B. LE BACEA RETRACE LES DÉPENSES ET LES RECETTES DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L'AVIATION CIVILE, QUI ASSUME LES RESPONSABILITÉS DE L'ÉTAT DANS LE DOMAINE DE L'AVIATION CIVILE

1. Si les dépenses totales du BACEA seront stables en 2019, des mouvements de crédits significatifs entre programmes budgétaires sont prévus par le projet de loi de finances

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) rassemble trois programmes , qui regroupent pour 2019 un montant de 2 120,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Il s'agit là d'un niveau quasiment stable par rapport à celui qui était prévu par la loi de finances pour 2018, lequel s'élevait à 2 127 millions d'euros , soit 6,3 millions d'euros de plus .

En ajoutant les 59,5 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits également prévus, le montant total des crédits de la mission devrait s'élever à 2 180 millions d'euros en 2019.

Ce niveau très proche de celui de 2018 recouvre toutefois des mouvements de crédits importants entre programmes budgétaires .

Évolution des crédits (AE=CP) du BACEA en 2018 et 2019, et exécution 2017

(en euros)

Programme

Exécution 2017

LFI 2018

PLF 2019

Évolution 2018-2019

(en %)

612 « Navigation aérienne »

572 721 088

531 854 892

572 223 059

+7,8 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

1 551 137 756

1 551 855 360

1 506 144 487

-3,0 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

42 756 496

43 425 234

42 370 969

-2,4 %

Total

2 166 615 340

2 127 135 486

2 120 738 515

-

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le programme 612 « Navigation aérienne » verra ses crédits augmenter de 40,3 millions d'euros en 2019 pour atteindre un montant de 572,2 millions d'euros (AE=CP), contre 531,9 millions d'euros en 2018.

Ces crédits sont destinés au financement des activités de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), chargée de rendre les services de la navigation aérienne sur le territoire national et dans les espaces aériens confiés à la France par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour plus de 3 millions de vols par an 11 ( * ) . La forte hausse de 7,8 % de ses crédits tranche avec relative la stabilité des années précédentes, hors fonds de concours, et s'explique par les efforts supplémentaires qu'elle va consentir en matière d'investissements (voir infra ).

En contrepartie, le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile », qui regroupe les crédits de l'ensemble des fonctions supports de la DGAC (finances, systèmes d'information, ressources humaines, logistique), portera en 2019 1 506,1 millions d'euros (AE=CP), soit 45,8 millions d'euros de moins (- 3 %) qu'en 2018.

Ce programme retrace également la subvention pour charges de service public versée par la DGAC à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) , établissement public administratif qui a pour mission d'assurer la formation initiale et continue des cadres de l'aviation civile .

Enfin, le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » porte les crédits relatifs à l'exercice des compétences de la DGAC en matière de régulation économique , de développement durable et de respect par l'ensemble des acteurs des règles qui leur sont applicables , en particulier en matière de sécurité et de sûreté, soit 42,4 millions d'euros (AE=CP) prévus pour 2019, un montant inférieur de 1 million d'euros par rapport à celui qui était prévu par la loi de finances initiale pour 2018.

Une spécificité du BACEA : l'absence de réserve de précaution

La DGAC constituait jusqu'à la loi de finances pour 2018 une réserve pour aléas de gestion. En 2017, elle représentait 30 millions d'euros. Il ne s'agissait toutefois pas d'une réserve de précaution au sens de l'article 51 alinéa 4 bis de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), que le Budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA) n'est pas tenu de constituer.

Pour la loi de finances 2018, le BACEA n'a pas constitué de réserve pour aléas de gestion (hormis pour l'opérateur ENAC). Cette décision émane du Comité de finances de la DGAC, en date du 8 décembre 2017. En effet, en raison des prévisions de trafic très positives et du bon niveau de trésorerie, la constitution d'une réserve de précaution ne se justifiait pas.

Ce choix s'est accompagné d'une évolution de gestion du BACEA, au travers d'un nouveau cadencement de délégation de crédits, plus rapide (100% des AE et 75 % des CP pour tous les programmes en début d'année), qui permet un examen précis du rythme de consommation. Si toutefois un évènement spécifique devait intervenir en cours d'année, la DGAC procèderait à un financement de ces dépenses par le biais d'un prélèvement sur trésorerie.

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

2. Les recettes d'exploitation du BACEA seront en légère progression en 2019

La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait des recettes de 2 038,2 millions d'euros pour le BACEA en 2018.

Le présent projet de loi de finances prévoit qu'elles augmenteront de 14,7 millions d'euros (+ 0,7 %) en 2019 par rapport à 2018 pour atteindre 2 052,9 millions d'euros .

Cette légère hausse s'explique quasi-exclusivement par le dynamisme de la taxe de l'aviation civile (TAC) , dont le produit augmentera de 20,3 millions d'euros l'an prochain, et, dans une moindre mesure, par la hausse des recettes de surveillance et de certification (+ 1,5 million d'euros).

Les recettes de redevance de route, qui constituent de loin la première ressource du BACEA, connaîtront en revanche une baisse de 2 millions d'euros qui peut paraître surprenante dans un contexte de forte croissance des survols du territoire français, mais s'explique par le reversement aux compagnies aériennes des trop-perçus au titre de l'année 2017 (voir infra ).

Évolution des recettes d'exploitation du BACEA
entre la LFI 2018 et le PLF 2019

Recettes (M€)

Exécution 2017

LFI 2018

PLF 2019

Écart

%

Redevances de navigation aériennes

1 635,1

1 570

1 568

-2,0

-

Redevances de surveillance et de certification

30,0

28,5

30,0

+1,5

+5,3 %

Taxe d'aviation civile

436,6

416,4

436,7

+20,3

+4,5 %

Taxe Bâle-Mulhouse

1,26

6,6

6

-0,6

-9,1 %

Taxe de solidarité

-

6

-

-

-100 %

Autres recettes

75,6

10,7

12,2

+1,5

+14,0 %

Total recettes exploitation

2 178,6

2038,2

2 052,9

+ 14,7

+0,7 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

a) Les recettes de redevances de navigation aérienne baisseront légèrement en 2019 en raison de la restitution aux compagnies aériennes des trop-perçus au titre de l'année 2017

Les redevances de navigation aérienne regroupent la redevance de route (RR) , la redevance pour services terminaux de circulation aérienne métropole (RSTCA-M) et les redevances de navigation aérienne outre-mer , la redevance océanique (ROC) et la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne outre-mer (RSTCA-OM) .

L'évolution de leurs recettes est déterminée par l'évolution des tarifs des taux unitaires inscrits en RP2 et pris en application des règlements Ciel unique II , ainsi que des prévisions de trafic (voir infra ).

Le rendement global des redevances de navigation aérienne devrait être de 1 568 millions d'euros en 2019, contre une prévision de 1 570 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2018.

Cette légère diminution est imputable à la baisse de 2 millions d'euros des recettes de la redevance de route (RR) , dont le montant devrait représenter 1 316 millions d'euros en 2019 contre 1 318 millions d'euros en 2018.

Cette baisse des recettes de la redevance de route, directement indexée sur le dynamisme du trafic aérien en survol , ne s'explique nullement pas l'anticipation d'un ralentissement de ce trafic. Bien au contraire, sa croissance devrait se poursuivre .

Mais les recettes de redevance de route seront en revanche impactées négativement en 2019 par l'application du mécanisme de calcul de ses taux unitaires prévu par les règlements Ciel unique II.

Ceux-ci prévoient en effet que lorsque le trafic d'une année N a été supérieur aux attentes, et que par conséquent le produit de la redevance de route a dépassé le montant prévu, alors le sur-recouvrement enregistré l'année N doit être intégralement compensé par un ajustement à la baisse du taux unitaire de l'année N+2.

Or, la croissance du trafic aérien survolant la France en 2017 avait été supérieure de 5,0 % aux prévisions, si bien que les recettes excédentaires de redevance de route par rapport à la prévision initiale avaient représenté 63,8 millions d'euros, leur montant total atteignant 1 374 millions d'euros.

La DGAC aura donc l'obligation de diminuer en 2019 le taux unitaire de sa redevance de route afin de restituer aux compagnies aérienne ce trop-perçu (voir infra).

La redevance pour services terminaux de circulation aérienne métropole (RSTCA-M) , en revanche, devrait voir ses recettes rester stables par rapport à 2018, à 211 millions d'euros .

Les prévisions de recettes pour 2019 des redevances de navigation aérienne outre-mer , quant à elles, s'établissent à 41 millions d'euros , soit un niveau identique à celui de 2018.

b) Des redevances de surveillance et de certification dont le niveau sera supérieur de 4,5 % à celui de 2018

Les redevances de surveillance et de certification 12 ( * ) viennent financer en partie la surveillance des acteurs de l'aviation civile , la délivrance d'agréments et d'autorisations , de licences ou de certificats nécessaires aux opérateurs (constructeurs, ateliers d'entretien, compagnies aériennes, aéroports, personnels, organismes de sûreté, opérateurs de navigation aérienne). Ces différentes activités sont principalement prises en charge par la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) au sein de la DGAC.

Leurs recettes s'élèveraient à 30,0 millions d'euros en 2019, soit un montant supérieur de 1,5 million d'euros (+4,5 %) aux 28,5 millions d'euros attendus en 2018.

c) Le montant de la taxe de l'aviation civile, perçue intégralement par le budget annexe depuis le 1er janvier 2016, connaîtra une nette hausse de 4,5 % en 2019

Le présent projet de loi de finances prévoit que le produit de la taxe de l'aviation civile s'élèvera à 436,7 millions d'euros en 2019, soit une forte hausse de 20,3 millions d'euros par rapport aux recettes prévues par la loi de finances initiale pour 2018.

Cette augmentation est la conséquence directe de la poursuite de la croissance du trafic aérien au départ et à destination de la France et se base sur une augmentation de 4,7 % du nombre de passagers par rapport à 2018.

Aux recettes de la TAC s'ajouteront en 2019 pour la deuxième année consécutive celles de la « taxe Bâle-Mulhouse » dont doivent désormais s'acquitter les passagers et le fret à l'arrivée et au départ de l'aéroport franco-suisse de Bâle-Mulhouse et destinées à couvrir le coût des missions d'intérêt général assurées sur la plateforme par la DGAC . Le montant de ces recettes est estimé à 6 millions d'euros pour 2019.

Les évolutions récentes du régime de la taxe de l'aviation civile (TAC)

À la suite des préconisations du rapport du groupe de travail présidé par notre ancien collègue député Bruno Le Roux sur « La compétitivité du transport aérien français », le régime de la TAC a été profondément modifié par l'article 92 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, dans le but d'améliorer l'attractivité des plateformes aéroportuaires parisiennes .

En vertu de cet article, les compagnies aériennes ont été exonérées du paiement de la TAC à 50 % pour les passagers en correspondance depuis le 1 er avril 2015 et cette exonération a été portée à 100 % à compter du 1 er janvier 2016 . Elle concernera en 2016 12,6 millions de passagers et entraînera une diminution de recettes de 63,5 millions d'euros .

Afin de compenser la perte de recettes subie par le BACEA en raison de cette mesure, la quotité de TAC qui lui est affectée est passée de 80,91 % à 85,92 % au 1 er avril 2015 puis à 93,67 % au 1 er janvier 2016 .

Le régime de la TAC a de nouveau été modifié par l'article 42 de la loi n° 2015-1786 de finances rectificative pour 2015, qui a supprimé la quotité de TAC revenant au budget général de l'État à compter du 1 er janvier 2016 . Depuis cette date, l'intégralité du produit de la TAC est donc affectée au BACEA .

Source : commission des finances du Sénat

d) La DGAC a décidé de construire son projet de budget sans tenir compte des excédents de la taxe de solidarité sur les billets d'avion qui lui avaient été affectés à compter du 1er janvier 2017

En 2019, le BACEA devrait recevoir 6,5 millions d'euros au titre des frais de gestion des sommes recouvrées au titre de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TS) , de la taxe d'aéroport (TA) et de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) , soit un niveau analogue à celui qui est prévu pour 2018. Le prélèvement pour frais de gestion de la TS, de la TA et de la TNSA correspond à 0,5 % des produits de ces trois taxes depuis le 1 er janvier 2013.

Les taxes perçues par la DGAC pour le compte de tiers

La DGAC est chargée de l'établissement de l'assiette, du recouvrement et du contrôle de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TS), de la taxe d'aéroport (TA) et de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), dont le produit est reversé à des tiers.

Celui de la TA est transféré aux aéroports au titre du financement des services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril animal, de sûreté et des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux. Pour 2019, son produit est estimé à 1 028 millions d'euros.

Le produit de la TS participe au financement de l'aide au développement dans le domaine de la santé dans le cadre du programme UNITAID confié pour la France à l'Agence française pour le développement (AFD). Pour 2019, son produit est estimé à 218,0 millions d'euros.

Le produit de la TNSA est reversé aux exploitants d'aéroports en vue du financement des aides accordées aux riverains pour l'atténuation des nuisances sonores ou au remboursement à des personnes publiques des avances consenties pour financer des travaux de réduction des nuisances sonores. Pour 2018, son produit est estimé à 49 millions d'euros.

Source : projet annuel de performances pour 2019 et tome 2 du Voies et moyens 2019 annexés au projet de loi de finances pour 2019

Le BACEA percevra également 5,7 millions d'euros de recettes diverses.

La DGAC n'a en revanche pas pris en compte dans la construction de son budget le reversement des recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TS) excédant son plafond annuel de 210 millions d'euros , qui étaient reversés au budget général jusqu'en 2016 et lui sont affectés depuis le 1 er janvier 2017 13 ( * ) .

Cette « approche prudentielle », pour reprendre les termes employés par le projet annuel de performance du BACEA pour 2019, a pour but de dégager des marges de manoeuvre pour, le cas échéant, ajuster les recettes de la taxe de solidarité aux besoins du fonds de solidarité pour le développement en diminuant ses taux , ainsi que l'avait proposé le rapporteur général de la commission des finances lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2017 et pour 2018.

Une telle mesure, discutée dans le cadre des Assises du transport aérien, permettrait d'alléger le poids des prélèvements obligatoires pesant sur les compagnies aériennes au départ et à l'arrivée en France (voir supra ).

3. Un budget annexe dont les tarifs de redevance et les objectifs de performance sont étroitement encadrés par le droit européen, dans le cadre de la construction du ciel unique européen
a) La France, acteur central de la construction du Ciel unique européen au sein du FABEC

Depuis 2004, la France participe à la construction du Ciel unique européen , dont l'objectif est d'assurer par les services de la navigation aérienne une gestion de l'espace aérien européen plus intégrée , de sorte que les frontières nationales cessent de constituer des contraintes pour les acteurs du transport aérien.

Dans un contexte de forte croissance du trafic aérien à moyen et long terme , l'enjeu pour l'Union européenne est d'améliorer la sécurité , les capacités et l'efficacité économique des vols en Europe tout en réduisant leur empreinte environnementale .

Pour optimiser le trafic international, les pays européens sont regroupés au sein de huit blocs fonctionnels d'espace aérien (FABs) intégrés qui rassemblent les espaces supérieurs de pays mitoyens .

Depuis la signature le 2 décembre 2010 à Bruxelles du traité créant le FABEC (ce traité a été ratifié en 2012), la France fait partie du bloc fonctionnel d'espace aérien « Europe centrale » (FABEC) avec l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Le FABEC représente à lui seul 50 % du trafic aérien européen .

Le Ciel unique européen s'appuie également sur un important volet technologique et de R&D baptisé SESAR (Single european sky ATM research ) , qui doit permettre aux États européens de bénéficier d'une nouvelle génération de système de gestion du trafic pour pouvoir faire face aux futurs besoins en matière de capacité et de sécurité du trafic aérien à l'horizon 2020 .

C'est dans le cadre de SESAR que la DGAC, et, en son sein, la direction des services de la navigation aérienne (DNSA), a cherché ces dernières années à moderniser ses outils de contrôle de la navigation aérienne , après avoir accumulé un important retard en la matière (voir infra ).

b) Un prestataire de la navigation aérienne placé sous le contrôle étroit de la Commission européenne dans le cadre du plan de performance RP2 du FABEC

Le règlement européen n° 1070/2009 « Ciel unique 2 » a mis en place un système européen de régulation de la performance des services de navigation aérienne , piloté par la Commission européenne, qui fixe à chaque pays membre des objectifs ambitieux en termes de sécurité , de capacité (réduction des retards) et d'efficacité économique (coût unitaire des services) et environnementale (réduction des distances parcourues) des vols.

C'est au regard de ces objectifs qu'il convient d'analyser les performances pour le moins contrastées de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de la DGAC, comme votre rapporteur spécial a cherché à le faire dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe » publié le 13 juin 2018 14 ( * ) .

(1) Un taux unitaire de redevance de route qui restera performant en 2019

Dans ce cadre, les taux unitaires des redevances aéronautiques des États européens sont construits sur des hypothèses de coûts et de trafics fixées pour plusieurs années .

2019 sera la cinquième et dernière année de mise en oeuvre de la deuxième période de référence (RP2) de la régulation européenne des services de navigation aérienne 15 ( * ) .

La France, à l'instar d'autres pays européens, ayant estimé que les objectifs initialement fixés par la Commission européenne étaient irréalistes et auraient pénalisé de façon excessive les recettes de la DGAC alors qu'elle doit financer de lourds investissements et un protocole social 2016-2019 ambitieux , ce n'est qu'au terme d'un long bras de fer que les objectifs français d'efficacité économique pour les services en-route ont été définitivement arrêtés le 22 mars 2017 : le coût unitaire en 2019 16 ( * ) de ces services devra être inférieur de - 11,5 % à la valeur inscrite pour 2014 dans le plan de performance 2012-2014, contre une baisse de - 15,5 % initialement demandée par la Commission européenne 17 ( * ) .

La France apparaît plutôt compétitive pour le tarif de sa redevance de route , qui s'élève à 63,61 euros par unité de services (UDS) en 2018 , en baisse de 3,46 euros par rapport aux 67,07 euros de 2017.

De fait, s'il s'agit du sixième montant le plus élevé parmi les 41 États membres d'Eurocontrol , il convient de souligner que la France demeure le moins cher des grands États , puisque le tarif de la redevance de route s'élève à 80,11 euros en Italie , 67,18 euros au Royaume-Uni , 69,67 euros en Espagne , 67,20 euros en Allemagne et 67,79 euros en Belgique et au Luxembourg , le record étant détenu par la Suisse avec 98,7 euros de redevance de route .

Le tarif de la redevance de route française va encore diminuer en 2019 pour atteindre 60,81 euros , afin de rendre aux compagnies aériennes les recettes excédentaires perçues en 2017 , année pour laquelle le trafic aérien avait été sous-estimé (voir supra ).

Taux unitaire de la redevance de route en France de 2015 à 2019

2015

2016

2017

2018

2019

70,00€

67,54€

67,00€

63,48€

60,81€

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

(2) Des retards qui vont encore s'aggraver en 2019, en raison d'outils obsolètes et d'une organisation du travail inadaptée

L'indicateur de performance numéro un des services de la navigation aérienne du monde entier , auquel est naturellement très sensible la Commission européenne dans le contexte de RP2, est celui des minutes de retards générés par les régulations de trafic attribuables aux centres en route . L'objectif fixé par le plan de performance pour la France est de 0,42 minute par vol en 2018 et de 0,43 minute par vol pour 2019.

Objectifs de retard moyen en route fixés à la DSNA
et résultats sur la période 2015-2019

Retard moyen en route (minutes de retard par vol)

2015

2016

2017

2018

2019

Objectifs globaux

0,48

0,49

0,42

0,42

0,43

Objectif hors causes météorologiques et mouvements sociaux

0,37

0,38

0,33

0,33

0,34

Résultats globaux

0,70

1,07

1,15

2,4 (janvier-juillet 2018)

-

Résultats hors causes météorologiques et mouvements sociaux

0,48

0,67

0,76

n.d.

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Ainsi que le montre le tableau ci-dessus, la DSNA est loin d'avoir atteint les objectifs qui lui étaient fixés ces dernières années avec 0,98 minute de retard par vol en 2015, 1,37 minute de retard par vol en 2016 et 1,13 minute de retard par vol en 2017. La situation se dégrade encore au premier semestre de l'année 2018 avec 2,4 minutes de retard par vol . Ces résultats se sont clairement détériorés depuis 2014, en raison des difficultés à faire passer un trafic en forte croissance .

En outre, si l'on n'examine plus le nombre de minutes de retard par vol mais le nombre de minutes de retard total généré par la DSNA à cause de son contrôle en-route , on constate que celui-ci a représenté 5 715 050 minutes de retard depuis le début de l'année 2018. 49 % de ces minutes de retard sont dues à un manque de capacité et 20 % à des mouvements sociaux , comme le montre le graphique ci-dessous.

Répartition des causes de retards liés aux régulations du trafic aérien

Source : direction des services de la navigation aérienne (DSNA)

La DSNA est ainsi responsable à elle-seule, selon Eurocontrol, de 33,4 % des minutes de retard générées par les différents prestataires de services de la navigation aérienne (PSNA) en Europe en 2017 , ce qui constitue une proportion particulièrement importante , même si elle est en recul par rapport à 2016, année où la DSNA avait été responsable de 41,6 % des retards dans la zone couverte par Eurocontrol.

Selon la direction du transport aérien (DTA), ces retards représentent un coût important pour les compagnies aériennes .

Celui-ci est estimé à 350 millions d'euros en 2017, dont 300 millions d'euros pour les retards en-route et 50 millions d'euros pour les retards générés lors de la gestion des arrivées et des départs.

Ces chiffres sont d'autant plus significatifs qu'ils représentent un quart du montant des redevances dont se sont acquittées en 2017 les compagnies aériennes auprès de la DSNA.

S'il est possible de trouver des circonstances atténuantes à la DSNA, en particulier la densité du trafic aérien qui survole le territoire français, il n'en demeure pas moins que ces résultats insuffisants et qui risquent fort de se dégrader davantage dans les années à venir sous l'effet de la hausse du trafic , s'expliquent essentiellement par trois causes auxquelles il est urgent de remédier :

- les effets délétères d'un nombre de mouvements sociaux excessif, puisqu'ils sont responsables à eux seuls de 25 % des minutes perdues en survol de notre pays selon Eurocontrol . Les effets des grèves qui ont eu lieu dans le centre en-route d'Aix-en-Provence au printemps 2018 dégraderont à coup sûr les performances de la DSNA ;

- le déficit de capacités de la DSNA dû aux retards pris par ses programmes de modernisation ;

- la productivité insuffisante des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) , qui doit être améliorée grâce à des adaptations de leurs horaires de travail pour mieux faire face à un trafic toujours plus saisonnier et concentré sur des jours de pointe .

Résoudre ces trois difficultés représente un enjeu essentiel pour que la DSNA parvienne à retrouver une réputation de services de la navigation aérienne d'excellence au niveau mondial, aujourd'hui passablement écornée.

Pour y parvenir et mobiliser les équipes de la DSNA autour d'un projet ambitieux , il pourrait être utile de prévoir la conclusion d'une forme de contrat , analogue aux contrats d'objectifs et de performance (COP) des établissements publics, qui viendrait formaliser des objectifs précis .


* 11 La DSNA est responsable des services de contrôle « En-Route » rendus par les cinq centres En-Route de la navigation aérienne (CRNA) et des services d'approche et de contrôle d'aérodrome des 90 aéroports de métropole et d'outre-mer.

* 12 Ces redevances ont été instaurées par l'article 120 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 codifié à l'article L. 611-5 du code de l'aviation civile.

* 13 Cette mesure résulte de l'article 65 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, adopté à l'initiative de nos collègues députés.

* 14 Retards du contrôle aérien, la France décroche en Europe, rapport d'information n° 568 (2017-2018) réalisé au nom de la commission des finances du Sénat par Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »,

* 15 Dans le cadre de la première période de régulation RP1 (2012-2014), les États ont réalisé une baisse de leurs coûts de navigation aérienne de -7 % pour un objectif de - 10 %.

* 16 En valeur 2009.

* 17 Dans sa décision du 11 mars 2013.

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