EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 84 ter (nouveau)
(Art. L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques)

Encadrement du mécanisme de cession décotée des biens du domaine privé de l'État pour favoriser la construction de logements sociaux

Commentaire : cet article prévoit de plafonner le taux de la décote de droit si la personne morale bénéficiaire dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d'un programme qui comporte la construction de logements sociaux.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE GÉNÉRAL DE CESSION DÉCOTÉE DE TERRAINS APPARTENANT À L'ÉTAT

L'article 95 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale 31 ( * ) a introduit le principe d'une décote applicable en cas de vente de terrains de l'État.

Cette disposition figure au I de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) .

Elle permet à l'État de procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social.

La décote est déterminée en fonction des types de logements sociaux prévus par le programme :

- pour la part du programme destinée aux logements sociaux, la décote peut atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain. Son niveau est déterminé en fonction de la catégorie à laquelle ces logements appartiennent et prend en compte « les circonstances locales tenant à la situation du marché foncier et immobilier, à la situation financière de l'acquéreur du terrain, à la proportion et à la typologie des logements sociaux existant sur le territoire de la collectivité considérée et aux conditions financières et techniques de l'opération » ;

- pour les logements financés en prêts locatifs sociaux et pour les logements en accession à la propriété, la décote est plafonnée à 50 % de la valeur vénale du terrain. Ce plafond ne s'applique pas aux logements en accession à la propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion qui bénéficient d'une aide destinée aux personnes physiques à faibles revenus, pour financer l'acquisition de logements évolutifs sociaux.

L'article 97 de la loi du 6 aout 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 32 ( * ) a complété ces dispositions afin de prévoir que, pour les communes qui ne font pas l'objet d'un constat de carence, une décote peut être appliquée dans le cadre d'un programme de logements sociaux pour la part du programme relative aux équipements publics destinés en tout ou partie aux occupants de ces logements.

B. UNE CESSION DÉCOTÉE DE DROIT INTRODUITE EN 2013

En complément de ce mécanisme général, une décote de droit a été introduite par l'article 3 de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social 33 ( * ) .

Ce mécanisme, figurant au II de l'article L. 3211-7 du CG3P, prévoit que la cession décotée s'applique de droit dès lors que deux conditions sont réunies :

- d'une part, les terrains sont cédés au profit de certaines personnes morales , en particulier d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunal, d'un établissement public foncier ou d'un organisme d'habitation à loyer modéré ;

- d'autre part, les terrains figurent sur une liste de parcelles établie par le préfet de région et mise à jour chaque année.

L'avantage financier résultant de la décote doit être exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux ; elle doit également l'être sur le prix de cession des logements en accession à la propriété.

Précisées par décret, les conditions d'application de l'article L. 3211-7 sont codifiées aux articles R. 3211-13 à R. 3211-17-9 et R. 3211-32-1 à 3211-32-9 du CG3P.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jean-Paul Mattei, rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », au nom de la commission des finances, et avec un avis défavorable du Gouvernement.

Il complète le II de l'article L. 3211-7 du CG3P afin de plafonner le taux de la décote de droit si la personne morale bénéficiaire dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d'un programme qui comporte la construction de logements sociaux.

Dans ce cas, le taux de la décote est calculé dans la limite d'un plafond établi en considération du coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux à l'échelle de la commune ou de l'agglomération.

Le présent article renvoie à un décret en Conseil d'État pour fixer ses conditions d'application.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE MISE EN oeUVRE HÉTÉROGÈNE À PRENDRE EN COMPTE

Le dispositif de cessions décotées dans le cadre de la loi dite « Duflot » du 18 janvier 2013 a eu un impact négatif sur les ressources du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

En effet, entre 2014 et 2018, un montant total de 197 millions d'euros de décote a été consenti, pour 94 opérations, conduisant à retrancher plus de 8 % du produit des cessions immobilières du compte chaque année. Cette proportion atteint même 20 % en 2018, compte tenu de la conclusion de la cession de l' « îlot Saint-Germain » en 2018, pour laquelle une décote de 56,7 millions d'euros, représentant 66 % de la valeur vénale du bien, a été appliquée.

Ce dispositif s'accompagne de surcroît d'une différence selon les collectivités territoriales , puisqu'une surreprésentation des biens situés à Paris doit être relevée. Les cinq biens parisiens représentent près de la moitié du montant total des décotes consenties. Il en résulte souvent un coût élevé d'aide par logement construit, atteignant 4 232 euros par mètre carré pour les 251 logements sociaux de l' « îlot Saint-Germain » 34 ( * ) .

Surtout, compte tenu des compétences d'urbanisme dévolues à la commune, il existe un risque que, pour la construction de logements sociaux, cette dernière privilégie l'utilisation de biens appartenant à l'État et éligibles à la décote à ses biens propres. Ce risque se manifesterait au détriment des intérêts financiers de l'État.

B. UN DISPOSITIF AD HOC PEU SATISFAISANT

À l'appui de ce constat, le présent article envisage de conditionner le mécanisme de décote.

Dès lors que la personne morale bénéficiaire dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d'un programme incluant des logements sociaux, le taux de la décote serait plafonné en fonction du coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux à l'échelle de la commune ou de l'agglomération.

Un tel mécanisme soulève toutefois des difficultés pratiques . Les conditions dans lesquelles le coût moyen de construction de logements sociaux serait calculé ne sont guère précisées. Surtout, il peut être douté de la comparabilité de réserves foncières : les terrains ne sont pas tous susceptibles d'accueillir des logements sociaux dans les mêmes conditions. Cette diversité n'est pas appréhendée par le dispositif proposé.

En pratique, le mécanisme vise exclusivement quelques agglomérations très spécifiques , au premier rang desquelles Paris. Il y a certes lieu de s'interroger sur la cession à prix de marché à l'État ou à des investisseurs privés de biens immobiliers de la commune lorsque, en parallèle, celle-ci acquiert des biens de l'État à prix décoté pour réaliser des logements sociaux.

Toutefois, au-delà de son application complexe, la référence aux réserves foncières ne semble pas la plus adéquate . Dans certaines agglomérations, les programmes de logements sociaux mobilisent en priorité des immeubles dans le cadre d'une réhabilitation.

Surtout, pour ces situations exceptionnelles, vos rapporteurs spéciaux estiment qu'une négociation ad hoc entre le représentant de l'État en région et la commune, sur le modèle de l'accord global conclu en juin 2016 entre l'État et la ville de Paris, est préférable à l'encadrement du dispositif tel qu'il est envisagé.

Dans l'attente d'une évolution du dispositif, vos rapporteurs spéciaux ont recommandé à la commission d'émettre un avis de sagesse.

Décision de la commission : votre commission vous propose de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

ARTICLE 84 quater (nouveau)

Autorisation du transfert de la propriété de l'hôtel du commandement de la Marine situé à Papeete de l'État à la Polynésie française

Commentaire : le présent article autorise le transfert de la propriété de l'hôtel du commandement de la marine situé à Papeete de l'État à la Polynésie française.

I. LE DROIT EXISTANT

Par une décision en date du 26 mai 2015, le ministère de la Défense a procédé au déclassement de la parcelle de l'hôtel de la marine sise boulevard Pomare à Papeete, d'une surface totale de 3 276 mètres carrés.

Cette parcelle, qui relève désormais du domaine privé de l'État , a été remise au service du domaine de la direction des finances publiques de Polynésie française pour cession .

Une cession de domaine public à domaine public dans le cadre de l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) n'étant pas applicable en l'espèce, une disposition législative est nécessaire pour organiser les modalités du transfert de ce bien de l'État à la Polynésie française.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement et avec un avis favorable de la commission .

Il autorise le transfert en pleine propriété, à titre gratuit, à la Polynésie française de l'hôtel du commandement de la Marine situé à Papeete afin qu'elle y réalise à ses frais un Centre de mémoire des expérimentations nucléaires en Polynésie française.

Une fois l'acte authentique constatant le transfert, la Polynésie française est substituée à l'État dans les droits et obligations liés au bien qu'elle reçoit en l'état.

Deux garanties sont prévues :

- d'une part, si, dans les quinze années suivant la signature de cet acte, la Polynésie française revend le bien transféré , y compris de manière fractionnée, ou cède des droits réels portant sur le bien transféré, elle est tenue de verser à l'État un complément de prix , correspondant à la moitié de la différence entre le produit des ventes et la somme des coûts ayant été supportés par la Polynésie française, y compris au titre de la dépollution ;

- d'autre part, si, dans les cinq années suivant la signature de cet acte, la Polynésie française n'a pas procédé à la réalisation du Centre de mémoire, le bien est rétrocédé de plein droit à l'État à titre gratuit.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Vos rapporteurs spéciaux soutiennent ce transfert , par lequel l'État honore la promesse faite à la Polynésie française de disposer d'un lieu dédié à la mémoire des essais nucléaires réalisés sur ce territoire.

Par ailleurs, le cadre proposé participe d'un certain équilibre , puisque le transfert de propriété est assorti de conditions garantissant l'objectif de l'opération .

C'est pourquoi vos rapporteurs spéciaux vous recommandent d'adopter le présent article sans modification .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 31 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

* 32 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 33 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 34 Selon la réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

Page mise à jour le

Partager cette page