C. LES INCERTITUDES CONCERNANT LE COÛT DU CONTENTIEUX « PRÉCOMPTE MOBILIER »

Le contentieux « Précompte mobilier » découle de la décision de la Cour de Justice des communautés européennes du 7 septembre 2004, dite « Manninen ». La législation finlandaise autorisait l'imputation d'un avoir fiscal pour une société distributrice résidente nationale, mais l'interdisait pour les sociétés non résidentes. La Cour de justice a considéré que cette législation constituait une entrave à la liberté de circulation des capitaux.

En France, la loi de finances rectificative pour 2004 a supprimé l'avoir fiscal et le précompte adossé à ce dernier pour les personnes morales, compte tenu de la similitude de ce dispositif avec la législation finlandaise censurée par la Cour de justice.

Celle-ci s'est ensuite prononcée, dans une décision du 15 septembre 2011, à l'occasion d'une question préjudicielle posée par le Conseil d'État dans le cadre de deux dossiers « pilotes » sur ce contentieux, qui concernaient les sociétés Accor et Rhodia. Elle a alors invalidé le régime français ancien des distributions, mais a néanmoins posé le principe selon lequel la France n'était pas tenue d'accorder un avoir fiscal sans tenir compte du niveau d'imposition réel des bénéfices de source communautaire appréhendés par les sociétés mères françaises. Elle a enfin laissé au Conseil d'État le soin de trancher un certain nombre de questions relatives au quantum du litige. Les décisions rendues par le Conseil d'État le 10 décembre 2012 ont posé des principes relatifs à ce contentieux dans un sens globalement favorable aux intérêts du Trésor, donnant lieu à une contestation auprès de la Commission européenne par les sociétés concernées.

Une procédure en manquement a été engagée contre la France par la Commission européenne. La Cour de justice de l'Union européenne a rendu le 4 octobre dernier sa décision et estimé que la France avait manqué dans ce dossier à ses obligations qui découlent du droit communautaire.

Arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (cinquième chambre) du 4 octobre 2018 C-416/17 - Commission / France (Précompte mobilier)

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1) En refusant de prendre en compte, pour le calcul du remboursement du précompte mobilier acquitté par une société résidente au titre de la distribution de dividendes versés par une société non-résidente par l'intermédiaire d'une filiale non-résidente, l'imposition subie par cette seconde société sur les bénéfices sous-jacents à ces dividendes, alors même que le mécanisme national de prévention de la double imposition économique permet, dans le cas d'une chaîne de participation purement interne, de neutraliser l'imposition qu'ont subie les dividendes distribués par une société à chaque échelon de cette chaîne de participation, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 49 et 63 TFUE.

2) Le Conseil d'État (France) ayant omis de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, selon la procédure prévue à l'article 267, troisième alinéa, TFUE, afin de déterminer s'il y avait lieu de refuser de prendre en compte pour le calcul du remboursement du précompte mobilier acquitté par une société résidente au titre de la distribution de dividendes versés par une société non-résidente par l'intermédiaire d'une filiale non-résidente, l'imposition subie par cette seconde société sur les bénéfices sous-jacents à ces dividendes, alors même que l'interprétation qu'il a retenue des dispositions du droit de l'Union dans les arrêts du 10 décembre 2012, Rhodia (FR:CESSR:2012:317074.20121210), et du 10 décembre 2012, Accor (FR:CESSR:2012:317075.20121210), ne s'imposait pas avec une telle évidence qu'elle ne laissait place à aucun doute raisonnable, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 267, troisième alinéa, TFUE.

Le Gouvernement indique qu'il est à ce stade impossible de chiffrer les conséquences budgétaires précises d'une telle décision qui impose un examen au cas par cas des situations de fait, au regard des éléments de preuve que les sociétés pourront apporter. Pour l'année 2019, seulement 600 millions d'euros de décaissements sont prévus pour les conséquences des contentieux fiscaux importants, dont le contentieux « Précompte mobilier », ce montant pouvant être ajusté par loi de finances rectificative.

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