Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Gérard LONGUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 14

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Rapporteur spécial : M. Gérard LONGUET

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » comprise, en 2019, les crédits de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » progresseront de 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), pour atteindre près de 72,8 milliards d'euros .

2. Cette augmentation , bien que significative, apparaît cependant plus modérée que celle constatée au cours du quinquennat précédent (+ 1,7 % en CP, contre + 2,4 % en moyenne annuelle entre 2012 et 2017).

3. À périmètre constant, les CP de la mission « Enseignement scolaire » atteindront 52,26 milliards d'euros, soit un écart au triennal de l'ordre de 170 millions d'euros . Le dépassement du plafond triennal dès la deuxième année de mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques interroge la soutenabilité budgétaire de la mission .

4. Le présent projet de loi de finances comprend plusieurs mesures de revalorisation salariale , pour un coût, hors CAS « Pensions », s'élevant à 227 millions d'euros, en particulier : la poursuite de l'augmentation de l'indemnité versée aux enseignants exerçant dans des établissements REP +, dont le montant, déjà augmenté de 1 000 euros nets en 2018, connaîtra une nouvelle hausse de 1 000 euros en 2019, et la relance du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR). Si l'amélioration des conditions matérielles des enseignants doit être recherchée, celle-ci aurait pu davantage se concentrer sur le début de carrière, afin de renforcer l'attractivité du métier d'enseignan t.

5. En matière d'effectifs, l'année 2019 devrait confirmer et prolonger l'inflexion amorcée en 2018 avec la suppression de 1 850 postes . Les créations de postes prévues au sein du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » seront donc plus que compensées par des suppressions de postes au sein des autres programmes de la mission .

6. Le présent projet de loi de finances prévoit en outre un effort significatif en faveur du premier degré . Les moyens humains supplémentaires (+ 1 800 postes) permettront le renforcement ou la mise de oeuvre de différents dispositifs , en particulier l'extension du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP +, l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à compter de la rentrée 2019 ou encore les stages de réussite. Si ces mesures semblent aller dans le bon sens, il conviendra cependant d'en évaluer précisément les résultats et d'accompagner, notamment financièrement, les collectivités territoriales concernées .

7. Ce rééquilibrage en faveur du primaire aura pour corollaire la suppression de 2 650 postes dans le second degré public . Cette suppression de postes sera en partie compensée par une augmentation du volume des heures supplémentaires . Si cette mesure présente un double avantage pour le ministère : en lui permettant d'une part d' ajuster l'offre aux besoins d'éducation et, d'autre part, en constituant un levier d'amélioration de la rémunération de ses enseignants , elle n'apparaît cependant pas optimale, tant en raison de son coût que de son caractère « conjoncturel ». À cet égard, une augmentation des obligations réglementaires de service des enseignants et l'annualisation de leur temps de travail auraient dû être envisagées .

8. La réforme du baccalauréat général et technologique, dont la mise en oeuvre progressive débutera en 2019, devrait permettre une rationalisation de l'offre scolaire en lycée , dont le coût apparaît excessif au regard des autres pays de l'OCDE.

9. La mise en oeuvre d'une politique volontariste en matière d'inclusion scolaire , qui se traduira par la poursuite du plan de transformation de contrats aidés en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et le recrutement de 4 500 personnels supplémentaires, ne doit cependant pas empêcher la recherche d'une plus grande efficience . À cet égard, l'expérimentation lancée par le ministère de l'éducation nationale tendant à créer des « pôles inclusifs » constitue une piste intéressante dont il conviendra, le moment venu, d'envisager l'extension .

10. L'abandon du projet SIRHEN , qui répond à une mise en garde répétée du Sénat et de votre rapporteur spécial, devrait mettre un terme à une fuite en avant. Au total, le coût du développement de SIRHEN et de son remplacement devrait s'élever à 496,4 millions d'euros .

11. Le présent projet de loi de finances prévoit une augmentation du montant des subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs à hauteur de + 1,53 million d'euros (+ 1 %) . Des efforts auraient dû être réalisés pour éviter cette hausse .

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 72 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial en ce qui concerne les programmes relevant du ministère de l'éducation nationale et 100 % s'agissant du questionnaire relatif au programme dédié à l'enseignement technique agricole.

I. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE »

1. Une augmentation des crédits de la mission de 1,2 milliard d'euros en 2019

Contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » comprise, en 2019, les crédits de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » progresseront de 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP) , pour atteindre près de 72,8 milliards d'euros .

À l'exception du programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale », cette hausse concernera l'ensemble des programmes de la mission.

Évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire » entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

AE

CP

Ouvertes en LFI pour 2018

Demandées pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC* et ADP**

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC et ADP

attendus en 2019

attendus en 2019

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

22 036,4

22 541,4

2,3 %

505,1

0,2

22 036,4

22 541,4

2,3 %

505,1

0,2

141 - Enseignement scolaire public du second degré

32 751,7

33 192,9

1,3 %

441,2

3,5

32 751,7

33 192,9

1,3 %

441,2

3,5

230 - Vie de l'élève

5 412,3

5 682,9

5,0 %

270,6

1,7

5 412,3

5 682,9

5,0 %

270,6

1,7

139 - Enseignement privé du premier et du second degrés

7 552,8

7 601,3

0,6 %

48,5

0,0

7 552,8

7 601,3

0,6 %

48,5

0,0

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 427,3

2 306,3

- 5,0 %

- 121,0

46,1

2 356,8

2 275,7

- 3,4 %

- 81,1

46,1

143 - Enseignement technique agricole

1 448,3

1 468,2

1,4 %

19,9

0,0

1 448,3

1 468,2

1,4 %

19,9

0,0

Total

71 628,8

72 793,1

1,6 %

1 164,3

51,4

71 558,3

72 762,5

1,7 %

1 204,2

51,4

* Fonds de concours

** Attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette augmentation des crédits de la mission « Enseignement scolaire », bien que significative, apparaît cependant plus modérée que celle constatée au cours du quinquennat précédent (+ 1,7 % en CP entre 2018 et 2019, contre + 2,4 % en moyenne annuelle entre 2012 et 2017).

2. Une hausse des dépenses résultant principalement d'une progression des crédits de personnel

Évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire » par titre

(en millions d'euros)

AE

CP

Ouvertes en LFI pour 2018

Demandées pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC et ADP

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC et ADP

attendus en 2019

attendus en 2019

Titre 2. Dépenses de personnel

66 444,9

67 649,3

1,8 %

1 204,4

2,1

66 444,9

67 649,3

1,8 %

1 204,4

2,1

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

832,2

714,9

- 14,1 %

- 117,3

9,5

793,0

722,5

- 8,9 %

- 70,5

9,5

Titre 5. Dépenses d'investissement

129,6

111,4

- 14,1 %

- 18,2

0,3

98,3

80,7

- 17,9 %

- 17,6

0,3

Titre 6. Dépenses d'intervention

4 221,8

4 317,3

2,3 %

95,5

39,5

4 221,8

4 309,8

2,1 %

88,0

39,5

Titre 7. Dépenses d'opérations financières

0,2

0,2

0,0 %

0,0

0,0

0,2

0,2

0,0 %

0,0

0,0

Total

71 628,8

72 793,1

1,6 %

1 164,3

51,4

71 558,3

72 762,5

1,7 %

1 204,2

51,4

Contribution au CAS « Pensions » incluse.

Source : commission des finances du Sénat

Contribution au CAS « Pensions » comprise, les dépenses de personnel (titre 2) progresseront de 1,2 milliard d'euros en AE comme en CP, passant de 66,4 milliards d'euros en 2018 à 67,6 milliards d'euros en 2019 (+ 1,8 %) .

Elles représenteront ainsi près de 93 % des CP de la mission .

Répartition des crédits de paiement de la mission par nature

Source : commission des finances du Sénat

S'agissant des crédits hors titre 2, plusieurs mesures de périmètre doivent être relevées.

La diminution importante des crédits de fonctionnement (titre 3) prévue en 2019 (- 117,3 millions d'euros en AE et - 70,5 millions d'euros en CP) est ainsi principalement imputable à l'extinction du dispositif des « loyers budgétaires » en 2019, dont la dépense, estimée à près de 72,5 millions d'euros en loi de finances pour 2018, était auparavant retracée au sein du programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale ».

En sens inverse, la progression des crédits d'intervention (titre 6) de la mission résultera en partie d'un transfert de crédits (de l'ordre de 124 millions d'euros) jusqu'alors portés par le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi » vers le programme 230 « Vie de l'élève » au titre de la transformation des contrats aidés dans le secteur non-marchand (CUI-CAE) en CUI-PEC , ces derniers, principalement affectés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap, étant désormais rémunérés par le ministère de l'éducation nationale.

3. Un écart à la programmation triennale de l'ordre de 170 millions d'euros, posant un enjeu en termes de soutenabilité

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 1 ( * ) prévoit une augmentation des CP de la mission « Enseignement scolaire » à hauteur de 1,46 milliard d'euros entre 2018 et 2020 (+ 3 %) , hors contribution au CAS « Pensions ».

Entre 2018 et 2019, la LPFP prévoyait une progression de 0,6 milliard d'euros des CP de la mission, passant de 51,49 milliards d'euros à 52,09 milliards d'euros.

Trajectoire d'évolution des crédits de paiement de la mission
« Enseignement scolaire » inscrite dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

(en milliards d'euros)

Hors contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat

Or, le présent projet de loi de finances fixe un montant de CP s'élevant à 52,26 milliards d'euros, soit un dépassement de l'annuité du triennal de l'ordre de 170 millions d'euros .

Au cours des auditions, il a été indiqué que cet écart visait à prendre en compte certains facteurs de suréxécution des dépenses de personnel constatés en 2018, en particulier, le coût des cotisations « famille » en outre-mer, de l'indemnité compensatrice de la contribution sociale généralisée (CSG) ou encore de la transformation de contrats aidés en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Ainsi, en 2018, une sur-consommation des crédits de titre 2 de l'ordre de 140 millions d'euros pourrait être constatée .

Si, ainsi qu'il l'indiquera plus loin, votre rapporteur spécial partage certaines des priorités poursuivies par le Gouvernement, il considère que celles-ci auraient dû être gagées par des économies à due concurrence .

Au total, votre rapporteur spécial estime que, si le resoclage des dépenses de titre 2 opéré dans le présent projet de loi de finances participe d'un effort de sincérisation du budget, le dépassement du plafond triennal dès la deuxième année de mise en oeuvre de la loi de programmation des finances publiques interroge la soutenabilité de la mission .

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une progression des dépenses de personnel principalement imputable aux mesures catégorielles et au glissement vieillesse technicité (GVT)

Hors contribution au CAS « Pensions », les dépenses de personnel augmenteront de près de 824 millions d'euros en 2019 (+ 2 %), passant de 46,4 milliards d'euros à 47,2 milliards d'euros.

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel

(en millions d'euros)

Hors contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Sur ce montant, 227 millions d'euros seront imputables à la mise en oeuvre de mesures catégorielles .

En particulier, la reprise du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), qui avait été suspendu en 2018, se traduira par un coût, hors contribution au CAS « Pensions », s'élevant à 133,3 millions d'euros (cf. infra ) et à 294,27 millions d'euros, pensions comprises .

Répartition du coût de la mise en oeuvre du protocole PPCR en 2019

(en millions d'euros)

P.140

P.141

P.230

P.139

P.214

P.143

Total 2019

Augmentation des dépenses de personnel

313,7

296

179,8

23,4

- 2,6

13,4

823,7

Dont PPCR

44,8

63,1

3,3

17,7

1,7

2,7

133,3

Hors contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat

Le coût du glissement vieillesse technicité (GVT) solde - qui retrace les effets de structure sur la masse salariale, à effectifs constants - est quant à lui estimé à 280 millions d'euros en 2019 .

Si, par le passé, la prévision de la dépense liée au GVT solde a régulièrement été sous-estimée - l'écart aux prévisions a par exemple atteint 185 millions d'euros en 2014 et 120 millions d'euros en 2015 - le montant inscrit dans le présent projet de loi finances ne semble pas incohérent au regard de l'exécution 2017 (261 millions d'euros) .

2. Un effort en faveur de l'amélioration de la situation matérielle des enseignants prenant insuffisamment en compte la question de l'attractivité en début de carrière

Dans un rapport de 2018 sur le métier d'enseignant 2 ( * ) , nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde rappelaient la faiblesse des rémunérations des enseignants par rapport à celles des autres actifs : « si on les compare aux autres actifs en France, " sur la dernière décennie, un professeur des écoles gagnait en moyenne presque 600 euros nets mensuels de moins que les autres salariés diplômés du supérieur " 3 ( * ) et, en fin de carrière, les enseignants gagnent presque 1 000 euros nets mensuels de moins que les non-enseignants . En moyenne, le salaire moyen des enseignants est environ 15 % plus faible que le salaire des autres actifs diplômés du supérieur. Cette situation n'est toutefois pas propre à la France : dans la plupart des pays de l'OCDE les salaires proposés aux enseignants sont en effet plus faibles que ceux qu'ils pourraient espérer en occupant un autre emploi à niveau de diplôme égal ».

Différentes mesures ont par conséquent été prises au cours des dernières années afin d'améliorer la situation matérielle des enseignants, en particulier :

- la revalorisation des indemnités versées aux enseignants en éducation prioritaire ;

- la revalorisation de 300 à 400 euros de l'indemnité de sujétion régie par le décret n° 2015-476 du 27 avril 2015, pour les enseignants effectuant 6 heures en CAP, 1 ère et terminale de la voie professionnelle ou pour les enseignants d'EPS de 1 ère et terminale;

- la mise en oeuvre du protocole « PPCR », mesure qui n'est pas propre aux enseignants ;

- l'augmentation du point d'indice de la fonction publique en juillet 2016 et février 2017.

Le présent projet de loi de finances comprend plusieurs mesures de revalorisation salariale , en particulier :

- la poursuite de l'augmentation de l'indemnité versée aux enseignants exerçant dans des établissements REP +, dont le montant, déjà augmenté de 1 000 euros nets en 2018, connaître une nouvelle hausse de 1 000 euros en 2019 . Une troisième augmentation d'un même montant devrait intervenir à la rentrée scolaire 2020 . Contribution au CAS « Pensions » incluse, le coût de cette mesure pour 2019 s'élèvera à 58,7 millions d'euros ;

- la relance du protocole « PPCR », applicable à l'ensemble des fonctionnaires des trois fonctions publiques.

Impact de la mise en oeuvre du protocole PPCR
sur la rémunération d'un enseignant

(en euros)

Début de carrière

Un an de carrière

10 ans de carrière

20 ans de carrière

25 ans de carrière

30 ans de carrière

fin de carrière

Professeur des écoles

2016

20 717

24 403

26 348

31 905

39 017

41 573

43 906

Fin de mise en oeuvre du PPCR

22 142

25 609

28 477

33 988

41 017

46 134

46 978

Écart

1 425

1 206

2 129

2 083

2 000

4 561

3 072

Professeur certifié*

2016

21 116

25 203

30 745

36 302

43 433

45 989

48 323

Fin de mise en oeuvre du PPCR

22 148

25 623

32 266

37 776

44 810

51 276

59 261

Écart

1 032

420

1 521

1 474

1 377

5 287

10 938

* Professeur principal en 4 e pendant quinze ans puis coordonnateur de discipline.

Source : ministère de l'éducation nationale

Cependant, ainsi que le notait votre rapporteur spécial dans son rapport sur les heures supplémentaires dans le second degré 4 ( * ) , « cet effort est plus particulièrement concentré sur la fin de carrière . Une telle mesure ne devrait par conséquent pas se traduire par une amélioration significative de l'attractivité du métier d'enseignant ».

À titre d'exemple, pour un professeur des écoles, la mise en oeuvre du protocole « PPCR » se traduira par une augmentation de salaire de l'ordre de 1 425 euros bruts par an en début de carrière, contre 3 072 euros bruts par an en fin de carrière. De même, pour un professeur certifié, l'augmentation de salaire sera d'un peu plus de 1 000 euros par an en début de carrière contre près de 11 000 euros par an en fin de carrière.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial appelait à une « revalorisation des grilles en début et milieu de carrière - périodes où il a été rappelé que les rémunérations des enseignants français du second degré étaient plus faibles que celles de leurs homologues de l'OCDE ».

Si votre rapporteur spécial considère qu'une revalorisation de la rémunération en fin de carrière constitue un facteur de « fidélisation » et d'attractivité du métier d'enseignant, une répartition plus équilibrée de l'effort tout au long de la carrière aurait pu être envisagée.

3. En matière d'effectifs, l'année 2019 devrait confirmer l'inflexion amorcée en 2018 avec la suppression de 1 850 postes
a) La poursuite d'une politique de recrutements plus raisonnée et soutenable

La majorité précédente avait fait de l'augmentation des effectifs d'enseignants l'horizon indépassable de sa politique éducative .

Entre 2012 et 2017, plus de 46 000 postes ont ainsi été créés, sur un objectif fixé par la loi de refondation de l'école de la République 5 ( * ) s'élevant à 54 000 .

Bilan des créations de postes entre 2012 et 2017

(en ETP)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Total

Prévision

4 326

9 076

8 804

9 421

10 711

11 662

54 000

Exécution

4 068

5 159

8 720

9 606

9 073

9 665

46 291

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 de la mission « Enseignement scolaire »

Votre rapporteur spécial a indiqué à plusieurs reprises qu'une telle politique présentait un double risque : d'une part, car elle n'apparaissait pas soutenable budgétairement - entre 2012 et 2017, les dépenses de titre 2 ont ainsi crû de 7 milliards d'euros (+ 12,5 %), passant de 58 milliards d'euros à 65 milliards d'euros - et, d'autre part, car elle pouvait conduire le ministère à réduire le niveau d'exigence attendu aux concours de recrutement afin de satisfaire ses objectifs de créations de postes .

Évolution des dépenses de personnel
entre 2012 et 2017

(en milliards d'euros)

Champ : y compris contribution au CAS « Pensions ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La loi de finances pour 2018 a, à juste titre, porté un coup d'arrêt à la logique inflationniste qui a prévalu au cours du quinquennat précédent .

Si le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait initialement une stabilisation des effectifs de la mission « Enseignement scolaire » , à l'initiative du Gouvernement, un amendement a été adopté en cours de discussion, conduisant à réévaluer le schéma d'emplois de la mission à hauteur de 144 postes , lesquels étaient destinés à assurer l'accueil de 3 200 élèves supplémentaires dans les sections de technicien supérieur.

Le présent projet de loi de finances pour 2019 confirme et prolonge l'inflexion amorcée en 2018 en prévoyant la suppression de 1 850 postes l'année prochaine , selon la répartition figurant dans le tableau ci-après.

Schéma d'emplois 2019 de la mission « Enseignement scolaire »

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Sorties prévues

dont départs en retraite

Mois moyen des sorties

Entrées prévues

dont primo recrutements

Mois moyen des entrées

Schéma d'emplois du programme

Enseignants du 1 er degré

9 650

6 559

9

12 500

650

9

2 850

Enseignants stagiaires

11 850

9

10 800

10 800

9

- 1 050

Personnels d'encadrement

122

120

9

122

9

0

Total 140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

21 622

6 679

2650

23 422

11 450

27

1 800

Enseignants du 1 er degré

270

270

9

270

0

9

0

Enseignants du 2 nd degré

10 730

7 920

9

8 480

0

9

- 2 250

Enseignants stagiaires

10 655

0

9

10 255

10 255

9

- 400

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

130

100

9

130

0

9

0

Personnels d'encadrement

780

588

9

780

0

9

0

Personnels administratif, technique et de service

1 377

1 200

9

1 377

0

9

0

Total 141 « Enseignement scolaire public du second degré »

23 942

10 078

54

21 292

10 255

54

- 2 650

Enseignants stagiaires

345

9

345

345

9

0

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

750

590

9

750

9

0

Total 230 « Vie de l'élève »

1 095

590

18

1 095

345

18

0

Enseignants du 1 er degré

1 404

1 040

9

1 215

200

9

- 189

Enseignants du 2 nd degré

2 646

1 960

9

2 285

745

9

- 361

Enseignants stagiaires

2 460

0

9

2 460

2 460

9

0

Total 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés »

6 510

3 000

27

5 960

3 405

27

- 550

Personnels d'encadrement

52

42

9

52

9

0

Personnels administratif, technique et de service

646

600

9

246

9

- 400

Total 214 « Soutien de la politique de l'éducation national »

698

642

18

298

0

18

- 400

A administratifs

29

18

8

27

8

- 2

A techniques

21

13

8

19

8

- 2

B et C administratifs

91

39

7

84

8

- 7

B et C techniques

12

8

8

11

8

- 1

Enseignants

650

202

8

612

8

- 38

Total 143 « Enseignement technique agricole »

803

280

39

753

0

41

- 50

Total mission

54 670

21 269

52 820

25 455

- 1 850

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au total, hors contribution au CAS « Pensions », le schéma d'emplois ne contribuera donc qu'à hauteur de 4 % à la hausse des dépenses de personnel (+ 33 millions d'euros) prévue en 2019 , le coût de l'extension en année pleine du schéma d'emplois pour 2018 (+ 52,3 millions d'euros) étant en partie compensé par l'économie liée au schéma d'emplois pour 2019 (- 19 millions d'euros) .

Le plafond d'emplois de la mission devrait quant à lui progresser de 5 813 équivalents temps plein travaillé (ETPT), du fait de la transformation de contrats aidés (CUI-CAE) en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) (cf. infra ).

Évolution du plafond d'emplois de la mission « Enseignement scolaire »

(en ETPT)

Catégorie d'emplois

Plafond autorisé pour 2018

Effet des mesures de périmètre pour 2019

Effet des mesures de transfert pour 2019

Effet des corrections techniques pour 2019

Impact des schémas d'emplois pour 2019

dont extension en année pleine des schémas d'emplois 2018 sur 2019

dont impact des schémas d'emplois 2019 sur 2019

Plafond demandé pour 2019

Évolution 2019/2018

1

2

3

4

(5) = 6-1-2-3-4

7

8

6

Enseignants du 1 er degré

324 896

- 6

- 3 900

4 257

3 307

950

325 247

351

Enseignants du 2 nd degré

238

0

0

0

238

0

Enseignants stagiaires

13 292

- 1 791

- 1 441

- 350

11 501

- 1 791

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

1

3 900

0

0

0

3 901

3 901

Personnels d'encadrement

1 478

- 3

0

0

0

1 475

- 3

Total 140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

339 904

- 8

0

2 466

1 866

600

342 362

2 458

Enseignants du 1 er degré

10 967

- 4

0

0

0

10 963

- 4

Enseignants du 2 nd degré

382 520

- 41

- 750

0

- 750

381 729

- 791

Enseignants stagiaires

12 503

- 1 866

- 1 733

- 133

10 637

- 1 866

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

10 252

- 12

0

0

0

10 240

- 12

Personnels d'encadrement

16 125

43

0

0

0

16 168

43

Personnels administratif, technique et de service

31 277

- 97

0

0

0

31 180

- 97

Total 141 « Enseignement scolaire public du second degré »

463 644

- 111

- 2 616

- 1 733

- 883

460 917

- 2 727

Enseignants stagiaires

310

0

0

0

310

0

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

54 001

6 400

8

0

0

0

60 409

6 408

Personnels administratif, technique et de service

1 287

0

0

0

1 287

0

Total 230 « Vie de l'élève »

55 598

6 400

8

0

0

0

62 006

6 408

Enseignants du 1 er degré

43 635

1

- 63

0

- 63

43 573

- 62

Enseignants du 2 nd degré

88 533

- 120

0

- 120

88 413

- 120

Enseignants stagiaires

2 622

0

0

0

2 622

0

Total 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés »

134 790

1

- 183

0

- 183

134 608

- 182

Enseignants du 1 er degré

37

0

0

0

37

0

Enseignants du 2 nd degré

170

2

0

0

0

172

2

Enseignants stagiaires

5

0

0

0

5

0

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

879

4

0

0

0

883

4

Personnels d'encadrement

1 854

3

0

0

0

1 857

3

Personnels administratif, technique et de service

24 840

107

- 266

- 133

- 133

24 681

- 159

Total 214 « Soutien de la politique de l'éducation national »

27 785

116

- 266

- 133

- 133

27 635

- 150

A administratifs

606

- 1

1

- 2

605

- 1

A techniques

489

- 1

0

- 1

488

- 1

B et C administratifs

1 050

25

- 4

4

- 8

1 071

21

B et C techniques

383

0

0

0

383

0

Enseignants

12 827

1

- 14

11

- 25

12 814

- 13

Total 143 « Enseignement technique agricole »

15 355

26

- 20

16

- 36

15 361

6

Total mission

1 037 076

6 400

32

0

- 619

16

- 635

1 042 889

5 813

Source : projet annuel de performances pour 2019

b) Le développement du pré-recrutement, une mesure permettant de mieux préparer les futurs enseignants à l'exercice de leur métier

Plusieurs parcours de préprofessionalisation ont été mis en place au cours des dernières années .

Créé à la rentrée 2015, le dispositif des « étudiants apprentis professeurs » (EAP) permet ainsi à des étudiants en deuxième année (L2) ou en troisième année (L3) de licence dans les académies d'Amiens, Créteil, Guyane, Reims ou Versailles, qui souhaitent devenir professeur des écoles ou enseignant de mathématiques, de lettres, d'anglais ou d'allemand dans le second degré de bénéficier d'une formation rémunérée alternant formation universitaire et immersion en classe en présence d'un enseignant à hauteur de deux demi-journées par semaine dans une classe tuteur.

Si un tel dispositif n'est pas dénué d'intérêt, sa portée apparaît cependant limitée . Ainsi, en 2016-2017, seuls 950 apprentis-professeurs ont été recrutés , dont 282 dans le premier degré et 668 dans le second degré.

De même, depuis l'année scolaire 2017-2018, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé) peuvent proposer aux élèves en licence des modules de préprofessionnalisation comprenant des enseignements en sciences de l'éducation, psychologie de l'enfant, etc. et un stage de découverte des métiers.

Enfin, les étudiants en première année de master (M1) « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF), peuvent, depuis 2015, dans les académies de Guyane et de Créteil et, depuis 2016, dans les académies d'Amiens, de Reims et de Versailles, bénéficier d'un parcours d'apprentissage du métier en alternance.

Le ministère a souhaité étendre cette démarche en créant, à compter de la rentrée 2019, un dispositif de pré-recrutement à destination des étudiants en L2, L3 et M1 . En 2019, 3 000 étudiants en L2 devraient ainsi être concernés. À terme, ce dispositif bénéficiera à 10 000 étudiants répartis sur les trois niveaux .

Si ses modalités restent encore à définir, votre rapporteur spécial considère que l'intérêt de ce dispositif est double : d'une part, permettre aux candidats aux concours de disposer de trois années pour évaluer leur motivation et, d'autre part, permettre aux jeunes enseignants d'arriver mieux « armés » pour l'exercice de leur métier .

4. La priorité accordée au premier degré : une ambition louable, qui semble désormais effectivement partagée par le Gouvernement

Votre rapporteur spécial plaide de longue date avec notre ancien collègue Jean-Claude Carle pour un rééquilibrage des moyens éducatifs en faveur du premier degré .

Dans son rapport sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2015 6 ( * ) , il rappelait ainsi que « le premier degré constitue le lieu où sont enseignés les apprentissages les plus fondamentaux. Sa valorisation apparaît donc comme un préalable indispensable à la mise en oeuvre d'une politique éducative » .

Cette ambition, qui semble désormais effectivement partagée par le Gouvernement, s'incarne dans plusieurs mesures mises en oeuvre depuis la rentrée 2017, prolongées en 2018 et qui devraient être amplifiées en 2019.

a) Les enquêtes nationales et internationales mettent en avant les résultats médiocres obtenus par les élèves français dès la fin du premier degré...

Le ministère de l'éducation nationale dispose de différents instruments permettant d'évaluer la maîtrise des connaissances et des compétences fondamentales des élèves et de comparer les résultats obtenus au niveau international.

La France participe ainsi à plusieurs programmes internationaux visant à mesurer les acquis des élèves :

- l'étude internationale Pirls ( progress in international reading literacy study ), réalisée tous les cinq ans et coordonnée par l'IEA ( international association for the evaluation of education achievement ), qui permet de mesurer les performances en lecture des élèves à la fin du CM1 (ou équivalent) dans 45 pays ;

- l'étude internationale TIMSS ( trends in international mathematics and science study ), également menée par l'IEA, qui vise quant à elle à mesurer les performances en mathématiques et en sciences des élèves à la fin du CM1 (ou équivalent) dans 49 pays ou provinces ;

- le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), réalisé tous les trois ans et coordonné par l'OCDE, qui permet de mesurer la capacité des jeunes de 15 ans à mobiliser et à appliquer leurs connaissances dans des situations variées. Trois domaines sont ainsi évalués : la compréhension de l'écrit, la culture mathématique et la culture scientifique.

Au niveau national, le dispositif d'évaluations, qui reposait depuis 2013 sur des évaluations par échantillons, a en outre été renforcé à compter de la rentrée 2017 avec la mise en place d'évaluations exhaustives en entrée au CP, à mi-CP, en début de CE1, en début de 6 e et en début seconde (cf. encadré ci-après).

Un dispositif d'évaluations nationales renforcé

Depuis 2013, les évaluations des compétences 1 et 3 du socle commun concernent chaque année un seul palier selon un cycle triennal. On dispose des résultats pour le palier 1 en 2014, pour le palier 2 en 2015 et pour le palier 3 en 2016. Avec l'entrée en vigueur du nouveau socle de connaissances, de compétences et de culture à la rentrée 2016, des indicateurs de maîtrise ont été calculés en 2017 à la fin du cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux (CP, CE1, CE2). Ils concernent le domaine 1 « les langages pour penser et communiquer » pour chacun des deux types de langage : la langue française et les langages mathématiques. Des indicateurs seront ensuite calculés au collège, à la fin de la sixième (cycle 3) et à la fin de la troisième (cycle 4).

Au-delà de ces évaluations sur échantillons, des évaluations standardisées exhaustives des acquis des élèves dans les domaines fondamentaux (français et mathématiques) ont été impulsées par le ministre de l'éducation nationale dès la rentrée 2017. Ces évaluations exhaustives standardisées sont généralisées à quatre niveaux à la rentrée 2018 :

- en début de CP (septembre 2018), à mi-CP (janvier-février 2019) et en début de CE1 (septembre 2018) à l'école élémentaire, compte tenu de la nécessité d'ancrer au plus tôt les apprentissages fondamentaux (notamment en lecture et mathématiques) ;

- en début de sixième au collège (octobre 2018) ;

- en début de seconde au lycée (septembre 2018), aussi bien dans la voie générale et technologique que dans la voie professionnelle.

Ces évaluations ont pour objectif de fournir aux enseignants des repères sur les acquis de leurs élèves, de compléter ainsi leurs constats et de leur permettre d'enrichir leurs pratiques pédagogiques, mais aussi d'aider les « pilotes de proximité » (recteurs, DASEN, IEN) en termes d'animation pédagogique . Il s'agit d'évaluations standardisées, dont la DEPP (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance) assure la maîtrise d'oeuvre : systématiquement testées en amont, elles répondent au meilleur standard de qualité. Leur passation est totalement dématérialisée au collège et au lycée. À cet égard, l'opération effectuée en sixième en novembre 2017 était une première en Europe à cette échelle (810 000 élèves) et sous cette modalité entièrement numérique.

Source : ministère de l'éducation nationale, réponse au questionnaire budgétaire

Or les résultats de ces différentes enquêtes sont dans une large mesure convergents .

L'évaluation exhaustive menée en novembre 2017 en classe de 6 e laisse ainsi apparaître que près de 15 % des élèves ont une maîtrise insuffisante ou fragile des connaissances et des compétences en français .

Ce taux atteint près de 27 % en mathématiques .

Maîtrise des connaissances et des compétences en français

(en pourcentage)

Maîtrise des connaissances et des compétences en mathématiques

(en pourcentage)

Source : évaluation exhaustive de début de sixième, novembre 2017, MEN-DEPP

Plusieurs enseignements peuvent en outre être tirés de ces évaluations.

En premier lieu, les élèves « en retard » scolaire affichent des résultats très significativement inférieurs à ceux des élèves « à l'heure » . Un peu plus de la moitié des élèves « en retard » maîtrise ainsi les connaissances et compétences en français et moins de 40 % en mathématiques.

En second lieu, la proportion d'élèves disposant d'une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences évaluées en français ou en mathématiques est plus faible parmi les élèves scolarisés dans des établissements situés en REP ou REP + que parmi les élèves des établissements hors éducation prioritaire .

Ces derniers résultats corroborent l'analyse de l'enquête PISA 2015, qui rappelait que, parmi les pays de l'OCDE, la France est le pays où les résultats sont le plus fortement corrélés au niveau socio-économique et culturel des parents .

b) ... or la dépense intérieure d'éducation (DIE) française laisse apparaître une distorsion en faveur du second degré, contrairement aux autres pays de l'OCDE

La dépense intérieure d'éducation (DIE) est un indicateur permettant d'agréger les dépenses de l'ensemble des acteurs, publics comme privés, en matière d'éducation.

En 2017, la DIE de la France s'élevait à 154,6 milliards d'euros . En euros constants, celle-ci a doublé depuis 1980 . Sa croissance annuelle moyenne a en outre été légèrement supérieure à celle du produit intérieur brut (+ 1,9 % contre + 1,8 % par an).

La dépense moyenne par élève atteignait quant à elle à 8 690 euros, en augmentation de près de 84 % par rapport à 1980 (+ 1,7 % par an en moyenne).

Évolution de la dépense intérieure d'éducation (DIE)

(aux prix 2017)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans son rapport annuel sur l'éducation 7 ( * ) , l'OCDE relève que si la part du PIB consacrée par la France à ses établissements d'enseignement est comparable à celle des autres pays de l'OCDE (5,2 % du PIB en moyenne en 2015 contre 5 % dans le reste de l'OCDE), la structure de la dépense française est en revanche singulière du fait d'un primaire moins bien doté que dans le reste de l'OCDE (7 400 dollars PPA par élève 8 ( * ) , contre 8 730 dollars PPA dans le reste de l'OCDE) et d' une dépense en faveur du secondaire significativement supérieure à la moyenne des pays de l'OCDE (11 820 dollars PPA par élève, contre 10 110 dollars PPA en moyenne dans l'OCDE).

(1) Public.

Source : DEPP, l'état de l'école en 2017

c) Un rééquilibrage en faveur du primaire s'incarnant dans des actions concrètes et allant dans le bon sens
(1) Des créations de postes concentrées sur le premier degré, une évolution de la démographie scolaire qui doit cependant inviter à interroger cette politique de recrutements dans les années à venir

Les crédits du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » connaîtront la plus forte hausse, passant de 22 milliards d'euros en AE comme en CP à 22,5 milliards d'euros (+ 505,1 millions d'euros) .

En 2019, seul le programme 140 bénéficiera de créations de postes, à hauteur de 1 800 ETP .

Si l'augmentation des moyens, notamment humains, en faveur du primaire peut se justifier afin de permettre la mise en oeuvre de mesures (dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, instruction obligatoire dès trois ans) dont les objectifs sont partagés par votre rapporteur spécial (cf. infra ), il apparaît indispensable de prendre en compte l'évolution de la démographie scolaire dans les décisions de recrutements qui seront prises dans les années à venir .

Les effectifs d'élèves dans le premier degré devraient en effet décroître, à hauteur de :

- 33 000 élèves en 2018, soit une baisse de 0,6 % ;

- 45 500 élèves en 2019, soit une baisse de 0,8 % ;

- 43 500 élèves en 2020, soit une baisse de 0,7 % ;

- 43 500 élèves en 2021, soit une baisse de 0,7 % ;

- 22 000 élèves en 2022, soit une baisse de 0,4 %.

Cette baisse du nombre d'élèves prévue dans les cinq années à venir doit constituer une opportunité pour le ministère de l'éducation nationale d'ajuster ses effectifs à la baisse sans pour autant détériorer le taux d'encadrement .

(2) Le dédoublement de classes, une mesure dont les bénéfices doivent être confirmés et qui a pu se traduire par des difficultés de mise en oeuvre dans certaines communes

Mis en oeuvre à compter de 2017 , le dédoublement des classes vise à réduire le nombre d'élèves des classes de CP et de CE1 des établissements situés en éducation prioritaire, en approchant un taux d'encadrement d'un enseignant pour douze élèves .

À la rentrée 2017, 2 200 classes de CP en REP + ont bénéficié de cette mesure. Ce dispositif a été étendu à la rentrée 2018 à 3 200 classes de CP en REP et 1 500 classes de CE1 en REP +, soit près de 190 000 élèves.

En 2019, l'ensemble des classes de CP et de CE1 situées en REP et REP + devrait être concerné par cette mesure, soit 11 000 classes au total, correspondant à 300 000 élèves .

Le coût brut (hors redéploiements) du dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et REP + est estimé à 500 millions d'euros .

Calendrier du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP +

Source : ministère de l'éducation nationale

Cette mesure vise à favoriser l'acquisition des savoirs fondamentaux et à lutter contre l'échec scolaire, en particulier parmi les élèves issus de catégories sociales défavorisées.

Or, comme le rappelle la DEPP dans un article de novembre 2014 9 ( * ) , les travaux de recherche menés au cours des dernières années sont partagés sur l'efficacité d'une telle mesure .

Les études françaises semblent cependant mettre en avant un effet globalement positif de la réduction de la taille des classes pour les élèves issus de catégories sociales défavorisées ou scolarisés dans l'éducation prioritaire et pour le premier degré ou en début de collège.

La note de la DEPP rappelle que, d'après une étude menée par Mathieu Valdenaire 10 ( * ) , un élève supplémentaire dans une classe de CE1 se traduirait par une diminution du score moyen aux évaluations réalisées en début de CE2 en français et mathématiques de 2,5 % à 3 % d'écart-type . Ce niveau atteindrait 10 % d'écart-type en éducation prioritaire .

Pour Jean Ecalle, Annie Magnan et Fabienne Gibert 11 ( * ) , la réduction des effectifs ne constitue cependant pas nécessairement la mesure la plus efficace pour améliorer les résultats des élèves rencontrant les difficultés sociales ou scolaires les plus importantes .

Au regard des résultats de ces différents travaux, le ciblage de cette mesure sur les premières classes du premier degré dans l'éducation prioritaire devrait permettre d'en maximiser l'efficacité .

Dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère de l'éducation nationale a indiqué qu'une évaluation scientifique de cette mesure sur les apprentissages des élèves serait réalisée sous la responsabilité de la DEPP .

Il conviendra que cette évaluation prenne bien en compte les importants biais méthodologiques (surreprésentation des élèves enregistrant les meilleurs résultats scolaires dans les classes à plus forts effectifs, surreprésentation des enseignants débutants dans les classes à faibles effectifs, etc.) rappelés dans la publication de la DEPP précitée.

Cette mesure a pu en outre se traduire par des difficultés de mise en oeuvre pour les collectivités territoriales concernées . Dans une instruction du 30 mai 2018 adressée aux préfets et aux recteurs, le directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO) et le commissaire général à l'égalité des chances rappelaient ainsi que « le manque de locaux disponibles a été identifié comme la contrainte principale au dédoublement de l'intégralité des classes de CP en REP +, en raison d'espaces trop exigus ou inadaptés, voire de la saturation des bâtiments scolaires » et souligne que « les communes ont fait part de leur incapacité à financer les travaux d'aménagement ou d'extension de locaux scolaires rendus nécessaires par le dédoublement ».

Le directeur général de l'enseignement scolaire et le commissaire général à l'égalité des chances demandaient par conséquent aux préfets de mobiliser certains instruments financiers tels que la dotation politique de la ville, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou encore la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) .

Pour autant, comme le révèle un article de la Gazette des communes 12 ( * ) , « rares sont les communes à en avoir vu la couleur . D'après une rapide enquête de l'Association nationale des directeurs de l'éducation des villes, une majorité de communes n'en ont pas connaissance . D'autres ont répondu trop tard, quand ce n'est pas l'Éducation nationale, elle-même, qui tombe des nues ».

(3) La montée en puissance des stages de réussite

Relancés à l'été 2017, les stages de réussite sont proposés gratuitement aux élèves de CM1 et surtout de CM2 , dans la perspective de leur entrée au collège, rencontrant des difficultés scolaires, afin de leur offrir une remise à niveau, en français et mathématiques notamment .

Organisés en petites groupes de cinq ou six élèves , sur 3 heures quotidiennes, pendant 5 jours, ils sont animés par des enseignants volontaires, rémunérés en heures supplémentaires.

Trois sessions sont proposées pendant les vacances scolaires : au printemps, en juillet et durant la dernière semaine des vacances d'été.

L'année 2018 a vu la montée en puissance de ce dispositif : il a été suivi par 75 500 élèves au printemps et 76 200 en été, contre 80 000 l'année précédente.

À terme, 20 % des élèves de CM2 devraient bénéficier de ces stages .

Votre rapporteur spécial ne peut que soutenir une telle initiative, qui permet de concentrer les moyens sur les élèves en ayant le plus besoin , selon des modalités propices aux apprentissages .

(4) L'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire : une mesure qui semble pertinente mais dont le coût pour les collectivités territoriales devra faire l'objet d'une juste compensation

Annoncé par le Président de la République 13 ( * ) à l'occasion des Assises de l'école maternelle qui se sont tenues les 27 et 28 mars 2018, l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire de 6 ans à 3 ans vise à lutter contre les inégalités sociales et territoriales .

En effet, si près de 99 % des enfants sont déjà scolarisés à l'école maternelle, ce taux n'atteint, par exemple, que 80 % dans les outre-mer . De même, des disparités de fréquentation scolaire peuvent être constatées selon les territoires .

Or, comme le rappelle le ministère de l'éducation nationale dans sa réponse au questionnaire budgétaire, « des études scientifiques menées récemment (Burger, 2010 ; Cascio et Schazenbach, 2013) et l'étude PISA (2012) ont démontré qu'il existe une forte corrélation entre la fréquentation d'un établissement pré-élémentaire et la performance des élèves . [...] L'apprentissage d'un vocabulaire précis et des structures de la langue contribue à lutter efficacement contre la première des inégalités, celle devant la langue. En effet, à 4 ans, un enfant issu d'un milieu social défavorisé a entendu 30 millions de mots de moins qu'un enfant issu d'un milieu social favorisé ».

Si votre rapporteur spécial partage cette analyse et considère que cette mesure devrait être de nature à lutter efficacement contre l'échec scolaire, il s'interroge en revanche sur son coût, en particulier pour les collectivités territoriales .

Selon le ministère, ce dispositif se traduira par « une augmentation maximale du nombre d'enfants scolarisés d'environ 26 000 élèves », mais cette hausse « devrait être plus que compensée par la baisse démographique tendancielle prévue en 2019 ». Le nombre de créations de postes liées à cette mesure devrait donc être limité.

Celle-ci devrait en revanche se traduire par un surcoût pour les collectivités territoriales :

- s'agissant des dépenses d'investissement, le ministère a indiqué à votre rapporteur spécial n'avoir pas été en mesure d'en évaluer l'impact « eu égard à la diversité des situations locales en matière de bâti scolaire notamment » ;

- le coût de l'accompagnement des dépenses de fonctionnement est quant à lui estimé à 100 millions d'euros au total .

Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, le ministère précise cependant qu' « eu égard aux délais d'instruction des demandes présentées par les communes concernées, ce dispositif n'impactera pas l'exercice budgétaire 2019 ».

Votre rapporteur spécial sera par conséquent attentif à ce que le projet de loi « pour une école de la confiance », qui devrait être déposé prochainement, et le projet de loi de finances pour 2020 prévoient une juste compensation des surcoûts liés à l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire pour les collectivités territoriales.

5. Le second degré : un effort de rationalisation à poursuivre
a) Une suppression de 2 650 postes prévue en 2019...

Si le présent projet de loi de finances prévoit une progression des dépenses de titre 2 du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » à hauteur de plus de 441 millions d'euros , celle-ci résultera principalement de mesures catégorielles et du GVT solde, et non d'une croissance des effectifs.

En effet, cette année encore, le programme 141 contribuera fortement à la réduction du nombre de postes prévue en 2019, à hauteur de - 2 650 ETP , après une première diminution prévue en loi de finances pour 2018 à hauteur de - 2 480 ETP.

Selon le projet annuel de performances pour 2019, cette diminution, qui se déclinera en - 2 250 postes d'enseignants et - 400 postes de stagiaires, correspond pour l'essentiel à des postes qui n'étaient pas pourvus par des titulaires .

b) ... qui devrait être compensée par une hausse des heures supplémentaires et non une augmentation des obligations réglementaires de service des enseignants

Dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère de l'éducation nationale précise que les suppressions de postes prévues par le présent projet de loi de finances dans le second degré seront compensées par un recours accru aux heures supplémentaires .

En particulier, il est prévu, qu'à partir de la rentrée 2019, les chefs d'établissement puissent imposer une seconde heure supplémentaire aux enseignants dans l'intérêt du service, contre une seule actuellement 14 ( * ) .

Si cette solution présente un double avantage pour le ministère : d'une part, en lui permettant d'ajuster l'offre aux besoins d'éducation et, d'autre part, en constituant un levier d'amélioration de la rémunération de ses enseignants , elle n'apparaît cependant pas optimale .

En premier lieu, elle se traduira par un coût pour les finances publiques . Selon le ministère de l'éducation nationale, la dépense liée aux heures supplémentaires devrait ainsi progresser de 4,4 % en 2019 (+ 61,1 millions d'euros), alors que celle-ci représentait déjà une dépense de plus d'un milliard d'euros en 2047-2018 , en croissance de plus de 7,5 % par rapport à 2015-2016.

Évolution de la dépense et du contingent d'heures supplémentaires
dans l'enseignement public

Dépenses en euros (hors charges et hors COM)

Évaluation des contingents

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2015-2016

2016-2017

2017-2018

Heures supplémentaires année (HSA)

689 098 520

709 340 301

724 219 837

507 149

510 388

520 467

Heures supplémentaires effectives (HSE)

227 404 662

229 837 973

271 116 832

5 707 492

5 704 326

6 619 463

Heures d'interrogation (HI)

70 345 166

71 445 135

75 837 438

1 238 928

1 240 960

1 309 721

Autres heures

18 999 037

20 450 718

10 806 590

742 690

818 972

428 201

TOTAL

1 005 847 385

1 031 074 127

1 081 980 697

ns

ns

ns

Source : ministère de l'éducation nationale, réponse au questionnaire budgétaire

En second lieu, elle ne permet pas de répondre de manière satisfaisante aux rigidités liées au régime horaire des enseignants .

Aux termes du décret du 20 août 2014 15 ( * ) , celui-ci prend la forme d'obligations réglementaires de service définies depuis 1950 16 ( * ) sur une base hebdomadaire et s'élevant à :

- 15 heures pour les professeurs agrégés ;

- 17 heures pour les professeurs agrégés de la discipline d'éducation physique et sportive ;

- 18 heures pour les professeurs certifiés, adjoints d'enseignement et professeurs de lycée professionnel ;

- 21 heures pour les professeurs d'éducation physique et sportive, chargés d'enseignement d'éducation physique et sportive et adjoints d'enseignement d'éducation physique et sportive ;

- 21 heures pour les instituteurs et professeurs des écoles exerçant dans les établissements régionaux d'enseignement adapté, dans les sections d'enseignement général et professionnel adapté des collèges et dans les unités localisées pour l'inclusion scolaire.

Or, ainsi que le relevait votre rapporteur spécial dans son rapport sur les heures supplémentaires dans le second degré précité, cette organisation hebdomadaire est à l'origine d' une allocation inefficiente des moyens d'enseignement , dans la mesure où elle ne permet pas :

- de faire face aux besoins en remplacement de courte durée, ainsi qu'en témoigne le très faible taux de remplacement des absences de moins de quinze jours, qui s'établissait, en 2015-2016, dans une fourchette allant de 5 % à 20 % selon les établissements 17 ( * ) ;

- de prendre en compte les variations d'intensité qui peuvent être constatées au cours de l'année , du fait par exemple de l'organisation d'examens, qui ampute la fin de l'année scolaire dans certains établissements.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial appelait plutôt à une augmentation des obligations réglementaires de service des enseignants à hauteur de deux heures par semaine ainsi qu'à l'annualisation de leur temps de travail .

Ainsi que l'a indiqué le cabinet du ministre à votre rapporteur spécial, cette mesure, bien que fréquemment envisagée, ne devrait cependant pas être mise en oeuvre au cours du quinquennat actuel .

c) Une rationalisation de l'offre scolaire entamée avec la réforme du lycée qui doit être poursuivie

En 2017, 7,4 % des heures étaient effectuées devant des classes de dix élèves ou moins, contre 7,1 % en 2016 .

Pourcentage d'heures d'enseignement délivrées
devant des groupes de dix élèves ou moins

2016

2017

2018

2018

2019

2020

Réalisation

Réalisation

Prévision PAP 2018

Prévision actualisée

Prévision

Cible

Total

7,1

7,4

6,5

7

6,5

6

collèges

2,7

2,7

s.o

s.o

s.o

s.o

SEGPA

34,1

35,6

s.o

s.o

s.o

s.o

LP

18,9

20,4

s.o

s.o

s.o

s.o

LEGT (pré-bac)

3,3

3,2

s.o

s.o

s.o

s.o

CPGE

6,8

7,3

s.o

s.o

s.o

s.o

STS

10

11

s.o

s.o

s.o

s.o

Source : projet annuel de performances pour 2019

Plus généralement, comme le montre le graphique ci-après, le nombre d'élèves par enseignant dans le second degré apparaît plus faible en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE (12,7 contre 13,1 en moyenne OCDE) .

Nombre d'élèves par enseignant dans le second degré en 2015

Source : DEPP, l'état de l'école en 2017

Or, comme le note le projet annuel de performances pour 2019, « le principal effort de rationalisation concerne actuellement les lycées d'enseignement général et technologique. Il vise à soutenir le mouvement en faveur de la mutualisation d'options entre établissements (langues vivantes, enseignements d'exploration, etc.) et de l'optimisation des sections de techniciens supérieurs (STS) ».

Dans un rapport thématique de septembre 2015 sur le coût du lycée 18 ( * ) , la Cour des comptes rappelle ainsi que le coût d'un lycéen français est 38 % plus élevé que le coût moyen d'un lycéen dans les autres pays de l'OCDE .

Selon la Cour des comptes, les facteurs de ce surcoût sont multiples : temps d'instruction plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE (1 108 heures en France contre 964 heures en moyenne dans l'OCDE), forte proportion de cours ayant lieu devant des groupes à faible effectif, complexité et rigidité des offres de formation, surcoût du lycée professionnel en raison, notamment, de la multitude de classes à effectifs réduits et maillage territorial particulièrement dense.

À cet égard, la réforme du baccalauréat , dont la mise en oeuvre progressive débutera en 2019 - les élèves entrant en seconde générale devront ainsi choisir trois enseignements de spécialité qu'ils étudieront en première - pour s'achever en 2021, devrait permettre d'apporter un élément de réponse à certains facteurs de surcoûts identifiés par la Cour des comptes, du fait notamment de :

- la suppression des séries , qui permettra aux chefs d'établissement d'optimiser la taille des classes pour les enseignements communs ;

- l'allègement du nombre d'épreuves , qui permettra de « reconquérir le mois de juin » en réduisant le nombre d'heures d'enseignement perdues au sein des établissements centres d'examens ;

- la fin des « points supplémentaires » accordés au titre des options , à l'exception du latin et du grec, qui réduira l'incitation à multiplier les disciplines facultatives ;

- l'allègement des horaires , de l'ordre de 3 % en moyenne par élève en lycée général.

La réforme du baccalauréat général et technologique

Dans le prolongement des conclusions du rapport rendu par Pierre Mathiot, ancien directeur de l'institut d'études politiques de Lille, le 24 janvier 2018, le ministère de l'éducation nationale a lancé une réforme d'ampleur du baccalauréat , qui entrera progressivement en vigueur entre 2019 et 2021 .

Ses modalités ont été définies par le décret du 16 juillet 2018 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique 19 ( * ) et par l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021 20 ( * ) .

Cette réforme se traduira par une réorganisation du cycle terminal des filières générale et technologique et une rénovation des épreuves de l'examen , qui reposeront sur :

- un contrôle continu, qui comptera pour 40 % de la note finale , avec prise en compte des bulletins scolaires à hauteur de 10 % et des épreuves communes portant sur les disciplines étudiées par l'élève, comptant pour les 30 % restants. Afin d'assurer l'égalité entre les candidats, les copies seront anonymisées et corrigées par d'autres enseignants et une banque nationale numérique de sujets sera créée ;

- des épreuves terminales , qui représenteront 60 % de la note finale , organisées en deux temps : une épreuve en fin de première (français écrit et oral) et quatre épreuves en terminale : deux épreuves écrites au printemps portant sur les disciplines de spécialité qui auront lieu au printemps et deux épreuves en juin (écrit de philosophie et oral préparé durant le cycle terminal à partir d'un projet préparé dès la classe de première).

1) Voie générale

Le cycle terminal de la voie générale s'articulera autour d' enseignements communs (français, philosophie, histoire et géographie, enseignement morale et civique, deux langues vivantes, éducation physique et sportive, humanités scientifiques et numériques) et d' enseignements de spécialité (arts ; histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques ; humanités, littérature et philosophie ;langues et littératures étrangères ; mathématiques ; numérique et sciences informatique ; sciences de la vie et de la terre ; sciences de l'ingénieur ; sciences économiques et sociales ; physique, chimie).

Les élèves en classe de première devront suivre trois enseignements de spécialité et auront la possibilité de choisir un enseignement optionnel.

En classe de terminale, les élèves seront tenus de suivre deux enseignements de spécialité et pourront choisir deux enseignements optionnels.

Horaires de la voie générale en première et terminale

Source : ministère de l'éducation nationale

2) Voie technologique

Les séries de la voie technologique seront maintenues .

Les élèves en classe de première devront suivre trois enseignements de spécialité de leur série et pourront choisir un enseignement optionnel.

En classe de terminale, ils seront tenus de suivre deux enseignements de spécialité de leur série et pourront choisir deux enseignements optionnels.

Horaires de la voie technologique en première et terminale

Source : ministère de l'éducation nationale

Au-delà de la question du lycée général et technologique, la transformation de la voie professionnelle, annoncée le 28 mai par le ministre de l'éducation nationale, devra également prendre en compte la nécessité d'une rationalisation de l'offre scolaire .

Dans un rapport sur l'avenir de la voie professionnelle remis en février 2018 21 ( * ) , notre collègue députée Céline Calvez et Régis Marcon, chef étoilé, rappellent ainsi que les lycées professionnels comprennent « près de 300 spécialités de formations aux niveaux IV et V, qui préparent à plus de 10 000 métiers ».

Le pourcentage d'heures d'enseignement délivrées devant des groupes de dix élèves ou moins en lycée professionnel atteignait ainsi plus de 20 % en 2017 . Une telle situation s'explique en partie par la structure même de cet enseignement. Les axes de transformation proposés (recentrage de la formation autour de certains métiers porteurs, regroupements d'établissements au sein de « campus », etc.) semblent néanmoins y apporter un élément de réponse.

Votre rapporteur spécial appelle désormais à une clarification du rôle des différents acteurs : éducation nationale, régions, branches professionnelles, entreprises, et de leur articulation dans le cadre de cette transformation , en lien notamment avec les modifications issues de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

d) Le dispositif « devoirs faits », un retour aux études surveillées, pour lequel il convient de s'assurer de l'absence d'effet d'aubaine

Le dispositif « devoirs faits » , mis en place en 2017, vise à offrir aux collégiens volontaires un accompagnement gratuit après la classe , assuré par des enseignants, des assistants d'éducation, des volontaires du service civique, ou des associations de soutien scolaire, leur permettant de faire leurs devoirs dans leur établissement

Il sera poursuivi en 2019 , pour un coût estimé à près de 247 millions d'euros , dont :

- 110 millions d'euros au titre des heures supplémentaires ;

- 57 millions d'euros au titre de la rémunération des assistants d'éducation, des volontaires du service civique et des subventions aux associations ;

- 80 millions d'euros portés par le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Votre rapporteur spécial a déjà indiqué être par principe favorable à cette mesure, qui se rapproche des anciennes « études surveillées » . Il appelle cependant à ce qu'un bilan en soit établi afin, notamment, de s'assurer que ce dispositif bénéficie bien à son « public » cible et ne soit pas à l'origine d'un effet d'aubaine, c'est-à-dire majoritairement sollicité par des élèves ne présentant pas de difficulté scolaire ou sociale particulière .

6. Une relance de la politique de l'internat bienvenue mais dont les contours doivent encore être précisés

Dans un rapport de 2015 22 ( * ) , l'inspection générale de l'éducation nationale relevait que « la scolarité en internat, notamment dans le cadre de l'éducation prioritaire ou dans les zones rurales isolées, est un puissant levier pour la réduction des inégalités et doit figurer parmi les modalités de scolarité offertes au choix des élèves et de leurs parents. L'internat peut en effet offrir aux élèves un espace de liberté, de développement de leur personnalité et de réussite scolaire dans lequel ils pourront s'épanouir ».

Votre rapporteur spécial partage la conviction que l'internat peut constituer un instrument efficace de lutte contre les inégalités scolaires .

Plusieurs initiatives ont été prises au cours de la dernière décennie afin de relancer la politique de l'internat, qu'il s'agisse des « internats d'excellence » lancés en 2008 ou encore des « internats de la réussite », qui leur ont succédé à compter de 2013 .

Ces projets ont bénéficié d' un soutien financier de la part des deux premiers programmes d'investissement d'avenir (PIA).

Le PIA 1 programmait 400 millions d'euros à destination des internats d'excellence , dont 352 millions d'euros gérés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et 48 millions d'euros correspondant à des opérations du ministère de l'éducation nationale en cours de mise en oeuvre à la date de signature de la convention. 9 millions d'euros supplémentaires ont en outre été prévus en loi de finances rectificative pour 2017 au profit des internats de la Guyane, dans le cadre du plan d'urgence pour la Guyane.

Sur les 361 millions d'euros ainsi confiés à l'Anru, 355 millions d'euros ont été engagés .

Le premier PIA, qui s'est traduit par la création de 12 366 places , a permis un léger rebond de l'internat en 2010, qui ne s'est cependant pas confirmé par la suite.

La mise en oeuvre du PIA 2 apparaît quant à elle décevante . Si l'enveloppe initiale prévue au sein du programme 408 « Internats de la réussite » par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 s'établissait initialement à 150 millions d'euros , celle-ci a, dans une premier temps, été ramenée à 138 millions d'euros, dont 50 millions d'euros conditionnels par la suite 23 ( * ) , puis, dans un second temps, à 14 millions d'euros 24 ( * ) , les crédits consacrés ayant été redéployés en octobre 2016 en faveur du numérique éducatif.

Sur ce montant, 12,6 millions d'euros ont été engagés et aucun paiement n'a été effectué . Sur un objectif initial de 5 500 places, ramené à 3 520, 674 seulement sont programmées, dont 300 en collège .

Au total, ces différentes initiatives n'ont donc pas été en mesure d'enrayer durablement le déclin progressif de l'internat depuis les années 1960 .

Comme le montre le graphique ci-après, la part d'internes dans le total des effectifs d'élèves du second degré public est ainsi passée de 22 % en 1961 à 3,6 % en 2016 .

Évolution de la part des internes au sein des effectifs globaux
du second degré public

(en pourcentage)

Source : ministère de l'éducation nationale

À la rentrée 2017, l'éducation nationale recensait 1 531 internats publics, pour un nombre de places s'élevant à 221 447 , pour un taux d'occupation moyen s'élevant à 80 % .

Si la demande semble donc globalement satisfaite, selon une étude du cabinet Capgemini réalisée en 2014, « la seule analyse de la demande exprimée cache les besoins latents auxquels l'internat, dans sa forme actuelle, ne permet pas toujours de répondre ». Elle estimait ainsi à trois millions, l'« assiette de la population d'élèves susceptibles de pouvoir bénéficier d'un accompagnement pédagogique et éducatif » (élèves non internes issus de classes sociales défavorisées et moyennes).

Si ce chiffre ne correspond évidemment pas au nombre de places en internat à atteindre, il constitue en revanche une indication intéressante sur les perspectives d'évolution de l'internat .

Un rapport a été remis le 3 septembre dernier par Jean-Yves Gouttebel, président du Conseil départemental du Puy-de-Dôme, et Marc Foucault, inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, sur la politique de l'internat public.

À l'occasion d'un déplacement à Laval, le 3 septembre 2018, le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale ont indiqué souhaiter « redynamiser » les internats. Interrogé sur ce point par votre rapporteur spécial, le cabinet du ministre lui a cependant indiqué qu'aucune mesure précise n'avait encore été décidée .

7. L'inclusion scolaire : un objectif louable mais qui ne doit cependant pas empêcher la recherche d'une plus grande efficience

Le présent projet de loi de finances prévoit que les crédits de l'action 03 « Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap » du programme 230 « Vie de l'élève » progresseront de 32,7 %, passant de 1,2 milliard d'euros en 2018 à 1,6 milliard d'euros en 2019 .

Cette hausse permettra en particulier le financement de la poursuite du plan de transformation de CUI en AESH (accompagnant d'élèves en situation de handicap). Ainsi, à la rentrée 2019, 11 200 contrats aidés devaient être transformés en 6 400 ETP d'AESH .

Par ailleurs, 4 500 AESH supplémentaires seront recrutés à la rentrée 2019, soit des effectifs annuels moyens s'élevant à 13 367.

Votre rapporteur spécial a indiqué à plusieurs reprises partager l'objectif de scolarisation des élèves en situation de handicap.

Dans son enquête 25 ( * ) remise à la demande de votre commission des finances en application de l'article 58°2 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) 26 ( * ) , la Cour des comptes relève cependant qu'un effort de rationalisation en matière de prescription d'aides devrait être envisagé .

En effet, le nombre de prescriptions est passé de 42 000 en 2008 à 172 000 en mars 2018 (+ 310 %) . En moyenne, 20 000 mesures d'accompagnement supplémentaires sont prescrites chaque année, nécessitant le recrutement de 6 000 ETP environ .

Or, selon la Cour des comptes, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), chargées de prescrire des mesures d'accompagnement pour les enfants en situation de handicap, peuvent avoir tendance à privilégier l'aide individuelle au détriment de l'aide mutualisée . Or cette prescription s'impose à l'éducation nationale .

Lors de l'audition pour suite à donner devant la commission des finances 27 ( * ) , Philippe Thurat, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires à la direction générale de l'enseignement scolaire, a rappelé qu'à l'heure actuelle, 57 % des prescriptions par les CDAPH concernent des aides individuelles .

Votre rapporteur spécial recommandait par conséquent de renforcer le rôle de l'éducation nationale en matière de prescription d'aides individuelles en milieu scolaire , le cas échéant via la mise en place d'une procédure d'avis conforme, afin d'éviter d'éventuels excès.

L'expérimentation lancée à la rentrée 2018 par le ministère de l'éducation nationale tendant à créer des « pôles inclusifs » , généralement autour d'un établissement comportant déjà une classe Ulis et permettant de mutualiser les effectifs d'AESH, constitue également une piste intéressante dont il conviendra d'envisager l'extension .

8. L'abandon du projet SIRHEN : une mise en garde du Sénat enfin entendue

Lancé en 2007, le programme SIRHEN (système d'information de gestion des moyens et des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale) visait à « rénover et à faire progresser les systèmes d'information de gestion des moyens et des personnels du ministère en termes de normes de développement, d'exploitation informatique, d'apport des nouveaux outils disponibles sur le marché, d'agilité face aux évolutions réglementaires, de dématérialisation et d'archivage ».

Son coût avait été initialement estimé à 80 millions d'euros, pour une durée de réalisation de sept ans .

Compte tenu du retard pris dans l'avancement du projet, un audit a été réalisé en 2013, et, il a été décidé que les années 2014 et 2015 devraient constituer une période probatoire pour le programme, à l'issue de laquelle une évaluation devrait être menée par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et le conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies.

Le projet SIRHEN a donc fait l'objet d'une refondation en 2015 . En particulier, il a été décidé de concentrer ce programme sur les enseignants du premier degré.

Cette réorientation a reçu un avis favorable de la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC).

Comme le rappelle le projet annuel de performances pour 2019, les principaux axes de transformation du programme étaient les suivants :

- l'intégration de SIRHEN dans une approche globale SI RH ministérielle ;

- une nouvelle trajectoire (priorité donnée aux enseignants du premier degré, déploiement par fonctionnalité) ;

- une réorganisation du programme SI RH et de sa gouvernance ;

- une plus grande implication des directions métiers et leur renforcement opérationnel ;

- une meilleure maîtrise de la chaîne de production et de maintenance ;

- une évolution des méthodes de travail.

Par ailleurs, ce projet devait respecter une enveloppe budgétaire strictement définie, censée couvrir les dépenses déjà engagées et les coûts prévisionnels jusqu'à 2020, dont le montant s'établissait à 496,4 millions d'euros (dont 393,3 millions d'euros hors titre 2).

Compte tenu de l'explosion du coût de ce projet pour des résultats très insuffisants - fin 2015, SIRHEN ne permettait ainsi que la gestion administrative et de paye des personnels d'inspection et des administrateurs civils, soit environ 4 000 personnes - lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat avait adopté un amendement 28 ( * ) de votre rapporteur spécial tendant à supprimer les crédits consacrés au programme SIRHEN afin d'attirer l'attention du ministère de l'éducation nationale sur les risques d'un nouveau Louvois 29 ( * ) .

Votre rapporteur spécial a, depuis lors, régulièrement alerté le ministère sur les dérives de ce projet.

Lors de son audition par votre commission des finances 30 ( * ) , le ministre avait néanmoins indiqué : « Monsieur le Président, vous m'avez questionné sur le programme SIRHEN et sur les risques de dérapage qu'ont pu connaître certains logiciels de l'État. Le coût global de SIRHEN s'élève à 393 millions d'euros. Les financements s'étalent de 2009 à 2020. Aujourd'hui, nous sommes en route vers un SIRHEN réussi ».

Un rapport reprenant les principales réalisations 2017 a été adressé par le ministère à la DINSIC en janvier 2018, qui estimait que malgré la refondation du projet, « les défauts de conception initiale du programme, la complexité et les retards accumulés ne permettaient pas d'envisager sa réalisation dans le cadre opérationnel, calendaire et financier fixé ».

À la suite de ce rapport, la DINSIC a proposé une refonte en profondeur de ce programme, conduisant le ministre de l'éducation nationale à décider de son abandon en l'état .

Selon le projet annuel de performances pour 2019, « avec l'appui de la DINSIC, la structuration d'une nouvelle organisation et la définition de nouvelles orientations pour la transformation des SIRH ministériels seront définies d'ici la fin de l'année 2018 . L'objectif est de mettre en oeuvre rapidement les préconisations de la DINSIC en identifiant l'ensemble des éléments ré-exploitables dans le cadre d'une architecture profondément renouvelée, assortie d'un nouveau dimensionnement budgétaire ».

Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi 48 millions d'euros en AE et 52,8 millions d'euros en CP afin d'assurer la transition vers une nouvelle architecture .

Au total, le coût du développement de SIRHEN et de son remplacement devrait s'élever à 496,4 millions d'euros .

Coût cumulé de la mise en place d'un système d'information de gestion des ressources humaines de l'éducation nationale

(en millions d'euros)

2016 et années précédentes en cumul

2017

2018

2019

2020 et suivantes

années en cumul

Total

exécution

prévision

prévision

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Hors Titre 2

234,4

216,4

36,3

38,3

44,4

43,9

35,1

39,9

43,2

54,8

393,3

393,3

Titre 2

50,5

50,5

10,2

10,2

12,9

12,9

12,9

12,9

16,6

16,6

103,1

103,1

Total

284,8

266,9

46,6

48,6

57,3

56,8

48

52,8

59,7

71,4

496,4

496,4

Source : projet annuel de performances pour 2019

Votre rapporteur spécial ne peut que se féliciter que le ministre n'ait pas persévéré dans l'erreur en décidant de suivre les mises en garde du Sénat et d'abandonner ce projet coûteux .

Il sera néanmoins attentif à l'état d'avancement du remplaçant de SIRHEN et à ce que le coût des développements de ce projet respecte la trajectoire prévue dans le présent projet de loi de finances.

9. Le programme 143 « Enseignement technique agricole »
a) Une progression des crédits de 1,4 % en 2019

En 2019, les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » atteindront 1,47 milliard d'euros en AE comme en CP, soit une hausse de 20 millions d'euros (+ 1,4 %) par rapport à 2018 .

Cette hausse résulte exclusivement d'une progression des dépenses de titre 2, à hauteur de 20,6 millions d'euros . Sur ce montant, 8 millions d'euros résulteront de mesures catégorielles, dont 4,6 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre du protocole PPCR .

Le programme 143 devrait contribuer à hauteur de - 50 ETP à la réduction des effectifs de la mission « Enseignement scolaire ».

b) Un enseignement dont les résultats en termes d'insertion professionnelle apparaissent positifs

Les taux d'insertion professionnelle à sept mois des diplômés de l'enseignement agricole apparaissent très positifs et en amélioration par rapport à 2016 .

Taux d'insertion professionnelle à 7 mois

(en pourcentage)

2016

2017

2018
(prévision actualisée)

2019
(prévision)

2020
(Cible)

BTSA (brevet de technicien supérieur agricole)

70,3

ND

71

72

70

Bac pro

58,7

ND

59

60

62

CAPA (certificat d'aptitude professionnelle agricole)

30,5

ND

31

31

33

Note : les modalités de calcul de l'indicateur 1.2 ayant été modifiées, les résultats présentés sont ceux issus de la réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

Source : ministère de l'agriculture

Par ailleurs, comme le rappelait notre collègue Antoine Karam dans son avis sur les crédits du programme 143 pour 2018 31 ( * ) , « en 2016, sept mois après la sortie de formation, l'écart en matière de taux d'insertion par rapport aux titulaires d'un diplôme équivalent de l'éducation nationale s'établit à 12,7 points en faveur des titulaires d'un BTSA, et l'écart avec les titulaires d'un baccalauréat professionnel et d'un CAPA respectivement de 18,1 et 5,2 ».

Comparaison des taux d'insertion dans l'emploi
sept mois après l'obtention du diplôme

(en pourcentage)

Diplôme

Enseignement agricole*

Éducation nationale

Écart

BTS

76

63,3

12,7

Bac Pro

64

45,9

18,1

CAP

35,6

30,4

5,2

Note : la différence avec les chiffres présentés dans le tableau précédent tient à la modification de méthodologie rappelée supra .

Source : Projet de loi de finances pour 2018 : Enseignement scolaire, avis n° 112 (2017-2018) de Jean-Claude Carle et Antoine Karam, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 novembre 2017

À plus long terme (33 mois après leur diplôme), les taux d'insertion des élèves de l'enseignement technique agricole sont supérieurs et atteignent 90 % s'agissant du BTSA, 82,5 % s'agissant du bac pro et près de 70 % s'agissant du CAPA .

Taux d'insertion professionnelle à 33 mois

(en pourcentage)

2014

2015

2016

2018
(prévision actualisée)

2019
(prévision)

2020
(Cible)

BTSA

90

92

92

Bac pro

82,5

83

90

CAPA

67,7

71

Note : les données étant collectées sur une base triennale, certaines années ne peuvent pas être renseignées.

Source : ministère de l'agriculture, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

10. Une progression des crédits consacrés aux opérateurs notamment liée à la mise en oeuvre du protocole « PPCR » qui aurait dû être gagée par des économies à due concurrence

Le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » est chef de file pour cinq opérateurs de l'État :

- le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) ;

- le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) ;

- le Centre national d'enseignement à distance (CNED) ;

- l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ;

- le Réseau Canopé.

Le présent projet de loi de finances prévoit une augmentation du montant des subventions pour charges de service public (SCSP) qui leur seront versées en 2019 à hauteur de + 1,53 millions d'euros (+ 1 %) .

Évolution des subventions versées par l'État aux opérateurs de la mission « Enseignement scolaire »

(en millions d'euros)

Nature des ressources

Exécution 2016

Exécution 2017

Évolution
2016-2017
(en %)

LFI 2018

Évolution
2017-2018
(en %)

PLF 2019

Évolution
2018-2019
(en %)

CEREQ

Subventions État

8,06

7,89

-2%

7,87

0%

7,95

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

6,81

6,93

2%

6,95

0%

7,03

1%

Fonds de roulement

6,9

6,92

0%

6,01

-13%

CIEP

Subventions État

2,53

5,85

131%

5,84

0%

5,94

2%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

2,47

5,75

133%

5,81

1%

5,94

2%

Fonds de roulement

11,66

13,27

14%

10,17

-23%

CNED

Subventions État

27,7

24,79

-11%

28,13

13%

28,57

2%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

27,7

24,79

-11%

28,13

13%

28,57

2%

Fonds de roulement

34,61

26,67

-23%

21,47

-19%

ONISEP

Subventions État

29,34

28,95

-1%

29,25

1%

29,58

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

29,34

28,91

-1%

29,25

1%

29,58

1%

Fonds de roulement

11,46

10,58

-8%

9,53

-10%

Canopé

Subventions État

91,61

90,01

-2%

89,66

0%

90,21

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

91,05

90,01

-1%

89,66

0%

90,21

1%

Fonds de roulement

42,79

29,76

-30%

32,11

8%

Total

Subventions État

159,24

157,49

-1%

160,75

2%

162,25

1%

- dont SCSP mission « Enseignement scolaire »

157,37

156,39

-1%

159,8

2%

161,33

1%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Le projet annuel de performances pour 2019 rappelle que cette progression est notamment due à des mesures salariales et, en particulier, à la mise en oeuvre du protocole « PPCR ».

Votre rapporteur spécial regrette que ni les actions visant à contribuer à la maîtrise des dépenses publiques dont la mise en oeuvre est demandée par le ministère, ni la diminution des effectifs à hauteur de - 13 ETP (dont - 3 ETP pour le CNED, - 15 ETP pour le Réseau Canopé et + 5 ETP pour le CIEP) n'aient permis de stabiliser, voire de réduire, les crédits consacrés aux opérateurs .

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de sa commission des finances, un amendement du Gouvernement visant :

- à minorer les crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 13 414 837 euros en AE comme en CP, afin de « tenir compte des votes intervenus dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 ». Cette minoration se répartit à hauteur de :

• 922 123 euros en AE comme en CP sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » ;

• 3 053 972 euros en AE comme en CP sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » ;

• 2 988 642 euros en AE comme en CP sur le programme 230 « Vie de l'élève »

• 795 219 euros en AE comme en CP sur le programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;

• 5 173 085 euros en AE comme en CP sur le programme 212 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;

• 481 796 euros en AE comme en CP sur le programme 143 « Enseignement technique agricole » ;

- à majorer les crédits de la mission « Enseignement scolaire » de 12 653 750 euros afin de « tirer les conséquences sur la mission " Enseignement scolaire " des décisions annoncées lors du rendez-vous salarial du 18 juin 2018, concernant d'une part la revalorisation des indemnités kilométriques et d'autre part de la revalorisation des barèmes des frais de nuitée ». Cette majoration se répartit à hauteur de :

• 2 124 931 euros en AE comme en CP sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » ;

• 3 366 805 euros en AE comme en CP sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » ;

• 473 099 euros en AE comme en CP sur le programme 230 « Vie de l'élève » ;

• 11 130 euros en AE comme en CP sur le programme 139 « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;

• 5 683 201 euros en AE comme en CP sur le programme 212 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;

• 994 584 euros en AE comme en CP sur le programme 143 « Enseignement technique agricole ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 31 octobre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Gérard Longuet, rapporteur spécial, sur la mission « Enseignement scolaire ».

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Je vous proposerai d'adopter sans modification le budget de la mission « Enseignement scolaire ».

Ce budget marque, par rapport au quinquennat précédent, une inflexion qui correspond aux souhaits de la majorité de notre commission. Sans doute cette inflexion n'est-elle ni suffisante ni décisive, mais les orientations du ministre répondent à nos voeux.

Les dépenses augmentent de 1,7 % en crédits de paiement ; ce qui est moins que pendant le quinquennat précédent, au cours duquel les dépenses ont crû de 2,4 % par an pendant cinq ans. Un symbole significatif : la très légère diminution des effectifs, à hauteur de 1 850 équivalents temps plein (ETP), sachant que notre démographie diminue de façon inquiétante ; au cours des prochaines années, les effectifs d'élèves dans le premier degré diminueront ainsi de trente à quarante mille élèves par an. C'est d'ailleurs cela qui permettra d'absorber la généralisation de la scolarité à partir de trois ans - mesure de bon sens - à moyens constants, et même en prolongeant la baisse des effectifs.

Ce qui est surtout satisfaisant, c'est moins la baisse des effectifs que la répartition de l'effort, puisque, conformément à nos souhaits, les effectifs dans le premier degré progressent de 1 800 ETP, en raison notamment de la généralisation, qui s'achèvera en 2019, du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et REP+. Environ trois cent mille élèves bénéficieront de ce dispositif, qui devrait améliorer les résultats du primaire, facteur de réussite dans le secondaire.

Les mesures du ministre de l'éducation nationale éclairent sa volonté de soutenir la qualité de l'enseignement primaire, au travers des stages de réussite pour 70 000 futurs collégiens - ces stages sont animés par des professeurs volontaires, rémunérés en heures supplémentaires - et de l'extension de la politique des devoirs faits au collège, qui commence à porter ses fruits. Tout cela est de bon augure pour la réussite de notre formation.

En contrepartie, il faut des moyens. Sur l'enseignement secondaire, le ministre a été prudent ; on sent qu'il veut mettre de l'ordre mais qu'il n'a pas encore complètement arrêté sa politique. Les classes de moins de dix élèves par enseignant représentent environ 7 % des classes. Cette proportion s'explique notamment par l'organisation territoriale de l'enseignement technique et professionnel et par l'organisation actuelle du baccalauréat qui conduisent à une dispersion extrême des moyens humains et à des effectifs d'élèves réduits.

En 2019, la maîtrise de l'offre dans l'enseignement secondaire général et technologique passe par deux mesures. La première est la diminution du nombre d'épreuves au baccalauréat, qui permettra la reconquête de semaines scolaires au mois de juin. C'est très important, car les obligations règlementaires de service (ORS) des enseignants s'entendent à l'échelle de la semaine, non de l'année, et, en 2019, les ORS ne seront pas remises en cause, alors que leur annualisation comblerait bien des besoins de remplacement.

Second levier : la réorganisation de l'enseignement professionnel. Le ministère évoque des « campus d'excellence » ; on ne sait pas ce que c'est, mais espérons qu'il s'agisse de regrouper l'offre de l'enseignement professionnel pour en éviter la dispersion ; en effet, l'enseignement professionnel prépare à dix mille métiers différents, ce qui est une source de complexité et de sous-utilisation des moyens, donc d'un coût élevé.

En outre, l'orientation vers l'enseignement professionnel sera plus bienveillante. Les enseignants ont tendance à orienter autant que possible vers la voie générale ; en conséquence, l'apprentissage et l'enseignement professionnel ont l'image d'un enseignement par défaut, d'un échec.

Au total, les effectifs dans le secondaire diminueront à hauteur de 2 650 ETP. Cette baisse sera compensée un peu par la rationalisation de l'offre que je viens d'évoquer et beaucoup par l'augmentation des heures supplémentaires. En effet, le nombre d'heures supplémentaires pouvant être imposées par le chef d'établissement en cas de nécessité de service passera d'une à deux heures à compter de la rentrée prochaine.

Donc ce budget repose sur un équilibre entre le soutien à l'enseignement primaire et la rationalisation du secondaire.

Quelles en sont les mesures concrètes ?

J'indique tout d'abord qu'un dépassement du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques de 170 millions d'euros peut être constaté, dû à l'effort de sincérité par rapport au budget précédent. Ainsi, une partie de l'augmentation des crédits prévue en 2019 vise à sincériser les comptes.

Le ministère, réalisant que les enseignants sont mal payés en début de carrière et voulant encourager les enseignants à prendre en charge les classes difficiles augmente de manière significative l'indemnité versée en REP+.

Néanmoins, d'une manière générale, - il y a là une ambiguïté -, la hiérarchisation des revenus liée à l'ancienneté et le poids du secondaire au sein de l'éducation nationale sont tels que l'effort, pour spectaculaire qu'il soit, bénéficie plus aux enseignants en fin de carrière. Ainsi, dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), le surplus touché par un professeur certifié s'élèvera à 10 000 euros s'il est en fin de carrière et à 1 000 euros s'il est débutant.

Par ailleurs, le fait de recruter moins permettra, on l'espère, de maintenir le niveau au concours. En outre, les étudiants pourront être associés dès la deuxième année de licence à l'enseignement, avec une indemnisation, ce qui les familiarisera avec leur futur métier. Ces mesures, qui favorisent le recrutement et les vocations, sont peu coûteuses, en raison précisément de cette hiérarchie fondée sur l'ancienneté.

Cette politique n'est malheureusement pas assez stimulante pour casser ce préjugé qui nuit à la qualité du recrutement dans certaines matières - mathématiques, anglais, français.

Le budget prévoit aussi un léger effort de productivité pour l'administration non enseignante, mais il est marginal.

Un motif de satisfaction pour nous réside dans la fin du logiciel Sirhen, équivalent pour l'éducation nationale du système Louvois au ministère des armées ; cela correspond à une demande du Sénat. Toutefois, cela ne règle pas le problème au fond, car il faut tout de même un système de gestion des ressources humaines.

Je conclurai sur une note plus personnelle. Nous avons la chance d'avoir un ministre qui connaît son ministère ; cela lui permet de l'administrer, sans annoncer de réformes mais en les faisant. C'est un progrès. En revanche, j'émets le voeu qu'il s'intéresse plus à ses partenaires, à commencer par les collectivités territoriales. En effet, le ministère est une structure organisée et hiérarchisée qui ignore ses partenaires.

Ainsi, le dédoublement des classes de primaire et la généralisation de la scolarisation à trois ans représentent des classes supplémentaires. Pourtant, les collectivités territoriales ne sont souvent mobilisées que pour payer les factures. Autre exemple, les collectivités pourraient être davantage impliquées dans la vie des établissements plutôt que de se limiter à être le témoin de conflits, au sein des établissements, entre les syndicats d'enseignants, la direction et les parents d'élèves, qui se terminent généralement en une demande de subvention... Le ministre dirige son administration, c'est bien, mais l'éducation nationale, c'est aussi ses milliers d'établissements et sa diversité d'acteurs.

Deuxième partenaire auquel Jean-Michel Blanquer pense insuffisamment : les employeurs et les régions, en partie dépossédées de la formation au profit des branches professionnelles, qui ne connaissent pas la réalité des territoires et des parents. Dans le cadre de la revalorisation de l'enseignement professionnel, il faut remettre autour de la table, avec l'éducation nationale, les élus locaux, les employeurs mais aussi les intercommunalités.

Enfin, je veux évoquer un aspect un peu particulier que l'on commence à observer en milieu urbain. En 1959, les relations entre public et privé ont été réglées au travers d'une sorte de conférence de Yalta, mais, alors que les parents changent, les ratios demeurent. Il faudra en reparler un jour ou l'autre. En particulier, des écoles hors contrat émergent dans les très grandes villes, soit pour raisons de choix pédagogiques soit pour des raisons idéologiques et communautaires. Le ministre fait bien fonctionner son administration mais il est ministre de la France entière, non seulement de son administration. Nous devons interpeller le ministre au sujet de cet isolement face à ces partenaires.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le tort du Sénat est souvent d'avoir raison trop tôt, mais, pour une fois, notre message a été entendu par le ministre. La France favorise trop l'enseignement secondaire au détriment du primaire. Les options proposées dans le secondaire ne sont pas forcément toutes nécessaires, et elles sont très coûteuses. Il faut mettre l'accent sur le primaire.

Le rapporteur spécial appelle notre attention sur les moyens considérables de Sirhen. Il fallait effectivement avoir le courage de trancher, mais le coût de ce logiciel et de son remplacement s'élève tout de même à 500 millions d'euros. Les ministères doivent en tirer les leçons et cesser de développer leurs propres logiciels de paie.

J'ai deux questions pour Gérard Longuet. Y a-t-il des postes non pourvus ou des concours qui ne donnent pas les résultats escomptés ? Le resserrement des postes devrait améliorer la qualité du recrutement, mais quel est l'état des effectifs réels par rapport aux effectifs prévus ?

Par ailleurs, y a-t-il des moyens consacrés au développement de l'internat, qui permet de traiter le décrochage scolaire ? Le ministre veut relancer cette pratique ; c'est une excellente initiative, car c'est un bon moyen de lutter contre les inégalités scolaires, de même que les devoirs faits au collège. Est-ce encore à l'état de projet, ou y a-t-il déjà, dans le projet de loi de finances pour 2019, des moyens consacrés à cela ?

Je suis d'accord avec les analyses du rapporteur spécial et je recommande, comme lui, d'adopter le budget de cette mission.

M. Vincent Delahaye . - Notre rapporteur général évoquait la constance. Chaque année, je m'étonne que l'on parle du budget de l'éducation nationale sans disposer de chiffres sur le nombre de classes et le nombre d'enseignants qui ne sont pas devant des élèves.

Notre rapporteur se réjouit d'une légère diminution de postes d'enseignants, soit 1 850 ETP en moins, mais le tableau d'emploi montre une augmentation de 5 813 emplois, les contrats aidés étant en effet transformés en postes. Au final, les effectifs dans l'éducation nationale augmentent bel et bien.

Les résultats scolaires se sont-ils améliorés du fait de l'augmentation de 48 000 postes sous le précédent quinquennat ?

Le tableau d'emploi du ministère fait état de 28 000 postes de soutien à la politique du ministère de l'éducation nationale. Que font ces personnes ?

M. Antoine Lefèvre . - Les contractuels de l'éducation nationale sont de plus en plus nombreux dans les zones défavorisées. Or, ces enseignants ne sont pas nécessairement bien formés. Dispose-t-on de chiffres précis ?

M. Roger Karoutchi . - Depuis une vingtaine d'années, il est question de modifier les horaires des certifiés et des agrégés. Il y a trois ans, le ministère voulait instaurer 20 heures de travail hebdomadaire. Cette réforme aurait permis de réduire le nombre de recrutements, de rehausser le niveau des concours et de fluidifier la gestion des horaires des établissements. J'ai le sentiment que cette piste a été abandonnée par le Gouvernement : est-ce le cas ?

M. Arnaud Bazin . - La contraction de l'offre des enseignements dans le secondaire va-t-elle affecter l'apprentissage du latin et du grec ?

Le nombre de postes d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) augmente-t-il dans ce budget ?

M. Éric Bocquet . - Depuis plusieurs années, nous connaissons une crise du recrutement aussi bien dans l'académie de Créteil que dans celle de Versailles. Les conditions d'exercice et les rémunérations expliquent sans doute cette désaffection. Sur 150 000 étudiants qui s'inscrivent aux concours, seul un tiers se présente aux épreuves et des postes ne sont pas pourvus afin de ne pas brader les recrutements. Pour combler ces manques, des contractuels, qui n'ont pas forcément les qualifications requises, sont embauchés. Qu'entend faire le ministère pour inverser la tendance ?

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - En 2018, 400 postes mis au concours du CAPES n'ont pas été pourvus, principalement en mathématiques, en lettres et en langues vivantes. Cet état de fait favorise la diminution des effectifs que j'évoquais tout à l'heure. Les métiers de l'enseignement sont en compétition avec d'autres métiers de services. Ainsi, les formations au numérique reposent en grande partie sur les mathématiques. Or, il faut une grande force de conviction pour préférer gagner moins dans une classe indisciplinée que de gagner plus dans l'ambiance décontractée d'une « start-up », même si les risques de licenciements ne sont ensuite pas minces... Le métier d'enseignant a donc besoin d'être soutenu, tant sur le plan matériel que psychologique : les enseignants ont trop souvent le sentiment d'être seuls. C'est un beau métier mais la matière est difficile et l'environnement incertain, surtout du fait que la hiérarchie tente de s'affranchir de ses responsabilités en demandant aux enseignants d'étouffer les incidents. Sans travail et sans discipline, pas de résultats.

Le primaire compte 3 000 contractuels et le secondaire 30 000. À une époque, la contractualisation permettait d'espérer une titularisation. Aujourd'hui, tel n'est plus le cas : ces emplois sont occasionnels. L'existence de contractuels est l'expression de la crise de cette profession.

La création de 46 000 postes d'enseignants entre 2012 et 2017 n'a pas fait l'objet d'une évaluation scientifique. Le pourcentage des élèves rencontrant des difficultés reste au même niveau : entre 15 % et 20 %. Il est néanmoins difficile de se prononcer, car les effets de ces recrutements ne pourront être mesurés que dans la durée.

Lors de la précédente législature, la politique « plus de maîtres que de classes » était menée. Le ministre a fait un choix différent en scindant les classes en deux : mathématiquement, le résultat est identique, mais le résultat semble bien meilleur car chaque enseignant est responsable de sa classe. Nous allons demander l'évaluation des mesures menées. Même s'il coûte cher, le dédoublement des classes semble donner des résultats ; il en va de même pour la politique des devoirs faits qui mobilise des enseignants mais aussi des volontaires. Enfin, les stages de réussite reposent sur la mobilisation des familles et le sens de la responsabilité des élèves.

Le ministre a évoqué l'internat mais le budget ne comporte aucune mesure concrète, alors que des internats pourraient sauver des établissements. Les internats de la réussite ont bénéficié de crédits des Programmes d'investissements d'avenir (PIA). Je ne vois rien dans le budget qui permette d'améliorer le sort des 210 000 places d'internat et qui sont occupées à 80 %. Les deux adversaires de l'internat sont la multiplication des établissements sur le territoire, ce qui renforce la proximité mais nuit aux internats, mais aussi l'évolution du milieu familial qui se veut plus protecteur des enfants.

L'augmentation de 5 813 postes qui figure dans le budget de l'éducation nationale n'en est pas une : il s'agit de l'extension en année pleine des recrutements intervenus en 2018 et de la transformation de contrats aidés en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

La scolarisation des enfants handicapés fonctionne assez bien. Les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont augmenté de 300 % les prescriptions d'accompagnement au bénéfice d'enfants handicapés qui sont de plus en plus nombreux : il s'agit d'enfants qui souffrent souvent de problèmes psychologiques, plus que de handicaps physiques. Les MDPH font porter à l'éducation nationale des problèmes qui ne ressortent pas, à proprement parler, de l'éducation. La définition du handicap mériterait peut-être d'être revue.

Le Comité CAP 2022 a proposé la création d'un nouveau statut pour les enseignants du secondaire. Depuis, plus rien. Les agrégés assurent 15 heures hebdomadaires tandis que les autres doivent dispenser, en fonction des catégories auxquelles ils appartiennent, 18 ou 21 heures de cours. Nous poserons la question au ministre en séance publique. Dans un rapport que j'ai commis, je proposais d'augmenter les obligations de service à 20 heures hebdomadaires pour les certifiés, les contractuels et les agrégés, hors classes préparatoires aux grandes écoles.

Les langues anciennes ne sont pas menacées. En revanche, sont visées les multiples activités professionnelles enseignées à l'école et la diversité des options. Il ne semble en effet pas indispensable de consacrer autant de moyens à des langues peu pratiquées qui, pour certaines, relèvent de la volonté individuelle ou de la vie communautaire. Le ministère va vers l'offre qu'il juge la plus utile.

M. Marc Laménie . - Ce budget s'élève à 72,8 milliards et dispose de moyens humains considérables. Quid du partenariat avec les collectivités locales ? Quid des transports scolaires ? Pourriez-vous faire le point sur la médecine scolaire qui semble sous-dotée ?

Je déplore que les jeunes soient assez peu sensibilisés au devoir de mémoire, même si les situations sont très diverses d'une académie à l'autre, d'un établissement à l'autre.

Enfin, je regrette que les liens entre l'éducation nationale et les entreprises soient si ténus.

M. Patrice Joly . - Je serai assez nuancé sur ce projet de budget. Certes, le dédoublement des classes semble une bonne chose mais y a-t-il, comme le craint l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), un glissement des moyens affectés aux territoires ruraux vers les territoires urbains ? J'approuve également les efforts faits pour améliorer la rémunération des enseignants et pour augmenter le nombre d'AESH.

Pourtant, au regard des besoins révélés par l'enquête PISA, les moyens ne semblent pas à la hauteur des enjeux et augmentent dans de moindres proportions que lors du précédent quinquennat.

Je regrette la diminution sensible du nombre de postes d'enseignants dans le secondaire alors qu'il y aura 26 000 jeunes de plus en 2018-2019 et 40 000 en 2019-2020.

Comment seront financées les heures supplémentaires censées améliorer le pouvoir d'achat des enseignants ?

Les collectivités locales doivent supporter le coût du dédoublement des classes et de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. Certes, l'État compense grâce à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), mais toutes les communes ne sont pas éligibles.

Les territoires ruraux souffrent de postes non pourvus aussi bien dans le primaire que le secondaire.

Je m'abstiendrai donc sur ce budget.

M. Jean-François Husson . - Je regrette l'absence de travail partenarial entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales. Aujourd'hui, le ministère décide et les collectivités obtempèrent. La dépense publique doit être réduite et la DETR redéployée. L'école doit être le premier maillon pour l'égalité des chances. Les expérimentations positives devraient être mieux connues.

M. Michel Canévet . - Heureusement, le programme prévisionnel d'accroissement du nombre d'enseignants du précédent quinquennat n'a pas été mené à son terme : il eut été plus difficile de réadapter les effectifs.

Les taux d'insertion professionnelle sont particulièrement élevés dans l'enseignement agricole. Merci à notre rapporteur de l'avoir rappelé car cette filière a besoin de considération.

La baisse de la natalité va-t-elle compenser l'obligation d'instruction dès 3 ans ?

L'enseignement privé bénéficie de crédits budgétaires relativement moindres que dans le public. Or, l'évolution du taux de scolarisation dans le privé ne semble pas justifier une telle différence de traitement.

Mme Fabienne Keller . - Dans votre rapport, il apparaît que les effectifs dans le premier degré vont chuter de 200 000 élèves.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Il s'agit d'effectifs cumulés.

Mme Fabienne Keller . - Certes, mais il va falloir accompagner cette évolution qui concerne potentiellement 8 000 enseignants. En outre, nous allons devoir affronter des fermetures de classes et même d'écoles.

M. Jérôme Bascher . - Hier, en conseil des ministres, a été reporté le plan pour la sécurité à l'école, pourtant urgent. Les auditions que vous avez menées ont-elles montré que ce sujet était prioritaire ? Quels sont les crédits qui lui sont consacrés ?

S'agissant des conseils d'administration des établissements publics locaux d'enseignement, vous avez indiqué, à juste titre, que les partenaires regardaient passer les obus. Ne devrait-on pas revoir ces conseils d'administration, voire ces établissements publics, pour une meilleure efficacité, y compris budgétaire ?

M. Emmanuel Capus . - Vous avez rapidement abordé la question de la détresse des enseignants confrontés aux problèmes de sécurité et d'incivilité, et de déliquescence de l'autorité. Des moyens complémentaires sont-ils prévus dans le projet de loi de finances pour assurer la sécurité des enseignants face à des classes toujours plus difficiles ?

Votre rapport évoque le succès de l'enseignement technique agricole, dont les crédits augmentent moins vite que ceux des autres types d'enseignement, alors qu'il est en profonde mutation. Les sommes qui lui sont allouées sont-elles suffisantes ?

Mme Sophie Taillé-Polian . - Je ne partage pas l'ensemble de vos analyses, Monsieur le rapporteur spécial.

La situation était délicate dans les écoles primaires l'année dernière, car il était difficile d'appréhender les conséquences du dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et REP+ sur les effectifs des autres classes de ces écoles, voire d'autres écoles, quelquefois situées dans des zones de grande mixité. Des écoles maternelles ont pu ainsi être confrontées à des fermetures de classes, voire d'écoles en milieu rural, ou à l'absence d'ouverture de classes.

Un suivi de ces mesures de dédoublement serait nécessaire pour s'assurer qu'elles n'ont pas servi à « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». La dégradation de la situation dans certaines écoles périphériques crée un sentiment d'injustice et peut altérer la qualité de l'enseignement en école maternelle.

M. Bernard Delcros . - Les difficultés à pourvoir un certain nombre de postes ont des conséquences importantes sur la qualité de l'enseignement. Je l'ai constaté en milieu rural : on fait appel à des personnes parfois mal préparées, recrutées au pied levé. Il faudrait mesurer, par territoire ou secteur et sur plusieurs années, l'évolution des recrutements sur des postes qui ne peuvent être pourvus par des enseignants titulaires.

M. Jean Pierre Vogel . - Le dédoublement des classes en REP en REP+ est une excellente mesure. Peut-elle être étendue aux zones de revitalisation rurale (ZRR) ? Les classes REP et REP+ sont plutôt situées dans les zones urbaines ; les zones rurales sont, une fois de plus, abandonnées.

Le seuil de fermeture des classes en ZRR pourrait-il être fixé à douze élèves ?

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Les questions soulevées sont toutes intéressantes, et vous trouverez de nombreuses réponses dans mon rapport.

Marc Laménie et Jean-François Husson ont évoqué le partenariat avec les collectivités locales. Nous avons besoin de reconstruire cette responsabilité. En tant qu'ancien élu local, je mesure combien l'éducation nationale ne fonctionne bien qu'avec une connaissance réelle des terrains, lesquels sont différents.

On voit bien la diversité dans la mise en oeuvre des politiques publiques sur le territoire national, ce qui agace les parlementaires. Ceux-ci sont confrontés soit à des formules générales dont ils ne mesurent pas nécessairement les effets sur le terrain soit à des problèmes de terrain qui n'intéressent pas l'administration centrale.

Le ministre dirige le ministère, mais ce dernier doit bien être le ministère de l'éducation « nationale », une politique déclinée sur l'ensemble du territoire, dans toute sa diversité, avec l'ensemble des partenaires.

Prenons l'exemple du programme « devoirs faits » au collège : cela signifie qu'il faut mettre en place de nouvelles tournées de ramassage scolaire, ce qui a un coût. Ce dispositif est optionnel : ne devrait-on pas l'imposer à tous les parents pour ne pas avoir à organiser plusieurs ramassages ?

La médecine scolaire a longtemps détenu le monopole de l'accès à la médecine. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Néanmoins, elle doit rester la voiture-balai pour les élèves qui échappent à tout médecin.

Le lien avec la citoyenneté a été évoqué. L'éducation n'est pas envisageable sans des valeurs partagées : le respect de l'autre, celui des adultes, des élèves entre eux et des enseignants par les parents d'élèves. Cette valeur est au coeur de la réussite scolaire. Les établissements scolaires les plus performants sont ceux dans lesquels le chef d'établissement fait respecter une certaine discipline, ce qui est plus facile dans l'enseignement privé où il dispose du choix des élèves et des enseignants.

Pour susciter des vocations, les établissements scolaires doivent être plus forts et travailler avec davantage de partenaires. Pour avoir présidé pendant douze ans le conseil d'un lycée agricole, je peux vous assurer que l'état d'esprit y est tout à fait différent : le président préside et dispose de moyens, car il est un élu régional, et le directeur dirige. Les professionnels sont au conseil d'administration, ce qui change tout : leur parole a un grand poids auprès des parents d'élèves.

Patrice Joly souhaite savoir qui paye le dédoublement des classes primaires. Cette question, que nous posons tous dans nos départements, reçoit des réponses embarrassées des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) et des recteurs. On a manifestement gratté ce qu'on pouvait là où on le pouvait... Nous n'avons pas de réponses détaillées par département.

Fabienne Keller a évoqué la démographie : l'éducation nationale connaît parfaitement les tendances lourdes. Mais la répartition géographique est mal connue. Par ailleurs, les parents sont libres de choisir entre centre-ville et périphérie. Nous souhaitons tous sauver les centres-villes, mais les habitants ne veulent pas y vivre, ce qui a des conséquences sur les établissements scolaires... Par ailleurs, le choix de l'école reste assez libre dans notre pays, entre établissement public et privé et même au sein du public. Nous devons affiner au niveau régional des statistiques nationales que nous maîtrisons bien. En banlieue parisienne, on assiste à des phénomènes d'éviction : certains collèges sont abandonnés, et il sera impossible d'obliger les familles à y inscrire leurs enfants. La démographie doit se marier avec l'idée qu'ont les élus locaux du développement de leurs quartiers.

Patrice Joly a également soulevé la question des relations entre le préfet, les élus locaux et la demande scolaire. Les élus disent qu'ils ne sont au courant de rien, les Dasen ne savent pas grand-chose et les préfets encore moins... Le fléchage des crédits d'État pour aider les collectivités locales ne fonctionne pas.

Jean-François Husson a avancé une idée de bon sens : il faut comparer les expériences et retenir ce qui marche le mieux. Pour cela, il faut disposer de chiffres régionalisés. Or la région connaît les lycées, mais ignore les collèges et les écoles primaires. C'est pourtant un tout !

Je comprends que Jean Pierre Vogel se plaigne que la revitalisation rurale ne fonctionne pas. Ce qui peut poser problème en zone rurale, c'est le manque d'ambition des élèves, pourtant travailleurs et sérieux. Le monde rural est souvent hélas coupé de l'avenir : les élèves ne se projettent pas dans vingt ou trente ans. Ces jeunes ne sont pas soutenus par leurs familles, qui craignent qu'ils ne partent et ne reviennent jamais.

L'enseignement agricole est une réussite, comme l'a souligné Michel Canévet, car il a cessé d'être exclusivement agricole. C'est un enseignement rural, qui forme les jeunes aux métiers de la ruralité, de l'agroalimentaire et aux métiers de bouche. Sa force est de reposer sur le volontariat des élèves et des enseignants.

Jérôme Bascher a évoqué le plan pour la sécurité à l'école. Seuls les élus locaux, qui font du quadrillage de quartier, peuvent donner des informations opérationnelles aux enseignants et à leurs dirigeants. Le problème essentiel de la sécurité est la mobilisation des adultes : chacun doit être en partie responsable du « fardeau ».

Le fort recours aux contractuels, évoqué par Bernard Delcros, touche particulièrement les académies de Versailles et de Créteil.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances, après avoir pris acte des modifications introduites par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre de l'éducation nationale

- M. Raphaël MULLER, directeur-adjoint du cabinet ;

- M. David KNECHT, conseiller budgétaire ;

- Mme Marie DUTERTRE, conseillère parlementaire.

Ministère de l'éducation nationale

- M. Jean-Marc HUART, directeur général de l'enseignement scolaire ;

- M. Alexandre GROSSE, chef du service du budget, de la performance et des établissements ;

- M. Philippe THURAT, sous-directeur de la gestion des programmes budgétaires ;

- M. Édouard GEFFRAY, directeur général des ressources humaines ;

- M. Guillaume GAUBERT, directeur des affaires financières.


* 1 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 2 Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité, rapport d'information n° 690 (2017-2018) de Max Brisson et Françoise Laborde, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 25 juillet 2018.

* 3 CNESCO, Le métier d'enseignant attire-t-il toujours ?, novembre 2016.

* 4 Les heures supplémentaires dans le second degré de l'éducation nationale : un enjeu budgétaire et de gestion des ressources humaines, rapport d'information de Gérard Longuet, fait au nom de la commission des finances, n° 194 (2016-2017), 7 décembre 2016.

* 5 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 6 Rapport général n° 108 (2014-2015) de Gérard Longuet et Thierry Foucaud, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014.

* 7 OCDE, « Education at a glance 2018, OECD indicators, France - Country note », 2018.

* 8 Parité de pouvoir d'achat.

* 9 Olivier Monsot, « L'effet d'une réduction de la taille des classes sur la réussite scolaire en France : développements récents », DEPP, Éducation & formations n° 85, novembre 2014.

* 10 Mathieu Valdenaire, « Essais en économie de l'éducation », thèse de doctorat, école des hautes études en sciences sociales, 2011.

* 11 Jean Ecalle, Annie Magnan et Fabienne Gibert, « Class-size effects on literacy skills and literacy interest in first grade: a large-scale investigation », Journal of School Psychology , 2006.

* 12 La Gazette des communes, « La note salée du dédoublement des classes », 8 octobre 2018.

* 13 « L'école maternelle est et sera davantage à l'avenir un moment fondateur de notre parcours scolaire français. À ce titre, j'ai en effet décidé, et la " captatio benevolentiae " du ministre allait largement en ce sens, j'ai décidé de rendre obligatoire l'école maternelle, et ainsi d'abaisser de 6 à 3 ans en France l'obligation d'instruction dès la rentrée 2019 ».

* 14 Article 4 du décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré.

* 15 Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré.

* 16 Décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré.

* 17 Cour des comptes, référé sur le dispositif de remplacement des enseignants des premier et second degrés, 23 décembre 2016.

* 18 Cour des comptes, « Le Coût du lycée », rapport thématique, septembre 2015.

* 19 Décret n° 2018-614 du 16 juillet 2018 modifiant les dispositions du code de l'éducation relatives aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique.

* 20 Arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux épreuves du baccalauréat général à compter de la session de 2021.

* 21 Céline Calvez et Régis Marcon, « La voie professionnelle scolaire : viser l'excellence », rapport au ministre de l'éducation nationale remis le 22 février 2018.

* 22 « Grande pauvreté et réussite scolaire », Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l'éducation nationale, mai 2015.

* 23 Avenant n° 3 du 12 décembre 2014 à la convention du 20 octobre 2010 entre l'État et l'ANRU relative au programme d'investissements d'avenir (action : « Internats de la réussite »), NOR : PRMI1426517X.

* 24 Convention du 13 février 2017 portant avenant n° 4 à la convention du 20 octobre 2010 entre l'État et l'ANRU relative au programme d'investissements d'avenir (Actions : « Internats d'excellence et égalité des chances » et « Internats de la réussite »), NOR : PRMI1702231X.

* 25 Rapport d'information n° 522 (2017-2018) de Gérard Longuet fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes sur le recours aux personnels contractuels dans l'éducation nationale, déposé le 30 mai 2018.

* 26 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 27 Audition du 30 mai 2018.

* 28 http://www.senat.fr/amendements/2015-2016/163/Amdt_II-153.html

* 29 Logiciel unique à vocation interarmées de la solde.

* 30 Audition du 8 novembre 2017.

* 31 Projet de loi de finances pour 2018 : Enseignement scolaire, avis n° 112 (2017-2018) de Jean-Claude Carle et Antoine Karam, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 novembre 2017.

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