B. UNE HAUSSE DES MOYENS ALLOUÉS À LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

1. Des financements dédiés sur le programme 174 qui ne paraissent pas à la hauteur des enjeux et du risque de condamnation par la justice européenne

Les crédits dédiés à la politique de lutte contre la pollution de l'air et contre le changement climatique, retracés par l'action 05 du programme 174, s'élèvent à 33,9 millions d'euros en 2019, soit une hausse de 12 % par rapport à 2018.

En particulier, 25,8 millions d'euros de crédits de paiement seront alloués en 2019 à l'amélioration de la qualité de l'air soit 11 % de plus qu'en loi de finances initiale pour 2018 . Ces crédits permettent notamment de financer la participation de l'État au budget des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSA) et du Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique (CITEPA).

Crédits de paiement alloués à l'amélioration de la qualité de l'air

(en millions d'euros)

LFI 2017

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

PLF 2019

26

2,3

23,3

23,2

25,8

Source : réponse de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

La politique de lutte contre la pollution atmosphérique passe également par un ensemble de mesures de réglementation et de mesures fiscales non retracées par la mission.

Alors que les documents budgétaires annexés à la présente mission permettaient l'année dernière de connaître le montant précisément alloué à chaque organisme et dispositif concourant à l'amélioration de la qualité de l'air, le projet annuel de performances pour 2019 regroupe ces éléments dans une sous-action intitulée « amélioration de la qualité de l'air ».

Votre rapporteur regrette cette évolution car il n'est pas possible de déterminer quelle proportion des 25,8 millions d'euros financera le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA), combien de crédits de paiement seront spécifiquement dédiés aux plans de protection de l'atmosphère (PPA), au CITEPA, au LCSQA et aux AASQA.

Dans un souci de transparence et de lisibilité, votre rapporteur souhaite que ces montants soient à l'avenir précisés.

En tout état de cause, ces montants paraissent insuffisants face au risque contentieux qui pèse sur la France au titre des dépassements des valeurs limites de dioxyde d'azote (NO 2 ) dans plusieurs zones.

À la suite de la décision du Conseil d'État du 12 juillet 2017, des « feuilles de route » devaient être élaborées pour parvenir à une amélioration rapide et notable de la qualité de l'air, dans l'ensemble des territoires français présentant des dépassements des normes de qualité de l'air. Celles-ci présentent en réalité peu de mesures contraignantes.

L'insuffisance des mesures proposées par la France ont conduit la Commission européenne à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours en manquement.

Cette nouvelle a incité la ministre des transports et l'ancien ministre de la transition écologique et solidaire à détailler certaines orientations en faveur de la mobilité propre et de la qualité de l'air, qui seront traduites dans le projet de loi d'orientation sur les mobilités.

Après l'échec des « zones à circulation restreinte », le projet de loi d'orientation sur les mobilités devrait par exemple inciter les territoires concernés par le contentieux européen à mettre en place d'ici 2020 des « zones à faibles émissions » (ZFE), où la circulation des véhicules polluants serait restreinte.

Compte tenu de la coresponsabilité politique et financière des collectivités territoriales et de l'État en cas de procédure engagée sur le fondement des articles 258 ou 260 du TFUE , liée à l'inexécution par des collectivités territoriales d'obligations relevant « en tout ou partie » de leur compétence, votre rapporteur spécial portera une attention particulière aux mesures qui seront proposées à ce sujet dans le volet « mobilité propre » du projet de loi d'orientation des mobilités.

La Commission européenne a engagé deux procédures pré-contentieuses à l'encontre de la France au titre de l'application de la directive 2008/50 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe :

- l'infraction n° 2008/2190 concerne les valeurs limites de particules fines en suspension dans l'air d'un diamètre inférieur à 10 micromètres (« PM 10 »)

Dix zones (Marseille, Toulon, Paris, Douai-Béthune-Valenciennes, Grenoble, Lyon, la Zone Urbaine Régionale de Rhône-Alpes, Nice, la Zone Urbaine Régionale de PACA et la Martinique) sont visées par l' avis motivé complémentaire notifié par la Commission le 29 avril 2015 auquel les autorités françaises ont répondu le 29 juin 2015, puis en juillet 2016 et 2017 pour l'informer des progrès réalisés.

- l'infraction n°2015/2074 concerne les valeurs limites de dioxyde d'azote (NO 2 )

La procédure porte sur :

• le non-respect de la valeur limite annuelle pour le NO 2 dans 13 agglomérations et zones de qualité de l'air (Marseille, Toulon, Paris, Auvergne-Clermont-Ferrand, Montpellier, Toulouse-Midi-Pyrénées, Zone urbaine régionale Reims Champagne Ardennes, Grenoble Rhône-Alpes, Strasbourg, Lyon Rhône-Alpes, Zone urbaine régionale Vallée de l'Arve Rhône-Alpes, Nice et Saint-Étienne Rhône-Alpes) ainsi que la valeur limite horaire de NO 2 dans les zones de Paris et de Lyon Rhône-Alpes ;

• le non-respect de l'obligation de veiller à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible.

Le 30 janvier 2018, le Commissaire européen à l'environnement, Karmenu Vella, a réuni neuf ministres de l'environnement des États membres concernés par des dépassements significatifs des valeurs limites en particules fines et dioxyde d'azote autorisées. À la suite de la réunion avec le commissaire européen, la France a présenté à la Commission le 19 avril 2018 les avancées les plus récentes réalisées dans le domaine de la lutte contre la pollution de l'air. Les autorités françaises ont indiqué que la mise en oeuvre du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PRÉPA) permet :

• d'éviter des stations de mesure supérieures aux valeurs limites en PM 10 à partir de 2020, sauf pour quelques points « noirs » résiduels très localisés situés à proximité d'axes routiers à fort trafic et devant faire l'objet d'actions ciblées ;

• de faire passer le nombre de stations de mesure ayant recensé des dépassements de valeurs limites en NO 2 de 49 en 2010 à 3 en 2030.

Par ailleurs, les autorités françaises ont précisé que des mesures complémentaires nationales et locales doivent apporter des réductions d'émission supplémentaires afin de respecter les valeurs limites dans les délais les plus courts possibles :

• au niveau local : les « feuilles de route » ont été élaborées par l'État, les collectivités territoriales et l'ensemble des parties prenantes, définissant des actions concrètes, de court terme et multi-partenariales en complément des plans de protection de l'atmosphère, adaptées à chaque situation locale afin de réduire les concentrations le plus rapidement possible ;

• au niveau national : le projet de loi d'orientation des mobilités, comportera de nombreuses mesures visant à favoriser la mobilité propre.

Pour le cas spécifique du NO 2 , les services de la Commission européenne ont reconnu les progrès et l'ambition des nouvelles mesures, mais :

• constatent que l'échéance de conformité totale est trop éloignée (horizon 2030 plutôt que 2020) ;

• estiment que certains types de mesures auraient pu être envisagées en complément (en particulier des programmes de « retrofit » des véhicules déjà sur le marché, ou un déploiement plus important des zones de restrictions de circulation - en particulier hors Île-de-France).

Aussi, la Commission européenne a décidé le 17 mai 2018 de saisir la CJUE d'un recours en manquement .

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

2. Le lancement du « fonds air-mobilité » de l'ADEME constitue une avancée bienvenue

Le fonds « air-mobilité », porté par l'ADEME, a été mis en place en 2018 dans le cadre du Grand Plan d'investissement. Il s'agit d'un progrès notable, car l'ADEME ne disposait pas de crédits d'intervention en matière de qualité de l'air auparavant.

Doté de 20 millions d'euros en 2018 et d'un financement annoncé de 180 millions d'euros sur la période 2018-2022 dans le cadre du Grand plan d'investissement, il doit permettre « d'accompagner la mise en oeuvre des feuilles de route d'amélioration de la qualité de l'air et de préparer les futures obligations de la loi d'orientation sur les mobilités » 10 ( * ) , comme le déploiement de « zones à faibles émissions » dans les territoires les plus pollués. Au titre de l'accompagnement des territoires concernées par les feuilles de route, deux millions d'euros sont alloués par territoire, et 3 millions d'euros pour les territoires concernés par le dépassement des normes pour les particules fines .

Il s'agit également de soutenir les mobilités moins polluantes, comme le vélo, et les mobilités partagées comme le covoiturage.

D'après les informations communiquées par l'ADEME, plusieurs actions ont ainsi été lancées en 2018, notamment :

- un appel à manifestation d'intérêt fin janvier, « French Mobility - Territoires d'expérimentation de nouvelles mobilités durables » dont l'objectif est d'identifier des collectivités peu denses ou rurales pour accueillir des expérimentations dans lesquelles des innovations pourront contribuer efficacement à faciliter la mobilité ;

- un appel à projets lancé en juillet 2018 à destination des collectivités pour les accompagner dans la préfiguration de « zones à faibles émissions » (ZFE) ;

- un appel à projets pour le développement de stations d'avitaillement GNV/BioGNV dans les zones dites blanches (c'est-à-dire où aucune station n'est présente), dans la continuité de l'appel à projet lancé en 2016 qui a permis un premier maillage du territoire ;

- un appel à projets dans le cadre de l'accompagnement du Plan vélo, lancé en 2018, à destination des territoires pour les accompagner à la fois dans l'élaboration de leur schéma directeur pour le développement de l'usage du vélo, ainsi que dans l'ingénierie de sa mise en oeuvre.

Ce fonds devrait disposer en 2019 de 50 millions d'euros, afin de financer le plan hydrogène, le plan vélo et les fonds air-bois.


* 10 Réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

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