PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une augmentation des crédits, s'agissant de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », de 1,7 % à périmètre courant (1,5 % à périmètre constant 1 ( * ) ) par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Si l'on exclut de son périmètre les transports, analysés par nos collègues rapporteurs spéciaux Fabienne Keller et Vincent Capo-Canellas, les crédits de la mission augmentent dans le même ordre de grandeur (+ 1,7 % à périmètre courant) .

Cette hausse du budget alloué à l'écologie découle principalement du financement du « plan biodiversité » et de la hausse des crédits dédiés au chèque énergie (667 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 15 % par rapport à 2018), en raison d'une augmentation du montant moyen du chèque, qui passerait de 150 euros par ménage éligible en 2018 à 200 euros en 2019.

Mais dans un contexte d'urgence écologique, ces efforts apparaissent nettement insuffisants :

- d'une part, le chèque énergie , qui ne bénéficie qu'à environ 4 millions de personnes, ne constitue pas une contrepartie crédible à l'augmentation massive de la fiscalité énergétique , qui se poursuivrait en 2019 ;

- d'autre part, les 10 millions d'euros alloués au financement du « plan biodiversité » sur le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » paraissent bien dérisoires face aux enjeux actuels . Le Fonds mondial pour la nature (WWF) a ainsi rappelé récemment qu'entre 1970 et 2014, 60 % de la population d'animaux sauvages a disparu.

Surtout, l'augmentation des crédits alloués à la mission sont contrebalancés par des mesures d'économies importantes en matière de masse salariale ainsi que par une fiscalité écologique punitive qui s'abat sur les français sans que les rendements supplémentaires qui en découlent pour l'État ne financent des mesures nouvelles en faveur de la transition énergétique et écologique.

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION AUGMENTENT, DANS UN CONTEXTE DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

1. En dépit d'une augmentation des moyens alloués à la mission...

Le présent rapport porte sur les programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » hors dépenses relatives aux transports, à l'information géographique et à la météorologie 2 ( * ) , ce qui représente 66 % des crédits de paiement (CP) de la mission en 2019 :

- le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », qui soutient les actions destinées à mettre en oeuvre la politique de l'eau et à préserver la biodiversité et porte cette année le « Plan biodiversité » ;

- le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » , qui rassemble les ressources consacrées au pilotage de la politique énergétique, à la gestion économique et sociale de l'après-mines ainsi qu'à la lutte contre le changement climatique et la pollution de l'air ;

- le programme 181 « Prévention des risques » , qui regroupe les crédits employés dans la lutte contre les risques naturels, technologiques et hydrauliques, ainsi que les moyens alloués à l'ADEME et au renforcement de la sûreté nucléaire ;

- le programme 345 « Service public de l'énergie » , qui regroupe les dépenses relatives à la péréquation tarifaire pour les zones non-interconnectées (ZNI), le chèque énergie, le soutien à la cogénération ou encore le budget du Médiateur de l'énergie ;

- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » , programme support de la mission, qui assure le fonctionnement général des services et porte la masse salariale du ministère de la transition écologique et solidaire et depuis 2018, du ministère de la cohésion des territoires.

Enfin, le champ de l'analyse porte également sur les comptes d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » , « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACE) » et « Aides à l'acquisition de véhicules propres » .

La maquette budgétaire de la mission « Écologie » n'est pas modifiée entre la loi de finances 2018 et le projet de loi de finances pour 2019.

Les crédits de paiement demandés pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables » s'élèvent à 11,5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit une hausse, à périmètre courant, de 1,7 % par rapport à 2018 .

S'agissant des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, la hausse des crédits de 1,7 % par rapport à 2018 découle principalement de deux éléments :

- la dynamique importante des dépenses portées par le programme 345 , en particulier les dispositifs liés à la péréquation tarifaire en faveur des zones non interconnectées (+ 88 millions d'euros), le soutien à la cogénération (+ 34,4 millions d'euros) et la budgétisation de dépenses liées à la fermeture de la centrale de Fessenheim (+ 91 millions d'euros) ;

- l'augmentation des moyens alloués au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » (+ 10,1 % par rapport à 2018), en raison du financement du « plan biodiversité ».

En revanche, le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » connaît une nouvelle fois une baisse des crédits (- 5,9 % en crédits de paiements par rapport à 2018), en raison de la baisse des prestations versées par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) qui se poursuit (-25 millions d'euros à ce titre).

En outre, le programme 181 « Prévention des risques » enregistrerait une légère baisse de crédits en 2019, principalement en raison d'une diminution de la subvention pour charges de service public versée à l'ADEME , qui passerait de 609,2 millions d'euros de crédits de paiement en 2018 à 603,2 millions d'euros de crédits de paiement en 2019.

Le financement de la transition énergétique ne se limite toutefois pas aux crédits portés par la présente mission. Le rapport sur le financement de la transition énergétique annexé au projet de loi de finances pour 2019 rappelle les autres dispositifs financiers qui existent .

Les dépenses fiscales de soutien à la rénovation thermique des logements (le crédit d'impôt pour la transition énergétique, l'éco-prêt à taux zéro et le taux de TVA réduit à 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation) ;

- le soutien à la production électrique issue de sources renouvelables et à l'injection de bio-méthane dans les réseaux de gaz, assuré par le CAS « Transition énergétique » ;

- les aides au renouvellement du parc automobile, retracées par le CAS « Aides à l'acquisition de véhicules propres » ;

- les programmes d'investissements d'avenir (PIA), en particulier les enveloppes « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » et « Véhicules et transports du futur » ;

- le dispositif des certificats d'économies d'énergies.

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2019

2. ... le premier bilan du « Plan climat » est en demi-teinte

Quelques semaines avant sa démission du Gouvernement cet été, le précédent ministre d'État de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a dressé un premier bilan du « Plan climat », la feuille de route du Gouvernement en matière de politiques environnementales.

Ce premier bilan mérite toute l'attention de la commission des finances du Sénat, dès lors que de nombreuses mesures prévues par le « Plan climat » ont ou devraient avoir un impact budgétaire et financier, parfois considérable .

Principales mesures du « Plan climat »
présenté le 6 juillet 2017

- l'objectif de la neutralité carbone en 2050, grâce à une nouvelle stratégie nationale bas-carbone et à une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ;

- la priorité donnée à la rénovation thermique des logements, avec la perspective de faire disparaître en dix ans les 7 millions de « passoires thermiques » que compte actuellement le pays ;

- la volonté de mettre fin à la vente de voitures émettant des gaz à effet de serre dès 2040 ;

- l'arrêt des dernières centrales électriques à charbon d'ici 2022 et la réaffirmation de l'objectif d'une part de 50 % du nucléaire dans le mix énergétique dans un horizon relativement proche, même si le ministre précédent a dû concéder le 7 novembre 2017 que l'objectif de 2025 énoncé par la loi relative à la transition énergétique n'était pas tenable ;

- l'accélération du développement des énergies renouvelables, pour atteindre l'objectif de 32 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030.

Source : commission des finances du Sénat

En un an, de nombreux chantiers ont été engagés dans le cadre du « plan Climat », mais le bilan reste largement en-deçà des ambitions gouvernementales . Certes, de nombreuses mesures nécessitent une action à moyen et long termes, mais comme l'a affirmé le ministre lors de la présentation de ce premier bilan, « changer d'échelle est plus que jamais d'actualité ».

Les avancées constituent une source de satisfaction, comme la promulgation de la loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement 3 ( * ) , le succès de la prime à la conversion automobile rénovée, alors qu'entre janvier et juin 2018, 75 000 personnes ont bénéficié de cette prime dont le montant est de 1 000 euros pour les ménages imposables et de 2 000 euros pour les ménages non imposables.

Par ailleurs, dans un contexte d'urgence écologique, l'adoption de feuilles de route, si elle permet de donner un cap à l'action gouvernementale, ne paraît plus suffisante lorsqu'elle n'est pas accompagnée de moyens .

La feuille de route économie circulaire ne se traduit à ce stade, dans le présent projet de loi de finances, que par une augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Le plan de rénovation énergétique des bâtiments publié en avril 2018, ou encore le plan de libération des énergies renouvelables ne sont pas à la hauteur des enjeux, l'objectif de 23 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique national en 2020 apparaissant de plus en plus difficile à atteindre.

Le report répété de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) illustre les atermoiements du Gouvernement quant à la politique énergétique de notre pays pour ces prochaines années. Le « plan hydrogène » , présenté en juin 2018, n'est quant à lui pas financé.

En matière de transports, le report du projet de loi d'orientation sur les mobilités (LOM) ne constitue pas un bon signal.

Ainsi, l'écart est de plus en plus grand entre les intentions et les actes . Face à l'insuffisance des moyens alloués à la transition écologique et énergétique, les résultats ne sont pas au rendez-vous : l'un des trois objectifs associés à la présente mission consiste à « réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Or, les résultats de l'indicateur mesurant les émissions de gaz à effet de serre par habitant sont particulièrement révélateurs de l'échec des politiques menées.

Évolution des émissions de gaz à effet de serre par habitant
entre 2016 et 2020

(en millions de tonne de CO 2 par équivalent habitant)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2019

Le projet annuel de performances annexé à la présente mission indique que « compte-tenu de ces dépassements, la France ne sera pas en mesure de respecter le premier budget-carbone 2015-2018 », pour des raisons conjoncturelles (prix bas des énergies notamment) et structurelles (résultats moins bons que prévu dans les secteurs des transports, du bâtiment et de l'agriculture). Il est même indiqué que « le dépassement pourrait s'aggraver pour le deuxième budget carbone (2019-2023) au vu de l'inertie du système, et notamment des émissions des transports, qui spontanément, croissent plus vite que le PIB ».

En outre, alors qu'une révision des plans stratégiques en matière d'énergie et de climat est en cours (la programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie nationale bas-carbone), une étude de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) 4 ( * ) , publiée en octobre 2018, confirme le retard de la France sur ses objectifs climatiques, soulignant « un écart grandissant vis-à-vis de la trajectoire des budgets carbone existants (+7 % des émissions de gaz à effet de serre globales par rapport à la cible de 2017) et le relèvement de l'ambition de long terme pour viser la neutralité carbone ».


* 1 Deux mesures de périmètre sont à noter pour 2019 : la suppression des loyers budgétaires, pour un montant de 17 millions d'euros, et le transfert de 4,7 millions d'euros de crédits du programme 203 vers le programme 119 pour la mise en place de la LGV-Est.

* 2 Programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 159 « Expertise, géographie et météorologie ».

* 3 Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement.

* 4 « Évaluation de l'état d'avancement de la transition bas-carbone en France », IDDRI, octobre 2018.

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