C. COMME LE PRÉVOIT LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE ÉLABORÉE PAR LE GOUVERNEMENT, L'AFITF VERRA SES MOYENS AUGMENTER DE 10 % EN 2019

1. La répartition des crédits de l'AFITF en 2019 tend plutôt à favoriser la modernisation des réseaux existants et les transports du quotidien

Les 13,4 milliards d'euros de crédits de paiement que la programmation pluriannuelle des investissements dans les infrastructures de transport prévoit pour l'AFITF pour la période 2018-2022 devraient être répartis de la façon suivante :

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses de l'AFITF (en millions d'euros courants)

2 441 + 327 au titre du règlement définitif de l'écotaxe

2 684

2 982

2 687

2 580

2 780

Les 2 780 millions d'euros prévus pour l'année 2023 s'inscrivent pour leur part dans l'enveloppe de 14,3 milliards d'euros annoncée pour la période 2023-2027 .

Comme le montre le graphique ci-dessous, ces montants traduisent bien une nette montée en puissance du budget de l'AFITF par rapport aux années 2016 et 2017 qui mérite d'être saluée compte tenu des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques.

Évolution du budget de l'AFITF entre 2016 et 2023
(en millions d'euros courants)

Source : AFITF

Sous réserve de modifications susceptibles d'intervenir d'ici à l'adoption du budget de l'AFITF par son conseil d'administration au mois de décembre, les crédits de paiement de l'AFITF devraient atteindre 2 684 millions d'euros en 2019, soit une augmentation de près de 10 % par rapport au montant du budget de l'établissement pour 2018 (celui-ci s'établissait à 2 767 millions d'euros, mais il convient de retirer de ce montant les 326 millions d'euros exceptionnels qui correspondaient au règlement définitif du contrat de partenariat public-privé de l'écotaxe poids lourds) et de 24,5 % par rapport à l'exécution 2017 .

Le contrôle que le Parlement est en mesure d'effectuer sur le budget
de l'AFITF demeure toujours aussi insatisfaisant

Pour assurer son financement, l'AFITF bénéficie de taxes qui lui sont affectées par l'État, à qui elle reverse ensuite les deux tiers de son budget sous forme de fonds de concours qui viennent compléter les crédits du programme n° 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Mais ces fonds de concours ne sont qu'évaluatifs, si bien que le Parlement a impérativement besoin de connaître le budget initial prévisionnel de l'AFITF au moment où il se prononce sur les crédits du programme n° 203.

En effet, sans ce document, le circuit budgétaire du financement des infrastructures et la multiplicité des organismes concernés (SNCF Réseau, Voies navigables de France, grands ports, collectivités territoriales, etc.), rendent très difficile - voire impossible - de savoir quel est le montant effectivement consacré aux infrastructures de transport en France.

L'an passé, votre rapporteur spécial avait réclamé que le budget prévisionnel de l'AFITF soit systématiquement transmis au Parlement avant l'examen de la loi de finances, afin que députés et sénateurs puissent enfin opérer un contrôle complet des crédits destinés par l'État au financement des infrastructures de transport.

De fait, même si ledit budget n'est adopté qu'en décembre par son conseil d'administration, il est déjà largement finalisé au moment où le Parlement examine le projet de loi de finances, puisqu'il est nécessairement établi parallèlement à celui du programme 203 dont il constitue le complément.

Une fois de plus, ce budget ne lui a pas été transmis et les quelques informations relatives à l'AFITF qu'elle a obtenues l'ont été au moyen des questionnaires qu'elle a envoyés et des auditions qu'elle a menées.

Elle ne peut donc que déplorer une nouvelle fois le fait que l'utilisation des crédits de l'AFITF demeure beaucoup trop soustraite à un contrôle effectif du Parlement.

Source : commission des finances du Sénat

Ces 2 684 millions d'euros de crédits de paiement de l'AFITF en 2019 devraient, selon la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), être répartis de la façon suivante :

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2019/2018

Réseau routier

831

932

1 100

+ 18,0 %

Réseau ferroviaire

672

729

720

- 1,2 %

Trains d'équilibre du territoire

259

271

380

+ 40,2 %

Voies navigables

102

105

110

+ 4,8 %

Ports

42

36

40

+ 11,1 %

Transports urbains

236

273

380

+ 39,1 %

Intermodalité / Fret

33

28

20

- 28,6 %

Autres

25

25

24

- 4,0 %

Total

2 200

2 400

2 680

+ 11,7 %

Votre rapporteur spécial considère que deux sujets doivent être traités en priorité par le budget de l'AFITF pour tenter de répondre aux besoins exprimés par nos concitoyens en matière de transports :

- la modernisation des réseaux existants ;

- les transports du quotidien .

Dans les deux cas, il s'agit de rompre avec la logique des grands projets d'infrastructures pour se focaliser sur la régénération des réseaux historiques , dont la dégradation est parfois très inquiétante , et se concentrer sur les besoins de mobilité qui sont ceux des Français dans leur vie de tous les jours .

Si votre rapporteur spécial analysera plus en détail infra les différentes actions menées par le Gouvernement pour répondre à ces deux objectifs, le projet de budget pour l'AFITF de 2019 , pourtant très rigide puisque quasi-exclusivement composé d'engagements passés, tend à montrer que ces deux sujets devraient plutôt faire l'objet d'un traitement budgétaire privilégié l'an prochain .

On peut notamment citer :

- la modernisation du réseau routier qui devrait bénéficier de 520 millions d'euros de l'AFITF, contre 480 millions d'euros en 2018, soit une hausse de + 8,3 % ;

- l'achat de matériel roulant pour les trains d'équilibre du territoire (TET), pour lequel 380 millions d'euros sont prévus, contre 271 millions d'euros en 2018, soit une forte augmentation de + 40,2 % ;

- les transports urbains , transports du quotidien par excellence, bénéficieront de 380 millions d'euros de crédits , contre 273 millions d'euros en 2018, soit une hausse très significative de 39,1 % .

2. Le montant des restes à payer de l'AFITF devrait légèrement diminuer en 2018, tout comme la dette de l'établissement vis-à-vis de SNCF Réseau

Le financement des infrastructures de transport se caractérise par sa pluri-annualité . Qu'il s'agisse de l'État ou de l'AFITF, les projets engagés une année font l'objet de décaissements réguliers les années suivantes tout au long de leur réalisation.

D'après les documents transmis à votre rapporteur spécial, l'AFITF devrait avoir engagé au 31 décembre 2017 37,4 milliards d'euros depuis sa création et les mandatements s'élèveraient à 25,4 milliards d'euros.

L'AFITF doit donc faire face à ses engagements passés pour des montants très substantiels .

Fin 2017, une somme d'environ 12,0 milliards d'euros restait ainsi à mandater , soit un montant légèrement supérieur à cinq exercices au regard du budget 2018 de l'AFITF.

Ce montant diminuerait légèrement en 2018 , pour atteindre 11,8 milliards d'euros en fin d'année, les engagements totaux de l'AFITF représentant à cette échéance 40,0 milliards d'euros et les mandatements 28,2 milliards d'euros .

Restes à payer de l'AFITF à la fin de l'année 2017

Compte-tenu des échéanciers prévus pour les différentes conventions passées et notamment pour les concessions et contrats de partenariat, les budgets nécessaires pour couvrir ces restes à payer de 2018 à 2026 peuvent être estimés aux montants ci-dessous.

(en milliers d'euros)

Ces montants ne représentent que les besoins strictement liés aux conventions passées avant l'exercice 2018.

Pour établir les besoins totaux de l'AFITF, il faut ajouter à ces chiffres :

- les dépenses inéluctables reconduites annuellement concernant la maintenance et la sécurité des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales ;

- les montants nécessaires à la poursuite des programmes contractualisés signés entre l'État et les collectivités (CPER, plan exceptionnel d'investissement en Corse, contrats de développement en outre-mer) ;

- les besoins des opérations nouvelles, telles les LGV et les autoroutes concédées, et le renouvellement du matériel des trains d'équilibre du territoire.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

En outre, l'AFITF est endettée : fin 2018 l'agence devra encore 221 millions d'euros à SNCF Réseau au titre de la ligne à grande vitesse (LGV) Sud Europe Atlantique.

Le remboursement de cette dette , dont la diminution a commencé en 2015, devra être poursuivi avec d'autant plus de vigueur lors des exercices budgétaires à venir que cet arriéré de dette aura entraîné le paiement par l'AFITF d'une nouvelle pénalité financière de 50 millions d'euros en 2018 .

Dette de l'AFITF vis-à-vis de SNCF Réseau

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

LGV Est 2

159

0

27

LGV SEA

512

406

255

221

Autres

6

4

-

Total Principal

677

410

282

221

Pénalités financières

30

37

46

50

Total

707

447

328

271

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

3. Alors qu'il n'est nullement garanti que l'AFITF perçoive effectivement les 2,7 milliards d'euros que lui promet le Gouvernement, 500 millions d'euros de recettes supplémentaires devront être dégagées dès 2020

Les recettes de l'AFITF sont constituées par différentes taxes affectées . Depuis 2015, elle ne reçoit plus de subvention d'équilibre de la part de l'État (jusqu'en 2014, ladite subvention était portée par le programme 203).

Dans une logique de report modal , les taxes affectées à l'AFITF proviennent exclusivement du secteur routier . Il s'agit de:

- la redevance domaniale versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes ( 13,4 % des recettes prévues en 2019) ;

- la taxe d'aménagement du territoire (TAT) 4 ( * ) acquittée par les concessionnaires d'autoroute, à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers ( 19,5 % des recettes prévues en 2019) ;

- une partie du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national ( 18,6 % des recettes prévues en 2019) ;

- une fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE - 44,9 % des recettes prévues en 2019), en remplacement de l'écotaxe poids lourds .

Le financement de l'AFITF par la TICPE

La loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 avait prévu l'affectation à l'AFITF, en remplacement de l'écotaxe poids lourds, d'une augmentation de 2 centimes d'euro par litre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers et de 4 centimes pour les poids lourds, soit une recette pour l'AFITF de 1 139 millions d'euros en 2015, permettant notamment de contribuer au financement de l'indemnité de 528 millions d'euros versée en 2015 à Écomouv'.

La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a ramené le montant de TICPE affecté à l'AFITF à 715 millions d'euros dans la mesure où les paiements échelonnés à Écomouv' se limitent désormais à 48 millions d'euros par an.

Alors que la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 avait affecté 1 076 millions d'euros à l'AFITF, le présent projet de loi de finances lui affecte 1 206 millions d'euros en 2019.

Source : commission des finances du Sénat

À la suite du protocole d'accord conclu le 9 avril 2015, l'AFITF perçoit également depuis 2015 une contribution volontaire exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes pour un montant total de 1,2 milliard d'euros courants sur la durée des concessions autoroutières répartis en fonction du trafic de chaque concession. Ainsi, 100 millions d'euros ont été versées chaque année à l'AFITF de 2015 à 2017. Le reliquat est désormais versé progressivement jusqu'en 2030 . La somme prévue en 2019 est de 60 millions d'euros .

Enfin, la région Normandie s'est engagée à verser 35 millions d'euros à l'AFITF dans le cadre du protocole signé entre l'État et la région le 25 avril 2016 qui prévoit le transfert à la région de plusieurs lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) .

Les recettes de l'AFITF en 2017, 2018 et en 2019

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

2019/2018

Taxe d'aménagement du territoire

565

472

523

+ 10,8 %

Redevance domaniale

350

355

360

+ 1,4 %

Amendes radars

400

450

500

+ 11,1 %

TICPE

735

1 076

1 206

+ 12,1 %

Plan de relance autoroutier

100

60

60

-

Versement région Normandie

-

35

35

-

Total

2 150

2 448

2 684

+ 9,6 %

Comme c'est le cas depuis 2015, le budget de l'AFITF sera avant tout financé par le produit de la TICPE , pour un montant fixé à 1 206 millions d'euros en 2019 , soit une hausse de 12,1 % par rapport au montant perçu en 2018. Il s'agit là d'un exemple d'utilisation vertueuse de la fiscalité écologique : une partie des recettes d'une taxe pesant sur les carburants routiers sont affectées à une agence qui finance en majorité des modes de transport alternatifs à la route .

Le produit de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) affecté à l'AFITF augmentera lui aussi de 10,8 % pour atteindre 523 millions d'euros en 2019, contre 472 millions d'euros en 2018. L'affectation à l'Agence de ces recettes supplémentaires sera notamment permise par la baisse de 24 millions d'euros du montant de TAT affectée au compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » (voir infra ).

Les recettes de la redevance domaniale devraient être légèrement supérieures à celles de 2018 , à 360 millions d'euros .

Si les montants de produit de ces trois taxes affectées à l'AFITF prévus en loi de finances apparaissent plutôt fiables 5 ( * ) , il n'en va pas de même en revanche pour sa quatrième recette majeure , à savoir le produit des amendes radar .

Le Gouvernement estime que l'AFITF percevra à ce titre 500 millions d'euros en 2019, un montant en hausse de 11,1 % par rapport à 2018.

Mais cette estimation n'apparaît nullement réaliste, puisque l'AFITF s'attend d'ores-et-déjà, selon son secrétaire général adjoint entendu par votre rapporteure spéciale, à enregistrer un très important moins-perçu de 200 millions d'euros sur cette recette en 2018 , soit 44 % de moins que ce qui lui avait été promis .

Le fait que les recettes de l'AFITF atteignent véritablement 2,7 milliards d'euros en 2019 apparaît donc pour le moins douteux. Partant, il est peu probable que l'agence soit à même de couvrir toutes ses dépenses prévues pour 2019 et elle risque fort de devoir reporter certaines d'entre elles, comme elle s'apprête du reste à le faire pour les dépenses de 2018 .

Le problème ne va faire que s'aggraver avec la poursuite de la hausse du budget de l'AFITF en 2020, qui nécessitera une forte augmentation de ses recettes pérennes . Compte tenu de la surestimation persistante ces dernières années du produit des amendes radars, c'est 500 millions d'euros de recettes supplémentaires qu'il faudra trouver pour l'agence dès l'an prochain, ce dont le Gouvernement convient lui-même.

Selon les réponses au questionnaire de votre rapporteure spéciale, plusieurs pistes sont actuellement explorées. Sont ainsi examinés un nouveau recours à la TICPE , sur le modèle de ce qu'avait prévu la loi de finances pour 2015 afin de compenser la suppression de l'écotaxe (voir encadré supra ). Une telle mesure , dans le contexte actuel d'hostilité à la hausse des taxes sur les carburants, apparaît toutefois difficile à envisager .

Est également évoquée avec persistance la création d'une redevance temporelle ou d'une vignette pour certaines catégories d'usagers , en particulier les poids lourds . Cette solution aurait l'avantage de faire participer les entreprises de transport routier de marchandises étrangères au financement de la régénération des routes nationales qu'elles abîment en les utilisant, mais ne devrait pas pénaliser excessivement les transporteurs routiers nationaux .

Sont également évoquées la mise en place de péages ou bien encore des formes de taxation locales pour le financement de certains projets .


* 4 Cette taxe est prévue à l'article 302 bis ZB du code général des impôts.

* 5 L'agence s'attend quand même à un moins-perçu de redevance domaniale de 8 millions d'euros en 2018.

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