B. AMENÉE À SIGNIFICATIVEMENT AUGMENTER D'ICI LA FIN DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL, LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE POURRAIT FAIRE L'OBJET D'UNE MEILLEURE PRÉVISIBILITÉ

1. Un effet de rattrapage qui confirme l'augmentation continue de la contribution de la France d'ici la fin de l'année 2020

Comme votre rapporteur spécial l'avait déjà souligné à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour l'exercice 2017, les derniers exercices ont été caractérisés par des sous-exécutions significatives, résultant du retard dans le décaissement des crédits relatifs à la politique de cohésion pour la période 2014-2020.

Si ce retard est habituel en début de programmation, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 se distingue par un décaissement des crédits plus lent que prévu. Par conséquent, les crédits de paiement effectivement consommés par le budget européen ont été inférieurs à la prévision initiale, ce qui s'est traduit par un ajustement à la baisse des contributions nationales des États membres.

À mesure que l'on se rapproche de l'extinction de l'actuel cadre financier pluriannuel, un effet de rattrapage de consommation des crédits est perceptible. Ces observations ont conduit votre rapporteur spécial à formuler en juillet 2018 des inquiétudes quant à un possible « goulet d'étranglement » que certaines autorités de gestion pourraient rencontrer d'ici la fin du cadre financier pluriannuel afin de programmer et de consommer l'ensemble des crédits de paiement 7 ( * ) .

À titre d'exemples, au niveau de l'Union européenne, seulement 16 % des crédits alloués au fonds européen de développement régional ( FEDER ) avait donné lieu à des paiements au 31 août 2018. S'agissant du fonds européen agricole pour le développement rural ( FEADER ), la Commission européenne estime que 34 % des crédits avait donné lieu à des paiements à cette même date.

Par conséquent, le prélèvement sur recette va continuer d'augmenter d'ici la fin du cadre financier pluriannuel, conformément aux prévisions inscrites dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Toutefois, comme le note le Gouvernement, « alors qu'une montée en charge importante de la politique de cohésion était attendue, après un démarrage très lent des paiements en début de programmation, la Commission prévoit désormais un étalement des paiements dans le temps » 8 ( * ) . Ainsi, la hausse de la contribution française entre 2018 et 2019 est deux fois moins importante qu'initialement estimée en loi de programmation des finances publiques.

Prévisions de PSRUE de 2018 à 2022 inscrits dans la LPFP

(en milliards d'euros, en crédits de paiement)

2018

2019

2020

LPFP 2018-2022

19,9

23,3

24,1

Loi de finances initiale

19,9

21,5

Prévision actualisée

20,6

Source : commission des finances du Sénat

2. La prévisibilité du prélèvement sur recettes reste délicate

La direction du budget est chargée d'établir chaque année le montant prévisionnel du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Il dépend de l'évaluation du besoin de financement de l'Union en crédits de paiement, et de l'évaluation de ses ressources. Ces données sont déterminées par la Commission européenne à partir de :

- la présentation par la Commission européenne de son projet de budget pour l'année suivante, généralement au mois de mai ;

- les hypothèses établies par la Commission quant aux assiettes des ressources TVA et RNB de l'ensemble des États membres pour l'année suivante, ainsi que les hypothèses de recouvrement des ressources propres traditionnelles (droits de douane essentiellement). Ces hypothèses sont issues du comité consultatif des ressources propres (CCRP) qui se réunit en mai chaque année. Le CCRP établit également la prévision relative au montant de la correction britannique au profit du Royaume-Uni et les corrections sur les exercices antérieurs associés ;

- l'hypothèse conventionnelle de solde , en principe excédentaire, de l'année en cours et qui sera reporté sur l'année suivante.

Le montant du prélèvement sur recettes inscrit en loi de finances est ainsi construit à partir d'hypothèses prévisionnelles, elles-mêmes soumises à de nombreux aléas en cours d'exécution. Ceci entraîne par conséquent une grande volatilité du montant en exécution par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale. Les trois principaux facteurs d'évolution de l'exécution du prélèvement sur recettes sont les suivants :

- l'évolution des dépenses de l'Union européenne en cours, notamment en fonction de l'adoption de budgets rectificatifs. Pour l'exercice 2017, 6 budgets rectificatifs avaient été adoptés. En 2018, 5 budgets rectificatifs ont été présentés au 1 er octobre 2018, dont deux sont toujours en cours de discussion par le Conseil et le Parlement. La contribution des États membres constitue, aux termes de l'article 310 du traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la ressource d'équilibre du budget. Son montant est donc ajusté au fil de l'adoption des budgets rectificatifs, et selon la part relative de la richesse de chaque État membre au sein de l'Union ;

- la révision a posteriori des hypothèses du CCRP, qui donne lieu à un budget rectificatif ;

- les corrections portées sur les exercices antérieurs. Ces corrections peuvent porter sur des révisions des assiettes TVA et RNB transmises par les États membres, ainsi que des corrections relatives à la participation au financement du « chèque britannique ». Pour les corrections relatives aux assiettes, les montants dus par chaque État membre peuvent être ajustés au titre des années N-1 à N-3 , voire sur des années encore antérieures en cas de désaccord entre les États membres et la Commission européenne sur les montants d'assiette définitifs. À titre d'exemple, les corrections notifiées aux États membres en 2015 ont porté sur les années 1995 à 2014. À noter que pour le financement du « chèque britannique », le montant provisoire dont chaque État membre doit s'acquitter est mis à jour au cours des trois exercices suivants et le montant définitif n'est fixé qu'en N+4.

Écart entre l'exécution et la prévision en loi de finances initiale du PSRUE

(en millions d'euros)

*Prévision actualisée pour 2018

Source : commission des finances du Sénat

Au regard de l'importance des facteurs exogènes qui affectent la prévisibilité du prélèvement sur recettes de la France, votre rapporteur spécial constate que la direction du budget reste captive des informations transmises par la Commission européenne sur les hypothèses d'actualisation des dépenses et des ressources de l'Union européenne . A l'occasion de ses travaux de contrôle portant sur les ambitions du prochain cadre financier pluriannuel, votre rapporteur spécial a interrogé la Commission européenne sur les perspectives d'amélioration de la prévisibilité des contributions nationales . Il a été répondu à votre rapporteur spécial que les services de la Commission européenne travaillaient à améliorer le dialogue avec les États membres pour la prochaine programmation. Toutefois, les interlocuteurs auditionnés par votre rapporteur spécial ont regretté le déficit d'informations provenant de la Commission européenne , et souligné le manque de visibilité sur les prévisions de consommation des crédits de paiement à l'échelle de l'Union européenne. À la décharge de la Commission européenne, les prévisions de consommation de crédits s'appuient sur les évaluations de paiements fournies par les États membres chaque année . Or, celles-ci peuvent être surévaluées. Par exemple, les prévisions de paiements concernant l'exercice 2017, transmises par les États membres à la Commission européenne au mois de juillet 2016, étaient supérieures de près de 6,5 milliards aux besoins réels en crédits de paiement constatés en 2017, d'après la direction du budget.

À court terme, des progrès quant à l'amélioration de l'anticipation des recettes exceptionnelles, notamment des amendes, pourraient être réalisés par la Commission européenne. Votre rapporteur spécial déplore la persistance de cette imprévisibilité année après année, alors même que les enjeux pour le budget de l'État sont conséquents , la contribution de la France pouvant être assimilée au quatrième poste de dépenses de l'État.


* 7 Contribution du rapporteur spécial au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, rapport n°628 (2017-2018)

* 8 Dossier de presse de présentation du projet de loi de finances pour 2019

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