N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 11a

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
(PROGRAMMES 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ », 181 « PRÉVENTION DES RISQUES », 174 « ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES », 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » ET 217 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MOBILITÉ DURABLES »)

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : AIDES À L'ACQUISITION
DE VÉHICULES PROPRES

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Rapporteur spécial : M. Jean-François HUSSON

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (hors transports)

1. 11,5 milliards d'euros de crédits de paiement sont demandés au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en 2019 , soit une hausse de 1,7 % par rapport à 2018 à périmètre courant (1,5 % à périmètre constant). S'agissant des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, la hausse des crédits de 1,5 % par rapport à l'année 2018 résulte principalement de la mise en oeuvre du « Plan biodiversité » , pour un montant de 10 millions d'euros (en AE et en CP) et du dynamisme des dépenses portées par le programme 345 , en particulier les dispositifs liés à la péréquation tarifaire en faveur des zones non interconnectées (+ 88 millions d'euros) et la budgétisation de dépenses liées à la fermeture de la centrale de Fessenheim (+ 91 millions d'euros).

2. En un an, de nombreux chantiers ont été engagés dans le cadre du « plan Climat », mais le premier bilan de ce plan reste largement en-deçà des ambitions gouvernementales . Dans un contexte d'urgence écologique, l'adoption de feuilles de route, si elle permet de donner un cap à l'action gouvernementale, ne paraît plus suffisante lorsqu'elle n'est pas accompagnée de moyens . La réduction des émissions de gaz à effet de serre constitue l'un des trois objectifs associés à la présente mission. Or, la France ne sera pas en mesure de respecter le premier budget-carbone 2015-2018.

3. Le schéma d'emplois ministériels du présent projet de loi de finances prévoit une réduction de 811 ETP et un plafond d'emplois de 39 850 ETPT pour 2019. Le taux de départs à la retraite non remplacés s'établira à près de 55 %. Le rythme de baisse des effectifs ministériels est en moyenne de 2 % par an depuis plusieurs années, hors effets de périmètre.

4. S'agissant de la fiscalité énergétique , l'accélération de la trajectoire de la « composante carbone » et la convergence des fiscalités du gazole et du diesel prévue par l'article 16 de la loi de finances pour 2018 traduisent une conception « punitive » de la fiscalité énergétique, poursuivant un objectif de rendement. Les deux mesures censées atténuer les effets de la hausse de la fiscalité énergétique pour les ménages, le renforcement de la prime à la conversion automobile et la généralisation du chèque énergie, ne constituent pas des contreparties suffisantes à l'augmentation de la fiscalité énergétique. De plus, les dépenses du budget de la mission consacrées à la transition énergétique ne connaissent pas d'augmentation équivalente au rendement supplémentaire qui découle pour l'État de l'augmentation de la fiscalité énergétique.

5. L'augmentation des crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » découle de deux mesures nouvelles : le plan biodiversité, doté d'une enveloppe de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement ; l'organisation du congrès mondial de la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui se tiendra à Marseille en 2020. À périmètre constant, les crédits sont stables. Alors que le Gouvernement avait annoncé que 600 millions d'euros seraient mobilisés pour la mise en oeuvre des actions du « plan biodiversité », sur une durée de quatre ans, 510 millions d'euros proviendraient d'un redéploiement des interventions des agences de l'eau entre le 10 ème et le 11 ème programme d'intervention.

6. 25,8 millions d'euros de crédits de paiement seront alloués en 2019 à l'amélioration de la qualité de l'air. Ces montants paraissent insuffisants face au risque contentieux qui pèse sur la France au titre des dépassements des valeurs limites de dioxyde d'azote (NO 2 ) dans plusieurs zones.

7. Les subventions pour charge de service public versées par l'État aux opérateurs de la biodiversité (Agence française pour la biodiversité et Office national de la chasse et de la faune sauvage-ONCFS) ont été supprimées en 2018 en contrepartie d'un financement de ces derniers par une contribution annuelle des agences de l'eau. Cette réforme rompt avec le principe selon lequel « l'eau paye l'eau ». Malgré quelques mesures d'ajustement proposées par le présent projet de loi de finances, les modalités de financement des opérateurs de la biodiversité prévues l'année dernière sont maintenues et contraignent fortement les agences de l'eau , dans un contexte d'élargissement de leurs missions.

8. L'Agence française pour la biodiversité (AFB) dispose d'un budget très contraint : elle ne dispose d'une marge de pilotage que sur environ 30 millions d'euros et seuls 5 millions d'euros environ par an permettent de financer des actions « non-récurrentes ». La fusion de l'AFB avec l'ONCFS doit permettre de rapprocher les services de terrain des deux opérateurs, notamment afin d'atteindre ces effectifs minimaux en matière de police de l'environnement et de maintenir une pression de contrôle suffisante dans certains départements.

9. La stagnation des crédits dédiés à la prévention des risques apparaît inopportune dans un contexte de dérèglement climatique. La prévention des risques technologiques est marquée par l'adoption quasi-totale des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), quinze ans après la catastrophe « AZF » ; les prochaines années seront dédiées à la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans (renforcement du bâti des riverains, mesures foncières d'expropriation ou de délaissement). La soutenabilité du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dont la taxe affectée a fait l'objet d'un plafonnement à 137 millions d'euros en loi de finances pour 2018, semble assurée, alors que son solde de trésorerie s'élève à 243 millions d'euros en 2017.

10. Après la rebudgétisation de son financement en 2018, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) enregistrerait une légère diminution de sa dotation en 2019 (603 millions d'euros, contre 609 millions d'euros en 2018). Cette nouvelle modalité de financement limite néanmoins l'ADEME dans la gestion de son budget d'intervention. Alors que la trésorerie dégagée par l'abandon de projets et les désengagements pourrait être utilisée pour augmenter la capacité d'engagement de l'ADEME en soutien à de nouveaux projets, un prélèvement sur le fonds de roulement de l'Agence dans un avenir proche n'est pas à exclure. Le ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé une augmentation du fonds chaleur, qui serait porté à 300 millions d'euros, sans en préciser les modalités de financement .

11. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) voit ses moyens humains et financiers renforcés , dans la continuité du budget triennal 2015-2017 : 5 ETP supplémentaires sont ainsi prévus. L'évolution des charges de l'ASN pourrait cependant conduire à faire apparaître des besoins supplémentaires, notamment au regard de la montée en puissance de la problématique du démantèlement .

Sur les charges de service public de l'énergie
(programme 345 « Service public de l'énergie » et compte d'affectation
spéciale « Transition énergétique »)

1. Les charges de service public de l'énergie , qui étaient financées jusqu'en 2015 par la contribution au service public de l'électricité (CSPE) en dehors de tout contrôle parlementaire sont désormais retracées dans le budget de l'État par le programme 345 « Service public de l'énergie » et par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » .

2. Ces charges , dont le montant est arrêté tous les ans par une délibération de la commission de régulation de l'énergie (CRE), représenteront 7,8 milliards d'euros en 2019 , soit une hausse de 4,4 % par rapport à 2018, principalement due à l'augmentation du coût du soutien aux énergies renouvelables électriques .

3. Les crédits du programme 345 vont augmenter de 5,8 % en 2019 . La solidarité avec les zones non interconnectées (ZNI) représentera 1,6 milliard d'euros , en hausse de 5,8 % . La CRE formule deux propositions pour tenter de freiner cette tendance dans les années à venir. Le soutien à la cogénération sera lui aussi dynamique , avec 725,9 millions d'euros de dépenses , ce qui représente une augmentation de 5,0 % par rapport à 2018.

4. C'est aussi le programme 345 qui porte les crédits du chèque énergie qui remplace depuis le 1 er janvier 2018 les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz. Ce dispositif, qui bénéficie à 3,6 millions de ménages en situation de précarité énergétique , est présenté par le Gouvernement comme la principale contrepartie à la hausse de la fiscalité sur les produits énergétiques. Alors que son montant moyen était de 150 euros en 2018, il va augmenter en 2019 à 200 euros , ce qui restera très insuffisant pour compenser l'augmentation des taxes qui frappent de plein fouet les plus modestes de nos concitoyens.

5. À la suite des annonces du Premier ministre le 14 novembre 2018, l'Assemblée nationale a voté en seconde délibération 115 millions d'euros en autorisations d'engagement et 100 millions d'euros en crédits de paiement supplémentaires pour étendre le bénéfice du chèque énergie aux ménages appartenant aux deux premiers déciles de revenus , soit 2,2 millions de ménages supplémentaires . Au total, 5,9 millions de ménages recevront un chèque énergie en 2019.

6. Même si cet élargissement du dispositif est bienvenu , les crédits qui seront consacrés au chèque énergie en 2019 - 835,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 766,6 millions d'euros en crédits de paiement - ne représentent qu'une faible part du produit de la fiscalité écologique , que le Gouvernement considère comme une fiscalité de rendement.

7. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » , doté de 7,3 milliards d'euros pour 2019, porte avant tout les 5,2 milliards d'euros de soutien aux énergies renouvelables électriques , en hausse de 5 % par rapport à 2017 en raison du fort dynamisme des filières photovoltaïque et éolienne .

8. Il est financé de façon quasi-exclusive par des recettes issues de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ce qui apparaît cohérent et conforme à la vocation de la fiscalité écologique : les hausses de cette taxe devraient exclusivement avoir pour objet le financement de ce type de dépenses, et non l'abondement du budget général.

9. Le CAS porte également le soutien à l'injection de bio-méthane , dont le montant va doubler à 132,1 millions d'euros en 2019 ainsi que le remboursement à EDF de la dette relative à des défauts de compensation accumulés entre 2009 et 2015 , soit une somme de 1,8 milliard d'euros en 2019.

Sur le compte d'affectation spéciale « Financement
des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACE) »

1. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACE) retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité pour le financement des travaux d'électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage. Notre collègue Jacques Genest a présenté un rapport très complet à son sujet devant notre commission des finances le 15 février 2017.

2. Le montant des aides versées par le FACE sera stable en 2019, après la diminution de 4,5 % qu'il avait subie en 2018. Le FACE joue un rôle essentiel pour accompagner les territoires ruraux dans leur développement démographique et économique en matière de réseaux électriques . Les crédits du programme 794 étant systématiquement sous-exécutés , diminuer ses crédits au profit du programme 793 apparaît pertinent.

Sur le compte d'affectation spéciale
« Aide à l'acquisition de véhicules propres »

1. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres » porte les crédits relatifs aux aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 ( prime à la conversion ). Il est financé par une taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules les plus polluants malus »).

2. Les crédits du CAS vont augmenter très fortement, de 57,2 %, en 2019 pour atteindre 610 millions d'euros . Si les crédits destinés aux bonus (soit 264 millions d'euros ) seront stables, les crédits destinés à la prime à la conversion (soit 346 millions d'euros ) augmenteront de 183,6 % . Cette hausse est financée par un nouveau durcissement du malus automobile .

3. Les conditions d'attribution du bonus automobile, qui avait été recentré sur les véhicules électriques en 2018, resteront les mêmes en 2019, l'objectif étant de soutenir l'achat de 40 000 véhicules électriques . Les aides à l'achat d'un vélo à assistance électrique (VAE) , qui présentaient des effets d'aubaine avec 282 356 bonus distribués en 2017 pour un coût de 47 millions d'euros ont été considérablement resserrées, si bien que 1 500 aides seulement devraient être attribuées en 2018.

4. Alors que le Gouvernement avait prévu de distribuer 100 000 primes à la conversion en 2018, le succès du dispositif a été beaucoup plus important que prévu avec 300 000 demandes d'aides enregistrées . Les recettes du malus, beaucoup plus dynamiques que prévues en raison d'une hausse très forte des immatriculations , notamment de véhicules polluants, permettront de les financer .

5. Confronté à la colère de nos compatriotes pénalisés par l'augmentation des prix des carburants , le Gouvernement a annoncé qu'il prévoyait désormais de distribuer 1 million de primes à la conversion sur la durée du quinquennat contre 500 000 précédemment , dont au moins 200 000 en 2019.

6. Le montant de la prime à la conversion va passer de 2000 euros à 4 000 euros pour les ménages appartenant aux premiers déciles de revenus , ce qui représentera un coût de 150 millions d'euros . 100 millions d'euros financeront les primes à la conversion accessibles aux automobilistes effectuant un trajet travail-domicile supérieur à 60 kilomètres aller et retour par jour . Ces deux mesures sont positives , même si elles ne sont pas encore suffisantes .

Au 10 octobre 2018, date limite fixée par la LOLF, 78 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

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