Rapport général n° 147 (2018-2019) de Mme Christine LAVARDE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 17

INVESTISSEMENTS D'AVENIR

Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

• Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

S'agissant du projet de loi de finances pour 2019

1) La mission « Investissements d'avenir » a été créée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017 , afin d'y faire figurer l'enveloppe de 10 milliards d'euros prévue pour mettre en oeuvre un troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3).

2) Après l'attribution de 1,08 milliard d'euros de crédits de paiement en 2018, le présent projet de loi de finances pour 2019 inscrit 1,05 milliard d'euros de crédits de paiement , ce qui permet de couvrir 21 % des autorisations d'engagement du PIA 3 votées en 2017 et respecte rigoureusement la programmation pour la période triennale 2018-2020.

3) La construction de la trajectoire de l'inscription des crédits de la mission a été réalisée au regard des perspectives globales des finances publiques : la programmation pour la période triennale 2018-2020 (4 milliards d'euros sur trois ans) conduit en réalité à repousser l'effort financier en faveur des investissements d'avenir à la fin du quinquennat .

4) Contrairement à l'année dernière, la priorité est donnée cette année au décaissement de crédits à impact sur le déficit maastrichtien. Seuls 33 % de l'enveloppe totale pour 2019 (soit 350 millions d'euros), correspondent à des prises de participation (fonds propres), qui n'ont pas d'impact maastrichtien.

5) Le choix d'un décaissement progressif des crédits de paiement n'est pas sans conséquence sur le bon déroulement du PIA . L'ouverture progressive des crédits de paiement a créé un effet « stop and go » sur la mise en oeuvre de certaines actions et alourdit la contrainte de gestion des opérateurs.

6) La mise en oeuvre du PIA 3 connaît un démarrage progressif : 86 % des autorisations d'engagement prévues par la loi de finances pour 2017 ont été consommées au 31 septembre 2018. Le reliquat doit être consommé dans les 5 conventions restant à signer entre l'État et les opérateurs. De nombreux appels à projets et appels à manifestations d'intérêt ont d'ores-et-déjà été lancés et ont abouti à la désignation de bénéficiaires.

7) Certaines actions ont été redéfinies . Par exemple, après l'abandon du « plan numérique à l'école » mis en place par le précédent Gouvernement, l'action 7 « Territoires d'innovation pédagogique » du programme 421 a évolué : le lancement des appels à projets sur cette action accompagnerait la mise en oeuvre des réformes du système éducatif et de l'entrée dans l'enseignement supérieur lancées par le Gouvernement.

8) S'il est tout à fait compréhensible que certaines actions financent de nouvelles priorités gouvernementales (certaines actions du programme national pour l'intelligence artificielle par l'action « Programmes prioritaires de recherche » par exemple), il s'agit de veiller à ce que les réorientations d'actions plus substantielles ne conduisent pas à écarter des projets au coeur des enjeux du PIA 3. La réorientation des « territoires d'innovation de grande ambition », dans lequel le « levier PIA » est utilisé dans la politique de relance industrielle territoriale , dont les objectifs apparaissent pourtant assez éloignés des ambitions initiales du PIA 3, constitue un exemple récent de ce biais potentiel.

9) Il importe également de veiller à la bonne articulation du PIA 3 avec d'autres instruments de soutien public déployés dans le cadre du Grand plan d'investissement , à l'instar du fond pour l'innovation et l'industrie (F2I).

S'agissant du contrôle budgétaire sur les avances remboursables dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir

1) Les travaux de contrôle budgétaire menés au premier semestre ont porté sur les avances remboursables : contrairement à un prêt qui est remboursé, et à une subvention qui ne l'est pas, l'avance remboursable n'a pas à être remboursée en cas d'échec du projet . Cette modalité d'intervention financière représente 9 % des 57 milliards d'euros de l'enveloppe des trois programmes d'investissements d'avenir.

2) L'avance remboursable constitue un instrument financier mobilisable à des stades précis de maturation d'un projet ou d'une filière. Plus le champ couvert par l'action du programme se situe en amont de la « chaîne de valeur », plus la priorité est donnée à des instruments subventionnels (dans le domaine de la recherche par exemple). Quand l'action vise l'accompagnement du développement d'entreprises, l'objectif d'un retour financier pour l'État est systématique : en situation risquée, l'intervention en aides d'État est alors privilégiée (subventions/avances remboursables). L'État endosse le risque d'un échec.

3) La place des avances remboursables dans le PIA 3 traduit un changement d'ambition : le PIA 3 comprend moins de crédits d'avances remboursables, aucun crédit de prêt mais comporte davantage de crédits de fonds propres. Les filières ciblées par les PIA ont sensiblement évolué et n'ont plus besoin des mêmes soutiens, dès lors qu'elles se situent à des stades différents de maturation. Or, lorsque les perspectives de rentabilité apparaissant plus évidentes , l'État intervient comme « investisseur avisé » (prises de participation).

4) Contrairement aux prêts, pour lesquels l'opérateur dispose d'une plus large autonomie (financement « de guichet »), l'avance remboursable , qui répond à une logique de « concours » emporte des charges de gestion importantes pour les opérateurs (préparation du cahier des charges, instruction des dossiers, suivi de la valorisation de la créance, organisation des retours financiers vers l'État). Les opérateurs sont donc intéressés aux retours financiers , afin d'inciter au recouvrement.

5) L'avance remboursable est bien accueillie par les PME et les start-up , que le partage de la rémunération du succès est susceptible d'attirer et qui rencontrent parfois des difficultés de financement bancaire. L'entreprise Wandercraft , qui développe le premier exosquelette robotique permettant à un utilisateur de fauteuil roulant de marcher de façon autonome, visitée par le rapporteur spécial, lauréate du Concours mondial de l'innovation et du Concours de l'innovation numérique, offre un exemple particulièrement intéressant de l'intérêt d'une diversité d'outils de soutien public, mobilisables à des stades différents de la maturation d'un projet .

6) Enfin, l'avance remboursable constitue un outil d'intéressement de l'État au succès du projet . Lorsque le remboursement de l'avance dépend de la performance commerciale du projet, l'avance consentie au porteur de projet entraîne un « effet boule de neige » pour l'État : si le projet rencontre un succès commercial, le remboursement comporte une « seconde » tranche à un taux proportionnel au risque pris par l'État.

7) Globalement, les financements comprenant des avances remboursables apparaissent être un outil efficace d'intervention publique . Ils permettent de palier une carence de financement bancaire sur des projets au profil de risque élevé, et constituent une première étape de financement intéressante (phase d'amorçage).

Au 10 octobre 2018, le rapporteur spécial avait reçu la totalité des réponses au questionnaire budgétaire.

I. SOUMIS À UNE FORTE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE, LE PIA 3 CONNAÎT UNE MISE EN oeUVRE PROGRESSIVE

A. UNE MISSION QUI RESPECTE RIGOUREUSEMENT LA PROGRAMMATION TRIENNALE 2018-2020

1. Avec 1,05 milliard d'euros de crédits de paiement prévus pour 2019 ...

Créée dans le cadre de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances initiale pour 2017, la mission « Investissements d'avenir » comporte une enveloppe de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, prévue pour mettre en oeuvre le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), qui s'ajoute aux 47 milliards d'euros des deux précédents programmes. Cette enveloppe est répartie en trois programmes, comme l'illustre le graphique ci-dessous. Dans le sillage des priorités retenues au sein des PIA 1 et 2, ce troisième programme se concentre sur l'enseignement (scolaire et supérieur), la recherche et sa valorisation et l'innovation.

Répartition des autorisations d'engagement du PIA 3 par programmes

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir »

Programmes et actions du PIA 3

(en millions d'euros)

PRIORITÉS

ACTIONS

Subventions/
Avances remboursables

Dotations
décennales

Fonds propres

TOTAL

PROGRAMME 421
« SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

Nouveaux cursus à l'université

0

250

-

250

Programmes prioritaires de recherche

50

350

-

400

Équipements structurants pour
la recherche

200

150

-

350

Soutien des grandes universités de recherche

0

700

-

700

Constitution d'écoles universitaires de recherche

0

300

-

300

Création expérimentale de « sociétés universitaires et de recherche »

-

-

400

400

« Territoires d'innovation pédagogique » dans l'enseignement scolaire

400

100

-

500

Total Programme 421

650

1 850

400

2 900

PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE »

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

50

-

100

150

Fonds national post-maturation « Frontier venture »

0

0

500

500

Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

800

-

700

1 500

Nouveaux écosystèmes d'innovation

80

150

-

230

Accélérer le développement des écosystèmes d'innovation performants

620

-

-

620

Total Programme 422

1 550

150

1 300

3 000

PROGRAMME 423

« ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES »

Soutien à l'innovation collaborative

550

-

0

550

Accompagnement et transformation des filières

500

-

500

1 000

Industries du futur

350

-

-

350

Adaptation et qualification de la main d'oeuvre

100

-

-

100

Concours d'innovation

300

-

-

300

Fonds national d'amorçage n° 2

-

-

500

500

Fonds de fonds « Multi-cap-croissance » n° 2

-

-

400

400

Fonds à l'internationalisation des PME

-

-

200

200

Grands défis

-

-

700

700

Total Programme 423

1 800

0

2 300

4 100

TOTAL

4 000

2 000

4 000

10 000

Source : commission des finances d'après les données du projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir, annexé au projet de loi de finances pour 2019

La mission « Investissements d'avenir » avait pour particularité, en 2017, de bénéficier uniquement de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, sans aucun crédit de paiement . Cette « astuce de budgétisation », identifiée par Albéric de Montgolfier, alors rapporteur spécial de la mission pour l'examen du projet de loi de finances initiale 1 ( * ) , permettait d' éviter que le PIA 3 ne pèse sur le déficit budgétaire .

La loi de finances initiale pour 2018 2 ( * ) a maintenu le PIA 3 et ses principales caractéristiques ( cf. encadré ci-dessous ), tout en l'intégrant dans un « Grand plan d'investissement » (GPI). Ainsi, parmi les 57 milliards d'euros identifiés pour ce plan sur la durée du quinquennat, 10 milliards d'euros restent alloués au PIA 3, qui représente près de 18 % des moyens de financement du « Grand plan d'investissement ».

Parmi les quatre axes identifiés par le « Grand plan d'investissement » (accélérer la transition écologique, édifier une société de compétences, ancrer la compétitivité sur l'innovation et construire l'État de l'âge numérique), la contribution du PIA concerne les secteurs de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Les principales caractéristiques du PIA 3

L'article 134 de la loi de finances initiale pour 2017 a étendu au PIA 3 les règles de gouvernance déjà applicables pour les PIA 1 et 2 à l'article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, tout en lui apportant quelques compléments.

Quatre opérateurs restent mobilisés : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Bpifrance.

60 % de ce PIA doivent également contribuer au développement durable et à la croissance verte (50 % pour le PIA 2). Comme pour les PIA 1 et 2, le Gouvernement attend un effet de levier au moins équivalent à 1. Il sera surtout attendu sur les programmes 422 « Valorisation de la recherche » et 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ».

Les règles budgétaires dérogatoires applicables aux PIA sont également maintenues pour la mise en oeuvre de ce troisième programme. Ainsi, les crédits inscrits ne sont pas soumis à régulation budgétaire et ne peuvent à ce titre faire l'objet de mise en réserve. La gestion des crédits du PIA reste très largement extrabudgétaire puisqu'une fois ouverts, ils sont versés aux opérateurs qui gèrent les actions concernées et procèdent aux décaissements nécessaires. Le versement des crédits aux opérateurs de l'État ainsi que les décaissements de ces derniers vers les bénéficiaires, retenus à la suite d'une sélection, ne sont pas intégrés dans les normes de dépenses (en valeur comme en volume).

Enfin, la mission « Investissements d'avenir » n'a pas fait l'objet d'une lettre de cadrage dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.

Source : commission des finances du Sénat

La mission « Investissements d'avenir » telle que présentée dans le projet de loi de finances pour 2019 reste identique à 2018, tant s'agissant des programmes et actions qui la composent que de la répartition des autorisations d'engagement inscrites.

De même, la répartition entre les différents modes de financement reste inchangée , avec 4 milliards d'euros de subventions ou avances remboursables, 2 milliards d'euros de dotations décennales 3 ( * ) et 4 milliards d'euros de fonds propres (prises de participation).

Toutefois, le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et la Direction du budget ont conjointement réalisé à l'occasion de la conférence de performance, tenue en juin 2018, une refonte des indicateurs relatifs aux trois programmes budgétaires composant la mission « Investissements d'avenir » (cf. infra et annexe).

Alors que 1,08 milliard d'euros de crédits de paiement avaient été inscrits en 2018, représentant 11 % des engagements votés en 2017, le présent projet de loi de finances pour 2019 inscrit 1,05 milliard d'euros de crédits de paiement . Au total, les crédits de paiement représentent 21 % des autorisations d'engagement du PIA 3 votées pour 2017 .

Répartition par programme et par action des crédits de paiement pour 2018 et 2019 et comparaison avec les autorisations d'engagement ouvertes en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Actions

AE 2017

CP 2018

CP 2019

Proportion des AE

Programme 421 Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche

Nouveaux cursus à l'université

250

12,5

12,5

10 %

Programmes prioritaires de recherche

400

20

35

14 %

Équipements structurants pour la recherche

350

0

40

11 %

Soutien des grandes universités de recherche

700

10

35

6 %

Constitution d'écoles universitaires de recherche

300

20

20

13 %

Création expérimentale de "sociétés universitaires et de recherche"

400

50

50

25 %

"Territoires d'innovation pédagogique" dans l'enseignement scolaire

500

30

20

10 %

Total programme 421

2 900

142,5

212,5

12 %

Programme 422
Valorisation de la recherche

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

150

10

10

13 %

Fonds national post-maturation "frontier venture"

500

100

0

20 %

Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

1500

70

330

27 %

Nouveaux écosystèmes d'innovation

230

10

15

11 %

Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants

620

37

78

19 %

Total programme 422

3 000

227

433

22 %

Programme 423
Accélération de la modernisation des entreprises

Soutien à l'innovation collaborative

550

60

84

26 %

Accompagnement et transformation des filières

1 000

25

240

27 %

Industrie du futur

350

0

0

0 %

Adaptation et qualification de la main d'oeuvre

100

25

25

50 %

Concours d'innovation

300

50

55

35 %

Fonds national d'amorçage n° 2

500

250

0

50 %

Fonds à l'internationalisation des PME

200

100

0

50 %

Fonds de fonds "Multicap croissance" n° 2

400

200

0

50 %

Grands défis

700

0

0

0 %

Total programme 423

4 100

710

404

27 %

TOTAL POUR LA MISSION

10 000

1 079,5

1 049,5

21 %

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir » annexé au projet de loi de finances pour 2019

2. La budgétisation 2019 respecte la programmation triennale 2018-2020 annoncée l'an dernier

Cette budgétisation apparaît conforme à la programmation pour la période triennale 2018-2020 , qui prévoit 4 milliards d'euros sur les trois années. Le plafond fixé pour 2019 est strictement respecté.

Répartition par programme des crédits de paiement
sur la programmation triennale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances de la mission « Investissements d'avenir »

Cette programmation pour la période triennale 2018-2020 conduit en réalité à repousser l'effort financier en faveur des investissements d'avenir à la fin du quinquennat . En effet, 6 milliards d'euros de crédits de paiement devront être distribués à compter de 2021 : la construction de la trajectoire de l'inscription des crédits de la mission a été réalisée au regard des perspectives globales des finances publiques .

Néanmoins, contrairement à l'année dernière, la priorité est donnée cette année au décaissement de crédits à impact sur le déficit maastrichtien .

Impact budgétaire des différentes modalités d'intervention du PIA 3

Dette

Déficit budgétaire

Déficit maastrichtien

Subventions

Impact lors du décaissement

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

100 % au décaissement

Dotations décennales

Impact lors du décaissement de chaque fraction annuelle

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

Chaque fraction annuelle de la dotation

Avances remboursables

Impact lors du décaissement

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

100 % au décaissement (impact positif les années de remboursement)

Prises de participation

Impact lors du décaissement

Lors de l'inscription des crédits de paiement en loi de finances

0 % au décaissement, impact si réévaluation ultérieure

Source : commission des finances du Sénat

Alors que les crédits inscrits en 2018 correspondaient pour une large part à des prises de participation (fonds propres), la budgétisation 2019 est marquée par une prépondérance de crédits ayant un impact sur le déficit maastrichtien. 350 millions d'euros sur les 1,05 milliard d'euros de crédits de paiement sont inscrits en 2019 au titre de fonds propres (prises de participation), laissant 700 millions d'euros pour les autres dépenses (subventions, dotations décennales, avances remboursables).

Répartition des crédits de paiement prévus en LFI 2017 et au PLF 2019 par nature

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, ces crédits couvrent, avec ceux de 2018, 28 % des autorisations d'engagement s'agissant des fonds propres, contre 17% des autorisations d'engagement pour les autres modes de financement.

Cependant, comme le soulignait votre rapporteur spécial dans son rapport sur les crédits de la mission dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, sur le triennal 2018-2020 , les crédits de paiement correspondent à quasiment la moitié des autorisations d'engagement relatives à des fonds propres, contre à peine plus du tiers pour les subventions, dotations décennales et avances remboursables .

De manière générale, si votre rapporteur spécial partage l'objectif de maîtrise globale des dépenses publiques , le choix fait par le Gouvernement de lier les décaissements des crédits du PIA 3 aux contraintes budgétaires n'est pas sans conséquence. Le décalage temporel entre le vote des autorisations d'engagement, réalisé en 2017, et le décaissement des crédits de paiement, échelonné sur plusieurs années, n'est pas sans créer des difficultés de mise en oeuvre, y compris en termes de gestion pour les opérateurs.

3. Le choix d'un décaissement progressif des crédits de paiement n'est pas sans conséquence sur le bon déroulement du PIA
a) L'ouverture progressive des crédits de paiement est susceptible de ralentir la mise en oeuvre des actions

Le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) affirme que la trajectoire de décaissement des crédits du PIA 3 a été définie en fonction du retour d'expérience capitalisé sur le rythme de décaissement des PIA 1 et 2, de façon à ce que les décaissements soient suffisants pour couvrir les besoins des futurs lauréats sans rupture de financement.

En pratique, les opérateurs ajustent les engagements aux crédits réellement disponibles sur les comptes au Trésor . Deux conséquences du décalage temporel entre décaissement des AE et des CP ont été évoquées par les opérateurs :

- le problème du « stop and go » qui se pose dans le soutien à certains projets, provoque un décalage avec le rythme de vie des entreprises et expose au risque d' « à-coups » dans la mise en oeuvre du PIA ;

- une frilosité qui les conduit à attendre que les crédits soient disponibles pour finaliser le cahier des charges et lancer l'appel à projets, ou à commencer le financement des actions avec des « tickets » de taille inférieure. Dans le premier cas, un « effet de fenêtre » peut être préjudiciable aux porteurs de projet de qualité, qui ne trouveraient pas d'appel à projets « ouvert » au moment où leur besoin de financement est le plus élevé.

À cet égard, la solution proposée par le SGPI d'une mutualisation temporaire de trésorerie entre plusieurs actions du PIA ne semble pas suffisante : « s'il s'avère qu'un besoin de trésorerie apparaît, en raison par exemple d'un taux de succès à un dispositif supérieur aux attentes, le SGPI peut, de façon dérogatoire, ponctuelle et dans un cadre strictement infra-annuel, autoriser une mutualisation temporaire de trésorerie entre plusieurs actions du PIA 3. Cette souplesse, limitée aux crédits de paiements de l'année alloués à un opérateur, est indispensable pour garantir le financement au moment opportun de tous les projets matures et ainsi soutenir sans les freiner le développement des entreprises prometteuses qui les portent ».

En tout état de cause, les opérateurs ne relèvent pas de difficulté majeure cette année, qui aurait pu résulter de l'ouverture progressive des crédits de paiement.

Toutefois, la gestion tendrait à se complexifier en 2019, car les paiements intermédiaires prévus pour les premiers lauréats des appels à projets du PIA 3 s'ajouteront aux « avances à notification » à verser aux lauréats de nouveaux appels à projets. D'après les informations transmises par l'ADEME, cette contrainte en crédits de paiement a conduit à un aménagement des modalités contractuelles , notamment pour l'action « Concours d'innovation ». Afin d'anticiper la plus forte contrainte en crédits de paiement en 2019, les modalités de versement d'avances à notification ont été modifiées, passant de 15 % du montant total à un montant forfaitaire de 200 000 euros .

b) ... et alourdit les contraintes de gestion pour les opérateurs

Le fait que les crédits de paiement n'aient pas été intégralement ouverts et versés aux opérateurs entraîne une gestion différente et davantage sous contrainte des actions par les opérateurs.

Le versement aux opérateurs des crédits de paiement tels que votés en loi de finances initiale suit un rythme semestriel. En mars, sont versés 100 % des fonds propres et 80 % des crédits maastrichtiens, et, en septembre, le solde des 20 % de crédits maastrichtiens.

D'après les informations transmises par un opérateur, c'est l'échelonnement du versement des crédits de paiement par l'État sur plusieurs années qui entraînerait principalement une perte d'efficacité opérationnelle en imposant, pour chaque famille d'opération et nature de financement (avance remboursable, prise de participation), une prévision, une justification, voire une négociation projet par projet des priorités de paiements. L'opérateur estime l'augmentation des coûts de traitements administratifs entre + 5 % et + 10 % .

L'impact pour les opérateurs n'est pas neutre, le suivi informatique devant désormais faire l'objet d'un pilotage non plus seulement par les engagements mais également par les décaissements pour s'assurer que les décaissements de l'année seront inférieurs ou égaux aux plafonds de crédits de paiement imposés.

4. Une refonte des indicateurs de performance des trois programmes de la mission

Le projet annuel de performance pour 2019 présente une modification importante des indicateurs relatifs aux trois programmes de la mission. D'après le Secrétariat général pour l'investissement, certains de ces indicateurs, élaborés « dans des délais particulièrement contraints, à l'été 2016 », « ne semblaient plus véritablement pertinents car ils étaient étroitement liés aux priorités de la précédente mandature ». Les objectifs de performances sont pourtant maintenus. En outre, d'autres indicateurs « apparaissaient en pratique délicats à documenter ».

Ces modifications, que votre rapporteur spécial appelait de ses voeux au cours de l'examen de l'exécution des crédits de la mission en 2017 4 ( * ) , sont bienvenues, alors même que la maquette précédente présentait un dispositif d'évaluation de la performance pour le moins sommaire, des indicateurs peu renseignés , ainsi que des commentaires techniques, qui ont vocation à expliciter les méthodes permettant d'effectuer les mesures des indicateurs et des sources de données, insuffisamment clairs et détaillés .

Ainsi en était-il de l'indicateur 2.2 rattaché à l' objectif « Intégrer et soutenir la recherche et l'enseignement supérieur » du programme 421, pour lequel aucune donnée chiffrée n'était indiquée dans le rapport annuel de performances pour 2017, si ce n'est la cible de 25 % de publications soutenues par le PIA sur l'ensemble des publications nationales. S'il mesure toujours l'évolution du nombre de publications des structures financées par le PIA, l'indicateur modifié est construit à partir d'une source indépendante - Center for Science and Technologies Studies (CWTS) de l'Université de Leiden - permettant à la fois de mieux identifier la part de la production scientifique issue des IDEX-ISITE, et à une échelle non plus nationale mais internationale. D'après les documents budgétaires, l'évolution de cet indicateur pour 2019 et 2020 est attendue à la hausse. Cette évolution est toutefois loin d'être acquise, à en croire le SGPI, qui relève que le maintien de l'indicateur au même niveau pour ces années traduirait déjà une bonne performance, au regard de l'augmentation de la production académique chinoise dans les publications mondiales les plus citées.

L'utilisation du classement de Leiden pour le calcul des indicateurs

Moins connu que les autres classements internationaux des universités (Shanghai, QS...), le classement produit annuellement par le Center for Science and Technologies Studies (CWTS) de l'université de Leiden distingue les établissements universitaires en fonction du nombre de leurs publications scientifiques parmi les mieux référencées. Il a été retenu comme source des données présentées dans les indicateurs 2.1 (évolution des établissements d'enseignement supérieur français les mieux classés) et 2.2 (évolution de la part de la production scientifique issue des IDEX et ISITE). Le SGPI considère en effet ce classement comme « le plus pertinent ».

Votre rapporteur note toutefois que l'élaboration de ce classement est fondée sur le seul critère bibliométrique alors que d'autres classements internationaux mobilisent davantage de paramètres dans leur construction (formation, conditions d'études, insertion professionnelle, réputation...).

Enfin, le classement de Leiden n'est pas particulièrement « favorable » aux établissements français : d'après un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, en 2016 2,7 % des établissements classés par le CWTS de l'université de Leiden sont français, contre 4,4 % pour ARWU, 3,8 % pour Webometrics, 3,7 % pour QS et 3,4 % pour THE.

Source : Inspection générale des finances et inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, rapport sur « La prise en compte des classements internationaux dans les politiques de site », 2017

La refonte de la maquette de performance aurait utilement pu s'accompagner d'un enrichissement des indicateurs relatifs aux dispositifs de valorisation de la recherche publique financés par le programme 422 . En effet, l'indicateur 1.1 suivant l'évolution de l'activité de ces mêmes dispositifs ne tient compte que de l'évolution du nombre de brevets déposés par les Sociétés d'accélération des transferts de technologies (SATT) et n'a été modifié que pour y ajouter ceux déposés par les Instituts de recherche technologique (IRT) et les Instituts pour la transition énergétique (ITE), auparavant retracés séparément dans un sous indicateur.

Si le nombre de brevets constitue effectivement une référence pertinente, il ne saurait à lui seul suffire à refléter la performance des SATT. Dans son rapport d'information sur les SATT, notre collègue Philippe Adnot, rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » rappelait notamment que deux des quatorze SATT n'ont pas d'activité de dépôts de brevets 5 ( * ) . Par ailleurs, les documents budgétaires pourraient inclure l'évolution du nombre de concessions de licence et de créations de start-ups - ces activités étant communes aux quatorze SATT - afin de mieux rendre compte des progrès du transfert de technologies.

Les indicateurs liés au programme 423 présentent peu de modifications. Parmi les indicateurs précédents, certains figuraient dans les documents budgétaires « pour information » et étaient de facto très peu renseignés. Ils ont été retirés de la maquette de performance pour 2019. Les deux indicateurs relatifs à l'objectif « Soutenir la modernisation des entreprises françaises » ont été remplacés par un nouvel indicateur mesurant l'évolution du nombre de partenaires privés impliqués dans des projets d'innovation collaborative (PSPC).

S'il demeure perfectible, ce renouvellement de la maquette de la performance semble au bout du compte plutôt satisfaisant , dans la mesure où des données précises et des sources fiables sont désormais associées à chaque indicateur, concourant in fine à une meilleure information du Parlement sur le suivi de la performance d'une mission relativement récente 6 ( * ) .

B. UN DÉMARRAGE PROGRESSIF DES ACTIONS DU PIA 3, QUI S'ACCOMPAGNE DE CHANGEMENTS D'ORIENTATION

1. Une montée en charge progressive des actions du PIA 3
a) 27 des 32 conventions entre l'État et les opérateurs ont été signées

Au 31 septembre 2018, 3,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement étaient consommés .

État des lieux de la consommation des autorisations d'engagement du PIA 3

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

5,08 milliards d'euros des 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagements prévus ont été consommés en 2017 (soit 50,8 %). Les 4,92 milliards d'euros d'autorisations d'engagement restant ont été reportés en 2018 dont 3,5 milliards d'euros de report anticipé. 3,5 milliards d'euros ont été consommés à date du 31 septembre 2018, soit au total 86 % des autorisations d'engagement prévues par la loi de finances pour 2017.

Restent donc 1,5 milliard d'euros d'autorisations d'engagement à consommer, qui le seront dans les dernières conventions à signer. D'après le Secrétariat général pour l'investissement, 27 des 32 conventions ont été publiées en 2017 . L'intégralité des conventions devrait être signée d'ici la fin de l'année, ou en 2019 - à l'exception de l'action 09 « Grands défis » du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », pour laquelle aucun crédit de paiement n'est d'ailleurs prévu sur la période 2018-2020 7 ( * ) .

Les conventions restant à signer concernent les actions suivantes :

- l'action « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants », en particulier s'agissant du volet relevant de l'ANR (120 millions d'euros), concernant les instituts hospitalo-universitaires (IHU);

- l'action « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs », qui devrait être finalisée d'ici la fin 2018 (150 millions d'euros) ;

- l'action « Industries du futur » (200 millions d'euros) ; ce conventionnement devrait intervenir d'ici la fin de l'année, mais pourrait se traduire par un redéploiement de crédits vers l'action « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants », afin de permettre à la Caisse des dépôts et consignations de financer le plan « nano 2022 » ;

- l'action « Territoires d'innovation pédagogique », pour un montant de 250 millions d'euros ;

- l'action « Grands défis », d'un montant de 700 millions d'euros, dont les AE feront probablement l'objet d'un report à la fin de l'année 2018 ( cf. infra ).

Un changement d'opérateur est intervenu, pour les actions « Fonds national post maturation - Frontier Venture » du programme 422, dotée de 500 millions d'euros, et « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre - French Tech tickets et diversité » du programme 423, dotée de 15 millions d'euros, désormais opérées par Bpifrance et non plus par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

S'agissant des crédits de paiement, sur les 1,08 milliard d'euros ouverts pour 2018, 998,5 millions d'euros ont été consommés au premier semestre 2018 . Le SGPI a initié fin septembre la consommation de 71 millions d'euros supplémentaires. Les 10 millions d'euros restants, relatifs à l'action « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs » du programme 422 opéré par la Caisse des Dépôts et Consignations, seront consommés en 2018 après la publication de la convention.

b) De nombreux appels à projets et appels à manifestation d'intérêt ont été lancés en 2018

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, de nombreux appels à projets ont été lancés et ont abouti à la désignation de bénéficiaires en 2018 ( cf. annexe ).

Des premières sélections de projets ont été effectuées dans le secteur de l'enseignement et de la recherche ( cf . encadré infra ).

La question de la pertinence du financement de l'action « Créations expérimentales de sociétés universitaires et de recherche », dont l'opérateur est la CDC, mérite d'être posée. L'appel à manifestation d'intérêt (AMI), lancé en mars 2018 pour une durée de cinq ans, vise à renforcer l'autonomie des universités, des écoles ou de leurs regroupements en soutenant les établissements souhaitant expérimenter de nouveaux modes des gestion afin de valoriser leur patrimoine immobilier et immatériel et de diversifier leurs sources de revenus (hôtels d'entreprises, valorisation de collections, vente de produits ou de services issus de la recherche).

Il est prévu que le PIA 3 intervienne en fonds propres ou quasi fonds propres dans des sociétés adossées à des établissements d'enseignement et de recherche publics ou privés à but non lucratif afin de développer ces activités revêtant une dimension stratégique. La part d'investissements privés indépendants dans le projet devra constituer au minimum 30 % du financement.

Or, l'AMI ne comprend pas de crédits d'ingénierie , ce qui pourrait expliquer l'absence de candidature déposée à ce jour (en raison notamment des difficultés pour le public cible à réaliser un business plan , lancer des études de marché, trouver des partenaires).

Exemples de plusieurs appels à projets ayant abouti à la sélection de bénéficiaires dans le domaine de l'enseignement et de la recherche (programme 421)

- Le premier appel à projets relatif aux « Nouveaux cursus à l'université » a débouché en octobre 2017 sur la sélection de 17 projets, qui bénéficieront d'un soutien financier prenant la forme d'une dotation décennale d'un montant global de 150 millions d'euros. Le second appel à projets, lancé en décembre 2017, a permis de sélectionner 19 projets, qui bénéficieront d'un soutien financier également sous la forme d'une dotation décennale d'un montant global de 175,9 millions d'euros.

- Le premier appel à projets des « Programmes prioritaires de recherche », « make our planet great again » (MOPGA), faisant suite à l'Accord de Paris sur le climat de décembre 2015, doté de 30 millions d'euros, a été lancé le 27 septembre à destination des chercheurs ne résidant pas sur le territoire national et désirant développer en France, en collaboration avec des établissements français, des projets de recherche de haut niveau pour faire face au réchauffement climatique. Trois thématiques ont été retenues : sciences du système terrestre, sciences du changement climatique et de la durabilité, transition énergétique. Cet appel à projets est réservé aux candidats préselectionnés par le CNRS sur la base de leurs réalisations scientifiques. Les candidats ont pu proposer un projet d'une durée de 3 à 5 ans, conduit avec un laboratoire français pour un coût complet de 1 million d'euros pour les chercheurs « juniors » et 1,5 million d'euros pour les « seniors », les institutions partenaires prenant en charge la moitié du financement. 32 chercheurs ont été sélectionnés par un jury international en décembre 2017 (18 chercheurs, pour un montant de 11,3 millions d'euros) et avril 2018 (14 chercheurs, pour un montant de 8,3 millions d'euros). D'après les informations recueillies, 30 % des lauréats sont des chercheurs français qui étaient en poste à l'étranger.

- La constitution d'écoles universitaires de recherche (EUR) vise à développer en France le modèle étranger des Graduate schools , en rassemblant formation et recherche dans le cadre d'un domaine scientifique (formations de masters et de doctorats adossés à des laboratoires de recherche de haut niveau), afin de renforcer leur attractivité et leur visibilité à l'international. Dans le cadre de la première vague de l'appel à projets, 29 projets ont été retenus par le jury international en octobre 2017 et bénéficieront ainsi d'une enveloppe globale de 216 millions d'euros prenant la forme d'une dotation décennale. La seconde phase donnera lieu à 2 appels à projets : le premier sera lancé en octobre 2018 et sera réservé aux universités non labellisées IDEX/I-SITE, le second soutiendra en 2019 des EUR dans des IDEX/I-SITE, dans le cadre de l'action « Soutien des grandes universités de recherche ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performance de la mission « Investissements d'avenir »

De nombreux appels à projets ont été lancés dans le domaine de la transition énergétique :

- concernant l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » , l'ADEME a lancé 8 appels à projets thématiques , en début d'année, sur le volet « subventions / avances remboursables » (aides d'État). 13 projets sont actuellement en cours d'instruction, notamment sur les réseaux énergétiques optimisés et les énergies renouvelables 8 ( * ) .

Panorama prévisionnel des appels à projets lancés par l'ADEME sur l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition »
(volet « aides d'État)

Source : ADEME, présentation des appels à projets ADEME du PIA 3, Direction des investissements d'avenir

- s'agissant de l'action « Concours d'innovation », dont l'ADEME est co-opérateur avec Bpifrance, deux « vagues » se succèdent annuellement, regroupant 4 thématiques chacune par opérateur. La première vague, clôturée au printemps dernier, a permis de sélectionner 46 lauréats sur 176 projets déposés, pour un montant total de 11 millions d'euros. La deuxième vague, ouverte depuis le 9 juillet 2018, s'est clôturée le 9 octobre (9 millions d'euros au total) 9 ( * ) .

- en ce qui concerne l'action « Accélérer le développement des écosystèmes d'innovation performants » , le soutien est limité aux projets d'innovation portés par des entreprises implantées en France et exploitant les travaux et résultats issus de laboratoires de recherche publique, ou des structures de valorisation de la recherche dans le domaine des transports et de la mobilité durables . L'appel à projets lancé en janvier dernier se clôture en décembre.

Au 30 juin 2018, 497 millions d'euros étaient engagés sur le PIA 3 .

2. La réorientation de certaines actions du PIA : vers la prise en compte de contraintes étrangères au PIA 3 ?
a) Certaines actions devraient financer de nouvelles priorités gouvernementales

Certaines actions ont d'ores-et-déjà été redéfinies . Ainsi, après le report de l'appel à projets dans le cadre de la création de nouveaux instituts hospitalo-universitaires (IHU) à l'automne 2017, un nouvel appel à projets a donné lieu à la sélection de 2 IHU - et non plus 3 comme prévu initialement -, tandis que l'enveloppe financière allouée n'est plus que de 100 millions d'euros, en lieu et place des 200 millions d'euros prévus initialement.

Cette enveloppe a de nouveau été restreinte à l'issue de l'appel à projets. Si 50 millions d'euros ont effectivement été attribués au lauréat de l'appel à projets, trois autres porteurs de projets ont été désignés IHU-B et bénéficieront chacun de 15 millions d'euros.

Autre exemple : après l'abandon du « plan numérique à l'école » mis en place par le précédent Gouvernement, l'action 7 « Territoires d'innovation pédagogique » du programme 421 a évolué, en ce qui concerne le volet enseignement scolaire.

Deux appels à projets ont été lancés par la CDC, l'un en avril, l'autre en juin 2018, concernant le premier volet de l'action, qui vise à soutenir le développement d'outils et d'actions destinés à améliorer la transition vers les études supérieures, dans le contexte de la récente réforme de l'accès au premier cycle des études supérieures et de la mise en oeuvre de la plateforme « Parcoursup » :

- le premier, intitulé « Dispositifs territoriaux pour l'orientation vers les études supérieures » et doté de 70 millions d'euros, doit encourager la constitution sur les territoires d'écosystèmes de l'orientation fédérant les acteurs de la formation, de l'emploi et du conseil en orientation afin d'aider les élèves dans leur choix pour l'entrée dans l'enseignement supérieur ;

- le second, « MOOC - solutions numériques pour l'orientation vers les études supérieures », doté de 10 millions d'euros, entend développer des outils numériques destinés à améliorer la transition « bac -3 / bac +3 ».

Un appel à projets devrait être lancé prochainement sur le second volet de l'action , consacré à la création de 4 à 6 pôles pilotes de recherche, de formation et de valorisation des meilleures pratiques pédagogiques, afin de répondre à l'enjeu de la formation et du développement professionnel des enseignants. Ces pôles, qui d'après le projet annuel de performance seront financés à hauteur de 30 millions d'euros, seront portés par des universités, en lien avec les écoles, les établissements scolaires, les services académiques et intégreront au moins une école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPE).

Le dernier volet fera l'objet d'un appel à projets dédié au renforcement des campus de métiers et de qualifications les plus innovants, afin de stimuler les coopérations entre formation initiale et continue, emploi, innovation et recherche.

Le lancement des appels à projets sur cette action accompagnerait donc la mise en oeuvre des réformes du système éducatif lancées par le Gouvernement .

D'autres actions seraient susceptibles de financer de nouvelles priorités gouvernementales .

Aussi le projet annuel de performance annexé à la présente mission précise-t-il que l'action « Programmes prioritaires de recherche » devrait contribuer au financement du programme national pour l'intelligence artificielle annoncé par le Président de la République le 29 mars 2018. Il s'agirait de « développer la formation doctorale en intelligence artificielle, de soutenir la création de chaires, et d'identifier 4 à 5 pôles de recherche, de formation et d'innovation autour desquels l'ensemble du potentiel français en matière d'IA aura vocation à s'organiser ». Ces pôles seraient susceptibles d'être labellisés « Instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle » (3IA).

Cette action pourrait également financer en 2019 un programme de recherche en matière d'alternatives aux produits phytosanitaires (30 millions d'euros) et un programme de recherche dans le domaine du sport (20 millions d'euros).

Enfin, le plan de reconversion économique du territoire de Fessenheim, présenté par le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, le 4 octobre 2018, prévoit une participation du PIA 3 au renouveau du tissu industriel du territoire : ainsi, une priorité serait accordée aux projets de transition énergétique localisés à Fessenheim dans les appels à projets du PIA 3 (notamment s'agissant de l'action «  Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition »). On peut s'interroger sur le recours aux fonds du PIA pour financer la reconversion industrielle, le cas de Fessenheim n'étant pas isolé (doit-on envisager demain un soutien au PIA aux territoires touchés par la fermeture d'un site charbonnier ?)

b) D'autres actions sont en cours de réorientation plus substantielle

À ce stade, les actions du PIA 3 n'ont fait l'objet d'aucun redéploiement de crédits. Toutefois, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 pourrait proposer un premier redéploiement concernant 250 millions d'euros de crédits maastrichtiens, depuis l'action « Accompagnement et transformation des filières » du programme 423 (50 millions d'euros) et l'action « Industrie du futur » du programme 423 (200 millions d'euros) opérées par Bpifrance qui seraient redéployés au profit de l'action « Développement des écosystèmes d'innovation performants - Nano » du programme 422 opérée par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) 10 ( * ) .

Certaines actions sont en cours de réorientation importante . Par exemple, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a lancé début 2017 un appel à manifestation d'intérêts (AMI) sur le volet « territoires d'innovation de grande ambition » de l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition », afin de préparer le « cadrage » de l'action et le lancement de futurs appels à projets.

Cet AMI, clôturé en septembre 2017, a permis d'identifier et de sélectionner des projets associant un « haut niveau d'innovation et un écosystème territorial ». Qu'il s'agisse de territoires urbains, ruraux ou mixtes, l'AMI offrait la possibilité d'agréger les actions de différents secteurs (habitat, énergie, déchets, mobilité). 24 projets ont été sélectionnés, auxquels ont été accordés notamment un appui financier en ingénierie, sur la base d'un cofinancement à 50 % de la part du PIA.

La publication de l'appel à projets, prévue au mois de juin 2018, a été retardée en raison de nouveaux arbitrages en cours concernant le cahier des charges. En effet, le Gouvernement souhaite introduire un critère de zonage spécifique tenant compte des récentes annonces du Premier ministre s'agissant des « territoires d'industrie ». Le « plan d'action pour transformer notre industrie par le numérique » , présenté en septembre dernier par le Premier ministre, entend identifier d'ici novembre une centaine de « territoires d'industrie », dont le zonage devrait s'articuler avec la carte des 222 villes du plan « Action coeur de ville ».

Le périmètre des « territoires d'innovation de grande ambition » serait donc recentré sur les territoires d'industrie , soit un zonage assez éloigné de celui qui était initialement prévu. Autrement dit, certains porteurs de projets sélectionnés dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêts ne répondraient pas au cahier des charges du prochain appel à projets.

Le recentrage de l'action sur les « écosystèmes industriels territoriaux » emporte l'utilisation du « levier PIA » dans la politique de relance industrielle territoriale , dont les objectifs apparaissent pourtant assez éloignés des ambitions initiales du PIA 3.

Il convient de rester vigilant quant aux choix opérés, afin de s'assurer que l'intériorisation par le PIA 3 de nouvelles contraintes gouvernementales ne conduise pas à écarter des projets pourtant essentiels .

Enfin, s'agissant de l'action 09 « Grands défis » du programme 423 , pour laquelle aucun crédit de paiement n'est d'ailleurs prévu sur la période 2018-2020, son articulation avec les « grands défis » du F2I (cf. infra ) n'est pas encore totalement aboutie.

Néanmoins, d'après les informations communiquées, l'action bénéficierait avant 2021 d'un redéploiement de 200 millions d'euros de subventions, qui viendraient s'ajouter aux 700 millions d'euros d'autorisations d'engagement en fonds propres.

Cet abondement pourrait être utilisé pour contribuer au financement de la rénovation du Grand Palais. Votre rapporteur spécial ne peut que craindre ce risque de débudgétisation évident et regretter un tel détournement de l'esprit du PIA .

3. L'articulation du PIA3 avec de nouveaux instruments du « Grand plan d'investissement » apparaît fragile

Alors que le PIA 3 constitue une composante du « Grand plan d'investissement » (GPI), votre rapporteur s'est interrogé sur son articulation avec le récent fonds pour l'innovation et l'industrie (F2I), initiative du GPI, dont les contours restent flous.

Ce fonds est financé à partir de l'affectation de 8,5 milliards d'euros de titres et de 1,5 milliard d'euros issus de la vente de participations de l'Etat, qui doivent générer environ 250 millions d'euros de dividendes annuels .

Le F2I s'appuie sur un « conseil de l'innovation », copiloté par la Ministre de l'Enseignement supérieur et le Ministre de l'économie, dont le SGPI est membre et co-secrétaire. Ce conseil décidera annuellement de l'affectation des dividendes générés .

Le tiers environ de ces dividendes, soit environ 70 millions d'euros , constituerait une poche « deep tech » , fléchée vers les start-ups positionnées sur des innovations de rupture technologique.

150 millions d'euros contribueraient au financement de « grands défis de rupture » : entre 4 et 6 grands défis seraient sélectionnés par an par appel à projets. Deux grands défis seraient d'ores-et-déjà identifiés dans le secteur de l'intelligence artificielle : l'un porte sur la certification des algorithmes, l'autre sur les aides de l'intelligence artificielle aux diagnostics de santé.

Les quelques 30 millions d'euros restant seraient dédiés aux nanotechnologies.

Au-delà de la proximité sémantique entre les « grands défis » du PIA 3 et ceux du F2I, votre rapporteur spécial s'inquiète de la proximité du contour des projets que financerait le Fonds pour l'innovation et l'industrie avec les actions soutenues dans le cadre du PIA 3. À ce titre, le SGPI a confirmé que le champ de l'action 09 « Grands défis » du programme 423, pour laquelle aucun crédit de paiement n'est d'ailleurs prévu sur la période 2018-2020, est encore en cours de définition, la priorité ayant été donnée au lancement des « Grands défis » du F2I.

Si le F2I a un champ et une gouvernance distincte du PIA, il s'agit toutefois de veiller à ne pas multiplier les aides à l'innovation déjà nombreuses , sauf à encourir le risque de désorienter les porteurs de projets et de verser dans le « saupoudrage » de l'argent public.

En tout état de cause, la présence du SGPI autour de la table des négociations apparaît indispensable, afin de garantir la cohérence d'ensemble des soutiens apportés à l'innovation .

II. FOCUS SUR UNE MODALITÉ D'INTERVENTION FINANCIÈRE : LES AVANCES REMBOURSABLES

Votre rapporteur a choisi de consacrer ses travaux de contrôle budgétaire du premier semestre 2018 à l'examen des avances remboursables comme modalité d'intervention financière dans le cadre des PIA. Une partie distincte de l'examen des crédits de la mission y est donc consacrée.

A. L'AVANCE REMBOURSABLE, UN OUTIL UTILISÉ À DES STADES SPÉCIFIQUES DU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES

1. « Portrait » des avances remboursables dans les programmes d'investissements d'avenir
a) Les avances remboursables représentent 9 % des 57 milliards d'euros des trois PIA

À titre liminaire, l'avance remboursable constitue l'une des modalités d'intervention financière des PIA : contrairement à un prêt qui est remboursé, et à une subvention qui ne l'est pas, l'avance remboursable n'a pas à être remboursée en cas d'échec du projet .

Synthèse de l'avancement des crédits PIA par nature de financement

(en millions d'euros et en %)

PIA 1,2 et 3

Enveloppe

Engagement

Contractuali-sation

Décaissement

Taux de décaissement

Fonds propres

9 541

4 594

2 918

2 013

21%

Prêts

2 220

2 134

2 134

2 128

96%

Sous-total des crédits non maastrichtiens

11 761

6 728

5 052

4 141

35%

Dotation en fonds de garantie

699

661

661

657

94%

AR

4 866

3 422

3 309

2 343

48%

Subventions

19 421

15 894

15 056

10 848

56%

Dotations décennales

2 000

386

128

-

0 %

Intérêts sur DNC

2 763

Sous-total des crédits maastrichtiens

26 986

20 363

19 155

16 612

62%

Dotations non consommables

18 295

17 512

17 527

0%

Total

57 041

44 603

41 734

20 753

36%

Source : bilan au deuxième trimestre 2018 des financements par opérateur et par action des investissements d'avenir, SGPI

L'examen de la répartition des crédits des trois programmes d'investissements d'avenir ( cf. tableau ci-dessus ) révèle que sur 57 milliards d'euros, près de 4,9 milliards d'euros sont des crédits d'avances remboursables , soit 9 %.

48 % de l'enveloppe de crédits dédiés aux avances remboursables ont d'ores-et-déjà fait l'objet d'un décaissement. Ce taux est nettement inférieur au taux de décaissement des crédits de prêts (96 %), ce qui s'explique très probablement par l'absence d'impact de ces crédits sur le déficit maastrichtien.

b) Cette modalité de financement concerne un nombre important d'actions des trois PIA

Ainsi que l'illustre le tableau ci-après, lorsque le financement d'une action est prévu sous forme d'avance remboursable, celui-ci est systématiquement couplé à un financement par subvention , à l'exception de l'action « Aide à la réindustrialisation » du PIA 1, exclusivement financée par des avances remboursables.

Le poids relatif des avances remboursables et des subventions varie d'une action à l'autre : par exemple, l'action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » du PIA 2 comprend près de 70 % d'engagements sous forme d'avances remboursables, et les subventions sont minoritaires (13 %), tandis qu'elles pèsent pour 34 % du financement de l'action « Recherche hospitalo-universitaire en santé » du même PIA, quand les avances remboursables n'en constituent que 8 %.

c) Les avances remboursables apparaissent peu concernées par les redéploiements de crédits

La nature et le dimensionnement des modalités d'intervention financière sont définis par action lors de la conception du PIA et arrêtés par la loi de finances qui constitue les programmes ( cf. I. 2. ci-dessous ). Or, comme le rappelle le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), « en phase de mise en oeuvre, si l'utilisation des crédits s'avère sous optimale, les fonds peuvent être alloués par redéploiement à une autre action » 11 ( * ) .

Ainsi, les crédits d'avances remboursables ne sont pas épargnés par les redéploiements de crédits, retracés chaque année dans l'annexe au projet de loi de finances relative à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir. Néanmoins, ceux-ci apparaissent peu importants : les redéploiements d'avances remboursables vers des actions en subventions représentent ainsi 150 millions d'euros pour les actions du PIA 1 et à peine 5 millions d'euros pour le PIA 2 12 ( * ) .

Les redéploiements de crédits concernent davantage les prêts. Le « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances pour 2017 mentionne par exemple le redéploiement de 800 millions d'euros de prêts initialement positionnés sur l'action « Développement des réseaux THD » vers divers investissements en fonds propres, via le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ». Le « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances pour 2018 retrace quant à lui le redéploiement de 130 millions d'euros de prêts vers les actions en fonds propres « Multicap croissance » et « Fonds pour la société numérique ».

2. L'avance remboursable constitue un instrument financier mobilisable à des stades précis de maturation d'un projet ou d'une filière

Le choix de la nature des outils financiers mobilisés pour une action, lors de la conception du PIA, dépend principalement du stade de la maturation de la filière dont relève l'action - même si l'on a pu montrer dans la première partie de ce rapport l'importance accordée à l'impact budgétaire des modalités d'intervention financière, tout particulièrement dans la planification ultérieure des décaissements de crédits.

Si l'on évitera de parler de « doctrine d'intervention » de l'État en matière du choix des outils de soutien aux investissements d'avenir, il apparaît néanmoins qu'une ligne directrice guide le choix de l'instrument financier à mobiliser, de façon à ce qu'il corresponde au mieux aux enjeux de la filière concernée par l'action.

Ainsi, plus le champ couvert par l'action du programme se situe en amont de la « chaîne de valeur », plus la priorité est donnée à des instruments subventionnels . Tel est par exemple le cas pour les actions relatives à l'enseignement supérieur ou à la recherche, qui en bénéficient d'ailleurs principalement.

Lorsque l'action du programme vise l'accompagnement du développement d'entreprises , l'objectif d'un retour financier pour l'État , par un intéressement de celui-ci au succès du projet, est systématique.

Dans ce cas, le choix de l'instrument financier dépend du niveau de risque du projet , lui-même fonction « de l'appréciation des instances décisionnelles du niveau de maturité global du produit ou service à développer , du marché et de l'écosystème visé et des bénéficiaires attendus » 13 ( * ) .

Ainsi :

- en situation de risque élevé , l'intervention en aides d'État est privilégiée, afin de pallier une carence de financement bancaire ; celle-ci prend principalement la forme d'un financement combiné de subventions (part minoritaire) et d' avances remboursables (part majoritaire) 14 ( * ) ;

- lorsque les perspectives de rentabilité apparaissent plus évidentes , l'État mobilise alors des instruments proches de ceux des investisseurs privés , tels que les prêts ou les fonds propres, selon une approche d' investisseur avisé . La capacité d'une entreprise à rembourser conditionnant l'octroi d'un prêt, sa maturité est nécessairement plus élevée.

Partant, l'avance remboursable offre pour une jeune pousse un premier financement opportun dans une logique de « levier d'amorçage » , tout en permettant par ailleurs à des entreprises plus développées de lancer des projets qu'elles n'auraient pas initiés sans une avance de l'État. Autrement dit, l' État endosse le risque d'un échec .

Les prêts , destinés à des entreprises plus développées, suivent une logique différente. D'une part, ils peuvent compléter un financement d'ores et déjà apporté par le marché (c'est le cas des « Prêts verts » - cf. encadré infra) . D'autre part, ils permettent de soutenir des projets portés par des entreprises déjà développées, mais qui rencontrent des difficultés de financement bancaire (notamment les « Prêts robotiques » - cf. encadré infra ).

Exemples de prêts dans le cadre des PIA 1 et 2

Les « Prêts verts », actions des PIA 1 et 2, comprennent une enveloppe de 781 millions d'euros au total, dont 640 millions d'euros de prêts, gérés par Bpifrance. Il s'agit de prêts bonifiés, destinés à compléter un financement apporté par le marché , notamment pour les dossiers à faible « valeur de gage » portés par des PME ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ces projets concernent par exemple des investissements dans des procédés consommant moins de matières premières ou d'énergie, ou générant moins de déchets. De façon générale, ils participent également au renforcement de la compétitivité du tissu industriel français, tant par les économies à terme dans les systèmes de production, que par la réponse à l'attente des consommateurs s'agissant de la transition écologique et énergétique.

Les « Prêts robotiques », action du PIA 2 dotée de 360 millions d'euros d'engagement, dont 300 millions d'euros de prêts, soutiennent des projets rencontrant des difficultés de financement bancaire alors qu'ils sont susceptibles de générer des gains de productivité et une diminution de la pénibilité de certaines tâches. Ils financent ainsi l'acquisition d'équipements de production automatisés, comme les robots, afin de faciliter la conception des produits, depuis leur production jusqu'à leur distribution. Ces équipements offrent des éléments de différenciation aux entreprises, ce qui peut renforcer leur compétitivité.

Source : commission des finances, d'après les réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial

3. La construction des programmes et la place des avances remboursables dans le PIA 3 traduisent de réels changements d'ambition

Le PIA 3 comprend moins de crédits d'avances remboursables, aucun crédit de prêt mais comporte davantage de crédits de fonds propres (prises de participation).

Cette évolution découle en partie de la priorité donnée dans le PIA 3 aux crédits n'ayant pas d'impact sur le déficit maastrichtien ( cf. I, A, 2 ), mais des raisons de fond ont également présidé à ce choix : les filières ciblées par les programmes d'investissement d'avenir ont sensiblement évolué depuis le premier PIA et n'ont plus besoin des mêmes soutiens , dès lors qu'elles se situent à des stades différents de maturation.

Répartition des crédits par nature de financement et par PIA

(en euros)

PIA 1

PIA 2

PIA 3

Total

Avances remboursables

2 092 450 000

1 823 092 000

950 000 000

4 865 542 000

Dotation en fonds de garantie

504 000 000

194 516 000

-

698 516 000

Fonds propres

3 445 613 750

2 095 000 000

4 000 000 000

9 540 613 750

Prêts

1 350 000 000

870 000 000

-

2 220 000

Subventions

11 806 472 185

4 564 978 207

3 050 000 000

19 421 450 392

Dotations non consommables

15 030 000 000

3 265 000 000

-

18 295 000 000

Dotations décennales

-

-

2 000 000 000

2 000 000

TOTAL

34 228 535 935

12 812 586 207

10 000 000 000

57 041 122 172

Source : commission des finances, d'après les réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial

Part des avances remboursables et des prêts dans le total des engagements par programme d'investissements d'avenir

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

L'évolution de l'aide apportée par l'État aux filières liées à la transition écologique offre un exemple particulièrement révélateur.

Comme le rappelle le Secrétariat général pour l'investissement, « la révolution énergétique et écologique en cours pose des enjeux forts en matière d'instauration de modèles de croissance durables et robustes. Elle représente aussi un gisement économique majeur et une opportunité pour les entreprises françaises de se positionner et de s'affirmer comme leaders dans le paysage international. Il s'agit de faire émerger, en conditions réelles d'utilisation et selon une approche orientée vers le marché, des technologies permettant d'économiser de l'énergie ou des ressources naturelles et de réduire les émissions de CO 2 , à pouvoir énergétique et usage équivalents » 15 ( * ) .

Le PIA 1 , notamment via l'action « Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte », consacrait une part importante de crédits de subventions et d'avances remboursables au soutien des acteurs de ces filières émergentes , afin de favoriser leur structuration. L'accompagnement visait ainsi principalement l'acquisition de compétences techniques, méthodologiques et commerciales.

Au regard de l'évolution de la maturité de ces filières , l'État intervient désormais dans le PIA comme investisseur avisé, en fonds propres et quasi fonds propres, dans des démonstrateurs technico-économiques de premières unités commerciales.

L'architecture des programmes du PIA 3 , de l'amont (enseignement supérieur, recherche) à l'aval (soutien des entreprises) témoigne également du souci de structurer le soutien en fonction de la maturité des filières.

Nature des outils de financement par programme du PIA 3

(en %)

Subventions / AR

Dotations décennales

Fonds propres

Programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche »

22%

64%

14%

Programme 422 « Valorisation de la recherche »

52%

5%

43%

Programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

44%

0 %

56%

Source : commission des finances du Sénat

Le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » du PIA 3 est constitué de 1,8 milliard d'euros d'aides d'État - dont 700 millions d'euros d'avances remboursables -, mais surtout de 2,3 milliards d'euros de fonds propres, ce qui représente 56 % des crédits du programme.

Ainsi, au-delà des effets sur le déficit maastrichtien, l'évolution majeure de structuration du PIA 3 par rapport aux précédents programmes traduit le changement d'échelle de l'ambition poursuivie , qui vise désormais à transformer les PME prometteuses du tissu économique français en entreprises de taille intermédiaire (ETI) rayonnant à l'international.

B. SI LE CHOIX D'UNE INTERVENTION SOUS FORME D'AVANCE REMBOURSABLE NE DÉPEND PAS DES PARTIES PRENANTES, IL PRÉSENTE DES AVANTAGES TANT POUR L'OPÉRATEUR QUE POUR LE BÉNÉFICIAIRE

Le choix de la nature des outils financiers mobilisés pour une action dépend principalement du stade de la maturation de la filière ou du secteur dont relève l'action et du profil de risque du projet ( cf. supra ). Ainsi, comme le reconnaît le Secrétariat général pour l'investissement, « les critères déterminant les natures de financement sont indépendants des contraintes qu'elles entraînent sur les différentes parties prenantes » 16 ( * ) .

Or, le choix d'une intervention sous forme d'avance remboursable emporte des conséquences sur les modalités de gestion par les opérateurs. Surtout, l'avance remboursable présente des avantages pour son utilisateur final : le bénéficiaire.

1. Les prêts et les avances remboursables emportent des modalités de gestion différentes pour les opérateurs

De manière générale, la mise en oeuvre des programmes d'investissement d'avenir engendre une activité supplémentaire loin d'être anodine pour les opérateurs . Toutefois, cette activité varie dans sa nature selon les modalités d'intervention financière prévues pour l'action dont l'opérateur a la charge.

Seuls deux opérateurs des PIA interviennent sous forme de prêts : la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Bpifrance. L'ADEME n'intervient pas sous forme de prêt car elle n'a pas le statut de banque. Au surplus, une intervention par voie de prêts ne répondrait pas à la logique des soutiens apportés par l'ADEME : un tel soutien ne permettrait pas de partager le risque avec les industriels et, partant, serait peu adapté pour financer des projets de recherche et développement (R&D) parfois risqués.

D'abord, l'organisation des financements des porteurs de projets n'est pas la même pour les opérateurs , selon que les financements comprennent des avances remboursables ou des prêts.

Organisation de l'attribution des financements de projets comprenant des avances remboursables et des prêts

S'agissant des avances remboursables , l'organisation est la suivante :

- le cahier des charges des appels à projets est proposé par l'opérateur chargé de l'action, en lien avec le comité de pilotage interministériel (COPIL) constitué et in fine validé par le SGPI ;

- le lancement, la gestion de l'appel à projets et l'instruction des projets des candidats sont réalisés par l'opérateur . Une première présélection des projets est réalisée par le COPIL et permet notamment à l'opérateur de s'informer auprès des différents membres, afin de déterminer l'avis final de financement ;

- la décision de financement est prise par le Premier ministre (ou le Secrétaire Général pour l'investissement par délégation de signature), sur proposition du SGPI et avis du COPIL.

S'agissant des prêts , l'organisation est la suivante :

- le contrat type de prêt est validé par le SGPI, sur proposition de l'opérateur ;

- l'opérateur s'assure de la conformité des prêts aux objectifs et aux conditions de la convention signée au titre de l'action entre l'État et l'opérateur et décide du financement, sauf dans le cas où des difficultés d'appréciation de l'éligibilité sont rencontrées, auquel cas le SGPI est saisi ;

- les prêts, octroyés sur décision d'engagement de crédits de l'établissement bancaire, sont portés intégralement à son bilan. Ils sont ensuite garantis, généralement à hauteur de 80%, par le fonds de garantie financé par le PIA ;

- le COPIL se réunit au minimum une fois par an pour faire le suivi de l'activité et du déploiement des crédits et des indicateurs de performance.

Source : commission des finances, d'après les réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi, l'opérateur dispose d'une plus large autonomie lorsque les actions dont il a la charge sont financées par voie de prêts . Dans la mesure où il s'agit d'un financement dit « de guichet » , il décide seul du financement, s'appuyant pour ce faire sur des critères de sélection et montants définis dans la convention signée au titre de l'action entre l'Etat et l'opérateur et précisés dans la convention de mise en oeuvre signée entre l'opérateur et la direction générale du Trésor.

Les avances remboursables , aides d'État au même titre que les subventions, répondent quant à elles à une logique de « concours », car « seuls les meilleurs projets sont sélectionnés à l'issue d'une procédure ouverte, sans qu'il y ait une enveloppe de financement prédéfinie consacrée au dispositif » 17 ( * ) .

Il est à noter que le cahier des charges des appels à projets ou de l'appel à manifestation d'intérêts fixe généralement des tailles minimales de projet, afin de pouvoir garantir des « retombées socio-économiques notables ». En revanche, « il n'y a pas de taille maximale de projets (et a fortiori d'aide), les démonstrateurs les plus ambitieux pouvant aussi être les plus prometteurs » 18 ( * ) .

Au-delà de la préparation du cahier des charges et de l'instruction des dossiers de demandes des candidats , l'opérateur en charge d'une action comportant des crédits d'avances remboursables (qui constituent des crédits rémunérateurs, au même titre que les subventions avec intéressement et les fonds propres), doit assurer le suivi de la valorisation de la créance et organiser les retours financiers vers l'État ( cf. infra ).

Exemple du suivi de portefeuilles d'avance remboursables par l'ADEME

Les aides d'État, dont les avances remboursables, sont instruites par la direction des investissements d'avenir de l'ADEME, composée de chefs de projets, ainsi que par la direction technique (direction exécutive des programmes).

L'attribution d'avances remboursables nécessite un suivi du portefeuille des projets financés régulier, et dans la durée . L'activité d'opérateur dans le cadre des PIA n'emporte pas seulement des activités de financement, au cas par cas pour évaluer la proximité du projet au marché, mais aussi de suivi de projets et d'organisation des retours financiers. Pour cela, l'ADEME fait a minima un point annuel des projets en portefeuille afin de déterminer l'avancée de chaque projet, le respect des dispositions contractuelles ainsi que les perspectives de commercialisation déterminant le niveau des retours financiers attendus par l'État.

Source : informations transmises par l'ADEME au rapporteur spécial

La gestion des financements par voie d'avances remboursables et de leur suivi induit donc une organisation spécifique pour l'opérateur .

À titre d'exemple, tous les projets financés dans le cadre du PIA par l'ADEME font l'objet de financements par voie d'avances remboursables (soit exclusivement en avances remboursables, soit via un mix subvention et avances remboursables) - à l'exception des « Initiatives PME » (IPME) pour la transition énergétique et écologique pour lesquelles l'intervention se fait exclusivement par voie de subvention. En conséquence, la direction des investissements d'avenir de l'ADEME compte une trentaine de personnes et globalement, ce sont une soixantaine d'équivalents temps plein travaillés qui interviennent.

Ces activités de gestion supplémentaires emportent deux conséquences :

- dans la mesure où il serait coûteux de consentir des montants d'avances remboursables trop faibles, le montant d'avances remboursables attribué doit pouvoir être mis en cohérence avec les frais de gestion nécessaires pour en assurer le suivi ;

- les frais de gestion attribués aux opérateurs dans le cadre des investissements d'avenir doivent refléter cette période de travail et de suivi sur de nombreuses années.

D'une part, s'agissant du seuil minimal d'avance remboursable, le SGPI assure que « ce point de vigilance a bien été identifié, et a conduit à ne pas attribuer d'avances remboursables d'un montant faible ».

D'autre part, en ce qui concerne les frais de gestion, le SGPI précise que les opérateurs « bénéficient d'une enveloppe de financement spécifique , supportée par le PIA, pour couvrir les coûts additionnels, tant internes ( frais de gestion ) qu'externes (expertises ponctuelles), amenés par ces responsabilités et d'un intéressement aux retours financiers pour les inciter au recouvrement », intéressement confirmé par les opérateurs rencontrés par le rapporteur spécial.

L'intéressement de l'opérateur au recouvrement varie naturellement selon l'instrument financier et le type d'action. Par exemple, s'agissant des aides à l'innovation, Bpifrance perçoit une rémunération forfaitaire, fonction du nombre d'opérations soutenues. Alors que l'ADEME percevait 5 % de l'enveloppe reversée à l'Etat, la convention entre l'opérateur et l'ADEME dans le cadre du PIA devrait acter une légère diminution de cet intéressement .

La contrainte de gestion que présentent les avances remboursables pour les opérateurs apparaît contrebalancée par un intéressement de l'opérateur, qu'il s'agit de maintenir afin d'assurer la pérennité des retours financiers à l'État .

2. L'avance remboursable, une modalité d'intervention plutôt bien accueillie par les entreprises comme « première étape » d'accompagnement au développement

Comptablement, les avances remboursables sont inscrites au bilan comme une dette pour l'entreprise, ce qui peut rebuter certaines grandes entreprises, disposant par ailleurs souvent de trésorerie pour financer leur projet, ou pouvant s'endetter à moindre coût.

L'avance remboursable est toutefois généralement bien accueillie par les PME et les start-up , que le partage de la rémunération du succès est susceptible d'attirer et pour lesquelles le financement bancaire relève parfois d'une gageure.

Dans le cadre de son contrôle budgétaire, votre rapporteur spécial a rencontré les dirigeants de l'entreprise Wandercraft , qui développe le premier exosquelette robotique permettant à un utilisateur de fauteuil roulant de marcher de façon autonome, sans béquille.

Cette entreprise, fondée en 2012, offre un exemple particulièrement parlant de l'intérêt d'une diversité d'outils de soutien public, mobilisables à des stades différents de la maturation d'un projet.

Wandercraft a réalisé une première levée de fonds en 2013, sur la base du seul concept de l'exosquelette, avant d'être lauréat de l'ambition « Silver economy » de la première phase du Concours Mondial d'Innovation en 2014. Les dirigeants affirment que cette aide à l'amorçage a accéléré le développement de leur prototype.

Le « Concours mondial d'innovation »
des programmes d'investissements d'avenir

Le Concours mondial d'innovation, lancé fin 2013, a pour objectif de favoriser le développement et la croissance d'entreprises porteuses d'innovations majeures et de rupture.

La Commission « Innovation 2030 » a ainsi sélectionné des projets innovants portant sur 7 ambitions, en partenariat avec le SGPI (anciennement CGI) et Bpifrance.

Le Concours mondial d'innovation est articulé en 3 phases répondant aux besoins de financement d'entreprises innovantes selon leur stade de développement :

- la phase 1 (amorçage) a permis de sélectionner une centaine de projets au stade amont de leur développement. Dédiée à « l'amorçage » elle se traduit par l'octroi de subventions aux lauréats pouvant atteindre jusqu'à 200 000 euros . 182 projets à fort potentiel ont été sélectionnés.

- la phase 2 (accompagnement), ouverte en septembre 2014, vise à accompagner les projets les plus prometteurs dans la phase de « levée des risques », avec des travaux de recherche et développement nécessaires au développement de produits, procédés ou services non disponibles sur le marché et à fort contenu innovant . Elle permet aux lauréats de bénéficier d'aides sous formes de subventions et d'avances remboursables pouvant s'élever jusqu'à 2 millions d'euros . 35 projets d'innovation majeure ont été identifiés.

- la phase 3 (développement) consiste à soutenir au plus près une ultime sélection de projets et à accompagner les lauréats en capital-risque vers les stades de l'industrialisation et de l'internationalisation . Les interventions se feront principalement en fonds propres et éventuellement en quasi fonds propres, sous des formes adaptées aux besoins de financement des projets accompagnés. Les tickets d'investissement sont, en règle générale, compris entre 2 et 20 millions d'euros pour des prises de participations systématiquement minoritaires.

Source : commission des finances du Sénat d'après le site internet de Bpifrance

En 2016, avec la troisième version de son exosquelette, Wandercraft a remporté la quatrième édition du Concours d'innovation numérique (CIN) , récompensant des projets d'innovation portés par des start-up utilisant le numérique pour apporter des réponses disruptives dans des domaines émergents. Le PIA finance à hauteur de 45 % les dépenses de R&D des projets présentés par les entreprises, à moitié sous forme de subvention, l'autre par avance remboursable. Wandercraft a bénéficié d'une aide qui a permis de lancer le développement d'une nouvelle version de l'exosquelette plus adaptée à l'environnement réel.

D'après les personnes rencontrées, ce concours a permis à l'entreprise de gagner en crédibilité auprès des investisseurs et de faciliter ses levées de fonds.

Wandercraft a enfin remporté la troisième phase du Concours Mondial d'Innovation en 2017 avec la quatrième version de son exosquelette. L'entreprise a été accompagnée dans sa levée de fonds de 15 millions d'euros organisée à la fin de l'année 2017 par le « Fonds PSIM » (programme de soutien à l'innovation majeure) : crée en juin 2017 et doté de 150 millions d'euros dans le cadre des PIA, géré par Bpifrance, il intervient exclusivement auprès des entreprises lauréates du Concours Mondial d'Innovation et investit des tickets compris entre 2 et 20  millions d'euros.

Alors que la cinquième version est actuellement déployée dans deux centres de soins en France, Wandercraft travaille désormais sur la sixième version de l'exosquelette. L'objectif de l'entreprise est désormais de produire cet exosquelette « environnement réel » à un prix comparable à celui d'un fauteuil électrique très haut de gamme.

Le suivi sur la durée, opéré par Bpifrance au travers du PIA 2 , depuis la création de l'entreprise jusqu'au développement de la derrière version de l'exosquelette, offre à Wandercraft un gage de fiabilité sur le produit développé par l'entreprise.

Par ailleurs, les outils de soutien public dont a bénéficié l'entreprise ont contribué à sa structuration , en offrant une première étape de financement par le biais de subventions et d'avances remboursables, dans une optique de levier d'amorçage. Désormais au capital de l'entreprise, l'État intervient comme investisseur avisé en capital risque , alors que l'entreprise s'apprête à développer de premières unités commerciales de son produit.

Contrairement aux idées reçues, la multiplicité des outils de soutien disponibles via les PIA ne « désorientent » pas les porteurs de projets. Les start-up dans l'innovation ont compris l'intérêt des aides publiques dans leur projet de développement : les prix tels que le CMI ou le CIN facilitent la levée de fond, et le principe du cofinancement par l'État incite les entreprises à participer à des appels à projets dans le cadre des PIA afin de compléter les fonds levés a minima à hauteur de 50 %.

C. UN OUTIL D'INTÉRESSEMENT DE L'ÉTAT PARTICULIÈREMENT RECHERCHÉ MAIS UNE ÉVALUATION DES RETOURS FINANCIERS DIFFICILE POUR LE PARLEMENT

1. Un intéressement conséquent pour l'État, qui justifie une prise de risque importante

L'avance remboursable constitue un outil de partage du risque avec le bénéficiaire et d'intéressement de l'État au succès du projet. Contrairement à un prêt, le remboursement des avances remboursables est conditionné au succès de l'opération .

D'un point de vue strictement financier, l'avance remboursable semble donc plus risquée et potentiellement moins avantageuse pour l'État qu'un simple prêt, remboursé par le porteur du projet quelle que soit l'issue du projet (échec ou réussite). En réalité, le retour financier sur succès commercial est plutôt recherché par l'État, pour deux raisons :

- l'avance remboursable offre l'occasion d'accompagner le risque du projet tout en couvrant également, de façon plus large, le risque technique et le risque commercial ;

- elle est susceptible de fournir une assise à des versements complémentaires permettant à l'État d'être rémunéré du risque couvert.

Concrètement, les critères et les seuils de déclenchement du remboursement sont établis par l'opérateur lors de l'instruction des projets . Le succès du projet est ainsi mesuré par le franchissement d' étapes clés et de jalons du projet ( cf. encadré infra ). L'évaluation du risque en termes commerciaux, technologiques, règlementaires et organisationnels est également appréciée par l'opérateur au moment de l'instruction des dossiers 19 ( * ) . L'analyse complète de la rentabilité du projet est mise à disposition des instances décisionnelles lors de la présentation du dossier pour financement.

Détermination des modalités de remboursement des avances

Le remboursement des avances repose sur des éléments « déclencheurs », liés soit à l'avancement technique du projet et/ou au franchissement d'un seuil à l'issue du projet. En pratique :

- si l'instruction du projet ne permet pas de déterminer une réalisation commerciale sur la base de critères objectifs, transparents et vérifiables (comme un nombre d'unités produites, un chiffre d'affaires), le remboursement est intégralement fondé sur l'avancement du projet , au taux de base fixé par la Commission européenne 20 ( * ) en vigueur à la date d'avis favorable du Comité de pilotage, majoré d'une faible marge (de l'ordre de 100 points de base). L'avance remboursable est dite « à échéances fixes sur succès ou avancement du projet ». Le montant remboursé ne peut être supérieur au montant avancé ( cf. infra ).

- si l'instruction permet de déterminer une réalisation commerciale , le remboursement se fera en deux tranches , la première étant représentative d'un succès technique du projet (avancement du projet ou début de commercialisation) au taux précédent, la seconde devant être représentative d'un succès commercial , à un taux supérieur et proportionnel au risque pris par l'État (de 400 à 600 points de base ). Ce succès « post projet » est mesuré par la réalisation d'unités d'oeuvre, c'est-à-dire tout revenu ou unité physique généré directement ou indirectement par le projet.

Source : commission des finances du Sénat, d'après plusieurs appels à projets de l'ADEME

Lorsque le remboursement de l'avance dépend de la performance commerciale du projet, l'avance consentie au porteur de projet entraîne un « effet boule de neige » pour l'État . En effet, si le projet rencontre un succès commercial, le remboursement comporte une « seconde » tranche (ou « versement complémentaire »), à un taux proportionnel au risque pris par l'État.

Le financement de l'Airbus A350 par l'État offre un exemple très parlant de cet « effet boule de neige ». Le remboursement de l'avance (1,24 milliard d'euros), qui s'inscrit sur une période longue (supérieure à quinze ans) prend la forme d'un remboursement unitaire par appareil livré , avec un taux de redevance (appliqué sur la part française de chiffre d'affaires réalisé) croissant en fonction du nombre d'appareils effectivement livrés . Une fois le remboursement de l'avance remboursable et des intérêts constaté, l'État reste intéressé aux performances commerciales d'Airbus grâce à une redevance adossée à la part française du chiffre d'affaires, plafonnée en durée et en taux de retour.

L'intéressement financier pour l'État d'une avance remboursable est nettement supérieur à celui offert par un « prêt » classique , même si l'ensemble des entreprises bénéficiaires deviennent défaillantes et se retrouvent en défaut de paiement. Par exemple, dans le cadre de l'action « Prêts verts » du PIA 2, 340 millions d'euros ont été prêtés à Bpifrance et seront retournés à terme à l'État.

Le fonds de garantie dans le cadre des prêts PIA

Pour les actions sous forme de prêt, juridiquement, un seul prêt est fait à l'opérateur, dont les conditions de remboursement ne dépendent pas des conditions de remboursement par les entreprises à l'opérateur.

Les prêts de l'État à l'opérateur seront retournés à terme à l'État, même si les entreprises bénéficiaires sont en défaut de paiement. Le risque de défaillance du bénéficiaire final est couvert par la mise en place d'un fonds de garantie. Ainsi, les pertes s'imputent à hauteur de 80 % sur le fonds de garantie mis en place, tant que ce fonds de garantie n'est pas épuisé. L'opérateur (BpiFrance, par exemple) porte donc une partie du risque sur son propre bilan, à hauteur de 20 % du risque jusqu'à épuisement du fonds de garantie (et des fonds liés), puis 100 % après épuisement de ce fonds.

Dans tous les cas, l'État se voit restituer l'intégralité des prêts : les retours au budget de l'État, le principal comme les intérêts, se fait annuellement au rythme des perceptions.

Source : réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial

L'avance remboursable constitue donc un outil d'intervention financière à mi-chemin entre le prêt (remboursement total) et la subvention (aucun intéressement pour l'État), mais paraît plus proche de la prise de participation, dès lors que l'intéressement de l'État est conséquent lorsque le projet réalise de belles performances commerciales .

2. Le suivi parlementaire des retours financiers pour l'État est particulièrement complexe

Les retours financiers, par action, des deux premiers programmes d'investissements d'avenir, réalisés et prévisionnels, sont présentés annuellement au Parlement au sein d'une annexe au projet de loi de finances relative à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir.

La partie de ce rapport dédiée aux retours financiers présente un tableau de synthèse des retours par action difficilement exploitable par le Parlement , pour plusieurs raisons :

- ce tableau présente uniquement les retours « financiers » : seule la rémunération des actifs est retenue (intérêts de prêts par exemple), alors qu'une vision budgétaire nécessiterait de retenir l'ensemble des recettes du budget de l'État, soit les retours financiers et les recettes tirées du remboursement du capital d'un prêt ;

- par ailleurs, sont intégrés les « retours d'ordre socio-économique » pour les actions relatives à l'enseignement supérieur et à la recherche, ou encore des retours « en termes de valorisation de la propriété intellectuelle », sans que ne soit explicitée la méthode de chiffrage et d'évaluation de ces retours ;

- ce tableau agrège par action les retours financiers générés, de sorte qu'il est impossible de chiffrer précisément les retours par nature d'outil d'intervention . Autrement dit, seuls les opérateurs sont en mesure de chiffrer les retours du « principal » et des intérêts reversés chaque année au budget général au titre d'une modalité d'intervention particulière (par exemple les avances remboursables).

Votre rapporteur spécial souligne la très faible lisibilité pour le Parlement des retours financiers pour l'État du soutien aux investissements d'avenir.

Le rapport propose également une évaluation des retours financiers par action, sans qu'il soit possible d'isoler les retours par nature d'intervention financière.

Ainsi, il n'a pas été possible de chiffrer précisément les retours financiers générés par les crédits d'avances remboursables sur les deux premiers programmes d'investissement d'avenir .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 octobre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé , président, la commission a examiné le rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur la mission « Investissements d'avenir » et a entendu une communication sur son contrôle budgétaire sur les avances remboursables dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - La mission « Investissements d'avenir » a été créée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017, afin d'y faire figurer l'enveloppe de 10 milliards d'euros au titre des autorisations d'engagement (AE) pour mettre en oeuvre le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3). Toutefois, aucun crédit de paiement (CP) n'était inscrit. Après avoir attribué au PIA 3 1,08 milliard d'euros de CP en 2018, le projet de loi de finances pour 2019 continue sur la même lancée, avec 1,05 milliard d'euros de CP. L'effort budgétaire en faveur des investissements d'avenir est reporté à la fin du quinquennat : à peine 21 % des CP de l'ensemble de la mission sont inscrits pour la période 2018-2019.

Cette mission présente la spécificité d'avoir des crédits budgétaires ayant un impact sur le déficit maastrichtien et d'autres qui n'en ont pas. La majorité des crédits inscrits en 2018 ne pèsent pas sur ce déficit. La budgétisation 2019 est marquée au contraire par une prépondérance de crédits ayant un impact sur le déficit maastrichtien. 350 millions d'euros sur les 1,05 milliard d'euros de crédits de paiement sont inscrits au titre de fonds propres (prises de participation), laissant 700 millions d'euros pour les autres dépenses (subventions, dotations décennales, avances remboursables).

Par ailleurs, la réalisation de cette mission est confiée à quatre opérateurs de l'État : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

En 2018, les conventions ont été signées entre les opérateurs et l'État ; cinq conventions sont encore à signer, ce qui explique que l'ensemble des AE n'aient pas encore été consommées - 86 % des AE l'ont été.

La maquette budgétaire demeure identique à celle qui a été créée par la loi de finances initiale pour 2017. Un changement d'opérateur est intervenu, pour les actions « Fonds national post maturation - Frontier Venture » du programme 422 et « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre - French Tech tickets et diversité » du programme 423, désormais opérées par Bpifrance et non plus par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Il est possible que la loi de finances rectificative pour 2018 prévoie un transfert de 250 millions d'euros de crédits. On note toutefois une évolution dans les actions financées : le PIA 3, créé sous le précédent gouvernement, a été inclus par le Gouvernement dans l'enveloppe consacrée au Grand Plan d'investissement. Certaines des priorités ont été réorientées, notamment dans le domaine de l'enseignement : le « plan numérique à l'école » a été abandonné au profit du développement des MOOC , outils numériques destinés à améliorer la transition « bac - 3 / bac + 3 ». On observe le recours au PIA pour financer de nouvelles politiques du Gouvernement ; je pense en particulier à l'intelligence artificielle, qui fera l'objet de programmes de recherche, à un programme de recherche dédié au sport dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques ou à un autre programme concernant les alternatives aux produits phytosanitaires. Néanmoins, on peut s'interroger sur la pertinence de mobiliser le PIA 3 pour financer certains enjeux. Par exemple, le recours au PIA 3 pour participer au financement de la reconversion industrielle du site de Fessenheim pose question. Qu'en sera-t-il demain avec les sites charbonniers appelés à fermer ?

Nous avons noté avec satisfaction le renforcement des indicateurs de performance. La refonte de la maquette pour le projet de budget pour 2019 devrait apporter une meilleure information du Parlement.

La seconde partie du rapport porte sur le contrôle budgétaire réalisé sur les avances remboursables. Cette modalité d'intervention financière existait déjà pour le PIA 1 et le PIA 2 ; elle se situe à mi-chemin entre la subvention et le prêt. Les porteurs de projets qui bénéficient de ce dispositif doivent rembourser la somme qui leur a été allouée en cas de réussite. Ce dispositif est utilisé dans le cadre du PIA 3, car de nombreuses actions visent à accompagner les entreprises, les PME, les start-up dans leur phase de développement. Je prendrai l'exemple d'une start-up que j'ai visitée, située à Paris, ayant bénéficié d'avances remboursables, qui fabrique des exosquelettes, un domaine totalement novateur, en vue de faire marcher seules dans la rue des personnes qui, aujourd'hui, ne peuvent se déplacer qu'en fauteuil roulant.

Dans ces conditions, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits de cette mission.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'année dernière, nous avions identifié un risque de débudgétisation dans la mesure où ces crédits ne sont pas soumis à la norme de dépenses. Il peut être très tentant pour les administrations de prévoir des investissements qui ne sont pas des investissements d'avenir ; je pense à l'exemple du Grand Palais, dont les travaux de rénovation pouvaient être financés par le PIA 3. Avez-vous identifié certaines dépenses dont l'objet serait très éloigné des investissements d'avenir ? Par ailleurs, comment combine-t-on ces aides avec les règles européennes relatives aux aides d'État ? Notifie-t-on chaque programme à la Commission européenne ?

M. Jean-François Rapin . - A-t-on une idée des modalités d'extinction du PIA 1 et du PIA 2 ? Des crédits sont-ils encore en cours ? Comment seront-ils répartis à l'avenir ? Seront-ils reventilés ou reportés sur le PIA 3 ?

Au regard des différentes missions, notamment de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dont je suis rapporteur spécial, il est très difficile de définir les crédits dévolus à l'intelligence artificielle : certains sont inscrits dans des programmes de la mission précitée, d'autres le sont au titre du PIA. La commissaire européenne au numérique a évalué tous fonds confondus en Europe la levée de fonds nécessaire pour aboutir et espérer pouvoir rivaliser avec les États-Unis et la Chine à 20 milliards d'euros. Avec 1,5 milliard d'euros, peut-on considérer que les crédits prévus sont suffisants ?

M. Claude Raynal . - Je remercie Mme le rapporteur spécial de son exposé synthétique et complet. D'une enveloppe de 35 milliards d'euros pour le PIA 1, nous sommes passés à une enveloppe de 10 milliards d'euros pour le PIA 3. Comme vous l'avez souligné, il faut veiller à ce que les projets n'aient pas un lien très limité avec les investissements d'avenir.

Il ne faut pas penser, comme cela a été le cas pour le PIA 2, que certains projets ayant bénéficié de financements importants ne doivent plus être financés ; je pense à la recherche relative à l'avionique ou l'aéronautique. Ce serait une erreur totale. La France a une position essentielle dans certains domaines, et il faut poursuivre les efforts en matière de recherche. Lorsque les financements sont français, la recherche se fait en France, tandis qu'elle se fait en Allemagne avec des financements allemands. Sachons conserver notre place ! Les industries de pointe, qui vivent une situation de concurrence particulièrement redoutable, nécessitent des financements et des aides au long cours.

Ne serait-il pas souhaitable d'avoir une vision d'ensemble des résultats du PIA 1 ? Si cela n'a pas déjà été fait, est-on capable d'estimer les résultats ?

M. Jérôme Bascher . - Le PIA 3 est-il aussi complexe que les PIA précédents, qui étaient de véritables usines à gaz ? Quel est le taux de consommation attendu des CP inscrits à hauteur de 1 milliard dans le budget de 2018 ? Continue-t-on à faire des investissements d'avenir ou fait-on des investissements tout court ?

Concernant la question des avances remboursables, Bpifrance a été créée par ripolinage d'Oséo, qui est elle-même née de la fusion de la BDPME - la Banque de développement des PME -, de la Sofaris et, surtout, de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), laquelle fonctionnait déjà avec un système d'avances remboursables. Je m'étonne du procédé consistant à réinventer un système qui existait déjà, avec des enveloppes financières beaucoup plus importantes.

M. Yvon Collin . - Les avances remboursables ont été beaucoup utilisées dans l'aéronautique, notamment pour développer l'Airbus A380. Les États-Unis y ont vu une forme de concurrence déloyale et avaient déposé un recours devant l'OMC. Faut-il craindre des saisines identiques ?

M. Jean-François Husson . - Les fonds du PIA seront utilisés pour financer les nouvelles politiques ou la relance industrielle territoriale, mais quand on regarde la répartition des crédits et les circuits de financement, on a un peu l'impression qu'il s'agit d'une usine à gaz. Le rapport pointe les retards dans la publication des appels à projets du volet « TIGA » de l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition (TIGA) », car le Gouvernement souhaite recentrer son périmètre sur les « territoires d'industrie », dont le zonage doit être articulé avec la carte des 222 villes du plan « Action coeur de ville ». C'est très complexe et cela crée un risque de détournement de l'ambition initiale des investissements d'avenir. En Lorraine, une centaine de partenaires sont mobilisés autour de l'appel à projets. Plus on attend, plus la mobilisation et l'enthousiasme des équipes risquent de se réduire. Avez-vous des informations à ce sujet ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Météo France souhaitait inscrire le développement de son nouveau supercalculateur parmi les projets financés par le PIA. Ce projet n'a pas été retenu, en dépit de la recherche requise par ce projet et de la nécessité d'une remise à niveau de son équipement. Au final, il n'est pas financé : il manque 6 millions d'euros pour le réaliser. Plus largement, cela pose la question de la frontière entre les projets éligibles et ceux qui ne le sont pas. On a parfois l'impression que les administrations cherchent à inscrire au titre des PIA des projets de droit commun qui ont déjà été retoqués par leur autorité de tutelle.

Lorsque les crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ont fortement baissé, le financement a été remplacé par des appels à projets dans le cadre du PIA. Mais ces programmes sont ponctuels. Quand le PIA s'arrête, les industriels manquent de visibilité. Or les programmes aéronautiques s'inscrivent dans le temps long, par construction. Rapatrier les crédits d'investissement sur les crédits de droit commun de la DGAC est un gage de visibilité et de permanence pour les programmes longs. Ainsi, il me semble légitime que le PIA finance des projets ponctuels, comme le supercalculateur, et que l'on soit prudent pour des programmes de longue durée.

Mme Nathalie Goulet . - 60 % de ce PIA doivent contribuer au développement durable et à la croissance verte. Un des défis de demain est de trouver des alternatives au plastique. Or, nous avons en France des entreprises performantes en ce qui concerne la production de plastique. S'il faut soutenir les entreprises d'avenir, il faut aussi consolider les entreprises existantes qui ont besoin de recherche et développement pour modifier leur production. Beaucoup d'entreprises de la filière plastique sont menacées. Dans quelle mesure auront-elles accès aux financements des PIA ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Pourriez-vous nous apporter un éclairage sur la répartition territoriale du PIA 3 ? Quel bilan dressez-vous, à cet égard, des PIA précédents ? Quels sont les territoires bénéficiaires ? Certains territoires ont-ils été oubliés ?

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Je ne sais pas quand l'arbitrage gouvernemental sur le zonage des appels à projets TIGA sera rendu.

Jean-François Husson, quand on voit que le périmètre de l'appel à projets du volet « territoires d'innovation de grande ambition » de l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » serait recentré sur les « territoires d'industrie », on peut, en effet, se poser légitimement la question de l'utilisation du PIA : la priorité est-elle le financement de nouveaux investissements ou s'agit-il de redéploiements des crédits vers les priorités du Gouvernement ?

Aucune convention n'a été signée en ce qui concerne l'action 9 « Grands défis » du programme 423. Aucune autorisation d'engagement n'a été débloquée et donc aucun crédit de paiement. J'ai entendu dire qu'il serait possible que cette action soit abondée par une subvention de 200 millions d'euros pour financer la rénovation du Grand Palais. Mais il ne s'agit que de supputations...

Les règles européennes en matière d'aides d'État sont respectées et les notifications sont réalisées quand cela est nécessaire.

Certaines actions des PIA 1 et 2 ont été reprises dans le PIA 3, mais parfois avec des modalités différentes. Certaines actions n'ont pas été reprises, mais peuvent continuer à se poursuivre pendant quelques années dans la mesure où il s'agit d'actions de long terme, avec des financements qui peuvent parfois s'étaler sur dix ans. Si les AE des PIA 1 et 2 ont été décaissées, il y a toujours des décaissements de CP qui se poursuivent chez les opérateurs. Le système de financement du PIA 3 est plus complexe que celui des PIA précédents : dans les PIA 1 et 2, les AE et les CP faisaient l'objet d'une budgétisation simultanée en loi de finances. L'opérateur connaissait ainsi exactement le montant de l'enveloppe dont il allait disposer lorsqu'une action était décidée. Aujourd'hui, cette règle n'est plus respectée. Les AE sont débloquées au moment de la signature de la convention et les CP sont versés ensuite au fur et à mesure de leur vote en loi de finances, ce qui impose aux opérateurs la tenue d'une gestion par engagement et par décaissement. C'est très contraignant. Ainsi, parfois, les premières aides seront constituées des petits tickets pour s'adapter à l'enveloppe des CP disponibles, même si l'on sait que des CP seront versés ultérieurement. Il y a donc un décalage entre le rythme des projets d'innovation et les crédits dont disposent les opérateurs. Le secrétariat général pour l'investissement accepte une mutualisation temporaire de trésorerie entre plusieurs actions du PIA sur le compte d'un opérateur pour faciliter la gestion infra-annuelle des crédits. Mais ce n'est qu'une rustine. C'est l'une des fragilités du PIA 3, et cela aboutit à augmenter les coûts des opérateurs, de l'ordre parfois de 5 à 10 %.

Bpifrance ne délivre presque plus d'avances remboursables dans le cadre du PIA 3, mais intervient principalement sous la forme de prises de participation.

Ma mission de contrôle portait uniquement sur le PIA 3. Les PIA 1 et 2 font l'objet d'un jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir. Pour autant, lorsque nous recevons les opérateurs, nous leur demandons si un retour d'expérience a été tiré des PIA 1 et 2. Les opérateurs sont en train de faire les évaluations des premiers PIA, et ils nous transmettent leurs rapports au fur et à mesure. Il pourrait être utile, en effet, de disposer de ces rapports pour améliorer les actions qui se poursuivent dans le PIA 3.

Le supercalculateur de Météo France n'a pas été retenu. À l'inverse, le réacteur Jules Horowitz sera réalisé grâce au PIA 3. Je ne sais pas pourquoi.

Nous n'avons pas aujourd'hui une vision agrégée de la répartition territoriale des actions du PIA. En revanche, les opérateurs savent, pour des actions ciblées, comme, par exemple, le concours d'innovation numérique géré par Bpifrance, où se situent les projets. La répartition géographique n'est pas prédéfinie, sauf pour les projets avec un zonage, comme les territoires d'innovation. Ainsi, les financements liés aux actions sur les pôles universitaires seront conditionnés à la présence de pôles universitaires sur les territoires.

S'agissant du plastique, je n'ai pas vu de mention particulière relative à ces programmes de recherche dans la maquette budgétaire ou dans les réponses des opérateurs. En revanche, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) met en oeuvre, dans le cadre du PIA 3, un appel à projets autour de l'économie circulaire. On pourrait imaginer que des actions visant le recyclage du plastique puissent s'y insérer.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé , président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Investissements d'avenir ».

ANNEXES

ANNEXE 1 - ÉTAT DE SIGNATURE DES CONVENTIONS

Programmes

Actions PIA 3

Opérateur

Convention/décisions

Soutenir les progrès de l'enseignement et de la recherche

Territoires d'innovation pédagogique

CDC

Convention du 29 décembre 2017 (ESPE du future, campus des métiers) ; autre convention attendue

Nouveaux cursus à l'université

ANR

Convention du 14 février 2017

Programmes prioritaires de recherche

ANR

Convention du 21 septembre 2017

Équipements structurants pour la recherche

ANR

Convention du 22 décembre 2017

Soutien des grandes universités de recherche

ANR

Convention du 22 décembre 2017

Constitution d'écoles universitaire de recherche

ANR

Convention du 14 février 2017

Création expérimentale de « sociétés universitaires et scientifiques »

CDC

Convention du 29 décembre

Valorisation

de la recherche

Nouveaux écosystèmes d'innovation

ANR

Avenant (expérimentations FNV)

Convention du 21 mars 2017 (IHU2)

Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition

ADEME

Convention du 29 décembre 2017

ANR

Convention du 29 décembre 2017

CDC

Convention du 10 mai 2017

Accélérer le développement des écosystèmes d'innovation performants

ANR

Convention attendue

ADEME

Convention du 15 décembre 2017

CDC

Convention du 29 décembre 2017

CDC

Avenant

Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs

CDC

En cours de finalisation

Fonds national post-maturation Frontier venture

CDC

Convention du 28 décembre 2017

Accélération de la modernisation des entreprises

Soutien à l'innovation collaborative

BPI

Décision du 2 janvier 2017

Accompagnement et transformation des filières

BPI

Convention du 7 avril 2017 (aides d'État)

Décision du 27 décembre 2017

Industries du futur

BPI

Convention du 29 décembre 2017 relative au développement de l'offre (150 M€)

Convention relative aux fonds de garantie Bpi attendue

Adaptation et qualification de la main d'oeuvre

CDC

Convention du 29 décembre 2017

BPI

Convention du 2 juillet 2018 (French tech Tickets)

Concours d'innovation

BPI

Convention du 7 avril 2017 (aides d'État)

ADEME

Convention du 4 mai 2017

Fonds national d'amorçage 2

BPI

Convention du 28 décembre 2017

Multicap-croissance 2

BPI

Convention du 28 décembre 2017

Fonds à l'internationalisation des PME

CDC

Convention du 29 novembre 2017

Grands défis (soutien à des opérations en fonds propres hors norme)

CDC

Convention attendue

Source : réponse au questionnaire budgétaire (l'absence de date signifie que la convention ou la décision n'a pas été prise)

ANNEXE 2 - MAQUETTE DE PERFORMANCE DE LA MISSION « INVESTISSEMENTS D'AVENIR »

Source : SGPI

ANNEXE 3 - LISTE DES APPELS À PROJETS DU PIA 3

Source : SGPI, informations à la date du 1 er septembre 2018


* 1 Annexe 18 au rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances.

* 2 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 3 Pour mémoire, la dotation décennale a remplacé dans le PIA 3 la dotation non consomptible prévue dans les PIA 1 et 2. Les crédits seront décaissés progressivement sur une période de dix ans et pour un montant annuel ne pouvant dépasser 10 % de la dotation initiale.

* 4 Contribution au rapport général sur le projet de loi règlement pour 2017.

* 5 Rapport d'information n° 683 (2016-2017) de M. Philippe ADNOT, fait au nom de la commission des finances, déposé le 26 juillet 2017.

* 6 Cf . en annexe du présent rapport, la refonte de la maquette de performance pour 2019.

* 7 Cf . en annexe du présent rapport, l'état de signature des conventions.

* 8 S'agissant du volet de l'action concernant le financement en fonds propres d'infrastructures innovantes de type « premières commerciales », une structure ad hoc, autofinancée grâce aux investissements réalisés dans le cadre des deux autres PIA devrait être créée par décret prochainement.

* 9 Les 4 thématiques opérées par l'ADEME sont l'économie circulaire, les expositions chroniques et les risques sanitaires (santé environnementale), l'industrie, l'agriculture et sylviculture éco-efficientes, et la performance environnementale des bâtiments. Les thématiques opérées par Bpifrance sont la santé, le numérique, l'espace et la société inclusive et solidaire. Une thématique est enfin opérée par FranceAgriMer, l'alimentation intelligente.

* 10 D'après les informations fournies par le SGPI.

* 11 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 12 Le PIA 3 n'a fait l'objet d'aucun redéploiement à ce jour.

* 13 Réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial.

* 14 Cf. l'exemple précité de l'action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » du PIA 2, (70 % d'engagements sous forme d'avances remboursables, 13 % de subventions).

* 15 Réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial.

* 16 Réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial.

* 17 Réponses du SGPI au questionnaire du rapporteur spécial.

* 18 L'aide maximale prévisionnelle, exprimée en pourcentage des coûts éligibles, n'est décaissée que sur justification du niveau de coûts réellement supportés par le bénéficiaire.

* 19 L'instructeur modélise le plan de financement et de remboursement selon le scenario retenu comme « raisonnable et prudent » et détermine le taux de rentabilité interne (TRI) de l'intervention publique . Ce taux dépend à la fois de la durée du projet et de la période d'observation durant laquelle les unités d'oeuvres seront comptabilisées pour le déclenchement du seuil d'exigibilité (cf. encadré infra)

* 20 Communication de la Commission relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d'actualisation (2008/C du 14 février).

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