présentation aux épreuves du permis ne peut plus donner lieu à aucun frais . Il est donc interdit aux établissements d'enseignement de la conduite de facturer toute somme, quelle qu'en soit la dénomination, au titre de la présentation d'un candidat à l'une des épreuves.

Seul l'accompagnement physique du candidat pendant l'épreuve peut donner lieu à des frais , mais qui sont étroitement encadrés. Ces frais ne peuvent dépasser un plafond dépendant du type d'épreuve.

Pour l'examen pratique du permis B (voiture), le plafond correspond au prix d'une heure de conduite. Ces frais sont la contrepartie de la mobilisation d'un véhicule et d'un membre du personnel de l'établissement pour accompagner le ou les candidats à l'épreuve.

Lors de la réunion du Conseil supérieur de l'éducation routière (CSER) du 6 juin 2017, les organisations professionnelles ont demandé une évolution du décret de 2015 susvisé car le plafonnement des frais d'accompagnement à l'épreuve pratique de la catégorie B du permis de conduire à hauteur du tarif d'une heure de conduite ne serait pas économiquement pertinent. Selon les organisations professionnelles, il existe une sous-tarification structurelle de la prestation de l'accompagnement au regard du plafond actuellement en vigueur. Les heures de conduite devraient en réalité être tarifées à 70 euros au lieu de 40 euros.

Le 9 novembre 2018, le Président de la République a annoncé une baisse « drastique » du coût de permis de conduire, qui pourrait être mise en oeuvre dans le cadre de la loi d'orientation sur les mobilités, dont le projet a été présenté au Conseil des ministres du 26  novembre dernier. Intégrer le code à la partie scolaire et accroître l'aide à l'acquisition du premier véhicule ont notamment été évoqués par le Président de la République.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

L'une des recommandations du rapport de contrôle budgétaire de notre collègue Vincent Delahaye visait à procéder à une évaluation des stages de récupération de points , dont certains ont pu, ces dernières années, faire l'objet de vives critiques de la part des participants. L'une des réponses au questionnaire budgétaire souligne que le contrôle de ces stages a été considérablement renforcé.

Le contrôle des stages de stages de sensibilisation à la sécurité routière

Le 25 mars 2016, le ministre de l'intérieur a signé une circulaire transmise à l'ensemble des préfets pour engager une vaste campagne de contrôles des centres de stages de sensibilisation à la sécurité routière . Ce dispositif a conduit, pour les années 2016 et 2017, à la réalisation de respectivement 478 et 544 contrôles marquant ainsi une augmentation très importante du nombre de ces procédures . Pour les années précédentes, les nombres de contrôles ont été les suivants : 146 en 2011, 125 en 2012, 99 en 2013, 115 en 2014 et 131 en 2015.

Les contrôles portent à la fois sur le respect des règles relatives à la commercialisation des stages telles que les annulations de dernière minute causant un préjudice aux usagers s'étant inscrits à un stage, mais également sur le respect des règles relatives à l'organisation de la formation tel que le nombre d'animateurs ou la durée du stage .

En cas de dysfonctionnement constaté, la réglementation prévoit des mesures de retrait et de suspension d'agréments. Depuis le 31 octobre 2017, afin de renforcer le caractère dissuasif des sanctions appliquées, le code de la route prévoit que toute mesure de retrait d'agrément - prise en raison d'un manquement aux règles régissant l'exercice de l'activité d'exploitant d'un établissement - prononcée dans un délai inférieur à trois années, interdit à un exploitant d'un tel établissement de solliciter un nouvel agrément.

Globalement, pour les services déconcentrés chargés de ces stages et pour les acteurs de ce secteur d'activité (exploitants d'établissements et animateurs), la campagne de contrôle de ces organismes s'est révélée efficace et a contribué à améliorer les pratiques. La poursuite de ces contrôles, ainsi que l'amélioration des règles d'organisation, et de la qualité pédagogique de ces stages, actuellement étudiées par le ministère de l'intérieur avec les professionnels de cette activité, seront de nature à consolider ces progrès. Au niveau central, un travail partenarial fort entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie et de finances a permis d'engager une meilleure politique de contrôles.

Enfin, une évolution du logiciel professionnel de gestion des activités de formation à la sécurité routière est en cours afin de permettre un meilleur recueil de statistiques concernant notamment les contrôles et les sanctions prononcées en cas de dysfonctionnements.

Source : réponses au questionnaire budgétaire


* 7 Dans le projet annuel de performances (PAP) 2017, le délai moyen d'attente est estimé à 45 jours. Dans le PAP 2018, la « prévision actualisée » est de 57 jours. Dans le PAP 2019, le délai « réalisé » est de 63 jours, soit 18 jours de plus que la prévision initiale. De même dans le PAP 2017, le coût moyen pour 2017 est estimé à 60,7 euros, dans le PAP 2018, la « prévision actualisée » descend à 59,5 euros. Dans le PAP 2019, le coût réalisé est finalement de 61,5 euros, soit un montant supérieur à celui réalisé en 2016.

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