Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME I

LE BUDGET DE 2019

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

PREMIÈRE PARTIE - L'EXERCICE 2019 DANS LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

I. UN SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE CRÉDIBLE MAIS ENTOURÉ DE FORTES INCERTITUDES

A. LE BUDGET 2019 EST CONSTRUIT SUR DES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES CRÉDIBLES...

1. Un scénario de croissance révisé à la baisse mais qui demeure dans la fourchette haute des prévisions

Après avoir atteint un rythme de croissance de 2,2 % l'an passé - et même de 2,3 % hors effets calendaires 1 ( * ) , soit un niveau inédit depuis 2007 -, l'économie française semble marquer le pas .

Si le programme de stabilité d'avril avait été l'occasion pour le Gouvernement de revoir à la hausse son scénario de croissance, dans un contexte macroéconomique qui apparaissait alors particulièrement porteur, la solidité de la reprise est aujourd'hui incertaine .

En effet, la croissance trimestrielle s'est limitée à 0,2 % au cours du premier semestre, loin des niveaux enregistrés depuis le quatrième semestre de l'année 2016 (0,7 % en moyenne) et de la moyenne de la zone euro (0,4 %).

Croissance trimestrielle du PIB au sein des principaux pays de la zone euro

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Si un ralentissement est également observé à l'échelle européenne, il apparaît donc significativement plus marqué en France que dans le reste de la zone euro - suggérant ainsi qu'il procède à la fois d'une dégradation du contexte international et de facteurs internes spécifiques à la France.

Un tel fléchissement de l'activité n'avait pas été anticipé . À titre d'illustration, l'Insee prévoyait en mars dernier que la croissance française s'élèverait à 0,4 % au premier comme au deuxième semestre 2 ( * ) .

Dès lors, la contre-performance de l'économie française s'est logiquement accompagnée d'une révision à la baisse des scénarios de croissance établis pour la France par les principaux instituts de conjoncture.

Évolution des prévisions de croissance du Consensus forecasts
pour l'année 2018

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat

Aussi, après avoir refusé de tenir compte de la dégradation du contexte macroéconomique à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques de juin dernier 3 ( * ) , le Gouvernement a finalement été contraint de revoir à la baisse son scénario de croissance dans le cadre du présent projet de loi de finances .

Les nouvelles hypothèses de croissance gouvernementales sont ainsi de 1,7 % pour 2018 et 2019 , contre respectivement 2,0 % et 1,9 % dans le cadre du programme de stabilité 2018-2022 et du débat d'orientation des finances publiques pour 2019.

Les simulations effectuées par le Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) 4 ( * ) à partir des hypothèses sous-jacentes au présent projet de loi de finances suggèrent que 60 % de la révision à la baisse de l'hypothèse de croissance pour l'année 2018 s'expliquerait par la dégradation du contexte international .

Principales révisions des hypothèses sous-jacentes
à l'environnement international

(taux d'évolution)

2018

2019

Pstab

PLF 2019

Pstab

PLF 2019

Demande mondiale adressée à la France

5,0

4,4

4,7

4,4

Prix du pétrole (brent, en $)

65

72

65

73

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le reliquat procèderait à l'inverse de facteurs domestiques, au premier rang desquels figure la sous-performance de la consommation privée, en lien avec la politique fiscale du Gouvernement , qui a fait le choix contestable d'étaler les baisses de cotisations sociales, alors même que les hausses de la fiscalité indirecte et des prélèvements sociaux pèsent depuis le début de l'année sur le budget des ménages.

En toute logique, l'économie française devrait toutefois retrouver un peu de dynamisme au second semestre 2018 , dans un contexte marqué par le redressement du pouvoir d'achat sous le double effet de la réduction de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers et de la suppression du reliquat de cotisations d'assurance chômage prévue pour les salariés en octobre.

D'après la première estimation de l'Insee publiée le 30 octobre, la croissance du PIB au troisième trimestre aurait d'ailleurs atteint 0,4 % 5 ( * ) .

Croissance du PIB de trimestre à trimestre depuis 2016

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Il s'agit toutefois d'une nouvelle contre-performance , dans la mesure où l'Insee espérait une croissance du PIB de 0,5 % au troisième trimestre 2018, sous l'effet d'un rebond plus fort de la consommation des ménages.

Comparaison des prévisions et de l'exécution pour le troisième trimestre 2018

(taux d'évolution en volume)

Prévision du point de conjoncture de l'Insee du 4 octobre

Première estimation Insee (30 octobre)

Croissance du PIB

0,5

0,4

Consommation des ménages

0,7

0,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Aussi, il paraît aujourd'hui peu probable que l'économie française accélère suffisamment pour permettre d'atteindre un taux de croissance annuel de 1,7 % sur l'ensemble de l'année .

En effet, compte tenu de l'acquis de croissance après trois trimestres, le scénario du Gouvernement suppose que l'économie française retrouve au dernier trimestre un rythme de croissance comparable à celui du premier trimestre 2017 (0,8 %), ce qui apparaît difficile compte tenu de l'orientation des enquêtes de conjoncture.

Croissance annuelle 2018 en fonction de l'hypothèse
de croissance au cours du dernier trimestre

(taux d'évolution en volume)

Hypothèse de croissance au T4

Croissance annuelle 2018

0,8

1,70

0,7

1,68

0,6

1,65

0,5

1,63

0,4

1,60

0,3

1,58

0,2

1,55

0,1

1,53

0

1,50

Source : commission des finances du Sénat (calculs à partir de la première estimation de l'Insee pour le troisième trimestre 2018)

Dès lors, bien que le nouveau scénario de croissance gouvernemental demeure « crédible », ainsi que l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) 6 ( * ) , il se situe sans surprise dans la fourchette haute des estimations disponibles .

Pour 2018, l'hypothèse gouvernementale apparaît ainsi supérieure de 0,1 point aux principales estimations disponibles.

Comparaison des prévisions de croissance pour l'année 2018

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat

Si l'hypothèse gouvernementale pour l'année 2018 se situe donc légèrement au-dessus des principales estimations disponibles, l'enjeu n'apparaît pas très significatif sur le plan budgétaire , dans la mesure où une croissance inférieure de 0,1 point à la prévision augmenterait le déficit de 0,06 point de PIB environ 7 ( * ) .

En outre, l'hypothèse retenue pour 2019 se situe pour sa part dans la moyenne des prévisions disponibles . Compte tenu des prévisions de l'Insee pour le second semestre 2018, elle supposerait une croissance trimestrielle moyenne de 0,4 % en 2019.

Comparaison des prévisions de croissance pour l'année 2019

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat

Au total, le scénario de croissance retenu pour la période 2018-2019, s'il ne peut être qualifié de prudent, ne soulève donc pas d'objection majeure. Pour la période 2020-2022, il peut être noté que le Gouvernement fait le choix de conserver son scénario initial - soit une croissance de 1,7 % chaque année. Ce dernier continue ainsi de présenter un caractère modérément optimiste et n'appelle pas de nouveau commentaire 8 ( * ) .

2. Une prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires à l'activité économique raisonnable

Si le débat sur le scénario macroéconomique gouvernemental se focalise le plus souvent sur l'hypothèse de croissance, se concentrer sur cette seule variable serait une erreur. En effet, le déficit public est davantage sensible à l'hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB qu'à l'estimation de la croissance : une élasticité des prélèvements obligatoires de 0,1 point plus élevée diminue le déficit de 0,1 point environ 9 ( * ) .

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est le coefficient par lequel il faut multiplier la croissance du PIB en valeur pour obtenir la croissance « spontanée » des prélèvements obligatoires (c'est-à-dire avant les modifications du droit, appelées « mesures nouvelles »), l'année considérée.

Sur longue période, les prélèvements obligatoires « spontanés » tendent à augmenter à la même vitesse que le PIB. On dit alors que leur élasticité au PIB est égale à 1.

En revanche, il arrive fréquemment à court terme que cette élasticité s'éloigne de l'unité . Ainsi, certaines années (en général quand la croissance du PIB est forte), les prélèvements obligatoires augmentent plus rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors supérieure à 1 . D'autres années (en général quand la croissance du PIB est faible), les prélèvements obligatoires au PIB augmentent moins rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors inférieure à 1 .

Source : « Quels prélèvements obligatoires pour la sortie de crise ? », rapport d'information n° 45 (2009-2010) de Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances et déposé le 15 octobre 2009

Ainsi que cela est traditionnellement observé en période de reprise, les prélèvements obligatoires ont spontanément évolué plus rapidement que l'activité tant en 2016 qu'en 2017, avec une élasticité de 1,4 - ce qui avait grandement facilité le retour du déficit public sous le seuil de 3 % l'an passé 10 ( * ) .

Dans un contexte de ralentissement de l'économie française, le Gouvernement maintient son hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 1,1 pour 2018 , en lien avec le dynamisme de la masse salariale. D'après les évaluations du HCFP, cette hypothèse apparaît « en ligne avec les informations disponibles » et « cohérente avec les encaissements de recettes fiscales observées à ce stade de l'année » 11 ( * ) .

Le présent projet de loi de finances est en revanche construit sur l'hypothèse d'une élasticité unitaire pour l'année 2019 , ce qui paraît raisonnable après trois années au cours desquelles l'élasticité s'est établie à un niveau supérieur à sa moyenne historique.

Décomposition de l'évolution des prélèvements obligatoires

(en %)

2017

2018

2019

Croissance du PIB en valeur

2,8

2,5

3,0

Évolution spontanée des prélèvements obligatoires

4,0

2,8

3,0

Élasticité des prélèvements obligatoires

1,4

1,1

1,0

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. Un scénario de remontée des taux d'intérêt prudent

S'il paraît acquis que l'amélioration des conditions macroéconomiques et la normalisation progressive de la politique monétaire de la Banque centrale européenne devraient exercer une pression à la hausse sur les taux d'intérêt, la question du rythme de cette remontée est décisive pour les finances publiques françaises , compte tenu du niveau actuel de la dette publique.

À cet égard, le Gouvernement table sur une hausse au rythme moyen de 75 points de base par an tout au long du quinquennat.

Cette hypothèse apparaît particulièrement prudente , le Consensus forecasts retenant un rythme de remontée des taux deux fois plus lent (35 points de base par an en moyenne).

À court terme, le scénario retenu apparaît même conservateur .

Comparaison des prévisions de taux d'intérêt à long terme
pour la France (OAT à 10 ans)

(en %)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires et les prévisions du Consensus forecasts de septembre 2018)

Le Gouvernement anticipe ainsi une remontée des taux longs de 60 points de base d'ici la fin de l'année , loin des prévisions des conjoncturistes.

Pour 2019, la prévision de charge d'intérêts du présent projet de loi de finances se fonde sur l'hypothèse d'une remontée des taux longs à 2,15 % en fin d'année, soit un niveau qui ne serait pas atteint avant 2022 d'après le Consensus forecasts .

Si la prudence qui caractérise le scénario de remontée des taux retenu par le Gouvernement à moyen terme peut se justifier, dans un domaine où l'incertitude est grande, il apparaît en revanche étonnant de retenir des hypothèses aussi éloignées du consensus pour l'an prochain .

À cet égard, votre rapporteur général rappelle que la prévision de charge d'intérêts n'a pas vocation à constituer une forme de « réserve de budgétisation » cachée qui échapperait au contrôle du Parlement et dont la sous-exécution viendrait systématiquement compenser les dérapages sur les autres dépenses.

4. Une appréciation crédible de la position de l'économie française dans le cycle et de son potentiel de croissance

Enfin, il convient d'examiner les hypothèses de croissance potentielle et d' écart de production sous-jacentes au présent projet de loi de finances, lesquelles jouent un rôle décisif dans le calcul du déficit structurel, qui tient une place importante dans la gouvernance des finances publiques européenne.

Ces hypothèses n'ont pas été modifiées par le Gouvernement.

Évolution prévisionnelle de la croissance, de la croissance potentielle
et de l'écart de production entre 2017 et 2019

(taux d'évolution en volume, sauf mention contraire)

2017

2018

2019

Croissance

2,2

1,7

1,7

Croissance potentielle

1,25

1,25

1,25

Écart de production (en points de PIB potentiel)

- 0,6

- 0,2

0,2

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

L'écart de production, qui représente la différence entre le PIB effectif et le niveau d'activité « soutenable » sur longue période sans provoquer de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail 12 ( * ) , appelé PIB potentiel, reviendrait ainsi en territoire positif à compter de 2019 .

Par conséquent, le déficit corrigé du cycle économique s'établirait à un niveau légèrement supérieur au déficit nominal à compter de 2019.

L'estimation du déficit corrigé du cycle économique
et du déficit structurel par la Commission européenne

Pour déterminer le déficit structurel, la Commission européenne commence par calculer pour chaque État membre le déficit corrigé du cycle économique, en appliquant la formule suivante :

Déficit corrigé du cycle = Déficit effectif + Écart de production * Semi-élasticité budgétaire

Intuitivement, l'écart de production constitue une estimation du « potentiel de rebond » de l'économie ou, à l'inverse, de son niveau de « surchauffe ». Le niveau du déficit corrigé du cycle économique dépend donc directement de ce dernier : plus le PIB est éloigné de son potentiel, plus la part cyclique du déficit effectif est importante.

La semi-élasticité budgétaire mesure quant à elle la sensibilité du déficit effectif à l'écart de production. Sa valeur, mise à jour tous les six ans, est calculée pour chaque État membre à partir de l'estimation économétrique de l'élasticité individuelle des recettes et des dépenses sensibles à la conjoncture et de leur poids moyen dans le PIB. Pour la France, la semi-élasticité budgétaire est actuellement estimée à 0,603. En d'autres termes, lorsque l'écart de production se résorbe de 1,0 point, la part conjoncturelle du déficit effectif diminue de 0,6 point du PIB.

Une fois le déficit corrigé du cycle, le déficit structurel est obtenu en retranchant les mesures ponctuelles et temporaires.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », édition 2017, mars 2017)

Ainsi que l'avait souligné votre rapporteur général à l'occasion de l'examen du projet de loi règlement pour l'année 2017, la position de l'économie française dans le cycle économique apparaît aujourd'hui particulièrement difficile à apprécier . En effet, les enquêtes de conjoncture font état de tensions importantes sur l'appareil productif (difficultés de recrutement, etc.), tandis que les indicateurs macroéconomiques de « surchauffe » (inflation sous-jacente, dynamique des salaires) peinent à se redresser, ce qui apparaît contradictoire 13 ( * ) .

Prévisions d'inflation pour 2018 et 2019

(taux d'évolution)

2017

2018

2019

Inflation

1,0

1,8

1,4

Inflation hors tabac

1,0

1,6

1,3

Inflation sous-jacente

0,4

0,9

1,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

À titre d'illustration, l'outil d'évaluation élaboré par les services de la direction générale du Trésor à partir des résultats des enquêtes de conjoncture 14 ( * ) suggère que l'écart de production atteindrait + 3 points de PIB potentiel en 2018 15 ( * ) , soit un niveau très supérieur à l'estimation gouvernementale (- 0,2 point de PIB potentiel). Cette estimation alternative conduirait mécaniquement, si elle était retenue, à rehausser de près de 2 points de PIB le niveau du déficit structurel.

Dans ce contexte, le scénario du Gouvernement conserve néanmoins un caractère central au regard des principales estimations disponibles et ne soulève dès lors pas d'objection de la part de votre rapporteur général.

Estimations de l'écart de production

(en points de PIB potentiel)

2017

2018

2019

OCDE (sep. 18)

- 1,1

- 0,6

0,0

Gouvernement

- 0,6

- 0,2

0,2

FMI (oct. 18)

0,0

0,1

0,3

Commission européenne (mai 18)

- 0,7

0,1

0,6

Source : commission des finances du Sénat

Le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement constitue donc une base crédible pour construire le budget 2019. Il est toutefois affecté d'un degré d'incertitude important .

B. ... MAIS S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE PARTICULIÈREMENT INCERTAIN

1. Un scénario soumis à de nombreux aléas, qui concernent principalement l'environnement international...
a) Les prévisions de croissance sont en moyenne peu précises, en particulier autour des points de retournement du cycle économique

La prévision constitue toujours un art périlleux en matière économique.

Ainsi, les erreurs de prévisions concernant la croissance économique française demeurent particulièrement fortes. L'étude rétrospective des prévisions des organisations internationales, des instituts privés de conjoncture et du Gouvernement sur la période 1997-2017 permet par exemple de mettre en évidence une erreur de prévision importante de 0,9 point en moyenne , avec toutefois un biais optimiste plus marqué s'agissant des prévisions gouvernementales.

Écart entre la prévision de croissance et la croissance effective
sur la période 1997-2017

(en points de pourcentage)

Note méthodologique : l'erreur de prévision moyenne correspond à l'écart absolu moyen, tandis que le biais moyen correspond à la moyenne des écarts. Ce dernier est positif en cas de biais optimiste, négatif en cas de biais pessimiste. Dès lors, une série de prévisions apparaît d'autant meilleure que les erreurs de prévision seront faibles et proches d'une marche aléatoire.

Source : commission des finances du Sénat (calculs à partir des comptes définitifs de l'Insee et des prévisions associées au projet de loi de finances et au perspectives de l'économie mondiale d'octobre du FMI ; pour les principaux conjoncturistes, la moyenne des prévisions issues des travaux de la commission économique de la Nation a été retenue sur la période 1997-2014 puis celle du Consensus forecasts de septembre sur la période 2015-2017).

L'analyse détaillée des prévisions gouvernementales fait toutefois apparaître que ce sont les « points de retournement » du cycle économique qui sont les plus mal prévus , ainsi que le confirment les études menées sur des échantillons plus larges 16 ( * ) .

Écart entre la prévision de croissance associée au PLF et la croissance effective

(en points de pourcentage)

Source : commission des finances (calculs à partir des prévisions associées au PLF et des comptes définitifs de l'Insee)

Dans le cas français, les principales erreurs de prévision font ainsi suite à l'éclatement de la bulle internet (2000), au déclenchement de la crise financière des subprimes (2007-2008) et à l'extension de la crise de la dette souveraine en Europe (2010-2011).

Si un retournement du cycle économique reste aujourd'hui considéré comme très peu probable à court terme, le Haut Conseil des finances publiques a toutefois tenu à souligner dans son avis que le scénario de croissance du Gouvernement est affecté « d'un degré d'incertitude plus fort que les années précédentes », compte tenu principalement des aléas pesant sur l'environnement international 17 ( * ) .

b) Compte tenu des nombreux risques susceptibles de se matérialiser, le scénario de croissance 2018-2019 est entouré de fortes incertitudes

Il est vrai que de nombreux facteurs de risque sont susceptibles de se matérialiser , tant au niveau mondial qu'à l'échelle européenne.

Au niveau mondial, l'orientation de la politique commerciale des États-Unis constitue naturellement un sujet de préoccupation majeur, capable de peser à la baisse sur la croissance en minant la confiance des agents économiques et en déclenchant une spirale protectionniste.

La remontée des cours du pétrole , qui a récemment franchi la barre des 80 dollars américains, constitue également un motif d'inquiétude, dans un contexte géopolitique particulièrement incertain.

La possibilité d'un atterrissage brutal de l'économie chinoise et la vulnérabilité des pays émergents à une normalisation de la politique monétaire américaine sont également fréquemment mentionnés.

Enfin, les risques financiers liés à une correction sur les marchés actions et à une remontée non contrôlée des taux d'intérêt , dans un contexte d'excès d'endettement au niveau mondial, demeurent des sujets de préoccupation.

Au niveau européen, la situation politique italienne , susceptible de relancer la crise des dettes souveraines en zone euro en exerçant une pression à la hausse sur les taux d'intérêt, et l' issue des négociations concernant le Brexit , constituent les deux principaux motifs d'inquiétude.

Aux aléas pesant sur l'environnement international s'ajoute également un risque interne lié à l'attentisme des ménages.

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, l'effet calendaire de la politique fiscale gouvernementale a fortement pesé au premier semestre sur la consommation des ménages , moteur traditionnel de la croissance française. Cette dernière a également pâti des grèves dans les transports et de « moindres besoins en énergie, du fait d'un printemps précoce » 18 ( * ) .

En outre, le rebond attendu au troisième trimestre a été moins fort qu'escompté par l'Insee (0,5 %, contre 0,7 %).

Évolution de la dépense de consommation des ménages depuis 2016

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après le point de conjoncture de l'Insee d'octobre 2018)

Dès lors, la reprise durable de la consommation des ménages n'apparaît pas assurée . Comme le reconnaît le Gouvernement, « l'atonie de la consommation observée au 1 er semestre 2018 pourrait perdurer malgré la hausse attendue du pouvoir d'achat en fin d'année 2018 et en 2019 » 19 ( * ) . En effet, les ménages ne semblent pas avoir anticipé la hausse de leur pouvoir d'achat, en lien avec la réduction de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers et la suppression du reliquat de cotisations d'assurance chômage. L'indicateur de confiance des ménages a ainsi continué sa chute en septembre et s'est établi à un niveau (94) très inférieur à sa moyenne historique (100).

Indicateur de confiance des ménages

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

En outre, il est difficile de prévoir dans quelle proportion les ménages vont préférer reconstituer leur épargne plutôt que consommer leurs gains de pouvoir d'achat . À titre d'exemple, l'équation de consommation utilisée par la Banque de France pour réaliser ses projections macroéconomiques pour la France repose sur l'hypothèse qu'une baisse de prélèvements obligatoires est pour moitié consommée et pour moitié épargnée 20 ( * ) .

Enfin, il ne peut être exclu que la mise en place du prélèvement à la source prolonge l'attentisme des ménages , du fait de l'incertitude sur les conséquences concrètes de la réforme et la sensation de perte de pouvoir d'achat, liée à la soustraction de l'imposition sur le revenu directement sur la feuille de paie à compter de janvier prochain.

2. ... et rendent d'autant plus nécessaire d'apprécier la sensibilité de la trajectoire budgétaire aux hypothèses macroéconomiques sous-jacentes

Si la trajectoire gouvernementale doit se fonder sur le scénario macroéconomique le plus probable, il est utile de donner un ordre de grandeur des effets attendus sur le déficit public de la concrétisation de certains risques pesant sur l'environnement international.

Simulation de l'impact de différents chocs macroéconomiques
sur la croissance et le déficit public au bout d'un an

(en points de PIB)

Source : commission des finances (d'après : DG Trésor, « Le modèle macroéconométrique Mésange : réestimation et nouveautés », 2017)

En outre, votre rapporteur général a pour habitude, afin d'essayer de circonscrire le champ des possibles, d' élaborer deux scénarios macroéconomiques alternatifs à partir des prévisions les plus optimistes et les plus pessimistes des instituts de conjoncture 21 ( * ) :

- le premier, qualifié de « défavorable », se fonde ainsi sur les prévisions de croissance les plus pessimistes tant en 2018 (1,5 %) qu'en 2019 (1,3 %) et une hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB unitaire en 2018 (contre 1,1 dans le scénario gouvernemental) ;

- le second, qualifié de « favorable », se fonde par parallélisme sur les prévisions de croissance les plus optimistes tant en 2018 (1,8 %) qu'en 2019 (2,0 %) et une hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB qui s'établirait à 1,1 en 2019 (contre 1,0 dans le scénario gouvernemental).

Sensibilité de la trajectoire budgétaire au scénario macroéconomique

(en points de PIB, sauf indication contraire)

2017

2018

2019

Scénario

défavorable

Gouvernement

Scénario
favorable

Scénario

défavorable

Gouvernement

Scénario
favorable

Croissance (en %)

2,2

1,5

1,7

1,8

1,3

1,7

2,0

Élasticité des PO

1,4

1,0

1,1

1,1

1,0

1,0

1,1

Déficit public

2,7

2,8

2,6

2,5

3,2

2,8

2,4

Dette publique

98,5

98,9

98,7

98,6

99,3

98,6

98,2

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi que l'illustre le tableau ci-dessus, la sensibilité de la trajectoire budgétaire du Gouvernement au scénario retenu est importante : en 2019, le déficit atteindrait 2,4 % du PIB dans le scénario favorable, contre 3,2 % du PIB dans le scénario défavorable.

Autrement dit, la France se retrouverait sous la menace de l'ouverture d'une nouvelle procédure pour déficit excessif en cas de dégradation du contexte macroéconomique plus forte qu'escompté - même si un écart de 0,2 point de PIB paraît absorbable en exécution. La dette publique se rapprocherait par ailleurs du seuil de 100 % du PIB.

II. UN REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS INSUFFISANT, PORTÉ PAR DES MESURES DE BOUCLAGE BUDGÉTAIRE

A. UN REDRESSEMENT TRÈS PROGRESSIF DES COMPTES PUBLICS QUI NE LAISSE PAS D'INQUIÉTER...

1. Pour la première fois depuis 2009, le déficit public repartirait à la hausse l'an prochain

La révision du scénario macroéconomique du Gouvernement présenté lors du débat d'orientation des finances publiques de juin dernier s'accompagne d'une évolution de la trajectoire budgétaire .

Évolution des objectifs de déficit public depuis le débat d'orientation
des finances publiques 2019

(en % de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Alors que le déficit public devait poursuivre sa décrue en 2018 pour s'établir à 2,3 % du PIB en 2018, puis se maintenir à ce niveau en 2019, les nouveaux objectifs sont de 2,6 % en 2018 et 2,8 % en 2019 .

Hors surcoût temporaire lié à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisses de cotisations sociales 22 ( * ) , il s'établirait à 1,9 % du PIB en 2019, contre 1,4 % dans le DOFP.

Pour la première fois depuis 2009, le déficit public devrait ainsi augmenter l'an prochain (+ 0,2 point de PIB).

Évolution du déficit public depuis 2008

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Cette révision de la trajectoire de redressement du déficit public a naturellement des conséquences sur l'évolution prévisionnelle de l'endettement : alors que la part de la dette publique dans la richesse nationale devait amorcer sa décrue dès 2018, elle serait finalement en légère hausse (+ 0,2 point), avant de diminuer très timidement en 2019 (- 0,1 point).

Évolution de la trajectoire budgétaire du Gouvernement
depuis le débat d'orientation des finances publiques

(en points de PIB)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Var. 2017-22

DOFP

PLF

DOFP

PLF

DOFP

PLF

DOFP

PLF

DOFP

PLF

DOFP

PLF

DOFP

PLF

Solde public effectif

- 2,6

- 2,7

- 2,3

- 2,6

- 2,3

- 2,8

- 1,1

- 1,4

- 0,6

- 0,7

0,0

- 0,3

+ 2,6

+ 2,4

Solde structurel

- 2,2

- 2,3

- 2,1

- 2,2

- 1,8

- 2,0

- 1,7

- 1,7

- 1,4

- 1,2

- 1,0

- 1,1

+ 1,2

+ 1,2

Dépense publique (*)

55,0

55,1

54,3

54,6

53,4

54,0

52,5

53,3

51,8

52,5

51,0

51,8

- 4,0

- 3,3

Prélèvements obligatoires

45,3

45,3

44,9

45,0

44,0

44,2

44,1

44,6

43,9

44,6

44,0

44,5

- 1,3

- 0,8

Dette publique

96,8

98,5

96,3

98,7

96,0

98,6

94,7

97,5

92,6

95,3

89,7

92,7

- 7,1

- 5,8

Note : (*) hors crédits d'impôts

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Trois principaux facteurs contribuent à expliquer cette révision à la hausse des objectifs de déficit public.

Il s'agit tout d'abord du reclassement de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) au sein des administrations publiques , dont le besoin de financement a été rétroactivement pris en compte au sein du déficit public pour les années 2016 (+ 3,2 milliards d'euros) et 2017 (+ 2,2 milliards d'euros) 23 ( * ) et devrait peser à hauteur de 0,1 point de PIB sur ce dernier au cours des exercices suivants.

La révision à la baisse du scénario de croissance aggrave par ailleurs mécaniquement le déficit public, tant en 2018 (pour près de 0,2 point de PIB) qu'en 2019 (pour près de 0,3 point de PIB).

Enfin, le relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense publique pèse sur le déficit 2019 , avec un objectif d'évolution de la dépense publique en volume désormais fixé à 0,6 %, contre 0,4 % dans le cadre des débats d'orientation des finances publiques 2018 et 2019.

Certes, le Gouvernement fait valoir que l'évolution de la dépense publique en volume entre 2018 et 2019 ne serait que de 0,2 % « à périmètre constant », en neutralisant l'impact sur la trajectoire de finances publiques de la création de France Compétences par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Effectivement, le fait de faire transiter certains flux financiers liés à la formation professionnelle par ce nouvel établissement public, et non plus par les organismes paritaires collecteurs agréés, qui étaient hors du champ des administrations publiques, devrait rehausser simultanément les ratios de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires de 4,8 milliards d'euros en 2019 (soit 0,2 point de PIB), avec un impact sur la croissance de la dépense publique de 0,4 point 24 ( * ) .

Mais il ne s'agit pas de la seule mesure de périmètre venant modifier l'évolution de la dépense publique en volume l'an prochain.

En effet, l'année 2019 est également marquée par l'extinction des dépenses exceptionnelles liées au remboursement du contentieux relatif à la taxe à 3 % sur les dividendes (4,2 milliards d'euros en 2018), qui conduit ainsi à ralentir artificiellement la croissance en volume de la dépense publique à hauteur de 0,4 point.

En tenant compte de ces deux effets de périmètre, la croissance de la dépense en volume reste ainsi de 0,6 % en 2019 .

Objectifs d'évolution de la dépense publique
hors crédits d'impôts

(en %)

2018

2019

Périmètre courant

Hors France compétences

Hors France compétences et remboursement taxe à 3 %

En valeur

1,6

1,9

1,5

1,9

En volume, à partir de l'indice des prix à la consommation hors tabac

0,0

0,6

0,2

0,6

En volume, à partir du déflateur du PIB

0,7

0,6

0,2

0,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'avis du HCFP et les documents budgétaires)

2. L'amélioration modeste de la situation structurelle des comptes publics s'écarte significativement de nos engagements européens

L'examen de l'évolution de la situation structurelle des comptes publics, c'est-à-dire corrigée des effets de la conjoncture et des mesures ponctuelles et temporaires, confirme le caractère insuffisant des efforts de redressement prévus par le Gouvernement .

Décomposition de la variation du solde structurel

(en points de PIB)

2017

2018

2019

Solde public

- 2,7

- 2,6

-2,8

dont solde conjoncturel

- 0,3

-0,1

0,1

dont solde structurel

- 2,3

- 2,2

- 2,0

dont mesures ponctuelles et temporaires

- 0,1

- 0,2

- 0,9

Variation du solde structurel

0,3

0,1

0,3

dont effort structurel

- 0,1

0,0

0,3

...mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

- 0,1

- 0,2

0,0

...effort en dépense

- 0,1

0,2

0,2

...clé en crédits d'impôt

0,1

0,0

0,1

dont composante non discrétionnaire

0,4

0,0

0,0

Note de lecture : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Contrairement au déficit public nominal, le déficit structurel continue certes de décroître de 0,3 point entre 2018 et 2019, dans la mesure où le surcoût temporaire lié à la transformation du CICE est traité comme une mesure ponctuelle et temporaire.

Il peut être noté que la réduction du déficit structurel serait limitée à 0,2 point si le renforcement temporaire du 5 ème acompte de l'impôt sur les sociétés (IS) avait également été traitée comme une mesure ponctuelle par le Gouvernement, ainsi que le recommande le Haut Conseil des finances publiques dans son avis 25 ( * ) . Lors de l'examen à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a toutefois proposé de pérenniser cette mesure.

En tout état de cause, cette amélioration du solde structurel reste très insuffisante au regard des engagements européens pris par la France en matière budgétaire .

En effet, la sortie du volet « correctif » du pacte de stabilité à l'issue de l'exercice 2017 ne permet aucun relâchement de l'effort de redressement des comptes publics, la France restant soumise dans le cadre du volet « préventif » du pacte à des règles budgétaires qui ne sont pas moins exigeantes.

En particulier, la France est tenue à compter de l'exercice 2018 de réduire chaque année son déficit structurel de 0,6 point au minimum 26 ( * ) , avec un écart maximum autorisé de 0,25 point en moyenne sur deux ans et de 0,5 point sur une année.

De ce point de vue, les efforts prévus par le Gouvernement sont très insuffisants, tant en 2018 qu'en 2019.

Comparaison de la réduction du déficit structurel requise par le Conseil de l'Union européenne avec celle prévue par le Gouvernement

(en points de PIB potentiel)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires et la recommandation
du Conseil)

La déviation par rapport à nos objectifs dépasse ainsi l'écart maximum autorisé sur deux ans - et ce alors même que notre pays ne remplit pas les conditions pour se prévaloir des clauses de flexibilité prévues par le pacte de stabilité 27 ( * ) .

La décision d'ouvrir une procédure pour « déviation significative » à l'encontre d'un État membre qui ne respecterait pas les règles du volet « préventif » du pacte de stabilité résulte toutefois d'une « évaluation globale » réalisée par la Commission européenne .

Ainsi que le prévoit l'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, cette évaluation globale comprend notamment « une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes ». Cette disposition fait référence à la règle en dépense européenne , introduite dans le cadre du Six-Pack afin de remédier aux difficultés liées à la mesure de l'ajustement structurel 28 ( * ) .

En vertu de cette règle, la croissance des dépenses publiques « pilotables », nette des mesures nouvelles en recettes 29 ( * ) , ne peut excéder un taux de référence fixé à un niveau cohérent avec la trajectoire d'ajustement structurel. Une hausse des dépenses publiques « pilotables » supérieure au taux de référence n'est donc admise que si elle est financée par une hausse des prélèvements obligatoires.

Comme pour la règle de solde structurel, le respect de la règle en dépense est évalué à la fois sur un an (l'écart doit être inférieur à l'équivalent de 0,5 point de PIB) et sur deux ans (l'écart cumulé ne doit pas dépasser l'équivalent de 0,5 point de PIB).

Sans surprise, la trajectoire du Gouvernement apparaît également très éloignée des objectifs fixés en vertu de la règle en dépense européenne.

Évaluation du respect de la règle en dépense européenne

(en milliards d'euros, sauf mention contraire)

2017

2018

2019

Dépenses totales

1294,0

1322,4

1344,4

Charge d'intérêts

42,7

43,4

43,1

Dépenses de programmes UE parfaitement provisionnées par des fonds UE

2,3

2,2

2,3

Formation brute de capital fixe

77,5

82,4

86,4

Formation brute de capital fixe moyenne (années n-3 à n)

76,8

77,5

80,3

Dépenses conjoncturelles de chômage

0,7

0,2

- 0,2

Mesures ponctuelles et temporaires en dépenses

5,3

5,2

21,9

Mesures nouvelles en recettes

0,7

0,0

-21,2

Hausses de recettes automatiquement prévues par la loi

0,0

0,0

0,0

Agrégat net des mesures nouvelles

1241,7

1266,5

1292,5

Taux d'évolution en valeur des dépenses publiques nettes dans le scénario du Gouvernement (%)

1,7

1,9

2,1

Objectif fixé par le Conseil de l'UE (%)

0,8

1,0

1,4

Déviation par rapport à l'objectif fixé par le Conseil de l'UE (% du PIB)

- 0,5

- 0,5

- 0,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire adressé au Gouvernement)

Même lorsque l'exécution budgétaire conduit à un écart significatif au regard tant de la règle de solde structurel que de la règle en dépense, il n'existe qu'une « forte présomption » 30 ( * ) que la Commission européenne prenne la décision d'ouvrir une procédure pour « déviation significative » , qui peut aboutir à des sanctions financières.

Le Gouvernement pourrait ainsi de nouveau compter sur la « souplesse » des institutions européennes , au risque de fragiliser politiquement les réformes de la zone euro parallèlement portées par la France et de se retrouver en porte-à-faux par rapport au nouveau gouvernement italien, lequel n'a pas manqué de souligner la « bienveillance » dont bénéficie depuis longtemps notre pays en matière budgétaire.

3. La stratégie budgétaire du Gouvernement nourrit la divergence des trajectoires d'endettement de la France et du reste de la zone euro

Ce non-respect des règles budgétaires européennes apparaît d'autant plus critiquable que les reports successifs du retour du déficit sous le seuil de 3 % du PIB ont d'ores et déjà placé la France dans une situation budgétaire atypique par rapport à ses partenaires européens .

Comparaison des prévisions de solde public pour 2017 et 2019

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données d'Eurostat, les documents budgétaires et les prévisions du FMI pour la zone euro d'octobre 2018 retraitées pour exclure la France)

Compte tenu du redressement très progressif des comptes publics prévu par le Gouvernement, le différentiel de déficit entre la France et le reste de la zone devrait s'établir à un niveau inédit à l'issue de l'exercice 2019 : alors que le déficit public atteindrait 2,8 % du PIB en France, le reste de la zone euro se retrouverait quasiment à l'équilibre (- 0,1 % de PIB).

Si la France demeure capable de financer son déficit à un coût historiquement faible auprès des investisseurs, ce différentiel est néanmoins susceptible de conduire à moyen terme à une divergence de notre taux d'endettement par rapport au reste de la zone euro , ainsi que l'illustre la comparaison avec l'Allemagne.

Comparaison de l'évolution du ratio d'endettement depuis 2006

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'exécution de l'Insee et de la base de données AMECO ainsi que des prévisions gouvernementales des deux pays pour 2018-2019)

Tandis que la part de la dette publique dans la richesse nationale était quasiment identique en 2007 dans les deux pays, celle-ci devrait repasser en-dessous du seuil de 60 % du PIB en Allemagne l'an prochain (58 % du PIB) , alors qu'elle se rapprocherait du seuil de 100 % du PIB en France (98,6 % du PIB).

S'il n'existe pas de « seuil magique » au-delà duquel l'endettement exerce systématiquement un effet négatif sur la croissance 31 ( * ) , une telle évolution est susceptible de provoquer une divergence des taux de croissance entre la France et l'Allemagne par deux canaux principaux .

D'une part, la France disposerait d'une faible marge de manoeuvre pour mener une politique budgétaire de relance si une nouvelle crise survenait, contrairement à l'Allemagne.

D'autre part, le poids de la charge d'intérêts de la dette publique pourrait contraindre le Gouvernement à couper dans les dépenses publiques productives ou à avoir recours à des impôts sources de distorsions, en particulier en cas de remontée rapide des taux d'intérêt.

À l'inverse, l'Allemagne dispose de marges de manoeuvre budgétaires pour investir et redresser son potentiel de croissance.

D'après les projections du FMI, le différentiel de charge d'intérêts entre la France et l'Allemagne devrait ainsi atteindre 31 milliards d'euros en 2022 - soit davantage que le montant du budget de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Montant des intérêts payés par la France et l'Allemagne à leurs créanciers

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données issues de la base AMECO pour 2006, des documents budgétaires de la France pour 2017, du programme de stabilité de l'Allemagne pour 2017 et des prévisions d'octobre 2018 du FMI pour l'Allemagne et la France en 2022)

Les règles budgétaires européennes ont précisément été mises en place pour prévenir les divergences de ce type. Il est particulièrement regrettable que le Gouvernement décide une fois encore de s'en affranchir.

B. ...ET CE D'AUTANT PLUS QU'UNE PART SIGNIFICATIVE DES ÉCONOMIES S'APPARENTE À DES MESURES DE BOUCLAGE BUDGÉTAIRE DÉJÀ ÉPROUVÉES

1. Le Gouvernement revient à des mesures de bouclage budgétaire déjà éprouvées pour dégager des économies

Le redressement des comptes publics prévu par le Gouvernement, aussi modeste soit-il, suppose la mise en oeuvre de mesures d'économies significatives , compte tenu de la baisse des prélèvements obligatoires engagée en parallèle.

Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

(en milliards d'euros)

2018

2019

Mesures nouvelles « ménages »

- 1,8

- 6,0

Mesures nouvelles « entreprises »

- 8,4

- 18,8

dont impact transitoire de la bascule CICE / cotisations

0

- 20,4

Total

- 10,2

- 24,8

Note méthodologique : le tableau ne tient pas compte de l'impact de la mise en oeuvre de France compétences, qui est traité comme une mesure de périmètre.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le montant des économies nécessaires pour respecter l'objectif d'évolution de la dépense publique fixé par le Gouvernement pour l'an prochain peut ainsi être évalué à 14 milliards d'euros 32 ( * ) .

L'an dernier, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 avait été l'occasion pour le Gouvernement de dévoiler les premiers éléments de sa stratégie de maîtrise de la dépense , avec :

- pour l'État , une norme de dépenses pilotables, un objectif de dépenses totales (ODETE) et un objectif de suppression de 50 000 emplois à l'échelle du quinquennat ;

- pour les administrations sociales , un objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) fixé chaque année à 2,3 % sur l'ensemble de la période couverte ;

- pour la sphère locale , un mécanisme de contractualisation pour les collectivités territoriales les plus importantes visant à assurer une maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement sur l'ensemble du quinquennat.

En outre, le budget 2018, même s'il restait très en retrait par rapport à l'objectif de suppression de 50 000 emplois à l'échelle du quinquennat, avait permis d'engager un premier effort de réorientation de la dépense publique rompant avec la logique du « rabot » , en particulier dans les domaines de l'emploi et du logement.

De ce point de vue, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019 s'apparentent à un début de renoncement : au lieu de mettre en oeuvre des réformes structurelles pour infléchir la dynamique des coûts des dispositifs d'intervention et de la masse salariale publique, le Gouvernement revient à des mesures de rendement très classiques qui ne sont pas sans rappeler le précédent quinquennat.

Schématiquement, trois grandes catégories de mesures de redressement peuvent être distinguées.

Premièrement, une sous-indexation de la grande majorité des prestations sociales et des pensions , dont la revalorisation serait limitée à 0,3 % en 2019 comme en 2020 - alors que le droit en vigueur prévoit une indexation sur l'inflation hors tabac -, ce qui représenterait une économie totale de 3,5 milliards d'euros l'an prochain.

Estimation des économies liées à la mesure de sous-revalorisation
de certaines prestations et pensions

(en milliards d'euros)

2019

Prestations hors pensions

0,7

Pensions

2,8

Total des économies

3,5

dont État

1,1

dont administrations de sécurité sociale

2,4

Note méthodologique : les économies sont estimées en écart à un scénario de revalorisation légale, sans revalorisation exceptionnelle.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Pour infléchir la dynamique de la dépense sociale, le Gouvernement semble donc privilégier des mesures transversales « aveugles » à fort rendement budgétaire , plutôt que de revoir les caractéristiques des différents dispositifs d'intervention - qu'il s'agisse par exemple de leurs montants ou de leurs critères d'attribution -, afin d'en renforcer l'efficacité et l'équité.

Deuxièmement, des « fusils à un coup » consistant à ponctionner la trésorerie des entreprises (avec le renforcement du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, pour un gain budgétaire de 1,5 milliard d'euros, qui pourrait finalement être pérennisé) ou à jouer sur le calendrier d'entrée en vigueur de certaines mesures (avec le report au 1 er octobre 2019 de l'allègement supplémentaire de 4 points des cotisations sociales au niveau du SMIC prévu dans le cadre de la transformation du CICE, pour une économie de 2,3 milliards d'euros).

Par nature, il s'agit d' opérations ne pouvant se renouveler chaque année - et non d'économies pérennes.

Troisièmement, des mesures structurelles d'ampleur limitée s'inscrivant très largement dans la continuité du précédent budget.

Une nouvelle fois, les domaines de l'emploi et le logement concentrent l'essentiel des économies structurelles sur l'État, avec la poursuite de la baisse des contrats aidés (pour une économie de 800 millions d'euros environ) et la « contemporanéité » du versement des aides personnelles au logement (pour une économie de 900 millions d'euros environ).

S'agissant de la masse salariale , outre le gel du point d'indice déjà prévu, une suppression de près de 4 200 postes au niveau de l'État et de ses opérateurs est proposée, ce qui porterait à 5 800 le nombre de postes supprimés à l'issue de l'exercice de 2019. Il s'agit d'un objectif insuffisant pour dégager des économies significatives - avec un coût d'entrée de 30 000 euros, l'économie attendue peut être estimée à environ 140 millions d'euros - et qui fragilise la trajectoire de réduction des effectifs prévue sur l'ensemble du quinquennat . En effet, il faudra près de 15 000 suppressions de postes par an au cours des trois derniers exercices pour respecter l'objectif de 50 000 suppressions d'emplois.

De façon plus inquiétante encore, le Gouvernement revoit à la baisse certains de ses objectifs . Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 est marqué par le relèvement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de 2,3 % à 2,5 % l'an prochain, ce qui induit un renoncement à 400 millions d'euros d'économies .

Au total, les mesures d'économies portées par le Gouvernement s'apparentent donc, pour la plupart d'entre elles, à des mesures de bouclage budgétaire déjà éprouvées, tandis que les économies structurelles annoncées peinent à se concrétiser .

2. L'État et ses groupements continuent de porter la totalité du besoin de financement des administrations publiques

Du point de vue de l'évolution du solde budgétaire, la trajectoire proposée permettrait aux administrations de sécurité sociale d'accroître leur excédent, tandis que celui de la sphère locale serait stabilisé - l'État et ses groupements portant ainsi la totalité du besoin de financement des administrations publiques pour la troisième année consécutive.

Décomposition du solde public par sous-secteur

(en points de PIB)

2017

2018

2019

État

- 2,8

- 3,1

- 3,6

Organismes divers d'administration centrale

- 0,1

- 0,1

- 0,1

Administrations publiques locales

0,0

0,1

0,1

Administrations de sécurité sociale

0,3

0,6

0,8

Solde public

- 2,7

- 2,6

- 2,8

Note de lecture : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses du Gouvernement)

a) Les administrations de sécurité sociale

L'analyse détaillée de l'évolution du besoin de financement des administrations de sécurité sociale met en évidence l'importance d'engager suffisamment tôt des réformes structurelles à même d'infléchir durablement la dynamique de la dépense et de dégager progressivement des économies pérennes, plutôt que de réaliser d'une année sur l'autre des économies dans une logique de bouclage budgétaire.

En effet, l'assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite représentent 70 % de l'amélioration du solde attendue l'an prochain.

Décomposition de l'évolution du besoin de financement
des administrations de sécurité sociale entre 2018 et 2019

(en milliards d'euros)

2018

2019

Régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

0,6

1,7

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

0,0

0,0

Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES)

14,9

15,5

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

- 2,0

- 1,9

Autres régimes de sécurité sociale

0,2

4,4

dont Assurance chômage

- 1,5

0,7

dont Régimes complémentaires

1,7

3,8

ODASS

0,1

0,5

Solde

13,8

20,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ces derniers, gérés par les partenaires sociaux, ont été marqués au cours du précédent quinquennat par deux réformes d'ampleur visant à renforcer leur soutenabilité , qui atteindront progressivement leur régime de croisière.

Ainsi, les économies liées à l'accord Agirc-Arrco d'octobre 2015, limitées à 1,7 milliard d'euros en 2017, doivent monter en puissance pour atteindre progressivement 6,1 milliards d'euros en 2020, puis 8,6 milliards d'euros en 2030 33 ( * ) .

S'agissant de l'assurance chômage, si le premier facteur d'amélioration du solde tient au contexte macroéconomique, la convention du 14 avril 2017, qui n'avait permis de générer qu'une modeste économie de 98 millions d'euros en 2017, doit se traduire par un gain budgétaire de 550 millions d'euros en 2018 et de 620 millions d'euros en 2019. À terme, la convention permettrait une économie annuelle de 930 millions d'euros 34 ( * ) .

Il peut toutefois être noté que le respect de la trajectoire implique d'après les réponses du Gouvernement « la mise en place de nouvelles réformes permettant non seulement de gager l'intégralité des dépenses induites par l'universalisation de l'assurance chômage, qui serait neutre sur le solde de l'Unédic, par des économies, mais également de réaliser des économies qui monteront en charge à compter de 2019 ». En effet, l'ouverture partielle de l'assurance chômage aux travailleurs indépendants et aux salariés démissionnaires devrait, en supposant une entrée en vigueur en juillet 2019, se traduire par un surcoût de 110 millions d'euros en 2019, puis de 500 millions d'euros par an en régime permanent 35 ( * ) .

Mais le Gouvernement ne pourra éternellement se reposer sur l'amélioration du contexte macroéconomique et les économies dégagées par les réformes des partenaires sociaux pour assurer le respect de sa trajectoire de redressement des comptes sociaux.

À cet égard, votre rapporteur général tient à rappeler la nécessité d'engager sans tarder la refonte annoncée du système des retraites , en tenant pleinement compte des exigences de retour à l'équilibre et de la progression de l'espérance de vie.

En effet, s'il s'agit indéniablement de « la mère de toutes les réformes structurelles », compte tenu du poids des dépenses de retraite dans la richesse nationale (14 % du PIB, dont près de 3,5 % du PIB pour la seule fonction publique), elle ne produit ses effets budgétaires que très progressivement et doit donc être mise en oeuvre aussi tôt que possible pour permettre de dégager des économies substantielles à l'échelle du quinquennat.

De ce point de vue, le décalage du calendrier de présentation de la réforme constitue un motif légitime d'inquiétude .

D'abord annoncée pour la mi-2018, puis reportée à l'été 2019 36 ( * ) , la finalisation du projet gouvernemental est désormais prévue « en 2019 », ainsi que l'indique le rapport économique social et financier, confirmant le nouveau report indiqué par la presse 37 ( * ) .

Enfin, il doit être noté que l'excédent dégagé par la sphère sociale l'an prochain est grevé à hauteur de 2 milliards d'euros par la décision de ne pas compenser certaines baisses de prélèvements obligatoires pour la sécurité sociale. En effet, suivant les conclusions du rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, remis au Parlement en application de l'article 27 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le Gouvernement considère que « le retour à l'équilibre de la sécurité sociale permet d'envisager de faire participer la sécurité sociale au financement du coût des allègements généraux de charges , qui lui bénéficient par ailleurs compte tenu de l'effet bénéfique pour l'emploi, et donc pour la masse salariale et les cotisations sociales, de ces allègements ».

L'an dernier, votre rapporteur général avait critiqué le choix de transférer une partie des excédents de la sphère sociale à l'État avant même d'avoir procédé au désendettement complet de la sécurité sociale 38 ( * ) . En effet, ces excédents auraient pu utilement permettre d'anticiper l'extinction de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et d'amortir les déficits aujourd'hui conservés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), dès lors que la structure de financement de la dette sociale rend cette dernière beaucoup plus sensible que la dette de l'État à une hausse des taux d'intérêt 39 ( * ) . Son extinction doit donc constituer un objectif prioritaire afin de limiter les risques budgétaires liés à la remontée des taux d'intérêt.

Aussi, votre rapporteur général considère que tout nouveau transfert des excédents de la sphère sociale vers l'État doit être subordonné au respect de l'objectif de résorption de l'intégralité de la dette sociale à horizon 2024 : si la trajectoire gouvernementale venait à être remise en cause en raison d'une insuffisante maîtrise de la dépense sociale ou de la dégradation du contexte macroéconomique, les transferts devraient immédiatement cesser.

b) Les administrations publiques locales

S'agissant de la sphère locale, le respect de la trajectoire gouvernementale repose sur deux hypothèses fortes .

Se pose tout d'abord la question de l'ampleur du rebond des dépenses d'investissement, porté par le cycle communal électoral .

Si le Gouvernement anticipe une hausse des dépenses d'investissement de 5,8 % en 2018 et de 4,9 % en 2019 hors Société du Grand Paris, après 5,8 % en 2017, la progression pourrait être plus rapide encore , ainsi que le relève le Haut Conseil des finances publiques dans son avis 40 ( * ) .

Décomposition de l'évolution des dépenses
des administrations publiques locales

(en %)

2017

2018

2019

Dépenses totales

2,5

2,3

2,3

Dépenses de fonctionnement

1,6

0,9

1,2

dont rémunération des salariés

2,3

0,9

1,1

dont prestations sociales et transferts sociaux

0,6

2,8

1,7

Dépenses d'investissement

6,0

7,4

6,3

hors Société du Grand Paris

5,8

5,8

4,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En effet, la chute de l'investissement enregistrée au cours des trois exercices précédents (2014-2016) avait largement excédé l'effet habituel du cycle électoral communal, dans un contexte marqué par de fortes baisses des dotations de l'État - ce qui pourrait dès lors entraîner un « rattrapage » plus prononcé.

Évolution de l'investissement des administrations locales
en volume

(base 100, 2000=100)

Note méthodologique : l'investissement est déflaté par l'indice des prix à la consommation hors tabac.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Par ailleurs, l'effet de la méthode de la contractualisation sur le besoin de financement de la sphère locale reste incertain .

Outre les incertitudes sur l'impact effectif des contrats signés, il doit être rappelé qu' une part très significative des dépenses de fonctionnement n'est pas couverte par un contrat . En effet, les 228 signataires représentent 39,5 % seulement des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des collectivités - et 59 % de celles des 322 collectivités territoriales entrant dans le périmètre du mécanisme de contractualisation.

En outre, il ne peut être exclu que « les collectivités territoriales utilisent les marges dégagées par une croissance des dépenses de fonctionnement sensiblement inférieure à celle de leurs recettes pour accroître leurs investissements ou réduire leur fiscalité », ainsi que le relève la Cour des comptes 41 ( * ) . En effet, la trajectoire d'amélioration du besoin de financement n'est pas assortie d'un mécanisme de sanction, contrairement à l'objectif de maîtrise des dépenses de fonctionnement fixé dans le contrat.

Les données transmises par le Gouvernement concernant la mise en oeuvre du mécanisme confirment néanmoins la pleine détermination des collectivités territoriales à participer à l'effort collectif de redressement des comptes publics .

Ainsi, il ressort des premiers résultats de l'exécution « une évolution modérée de la dépense locale de fonctionnement en 2018, à un rythme proche de celui attendu par le Gouvernement » (+ 0,9 % sur le premier semestre) 42 ( * ) .

En outre, pour les collectivités ayant signé un contrat, l'amélioration du besoin de financement liée à la mise en oeuvre du mécanisme de contractualisation s'élèverait à 1,1 milliard d'euros en 2018 et à 1,2 milliard d'euros en 2019 - ce qui représente près de la moitié de l'objectif de réduction annuelle du besoin de financement fixé par la loi de programmation pour l'ensemble des collectivités territoriales et leurs groupements (2,6 milliards d'euros).

III. L'INTROUVABLE « BUDGET DU POUVOIR D'ACHAT »

A. UNE PRÉOCCUPATION LÉGITIME AUQUEL LE BUDGET 2019 NE SAURAIT RÉPONDRE

1. Si l'attention portée au pouvoir d'achat est légitime, alors que ce dernier stagne depuis le déclenchement de la crise...

Faute de pouvoir se prévaloir d'un redressement significatif de la situation des comptes publics, le Gouvernement a fait le choix d' axer sa communication sur le thème du pouvoir d'achat .

Pouvoir d'achat : de quoi parle-t-on ?

Le pouvoir d'achat mesure l'évolution du revenu disponible des ménages, corrigée de la progression de l'indice des prix des biens et services qu'ils consomment - le revenu disponible étant celui qui revient aux ménages pour arbitrer entre leur consommation et leur épargne (après impôts, cotisations, transferts et prestations sociales).

Cet indicateur répond toutefois à des objectifs d'analyse macroéconomique et ne permet pas de tenir compte, d'une part, du fait que la population augmente et, d'autre part, du phénomène de « décohabitation » (la taille des ménages diminue).

L'augmentation du pouvoir d'achat agrégé des ménages, pourtant largement commentée, est donc loin de refléter l'évolution du pouvoir d'achat « par tête ».

Afin de refléter au mieux l'évolution réelle du niveau de vie, le pouvoir d'achat doit ainsi être appréhendé au niveau de l'unité de consommation. En pratique, le pouvoir d'achat par unité de consommation est calculé en divisant le pouvoir d'achat du ménage par sa taille, appréciée selon une échelle commune au niveau international 43 ( * ) . Cet indicateur permet ainsi de tenir compte de la dynamique démographique et des économies d'échelle liées à la vie à plusieurs, qui permet de partager certains coûts (logement, énergie, etc.).

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : rapport de la commission « Mesure du pouvoir d'achat des ménages », 6 février 2008)

Il s'agit d'une préoccupation tout à fait légitime, dans la mesure où le pouvoir d'achat des Français stagne depuis dix ans.

Ce fait est généralement méconnu, car le débat public se concentre à tort sur les évolutions du pouvoir d'achat agrégé des ménages, qui a augmenté à un rythme modeste de 0,7 % par an en moyenne depuis la crise.

À l'inverse, le pouvoir d'achat par unité de consommation , qui reflète plus fidèlement l'évolution du niveau de vie (cf. encadré supra ), demeure aujourd'hui à un niveau quasi-identique à celui d'avant-crise.

Évolution du pouvoir d'achat depuis 2007

(base 100, année 2007=100)

Note méthodologique : l'évolution du pouvoir d'achat correspond à l'évolution du revenu disponible brut des ménages déflatée par l'indice du prix de la dépense de consommation finale des ménages.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

2. ...la communication gouvernementale autour des baisses de prélèvements en faveur des ménages apparaît trompeuse

En théorie, le Gouvernement dispose à court terme de trois principaux leviers d'action afin de « rendre du pouvoir d'achat » aux ménages , en jouant sur la répartition interne du revenu au sein de l'économie.

De la croissance du PIB à l'évolution du pouvoir d'achat agrégé

Si l'évolution du pouvoir d'achat est fortement liée à celle de l'activité, que mesure le PIB, ces deux grandeurs peuvent diverger sous l'effet de trois principaux facteurs .

Premièrement, l'effet de répartition dit « externe », qui résulte des transferts entre l'économie nationale et le reste du monde (ex : revenus de la propriété) . En effet, le PIB s'interprète comme l'ensemble des revenus générés par les activités de production domestiques au cours d'une période donnée. Il diffère dès lors du revenu disponible brut, qui retrace les ressources dont disposent les agents. Si la différence peut être très significative pour certains petits pays qui, à l'image de l'Irlande, constituent des « centres immatériels » pour de nombreuses multinationales et font face à des flux de revenus sortants très importants au profit des actionnaires étrangers des firmes implantées 44 ( * ) , tel n'est pas le cas en France.

Deuxièmement, l'effet de répartition « interne », qui traduit la capacité des ménages à s'approprier le revenu national par rapport aux autres secteurs institutionnels (entreprises, administrations publiques et institutions sans but lucratif). Toutes choses égales par ailleurs, la hausse de la part revenant à un secteur provient de la baisse de la part d'un autre.

Troisièmement, l'effet des termes de l'échange . En effet, ce ne sont pas les mêmes déflateurs qui font passer des valeurs aux volumes selon qu'on s'intéresse au PIB ou au pouvoir d'achat. Pour le pouvoir d'achat, l'indice des prix de la dépense de consommation privée est préféré au déflateur du PIB car ce dernier retrace l'évolution des prix des biens et services produits dans l'économie, et non de ceux achetés par les consommateurs. Les variations du prix du pétrole peuvent ainsi être à l'origine de divergences importantes entre les deux déflateurs, dans le cas d'un pays non producteur tel que la France.

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Raphaël Lee et Pierre Ralle, « Le pouvoir d'achat depuis la crise », rapport sur les comptes de la Nation 2015, Insee Références , édition 2016)

Il peut tout d'abord organiser des transferts entre les ménages et les autres secteurs institutionnels , au premier rang desquels les entreprises. Une telle option apparaît fort heureusement exclue par l'actuel Gouvernement, dans un contexte marqué par la nécessité de poursuivre le redressement des marges des entreprises.

Il peut également s'endetter , l'accroissement de la dette publique pouvant alors permettre d'augmenter la part du revenu des ménages. Cela peut notamment se justifier en période de contraction de l'activité, lorsque l'endettement public vient, par le jeu des stabilisateurs automatiques et des plans de relance, soutenir les prestations aux ménages et prendre en charge le coût lié à l'érosion des bases d'imposition 45 ( * ) . En phase de reprise et en l'absence de marge de manoeuvre budgétaire, il serait toutefois irresponsable de « rendre du pouvoir d'achat » aux ménages par ce biais , comme l'a récemment démontré le cas italien.

Enfin , le Gouvernement peut également diminuer les prélèvements obligatoires pesant sur les ménages, sans diminuer en parallèle les prestations bénéficiant à ces derniers - faute de quoi l'effet serait neutre sur le pouvoir d'achat agrégé des ménages. Cela peut par exemple passer par une diminution des moyens alloués aux administrations publiques.

En pratique, il est difficile à court terme de « rendre du pouvoir d'achat » aux ménages de cette façon, ainsi que l'illustre parfaitement le présent projet de loi de finances .

Dans le cadre de sa communication autour du présent projet de loi de finances, le Gouvernement a mis en avant le gain de pouvoir d'achat que représenterait la baisse de 6 milliards d'euros des prélèvements obligatoires sur les ménages prévue l'an prochain.

Rendement ou coût des principales mesures en prélèvements obligatoires
figurant dans la trajectoire gouvernementale

(en milliards d'euros)

2018

2019

Taxe d'habitation

- 3,2

- 3,8

Heures supplémentaires

0,0

- 0,6

Prélèvement forfaitaire unique

- 1,6

- 0,3

Mesure pour les retraités modestes

0,0

- 0,3

Bascule cotisations / CSG

4,4

- 4,1

Recentrage CITE

0,0

0,8

Impôt sur la fortune immobilière

- 3,2

0,0

Crédit d'impôt pour l'emploi à domicile

- 1,0

0,0

Suppression des cotisations étudiantes

- 0,2

0,0

Fiscalité du tabac

0,6

0,4

Fiscalité énergétique

2,4

1,9

Total « ménages »

- 1,8

- 6,0

Bascule CICE / cotisations

0,0

- 20,4

CICE - mesures antérieures à la LFI 2018

- 3,7

- 0,5

Baisse de l'impôt sur les sociétés

- 1,2

- 2,4

Renforcement du 5 ème acompte de l'IS

0,0

1,5

Forfait social

0,0

- 0,5

Surtaxe exceptionnelle d'impôt sur les sociétés

- 5,1

0,2

Fiscalité écologique

1,3

1,0

Taux réduit TICPE

0,0

1,0

Ressources France Compétences

0,3

1,3

Total « entreprises »

- 8,4

- 18,8

Total « ménages et entreprises »

- 10,2

- 24,8

Note méthodologique : le tableau ne tient pas compte de l'impact de la mise en oeuvre de France compétences, qui est traité comme une mesure de périmètre.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

À titre liminaire, il convient de préciser que cette estimation correspond à une évaluation de l'effet statique de court terme sur le pouvoir d'achat agrégé des ménages .

Par nature, cette approche présente ainsi deux importantes limites .

Tout d'abord, cette évaluation ne tient le plus souvent aucun compte de l'évolution des comportements des acteurs .

Pour l'an prochain, seules les mesures d'augmentation de la fiscalité du tabac et de la fiscalité écologique ont ainsi été chiffrées par le Gouvernement en tenant compte des effets de comportement, en retenant d'ailleurs sans surprise des hypothèses qui lui sont favorables. Ainsi, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) souligne que l'effet de l'augmentation de la fiscalité du tabac sur les ménages est minimisé en surestimant l'élasticité de la consommation du tabac à son prix. De même, l'effet de la hausse de la fiscalité écologique serait sous-estimé en supposant qu'une part significative de la hausse des prix - environ un tiers - sera absorbée par les entreprises via une réduction de leurs marges 46 ( * ) .

Or, non seulement les ménages peuvent adapter leur comportement pour réduire leur imposition - par exemple en modifiant la composition de leur patrimoine au détriment des actifs immobiliers, dans le but d'échapper à l'impôt sur la fortune immobilière -, mais les rapports de force entre les agents économiques peuvent aussi aboutir à ce que celui qui supporte le coût économique d'un impôt ne soit pas nécessairement celui qui en est juridiquement redevable . En effet, selon la théorie de l'incidence fiscale, les acteurs dont l'offre ou la demande varie le plus avec les prix vont pouvoir reporter sur les autres la charge effective de l'impôt. Ainsi, il est par exemple admis qu'une part significative des hausses de cotisations sociales employeurs est en réalité supportée par les salariés, en raison de l'ajustement des salaires à la baisse qu'elles entraînent 47 ( * ) . Dès lors, la séparation entre les mesures « ménages » et les mesures « entreprises » présente en partie un caractère artificiel .

En outre, l'évaluation de l'effet des mesures fiscales sur le pouvoir d'achat des ménages ne tient naturellement pas compte des éventuels « effets de retour » par la macroéconomie , compte tenu là encore des incertitudes en la matière.

Par exemple, la transformation de l'impôt sur la fortune immobilière et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique pourraient conduire à des gains de pouvoir d'achat complémentaires pour les ménages, notamment si elles permettent de créer des emplois et de stimuler l'activité.

Le Gouvernement estime ainsi que l'ensemble de ses mesures fiscales (fiscalité du travail, fiscalité écologique, fiscalité du capital, etc.) pourrait « rehausser l'activité de 3,3 points de PIB à long terme, pour 440 000 emplois créés, avec une montée en puissance progressive et des effets attendus à + 1,6 point de PIB et 260 000 emplois à l'horizon 2025 » 48 ( * ) .

Au-delà de ces deux difficultés « structurelles », la communication du Gouvernement autour du pouvoir d'achat apparaît cette année particulièrement biaisée , pour trois principales raisons.

Tout d'abord, les deux tiers de la baisse de prélèvements obligatoires dont bénéficieront les ménages en 2019 correspondent à l'effet décalé de la compensation du manque à gagner lié à la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Autrement dit, c'est uniquement parce que le choix de repousser au 1 er octobre 2018 une partie de la baisse des cotisations sociales ampute le pouvoir d'achat des ménages de 4,4 milliards d'euros cette année que le Gouvernement peut se prévaloir d'un gain de pouvoir d'achat de 4,1 milliards d'euros l'an prochain, correspondant à l'effet « année pleine » de la baisse des cotisations sociales. En rythme de croisière, l'effet de la bascule cotisations / CSG est bel et bien nul sur le pouvoir d'achat.

En outre, la présentation gouvernementale ne tient pas compte de l' effet des mesures décidées par les partenaires sociaux , qui vont pourtant se traduire pour les ménages par une augmentation des prélèvements obligatoires à compter du 1 er janvier 2019, en raison des hausses des taux des cotisations prévues par l'accord Agirc-Arrco précité.

Enfin, l'effet des mesures sur les prestations sociales décidées par le Gouvernement n'est pas pris en compte, alors qu'elles grèvent le pouvoir d'achat des ménages, ainsi que cela a été précédemment rappelé.

Évaluation par l'Institut des politiques publiques (IPP) de l'effet agrégé sur les ménages des mesures portant sur les prestations

(en milliards d'euros)

2018

2019

Revalorisation de la prime d'activité

0,2

0,7

Hausse du minimum vieillesse

0,1

0,3

Hausse de l'allocation aux adultes handicapés

0,2

0,6

Report de la revalorisation des retraites

- 0,4

- 0,4

Sous-revalorisation des prestations sociales

0,0

- 0,7

Sous-revalorisation des retraites

0,0

- 2,8

Réforme des allocations logement

0,0

- 0,9

Total

0,1

- 3,2

Source : Brice Fabre et Claire Leroy, « Évaluation du budget 2019 : Quelles conséquences pour les ménages », Institut des politiques publiques, 11 octobre 2018 (étude commandée par l'Assemblée nationale)

Ainsi, en tenant compte de l'ensemble de mesures prises en matière de prélèvements obligatoires et de prestations, l'OFCE et l'IPP s'accordent sur le fait qu'après une « année blanche » en 2018, les ménages ne bénéficieront que d'un gain de pouvoir d'achat très limité l'an prochain .

Estimations de l'effet agrégé sur le pouvoir d'achat des ménages des mesures
portant sur les prestations et les prélèvements obligatoires

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Mathieu Plane, « Quel impact direct des mesures socio-fiscales sur le pouvoir d'achat en 2019 ? », OFCE, 20 septembre 2018 ; Brice Fabre et Claire Leroy, « Évaluation du budget 2019 : Quelles conséquences pour les ménages », Institut des politiques publiques, 11 octobre 2018)

B. UNE RELANCE DU POUVOIR D'ACHAT QUI NE PEUT EN RÉALITÉ PASSER QUE PAR LA CROISSANCE

1. Dans un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement ne peut que transférer du pouvoir d'achat d'une catégorie de ménages à une autre

Faute de marges de manoeuvres budgétaires, la politique gouvernementale revient donc pour l'essentiel à transférer du pouvoir d'achat d'une catégorie de ménages à une autre - et non à augmenter le pouvoir d'achat agrégé.

À cet égard, l'évaluation du budget 2019 réalisée par l'IPP à la demande de l'Assemblée nationale permet pour la première fois d' identifier avec précision les « gagnants » et les « perdants » du « jeu à somme nulle » du Gouvernement .

Les retraités devraient ainsi voir leur revenu disponible amputé de façon significative, sous l'effet principalement de la hausse de la CSG et de la sous-revalorisation des pensions, tout comme les ménages modestes , qui subissent de plein fouet la hausse de la fiscalité sur le tabac et l'énergie, la sous-indexation des prestations sociales et la réforme des aides personnelles au logement. Enfin, le haut des classes moyennes « supérieures » - soit les 20 % les plus aisés qui n'appartiennent pas aux 1 % des plus hauts revenus - apparaît également perdant, faute notamment de pouvoir bénéficier de la baisse de la taxe d'habitation.

À l'inverse, les principaux gagnants sont les ménages situés au centre de la distribution des revenus , sous l'effet de la baisse des cotisations sociales pour les actifs et de la suppression progressive de la taxe d'habitation, ainsi que les ménages les plus aisés , en lien avec la mise en place du prélèvement forfaitaire unique et la transformation de l'impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière.

Estimation de l'impact sur le revenu disponible des ménages 2019 des mesures 2018-2019 portant sur les prestations et les prélèvements obligatoires

(en %)

Note méthodologique : les ménages sont classés selon leur revenu disponible par unité de consommation. Les centiles sont définis au sein de la population globale.

Source : Brice Fabre et Claire Leroy, « Évaluation du budget 2019 : Quelles conséquences pour les ménages », Institut des politiques publiques, 11 octobre 2018 (étude commandée par l'Assemblée nationale)

Encore faut-il préciser que cette évaluation globale ne permet sans doute pas d'apprécier pleinement l'ampleur des pertes de pouvoir d'achat qui peuvent exister au niveau individuel .

À titre d'illustration, pour un retraité aisé dont la pension s'élève à 3 500 euros par mois, la hausse de la CSG et la sous-revalorisation des pensions représenteraient une perte de pouvoir d'achat équivalente à près d'un demi-mois de retraite en 2020 49 ( * ) . Pour un ménage se chauffant au fioul domestique, utilisant une voiture diesel et roulant beaucoup, l'impact des hausses de fiscalité écologique s'élèverait à environ 136 euros en 2018 et 538 euros en 2022 50 ( * ) .

2. La croissance constitue la seule véritable source de pouvoir d'achat à long terme et devrait à ce titre concentrer l'énergie du Gouvernement

Dès lors, plutôt que s'adonner à un véritable jeu de « bonneteau fiscal » aux effets délétères et mal maîtrisés, votre rapporteur général estime que le Gouvernement devrait se concentrer sur les réformes permettant d'élever le potentiel de croissance de l'économie française , qui représente la seule véritable source de pouvoir d'achat à long terme.

En effet, différents travaux économiques tendent à confirmer que c'est bien la croissance, et non les transferts organisés par le Gouvernement, qui constitue le facteur déterminant pour permettre d'élever durablement le pouvoir d'achat agrégé des ménages .

À titre d'illustration, les services de l'Insee relevaient récemment dans une étude comparative que « de façon générale, dans l'ensemble des pays étudiés, entre 75 et 80 % du revenu national sont reçus par les ménages, à travers les revenus de leur travail ou du capital qu'ils détiennent, ainsi qu'à travers les prestations qu'ils perçoivent de la part des administrations publiques » 51 ( * ) . Ainsi, la capacité des ménages à s'approprier le revenu national par rapport aux administrations publiques et aux entreprises est proche au sein des pays comparables.

Le lien entre croissance et pouvoir d'achat est particulièrement manifeste dans le cas français. Sur longue période, l'évolution du pouvoir d'achat suit ainsi de façon quasi-parfaite celle du PIB, une fois la croissance de ce dernier corrigée des évolutions liées à la démographie et aux structures familiales.

Évolution comparée du PIB et du pouvoir d'achat depuis 1960

(taux de croissance annuel moyen)

Note méthodologique : l'évolution du pouvoir d'achat correspond à l'évolution du revenu disponible brut des ménages, déflatée par l'indice du prix de la dépense de consommation finale des ménages.

Source : commission des finances du Sénat (calculs à partir des données de l'Insee)

Les évolutions en matière de pouvoir d'achat correspondent donc aux grandes ruptures de tendance de l'activité économique , avec des gains très importants (près de 5 % par an) pendant la période dite des « Trente Glorieuses », des gains modérés jusqu'au déclenchement de la crise financière en 2007 et une quasi-stagnation du pouvoir d'achat depuis.

Selon la même logique, les hiérarchies en matière de gains de pouvoir d'achat à l'échelle européenne correspondent à celles observées s'agissant de la croissance : depuis le déclenchement de la crise financière, la France se situe ainsi dans une situation intermédiaire entre des pays qui, à l'image de l'Allemagne, ont réussi à « rebondir » plus rapidement, et d'autres qui, à l'instar de l'Italie, de l'Espagne ou de la Grèce, ne sont toujours pas en mesure de rattraper le terrain perdu.

Évolution du pouvoir d'achat par habitant depuis 2007

(base 100, 2007=100)

Note méthodologique : il s'agit de l'évolution du pouvoir d'achat du revenu disponible brut par habitant des ménages, corrigée à l'aide du déflateur des dépenses de consommation privée.

Source : commission des finances du Sénat (calculs à partir des données de la base AMECO)

Face à ce constat, votre rapporteur général appelle donc le Gouvernement à adopter les réformes structurelles nécessaires au redressement du potentiel de croissance de l'économie française , plutôt que de pratiquer un « jeu à somme nulle » consistant à prendre aux uns pour donner aux autres, au risque de susciter une défiance croissante de la part des contribuables.

SECONDE PARTIE - LE BUDGET DE L'ÉTAT EN 2019

I. LA POURSUITE DE LA DÉGRADATION DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE ET DE L'ENDETTEMENT DE L'ÉTAT

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une poursuite de la dégradation du déficit budgétaire.

Évolution du solde budgétaire de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

A. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT S'EST AGGRAVÉ EN 2018...

Le solde budgétaire de l'État s'est établi à - 67,7 milliards d'euros en 2017 52 ( * ) . En 2018, le déficit prévu par le présent projet de loi de finances est de - 81,3 milliards d'euros et s'aggraverait donc de 13,6 milliards d'euros par rapport à 2017.

Le déficit de cette année est toutefois un peu moins élevé que prévu dans la loi de finances pour 2018, qui avait anticipé un solde de - 85,7 milliards d'euros. Cette amélioration de 4,4 milliards d'euros est due à la combinaison de plusieurs mouvements.

D'un côté, les principaux mouvements positifs correspondent à l'impact sur 2018 de phénomènes apparus fin 2017. L'accélération des recettes fiscales observée produit ainsi des effets en base sur 2018 (hausse de 4,3 milliards d'euros) et le retard de comptabilisation des recettes de droits d'enregistrements constatée au même moment 53 ( * ) a un impact positif sur le solde de 3 milliards d'euros en 2018.

Il convient également de noter que le faible niveau des aléas de gestion devrait conduire à ne pas utiliser la totalité de la réserve, ce qui résulte d'une budgétisation initiale plus sincère que dans les budgets précédents (amélioration du solde prévisionnel de 600 millions d'euros).

De l'autre côté, le solde du compte retraçant les participations financières de l'État serait dégradé par rapport à la prévision (impact négatif de 2,7 milliards d'euros), en raison notamment d'une dotation au Fonds pour l'innovation et l'industrie de 1,6 milliard d'euros, issue des cessions d'actifs dans les sociétés Renault et Engie réalisées fin 2017. Votre rapporteur général fait observer que ce résultat était prévisible, et avait d'ailleurs été signalé par notre collègue Victorin Lurel, rapporteur spécial des crédits concernés au nom de la commission des finances 54 ( * ) , s'agissant d'une dotation annoncée par le Gouvernement dès la fin 2017.

Enfin, le montant du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne serait plus élevé que prévu, avec un impact de - 0,6 milliard d'euros.

De la loi de finances initiale pour 2018
au solde budgétaire révisé pour 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires (montants arrondis à la centaine de millions d'euros la plus proche)

Pour autant le déficit budgétaire demeure très élevé et devrait poursuivre son aggravation en 2019.

B. ... ET DEMEURE PRÉOCCUPANT EN 2019

Le déficit budgétaire de l'État devrait atteindre 98,7 milliards d'euros en 2019. Une fois neutralisées les mesures dont l'effet porte uniquement sur l'année d'exercice, il est comparable à celui des années précédentes.

1. Une dégradation en majeure partie liée à la conversion du CICE en allégement de charges

L'aggravation par rapport à 2018 résulte pour l'essentiel de mouvements sur les recettes.

Comme l'indique l'exposé général du présent projet de loi de finances, « le déficit budgétaire supportera l'essentiel de la baisse des prélèvements obligatoires réalisée au profit des ménages et des entreprises ». L'État ne compense pas, en effet, la baisse des prélèvements obligatoires par une diminution de ses dépenses, puisque l'augmentation des dépenses pilotables , c'est-à-dire celles sur lesquelles il a une marge de manoeuvre chaque année (voir infra) , devrait au contraire creuser le déficit de 2,8 milliards d'euros l'an prochain.

Le déficit budgétaire tire ainsi les conséquences, à hauteur de 25 milliards d'euros selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, de la prise en charge par le budget de l'État de baisses de prélèvements obligatoires qui affectent principalement d'autres administrations. Ce montant comprend à hauteur de 20 milliards d'euros la compensation aux administrations de sécurité sociale des allégements de charges pour les entreprises mis en oeuvre lors de la disparition du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Il est naturel que l'État prenne ces coûts à sa charge puisque ces mesures ont été décidées par lui et qu'il assumait d'ailleurs déjà sur son budget général le coût du CICE.

L'État supporte également en 2019 un manque à gagner ponctuel de près de 6 milliards d'euros lié à la mise en place du prélèvement à la source : comme la perception de l'impôt survient le mois suivant le versement des revenus, il n'encaissera le produit de l'impôt sur le revenu que pendant onze mois la première année d'application. Il convient toutefois de noter que l'impact s'exerce en comptabilité budgétaire, fondée sur les encaissements et décaissements effectifs en cours d'exercice. Il ne porte pas sur la comptabilité nationale, qui rattache le versement de l'impôt à l'année au titre duquel celui-ci est dû.

Enfin, en sens inverse, l'évolution spontanée des ressources fiscales devrait améliorer le solde budgétaire de 11 milliards d'euros .

Les autres mouvements sont de moindre ampleur. Les décaissements liés au contentieux relatif à la taxe de 3 % sur les dividendes seraient de 500 millions d'euros en 2019, contre 4,2 millions d'euros en 2018. On peut également noter que le Gouvernement anticipe une nouvelle fois un retour à l'équilibre du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Du solde budgétaire révisé en 2018 au solde prévisionnel 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

2. Une trajectoire de long terme de déficit budgétaire préoccupante

Le Gouvernement fait valoir que ce déficit budgétaire s'explique en partie par des mesures ponctuelles , qui ont un effet sur la seule année 2019, pour un montant de 25,9 milliards d'euros :

- la simultanéité du versement aux entreprises du CICE au titre des droits acquis précédemment et de la première année d'application des allégements de cotisations sociales , qui s'appliquent au titre de l'année en cours (impact négatif de 20 milliards d'euros sur le solde budgétaire) ;

- l'effet du décalage d'un mois sur le prélèvement à la source (impact négatif de 5,9 milliards d'euros).

Le déficit budgétaire serait donc, selon la présentation faite par le Gouvernement, de 72,8 milliards d'euros hors mesures ponctuelles, ce qui représenterait une réduction de 8,5 milliards d'euros par rapport au déficit prévisionnel de 81,3 milliards d'euros en 2018.

Votre rapporteur général fait toutefois observer qu' une telle comparaison doit également neutraliser les mesures ponctuelles qui améliorent le déficit , et pas seulement celles qui le creusent : c'est le cas de l'augmentation du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés , prévue par l'article 15 du présent projet de loi de finances (amélioration de 1,5 milliard d'euros sur le solde budgétaire). Cette mesure consiste en effet à percevoir dès la fin de l'année 2019 des sommes qui seraient de toute manière versées l'année suivante par les entreprises.

Symétriquement, il convient de neutraliser, dans le déficit budgétaire de 2018, les effets de l'annulation de la contribution de 3 % sur les dividendes (dégradation de 4,5 milliards d'euros sur le solde budgétaire).

Enfin l'État fait supporter une partie des allégements de charge qu'il a décidés par la sécurité sociale, à hauteur de 2 milliards d'euros (voir supra).

En prenant en compte l'ensemble de ces effets, le solde budgétaire « à périmètre constant » serait en 2019 de - 76,3 milliards d'euros contre - 76,8 milliards d'euros en 2018, soit une quasi-stabilité et non une amélioration de 8,5 milliards d'euros.

Il en ressort donc que le déficit budgétaire de l'État , même si l'on ne prend pas en compte les mesures à effet temporaire, ne diminue pas significativement malgré les affirmations volontaristes du Gouvernement.

Ce déficit , en dépit de l'éloignement de la crise financière de 2008, demeure enfermé dans une fourchette de 70 à 90 milliards d'euros. Loin de se rapprocher de l'équilibre tant de fois annoncé, il ne parvient pas même à retrouver les niveaux de déficit des années antérieures à la crise, pourtant situés à un étiage relativement élevé de 40 à 70 milliards d'euros en euros constants.

Évolution du solde budgétaire de l'État depuis 2003

(en euros constants)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des lois de règlement et des documents budgétaires (données retraitées en euros constants)

3. Une détérioration moins marquée en comptabilité nationale

Comme indiqué précédemment, la comptabilité nationale, utilisée pour calculer le déficit public au sens des engagements européens, prend en compte les dépenses et les recettes au titre de l'année où les droits sont constatés.

La différence entre le solde budgétaire et le solde en comptabilité nationale

En pratique, trois types d'opérations doivent être pris en compte pour déterminer la différence entre le solde budgétaire mesuré en comptabilité budgétaire et le solde mesuré en comptabilité nationale :

- il convient d'abord de ramener à l'exercice concerné l'enregistrement de certaines dépenses et recettes du budget général afin de comptabiliser les droits constatés ;

- certaines opérations budgétaires sont retraitées en opérations financières ou de patrimoine ;

- certaines opérations non budgétaires doivent être prises en compte , telles que les remises de dettes aux États étrangers.

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2019

Dans le projet de budget pour 2019, le solde en comptabilité nationale s'établit à - 86,9 milliards d'euros .

La différence de 11,9 milliards d'euros avec le solde budgétaire s'explique principalement par trois types d'opérations 55 ( * ) .

Il s'agit en premier lieu, à hauteur de 7,6 milliards d'euros, des particularités de l'enregistrement en droits constatés de la charge d'intérêt .

Comme votre rapporteur général l'a noté à plusieurs reprises 56 ( * ) , il arrive que l'État émette des titres qui servent le même coupon que des titres anciens, ces derniers ayant été émis à une date où les taux d'intérêt étaient plus élevés. Les investisseurs versent alors à l'État, au moment de l'émission, une prime qui compense le rendement plus élevé qui leur est ainsi proposé par rapport à ce que leur rapporteraient les taux d'intérêt courants. Ces primes sont comptabilisées l'année de leur émission en comptabilité budgétaire tandis que, en comptabilité nationale, leur montant est réparti sur toute la durée du prêt. C'est pourquoi les émissions réalisées au cours des années récentes ont un impact positif sur le solde de l'année 2019 dans la seule comptabilité nationale.

En deuxième lieu, le solde en comptabilité nationale est amélioré par le rattachement au titre de l'année 2019 des retenues effectuées au titre du prélèvement à la source sur les douze mois de l'année , alors que celles-ci ne sont prises en compte par la comptabilité budgétaire que pour onze des douze mois de l'année (voir supra) , avec un impact positif de quelque 5,9 milliards d'euros.

Enfin et en sens inverse, les compensations assurées par l'État à la sécurité sociale correspondant aux mesures nouvelles sont comptabilisées sur l'ensemble de l'année en comptabilité nationale, alors qu'elles n'ont un effet sur le solde budgétaire que sur onze mois, représentant une imputation supplémentaire au titre de l'année 2019 de 3,9 milliards d'euros en comptabilité nationale.

Le solde mesuré en comptabilité nationale en 2018 est pour sa part de - 72,4 milliards d'euros, selon la dernière prévision donnée par le présent projet de loi de finances. L'aggravation du déficit de l'État se constate donc avec une ampleur comparable quel que soit le mode de comptabilisation .

C. UNE DETTE TOUJOURS CROISSANTE SOUS LA MENACE DE LA REMONTÉE DES TAUX

1. Un endettement toujours croissant pour l'État

Le niveau en valeur absolue de la dette de l'État progresse à un rythme qui s'accélère depuis 2017 pour s'approcher de 5 % par an .

Évolution de l'encours de la dette négociable de l'État

(en milliards d'euros)

En milliards d'euros, en fin d'année

2013

2014

2015

2016

2017

2018 (prévision)

2019
(prévision)

Ensemble de la dette - valeur
actualisée

1 457,20

1 527,60

1 576,40

1 620,60

1 686,10

1 761,50

1 845,10

Évolution N / N-1

+ 4,8%

+ 3,2%

+ 2,8%

+ 4,0%

+ 4,5%

+ 4,7%

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État »

L'endettement de l'État et des administrations centrales 57 ( * ) représente une part de plus en plus prépondérante de la dette des administrations publiques . Alors que le ratio d'endettement au sens de Maastricht est presque stable, passant de 98,5 % en 2017 à 98,6 % en prévision pour 2019, celui des administrations publiques centrales progresse dans le même temps de 79,9 % à 82,1 % 58 ( * ) .

On peut faire observer que la hausse de l'endettement de l'État n'est en rien due à la reclassification de SNCF Réseau comme administration publique, cette décision ayant au contraire, de manière peu intuitive, conduit l'Insee à revoir à la baisse de 0,5 point de PIB la dette de l'État. En effet, si cette reclassification a entraîné une hausse de plus de 2 points de PIB de l'endettement des organismes divers d'administration centrale (ODAC), elle a également mis fin à un traitement spécifique de l'Insee, qui affectait une partie de cette dette à l'État 59 ( * ) .

2. L'occasion manquée du niveau historiquement bas des taux d'intérêt

La France bénéficie depuis plusieurs années de conditions de refinancement très favorables . Le taux moyen à l'émission des titres à court terme (BTF) s'est ainsi établi à - 0,58 % de janvier à mi-septembre 2018 et celui des émissions à moyen-long terme à 0,57 %. Ces niveaux sont comparables à ceux de 2017.

Ce niveau historiquement bas des taux d'intérêt offre des conditions exceptionnellement propices à une réduction de la dette , occasion qui n'a été mise à profit ni par ce gouvernement, ni par le gouvernement précédent.

Or le Gouvernement fait à présent l'hypothèse, d'ailleurs prudente 60 ( * ) , d'une remontée progressive des taux d'intérêt à dix ans (OAT à 10 ans), qui augmenteraient de 1,40 % en 2018 à 2,15 % en 2018, tandis que les taux à court terme (BTF à 3 mois) redeviendraient positifs en passant de - 0,40 % à + 0,40 %. Cette hypothèse prend en compte le resserrement progressif de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, qui prévoit de mettre fin à son programme d'achats nets d'actifs.

La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 se fonde ainsi sur une remontée progressive des taux à 10 ans jusqu'à 4 % en 2022.

Seule une action rapide de désendettement permettrait de tirer parti de cette situation .

3. L'accroissement inéluctable de la charge de la dette dans le budget de l'État

La hausse de la charge de la dette devrait donc s'accélérer au cours des années à venir , la remontée des taux d'intérêt affectant à la fois les conditions financières des nouveaux emprunts et le refinancement de la dette existante.

La charge de la dette augmenterait ainsi en 2019 de 400 millions d'euros par rapport à l'estimation révisée pour 2018 et de 700 millions d'euros par rapport à l'estimation en loi de finances initiale pour 2018.

Évolution de la charge nette de la dette de l'État

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018
(LFI)

2018
(révisé)

2019
(LPFP)

2019
(PLF)

2020 (LPFP)

Charge nette de la dette

42,136

41,447

41,697

41,197

41,650

41,9

42,061

44,7

Source : projet annuel de performances 2019 « Engagements financiers de l'État » et rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022

II. LES RECETTES DANS LA CONTINUITÉ DE LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2018

A. DES RECETTES FISCALES NETTES EN HAUSSE HORS EFFETS DE PÉRIMÈTRE

Les recettes fiscales nettes diminueraient en 2019 de 14 milliards d'euros par rapport à la prévision d'exécution de 2018, en raison d'un transfert de 32,5 milliards d'euros de TVA à la sécurité sociale , partiellement compensé par la dynamique d'évolution des recettes.

Si l'on neutralise ce transfert, les recettes fiscales nettes seraient en revanche en hausse de 18,5 milliards d'euros .

Décomposition des facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes de l'État
entre la prévision d'exécution pour 2018 et l'estimation pour 2019
du projet de loi de finances initiale

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaire

Si l'effet en 2019 des mesures antérieures au présent projet de loi de finances est globalement nul, il résulte en fait de l'effet contraire de mesures qui représentent des réformes d'importance.

Effet pour chacune des recettes fiscales de 2019 des mesures antérieures
au présent projet de loi de finances

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Votre rapporteur général note la faiblesse de l'impact de certaines des surtaxes créées dans la loi de finances initiale pour 2018 à l'initiative de l'Assemblée nationale pour compenser l'exclusion des biens correspondants de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). L'augmentation du barème du droit annuel de francisation et de navigation ne concerne par exemple que six navires, dont un seul sous pavillon français, pour un produit de 82 500 euros sur les sept premiers mois de l'année. Quant à la nouvelle taxe additionnelle sur l'immatriculation des voitures de sport, son rendement est estimé à 7,2 millions d'euros.

L'évolution du produit des grands impôts montre des évolutions contrastées.

Évolution du produit des « grands impôts » de l'État de 2017 à 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires.

Le rendement de l'impôt sur le revenu connaîtrait pour des raisons techniques un rendement moindre à hauteur de 2,6 milliards d'euros : son évolution spontanée (hausse de 2,45 milliards d'euros) et l'effet des mesures antérieures au présent projet de loi de finances sont plus que compensées par le décalage des recettes lié à la mise en place du prélèvement à la source . Comme expliqué supra , celui-ci ne produira des recettes que sur onze mois en 2019, entraînant des recettes budgétaires inférieures de 5,9 milliards d'euros au rendement attendu en année pleine.

Votre rapporteur général fait toutefois observer que le rendement de l'impôt sur le revenu devrait connaître un gain du fait de l'imposition des revenus exceptionnels de 2018, qui n'entrent pas dans le champ du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR).

L' impôt sur les sociétés , qui avait connu un rendement exceptionnel en 2017 en raison de la mise en place d'une contribution exceptionnelle compensant l'annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes, progresserait l'an prochain malgré la poursuite de la baisse progressive du taux de l'impôt sur les sociétés prévue par la loi de finances pour 2018, avec un taux nominal limité en 2019 à 31 % pour les bénéfices dépassant 500 000 euros.

Cet effet, portant une baisse estimé à 2,4 milliards d'euros, est plus que compensé par les autres mesures décidées avant le présent projet de loi de finances, liées notamment à l'abaissement du CICE et à sa transformation en allégement de cotisations sociales (pour une diminution totale de recettes de 0,4 milliard d'euros), par l'évolution spontanée du rendement de l'impôt (augmentation de 4,7 milliards d'euros) et par les mesures contenues dans le présent projet de loi de finances (augmentation de 1,4 milliard d'euros) : réforme du régime de l'intégration fiscale (article 12, pour un coût de 130 millions d'euros environ) et modification des règles de calcul du 5 e acompte (article 15, pour une hausse de 1,5 milliard d'euros).

Les effets relatifs à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et à la diminution importante du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) seront présentés infra. Il convient toutefois de préciser d'abord les limites inhérentes à l'estimation de l'évolution spontanée des recettes fiscales.

1. Une évolution spontanée soumise aux incertitudes relatives à l'élasticité

Les recettes fiscales atteignent parfois un niveau significativement différent de celui qui avait été prévu lors de l'élaboration du budget. On se souvient de l'épisode de la « cagnotte », correspondant à un surplus de recettes fiscales découvert par la commission des finances du Sénat en 1999. En sens inverse, les recettes brutes des trois grands impôts (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés et taxe sur la valeur ajoutée) ont été inférieures de 24,5 milliards d'euros par rapport à la prévision lors de l'exercice 2013, et de près de 16 milliards d'euros l'année suivante.

Écart entre la prévision et l'exécution des recettes fiscales brutes de l'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des rapports de la Cour des comptes sur le budget de l'État

Or l'évolution des recettes fiscales dépend en grande partie, abstraction faite des mesures nouvelles, de l'évolution de l'activité économique. Il est donc crucial , pour prévoir les recettes fiscales de l'année à venir et donc éviter une dérive du solde budgétaire, de connaître , non seulement l'évolution du PIB, mais aussi l'élasticité du produit de chacun des grands impôts à l'évolution du PIB , en supposant celle-ci connue.

Le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances prévoit une élasticité des recettes fiscales nettes au PIB de 1,2 en 2019 . Cette valeur est obtenue en rapportant l'évolution de ces recettes hors mesures nouvelles et de transfert, soit 3,7 % en 2019, à l'augmentation prévisionnelle du PIB en valeur, soit 3 %.

Or on constate une différence souvent importante entre l'estimation de l'élasticité faite en loi de finances initiale et celle qui est constatée en exécution. Ainsi en 2018, selon les réponses obtenues par votre rapporteur général, l'élasticité des recettes fiscales nettes de l'État, c'est-à-dire déduction faite des remboursements et dégrèvements, serait de 1,7 en prévision actualisée, alors que le budget avait été élaboré avec une hypothèse d'élasticité de 1,2 seulement. La différence entre la prévision et l'actualisation signifie que, pour un point de croissance supplémentaire, les recettes augmenteraient de 1,7 % et non de 1,2 %.

Si l'on examine ensuite l'élasticité selon le type d'impôt, il existe en fait des écarts dans les deux sens.

Élasticité des recettes fiscales nettes au PIB

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses du Gouvernement. Lecture : les recettes fiscales nettes augmentent spontanément en 2018 (prévision actualisée) de 1,7 % pour une augmentation du PIB de 1 % en valeur.

Les révisions à la hausse s'expliqueraient par l'abaissement de la prévision d'évolution du PIB en valeur pour l'impôt sur le revenu et par une révision à la hausse des emplois taxables pour la TVA. Les autres recettes fiscales font l'objet d'une révision technique à la hausse de l'élasticité, due à une erreur de comptabilisation de droits de mutation à titre gratuit (DMTG), imputés à tort sur 2018 (au lieu de 2017).

Les révisions à la baisse concernent quant à elles des impôts de rendement global moindre. L'élasticité de la TICPE subirait les répercussions de la forte hausse du prix du baril de pétrole sur les prévisions de consommation de carburants. Quant à l'impôt sur les sociétés, l'élasticité (et donc le rendement) moindre qu'espéré serait lié au contrecoup du cinquième acompte de 2017, qui avait été perçu à un niveau plus élevé qu'anticipé.

Une partie du solde budgétaire de 2018 résulte donc d'une sous-estimation initiale de l'élasticité. Il convient de demeurer prudent sur l'estimation de l'évolution spontanée des recettes en 2019.

2. Des questions toujours sans réponse concernant la taxe d'habitation dans l'attente de la réforme de la fiscalité locale

La mise en oeuvre de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages , contre 20 % auparavant, se poursuit par une deuxième tranche en 2019 .

Pour mémoire, la loi de finances pour 2018 a prévu une augmentation progressive du taux de dégrèvement entre 2018 et 2020, fixé pour les contribuables concernés à 30 % de la cotisation de référence en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020.

Le coût de la première tranche était de 3 milliards d'euros et, avec la seconde, c'est un coût total de 6,8 milliards d'euros que représente cette mesure au titre des deux premières années. Il devrait passer à 10,1 milliards d'euros en 2020 avec la troisième et dernière tranche, aboutissant à la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages.

Votre rapporteur général regrette à nouveau la mise en oeuvre de cette réforme sans concertation avec les collectivités territoriales , alors même qu'une réforme importante de la fiscalité locale est annoncée par le Gouvernement.

Le mystère reste également entier - ce qui devient inquiétant -, sur la mise en oeuvre de l'objectif annoncé par le Gouvernement , et rendu nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel relative au projet de loi de finances pour 2018 61 ( * ) , de suppression complète de la taxe d'habitation pour les 20 % de contribuables non concernés par la réforme.

Cette mesure, comme la reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau, n'a pas été prise en compte dans le programme de stabilité transmis au printemps 2018 aux institutions européennes, ce qui rendra encore plus difficile le respect de ce programme 62 ( * ) .

Enfin il est particulièrement regrettable que la suppression complète de la taxe d'habitation soit financée par un creusement du déficit à hauteur de 0,2 point de PIB en moyenne entre 2020 et 2022 et non, comme l'avait initialement annoncé le ministre de l'Action et des Comptes publics, par des économies. Pour mémoire, le coût de la mesure, estimé à partir des conclusions de la mission menée par nos collègues Dominique Bur et Alain Richard sur la refonte de la fiscalité locale, en faisant l'hypothèse d'un maintien d'une imposition des résidences secondaires, serait d'environ 8 milliards d'euros 63 ( * ) .

3. L'alourdissement massif de la fiscalité écologique, favorisant surtout le rendement au profit du budget général

L'année 2019 connaît d'importantes évolutions de la fiscalité écologique qui résultent à la fois de la poursuite de la mise en oeuvre de décisions votées en loi de finances pour 2018 et de mesures nouvelles, aboutissant dans l'ensemble à un alourdissement de la charge représentée par la fiscalité écologique et énergétique , marquée par la poursuite de la trajectoire de hausse de la taxe carbone et de la convergence de la fiscalité entre le diesel et l'essence.

Les seules mesures de la loi de finances pour 2018 entraînent une hausse de 46 milliards d'euros en cinq ans des prélèvements obligatoires pesant sur les ménages et les entreprises.

Rendement net de la hausse des tarifs de TICPE résultant de la hausse de la composante carbone et de la convergence essence-gazole entre 2018 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir de l'évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2018

Indépendamment de la hausse de la composante carbone, le rattrapage en quatre ans de la taxation entre les essences et le gazole se traduit ainsi par une augmentation de la part fixe de la TICPE de 2,6 centimes d'euro par litre de gazole par an de 2018 à 2021 .

Si l'objectif général de transition énergétique est pleinement partagé par votre rapporteur général, force est de constater que l'objet de la fiscalité écologique, telle qu'elle est appliquée, est ambivalent , puisque les taxes ont certes une vocation incitative à modifier les comportements, mais elles ont surtout également un objectif clair de rendement.

Cette double dimension, pour ne pas dire cette ambiguïté, nuit à son acceptabilité au sein de la population.

Ainsi la TICPE demeure-t-elle pour l'essentiel une taxe de rendement budgétaire : la composante liée au contenu en CO 2 ne représente en 2018, selon les éléments obtenus par votre rapporteur général, qu'un montant de 7 milliards d'euros, par rapport à un rendement total prévisionnel de 33,8 milliards d'euros.

Par ailleurs, sur les 37,7 milliards d'euros de recettes attendues en 2019 au titre de la TICPE, seuls 7,2 milliards d'euros sont affectés au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » , chiffre en légère hausse par rapport à 2017 mais stable au regard de 2018.

En revanche, ce sont bien 17 milliards d'euros qui bénéficieront au budget général , contre 13,3 milliards d'euros en 2018 (et 11,1 milliards d'euros en 2017).

Affectation de la TICPE entre 2017 et 2019

(en milliards d'euros)

Nb : avant mouvements du projet de loi de finances rectificative pour 2018.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Il est peu probable que cette augmentation de presque 4 milliards d'euros supplémentaires vise à favoriser à même hauteur la mise en place de nouvelles mesures à destination des ménages et des entreprises afin de favoriser la transition écologique ou de renforcer celles déjà existantes (prime de conversion automobile, rénovation énergétique des bâtiments...).

De fait, les dépenses du budget général consacrées à la transition énergétique ne connaissent pas d'augmentation comparable .

Les mesures de compensation, telles que le « chèque énergie » qui a surtout remplacé les anciens tarifs sociaux de l'énergie, demeurent très insuffisantes.

Parmi les principales dépenses fiscales, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui était de 1,7 milliard d'euros en 2017 et 2018 (prévision), devrait diminuer à 879 millions d'euros en 2019 suite au recentrage du dispositif effectué par la loi de finances pour 2018. Le taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique est stable à 1,1 milliard d'euros 64 ( * ) .

Les principales mesures du projet de loi de finances pour 2019
concernant la fiscalité écologique et énergétique

Le présent projet de loi de finances met notamment l'accent sur la fiscalité des déchets :

- aménagement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), notamment pour encourager à la mise en place d'une part incitative et pour sécuriser la définition juridique des dépenses pouvant être financées par cette taxe (article 7) ;

- trajectoire d'augmentation de la composante « déchets » de la TGAP jusqu'en 2025 afin de renchérir le coût de la mise en décharge et de l'incinération des déchets (article 8) ;

- réduction à 5,5 % du taux de TVA sur certaines prestations de gestion des déchets (article 59).

Par ailleurs le projet de loi de finances propose la suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) appliquée au gazole non routier (article 19) 65 ( * ) .

Enfin le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) est prorogé d'un an (article 57), avant une éventuelle transformation en prime par la suite.

Source : commission des finances du Sénat

La suppression brutale du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier va aussi créer des difficultés importantes pour des secteurs tels que les bâtiments et travaux publics (BTP) et les industries extractives. De nombreuses entreprises industrielles seront confrontées de manière soudaine à plus d'un triplement de leur tarif de TICPE, alors même que celui-ci a vocation à poursuivre encore son augmentation dans les années à venir sous l'effet de la hausse de la taxe carbone et de la convergence entre les fiscalités de l'essence et du gazole.

Quant à la TGAP , elle est versée au budget général et ne constitue donc pas un outil de financement de l'économie circulaire. Son augmentation en 2019 sera en particulier supportée par les collectivités territoriales. Les mesures présentées comme une compensation à cette hausse paraissent clairement insuffisantes, à savoir la baisse du taux de TVA applicable à certaines prestations de gestion des déchets et les mesures visant à simplifier le déploiement de la part incitative de la TEOM 66 ( * ) . La hausse de la TGAP conduira à augmenter globalement le coût du service public de gestion des déchets ménagers , au risque d'apparaître aux citoyens non pas comme une mesure en faveur de l'environnement, mais comme une simple charge supplémentaire .

Au total, faute d'une orientation claire, la fiscalité écologique et énergétique apparaît de plus en plus comme une mesure « punitive », tout particulièrement dans ses effets sur le prix des carburants à l'égard de personnes, souvent modestes ou vivant en milieu rural, qui n'ont aucune possibilité d'y échapper faute de solution de transport alternative.

4. Un effet de périmètre majeur : le transfert de TVA à la sécurité sociale

Le produit de la TVA diminue en 2019 de 26,7 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2018, par l'effet :

- d'une augmentation spontanée de la TVA nette totale de 5,2 milliards d'euros ;

- de mesures nouvelles ou antérieures entraînant une croissance du rendement de 0,7 milliard d'euros ;

- mais surtout d'une diminution du produit de 32,5 milliards d'euros en raison d'un transfert supplémentaire à la sécurité sociale .

Le transfert à la sécurité sociale résulte d'un ensemble de mesures figurant dans l'article 36 du présent projet de loi de finances pour 2019, qui fixe la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale à 26,36 % à partir de 2019, au lieu de 5,93 % en 2018 :

- 24,6 milliards de TVA sont transférés à la sécurité sociale afin de compenser les pertes de recettes de celle-ci résultant de la réduction de 6 points de cotisations sociales patronales maladie à compter du 1 er janvier 2019 en remplacement du CICE, du renforcement des allègements généraux de cotisations sociales à partir du 1 er octobre 2019 et de la suppression de certains dispositifs d'exonérations ciblées ;

- 4,1 milliards d'euros sont transférés à l'Unédic afin de compenser les pertes de recettes résultant en 2019 de la baisse, en deux temps, des cotisations salariales chômage survenues en 2018 ;

- 7,6 milliards d'euros compensent l'affectation à l'État du produit des prélèvements sociaux sur le capital, à l'exception de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Cette mesure tire les conséquences de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire « De Ruyter » 67 ( * ) .

Le transfert tient également compte de certains mouvements entre l'État et l'assurance maladie.

B. LES RECETTES NON FISCALES ET LA PRÉSENTATION INCOMPLÈTE DES LOYERS BUDGÉTAIRES

Les recettes non fiscales s'établiraient en 2019 à 12,5 milliards d'euros , contre 13,4 milliards d'euros en 2018, soit une diminution de 900 millions d'euros.

Cette évolution provient pour l'essentiel de la suppression des loyers budgétaires pour les ministères civils.

Les loyers budgétaires

Les loyers budgétaires sont des loyers versés par les administrations occupantes à l'État propriétaire, par opposition aux loyers non budgétaires que l'État paie à des bailleurs publics ou privés et aux charges locatives.

Après une expérimentation portant en 2006 sur trois ministères (économie et finances, affaires étrangères et justice), les loyers budgétaires ont été progressivement étendus jusqu'à leur généralisation en 2009 pour l'ensemble des immeubles domaniaux de bureaux, y compris les immeubles situés outre-mer et à l'étranger.

Il s'agit d'un loyer acquitté par les ministères en vertu de la convention d'utilisation conclue avec la direction de l'immobilier, dont le montant varie en fonction de la surface d'immeubles domaniaux à usage de bureaux qu'ils utilisent et des caractéristiques locales du marché. Pour les acquitter, les ministères reçoivent une dotation budgétaire de l'État propriétaire, qui lui revient ensuite par les loyers budgétaires acquittés. L'opération s'opère donc dans un circuit fermé, maintenant l'unité de caisse et traduisant le fait que la distinction entre l'État propriétaire et le ministère occupant reste une construction théorique.

Source : commission des finances du Sénat

Le paiement par les administrations de leurs loyers budgétaires est estimé à 93,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, contre 968 millions d'euros dans la loi de finances pour 2018.

Nos collègues Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux des crédits consacrés au patrimoine immobilier de l'État, soulignaient l'an passé la nécessité d'une remise à plat des loyers budgétaires, allant dans le sens non pas d'une suppression mais d'une simplification administrative et d'une intégration des opérateurs dans leur périmètre.

Le projet de loi de finances présente la suppression du dispositif de facturation des loyers budgétaires comme la principale source de diminution des recettes non fiscales, pour un montant de 882,4 millions d'euros.

Il convient toutefois de noter que la suppression du dispositif pour les ministères civils est présentée de manière très incomplète dans les documents budgétaires .

Les projets annuels de performance n'indiquent en effet que de manière partielle l'impact sur le périmètre des missions de la suppression des loyers budgétaires. Aucune présentation globale n'est faite dans les documents budgétaires de la répartition des loyers budgétaires en fonction des missions avant leur suppression.

Or cette mesure de périmètre peut avoir un effet important sur l'appréciation des crédits d'une mission et de leur évolution . À titre d'exemple, les loyers budgétaires représentaient 9 % des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement » en 2018.

La suppression des loyers budgétaires est manifestement utilisée pour afficher, selon la mission considérée, une évolution des crédits plus ou moins favorable . L'un des seuls projets annuels de performance qui les évoque en détail est celui de la mission « Culture », qui présente systématiquement ses crédits hors suppression des loyers budgétaires afin de mieux mettre en valeur leur légère augmentation à périmètre constant.

Par ailleurs le maintien du dispositif en 2019 pour le seul ministère des Armées, qui évite ainsi d'afficher un impact négatif de 93,5 millions d'euros sur l'évolution des crédits, n'est-il assorti d'aucune explication précise, hormis des raisons « techniques ».

Votre rapporteur général ne peut donc que renouveler la critique déjà émise l'an passé sur le caractère insuffisamment documenté de l'évolution des recettes non fiscales .

C. LE RECOURS TOUJOURS ABONDANT AUX DÉPENSES FISCALES

1. La poursuite de l'augmentation relative des dépenses fiscales en 2019

Le projet de budget pour 2019 prévoit que le niveau des dépenses fiscales atteindra 98,2 milliards d'euros, après avoir franchi la barre des 100 millions d'euros en 2018.

Évolution des dépenses fiscales de 2015 à 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Si la définition exacte de la dépense fiscale dépend de celle de la norme fiscale par rapport à laquelle elle est définie 68 ( * ) , ce montant est considérable. Il représente 35,2 % des recettes fiscales nettes , prévues par le présent projet de loi de finances à hauteur de 278,9 milliards d'euros, contre 34,7 % en 2018, 31,6 % en 2017 et 30,4 % en 2015.

La dépense fiscale la plus coûteuse reste le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), chiffré à 19,6 milliards d'euros en 2019 et en cours de transformation en allégement pérenne de cotisations sociales (voir supra ). Viennent ensuite le crédit d'impôt recherche (6,2 milliards d'euros), le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile (4,8 milliards d'euros) et l'abattement de 10 % sur le montant des pensions (4,2 milliards d'euros).

Toutefois la montée en puissance du CICE , qui ne devrait plus représenter qu'une dépense fiscale résiduelle en 2020, explique moins de la moitié de la hausse des dépenses fiscales , qui a été de 15,1 milliards d'euros entre 2014 et 2018 (7,4 milliards d'euros liées au CICE).

Ainsi le rapport des dépenses fiscales, hors CICE, à l'ensemble des recettes fiscales nettes est-il passé de 25,9 % en 2015 à 27,8 % en 2018.

La suppression du CICE fera donc diminuer le montant des dépenses fiscales d'une vingtaine de milliards d'euros, mais ne constitue pas en elle-même un infléchissement dans la tendance au recours de plus en plus fréquent à l'outil facile qu'est la dépense fiscale .

2. Des intentions de réduction des dépenses fiscales contredites par les faits

La loi de programmation des finances publiques pour 2014 à 2019 avait, dans son article 19, fixé un plafond de dépenses fiscales en valeur absolu, généralement non respecté. Ainsi le solde des dépenses fiscales est-il estimé, selon les réponses obtenues par votre rapporteur général, à 89,5 milliards d'euros en 2017 après neutralisation des mesures de périmètre et des changements de méthode opérés depuis 2013, soit un dépassement de la cible de 3,5 milliards d'euros.

Pour les années 2018 et suivantes, l'article 20 de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022 a fixé une cible pour l'évolution du rapport entre, d'une part, le montant annuel des dépenses fiscales et, d'autre part, la somme des recettes fiscales nettes du budget général et des dépenses fiscales .

Cette cible est de 28 % en 2018 et en 2019, puis diminue de 1 % chaque année pour atteindre 25 % en 2022.

Votre rapporteur général avait alors souligné le caractère inadéquat de l'indicateur : il serait en effet préférable de rapporter, comme cela a été fait supra , le montant des dépenses fiscales aux recettes fiscales nettes au sens standard du terme, c'est-à-dire en déduisant les remboursements et dégrèvements 69 ( * ) .

Surtout, comme l'a indiqué la Cour des comptes 70 ( * ) , la diminution ainsi affichée de la cible ne constitue qu'un simple affichage, sans véritable contrainte , en raison du niveau très élevé où elle a été fixée.

En effet, la valeur de cet indicateur peut être estimée à 25,5 % en 2018 et à 26 % en 2019. Hors CICE, elle serait seulement de 20,8 % en 2019. La fixation d'une cible à 25 % en 2022 ne signifie donc en rien une diminution du poids des dépenses fiscales mais constitue au contraire un possible blanc-seing pour l'aggravation des dépenses fiscales dans les années à venir .

Le présent projet de loi de finances prévoit certes, à l'article 11, la suppression d'un certain nombre de dépenses fiscales qui seront présentées en détail dans le commentaire de cet article. Ces suppressions n'ont toutefois qu'un périmètre limité. Parmi les dépenses fiscales supprimées, seule la réduction d'impôt en faveur des personnes physiques pour l'acquisition et la construction de logements sociaux en outre-mer a un montant significatif, estimé à 139 millions d'euros en 2018 par l'annexe « Voies et moyens » ; toutefois sa suppression a vocation à être en partie compensée par la montée en charge du crédit d'impôt pour les organismes de logement social qui acquièrent ou construisent des logements sociaux dans les départements d'outre-mer, défini à l'article 244 quater X du code général des impôts.

III. UNE TRAJECTOIRE DE BAISSE DES DÉPENSES TOUJOURS AUSSI PEU PERCEPTIBLE

Alors que le Gouvernement présente son deuxième budget, les modalités concrètes de la trajectoire de maîtrise des dépenses annoncée demeurent encore très peu documentées.

A. UN EFFORT DE MAÎTRISE MOINS AMBITIEUX QU'ANNONCÉ

1. En 2018, une budgétisation plus sincère a permis d'assainir le pilotage en cours d'exécution

Votre rapporteur général avait noté, lors de l'examen du précédent projet de loi de finances, que le budget pour 2018 comportait moins de sous-budgétisations que les années précédentes.

L'exécution du budget jusqu'à présent confirme cette amélioration de la sincérité budgétaire.

Ainsi le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances indique-t-il que la réserve de précaution n'a pas été entamée au premier semestre. Selon les estimations du Gouvernement, les dépenses devraient ainsi être inférieures de 600 millions d'euros à l'objectif prévu en norme de dépenses pilotables.

La réserve de précaution

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 71 ( * ) prévoit la publication, en annexe du projet de loi de finances de l'année - en pratique dans son exposé général -, du taux de mise en réserve initiale (ou « gel ») prévu, d'une part pour les crédits de personnel, d'autre part pour les autres crédits, s'agissant des programmes dotés de crédits limitatifs.

Cette réserve initiale peut être augmentée en cours de gestion (« surgel ») afin de geler des crédits à titre conservatoire dans l'attente d'une décision sur leur utilisation. Ces crédits sont alors « dégelés » lorsqu'ils sont rendus à nouveau disponibles ; ils peuvent également être annulés 72 ( * ) .

Source : commission des finances du Sénat du Sénat

Le Gouvernement a défini en 2018 un taux de mise en réserve de 0,5 % pour les crédits de titre 2 (personnel) et de 3 % pour les autres crédits . Il maintient ce choix en 2019.

Il s'agit d'un changement de méthode par rapport au quinquennat précédent. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoyait en effet la mise en réserve, chaque année, d'au moins 0,5 % des crédits ouverts sur le titre 2 et d'au moins 6 % pour les crédits ouverts sur les autres titres 73 ( * ) . En pratique, le niveau de mise en réserve choisi par le Gouvernement a atteint 8 % au cours des années 2015 à 2017. La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, en revanche, ne prévoit pas d'encadrement du taux de mise en réserve 74 ( * ) .

Évolution du taux de mise en réserve de 2013 à 2019

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des projets de loi de finances et documents budgétaires

Si un taux élevé de mise en réserve initiale donne, en théorie, plus de marge aux gestionnaires pour réduire les dépenses en cours d'exercice, il permet aussi de contourner dans une certaine mesure le principe d'autorisation parlementaire des crédits. Il convient donc de porter un regard favorable sur le retour à un niveau limité de mise en réserve .

Le Gouvernement a également annoncé qu' aucun décret d'avance ne serait présenté cette année au Parlement et que les crédits de fin de gestion seraient ouverts par le loi de finances rectificative de fin d'année.

Toutefois cette sincérité plus grande dans la définition des budgets des missions est affaiblie par la hausse très importante des crédits non répartis . Ces derniers correspondent d'une part aux dépenses accidentelles et imprévisibles (programme 552), d'autre part à une provision relative aux rémunérations publiques (programme 551). Ces crédits sont répartis dans les autres missions en cours de gestion et en tant que de besoin par voie réglementaire.

Or l'article 15 de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022 prévoit une hausse des plafonds de crédits alloués à la mission « Crédits non répartis » en passant de 20 millions d'euros en 2017 à 120 millions d'euros en 2018 et en 2019, pour croître encore à 850 millions d'euros en 2020, soit une multiplication par plus de 40 en trois ans. Le Gouvernement indiquait, dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques, vouloir adjoindre à la réserve de précaution, présentée supra , une réserve « de budgétisation » qui aurait vocation à absorber des aléas qui ne sauraient être couverts par la seule application du principe d'auto-assurance.

Le présent projet de loi de finances dépasse d'ailleurs la cible fixée par la loi de programmation des finances publiques en établissant le montant des crédits non répartis à 203 millions d'euros en crédits de paiement. Cette situation est due à la fixation d'une provision pour rémunérations de 79 millions d'euros, alors que celle-ci était nulle dans les précédentes lois de finances initiales 75 ( * ) . Cette enveloppe est principalement destinée, d'après les documents budgétaires, à couvrir le financement de mesures en cours de discussion avec les organisations syndicales.

La hausse de ces crédits , et tout particulièrement de l'enveloppe destinée aux dépenses accidentelles et imprévisibles, correspond à un affaiblissement du principe budgétaire de spécialité des crédits et de la portée de l'autorisation parlementaire . Le principe d'« auto-assurance » affirmé par la loi de programmation devrait conduire chaque gestionnaire de programme à utiliser la réserve de précaution associée à celui-ci.

Il conviendra donc de veiller tout particulièrement à l'emploi fait des crédits non répartis qui constituent, comme l'indique le projet annuel de performances de cette mission, « un dernier recours quand tous les autres dispositifs permettant de faire face à des dépenses accidentelles ou imprévisibles ont été mobilisés, et que les marges de manoeuvre du programme ou de la mission sur lesquelles devrait s'imputer la dépense sont épuisées ». Cette dotation, en particulier, n'a pas vocation à financer des mesures nouvelles décidées en cours de gestion.

2. En 2019, les dépenses pilotables augmentent plus fortement qu'annoncé dans la programmation pluriannuelle

En 2019, les crédits des ministères seraient de 464,479 milliards d'euros, contre 446,248 milliards d'euros ouverts en loi de finances pour 2018, soit une hausse de 18,231 milliards d'euros ou 4,1 %.

Cette hausse inclut toutefois l'effet de simples modifications de périmètre ou de dépenses qui échappent au contrôle de l'État. Il convient donc d'isoler ces deux facteurs afin d'identifier l'évolution des dépenses de l'État. C'est pourquoi les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques introduisent la notion de normes de dépenses.

a) Les normes de dépenses

Introduites à partir de la fin des années 1990, les normes d'évolution des dépenses de l'État ont évolué à plusieurs reprises.

Le cadre actuel a été défini par la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 76 ( * ) , qui a défini deux normes :

- la norme des dépenses pilotables regroupe les dépenses sur lesquelles l'État dispose d'une marge de manoeuvre ;

- l'objectif de dépenses totales de l'État (ODETE) englobe de manière plus large l'ensemble des dépenses de l'État.

Ces normes sont établies à périmètre constant, afin de neutraliser l'effet de mesures qui consistent en un simple transfert de dépenses entre l'État et des tiers, notamment les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. La loi de programmation des finances publiques contient ainsi une charte de budgétisation qui définit les règles selon lesquelles des mesures doivent ou non être prises en compte dans le champ constant, permettant ainsi d'apprécier le respect des normes de dépenses d'une loi de finances à la suivante.

La norme de dépenses pilotables, en particulier, présente l'intérêt de mesurer l'effort réel de l'État en neutralisant l'effet des économies de constatation, de manière à ce que celles-ci ne viennent pas financer des dérapages sur d'autres postes de dépenses.

La norme de dépenses pilotables

La norme de dépenses pilotables exclut les sommes consacrées 77 ( * ) :

- aux remboursements et dégrèvements (mission du budget général) ;

- au programme d'investissement d'avenir (PIA), dans le cadre de la mission budgétaire qui lui est consacré ; en revanche, les sommes consacrées par chaque mission au grand plan d'investissement (GPI) lancé en 2018 font partie de la norme de dépenses pilotables ;

- aux participations financières de l'État (compte d'affectation spéciale) ;

- à la charge de la dette (mission « Engagements financiers de l'État ») et au désendettement (dans plusieurs programmes des comptes d'affectation spéciale) ;

- aux pensions (compte d'affectation spéciale « Pensions » et contributions des autres missions à ce compte d'affectation spéciale).

Les plafonds de taxes affectées à des tiers autres que les collectivités locales et la sécurité sociale, bien qu'ils ne correspondent pas formellement à des décaissements de la part de l'État, sont intégrés à la norme de dépenses pilotables car leur augmentation correspond en pratique à une manière de dépenser des ressources par l'intermédiaire d'une personne différente de l'État. Enfin, le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel de l'État » en fait également partie.

Source : commission des finances du Sénat, loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022

La définition de la norme de dépenses pilotables repose donc sur des arbitrages relatifs à sa composition et au caractère « pilotable » ou non de certaines dépenses particulières.

À titre d'exemple, les prélèvements sur recettes , qui sont comptabilisés comme une diminution de ressources et non comme une dépense du budget général, ne font pas partie de la norme de dépenses pilotables, alors qu'ils étaient intégrés dans les normes de dépenses précédemment utilisées.

On peut considérer, comme l'avait fait votre rapporteur général, que le prélèvement en faveur de l'Union européenne résulte de décisions prises antérieurement au niveau européen auxquelles la loi de finances peut difficilement déroger, ce qui justifie désormais son exclusion de la norme de dépenses. Toutefois, cette exclusion permet aussi d'éviter de supporter l'augmentation de ce prélèvement actuellement constatée dans la norme 78 ( * ) .

S'agissant en revanche des prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales , l'État dispose des moyens juridiques pour les moduler dans le cadre de la loi de finances. Cette exclusion du champ des normes pilotables relève donc d'un choix politique explicité dans l'annexe 4 de la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 : « Le Gouvernement a fait le choix d'un nouveau mode de relation avec les collectivités locales, fondé sur une approche contractuelle. Il est ainsi assumé de demander un effort aux collectivités locales en contrepartie de la stabilité de leurs dotations, indépendamment des choix faits sur les autres dépenses de l'État ».

Enfin, il convient de noter l'importance que revêtent les retraitements de flux internes à l'État, qui réduisent de 5,8 milliards d'euros le montant des dépenses pilotables intégré à la norme. Ce montant de retraitements est toutefois quasiment constant d'une année à l'autre et ne pèse donc pas sur les comparaisons.

b) Un dépassement prévisionnel de la norme de dépenses pilotables en 2019

Les dépenses pilotables de l'État seraient en 2019 de 259,3 milliards d'euros ou, si l'on retient le périmètre 2018 afin d'effectuer une comparaison, de 260,1 milliards d'euros , soit une augmentation de 2,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 (257,9 milliards d'euros).

Le gouvernement prévoit pour 2018, en exécution, un montant de dépenses pilotables inférieur de 0,6 milliard d'euros à celles prévues par la loi de finances initiale : l'augmentation relative en 2019 serait donc alors de 2,8 milliards d'euros.

Le niveau prévu en 2019 dépasse de 600 millions d'euros celui prévu par la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022.

Selon le Gouvernement, ce dépassement est dû notamment au retard pris dans la mise en oeuvre de la contemporanéisation de la base ressources des bénéficiaires des aides personnelles au logement (APL) 79 ( * ) , ainsi qu'à la réévaluation de la masse salariale du ministère de l'Éducation nationale, à la mise en oeuvre de mesures relatives à l'accueil et à l'intégration des migrants et à l'équipement des forces de sécurité.

Les dépenses totales de l'État 80 ( * ) seraient en 2019 de 430,5 milliards d'euros ou, en retenant le périmètre de 2018, de 431,3 milliards d'euros, soit une hausse de 5,9 milliards d'euros par rapport au niveau de 425,4 milliards d'euros prévu pour 2018.

Sur cet agrégat, l'augmentation est légèrement inférieure à celle prévue par la loi de programmation des finances publiques , qui prévoyait des dépenses totales de 432,6 milliards d'euros.

Puisque la partie de ces dépenses qui est pilotable dépasse la trajectoire, ce résultat est nécessairement dû aux dépenses ne relevant pas des marges de manoeuvre de l'État . De fait, l'écart entre la loi de programmation des finances publiques et le présent projet de loi de finances est dû pour l'essentiel à une révision à la baisse du montant estimé du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne nettement inférieure, à 21,5 milliards d'euros contre 23,3 milliards d'euros.

c) Un effort important à accomplir vers la fin du quinquennat

Alors que les normes de dépenses étaient précédemment fixées à un horizon de trois ans, celles instaurées par la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 déterminent des objectifs à cinq ans, soit la durée du quinquennat.

Cela permet certes de donner une visibilité à l'action publique sur une durée plus grande et adaptée aux échéances politiques, mais votre rapporteur général a pu noter qu' il donnait également la possibilité de fixer un objectif ambitieux sans y consacrer nécessairement les moyens immédiatement .

Ainsi l'essentiel de l'effort devra-t-il être accompli dans les années à venir et notamment vers la fin du quinquennat , à une période où la proximité des élections n'est pas favorable aux réformes les plus porteuses d'économies.

Trajectoire des dépenses de l'État de 2018 à 2022

(en milliards d'euros courants)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et de l'article 8 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Cette évolution correspond donc à une diminution en volume des dépenses pilotables et à une stabilisation en volume des dépenses totales .

Évolution annuelle des dépenses pilotables en volume de 2019 à 2022

2019

2020

2021

2022

Dépenses pilotables

- 0,8%

- 1,1%

- 1,0%

- 1,0%

Dépenses totales

+ 0,3%

- 0,1%

- 0,8%

+ 0,1%

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires

3. Les grandes masses du budget général

Hors mission « Remboursements et dégrèvements » (135,7 milliards d'euros), les dépenses du budget général s'élèveraient en 2019 à 328,8 milliards d'euros.

Parmi ces dépenses, la mission « Enseignement scolaire », avec des crédits de 72,8 milliards d'euros, représente 22,1 % des crédits de paiements inscrits au budget général, suivie des missions « Défense » (44,3 milliards d'euros, soit 13,5 %) et « Engagements financiers de l'État » (42,5 milliards d'euros, soit 12,9 %). Ces trois missions représentent donc à elles seules presque la moitié du budget de l'État hors remboursements et dégrèvements.

La charge de la dette, qui représente, avec 42 milliards d'euros, la quasi-totalité des crédits du programme « Engagements financiers de l'État », représente donc une somme presque équivalente au budget de la Défense, malgré l'augmentation du budget de cette mission ces dernières années et la faiblesse historique du niveau des taux d'intérêt.

Les principales missions du budget de l'État (crédits de paiement)

(hors « Remboursements et dégrèvements »)

Source : commission des finances du Sénat, état B du projet de loi de finances pour 2019

Les principales évolutions à la hausse concernent les missions « Défense » (augmentation de 1,7 milliard d'euros), en application de la loi de programmation militaire (voir infra ), et la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (augmentation de 1,3 milliard d'euros), concernée notamment par la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à hauteur de plus de 500 millions d'euros et de la prime d'activité pour plus de 700 millions d'euros, ainsi que la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté.

S'agissant des baisses , la diminution des crédits de la mission « Travail et emploi » est liée à l'extinction des mesures du plan d'urgence pour l'emploi, en particulier l'aide temporaire à l'embauche dans les PME (diminution de 1 milliard d'euros) et les contrats aidés (diminution de 850 millions d'euros). Cette mission est aussi concernée par des mesures de transfert à hauteur de 871 millions d'euros, l'accompagnement des élèves handicapés étant notamment transféré au budget de l'Éducation nationale.

Enfin la mission « Cohésion des territoires » est concernée à titre principal par le versement des aides personnelles au logement (APL) à partir des revenus de l'année en cours et non des revenus perçus deux ans auparavant. L'économie attendue pour le budget de l'État 81 ( * ) est, selon le Gouvernement, de 1,2 milliard d'euros en année pleine mais seulement de 900 millions d'euros d'économies en 2019. Votre rapporteur général note toutefois que le gouvernement annonce désormais une mise en oeuvre en juillet 2019 et non dès le mois d'avril 82 ( * ) .

Évolution des crédits des missions en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet de loi de finances pour 2019

4. Une diminution très limitée du nombre d'emplois en 2019 qui rend plus difficile l'atteinte des objectifs de réduction des effectifs de l'État sur le quinquennat

Le projet de loi de finances pour 2019 annonce une diminution du nombre d'emplois de l'État de 4 164 équivalents temps plein (ETP) en 2019, après une réduction de 1 600 en 2018.

Ces réductions d'effectifs se répartissent entre les ministères (1 571 ETP) et les opérateurs (2 593 ETP).

La masse salariale de l'État augmente toutefois de 1,6 % , soit 1,35 milliard d'euros, par la combinaison 83 ( * ) :

- des mesures catégorielles en 2019, à hauteur de 600 millions d'euros ;

- de l'impact du solde du glissement vieillesse-technicité (GVT), pour une augmentation de 300 millions d'euros ;

- de l'effet sur 2019 des créations d'emplois de 2018, à hauteur de 100 millions d'euros.

Les principaux ministères concernés par les augmentations d'effectif sont ceux de l'intérieur (2 278 ETP), de la justice (1 300 ETP) et des armées (450 ETP), tandis que les diminutions affectent tout particulièrement le ministère de l'action et des comptes publics (diminution de 2 283 ETP) et notamment l'administration des impôts, l'éducation nationale (1 813 ETP) et le ministère du travail (1 618 ETP).

Évolution des effectifs de l'État en 2019

(État et opérateurs, en équivalents temps plein)

Source : commission des finances du Sénat, projet de loi de finances pour 2019

Compte tenu de ces évolutions, la diminution des effectifs affichée pour 2018 et 2019 est relativement limitée et fait peser l'essentiel de l'effort sur les trois années suivantes , pour atteindre la cible de réduction des effectifs de l'État de 50 000 équivalents temps-pleins pendant le quinquennat.

Effort à accomplir pour atteindre l'objectif de réduction
de l'État du quinquennat

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances

L'absence d'infléchissement véritablement marqué des dépenses et notamment de celles consacrées aux dépenses de personnel oblige à s'interroger sur la mise en oeuvre , souvent annoncée par le Gouvernement, de la réforme de l'État .

B. LE PERPÉTUEL REPORT DES RÉFORMES DE STRUCTURE DE L'ÉTAT ?

1. Le Gouvernement tarde à définir le contenu des réformes structurelles annoncées

Les réformes de structure nécessaires demeurent toujours aussi peu documentées . Le processus « Action publique 2022 », lancé à grands renfort de communication le 13 octobre 2017, a connu un parcours chaotique.

Le rapport demandé au comité « Cap 2022 » , dont la publication a été plusieurs fois repoussée, a finalement été remis au Gouvernement au mois de juin 2018, mais n'a fait l'objet d'aucune annonce . Le président et votre rapporteur général de la commission des finances du Sénat ne l'ont reçu qu'à leur demande expresse, après une « fuite » dans la presse. Ce rapport se contente pourtant, pour l'essentiel, de reprendre des mesures souvent déjà proposées et discutées dans le débat public, dont aucune ne justifie une telle volonté de secret.

Si certaines réformes sectorielles ont fait l'objet d'annonces partielles et avec des précisions variables - audiovisuel public, système de santé, transformation de l'administration fiscale, réforme des chambres de commerce et d'industrie - le Gouvernement devait faire courant octobre 2018 un compte rendu des travaux menés dans le cadre du processus « Action publique 2022 ».

Or le Premier ministre a seulement annoncé, à l'occasion d'un comité interministériel tenu le 29 octobre, soit plus d'un an après le lancement du processus, certaines mesures relatives au personnel de l'État , telles que le recours accru à l'embauche au contrat ou la possibilité pour les fonctionnaires de changer de statut pour un statut contractuel à durée limitée avec rémunération au mérite, voire de quitter la fonction publique en touchant le chômage. Ces réformes ne peuvent être présentées que sous forme d'orientations, puisque les discussions se poursuivent avec les organisations représentatives du personnel et que ces mesures nécessiteront le vote d'une loi, dont l'examen est annoncé pour l'année prochaine.

Le Premier ministre a également évoqué l'investissement de 700 millions d'euros sur cinq ans à travers le fonds de transformation de l'action publique (FTAP) et la création d'un fonds doté de 50 millions d'euros pour accompagner les reconversions de personnel, mesures déjà connues et inscrites dans le projet de loi de finances pour 2019.

Le gouvernement met enfin l'accent sur le recours aux indicateurs pour mesurer la qualité du service à l'usager et la dématérialisation des démarches.

Votre rapporteur général ne peut que partager les objectifs de ces mesures mais attend de voir quelle en sera la mise en oeuvre concrète .

Il souligne également les effets indésirables que peuvent avoir certaines de ces mesures en pratique. À titre d'exemple, la dématérialisation des procédures administratives devrait permettre d'affecter plus d'agents à des activités nécessaires, telles que les activités de contrôle et de lutte contre la fraude pour ce qui concerne l'administration fiscale, mais aussi d'améliorer la qualité du service rendu. Or la suppression systématique des interactions humaines avec les services publics empêche trop souvent de prendre en compte les cas particuliers non prévus et peut aussi aggraver l'impact des inégalités d'accès au numérique entre les territoires ou les classes d'âge.

Le dossier de presse publié le 29 octobre 2018 annonce aussi une « réforme de l'organisation territoriale de l'État » sans donner plus de précision. Or une réforme d'ampleur dans ce domaine, certainement nécessaire, ne concerne pas le seul État mais devra prendre en compte son impact sur les acteurs locaux, en particulier les collectivités territoriales qui travaillent au quotidien avec les administrations déconcentrées.

Le même dossier de presse contient des fiches d'action par ministère , qui présentent l'intérêt de fixer des objectifs souvent pertinents, mais sans expliciter les moyens de les mettre en oeuvre. Enfin il reprend des objectifs déjà connus, tels que la réduction de la dépense publique de 3 points de PIB ou la diminution (devenue le « non-remplacement ») de 50 000 agents publics d'ici à 2022, sans apporter plus de précision sur leur réalisation.

Votre rapporteur général note que les annonces du 29 octobre concernent le statut du personnel de l'État . Elles doivent s'accompagner d'une définition des missions exercées par l'État .

Les choix de transformation et en particulier de diminution des effectifs publics devraient être l'aboutissement , et non le point de départ, d'une réflexion sur ce que doit être le périmètre de l'État dans la société actuelle.

S'agissant par exemple de la réforme de l'audiovisuel, l'article 29 du présent projet de loi de finances diminue les ressources de France Télévisions sans avoir au préalable défini quelles doivent être les missions et les priorités de l'audiovisuel public. Une trajectoire de diminution de la dépense a été définie a priori , révélant une stratégie avant tout comptable.

De même, s'il peut être utile de favoriser l'embauche au contrat, peut-être est-il parfois préférable de ne pas embaucher du tout et de laisser agir les collectivités territoriales. L'État, au niveau central comme à l'échelon de l'administration déconcentrée, doit être capable de renoncer à assumer des missions pour lesquelles il manque désormais de compétences et de ressources 84 ( * ) : s'il est bon pour l'État de chercher à faire « mieux », peut-être doit-il aussi désormais accepter de faire « moins » .

Une telle réflexion amènerait certainement à définir une nouvelle répartition des missions. Il est regrettable à cet égard que le gouvernement ait renoncé à prendre une position claire sur les différentes propositions faites par le rapport CAP 2022 qu'il avait pourtant commandé afin d'inspirer son action.

Il est donc difficile de mesurer comment le Gouvernement atteindra l'objectif d'économies de 4,1 milliards d'euros prévue au titre du programme « Action publique 2022 » par la loi de programmation des finances publiques 85 ( * ) .

2. Des mesures structurelles connues et qui n'attendent qu'une capacité à décider

Si le rapport « CAP 2022 » a eu aussi peu d'effets, c'est que la difficulté n'est pas de trouver des idées mais de prendre la décision de les mettre en oeuvre .

Votre rapporteur général rappelle une nouvelle fois que la mise en oeuvre de véritables mesures d'économie sur la masse salariale de l'État est possible et que plusieurs axes ont déjà été identifiés. La réduction des effectifs pourrait résulter d'une rationalisation des missions de l'État , de l' accroissement du temps de travail par une réduction de l'absentéisme et le réexamen des régimes dérogatoires, ainsi que par une demande d'un effort supplémentaire aux opérateurs de l'État . Une convergence de la durée du travail dans le secteur public vers une durée de 37,5 heures par semaine, soit la durée hebdomadaire habituelle du travail déclarée par l'ensemble des actifs, permettrait de dégager une économie de 5 milliards d'euros pour les trois fonctions publiques, dont 2,2 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État .

Le régime des primes présente également des marges de simplification. Votre rapporteur général attend enfin des effets de la suppression de l'automaticité des avancements , qui semble être annoncée par le Gouvernement, par une plus grande prise en compte du mérite, mais aussi par un recours plus fréquent aux examens professionnels et au développement de la mobilité dans l'intérêt du service.

3. Des dépenses annoncées mais non concrétisées dans le présent projet de loi finances
a) La croissance nécessaire, mais largement différée, des dépenses de défense et de justice
(1) Les dépenses de la défense

Votre rapporteur général a souvent signalé l'importance des sous-budgétisations de la mission « Défense » au cours des années passées, la croissance de la menace terroriste et le coût des opérations extérieures n'ayant généralement pas été suffisamment pris en compte dans la budgétisation initiale. L'écart entre la prévision et l'exécution du surcoût des opérations extérieures et des missions intérieures est en effet systématique, atteignant 1,1 milliard d'euros en 2017.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, un effort de sincérité a conduit à fixer un montant de provisions supérieur de 200 millions d'euros à celui prévu dans la loi de programmation militaire, qui était systématiquement dépassé. Cet effort est toutefois insuffisant et, comme l'avait prévu notre collègue Dominique de Legge, rapporteur spécial, les provisions pour opérations extérieures et missions intérieures devraient être dépassées encore une fois cette année , de l'ordre de 550 millions d'euros.

S'agissant de l'ensemble de la mission, la nouvelle loi de programmation militaire a prévu une poursuite de l'augmentation des crédits budgétaires liés à la mission « Défense » dans les années à venir .

Évolution des ressources budgétaires de la mission « Défense »

(en milliard d'euros courants, hors charges de pension et à périmètre constant)

2019

2020

2021

2022

2023

Total
2019-2023

Crédits de paiement de la mission « Défense »

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

197,8

Source : loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2023, article 3

Seuls 197,8 milliards d'euros sont programmés de manière ferme alors que les besoins identifiés s'élèvent à 295 milliards d'euros sur la période couverte par la loi de programmation. Les montants de crédits pour les années 2024 et 2025 ne sont pas précisés.

L'essentiel de l'effort prévu sera donc porté par le prochain quinquennat afin de porter les crédits en faveur de la défense à 2 % du produit intérieur brut (PIB) à l'horizon 2025, conformément aux engagements pris par la France dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).

(2) Les dépenses de la justice

Le Gouvernement met également l'accent sur l'augmentation des moyens de la justice . Toutefois, là encore cet effort est annoncé mais son impact sur les crédits budgétaires se fera surtout sentir en fin de quinquennat .

Le projet de loi de programmation de la justice, actuellement en discussion, prévoit dans sa version initiale une progression des crédits de la mission « Justice », hors charges de pension, de 7 milliards d'euros en 2018 à 8,3 milliards d'euros en 2022.

Évolution des ressources budgétaires de la mission « Justice »

(en milliard d'euros courants, hors charges de pension et à périmètre constant)

En milliards d'euros

2018

2019

2020

2021

2022

Crédits de paiement de la mission « Justice », hors charges de pensions

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

Source : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, article 1 er

Si la hausse est plus régulière que pour la mission « Défense », il n'en reste pas moins qu'elle supposera de dégager des moyens supplémentaires chaque année pour ces deux missions alors que le Gouvernement prévoit dans le même temps de diminuer le déficit public afin de le ramener à - 0,3 % du PIB en 2022.

b) L'absence de budgétisation du service national universel

Le service national universel (SNU), dont le Gouvernement n'a encore précisé ni l'organisation, ni le coût prévisionnel, entraînera des dépenses importantes de fonctionnement et d'infrastructure, qui ne font l'objet d'aucun chiffrage dans le cadre de ce projet de budget .

Le groupe de travail sur le service national universel 86 ( * ) a estimé le coût d'investissement en infrastructure à 1,75 milliard d'euros sur sept ans, avec un coût de fonctionnement en rythme de croisière de 1,6 milliard d'euros par an, ceci ne concernant que la phase d'engagement obligatoire entre 15 et 18 ans.

Notre collègue Éric Jeansannetas, rapporteur spécial des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », estime entre 2,1 et 4,3 milliards d'euros par an, soit de 0,1 à 0,2 point de PIB, le coût de l'ensemble du dispositif, y compris la phase d'engagement volontaire entre 18 et 25 ans.

Votre rapporteur général partage les inquiétudes du rapporteur spécial en charge de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour l'impact du SNU sur les finances de l'État mais aussi, au titre de la mobilisation des infrastructures, des collectivités territoriales.

c) Un grand plan d'investissements qui ne répond pas aux annonces faites

Le Gouvernement a annoncé le 25 septembre 2017 le lancement d'un « grand plan d'investissement » (GPI) qui fait l'objet de dispositions spécifiques dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022, avec un mode de gestion budgétaire spécifique.

Votre rapporteur général regrette que les dispositions de la loi de programmation ne soient pas respectées : l'article 31 prévoit en effet qu'un document d'information sur le GPI, dont le contenu avait été enrichi par le Sénat, est « déposé sur le bureau des assemblées parlementaires et distribué au moins cinq jours francs avant l'examen par l'Assemblée nationale, en première lecture, des crédits de la première des missions concernées ». Or l'Assemblée nationale a examiné les crédits consacrés aux missions budgétaires à partir du 30 octobre 2018 et le « jaune » budgétaire du GPI n'a été publié que le 14 novembre suivant, sans contenir les informations demandées par la loi de programmation.

Le rapport ou « jaune » budgétaire relatif au grand plan d'investissement

Le rapport relatif au GPI doit comprendre :

- la récapitulation des crédits consacrés au plan, par mission, programme et action, au cours des trois précédents exercices, de la prévision d'exécution pour l'exercice en cours et de la prévision pour les trois années à venir, en distinguant les crédits redéployés des crédits nouveaux ainsi que les moyens de financement, suivant qu'il s'agit de crédits budgétaires ou d'instruments financiers ;

- un bilan détaillé des mesures financées au titre de ce plan pour l'ensemble des administrations publiques ;

- une présentation exhaustive et par année des modifications apportées à la répartition initiale des crédits ;

- une présentation, pour les trois exercices précédents, en cours et à venir, des conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits relevant du plan, en particulier leurs conséquences sur le montant des dépenses publiques, des recettes publiques, du déficit public et de la dette publique, en précisant les administrations publiques concernées ;

- les résultats attendus et obtenus, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ;

- une présentation des dispositifs de sélection des projets et programmes financés dans le cadre de ce plan ainsi que des méthodes d'évaluation retenues pour mesurer les résultats obtenus.

Source : n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, article 31

Ce retard nuit à l'information du Parlement , alors même que les crédits du grand plan d'investissement font l'objet d'un mode de gestion dérogatoire qui justifie qu'une attention particulière leur soit portée.

Des règles de gestion spécifiques sont en effet prévues afin d'identifier et de sanctuariser les crédits qui lui sont consacrés :

- les crédits entrant dans le cadre du GPI sont identifiés de manière séparée au sein des projets annuels de performances de chaque mission ;

- ces crédits sont exonérés de mise en réserve : la réserve de précaution de chaque mission concernée doit porter sur les crédits autres que ceux fléchés vers le GPI.

Enfin, les crédits consacrés à une action du GPI peuvent être réalloués vers une autre action en fonction des résultats obtenus. Le « jaune » budgétaire consacré au GPI l'an passé prévoit que, dans un esprit d'incitation à davantage d'efficience, un minimum de 3 % des crédits devrait faire l'objet d'une réallocation chaque année.

Le GPI représente au total, selon la présentation faite par le Gouvernement, 57 milliards d'euros de dépenses non pérennes, sur cinq ans et poursuivant quatre finalités :

- transition écologique (20 milliards d'euros) ;

- accès à l'emploi et formation (15 milliards d'euros) ;

- enseignement supérieur, recherche et innovation (13 milliards d'euros) ;

- développement de l'État numérique (9 milliards d'euros).

Cette présentation ne doit pas faire illusion sur la portée réelle du plan , qui consiste en partie en une nouvelle présentation de crédits déjà prévus ou qui auraient de toute manière été engagés, par exemple pour la rénovation des cités administratives.

En effet, le GPI inclut l'ensemble du troisième volet des programmes d'investissements d'avenir (PIA 3), pour un montant de 10 milliards d'euros. Il inclut également la réorientation d'investissements déjà existants, à hauteur de 12 milliards d'euros, ainsi que des prêts, des fonds propres ou des fonds de garantie à hauteur de 11 milliards d'euros.

Le GPI bénéficie d'ailleurs de recettes circonstancielles. Le financement destiné à l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour la rénovation des « passoires » thermiques atteint ainsi, en 2018, 110 millions d'euros en prenant en fait la suite d'un financement apporté par le PIA 1, et passe à 260 millions d'euros en 2019 selon le projet annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires ». En réalité cette augmentation est due pour l'essentiel à un surcroît non anticipé de recettes issu des ventes de quotas carbone 87 ( * ) .

Par ailleurs, bien que les dépenses soient présentées comme « non pérennes », certaines actions comprennent des crédits de titre II, notamment l'action 16 « Coordination de la politique numérique » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », dont les crédits sont rattachés au GPI en titre II à hauteur de 19,2 millions d'euros en 2018 et 14,3 millions d'euros sur le même titre en 2019.

Enfin, les dépenses du grand plan d'investissement sont , là encore, repoussées pour l'essentiel sur les années postérieures à 2020 , afin de respecter la cible de 57 milliards d'euros sur les cinq années du plan.

Échéancier prévisionnel des crédits du grand plan d'investissement

(en milliards d'euros, hors 11 milliards d'euros de prêts et garanties 88 ( * ) )

Source : calculs commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

C. LES TAXES AFFECTÉES, DES DÉPENSES PEU TRANSPARENTES

L'article 29 du projet de loi de finances, comme chaque année, modifie des plafonds de taxes affectées, sans toutefois procéder à une rupture dans la politique d'affectations de taxes.

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), dans un rapport remis au mois de septembre dernier à la demande de votre commission 89 ( * ) , souligne pourtant une nouvelle fois les nombreuses difficultés posées par le nombre et l'ampleur des taxes affectées à des opérateurs autres que les collectivités territoriales et la sécurité sociale, en particulier l'émiettement du système fiscal français et la moindre maîtrise de l'État sur certains organismes bénéficiant de ces ressources.

Le CPO souligne également les insuffisances dans les informations apportées au Parlement sur les taxes affectées . Si le document « Voies et moyens », annexé au projet de loi de finances, consacre 46 pages aux taxes affectées, le CPO note que ce document n'est pas exhaustif et que les données sont parfois mal actualisées, voire fausses.

Votre rapporteur général partage ce constat d'une faible qualité de l'information donnée sur les taxes affectées . Le document « Voies et moyens » comprend de nombreuses incohérences entre les données relatives au rendement des taxes, qui nuit à la compréhension exacte du montant revenant effectivement à l'organisme affectataire et des sommes qui, dépassant le plafond d'affectation, sont reversées au budget général de l'État.

La présentation est parfois très approximative, voire empreinte d' erreurs manifestes : ainsi est-il indiqué que le « droit de consommation sur les tabacs dans les départements d'outre-mer (DOM) » est affecté à la « collectivité territoriale de Corse » 90 ( * ) , opérant une confusion entre deux taxes bien distinctes 91 ( * ) . Au-delà de l'anecdote, de telles erreurs jettent un doute sur la qualité de l'information dont dispose l'administration elle-même sur ces ressources fiscales .

Votre rapporteur général rappelle également que l'intégration des plafonds de taxes affectées au sein de la norme de dépenses pilotables présente une limite car elle ne concerne que les taxes affectées dont le plafond est mentionné à l'article 46 de la loi de finances pour 2012, qui ne présente pas de manière exhaustive la totalité des taxes affectées plafonnées.

Enfin le présent projet de loi de finances n'apporte pas de modification de méthode dans le recours aux taxes affectées, mais il en crée même une nouvelle . Une taxe sur les garanties décès portant sur les contrats d'emprunt est ainsi prévue pour être affectée, à hauteur de 140 millions d'euros en 2019, à Action Logement Services (article 52 du présent projet de loi de finances) afin de compenser une perte de ressources due à des mesures contenues dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE MM. BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, ET GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2019 (24 SEPTEMBRE 2018)

Réunie le lundi 24 septembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2019.

M. Vincent Éblé , président . - Nous recevons MM. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin pour la présentation du projet de loi de finances pour 2019, délibéré ce matin même en Conseil des ministres. Votre parole, messieurs, est particulièrement attendue, non seulement pour prendre connaissance des grandes lignes du budget, dont certains éléments figurent déjà dans la presse, mais également pour obtenir des réponses aux questions que se posent nos collègues sur les mesures fiscales et budgétaires présentées par le Gouvernement.

Je m'interroge, pour ma part, sur la réalité de l'effort structurel que conduira le Gouvernement en 2019, alors que notre croissance économique reste supérieure à la croissance potentielle et nous donne des marges de manoeuvre, qui n'existaient pas les années passées ou, à tout le moins, pas à une telle hauteur. Pouvez-vous nous en dire davantage et, notamment, nous indiquer si l'endettement de la France commencera à diminuer l'an prochain ? Je m'interroge également sur le volet recettes du projet de loi de finances, rendu très peu lisible par des effets de périmètres et de transfert, notamment entre l'État et la sécurité sociale. Je pense que vous pourrez nous préciser qui, de l'État ou de la sécurité sociale, subit des transferts de charges cette année.

Enfin, s'agissant des missions budgétaires, qui intéressent mes collègues en charge de leur suivi, les créations d'emplois prévues, notamment au bénéfice des ministères régaliens (intérieur, justice, armées), sont contrebalancées par des diminutions sur les ministères de l'action et des comptes publics, de l'éducation nationale, de la transition écologique et solidaire, ainsi que sur les opérateurs du ministère du travail. Vous nous indiquerez sans doute les réorganisations que vous entendez mettre en oeuvre pour accompagner ces réductions de postes et la manière dont vous comptez utiliser le fonds d'accompagnement interministériel consacré aux ressources humaines, doté de 50 millions d'euros.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Le projet de loi de finances que j'ai l'honneur de vous présenter suit un cap, celui de la prospérité française, qui ne doit plus reposer sur davantage de dépense publique, de dette et, finalement, d'impôts, mais sur la création de richesse par les entreprises et sur la valorisation du travail. Le Gouvernement a fait le choix structurel de valoriser le travail et de permettre à nos entreprises d'être plus profitables pour investir, innover et créer des emplois. Le présent projet de loi de finances obéit également à une règle à laquelle je crois profondément, celle de la constance. Il ne s'agit pas de lancer une révolution fiscale à chaque exercice budgétaire ! Dès 2017, nous avons engagé une transformation profonde de la fiscalité du capital avec le prélèvement forfaitaire unique, la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la diminution de l'impôt sur les sociétés. Le projet de loi pour 2019 maintient ce cap et, j'en suis convaincu, notre constance paiera. Il apparaît enfin cohérent, au regard de notre volonté de relancer l'activité économique, de réduire la dépense publique et la dette et, surtout, de soutenir l'investissement et l'innovation, domaines dans lesquels la France doit combler son retard, dans un temps de rupture technologique et d'instabilité internationale.

Le projet de loi de finances pour 2019 doit, par ailleurs, être regardé en perspective de la dégradation constante des finances publiques au cours des dix dernières années. D'aucuns, certes, considèrent que nous n'allons pas assez vite ni suffisamment loin. Mais souvenez-vous qu'entre 2007 et 2017, la dette publique est passée de 64 % à 98 % du produit intérieur brut (PIB), la dépense publique de 52 % à 55 % de la richesse nationale et les prélèvements obligatoires de 42 % à plus de 45 % du PIB. Telle est la réalité et nous inverserons cette tendance ! Tous les débats sont permis sur la rapidité ou la force de cette inversion, mais le cap fixé - une réduction de cinq points de la dette publique, de trois points de la dépense publique et d'un point des prélèvements obligatoires - sera tenu. Je crois profondément en ce cap et en cette constance, d'autant qu'il donne déjà d'encourageants résultats : la France, lanterne rouge des finances publiques européennes depuis dix ans, est sortie de la procédure pour déficit public excessif ; la croissance, solide et soutenue, atteindra 1,7 % en 2018 et en 2019, contre une moyenne au cours des dix dernières années inférieure à 1 % ; les investisseurs sont confiants et les investissements dynamiques ; enfin, des emplois sont créés, notamment, pour la première fois depuis plusieurs années, dans l'industrie. Parce que nombre de ces résultats - je pense au niveau de croissance, de dépense publique et de chômage - demeurent insuffisants au regard de ceux de nos voisins européens, nous devons faire davantage. La France n'est pas condamnée au chômage de masse, à une dette supérieure à 90 % de son PIB ou à un déficit commercial extérieur !

Nous avons la volonté de redresser les finances publiques tout en relançant la croissance économique, d'autant que le contexte international apparaît préoccupant : le risque de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine n'a jamais été aussi élevé, nombre de pays émergents comme la Turquie ou l'Argentine se trouvent dans des situations économiques difficiles et de multiples incertitudes pèsent sur l'Europe. À cet effet, le Gouvernement a, en priorité, fait le choix du travail pour que davantage de Français travaillent et qu'ils soient mieux rémunérés. Tel est le sens de la suppression des cotisations pour l'assurance chômage et pour l'assurance maladie, effective au 1 er octobre, des cotisations salariales sur les heures supplémentaires et, comme le prévoit le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises dit Pacte, du forfait social de 20 % sur l'intéressement et la participation pour les entreprises de moins de 250 salariés. Nous avons également fait le choix de l'investissement en allégeant la fiscalité sur le capital. Nos entreprises ont besoin de fonds propres pour investir, innover et créer des emplois ; nous avons en conséquence sanctuarisé le crédit d'impôt recherche (CIR), diminué l'impôt sur les sociétés et mis en place un amortissement pour la digitalisation et la robotisation des petites et moyennes entreprises. Nous prônons enfin une croissance durable, respectueuse de l'environnement. Nos concitoyens sont attentifs à ce que nous bâtissions une compétitivité compatible avec l'objectif de transition énergétique. Cela nécessite des décisions courageuses comme la convergence de la fiscalité entre le diesel et l'essence ou la suppression de la niche fiscale sur le gazole non routier. Le succès de la prime à la casse en matière de renouvellement du parc automobile prouve que la fiscalité peut représenter un élément clé la politique environnementale.

La restauration des finances publiques demande un effort de chacun. Nous avons ainsi dû reporter de quelques mois l'allégement des cotisations salariales sur l'assurance maladie et l'assurance chômage pour tenir compte des contraintes budgétaires. Nous demandons le même effort aux entreprises en reportant au 1 er octobre 2019 l'allégement de charges de quatre points supplémentaires au niveau du SMIC et en anticipant le versement du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros et en en augmentant le taux. Cet effort me semble légitime l'année où la bascule du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements de charges offrira plus de 20 milliards d'euros de trésorerie à nos entreprises. Les efforts des Français donnent des résultats tangibles ! Notre déficit public se réduit. En 2019, hors la mesure relative au CICE, il atteindra 1,9 % du PIB, soit le taux plus bas depuis 2001. Notre effort structurel, sur lequel vous vous interrogez monsieur le Président, sera de 0,3 % du PIB en 2019, même si le Haut Conseil des finances publiques estime qu'il est en réalité de 0,2 %, compte tenu du fait que le versement du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés ne constituerait pas une mesure pérenne. Nous allons en conséquence pérenniser le dispositif, tout en améliorant les règles applicables aux pénalités en cas de difficulté à effectuer ce versement. La dette publique, en revanche, s'établira à 98,6 % du PIB à la fin de l'année 2019. Ce résultat n'est pas satisfaisant, même s'il résulte pour partie de la prise en compte, dans un souci de sincérité, de la dette de SNCF Réseau. Mais l'objectif sera tenu : à la fin du quinquennat, la dette aura reculé de cinq points grâce, notamment, aux cessions d'actifs prévues par le projet de loi Pacte. Si de nouvelles marges de manoeuvre apparaissaient au cours du quinquennat pour diminuer davantage la dette publique, nous les utiliserions. Enfin, les prélèvements obligatoires passeront de 45 % du PIB à 44,2 % du PIB en 2019 et le point en moins sur la durée du quinquennat sera atteint. Les promesses de campagne du Président de la République seront tenues, comme le seront nos engagements européens ! Nous engageons ainsi la convergence fiscale européenne validée par l'accord de Meseberg conclu entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, modifions le régime l'intégration fiscale de l'impôt sur les sociétés, transposons la directive sur la lutte contre les pratiques d'évasion fiscale, dite « ATAD », et nous nous mettons en conformité avec un arrêt de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la fiscalité des brevets.

En conclusion, je souhaiterais rappeler ma conviction profonde qu'il n'existe pas de croissance durable sans finances publiques bien tenues. Ceux qui, par le passé, se sont essayé à obtenir plus de croissance en accroissant le déficit, la dette et, finalement, les impôts ont conduit la France sur la voie de l'affaiblissement. Si nous voulons continuer à jouer les premiers rôles en Europe et dans le monde, nous devons redresser nos finances publiques afin de garantir des marges de manoeuvre pour faire face à des difficultés économiques imprévues et investir dans l'innovation et les infrastructures, qui feront le succès de la France de nos enfants.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Tout d'abord, une note positive, je salue, monsieur le ministre, l'effort de sincérité budgétaire du Gouvernement, avec un recul du phénomène de sous-budgétisation, voire, peut-être, un projet de loi de finances rectificative resserré et, d'après la lettre du Premier ministre, sans mesure fiscale nouvelle. J'espère que les parlementaires ne contourneront pas par leurs amendements cet engagement louable du Gouvernement !

Ensuite, lors du débat d'orientation budgétaire, il fut question que le déficit public s'établisse à 2,3 % du PIB en 2018 comme en 2019. Or, le projet de loi de finances repose sur un déficit à 2,6 % du PIB en 2019, qui, en neutralisant les effets de la réforme du CICE, atteindrait au mieux 1,9 % du PIB. Pourtant, les autres pays de la zone euro devraient afficher, d'après les prévisions de l'OCDE, des excédents budgétaires de 0,2 % du PIB. La France sera par ailleurs la seule à voir sa dette s'accroître ! N'aurait-il pas fallu, dès lors, plus de réformes structurelles plutôt que des suppressions de postes encore limitées dans la fonction publique ou des mesures de gels et de rabots classiques sur plusieurs prestations sociales ? Que l'on partage ou non les conclusions du comité Action publique 2022, elles présentaient l'avantage d'offrir des solutions parfois audacieuses pour réduire le déficit public. Pour respecter nos engagements européens mais également être en phase avec nos partenaires, ne faudrait-il pas engager des réformes de fond ? Or, aucune mesure n'est annoncée en matière d'augmentation du temps de travail dans la fonction publique, de recul de l'âge légal de départ en retraite ou de modification du périmètre des missions de l'État. Pensez-vous que vos efforts soient suffisants ?

Ma seconde question porte sur la prévision de croissance dont il est heureux qu'elle soit réaliste. Souvenez-vous que le Sénat avait rejeté le dernier projet de loi de finances du précédent quinquennat au motif de son insincérité ! Toutefois, nombre d'incertitudes, vous l'avez souligné, pèsent sur l'économie mondiale et européenne. Vos prévisions incluent-elles en conséquence une part de risque ?

M. Bruno Le Maire, ministre . - S'agissant du déficit public, je vous rappelle que nous avons dû, en 2018, requalifier la dette de SNCF Réseau et que la croissance, bien que soutenue, s'est avérée plus faible que prévu, entrainant des recettes fiscales moins élevées. Il s'établira en 2019, à 1,9 % du PIB, hors réforme du CICE, soit le taux le plus bas enregistré depuis 2001. En matière de redressement des finances publiques, monsieur le rapporteur général, je ne souhaite pas d'accélération ou d'à-coups brutaux, mais que nous tenions avec constance le cap fixé par le Président de la République, même si, comme pour la réduction de dette et des prélèvements obligatoires, nous ferons davantage en fonction des marges de manoeuvre dont nous disposerons. Il est effectivement utile de nous comparer à nos partenaires européens et la France a vocation à faire aussi bien, si ce n'est mieux ; je suis convaincu que nous en sommes capables. Néanmoins, rappelez-vous qu'au lendemain de la crise financière de 2008, il y eut une divergence majeure de politique publique, que nous payons encore. Il faut le reconnaître, l'assumer et rétablir la situation. Nous réalisons, soyez-en convaincus, des efforts structurels courageux : sur la politique du logement, pour réserver les emplois aidés aux plus fragiles, en matière de réforme de l'audiovisuel public ou encore pour améliorer l'efficacité des chambres de commerce et d'industrie (CCI). La transformation structurelle du réseau des CCI permettra de donner à CCI France une capacité de pilotage et aux agents nouvellement embauchés de choisir librement un autre statut que celui de la fonction publique. Les CCI se financeront en outre très largement par des prestations auprès des entreprises, afin de réserver les taxes affectées aux centres de formation des apprentis (CFA) et aux écoles de commerce, en particulier dans les zones les plus difficiles. Dans le cadre de cette réforme, les CCI rurales, qui oeuvrent dans des territoires où il est plus difficile d'attirer les entreprises, seront l'objet d'une attention particulière. Enfin, avec Gérald Darmanin, nous engageons d'importants efforts structurels dans les ministères dont nous avons la charge ; en particulier, le Trésor et la Direction générale des finances publiques (DGFIP) verront leurs effectifs diminuer. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de reconnaître, comme le Haut Conseil des finances publiques, que notre prévision de croissance est réaliste. Elle ne peut en revanche inclure, par définition, l'imprévisible. Les incertitudes que vous évoquez rendent donc éminemment nécessaire le renforcement de la capacité de l'économie française à investir et à créer des emplois.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je m'interroge sur le lien entre croissance et politique fiscale. Quel a ainsi pu être, en 2018, l'impact sur la croissance, du report de la suppression des cotisations pour l'assurance maladie et l'assurance chômage, alors qu'augmentait la contribution sociale généralisée (CSG) ? A contrario , espérez-vous un rebond de la consommation avec l'application de ladite suppression et la mise en oeuvre de la première phase de la réforme de la taxe d'habitation ? L'effort porté sur la dépense publique peut avoir conjoncturellement un effet récessif, que certains estiment à 0,3 % de croissance. Il s'agit certes d'un moindre mal, me direz-vous, et d'une étape sans doute nécessaire, mais avez-vous intégré cet effet à votre chiffrage ?

M. Philippe Dallier . - Je commencerai, comme le rapporteur général, par me féliciter que le budget soit construit sur des hypothèses raisonnables. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que pendant dix ans la situation budgétaire de la France avait été épouvantable. Certes, l'inflexion que vous mentionnez, avec un déficit public inférieur désormais à 3 % du PIB, est heureuse. Mais la France demeure en-deçà des performances européennes, notamment allemandes ! La comparaison sur dix ans dont vous usez apparaît bien pratique mais n'oublions pas que, malgré la crise des subprimes suivie de celle des dettes souveraines, le taux de croissance s'établissait à 2 % en 2010 et à 2,1 % en 2011.

J'aborderai, vous n'en serez pas surpris, la politique du logement. Les mesures que vous avez prises devaient permettre de donner de l'élan au secteur. Hélas, en 2018, les chiffres seront en recul et probablement pires en 2019 ! Nous vous avions pourtant mis en garde l'automne dernier sur les risques pesant sur la construction de logements, aussi bien sociale que privée. La réforme de l'aide personnalisée au logement (APL) et celle des bailleurs sociaux ne sont pas sans conséquence ! La réorganisation à marche forcée des bailleurs sociaux leur donnera-t-elle des moyens équivalents pour construire ? Il est fort à parier que ce ne sera pas le cas, surtout si la vente de logements sociaux à hauteur de 40 000 par an ne donne pas les résultats escomptés. Nous allons vers des difficultés dramatiques pour les Français qui cherchent à se loger et pour le secteur du logement, très important pour l'économie. Bien sûr, nous réclamons des efforts structurels, mais sans mettre en difficulté des pans entiers de notre économie ! Serez-vous capable de réapprécier votre position l'an prochain, s'il se confirmait que le secteur du logement souffre de vos réformes ?

Mme Sophie Taillé-Polian . - Il est difficile au groupe socialiste et républicain de partager l'orientation générale de ce projet de loi de finances, qui ne se fonde hélas pas sur un objectif de redistribution des richesses et de réduction des inégalités. Au contraire, il va les accentuer par une politique favorisant soi-disant la croissance. Les réformes fiscales que vous avez entreprises l'an passé n'ont pas engendré un rebond extraordinaire de l'investissement. Vous mettez en place de nouveaux outils fiscaux afin d'aider davantage l'investissement productif, notamment des petites et moyennes entreprises. Vous estimez, monsieur le ministre, qu'il n'est pas illégitime de demander des efforts aux entreprises, mais vous menez essentiellement une politique d'aide, importante et insuffisamment ciblée, à leur endroit, qui ne favorise en rien la création d'emplois. Les chiffres du chômage demeurent extrêmement préoccupants, tandis que la croissance apparaît moins dynamique qu'espéré, notamment grâce à la suppression progressive de la taxe d'habitation ! Il est question de six milliards d'euros de réduction de charges au profit des ménages mais tous ne sont pas logés à la même enseigne : les plus modestes réalisent la majorité des efforts. Ce constat est d'autant plus préoccupant que votre politique de modération salariale dans la fonction publique comme dans le secteur privé, où l'allégement des charges sur les bas salaires va nuire aux embauches à des salaires plus élevés, va annihiler les quelques efforts réalisés en faveur du pouvoir d'achat. Globalement, votre politique favorise les entreprises au détriment des salariés, des Français modestes et des retraités. En l'état, ce projet de loi de finances, qui en constitue la traduction, ne peut donc nous satisfaire.

M. Bruno Le Maire, ministre . - Tout le charme de la vie politique française réside dans la contradiction ! Il nous est demandé de rétablir les finances publiques, mais lorsque nous reportons les allégements de charges ou de cotisations à l'assurance-maladie et à l'assurance-chômage, il nous est reproché de pénaliser le pouvoir d'achat et, partant, la croissance. J'assume totalement la décision de reporter les allégements précités pour restaurer nos finances publiques. Nous avons atteint notre objectif justement parce que nous avons pris des décisions courageuses ! Ce n'est pas grâce à la seule croissance économique que notre déficit public est passé sous la barre des 3 % du PIB. Oui, pour répondre au sénateur Capo-Canellas, je m'attends à un rebond de la croissance et de l'investissement pour la fin de l'année 2018, en raison notamment des mesures reportées au 1 er octobre. Nous tenons le double cap de la restauration des finances publiques et de la relance de la croissance française.

J'assume, madame Taillé-Polian, notre divergence politique, qui constitue tout le sel de la démocratie : vous parlez de redistribution de richesses, moi de création de richesses. Depuis des années, nous n'avons cessé de redistribuer l'argent que nous n'avions pas et, pour ce faire, d'augmenter les impôts des Français. Je me refuse à cette politique, qui a conduit la France dans une impasse et engendré de la colère chez nombre de nos concitoyens. Je ne crois pas une politique qui redistribue des richesses inexistantes, mais à une politique qui en crée. Le rapport, remarquable, de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur la pauvreté, montre que 14 % des Français - 37 % chez les chômeurs - vivent sous le seuil de pauvreté. Notre taux de pauvreté est donc étroitement corrélé à la situation de l'emploi. Ma priorité est de réduire drastiquement le taux de chômage car dans le travail réside la véritable création de richesses, que l'on peut ensuite redistribuer aux plus fragiles. Pour eux, nous avons d'ailleurs augmenté l'allocation aux adultes handicapés, la prime d'activité et le minimum vieillesse. Nous avons donc une vision différente de l'avenir de la société et de notre économie, mais je revendique les choix politiques que nous avons faits. S'agissant enfin de la politique de modération salariale que vous dénoncez, je vous invite, là encore, à regarder les chiffres. La suppression des cotisations à l'assurance maladie et à l'assurance chômage comme celle des cotisations salariales sur les heures supplémentaires en 2019 augmenteront mécaniquement la rémunération des salariés. J'ai par ailleurs espoir que la suppression du forfait de 20 % sur l'intéressement et la participation développe massivement ces pratiques au bénéfice des salariés. En revanche, une politique qui consiste à donner des coups de pouce systématiques au SMIC ne conduit qu'au chômage de masse ! Quand j'entends certains proposer une augmentation artificielle de 20 % du SMIC, déconnectée de la productivité des salariés et des réalités économiques, je suis atterré. Nous faisons pour notre part le choix simple d'une politique de l'offre pour avoir les meilleurs produits qui se vendent, s'exportent et créent de la richesse, d'une redistribution pour les plus fragiles et d'une valorisation du travail parce que nous croyons à une société du travail.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Je remercie tout d'abord le rapporteur général pour ses propos qualifiant notre projet de budget de sincère et nos hypothèses de raisonnables, ce que considère également Haut Conseil des finances publiques. Monsieur le président, j'ai tenu, et je tiendrai jusqu'à la fin de l'année, mon engagement ne pas vous présenter de décret d'avance sur le budget 2018. De mémoire, je ne crois pas que cela soit arrivé sous les cinq derniers Présidents de la République ! Le Gouvernement s'est engagé à présenter des budgets sincères ; vous aurez l'occasion de le constater à nouveau dans le projet de loi de règlement de l'an prochain.

S'agissant de la politique du logement, je ne reviendrai pas, monsieur Dallier, sur la réorganisation des offices HLM. Je souhaiterais toutefois souligner qu'en contrepartie de la diminution des financements publics, la Caisse des dépôts et consignations va soutenir le logement social à hauteur d'un milliard d'euros. Les bailleurs sont également invités à rechercher des recettes propres, notamment via la vente de logements. Enfin, le livret A permet d'injecter chaque année 600 millions d'euros dans le logement. La contemporanéité des APL pose un autre problème : il y aura des gagnants et des perdants, mais elle a assez peu d'incidence sur la construction de logements. Attendons la mise en oeuvre des différentes mesures afférentes au logement avant de juger, sur plusieurs années, de l'efficacité de notre politique en la matière.

Monsieur Capo-Canellas, il nous était l'an passé reproché de dépenser trop. En 2018, la croissance de la dépense publique en volume sera nulle. Depuis combien de temps cela n'était-il pas arrivé ? Les prévisions, en volume toujours, s'établissent à 0,6 % pour 2019, soit - 0,8 % pour l'État, qui fournit un effort considérable, et environ 2 % pour les collectivités territoriales, dont les dotations seront maintenues, ce qui devrait satisfaire le Sénat. Mais, usant d'un argument réversible, vous estimez que la baisse des dépenses publiques peut être récessive. Nous ne le pensons pas, d'autant que, parallèlement, nous avons augmenté l'investissement public de 3 % en 2017, taux qui s'établira à 7 % en 2018 puis à 5 % en 2019.

Madame Taillé-Polian, s'agissant de la suppression de la taxe d'habitation, le Gouvernement a fait le choix de présenter, dans le courant du premier semestre de l'année 2019, un projet de loi de finances spécifique aux finances locales. Pour cette raison, le présent projet de loi de finances est, sauf exceptions, portant sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), exempt de dispositions de fiscalité locale. Nous n'avons donc pas oublié la promesse de supprimer intégralement la taxe d'habitation sur les résidences principales et elle sera tenue. Vous évoquez également le niveau des retraites : sachez qu'au cours des sept dernières années, elles n'ont été revalorisées que de 0,4 % par an et que nous les avons-nous même augmentées de 0,8 % il y a quelques mois. S'agissant enfin des conséquences de la suppression de l'ISF sur les investissements au bénéfice de l'économie, il convient d'attendre, comme pour la suppression de la taxe d'habitation, une pleine année d'application pour en dresser le bilan.

M. Bernard Delcros . - Vous avez rappelé la trajectoire arrêtée en début d'année : 5 points de moins pour la dette publique, 3 de moins pour la dépense publique et un point de moins pour les prélèvements obligatoires. Est-elle toujours valable dans la conjoncture présente ? Vous nous l'avez garanti deux fois aujourd'hui. Dont acte.

Plusieurs voix contestent le gain de pouvoir d'achat de 6 milliards d'euros. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Les niches fiscales représentent une centaine de milliards d'euros. Vous supprimez le CICE - 20 milliards d'euros - et quelques autres. Le Gouvernement a-t-il une stratégie en la matière ? Quel sera le volume des niches fiscales en 2019 ? Et à la fin du quinquennat ?

Vous allez aussi supprimer une vingtaine de petites taxes, sur les 192 qui rapportent moins de 150 millions d'euros. Là encore, avez-vous une stratégie à l'échelle du quinquennat ? Si oui, quelle compensation pour les collectivités ? La fameuse taxe sur les pylônes sera-t-elle bien maintenue ?

Enfin, les taxes sur le carburant augmentent : 7 centimes sur le diesel, 4 centimes sur l'essence. Nous souhaitons tous que la France soit exemplaire en matière de transition énergétique et trouve des solutions pour abandonner peu à peu les énergies fossiles. Mais j'observe que ces mesures créent des disparités très fortes entre les zones urbaines, où il y a des solutions alternatives, avec les transports en commun ou l'usage de véhicules électriques pour des petits déplacements, et le secteur rural. En montagne, il n'y a pas de solution alternative : les voitures électriques existantes ne permettent pas d'y parcourir de grandes distances. Quelles solutions pour résorber ces disparités ?

M. Jean-François Husson . - Je partage votre ambition de tout faire pour restaurer la prospérité française, notamment en favorisant la création de richesse par les entreprises. Mais notre industrie profite beaucoup moins que les industries étrangères de tout mouvement de croissance car elle souffre d'un niveau de fiscalité moyen de 25 %, contre 17 % pour nos compétiteurs, notamment européens : 50 % de différence ! Et je ne vois pas de mesure pour lutter contre ces disparités, pour ne pas dire ces distorsions de concurrence.

Je suis aussi très préoccupé par le déficit persistant de notre commerce extérieur. Quelle trajectoire le Gouvernement fixe-t-il à notre pays et à nos entreprises en la matière ? Comment les aidera-t-il dans leur recherche de performance et la conquête de marchés ?

Vous avez parlé de croissance durable, et rappelé à juste titre que la fiscalité est un élément clé de la transition énergétique. Vous évoquez la convergence de la fiscalité entre le diesel et l'essence, mais c'est à sens unique : elle ne fait qu'augmenter. Vous nous direz qu'on taxe la pollution. Très bien ! Si l'on cherche des prélèvements supplémentaires avec des taxes de rendement au travers de la contribution climat-énergie, la contrepartie doit être d'offrir aux Français la possibilité de s'inscrire dans une dynamique vertueuse sur ces enjeux. Or, l'an passé, vous avez pris dans la poche des contribuables 3,5 milliards d'euros, puisqu'il n'y a eu que 150 millions d'euros de compensation pour 3,7 milliards d'euros de prélèvements. Et vous continuez. Comme notre collègue Bernard Delcros, je vous signale que certains Français sont pour ainsi dire assignés à résidence, pris au piège par la fiscalité sur les carburants - et vous restez sourd.

M. Emmanuel Capus . - Je salue les efforts de ce budget sur le régalien, mais m'interroge sur la forte baisse des crédits de la mission « Travail et emploi », dont je suis le rapporteur, qui semble paradoxale puisque vous déclarez vouloir soutenir le travail. Même si la majorité de mes collègues ne sont pas hostiles à une diminution des contrats aidés dans le secteur public.

J'ai bien noté l'ensemble des efforts structurels que vous avez cités. Il y a aussi un cap à tenir sur la baisse de la dette, et je ne crois pas que vous ayez parlé du maintien du cap sur la baisse du nombre de fonctionnaires. En 2017, un candidat parlait d'une baisse de 500 000, un autre d'une diminution de 120 000... Et nous en sommes à 4 164 cette année, je crois ! Comment atteindrons-nous les objectifs annoncés ? Envisagez-vous, comme cela avait été imaginé par Xavier Bertrand il y a quelques années, que des fonctionnaires entrent dans la fonction publique - hors domaine régalien - sans garantie d'un emploi à vie ?

Vous augmentez assez sensiblement - environ 2 milliards d'euros - la fiscalité énergétique tout en diminuant le crédit d'impôt pour la transition énergétique. Est-ce uniquement une mesure de rendement budgétaire ?

M. Georges Patient . - Deux mesures surtout vont impacter les économies ultramarines : l'abaissement des plafonds de réductions d'impôts, qui atteint 50 % aux Antilles et à la Réunion et 40 % en Guyane et à Mayotte, et la suppression de la TVA non perçue récupérable. Ces deux mesures sont très décriées dans les outre-mer car elles remettent en cause des dispositifs anciens. Vous les expliquez par le souci d'une plus grande justice fiscale et surtout par la nécessité de mieux soutenir l'activité économique des outre-mer. Le Livre bleu des assises de l'outre-mer consigne l'engagement que les 170 millions d'euros d'économies réalisées par ces deux mesures soient entièrement réaffectés aux outre-mer. Pouvez-vous nous confirmer que ce sera le cas ?

M. Jean-François Rapin . - Trois scenarii sont possibles pour le Brexit . A maxima , l'Angleterre paierait toutes ses dettes à l'Europe et sortirait facilement. Un scénario moyen verrait un bon accord de chaque côté. Et un scénario catastrophe serait un scénario sans accord. Êtes-vous capables d'anticiper les conséquences de chaque scénario sur notre budget ? L'avez-vous fait ?

M. Bruno Le Maire, ministre . - Bien sûr, nos objectifs seront plus difficiles à atteindre puisque la croissance est plus mesurée que ce que nous avions connu fin 2017. Ils n'en sont pas moins maintenus. Si nous avons demandé un effort aux entreprises sur le versement du cinquième acompte d'IS ou sur les quatre points supplémentaires d'allégements de charges au niveau du SMIC, c'est justement parce que nous souhaitons tenir nos engagements.

Nous avons intérêt à réduire les niches fiscales, ce qui n'est jamais facile car dans chacune se tient un chien qui vous explique qu'elle est indispensable ! Nous allons d'ores et déjà en supprimer deux. D'abord, celle qui concerne le gazole non routier, car rien ne justifie que nous maintenions cette fiscalité avantageuse - sauf pour les agriculteurs, qui ne seront pas concernés. Puis, la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) sera réformée pour en ôter les contradictions, et nous rappellerons qu'il est désormais possible de renégocier son contrat d'assurance emprunteur.

Nous avons une vraie stratégie industrielle, qui vise à la fois les coûts de production dans notre pays, avec la suppression du forfait social sur l'intéressement et la participation et avec la modification des seuils sociaux et fiscaux. Le Premier ministre a toujours indiqué que nous irions plus loin si possible. Le deuxième volet de notre stratégie est culturel : comment revaloriser les métiers de l'industrie ? Ils n'ont plus grand chose à voir avec ceux d'hier. Ils sont pleins d'avenir, novateurs, créatifs - l'inverse du travail à la chaîne. Voyez, par exemple, la nouvelle usine d'Évian, comparée à l'ancienne. Alors que dans celle-ci il y a encore de la manipulation, des Fenwick, du transport, dans la nouvelle, personne ne transporte rien, tout est robotisé, et les ouvriers font la maintenance technique et conçoivent les nouvelles bouteilles sur des imprimantes 3D. À nous de valoriser ces nouveaux métiers de l'industrie ! Le troisième volet de notre stratégie est le soutien à l'innovation par le crédit impôt recherche. D'ailleurs, notre déficit du commerce extérieur n'est que le reflet de la perte de compétitivité française. Bien sûr, Business France, le guichet unique, c'est très utile et très nécessaire. Mais la vraie réponse au déficit de la balance commerciale extérieure française, c'est l'amélioration de la compétitivité et, notamment, de la compétitivité hors prix, qui est celle où nous sommes les plus faibles, car le positionnement milieu de gamme de notre industrie n'est pas porteur. Du reste, il y a de nombreux exemples de filières industrielles françaises qui ont extraordinairement bien réussi parce qu'elles ont pris le virage de la digitalisation, de l'innovation, des nouvelles technologies. Prenez par exemple le secteur du décolletage dans la vallée de l'Arve, qui fut le premier à disposer de robots et d'une intelligence artificielle pour transformer son processus de production. Résultat : le secteur, qui existe depuis le dix-neuvième siècle, est profitable et a sans doute encore de très belles décennies d'aventure industrielle devant lui.

Oui, il y a une convergence sur la fiscalité du diesel. Je comprends parfaitement les critiques mais nous assumons ce choix. Je rappelle que 250 000 ménages, essentiellement des ménages modestes, devraient bénéficier de la prime à la conversion pour acquérir un véhicule plus propre. Et le chèque énergie, que touchent 4 millions d'euros de ménages, devrait passer de 150 euros à 200 euros par an.

Sur le Brexit , le Président de la République a dit à Salzbourg que, si nous souhaitons un accord avec nos amis britanniques, l'intégrité du marché intérieur n'est pas négociable. On ne peut pas avoir accès au marché intérieur, qui est une des principales avancées politiques européennes, sans respecter les règles de ce marché. Si nous donnons le signal, à l'occasion du Brexit , qu'on peut sortir de l'Union européenne en en conservant tous les avantages, c'est la fin de l'Union européenne. Et il y a plus important que la Grande-Bretagne, c'est l'Union européenne. Nous saluons donc les efforts faits par Teresa May avec ses propositions, notamment celles des Chequers , meilleures que les propositions initiales, mais le compte n'y est pas encore et nous demandons à la Grande-Bretagne d'améliorer ses propositions et de respecter l'intégrité du marché unique pour parvenir à un accord en bonne et due forme.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Les 6 milliards d'euros de baisses d'impôts se décomposent comme suit : 3,8 milliards d'euros pour la deuxième tranche de taxe d'habitation, 4,1 milliards d'euros avec l'effet plein des cotisations l'an prochain, 300 millions d'euros pour la mesure de correction de la CSG annoncée par le Premier ministre et 600 millions d'euros pour les heures supplémentaires ; à l'inverse, une hausse de la fiscalité d'environ 400 millions d'euros sur le tabac, 1,9 milliard d'euros sur le diesel pour les ménages - à ne pas confondre avec le gazole routier - et 800 millions d'euros de resserrement du CITE. Nous supprimons 22 petites taxes, pour 137 millions d'euros, en deux temps ; 17 sont supprimées par le projet de loi de finances, une l'est par décret, une autre par article budgétaire, et trois sont fusionnées en une. Non, la taxe sur les pylônes n'est pas concernée, comme je le dis partout en France ! Les petites taxes supprimées seront remplacées ; ce sera notamment le cas de la taxe sur les farines. Cette simplification de notre fiscalité est bienvenue : le coût de recouvrement atteignait parfois 30 % !

Oui, nous augmentons de 2,4 milliards d'euros les crédits des missions régaliennes : 1,7 milliard d'euros pour les armées, 310 millions d'euros pour la Justice - deux chiffres conformes à l'euro près aux lois de programmation - et 450 millions d'euros pour l'Intérieur.

Il serait intéressant que votre commission des finances évalue l'effet sur les collectivités locales de la contractualisation, qui doit limiter la masse salariale et l'emploi public. Le projet de loi sur la fonction publique que présentera Olivier Dussopt début 2019 - peut-être d'abord devant le Sénat - répondra à votre question sur le contrat. L'idée est de l'ouvrir à tous les emplois de la fonction publique territoriale comme nationale. Pour l'instant, les élus sont un peu corsetés par le contrôle de légalité lorsqu'ils veulent ouvrir un poste. Les plans de départs volontaires permettront de faire partir un certain nombre d'agents publics qui le souhaitent. Et nous devrons discuter de la rémunération au mérite.

Certes, les crédits du ministère du Travail baissent. Mais le meilleur ministre n'est pas celui qui dépense le plus ! Et l'agence nationale France Compétences apporte 2,5 milliards d'euros de crédits supplémentaires. Sur le strict périmètre de la mission, les crédits d'intervention augmentent. Et la baisse de la fiscalité sur le travail est aussi une politique pour le travail.

Les collectivités locales et les associations n'ont pas embauché l'intégralité des contrats aidés mis à leur disposition par les préfets, car nous avons instauré la fongibilité des crédits d'intervention et nous avons demandé aux collectivités locales et aux associations qui prenaient des personnes en contrats aidés de leur assurer une formation. Cela a fortement diminué la demande, sauf en zones rurales. En tous cas, les crédits n'ont pas été intégralement consommés. La politique que nous avons retenue l'an dernier était donc la bonne, alors même qu'elle a été combattue sur tous les bancs.

Pour l'outre-mer, il n'y a pas que des révisions fiscales, il y a aussi des augmentations de crédits ! La mission « Outre-mer » augmente de 170 millions d'euros, en vertu de la conversion des dépenses fiscales, notamment sur l'impôt sur le revenu, en crédits d'interventions, plus pilotables. Plus pour les territoires, moins pour les personnes, ont souhaité les États généraux. Nous l'avons fait. Quant à la TVA non perçue récupérable, l'évaluation par le Sénat évoquait entre 25 et 30 millions d'euros, et nous l'avons fixée à 100 millions d'euros : le ministère des outre-mer fait une bonne opération en la réintégrant ! Le Président de la République sera en déplacement aux Antilles cette semaine, il aura sans doute l'occasion de revenir sur ce sujet.

Les crédits d'intervention de la France dans l'Union européenne augmentent de 1,6 milliard d'euros entre 2018 et 2019. Ce chiffre ne prend pas en compte le risque d'un Brexit sans accord, car l'Angleterre s'est engagée à verser ce qu'elle doit pour le temps où elle est encore dans l'Union européenne dans tous les cas. Si elle ne respectait pas sa parole, ce qui ne serait pas à la hauteur d'une grande nation comme la Grande-Bretagne, cela coûterait à la France environ un milliard d'euros supplémentaires, que nous n'avons pas budgétisé puisque nous croyons à la promesse de nos amis britanniques. À Calais et à Dunkerque, comme au Havre et dans la grande Aquitaine, le Brexit pose des questions de douane. Les effectifs supplémentaires de douaniers que j'avais promis sont au rendez-vous, puisque le projet de loi de finances prévoit 300 postes de plus en 2019, qui seront intégralement versés dans les Hauts-de-France et la région Aquitaine.

M. Sébastien Meurant . - J'ai du mal à m'esbaudir de la sincérisation du budget, dès lors que c'est précisément le premier impératif qui doit caractériser tout budget que d'être sincère. Depuis à peine un an que je siège dans cette haute assemblée, je m'étonne de retrouver ce mot, mois après mois, dans la bouche des ministres.

Si nous nous intéressons plutôt aux évolutions tendancielles, nous pouvons constater qu'à aucun moment nous n'avons fait mieux que les autres depuis 2017, ni en termes de croissance, ni de diminution du déficit public. Nous sommes les derniers de la classe en Europe et nous sommes même derrière la Grande-Bretagne, qui ne s'en sort pas si mal au vu du scénario noir qui avait été imaginé. Quant aux États-Unis, ils sont loin devant.

Comment faire pour améliorer la croissance en France ? À aucun moment les efforts structurels que nous avons déployés en matière de prélèvement d'impôts, de taxes, ou de cotisations sur les entreprises ou les ménages ne nous ont permis de combler ce gap .

Concernant le budget de l'État, l'exécution de 2017 enregistrait un déficit de 65 milliards d'euros, alors que nous allons tutoyer les 100 milliards d'euros de déficit en 2019. Où est l'amélioration de la tendance quand on passe de 67 à 98,7 milliards d'euros de déficit ? Bien sûr, il faut garder le cap sur l'amélioration de nos fondamentaux, que ce soit en termes de dette, de diminution des impôts et des taxes, et de développement de la prospérité. Cependant, comment faire dès lors que la croissance ralentit, que l'État dépense toujours un peu plus, et que l'effort est repoussé vers la sécurité sociale et les collectivités qui continuent d'assumer l'effort de la maîtrise des dépenses publiques, sous la forme d'un nouveau transfert de charges ?

Quels scénarios avez-vous prévus en ce qui concerne les taux d'intérêt, encore extrêmement bas, mais qui repartent à la hausse aux États-Unis sous l'impulsion de la Fed , alors que la Banque centrale européenne prévoit d'injecter un peu moins de liquidités ? La remontée des taux d'intérêt aura des conséquences sur le logement et risque de gripper l'ensemble du mécanisme de la construction et des ventes immobilières en France.

Enfin, des élections européennes auront lieu l'an prochain. Combien la France va-t-elle emprunter en 2019 ? Est-ce que ce sera plus que l'année dernière, ce qui confirmerait la tendance des emprunts français qui ne cessent d'augmenter sur les marchés ?

M. Thierry Carcenac . - M. Le Maire a évoqué les dix années qui se sont écoulées avant que vous n'arriviez au pouvoir, confondant ainsi les deux quinquennats. Or, durant le dernier, la trajectoire du déficit public va en diminuant, et le CICE continue à produire ses effets, même s'il est remis en cause. Quant à l'impôt sur les sociétés, vous poursuivez sur ce qui avait été engagé. M. le ministre a défendu une politique assumée de l'offre. Nous privilégions quant à nous de jouer à la fois sur l'offre et la demande. Lorsque vous disiez tout à l'heure qu'on ne peut pas redistribuer des richesses que l'on n'a pas, je constate que vous ne prenez pas en compte celles qui étaient issues de l'ISF ou de la flat tax , au point de ne pas les avoir conservées.

Sur quelle base reposent vos hypothèses en matière de taux d'intérêt ? Quel taux de change avez-vous retenu, notamment pour le dollar et le coût du baril, dont on sait qu'il a des impacts très forts en matière énergétique ? Enfin, comme rapporteur de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », je suis très attentif aux réformes structurelles et aux propositions du rapport Cap 2022. Pour obtenir le « zéro espèce » dans les ministères, vous allez concéder à des opérateurs présents dans tout le territoire, la possibilité de recouvrer les espèces. Quelles incidences cela aura-t-il en matière d'emploi dans les services de l'ex-Trésor ? Et y aura-t-il un impact sur la fabrication des pièces de monnaie dans notre établissement de Pessac ? Quant au transfert du recouvrement des taxes sur les boissons non alcoolisées de la DGDDI vers la DGFiP, il me semble que les propositions de Cap 2022 allaient bien plus loin que ce que vous annoncez, puisqu'elles concernaient l'ensemble des taxes perçues par les douanes.

M. Bernard Lalande . - Je m'interroge sur la transformation du CICE en baisse des charges. A priori , le CICE était un outil qui devait produire un effet de levier sur l'économie, avec cette particularité qu'il consistait à transformer une assiette sociale en crédit d'impôt, ce qui laissait une certaine latitude au gouvernement pour en jouer en fonction de la conjoncture. Vous le remplacez par une baisse des charges, sans doute à cause des 20 milliards d'euros qu'il coûte à l'État, ce qui n'est pas rien. D'un côté, les entreprises verront leurs charges baisser de 6 % dès le 1 er janvier, et de l'autre, elles pourront déduire de leur impôt sur les sociétés le CICE de 2018. Avez-vous mesuré les effets que cette baisse de 6 % des charges produira sur l'investissement, sur la hausse des salaires, sur le désendettement des entreprises et puis - évitons d'être naïf à défaut de nous montrer provocateur - sur les dividendes ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Je m'interroge sur la cohérence des mesures que vous annoncez. Certes, je veux bien entendre qu'en bas de la feuille de paie, le montant net sera en hausse. Cependant, mes collègues Bernard Delcros et Jean-François Husson ont raison au sujet de la fiscalité énergétique : la hausse du prix du carburant, l'évolution de la TGAP et de la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères feront immanquablement que le coût de la vie sera plus élevé et que le pouvoir d'achat finira par baisser.

Enfin, M. Le Maire a clairement défini la création d'emplois comme sa priorité, nous répétant que le premier choix était celui du travail et qu'il voulait plus de Français qui travaillent. Cependant, certaines mesures liées au développement durable, comme celles qui découlent des amendements de Mme Laurianne Rossi et de M. François-Michel Lambert portant sur la loi relative à l'agriculture et l'alimentation (Egalim), menacent directement plusieurs milliers d'emplois dans la filière plasturgie. N'y a-t-il pas là un manque flagrant de cohérence ?

M. Charles Guené . - Je note avec intérêt qu'à l'article 79 du projet de loi de finances, vous prévoyez une évolution des modalités de répartition de la DGF, notamment pour la dotation des intercommunalités. Cela devrait satisfaire le Comité des finances locales qui vous interrogera certainement sur ce sujet, demain matin. Je conçois que techniquement cette question puisse être plus urgente que les autres. Il n'en reste pas moins que je m'interroge toujours sur la nature des textes sur les collectivités locales que vous allez nous proposer au premier semestre de l'année prochaine. Devons-nous nous attendre à un simple ajustement par rapport au retrait de la taxe d'habitation ou bien nous proposerez-vous une réforme plus complète de la fiscalité locale ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Monsieur Meurant, nous considérons qu'une baisse généralisée de la fiscalité permettra une reprise de la croissance tant pour les ménages que pour les entreprises. D'où les 6 milliards d'euros d'impôts en moins pour les ménages, dès l'année prochaine, et à peu près 18 milliards d'euros en net pour les entreprises, ce qui revient, mis bout à bout, à 24 milliards d'euros de baisse d'impôts. Cela n'est pas arrivé depuis très longtemps, et cela représente une augmentation assez forte du pouvoir d'achat. Vous aviez abondamment cité les prévisions de l'Insee, l'an dernier ; c'est moins le cas aujourd'hui. Peut-être que l'arbitre devrait regarder des deux côtés avant de siffler un penalty... Le pouvoir d'achat a augmenté de 0,5 % durant les cinq dernières années, de 1,3 % l'an dernier sous l'effet décalé des baisses de cotisations, et l'Insee prévoit qu'il augmentera de 1,6 % en fin d'année et de 1,7 % l'année prochaine. Le Haut Conseil des finances publiques prévoit cette accélération de la consommation et de la croissance que nous constatons déjà dans les recettes fiscales, après deux trimestres timorés. Je vous rappelle qu'une croissance de 1,7 % de pouvoir d'achat serait la plus forte croissance que la France aura connue depuis dix ans.

Je ne partage pas vos analyses sur le déficit de l'État, car c'est bien l'État qui fournit des efforts, et pas les collectivités locales, ni les acteurs du champ social qui attendent de grandes réformes sur le chômage et les retraites, ou qui connaissent un ressaut de dépenses comme par exemple outre-mer où l'Ondam progresse, en raison de difficultés fortes. L'an prochain, l'État devrait baisser ses dépenses de 0,8 %, alors que les collectivités les augmenteront de 1 %. La DGF sera maintenue avec un léger ressaut de 70 millions d'euros, indépendamment de la fiscalité propre aux régions. Et c'est encore l'État qui compensera la baisse de l'impôt. La compensation exacte du CICE en allègement des charges représente 20 milliards d'euros, mais c'est un one-off , et l'État compensera à la Sécurité sociale des équivalents de points de recette de TVA, pour réduire notamment certaines mesures sociales introduites dans la loi PACTE. Surtout, nous prévoyons 6 milliards d'euros de recettes en moins à la fin de l'année prochaine pour l'impôt sur le revenu, ce qui est dû à l'effet positif du prélèvement à la source pour les ménages, qui paieront leurs impôts sur le compte des collecteurs en décembre, la collecte n'étant versée sur les comptes de l'État qu'au mois de janvier 2020. Le déficit de l'État sera largement en dessous de celui de l'an dernier, autour de 63 ou 64 milliards d'euros.

En ce qui concerne les taux d'intérêt, les prévisions du Gouvernement ont été l'an dernier extrêmement sages et prudentes, dans un souci de sincérisation du budget, même si le mot ne vous plaît pas. Nous resterons prudents l'an prochain, car nous avons bien compris qu'il y avait une possibilité de ressaut en mai et juin, au moment où M. Draghi sera proche du départ et souhaitera renforcer les obstacles à une politique monétaire trop accommodante. Pour l'instant, les taux sont à 0,79 % à dix ans. Nous avons prévu qu'à la fin de 2018, ils seraient à 1,4 %, et à 2,2 % à la fin de 2019. Ce triplement reste une hypothèse très prudente. Si l'inflation n'est pas trop forte, la charge de la dette restera à peu près la même, autour de 41 ou 42 milliards d'euros. Nous gérons bien notre dette et nous emprunterons le même montant que l'an dernier, autour de 195 milliards d'euros.

Le système du « zéro espèce » s'appliquerait surtout à la DGFiP, qui détient beaucoup d'argent liquide dans ses trésoreries. Jusqu'à présent, les ministres du budget faisaient chaque année voter dans les PLFR des baisses de montant d'acceptation de monnaie dans les trésoreries. J'ai moi-même commis cette erreur devant vous. Cependant, c'est le seul décret que j'ai refusé de signer en application de la loi de finances que vous aviez adoptée. Je considère en effet qu'il n'est pas nécessaire de continuer le supplice chinois de baisser chaque année le montant d'acceptation d'argent liquide depuis que dans une trésorerie d'Évreux, une caissière m'a expliqué que les gens venaient plusieurs fois dans la journée verser l'argent liquide qui correspondait au montant voté par le Parlement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est interdit par la loi.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Mais cela se fait. Je n'ai pas sanctionné la caissière, mais j'ai plutôt considéré que les mesures que nous avions prises n'étaient pas conformes à la réalité. J'ai donc proposé de conserver un montant de paiement en liquide pour les contribuables, en attendant une grande réforme dans le PLF qui ouvrira des appels d'offre régionalisés auxquels pourront répondre notamment les buralistes ou la Poste, qui connaissent les difficultés économiques que nous savons. Les Français pourront ainsi payer leurs amendes ou leurs taxes sous la forme de timbres fiscaux. Ce dispositif générera des économies en termes d'emploi, et constituera une facilité pour ceux qui souhaitent continuer à payer en liquide. On pourra envisager d'arrêter le numéraire dans le réseau à deux ans, avec les économies qui s'ensuivent en termes d'organisation et d'emploi. Nous pourrons en discuter en séance.

Pour ce qui est du recouvrement, il concerne la DGDDI et la DGFiP, mais son champ est aussi fiscal avec l'Agirc-Arcco et l'Urssaf. À cela s'ajoute l'annonce de la création d'une agence du recouvrement unique d'ici la fin du quinquennat. Il s'agit d'un aspect fondamental dans le fonctionnement de l'État. J'ai missionné sur ce sujet M. Alexandre Gardette, directeur en charge des services fiscaux. Nous attendons son rapport et je répondrai à toutes vos questions sur la réorganisation des services de Bercy.

Monsieur Lalande, le CICE a été créé pour compenser l'augmentation de fiscalité du début du quinquennat précédent. Plutôt que de baisser l'impôt, il s'agissait de le compenser par de la dépense publique, selon un système tout shadokien. Depuis un an et demi, nous avons proposé la transformation structurelle du CICE en baisse de charges. Je ne vois pas bien pourquoi les dividendes augmenteraient. En revanche, si l'impôt sur les sociétés augmente, ce sera tant mieux pour les recettes de l'État, qui récupérera 5 milliards d'euros rien qu'en améliorant les bénéfices des entreprises. En outre, la baisse des charges vaudra aussi pour le monde associatif et pas seulement pour les entreprises, car l'allègement des charges vaudra pour l'ensemble des employeurs.

Monsieur Guené, le Président de la République et le Premier ministre ont voulu que ce PLF opère des changements importants en matière de fiscalité locale, qu'il s'agisse de la taxe foncière ou des droits de mutation. Dans le cadre du plan Pauvreté, le Président de la République a fait des annonces au sujet de l'allocation unique, en mentionnant une recontractualisation du domaine social avec des collectivités locales, sans préciser s'il s'agissait simplement des départements, ce qui laisse le débat ouvert. L'an prochain, la question des finances locales ne concernera pas seulement la suppression de la taxe d'habitation à 100 % pour la résidence principale, mais aussi le fonctionnement du couple commune et intercommunalité, du département et de la région, même si pour ces dernières le point de TVA, au taux extrêmement dynamique, constitue une recette supplémentaire de 700 millions d'euros par rapport aux dotations antérieures. Régions de France et les présidents de régions ne mentionnent d'ailleurs plus du tout les baisses de dotation. Quand les gens ne disent rien, c'est qu'ils sont contents.

Mme Vermeillet, je ferai écho à votre dernière question auprès du ministre concerné.

M. Vincent Éblé , président . - Merci, Monsieur le Ministre.

II. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (26 SEPTEMBRE 2018)

Réunie le mercredi 26 septembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis rendu par le Haut Conseil sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

M. Vincent Éblé , président . - Nous recevons Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques, pour nous présenter l'avis relatif aux projets de loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Nous disposerons ainsi d'informations complémentaires sur la manière dont il a été élaboré et les données macroéconomiques sur lesquelles il s'appuie. L'avis du Haut Conseil est important pour éclairer la représentation nationale sur la sincérité du projet de loi de finances et la crédibilité de notre trajectoire budgétaire, au regard notamment de nos engagements européens.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques . - Pour vous présenter les principales conclusions de l'avis du Haut Conseil des finances publiques, je suis accompagné de François Monier, rapporteur général, de Vianney Bourquard, rapporteur général adjoint, et de Vladimir Borgy, rapporteur. Comme vous le savez, le Haut Conseil se prononce sur les prévisions macroéconomiques présentées par le Gouvernement à l'occasion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ainsi que sur la cohérence de ces projets avec les orientations pluriannuelles de solde structurel. Nous nous appuyons sur les prévisions d'organismes tels que la Commission européenne, le FMI, l'OCDE et sollicitons des prévisionnistes nationaux comme l'Insee, la Banque de France ou encore l'Observatoire français des conjonctures économiques.

J'aborderai en premier lieu le contexte macroéconomique. Ces derniers mois, la croissance mondiale s'est infléchie légèrement en Europe et au Japon, plus fortement dans certains pays émergents ; à l'inverse, elle s'est affermie aux États-Unis. S'agissant de la zone euro, la croissance économique est passée d'un rythme trimestriel de 0,7 % en 2017 à 0,4 % au 1 er semestre 2018. Cette tendance reflète un environnement international moins favorable depuis l'été 2017. Les causes sont multiples : la hausse des prix du pétrole, l'appréciation de l'euro, l'accroissement des incertitudes commerciales, etc. Le climat des affaires s'est ainsi replié au cours du 1 er semestre 2018. Plusieurs paramètres d'activité demeurent positifs : le climat des affaires reste supérieur à sa moyenne observée sur une longue période, la croissance européenne bénéficie de l'orientation favorable de la politique monétaire, ainsi que des effets bénéfiques de politiques budgétaires légèrement expansionnistes. La croissance de la zone euro devrait donc à l'avenir se stabiliser.

J'en viens à la situation de la France. Le ralentissement de l'activité économique française observé au début de l'année 2018 a été plus prononcé que celui de la moyenne de la zone euro. Cet écart tient essentiellement à la consommation des ménages. Le calendrier des mesures fiscales nouvelles a pu peser au cours du premier trimestre sur le pouvoir d'achat des ménages. D'autres facteurs temporaires, comme les grèves dans le secteur des transports, peuvent aussi expliquer ce ralentissement.

Le contexte international est marqué par des incertitudes élevées. Les risques économiques sont multiples : montée des tensions commerciales, résultats des négociations sur le Brexit, situation de l'Italie, déséquilibres financiers en Chine, fragilité de plusieurs pays émergents - Turquie, Argentine, Afrique du Sud, Brésil. Le déséquilibre budgétaire américain et le relèvement des tarifs douaniers pourraient provoquer une accélération de l'inflation. Enfin, le poids élevé de l'endettement public et privé dans de nombreux pays fait peser un risque supplémentaire sur la croissance mondiale.

J'en arrive aux observations formulées par le Haut Conseil sur le scénario présenté par le Gouvernement.

La prévision de croissance 2018 dans le projet de loi de finances pour 2019 est de 1,7 %, identique à celle retenue dans le projet de loi de finances pour 2018, mais inférieure à celle formulée dans le programme de stabilité. Compte tenu de l'acquis de croissance au deuxième trimestre 2018, estimé à 1,3 %, une croissance de 1,7 % en moyenne annuelle suppose une accélération de l'activité d'ici à la fin de l'année d'au moins 0,5 % par trimestre. La production industrielle de juillet et les dernières enquêtes de conjoncture permettent d'anticiper une remontée du taux de croissance au troisième trimestre 2018. Le Haut Conseil juge crédible la prévision de croissance du Gouvernement, en ligne avec celle des organisations internationales et des instituts de conjoncture. S'agissant de la croissance en 2019, qui s'élèverait à 1,7 %, là encore en ligne avec la moyenne des prévisions disponibles, le Haut Conseil considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement quant à l'évolution de la demande des ménages et des entreprises sont plausibles. Il note toutefois que cette prévision est affectée d'un degré d'incertitude plus élevé que les années précédentes.

Les prévisions d'emploi et de masse salariale pour 2018 sont cohérentes avec les informations disponibles. Pour 2019, les prévisions sont plausibles. La masse salariale des branches marchandes non agricoles augmenterait de 3,5 % en 2018 et en 2019. La croissance de l'emploi s'affaiblirait progressivement jusqu'en 2019. La prévision de masse salariale pour 2018 est revue à la baisse par rapport au programme de stabilité pour tenir compte des données d'activité du 1 er semestre 2018. Enfin, la hausse des prix à la consommation anticipée dans le projet de loi de finances pour 2019 serait de 1,8 %.

L'inflation serait sensiblement plus élevée que le niveau prévu l'année dernière - 1,8 % contre 1,1 % -, pour l'essentiel en raison de l'évolution des prix de l'énergie. L'inflation sous-jacente, hors prix volatils, se redresserait progressivement de 0,4 % en 2017 à 0,9 % en 2018, soutenue par une remontée des prix des services liée à celle des salaires. Cette prévision est cohérente avec les indices des prix constatés jusqu'en août 2018, avec l'hypothèse d'une stabilisation du prix du pétrole à 73 dollars. La prévision d'inflation formulée par le Gouvernement pour 2019 est de 1,4 %, anticipant une baisse de l'inflation par rapport à 2018 du fait d'une moindre contribution des prix de l'énergie et des tarifs administrés. L'inflation sous-jacente continuerait de remonter sans refléter totalement l'accélération des salaires. Ces prévisions pour 2018 et 2019 sont légèrement inférieures aux moyennes du Consensus Forecasts de septembre, mais le Haut Conseil considère qu'elles sont raisonnables.

J'en viens aux observations formulées par le Haut Conseil sur les prévisions de finances publiques, dont je tiens à souligner le caractère particulièrement complexe pour les années 2017 à 2019. D'une part, l'Insee a révisé les comptes des administrations publiques pour intégrer notamment le reclassement de SNCF Réseau et la recapitalisation d'Orano, ex-Areva ; il en résulte une dégradation du déficit public nominal et du déficit structurel de 3,2 milliards d'euros en 2016 et de 1,9 milliard d'euros en 2017. Les déficits de 2018 et de 2019 ne sont affectés que de manière marginale. L'impact négatif du reclassement de SNCF Réseau serait presque compensé par les améliorations observées s'agissant des administrations de sécurité sociale et du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ».

D'autre part, les années 2017 à 2019 sont marquées par deux opérations budgétaires exceptionnelles de grande ampleur : le remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes en 2017 et en 2018 à la suite de son invalidation par le Conseil constitutionnel et sa compensation sur la seule année 2017 par une surtaxe exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, qui représente 0,2 point de PIB en 2018 ; la transformation du CICE en baisse de cotisations au 1 er janvier 2019, qui représente 0,9 point de PIB en 2019. Si on les neutralisait, le scénario d'évolution des finances publiques induirait une réduction du déficit public d'environ 0,3 point en 2018 et 0,5 point en 2019, se partageant entre une amélioration de la composante conjoncturelle et du solde structurel.

J'en viens à notre appréciation sur les prévisions de recettes et de dépenses. S'agissant des recettes, les prévisions pour l'année 2018 sont en ligne avec les informations dont nous disposons. Les recettes fiscales nettes de l'État, en particulier, sont cohérentes avec les encaissements à ce stade de l'année. Le Gouvernement retient une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 1,1 en 2018, unitaire en 2019. Au total, pour 2018 et 2019, le Haut Conseil considère que les prévisions de prélèvements obligatoires sont réalistes.

L'augmentation globale des dépenses présentées dans le projet de loi de finances hors crédits d'impôt pour 2018 est de 1,6 % en valeur, nulle en volume. En 2019, hors crédits d'impôt et opérations exceptionnelles, elle s'élève à 1,9 % en valeur et 0,6 % en volume.

Le Haut Conseil relève une budgétisation plus réaliste de certaines dépenses de l'État, notamment des OPEX, mais les risques de tension nécessiteront une exécution rigoureuse. Les dépenses des administrations de sécurité sociale diminueraient de 1,8 % en 2019 par rapport à 2018. Les dépenses de retraite et de certaines prestations sociales, hors minima sociaux, seraient modérées par une revalorisation de 0,3 %, inférieure à l'inflation.

Enfin, les dépenses des administrations publiques locales augmenteraient en 2018 et en 2019 de 2,3 %, contre 2,5 % en 2017. La capacité de financement des administrations publiques locales continuerait donc à progresser. Le Gouvernement fait l'hypothèse du respect en 2018 comme en 2019 de l'objectif d'évolution de la dépense locale de fonctionnement. Les informations disponibles indiquent une évolution modérée de la dépense locale de fonctionnement en 2018 ; une incertitude demeure concernant la vigueur de l'investissement local en 2018 et en 2019 dans une phase haute du cycle électoral.

En résumé, la prévision de dépenses repose sur des efforts de maîtrise de la part de l'ensemble des administrations - État, sécurité sociale, collectivités territoriales - pour 2018 comme pour 2019. Le Haut Conseil estime que cette perspective d'évolution est atteignable. Le déficit public retenu pour l'année 2019 est plausible, compte tenu du scénario macroéconomique et des baisses de prélèvements. Notre appréciation repose néanmoins sur la stricte tenue de la trajectoire de dépenses.

J'en viens à la cohérence des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale avec les orientations pluriannuelles de solde structurel. Les prévisions de solde structurel ne font pas apparaître un écart important, 0,5 %, par rapport à la trajectoire de la loi de programmation pour les années 2018 à 2022. L'ajustement structurel s'élève à 0,1 point de PIB en 2018 et à 0,3 point de PIB en 2019. L'effort structurel serait nul en 2018 et de 0,3 point de PIB en 2019. Le Gouvernement n'a pas comptabilisé en opération ponctuelle la mesure d'augmentation prévue en 2019 du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés dont le rendement est estimé à 1,5 milliard d'euros, et donc considérée comme contribuant à l'amélioration du solde structurel. Le Haut Conseil estime qu'il serait logique de la classer en opération ponctuelle et temporaire. Si tel était le cas, le déficit structurel serait minoré de l'ordre de 0,1 point de PIB en 2019, et donc plus proche de 0,2 point. Même ainsi revu à la hausse, l'écart ne serait pas important au sens de l'article 23 de la loi organique. Il souligne néanmoins que les ajustements structurels prévus pour 2018 et 2019 qui seront soumis à l'appréciation de la Commission sont inférieurs au minimum de 0,5 point par an prévu dans le volet préventif du pacte de stabilité.

Le déficit public nominal resterait proche de 3 points de PIB à l'horizon 2019. Une fois neutralisé l'impact de la transformation du CICE en baisse de cotisations, le déficit nominal se réduirait sensiblement, mais cette réduction serait due pour plus de la moitié à la conjoncture économique favorable. Le déficit structurel de la France s'établit à 2,2 points de PIB en 2018, alors qu'il est en moyenne de 0,5 point dans les pays membres de la zone euro. Comme vous le savez, la France se situe désormais dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance et reste loin de son objectif de moyen terme fixé à moins 0,4 point de PIB. Par ailleurs, elle n'aurait pas encore amorcé la réduction de son ratio d'endettement, à la différence de la quasi-totalité des pays européens.

Malgré une certaine amélioration, la situation de nos finances publiques constitue une fragilité de notre économie. Avec une dette approchant les 100 points de PIB, qui a progressé de plus de 30 points depuis la crise de 2008, la France ne dispose que de marges de manoeuvre limitées pour faire face à un éventuel fort ralentissement de l'activité économique, alors que le contexte international est marqué par des incertitudes élevées.

M. Vincent Éblé , président . - Le Haut Conseil relève que la prévision de croissance s'inscrit dans un contexte international marqué par des incertitudes particulièrement élevées : pourriez-vous quantifier ces incertitudes en nous donnant par exemple un ordre de grandeur de ce que pourrait être la croissance dans un contexte défavorable ?

Le ralentissement de la croissance a été deux fois plus prononcé en France que dans le reste de la zone euro au premier semestre. Vous soulignez que cela est sans doute lié à la politique fiscale du Gouvernement, qui a décalé les baisses de cotisations sociales pour les salariés, avec des effets sur la consommation et donc la croissance. Ne peut-on pas considérer, comme certains le font, au risque pour le Haut Conseil de sortir de sa traditionnelle réserve, qu'il y a là une erreur de pilotage macroéconomique évidente ?

Enfin, lors de notre récent déplacement à Washington, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a fortement insisté sur la nécessité de « réparer la toiture quand le soleil brille ». Bien que l'actuelle majorité continue de bénéficier d'une conjoncture favorable, l'effort structurel est nul en 2018, après avoir été négatif l'année dernière, une première depuis 2012 ! N'est-on pas en train de manquer une opportunité historique de redresser la situation des comptes publics ?

M. Didier Migaud . - Les économistes ne prennent pas le risque de quantifier les incertitudes, mais il est vrai que l'année 2019 nous paraît plutôt entourée d'incertitudes baissières. J'ai évoqué la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, la situation italienne, les tensions dans certains pays émergents. Le prix du baril du pétrole est lié aux tensions internationales. Or une augmentation de 10 dollars peut coûter 0,1 point de croissance. Cela dit, le pire n'est pas toujours certain ! Il faut rester prudent dans les prévisions et être attentif aux évolutions possibles. Le consensus des économistes table sur une croissance de 1,6 %, 1,7 % en 2018. En 2019, elle reste plausible, avec un degré d'incertitude plus fortement marqué. Les décisions de la présidence américaine peuvent avoir des conséquences négatives pour le reste du monde.

S'agissant de votre deuxième question, il ne m'appartient pas de me prononcer. Il convient d'analyser les résultats sur l'année, qui seront vraisemblablement très proches de la prévision du Gouvernement. Il faut avoir un peu de recul par rapport aux prévisions : il arrive que l'Insee révise les chiffres de bien plus de 0,1 point. Des facteurs psychologiques peuvent également avoir leur importance. Quoi qu'il en soit, je confirme l'intérêt de « réparer la toiture quand le soleil brille », et la France a dû mal à trouver le moment adéquat.

M. Emmanuel Capus . - Ma première question porte sur le « bras préventif », selon lequel nous devons réduire notre déficit structurel de 0,5 point. Or le budget prévoit de réaliser un effort de 0,1 point cette année et de 0,3 point l'année suivante, voire 0,2 en tenant compte de vos réserves. Nous sommes donc loin du compte. Risquons-nous l'ouverture d'une procédure pour déviation significative ? Si oui, à quelle échéance ?

Ma seconde question concerne la notion d'effort structurel : n'est-il pas temps d'unifier notre définition et celle de l'Union européenne ?

M. Roger Karoutchi . - Je me demande si tout cela a du sens. La croissance serait de 1,7 % en France cette année pour les optimistes, de 1,6 % pour les pessimistes, mais en moyenne de 2,5 % dans l'Union européenne. Quel que soit le scénario, nous sommes derniers et la France perd chaque année en compétitivité. Que devrait faire le Gouvernement pour que la croissance atteigne 2,5 % ?

Il est peu probable que les prix du pétrole ou du gaz baissent l'année prochaine, que les tensions commerciales s'arrangent. Le Haut Conseil n'envisage-t-il pas de tirer la sonnette d'alarme ? Compte tenu des prévisions en matière d'inflation, de déficit structurel et de déficit nominal par rapport au niveau européen, ne sommes-nous pas en train de prendre une pente extraordinairement dangereuse, tout en se disant que cela aurait pu être pire ?

M. Vincent Capo-Canellas . - La progression de la dépense publique serait nulle en volume cette année, mais nous ne tenons pas nos engagements européens et figurons en tête du classement, si je puis dire... Quelle est votre appréciation sur la baisse nécessaire du niveau de dépenses ? On a reproché au Gouvernement d'utiliser le rabot. Certaines pistes vous paraissent-elles pouvoir être mises en oeuvre pour parvenir au respect de nos engagements européens ?

M. Marc Laménie . - Quelles sont les perspectives d'évolution du déficit public, compte tenu du reclassement de SNCF Réseau ? Que pensez-vous de la forte diminution des crédits des missions « Cohésion des territoires », notamment des aides au logement, et « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances pour 2019, ou encore de l'augmentation de 1,5 % des dépenses de personnel et du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ? Enfin, qu'en est-il de la dette transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ?

M. Didier Rambaud . - Comment les pertes liées aux tensions internationales sont-elles évaluées compte tenu des divergences entre économistes ? Vous appelez à un ajustement structurel plus fort : quel niveau d'équilibre proposez-vous pour que la trajectoire de baisse de la dépense publique ne soit pas négative pour la croissance ? Enfin, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a instauré un nouveau principe budgétaire consistant à affecter toute bonne nouvelle en recettes à la baisse du déficit. Disposez-vous d'un premier rapport d'étape sur ce nouveau principe ? Qu'en pensez-vous ?

M. Didier Migaud . - Certaines questions peuvent concerner le Haut Conseil des finances publiques, d'autres dépassent très largement le cadre de sa mission. Le Haut Conseil n'entre en effet pas dans le détail du projet de loi de finances pour 2019 et ne peut porter d'appréciation sur chacune des missions qu'il contient. Le PLF pour 2019 n'a d'ailleurs pas été porté en totalité à notre connaissance puisque nous devons donner notre avis avant son passage en Conseil des ministres : lorsque nous délibérons, les derniers arbitrages sur certaines dépenses n'ont donc pas encore été effectués.

Ce que regarde le Haut Conseil, c'est la cohérence du projet du Gouvernement : paraît-il crédible, compte tenu du scénario macroéconomique qu'il présente et de ce que nous constatons à partir de l'exécution pour l'année 2018, en liaison avec la Cour des comptes ? A priori , avec ce qui est présenté en recettes comme en dépenses, cela semble tout à fait plausible, sauf concrétisation de risques qui affecteraient la croissance en 2019 et nécessiteraient de réviser le scénario.

Vous êtes nombreux à vous interroger non sur les hypothèses de croissance mais sur la croissance potentielle de la France et son niveau de compétitivité. Chacun reconnaît que sa croissance potentielle mériterait d'être plus élevée et sa compétitivité renforcée. Que faire pour y parvenir ? Il n'est pas dans la mission du Haut Conseil de le dire, mais cela ne peut passer que par des réformes de structure qui peuvent prendre du temps. Le Gouvernement, dans la loi de programmation des finances publiques, a d'ailleurs prévu une augmentation de la croissance potentielle en fin de période, estimant qu'un certain nombre des mesures structurelles qu'il propose iront dans ce sens.

L'équilibre n'est pas facile à trouver : dès lors que vous prenez des mesures pour redresser les comptes publics, certaines peuvent avoir un effet récessif. D'où l'intérêt de prendre des mesures structurelles lorsque la conjoncture s'améliore, afin d'éviter que ces conséquences négatives ne soient trop fortes pour l'ensemble des acteurs économiques. Aux responsables politiques d'arbitrer pour trouver le bon équilibre.

Tout ce qui peut améliorer le niveau de déficit à la baisse va dans le bon sens. Avant de redistribuer, il convient de redresser les comptes publics pour retrouver des marges de manoeuvre, notamment au moment où la conjoncture ralentit ou se retourne. C'est ainsi que nous voyons d'ailleurs la fragilité de la situation des finances publiques françaises : nous avons réduit le déficit nominal, compte tenu d'une croissance plus forte, mais le déficit structurel reste élevé. Le déficit nominal pourra atteindre en 2019 un niveau que la France n'a pas connu depuis une vingtaine d'années : c'est formidable, sauf que la dette a augmenté de trente points de PIB... Bref, relativisons la situation, et mesurons l'importance des notions permettant de raisonner au-delà de la conjoncture que sont la croissance potentielle ou l'écart de production, même si elles sont très débattues entre économistes.

La Commission européenne raisonne davantage en termes d'ajustement structurel, qui prend en compte l'élasticité des recettes et aime bien, comme le Haut Conseil du reste, le concept d'effort structurel, qui est plus proche de l'effort réel. On voit bien qu'une règle en dépense peut avoir un intérêt pour apprécier la réalité de la situation des finances publiques dans un pays. Cela fait partie des réflexions au niveau européen, comme au sein du Conseil d'analyse économique (CAE) placé auprès du Premier ministre. Sauf blocage, des propositions seront sans doute faite à ce sujet au niveau européen.

J'en viens à la procédure de déviation significative. Beaucoup de pays dévient de la trajectoire recommandée dans le volet préventif. Pour l'heure, la Commission européenne n'a ouvert aucune procédure. Elle use pour apprécier la situation française de sa marge d'interprétation des règles européennes. Le commissaire européen a évoqué les 0,3 point de PIB d'effort structurel prévus par le Gouvernement, inférieurs au 0,5 point ou au 0,6 point recommandés. Encore faut-il que l'effort soit réellement de 0,3 point... À la suite de notre observation, le ministre a envisagé la possibilité que le cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, temporaire dans le projet de loi de finances, devienne pérenne, auquel cas il entrerait dans la définition de l'effort structurel. Comprenez que le Haut Conseil, composé d'experts, raisonne par rapport à des textes qu'il n'a pas la capacité d'interpréter. La Commission européenne, elle, est une autorité politique, qui a de ce fait une capacité d'appréciation. Les éléments du budget de la France seront portés à la connaissance de la Commission européenne le 15 octobre : nous verrons à ce moment-là, mais des échanges ont déjà eu lieu entre elle et le Gouvernement français.

Le Gouvernement a confirmé hier la résorption de la dette sociale à l'horizon 2024, c'est-à-dire la fin de la Cades, même si 15 milliards d'euros de dette de l'Acoss lui seront encore transférés. Dès lors que les taux d'intérêt peuvent remonter, il vaut mieux que cette dette soit gérée par la Cades plutôt que par l'Acoss, qui n'emprunte qu'à court terme et se trouve donc plus dépendante de l'évolution des taux d'intérêt. Or, la BCE envisageant de mettre petit à petit fin à sa politique actuelle, il faut craindre la remontée des taux d'intérêt. Cette mesure va donc dans le bon sens. La Cour des comptes avait déjà fortement recommandé cette gestion par la Cades, sous réserve de recettes adéquates, et pointé le risque de faire porter par l'Acoss une dette de plus en plus élevée.

Mme Christine Lavarde . - M. le président du Haut Conseil jugera sans doute mes questions davantage destinées au Premier président de la Cour des comptes, puisqu'elles portent sur son rapport sur les finances locales...

Votre note de synthèse laisse entendre que la décélération de la croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités serait liée pour une partie non chiffrée au dispositif de contractualisation mis en place par l'État avec les grandes collectivités. Avez-vous envisagé que cette décélération soit plutôt due à la diminution des dotations versées aux collectivités via leur contribution au redressement des finances publiques ? Bref, ne s'agit-il pas plutôt des effets produits par le rabot décidé précédemment ?

La note de synthèse fait aussi allusion au rythme cyclique des dépenses d'investissement des collectivités territoriales. Le graphique, qui s'arrête en 2018, fait bien apparaître une croissance sur deux à trois ans, puis une baisse significative. Le cycle dans lequel nous sommes pourrait connaître son point d'inflexion en 2019, et on l'annonce beaucoup plus bas que lors des cycles précédents. Quelles conséquences cela aurait-il, alors que les collectivités locales sont les principales pourvoyeuses d'investissement public ?

M. Arnaud Bazin . - Vous avez évoqué les incertitudes internationales pesant sur les perspectives de croissance, qui interdisent de retenir des hypothèses chiffrées très précises. Vous avez aussi évoqué ce qui va assurément se produire en 2019, en raison de la mise en place de certaines mesures, comme la retenue à la source de l'impôt sur le revenu. Si chacun sait qu'il ne s'agit que d'une pure affaire de trésorerie, cette nouvelle modalité pourrait avoir un impact psychologique sur des acteurs dont le comportement, vous l'avez dit, n'est jamais rationnel. Le Gouvernement semble avoir pris conscience de ce risque - d'où les atermoiements du Président de la République et, surtout, l'augmentation, dès janvier, des remboursements de crédits d'impôts. Comment l'évaluer ? Il paraît difficile de lire dans le marc de café, mais a-t-on tenté de chiffrer ce risque ?

M. Philippe Dallier . - Je ne résiste pas non plus à la tentation de vous interroger sur les finances des collectivités territoriales. J'ai été chagriné de lire ce matin dans la presse que vous préfériez la méthode Hollande à la méthode Macron, autrement dit qu'il valait mieux, pour obtenir un résultat, faire baisser les dotations brutalement plutôt que de contractualiser ! Si cette contractualisation pose question, elle prévoit toutefois, si l'exécution s'éloigne de l'objectif de dépense, un mécanisme de correction l'année suivante portant sur 75 % ou 100 % de cet écart. Vantez-vous donc réellement la méthode du rabot ? Limiter les dépenses des collectivités territoriales est à mon sens indissociable d'une réforme de la dotation globale de fonctionnement et des dotations de péréquation, et impose de regarder les charges de chacune pour les traiter de manière différenciée.

M. Jean-Marc Gabouty . - Le Gouvernement prévoit une hausse de la masse salariale de 3,5 % en 2019 et une baisse sensible du taux d'inflation. La masse financière disponible pourrait s'orienter vers la consommation ou vers l'épargne. Dans la mesure où la croissance ne devrait pas être supérieure en 2019 à ce qu'elle était en 2018, dois-je conclure que l'on anticipe une hausse de l'épargne en 2019 ?

Vous avez indiqué, à juste titre je crois, que le décalage entre l'augmentation et la réduction des prélèvements sur les ménages avait entraîné une stagnation de leur consommation, qui a été défavorable au taux de croissance au premier semestre. Un rattrapage aura nécessairement lieu, avec la réduction de la taxe d'habitation et des cotisations salariales ainsi que le versement au 15 janvier 2019, dans le cadre du prélèvement à la source, d'un acompte de 60 % concernant certaines réductions d'impôts. Bref, peut-on estimer que le 1 er semestre 2019 aura une trajectoire inverse de celle constatée en 2018, et cela ne générera-t-il pas, toutes choses égales par ailleurs, un taux de croissance plus élevé ?

M. Claude Raynal . - Je rejoins Christine Lavarde, même si l'optimisme sur les effets de la contractualisation est plutôt le fait du Gouvernement que de la Cour des comptes.

Je veux rappeler qu'un des soucis que nous avions l'an dernier était de savoir si les résultats accumulés dans les collectivités du fait de la diminution des dépenses seraient finalement bien utilisables pour augmenter l'investissement.

J'aurais été ravi, en 2016, de lire le mot « plausible » dans l'avis du Haut Conseil sur le PLF pour 2017. La prévision de croissance de 1,5 % était alors jugée optimiste ; nous avons fait 2,2 % ! Et la justification était terrible : « le scénario de croissance retenu tend à s'écarter du principe de prudence ». Phrase redoutable ! Je salue la prudence nouvelle du Haut Conseil et je me réjouis que le terme « plausible » puisse être employé. Vous écrivez toutefois de plus en plus volontiers que la croissance est très difficile à évaluer, car nous pouvons connaître des phénomènes de relance ou de récession très rapides.

M. Didier Migaud . - Il faut toujours resituer les avis du Haut Conseil dans leur contexte. Ce que nous disions alors, c'est que compte tenu des hypothèses macroéconomiques présentées par le Gouvernement, la réalisation du scénario de finances publiques retenu était improbable. Ce qui s'est passé depuis l'a fortement démontré. Nous ne nous prononcions donc pas tant sur les hypothèses macroéconomiques - même si l'on pouvait alors les trouver optimistes - que sur la crédibilité du scénario global pour les finances publiques. Nous le voyons bien avec le résultat pour 2017 : il est à peu près celui annoncé, mais avec une croissance de 2,3 %, et non de 1,5 % comme le prévoyait le Gouvernement !

Certaines de vos questions ne concernant pas le Haut Conseil des finances publiques, je ne saurai y répondre en tant que président ! Le rapport sur les finances locales dit que la réduction des dotations sous le quinquennat précédent a eu le résultat escompté, c'est-à-dire une plus grande maîtrise de la dépense : une baisse des dépenses d'investissement et un ralentissement des dépenses de fonctionnement et de personnel. Nous nous bornons à constater que l'objectif fixé a été atteint. L'actuel Gouvernement propose un dispositif de contractualisation. La Cour des comptes observe qu'il n'y a pas lieu pour l'instant de penser que les objectifs ne seront pas tenus ; les premiers chiffres pour 2018 illustrent la poursuite d'une plus grande maîtrise des dépenses de fonctionnement, même si elles peuvent repartir à la hausse compte tenu de certaines décisions prises par l'État.

Le rapport dit encore que globalement, la situation financière des collectivités territoriales s'améliore. La question se pose de savoir ce qu'elles feront de ces marges de manoeuvre reconstituées. S'il est toujours aussi nécessaire de maîtriser l'évolution des dépenses publiques - la Cour des comptes ne fait en la matière aucune recommandation -, le Gouvernement devra s'interroger sur le bon mécanisme à retenir. Nous nous bornerons à observer si l'exécution du dispositif retenu correspond à l'objectif qu'il s'était assigné. Nous ne disons donc pas que la méthode précédente est supérieure à l'actuelle, nous constatons que la réduction des dotations aux collectivités a été remplacée par un objectif de dépense et une contractualisation avec quelques grandes collectivités. Nous verrons dans le temps comment les choses se passent.

Le Haut Conseil ne s'est pas prononcé sur le prélèvement à la source. Dans un précédent rapport, la Cour des comptes a relevé une incertitude sur le rendement de l'impôt sur le revenu en 2019, à la hausse comme à la baisse. Le Gouvernement lui-même prévoit un taux de collecte légèrement inférieur au taux actuel, compte tenu des incertitudes de début d'année. Sur le comportement des ménages, il est difficile de se prononcer. La mensualisation sur douze et non plus sur dix mois aura peut-être un effet psychologique positif ; les incertitudes sont plus fortes pour ceux qui bénéficient de crédits d'impôt. Nul ne peut dire avec certitude ce qui se produira. L'impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui a remplacé l'ISF a pour l'heure un rendement plus important que prévu : relativisons donc les prévisions. Je reconnais qu'en raisonnant a posteriori , la Cour a toujours un avantage...

Il est tout aussi difficile de se prononcer avec certitude sur la consommation et la croissance. Le Gouvernement prévoit une augmentation du taux d'épargne en 2018 par rapport à 2017, et une stabilité en 2019. La consommation devrait en effet être un peu plus favorable au 1 er semestre 2019 en raison de l'inflation. Le Gouvernement table sur l'effet positif des baisses de cotisations, mais certains facteurs négatifs, tel le prix du pétrole ou la sous-indexation des retraites, pourraient avoir un effet psychologique. Selon les comportements des ménages, certains facteurs peuvent jouer à la hausse ou à la baisse. Ce qui s'est passé au premier et au deuxième trimestre 2018 n'est pas même complètement expliqué... Peut-être l'INSEE révisera-t-il bientôt ses estimations - il peut le faire jusqu'à deux ans après !

M. Vincent Éblé , président . - Merci, monsieur le président. Nous vous recevrons mardi prochain au titre de votre troisième casquette, celle de président du Conseil des prélèvements obligatoires.

III. EXAMEN DU RAPPORT (7 NOVEMBRE 2018)

Réunie le mercredi 7 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur les principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2019.

M. Vincent Éblé , président . - Nous examinons ce matin les principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2019.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Vous connaissez bien cet exercice autour du tome 1 du projet de loi de finances, qui commence par une présentation du scénario macroéconomique et des principaux équilibres du budget de l'année à venir. Toute une sémantique s'y attache généralement : plausible, atteignable...

Cette année, c'est le mot « crédible » qu'il faut employer pour le scénario macroéconomique.

Depuis le début de l'année, l'économie française croît deux fois moins vite que l'an passé. Ce ralentissement, qui a surpris par son ampleur, tient à la fois à la dégradation du contexte international - avec un ralentissement de la demande adressée à la France et une hausse des prix du pétrole - et à la sous-performance de la consommation des ménages. Le Gouvernement est contraint de revoir à la baisse son scénario de croissance : les nouvelles hypothèses de croissance sont de 1,7 % pour 2018 et 2019, contre respectivement 2,0 % et 1,9 % précédemment. Malgré cette révision importante, l'hypothèse du Gouvernement se situe dans la fourchette haute des estimations disponibles pour 2018, à 0,1 point au-dessus du consensus des économistes. L'enjeu n'est toutefois pas significatif sur le plan budgétaire. À défaut d'être prudent, le scénario de croissance du Gouvernement demeure donc « crédible », ainsi que l'a souligné le Haut Conseil des finances publiques. Les autres hypothèses sous-jacentes à la trajectoire du Gouvernement apparaissent en revanche raisonnables, voire prudentes.

S'agissant de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB - forte l'an dernier, et donc source de rentrées fiscales importantes -, le Gouvernement maintient sa prévision à 1,1 pour 2018, en cohérence avec les encaissements de recettes observés à ce stade de l'année. Pour 2019, il retient en revanche une élasticité égale à l'unité, ce qui paraît raisonnable après trois années au cours desquelles l'élasticité s'est établie à un niveau supérieur à sa moyenne historique.

S'agissant de la remontée des taux d'intérêt, le Gouvernement table sur une hausse au rythme moyen de 75 points de base par an tout au long du quinquennat. Cette hypothèse apparaît particulièrement prudente, le Consensus forecasts retenant un rythme de remontée des taux deux fois plus lent. À court terme, le scénario retenu apparaît même conservateur, avec par exemple une remontée des taux longs de 60 points de base d'ici la fin de l'année, loin des prévisions des conjoncturistes. Il ne faudrait pas cependant que la prévision de charge d'intérêts constitue une forme de « réserve de budgétisation » cachée qui échapperait au contrôle du Parlement !

Ce scénario reste toutefois entouré de fortes incertitudes. Certes, la prévision économique est un art périlleux. Les économistes, dit le proverbe que je cite souvent, ont été inventés pour que les météorologistes se sentent moins seuls... Vous trouverez dans le rapport une étude rétrospective qui le confirme empiriquement : au cours des 20 dernières années, le Gouvernement, le FMI et les instituts privés de conjoncture se sont ainsi trompés, en moyenne, de 0,9 point sur la croissance française ! Cela permet de relativiser certains de nos débats sur la prévision de croissance...

L'exercice de prévision apparaît cette année particulièrement difficile, dans la mesure où le scénario de croissance est affecté « d'un degré d'incertitude plus fort que les années précédentes », ainsi qu'a tenu à le souligner le Haut Conseil dans son avis. S'agissant de l'environnement international, de nombreux facteurs de risque sont susceptibles de se matérialiser : guerre commerciale avec les États-Unis, remontée brutale du pétrole, Brexit , situation budgétaire italienne... Nous avons tenté, dans le rapport, de modéliser l'impact des différents chocs macroéconomiques.

Sur le plan interne, il existe par ailleurs une incertitude sur la reprise de la consommation des ménages. Après la panne observée au premier semestre, liée aux effets calendaires de la politique fiscale du Gouvernement, le rebond au troisième trimestre a été de 0,5 %, contre 0,7 % escompté par l'Insee. Comme en témoigne l'évolution de l'indicateur de confiance, les ménages ne semblent pas avoir anticipé la hausse de leur pouvoir d'achat au dernier trimestre. Et l'on ne peut exclure que les craintes liées au prélèvement à la source et aux augmentations des prix et de la fiscalité des carburants prolongent leur attentisme...

Aussi, deux scénarios macroéconomiques alternatifs ont été élaborés à partir des estimations les plus optimistes et les plus pessimistes des instituts de conjoncture. Dans le scénario pessimiste, la sensibilité de la trajectoire budgétaire du Gouvernement au scénario retenu apparaît importante : la France se retrouverait ainsi sous la menace de l'ouverture d'une nouvelle procédure pour déficit excessif, et la dette se rapprocherait du seuil de 100 % du PIB.

Le Gouvernement a donc été contraint de revoir à la baisse ses ambitions en matière de redressement des comptes publics par rapport à ce qui était annoncé dans le débat d'orientation des finances publiques. Pour la première fois depuis 2009, le déficit public augmenterait l'an prochain, de 0,2 point de PIB. M. Darmanin arguerait sans doute de l'effet mécanique de la révision du scénario de croissance et du reclassement de la SNCF au sein des administrations publiques, mais il faut aussi faire une place dans l'explication au relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense, dont la croissance serait supérieure de 0,2 point à l'objectif initial.

Les comparaisons européennes en la matière sont en outre assez cruelles : certes, le surcoût temporaire lié à la transformation du CICE pèse à hauteur de 0,9 point de PIB sur l'exercice 2019, mais même en neutralisant cette mesure exceptionnelle, la France fait figure d'exception au niveau européen. Hors surcoût lié à la transformation du CICE, le déficit s'élèverait à 1,9 % du PIB en 2019, alors que le reste de la zone euro serait, d'après les prévisions du FMI, pratiquement à l'équilibre. L'effort de redressement des comptes publics prévu par le Gouvernement apparaît d'ailleurs très éloigné des règles budgétaires européennes. M. Moscovici, qui viendra nous rendre visite en décembre, nous expliquera sans doute que les règles ont été mises en place pour éviter que des divergences économiques majeures ne surviennent dans la zone euro...

Vous connaissez malheureusement trop bien l'évolution du ratio d'endettement en France et en Allemagne depuis 2006 : nous étions alors au même niveau ; la dette publique allemande a commencé à baisser en 2011-2012, tandis que la nôtre flirte à présent avec les 100 %. Plus grave : le montant des intérêts payés par la France à ses créanciers sera en 2022 de 31 milliards d'euros supérieur à celui que paiera l'Allemagne : c'est énorme, et c'est une dépense improductive. Songez à tout ce que nous pourrions faire avec 31 milliards d'euros ! C'est davantage que le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur. L'Allemagne disposera ainsi, contrairement à la France, de marges de manoeuvre budgétaires.

Aussi modeste soit-il, le redressement des comptes publics prévu par le Gouvernement suppose la mise en oeuvre d'environ 14 milliards d'euros d'économies, compte tenu des baisses de prélèvements obligatoires prévues par ailleurs. Pour ce faire, le Gouvernement revient à des mesures de « bouclage budgétaire » très classiques, qui ne sont pas sans rappeler le précédent quinquennat. D'abord, le rabot sur les pensions et les prestations sociales, pour un rendement de 3,5 milliards d'euros. Ensuite, des « fusils budgétaires à un coup » : le report au mois d'octobre de certains allègements de cotisations sociales prévus pour compenser la disparition du CICE permet ainsi une économie temporaire de 2,3 milliards d'euros, tandis que le renforcement du cinquième acompte ponctionne 1,5 milliard d'euros sur la trésorerie des entreprises. Enfin, des mesures structurelles d'ampleur limitée en matière de logement ou d'emploi, qui s'inscrivent très largement dans la continuité du précédent budget. J'y reviendrai dans l'analyse par sous-secteur.

L'État et ses groupements porteraient ainsi la totalité du besoin de financement des administrations publiques pour la troisième année consécutive. Pour la sphère sociale, l'assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite représenteraient 70 % de l'amélioration du solde attendue l'an prochain. Le Gouvernement se repose ainsi sur l'amélioration du contexte macroéconomique et les économies dégagées par les réformes des partenaires sociaux pour assurer le respect de sa trajectoire de redressement des comptes sociaux. Il renonce en revanche aux économies structurelles, puisque l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) croît de 2,5 %, soit une dépense supplémentaire de 400 millions d'euros par rapport à ce qui était initialement prévu.

S'agissant de la sphère locale, se pose tout d'abord la question de l'ampleur du rebond des dépenses d'investissement, porté par le cycle communal électoral. Si le Gouvernement anticipe une hausse des dépenses d'investissement de 4,9 % en 2019 hors Société du Grand Paris, la progression pourrait être plus rapide encore, compte tenu de la chute enregistrée entre 2014 et 2016. Par ailleurs, l'effet de la méthode de la contractualisation sur le besoin de financement de la sphère locale reste incertain, comme l'a récemment rappelé la Cour des comptes. Les premières données d'exécution transmises par le Gouvernement tendent néanmoins à confirmer la pleine détermination des collectivités territoriales à participer à l'effort collectif de redressement des comptes publics. On souhaiterait que l'État en fasse autant et nous allons pouvoir constater que les efforts restent à produire pour une large part...

J'en viens précisément au budget de l'État. Le déficit budgétaire reste ancré à un niveau très préoccupant. En 2018, avec 81,3 milliards d'euros, le déficit s'est aggravé par rapport à 2017, où il était de 67,7 milliards d'euros, même si l'aggravation est un peu moins forte que prévu dans la loi de finances initiale. La reprise de la croissance fin 2017 a ainsi produit ses effets sur les recettes fiscales en 2018. Le solde bénéficie aussi, sur un plan purement comptable, du retard de comptabilisation des droits d'enregistrements qui, à hauteur de 1,5 milliard d'euros, n'avaient pas été pris en compte fin 2017. L'État connaîtra son 45 e déficit budgétaire consécutif. J'entends encore Jean-Pierre Fourcade nous dire ici même qu'il avait été le ministre du dernier budget à l'équilibre en 1974... Ce sera le plus élevé de tous si l'on excepte les deux années qui ont suivi la crise financière de 2008, avec un niveau prévisionnel de 98,7 milliards d'euros.

Il faut reconnaître que l'aggravation par rapport à 2018 est d'abord due à un effet transitoire, avec la bascule entre le CICE et les cotisations dont j'ai déjà parlé, qui compte pour 20 des 25 milliards d'euros de baisse de prélèvements obligatoires. Il faut aussi compter avec le décalage d'un mois du prélèvement à la source : les encaissements commenceront au mois de février pour les revenus du mois précédent, donc l'impôt sur le revenu ne produira des encaissements que sur onze mois l'an prochain.

En sens inverse, la contribution des participations financières de l'État, l'extinction des dépenses liées au contentieux relatif à la taxe de 3 % sur les dividendes et l'évolution spontanée des recettes fiscales portée par la croissance contribueront positivement au solde.

Vous pouvez constater, sur le graphique, que la charge de la dette a un effet presque imperceptible sur l'évolution du déficit mais cette ligne risque d'être beaucoup plus épaisse dans les années à venir, comme nous venons de le voir.

Le Gouvernement communique sur le fait que le déficit budgétaire, « hors mesures de trésorerie », serait inférieur en 2019 à son niveau de 2018. Même si l'on veut neutraliser les effets transitoires de la double charge représentée en 2019 par l'application du CICE et des allégements de charge qui le remplacent ainsi que du décalage d'un mois du prélèvement à la source, il faut aussi tenir compte de l'augmentation du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés et de l'absence de compensation intégrale par l'État des allégements de charge imposés aux administrations de sécurité sociale. On aboutit alors à un déficit budgétaire « à périmètre constant » comparable à celui de 2018. Mais c'est bien le déficit total de 98,7 milliards d'euros qui pèsera sur le besoin de financement de l'État.

S'agissant des recettes, le projet de loi de finances n'apporte pas de réel infléchissement. Les recettes fiscales nettes diminueraient en 2019 parce qu'une fraction de TVA - pour un montant de 32 milliards d'euros - est transférée aux administrations de sécurité sociale afin de compenser les mesures d'allègements de charges. Sans cet effet, les recettes fiscales nettes augmenteraient de 18 milliards d'euros environ, principalement sous l'effet de l'évolution spontanée des recettes liée à la croissance. L'impôt sur le revenu devrait voir son produit baisser de 2,6 milliards d'euros, malgré la croissance économique, en raison du décalage d'un mois du prélèvement à la source ; l'impôt sur les sociétés, lui, progresserait, malgré la poursuite de la baisse de son taux normal ; j'évoquerai le cas spécifique de la TICPE dans un instant ; et j'ai déjà indiqué que la baisse substantielle du produit de la TVA résulte d'un transfert vers la sécurité sociale. Mais aux incertitudes sur le niveau du PIB il faut ajouter celles relatives à l'élasticité de chacune de ces recettes à la croissance du PIB.

J'en viens à la fiscalité écologique. Le projet de loi de finances pour 2019 ne contient pas d'article sur la hausse de la TICPE puisque celle-ci résulte du projet de loi de finances pour 2018, qui rendait plus raide la pente de notre trajectoire carbone. Nous avions alors refusé une hausse pluriannuelle déconnectée du coût de l'énergie. Malheureusement, la conjoncture nous donne raison. La TICPE vise d'une part à assurer la convergence des fiscalités du gasoil et de l'essence ; autrefois celle de l'essence baissait et celle du gazoil augmentait, désormais elles augmentent toutes les deux, l'une plus vite que l'autre. L'augmentation est de 3,7 milliards d'euros en 2018 par rapport à 2017 et elle atteindra 6,5 milliards d'euros en cumulé en 2019. Bref, si les gens manifestent déjà cette année, ils vont adorer l'année prochaine ! Le cumul des prélèvements supplémentaires d'ici à 2022 atteindra 46 milliards d'euros en cinq ans. Cela risque de ne pas être bien accepté.

Le Gouvernement dit assumer cette hausse au nom de la transition énergétique. On peut se réjouir d'un tel signal-prix, et certains acteurs ont les moyens de se reporter vers d'autres modes de transport, mais cette fiscalité dite écologique a essentiellement, disons-le, un objectif de rendement. Interrogée ici même à trois ou quatre reprises sur la part des 37,7 milliards d'euros de TICPE qui sera nouvellement affectée à la transition énergétique, Mme Wargon n'a pas su nous citer d'autres mesures que celles qui existent déjà... Ni l'Agence de financement des infrastructures de transport, ni les collectivités territoriales, ni le compte d'affection spéciale « Transition énergétique » ne percevront de recettes de TICPE supplémentaires : le surplus, qui passe de 13,3 à 17 milliards d'euros, ira intégralement au budget général de l'État. Notre commission n'est pas forcément favorable à la fiscalité affectée, mais il n'est pas honnête de dire que la TICPE aidera les Français en matière de conversion énergétique. Surtout, même au sein du budget de l'État, on ne note pas vraiment de dispositif nouveau ni de renforcement de mesures existantes pour soutenir les actions des ménages et des entreprises en faveur de la transition écologique : pour les principales dépenses fiscales, le CITE est divisé par deux, le coût du taux réduit de TVA à 5,5 % sur les travaux d'amélioration thermique reste contenu à 1,1 milliard d'euros environ. Les dépenses relatives au « chèque énergie » n'augmentent quant à elles que très légèrement...

Les dépenses fiscales baissent légèrement en valeur nominale, à 98,2 milliards d'euros, mais augmentent si on les rapporte au montant total des recettes fiscales nettes. La loi de programmation des finances publiques a fixé une trajectoire de baisse qui ne constitue guère une contrainte, et rien ne montre la volonté de ne pas céder à la tentation des niches fiscales.

La trajectoire de baisse des dépenses est toujours aussi peu perceptible. Un point positif cependant : la budgétisation des différentes missions de l'État est plus sincère. En particulier, le taux de mise en réserve au niveau de chaque programme hors dépenses de personnels, qui s'élevait à 8 % lors des exercices précédents, n'est que de 3 %. Toutefois le Gouvernement augmente considérablement les crédits non répartis, qui atteindront 850 millions d'euros en 2020. Le Gouvernement indique enfin que la réserve de précaution ne devrait pas être entièrement utilisée : nous vérifierons tout cela.

La loi de programmation des finances publiques a défini, je le rappelle, deux nouvelles normes de dépenses : la norme de dépenses « pilotables » recouvre les dépenses sur lesquelles l'État dispose d'une véritable marge de manoeuvre. Sur le quinquennat il est prévu qu'elle diminue de 1 % par an en volume. Or dès 2019 la cible devrait être dépassée de 600 millions d'euros environ. La norme de dépenses « totales » inclut également les prélèvements sur recettes, la charge de la dette, les investissements d'avenir, les pensions et d'autres dépenses qui dépendent moins directement des décisions prises chaque année par l'État. Cette cible devrait être atteinte en 2019, notamment par l'effet d'un prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne à un niveau moins élevé que prévu ; mais les objectifs relatifs à la norme de dépenses totales sont moins ambitieux que ceux qui concernent les dépenses pilotables.

J'en viens aux grandes masses du budget de l'État. Le premier poste est l'éducation nationale, qui représente 73 milliards d'euros. Il est assez frappant de constater que, malgré l'augmentation du budget de la Défense et le niveau historiquement bas des taux d'intérêt depuis plusieurs années, la charge de la dette est presque égale aux crédits de la mission « Défense », qui représente 44 milliards d'euros.

La plus grosse augmentation concerne la mission « Défense », conformément à la loi de programmation militaire. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » bénéficie quant à elle de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à hauteur de plus de 500 millions d'euros et de la prime d'activité pour plus de 700 millions d'euros, ainsi que de la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté. Une dépense n'est toutefois pas intégrée à ce budget, ni à la programmation pluriannuelle : le service national universel, qui coûtera entre 2 et 4 milliards d'euros, et dont nul ne sait quel sera le financement.

Les baisses de dépenses concernent les missions « Travail et emploi » et « Cohésion des territoires » qui ne font pourtant pas partie des missions les plus fortement dotées du budget général. Outre des effets de périmètre, ces baisses correspondent à l'extinction des mesures du plan d'urgence pour l'emploi, en particulier l'aide temporaire à l'embauche dans les PME - en diminution de 1 milliard d'euros - et les contrats aidés - qui représentent une baisse de 850 millions d'euros. La mise en place du versement des aides personnelles au logement contemporain aux revenus devrait également réduire les dépenses d'environ 900 millions d'euros en 2019.

Le Gouvernement annonce une diminution de 4 164 emplois, les principales baisses concernant les ministères de l'action et des comptes publics et de l'éducation nationale. Des emplois sont en revanche créés aux ministères de l'intérieur, de la justice et des armées. Des efforts restent à faire au regard des objectifs annoncés sur le quinquennat. Cette diminution est notable par rapport à la très légère baisse de 1 600 emplois en 2018, mais demeure très insuffisante pour dessiner une véritable de trajectoire de réduction des effectifs de l'État : on ne voit pas comment l'objectif de diminution de 50 000 emplois sur cinq ans pourra être atteint. D'ailleurs, la masse salariale augmente de 1,35 milliard d'euros, soit 1,6 %, par la combinaison des mesures catégorielles, de l'impact du glissement vieillesse technicité et de l'effet des créations d'emploi antérieures. Manquent toujours de vraies réformes de structure de l'État. Le rapport du programme « Action publique 2022 » finira sur une étagère, comme je le craignais, puisque le Gouvernement a déjà refusé de le publier.

J'en viens à la question du pouvoir d'achat, puisque c'est la bannière sous laquelle le Gouvernement le présente - même si je doute que la formule ait pris dans l'opinion.

M. Jérôme Bascher . - Si, mais pas dans le bon sens !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il s'agit d'une préoccupation tout à fait légitime, dans la mesure où le pouvoir d'achat des Français stagne depuis dix ans. Le Gouvernement a ainsi mis en avant le gain de pouvoir d'achat que représenterait la baisse de 6 milliards d'euros des prélèvements obligatoires sur les ménages prévue l'an prochain. Or cette présentation est trompeuse : les deux tiers de cette baisse correspondent à l'effet décalé de la compensation du manque à gagner lié à la hausse de la CSG. De plus, la présentation du Gouvernement ne tient pas compte des effets des mesures décidées par les partenaires sociaux, ni de l'effet des baisses de prestations sociales. Le quasi gel des allocations et des retraites, c'est pourtant bel et bien du pouvoir d'achat en moins ! En tenant compte de ces différents biais, l'OFCE et l'Institut des politiques publiques (IPP) s'accordent sur le fait qu'après une « année blanche » en 2018, les ménages ne bénéficieront que d'un gain de pouvoir d'achat très limité l'an prochain, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. En réalité, la politique gouvernementale revient pour l'essentiel à transférer du pouvoir d'achat d'une catégorie de ménages à une autre.

L'Assemblée nationale en a demandé une à l'Institut des politiques publiques sur les gagnants et les perdants du budget. Les anciens assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune - mauvais impôt au demeurant - ou les ménages imposés au prélèvement forfaitaire unique sont gagnants. Les perdants sont les retraités, les ménages modestes, et une partie des classes moyennes supérieures.

Mme Wargon a beau nous dire que le prix de l'alimentation baisse, le principal moteur du pouvoir d'achat reste le retour de la croissance. D'autres pays, y compris dans le sud de l'Europe, ont fait le choix de conduire les réformes nécessaires pour y parvenir : c'est plus efficace que les transferts entre les différentes catégories de population.

Nous discuterons mercredi prochain de la loi de finances rectificative qui nous est soumise en milieu de PLF, et des articles du PLF pour 2019, qui prennent parfois d'une main ce qui a été donné d'une autre.

M. Roger Karoutchi . - Certains responsables de l'OCDE, que j'ai rencontrés, sont revenus sur leur optimisme : ils parlent désormais de 1,4 % ou 1,5 % de croissance pour la France en 2018, et autour de 1,5 % en 2019. Bref, de mois en mois ou de trimestre en trimestre, les prévisions sont de plus en plus négatives. À ce rythme, on nous annoncera bientôt des gels de crédits, avant même qu'ils soient votés ! Je ne crois pas du tout à la hausse du prix du pétrole malgré la crise actuelle, car les pays de l'OPEP ont décidé d'augmenter massivement leur production. Cessons d'ailleurs d'incriminer le marché du pétrole : le problème de la France, c'est le manque absolu de confiance des investisseurs internationaux à son égard. Tant que l'État ne restaurera pas son crédit, la croissance ne reviendra pas. On nous avait dit il y a un an, en plein Brexit , que les investisseurs allaient se battre pour entrer chez nous : ils se battent peut-être, mais pas pour cette raison ! Faut-il continuer à se dire que 1,6 % ou 1,7 % de croissance, ce n'est pas si mal ? Nous pourrions aussi être à zéro, certes, mais tout de même, à ce niveau, on sait pourtant bien qu'on ne crée pas d'emplois ! Nos voisins, eux, ont une certaine continuité dans leur politique économique, ou mènent une franche politique d'attractivité fiscale, ou ont su restaurer la confiance. À défaut de les imiter, nous n'aurons que des miettes.

M. Claude Raynal . - Je veux vous féliciter, monsieur le rapporteur général, pour cette présentation annuelle, toujours très bien faite, et dont la continuité formelle d'une année sur l'autre permet de s'y retrouver aisément.

Je vous trouve très modéré dans l'analyse des hypothèses... En somme, vous n'avez rien à dire sur ce chapitre ! Vous avez certes eu du mal à vous remettre du PLF pour 2017, dont vous jugiez les hypothèses impossibles et inatteignables - je rappelle que l'objectif du Gouvernement était 1,5 %, que vous prédisiez 1,2 %, et que l'on a fait 2,2 % : ce fut une claque ! C'est peut-être pourquoi, depuis deux ans, vous ne vous risquez plus à faire le moindre commentaire.

Un point me chagrine toujours : vous insistez systématiquement sur le redressement des comptes publics, mais jamais sur le moyen de faire entrer des recettes. Or l'an dernier, nous avons perdu définitivement au moins 5 milliards d'euros, du fait des réformes de la fiscalité du patrimoine, peut-être davantage compte tenu des effets à retardement du prélèvement forfaitaire unique. Avant d'en trouver de nouvelles, il est souhaitable de ne pas se priver de recettes, surtout lorsque l'on ne va pas très bien... En outre, et sans vouloir faire du mauvais Éric Bocquet - qui est toujours remarquable -, il serait bon de faire apparaître quelque part, en pointillés le cas échéant, les 70 ou 75 milliards d'euros de fraude fiscale qui nous manquent. Pour le faire, il faudrait renforcer les systèmes de contrôle fiscaux, ce que vous pourriez d'ailleurs proposer. Créer dans ces services des postes de fonctionnaires serait non pas une charge mais l'assurance de recettes futures ! Sait-on seulement quel est le niveau de fraude fiscale en Allemagne et dans les autres pays voisins ? Voilà un sujet qu'il serait intéressant d'expertiser et qui rééquilibrerait le débat.

Sur le budget du pouvoir d'achat, votre démonstration est pertinente.

Mme Christine Lavarde . - Je ne m'explique pas le décalage de trésorerie d'un mois s'agissant du prélèvement à la source. Le mois de janvier 2019 sera pourtant prélevé.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Certes, mais l'impôt du mois de janvier 2019 ne sera reversé à l'État qu'au mois de février. De même, l'État ne percevra qu'au mois de janvier 2020 l'impôt sur le revenu prélevé en décembre 2019. Dès lors, les recettes fiscales de l'année 2019 seront amputées d'un mois en comptabilité budgétaire.

M. Jacques Genest . - La fiscalité écologique me semble plutôt constituer un moyen d'augmenter les recettes du budget général. En outre, les dispositifs destinés à la transition énergétique, peu motivants, n'apparaissent pas des plus efficaces. Le diesel fait l'objet de virulentes critiques ; pourtant, il ne pollue pas davantage que l'essence. Le ministre de la transition écologique a récemment annoncé devant notre commission une subvention de 30 % sur le changement des cuves à mazout - il me semble qu'il s'agit plutôt des chaudières - mais je ne suis pas certain que cette mesure modifie la consommation des Français. Soyons, par ailleurs, réalistes : les véhicules électriques, coûteux, ne sont pas idéalement adaptés aux déplacements dans les zones rurales. Nous avons installé, au prix d'un effort important, une centaine de bornes en Ardèche, mais leur utilisation demeure rare. Du reste, le développement du véhicule électrique nécessite une production d'électricité à un niveau que seul offre actuellement l'industrie nucléaire, qui ne plaît guère à l'opinion publique. Nous avons également installé des éoliennes et cherchons à développer les équipements photovoltaïques, mais nous nous heurtons aux complications générées par l'État et par la commission de régulation de l'énergie (CRE). Alors que le Gouvernement augmente la taxation des carburants, il supprime les aides aux territoires pour les énergies positives, qui constituaient pourtant un instrument efficace de développement des énergies renouvelables. Quel sera enfin le coût des mesures de compensation, qui nécessiteront des contrôles ? Les collectivités territoriales ne doivent pas payer pour les erreurs de l'État !

M. Pascal Savoldelli . - Le projet de loi de finances pour 2019 s'inscrit dans la continuité du précédent. Nous évoquons fréquemment le problème de la dette publique, mais trop rarement celui de la dette privée des ménages et des entreprises à laquelle, pourtant, l'État est confronté. Lorsque les crédits à la consommation explosent ou que les entreprises rencontrent des problèmes de solvabilité, l'État rachète en partie des dettes contractées. Notre commission devrait, il me semble, mieux appréhender les conséquences de la dette privée. Auprès de qui l'État se finance-t-il ? Selon qu'il s'agisse des marchés ou de la banque centrale, les résultats peuvent varier.

Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) axera sa contribution sur les recettes de l'État, dont la logique, en réalité, ne fonctionne pas. À titre d'illustration, la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) n'a entraîné que 0,1 % d'investissements nouveaux dans les petites et moyennes entreprises au regard de leur valeur patrimoniale. La politique fiscale doit être jugée sur ses effets réels... De même, l'allègement de 50 milliards d'euros de cotisations sociales ne semble nullement provoquer une croissance de la consommation des ménages. Si nous voulons éviter tout excès de populisme, il faut expliquer aux Français le fonctionnement et l'utilisation de la TICPE : 7,2 milliards d'euros servent au financement de mesures destinées à la transition énergétique pour les ménages et les entreprises, 12,3 milliards d'euros bénéficient aux collectivités territoriales - l'enveloppe est stable, alors que leurs charges augmentent - et 17 milliards d'euros sont versés au budget de l'État et, partant, participent au financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et des allègements de cotisations sociales. Ayons un débat contradictoire public, signe d'une démocratie vivante, au lieu d'attiser la colère populaire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je partage l'analyse de Roger Karoutchi : malgré une croissance de 1,5 %, l'attractivité de la France demeure en berne et son positionnement recule dans les classements internationaux. Le fossé se creuse par rapport aux pays qui se sont réformés en profondeur ou qui, comme l'Allemagne, ont conservé une industrie puissante.

Claude Raynal, notre commission s'intéresse au sujet de la fraude fiscale, mais je reste prudent en matière d'estimation. Comme j'ai pu le constater en rencontrant certains services fiscaux dans le cadre de mes travaux sur la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, le phénomène concerne principalement la TVA, dont le rendement annuel s'élève à 180 milliards d'euros. Hélas, la volonté du Gouvernement de lutter contre la fraude à la TVA n'apparaît pas toujours évidente ; il n'est que de voir le sort de certains amendements que nous présentons, même si nous sommes parvenus à avancer sur la responsabilité solidaire des plateformes en ligne par exemple. Notre groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales a entendu des représentants de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Direction générale des finances publiques (Dgfip), qui n'ont pas nécessairement fait preuve d'un grand enthousiasme pour faire évoluer les choses s'agissant des arbitrages sur dividendes.

Je partage l'analyse de Jacques Genest : l'augmentation de la fiscalité énergétique - 46 milliards d'euros d'ici 2022 - bénéficiera principalement au budget de l'État. La part réservée au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » - achat d'énergies renouvelables et dette d'EDF - apparaît stable. Cela étant, certaines dépenses à finalité écologique sont prises en charge par le budget général de l'État, à l'instar du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), dont le coût diminue, compte tenu de son recentrage, pour s'établir à 880 millions d'euros en 2019, ou le « chèque énergie ». En réalité, les dépenses relatives à la transition énergétique tendent à stagner voire à diminuer et la fiscalité dite écologique augmente, surtout pour financer les dépenses du budget général : la présentation du Gouvernement n'est guère honnête, d'autant que le signal prix ne fonctionne que si les Français disposent des moyens de changer de véhicule.

M. Éric Bocquet . - Comment expliquer que les milliardaires français aient vu leurs revenus croître de 30 % l'an passé ? Selon les chiffres publiés par le Gouvernement pour le déficit de l'année 2018, il apparaît que 4,5 milliards d'euros ressortent de l'annulation de la taxe sur les dividendes. Parallèlement, la France est devenue championne de la distribution de dividendes... Votre constat, excellent, manque hélas d'une vision prospective. Si d'aventure le poste de ministre de l'économie et des finances vous était confié, quelles seraient les trois mesures que vous prendriez en priorité ?

M. Jérôme Bascher . - À la lecture de votre rapport, il apparait que le déficit de l'État ne cesse de croître sur la période 2017-2019, plus encore si le déficit issu des organismes divers d'administration centrale, qui en constituent un démembrement, y est adjoint. De même, alors que les différentes branches de la sécurité sociale tendent vers l'équilibre, les hôpitaux, pilotés par les agences régionales de santé (ARS), affichent des déficits abyssaux. Les collectivités territoriales, souvent critiquées pour leur gestion, apparaissent, quant à elles, à l'équilibre.

La notion de norme de dépenses pilotables m'intrigue quelque peu. Les pensions de retraite ne seraient-elles pas pilotables ? Il s'agit davantage, à mon sens, de dépenses que l'État ne souhaite pas piloter... Quoi qu'il en soit, en 2018, il n'a pas respecté cette norme. L'annonce d'un déficit pour l'année 2018 amélioré d'1,3 milliard d'euros s'entend-elle par rapport à la loi de finances pour 2019 ou par rapport à la loi de finances initiale ?

M. Jean-François Rapin . - Le développement des véhicules électriques présente des difficultés dont nous avons tous fait l'analyse dans nos territoires. Ces véhicules sont en général acquis pour une durée de trois ans. A l'heure du renouvellement, les aides qui ont permis le premier achat ne peuvent plus être sollicitées. Dès lors, le parc pourrait s'en trouver réduit dans les prochaines années, d'autant que ces véhicules, coûteux, ne sont pas adaptés à tous les usages, notamment en milieu rural. Nous devrions, à mon sens, centrer notre réflexion sur le second véhicule des familles.

M. Claude Nougein . - D'aucuns affirment que les recettes fiscales diminuent lorsqu'est réduit le taux d'imposition. Je crois l'inverse ! Prenez la diminution progressive du taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, annoncée sous la présidence de Jacques Chirac mais tout juste mise à exécution alors que la même mesure a été appliquée en quinze jours aux États-Unis : le premier palier - un taux de 28 % en 2019 - devrait entraîner une croissance de 23 % des recettes de l'impôt. De la même manière, le prélèvement forfaitaire de 34 % sur les dividendes va certainement conduire à une augmentation des recettes de l'impôt sur le revenu au titre des dividendes car les entreprises rapatrieront en France certains dividendes.

M. Jean-Claude Requier . - La présentation du rapporteur général était claire, complète et pédagogique ; je l'en remercie. Je suis, pour ma part, effaré de constater l'ampleur du déficit budgétaire de l'État - 100 milliards d'euros en 2019. Il faudrait en afficher le montant sur la façade de Bercy ! Selon vous, le prélèvement à la source permettra-t-il d'améliorer le recouvrement de l'impôt sur le revenu ?

M. Arnaud Bazin . - Disposez-vous d'éléments précis sur les recettes par taxation des sociétés d'autoroutes, qui semblent diminuer en 2019 alors que l'activité économique desdites sociétés apparaît florissante ?

M. Didier Rambaud . - Je suis surpris par la véhémence du débat sur la TICPE depuis une quinzaine de jours. Je rappelle qu'en matière budgétaire, la règle applicable est celle de la non affectation des taxes. N'oublions pas le caractère comportemental de la politique fiscale, à l'instar de celle appliquée au tabac. Notre commission a-t-elle prévu de travailler prochainement sur les dépenses énergétiques ?

M. Gérard Longuet . - Le niveau de la TICPE et son évolution sont absolument terrifiants ! Les sommes atteintes sont considérables ! La volonté politique en la matière apparaît difficilement compréhensible : le débat sur la transition énergétique s'établit sur le registre de l'incantation sans prendre en considération les conditions de vie de nos concitoyens. La révolte politique semble inévitable, compte tenu du nombre élevé d'automobilistes et de la conscience qu'ont les Français du caractère exemplaire de leur pays en matière d'émissions de carbone. En outre, des niches demeurent préservées : le kérosène des avions, par exemple, n'est pas soumis à la TICPE - peut-être pour préserver la compétitivité de la France dans la perspective de la privatisation d'ADP ? Qu'en est-il, dans ce cadre, de la SNCF, alors que de nombreux trains régionaux roulent au gasoil ?

La solution électrique ne peut être universelle et fait, par ailleurs, la fortune des fabricants chinois de batteries. Les incantations du Gouvernement ne changeront rien à l'absence d'industrie européenne dans ce secteur. Du reste, si des industriels s'établissaient dans nos territoires, ils risqueraient fort de ne pas survivre à la compétitivité chinoise, comme ce fut le cas dans l'industrie photovoltaïque. La meilleure solution consisterait, à mon sens, à rajeunir le parc thermique car les véhicules consomment de moins en moins de carburant. Hélas, la brutalité du Gouvernement pour parvenir à ses fins méconnaît la réalité et nos concitoyens qui roulent le plus ne profitent pas des aides allouées au rajeunissement du parc automobile. En Allemagne, que jouxte ma région, la société est bien moins punitive envers les automobilistes... Notre commission devrait effectivement se pencher sur la politique de transition énergétique, afin de la rendre plus respectueuse des réalités économiques et sociologiques. Nos concitoyens ne peuvent tous se déplacer en trottinette sur les trottoirs des métropoles !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Plusieurs collègues ont évoqué la problématique de la fiscalité énergétique. Effectivement, Didier Rambaud, la règle habituelle est celle de la non affectation des taxes, mais je vous rappelle que l'argument a été utilisé par le Gouvernement, souvenez-vous de l'audition de Mme Wargon... En outre, les dépenses liées à la transition énergétique diminuent globalement : la TVA à 5,5 % sur les travaux d'habitation demeure dans une enveloppe stable, le CITE recule à 880 millions d'euros en 2019, la prime à la conversion progresse mais c'est un dispositif autofinancé par le malus et seul augmente le montant dévolu au chèque énergie. Certes, le signal prix peut être entendu, mais seulement par les Français qui en ont les moyens ! Les véhicules les plus propres sont si coûteux... En l'absence d'alternative crédible proposée à nos concitoyens, la révolte gronde, et je ne vois guère comment l'augmentation de la TICPE prévue d'ici 2022 pourrait s'avérer supportable. Les alternatives au gasoil non routier sont, par exemple, souvent inexistantes : il n'y a ni tractopelle ni goudronneuse électrique. Nos entreprises vont donc perdre en compétitivité et la construction de routes deviendra plus coûteuse pour les collectivités territoriales. Il serait effectivement intéressant de réaliser une étude sur la politique de transition énergétique.

Je partage l'analyse de Jean-François Rapin et de Gérard Longuet sur les véhicules électriques, d'autant qu'après avoir incité pendant des années les Français à rouler au diesel, le revirement paraît brutal ! Le sujet est différent pour les avions car la convention de Chicago interdit depuis 1944 la taxation du kérosène sur les vols internationaux. Quant aux vols intérieurs, une telle taxation serait dommageable, notamment pour les destinations difficilement accessibles en train. Il m'est arrivé de payer plus cher un billet en vol intérieur que pour Tokyo ! La SNCF échappera, comme les agriculteurs, à la suppression de la niche sur le gasoil.

Dans votre hypothèse, Éric Bocquet, je commencerais par revenir sur la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, parfois déresponsabilisante, pour inciter les administrations à réaliser des économies ; je supprimerais les doublons s'agissant des missions de l'État par rapport à ce qui a été transféré, notamment dans les domaines du social, du tourisme et des routes ; je privilégierai enfin l'emploi dans les services publics de terrain au détriment des effectifs des administrations centrales.

Effectivement, Claude Nougein, selon la courbe de Laffer, le rendement de l'impôt diminue au-delà d'un certain taux. Figurez-vous que j'ai rencontré Arthur Laffer il y a quelques années : il considérait que la France représentait le laboratoire d'application parfait de sa théorie. De fait, lorsque la déclaration au forfait applicable pour la rémunération des employés à domicile a été supprimée, les recettes ont diminué, certains ayant adapté leurs comportements.

S'agissant de la taxe sur les sociétés d'autoroutes, Arnaud Bazin, il me semble que c'est son affectation qui est modifiée en 2019 davantage que son rendement. Les dépenses non pilotables ont été contenues normalement, tandis qu'en matière de dépenses pilotables, la norme a été dépassée de 600 millions d'euros.

M. Yvon Collin . - S'agissant de la dotation intercommunale, la commission a-t-elle reçu les simulations promises ? Qu'en est-il, par ailleurs, du chantier de la contractualisation avec les grandes collectivités territoriales aux fins de limiter leurs dépenses ? Elles ont déjà réalisé des efforts importants dans ce domaine. Enfin, quel est l'état du débat sur le déficit structurel ?

M. Philippe Adnot . - Je n'ai rien lu dans votre rapport sur le déficit du commerce extérieur de la France. Cela signifie-t-il qu'il n'a guère de conséquences sur le déficit de l'État ?

M. Bernard Delcros . - Certes, il peut sembler louable de vouloir changer les comportements automobiles des Français, mais sans solution alternative crédible, l'augmentation de la TICPE ne conduit qu'à creuser les inégalités sociales et territoriales.

Dans quelle mesure la croissance des recettes de l'impôt sur les sociétés en 2019, après un recul en 2018, peut-elle être liée au passage du CICE aux allègements de cotisations sociales ?

M. Jean-François Husson . - Après la détérioration de 2018 et alors que les prélèvements obligatoires atteignent des sommets, le solde budgétaire prévisionnel de 2019 m'inquiète. La question des taxes affectées n'est pas si manichéenne, comme l'a montré un récent rapport, mais, en tout état de cause, le Gouvernement a lui-même fait le lien entre la TICPE et les dépenses énergétiques. Hélas, même si les élus portent un message raisonnable sur le sujet, ils sont débordés par les réseaux sociaux. Je soutiens, comme beaucoup de Français, la transition énergétique, mais la rupture imposée me semble trop brutale et violente, pour nos concitoyens comme pour nos industries. Les conséquences sur le climat ne doivent pas être confondues avec la pollution. Le diesel, par exemple, est, pour le climat, meilleur que l'essence et, pour les plus récents modèles de véhicules, moins nocif pour la santé. Par ailleurs, le transport maritime, pour la régulation duquel aucune action n'est engagée, pollue bien davantage que les automobiles, notamment dans des zones fragiles comme l'Arctique. Le risque d'un cataclysme politique existe à l'occasion des prochaines élections européennes. L'Europe devrait se saisir du sujet et le Sénat, dans sa grande sagesse, entamer un dialogue sur la fiscalité énergétique avec le Gouvernement.

M. Emmanuel Capus . - Cela a été dit, mais il faut le rappeler, la hausse de la TICPE ne date pas du gouvernement actuel, mais découle d'abord des engagements pris par la France dans le cadre de la COP 21. C'est dans ce contexte général qu'il faut clairement expliquer aux gens que cette augmentation n'est pas une mesure de transition énergétique ; elle vise d'abord à modifier les modes de transport et de consommation.

Si nous sommes tous favorables à la transition écologique et énergétique, il est vrai que les mesures liées à cette transition posent la question de leur acceptabilité, d'autant que les personnes concernées ne peuvent pas toujours se tourner en pratique vers une solution alternative - c'est par exemple le cas dans le secteur des travaux publics ou pour le chauffage en milieu rural. Quand il n'existe pas d'alternative, taxer davantage ne peut pas, par définition, modifier les comportements.

Les décideurs publics doivent absolument prendre en compte cette question de l'acceptabilité. Sinon, une bonne mesure risque d'être rejetée massivement. La gronde qui monte peut être violente et nous amener au-delà de ce qui est souhaitable en termes de politique publique. C'est pourquoi nous devons mesurer nos critiques.

Qui plus est, je rappelle que les efforts qui sont demandés aux Français et qui ont des conséquences importantes dans leur vie quotidienne ne représentent que 0,9 % des émissions de carbone dans le monde, soit un niveau marginal pour la planète ! Cela renforce le caractère difficilement acceptable d'une telle mesure.

M. Philippe Dominati . - Comme cela est indiqué dans le document de présentation du rapporteur général, les intérêts de la dette sont le troisième poste de dépenses dans le budget de l'État, le déficit atteint un niveau record et les prélèvements obligatoires comme les dépenses publiques sont toujours aussi élevés. On entend parfois dire que ce gouvernement est libéral, voire ultralibéral ; en fait, il n'y a aucune rupture par rapport au quinquennat précédent ! Nous sommes toujours dans une tendance sociale-démocrate.

La France reste le pays, en particulier en Europe, où les citoyens sont les plus imposés, l'État le plus dépensier, les contraintes et normes les plus fortes. Le Premier ministre parle de réforme de l'État, mais on ne voit rien dans le projet de loi de finances à ce titre, ni dans votre intervention, monsieur le rapporteur général. J'ai l'impression que l'interventionnisme étatique est un acquis dans notre société, ce qui n'est pas satisfaisant. Quelles sont les solutions réellement différentes, qu'une majorité de droite pourrait mettre en place ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le rapport écrit contient évidemment des développements plus conséquents sur plusieurs sujets qui ont été évoqués.

J'y regrette notamment l'abandon de la réforme de l'État : aucune des pistes du Comité « Action publique 2022 » n'a été véritablement explorée à ce stade ! De telles réformes ne peuvent fonctionner que s'il existe une réelle appropriation politique du processus, ce qui fut le cas dans tous les pays qui avaient un niveau de dépenses très élevé et qui ont réussi à moderniser l'État - je pense à l'Allemagne, au Canada ou à la Suède. En France, ces sujets restent malheureusement à un niveau technocratique.

La première question que nous devons nous poser est celle du périmètre des missions de l'État - il ne doit pas s'occuper de tout ! Certaines missions sont très bien assurées par d'autres acteurs, par exemple les collectivités territoriales. Il existe une forme de contradiction : l'État est omnipotent, alors que les Français ont le sentiment que le service public est de moins en moins présent et efficace ! Je rappelle que la France bat deux records cette année : le niveau des dépenses publiques - premier pays au sein de l'OCDE - et celui des prélèvements obligatoires - premier pays au sein de l'Union européenne. Or je ne suis pas certain que les Français aient l'impression que le service public est mieux rendu qu'il y a dix ans ! Les administrations centrales ont grossi, tandis que la présence de l'État sur le terrain se réduit.

Par ailleurs, 228 collectivités locales ont signé une convention avec l'État et, parmi celles qui étaient concernées par ce dispositif, une centaine ne l'a pas fait. Selon les indications qui nous ont été fournies, l'objectif de maîtrise de la dépense de fonctionnement devrait être atteint en 2018, voire dépassé.

Philippe Adnot, il est vrai que le commerce extérieur est un facteur important de croissance et que nous connaissons un différentiel important avec l'Allemagne sur ce sujet. Le Brexit ne devrait pas améliorer les choses, puisque le Royaume-Uni constitue aujourd'hui notre premier excédent commercial.

En ce qui concerne la fiscalité énergétique, le sujet est en effet dangereux. Il est vrai que la France a pris des engagements, mais ils ne peuvent pas être complètement décorrélés des cours du pétrole, dont l'évolution est évidemment impossible à prévoir sur le moyen terme. Or le Gouvernement nous a demandé de voter des évolutions sur cinq ans !

En outre, comme cela a été dit, il n'existe pas toujours d'alternative au pétrole ; dans cette situation, augmenter la TICPE ne constitue qu'une taxation supplémentaire pour les secteurs économiques ou les personnes concernés. Je pense moi aussi aux travaux publics ou à la question du chauffage en zone rurale.

Bernard Delcros, l'impôt sur les sociétés devrait connaître un surcroît de recettes d'environ deux milliards d'euros du fait de la transformation du CICE en baisse de charges et de 1,5 milliard d'euros du fait du cinquième acompte.

La commission a donné acte au rapporteur général de sa communication sur les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2019.


* 1 Les comptes peuvent être corrigés des jours ouvrables pour neutraliser ce qui relève de simples effets calendaires sans lien avec l'évolution macroéconomique sous-jacente.

* 2 Insee, « Investissement tonique, consommation en demi-teinte », note de conjoncture, mars 2018.

* 3 Voir sur ce point le rapport d'information n° 649 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2019, fait au nom de la commission des finances et déposé le 11 juillet 2018.

* 4 Thomas Brand, « Évaluation du budget 2019 : approche macroéconomique », Cepremap, 2018.

* 5 Insee, « Le PIB progresse de 0,4 % au troisième trimestre 2018 », Informations rapides, n° 288, 30 octobre 2018.

* 6 HCFP, avis n° HCFP-2018-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2019, 19 septembre 2018.

* 7 Ce résultat correspond à la valeur de semi-élasticité budgétaire retenue par la Commission européenne (0,603) à partir de l'estimation économétrique de l'élasticité individuelle des recettes et dépenses sensibles à la conjoncture et de leur poids moyen dans le PIB. Intuitivement, il s'explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent un peu plus de la moitié du PIB.

* 8 Voir notamment : rapport d'information n° 438 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 18 avril 2018, pp. 11-13.

* 9 Une approximation de ce résultat peut facilement être retrouvée. L'augmentation spontanée des prélèvements obligatoires est obtenue en multipliant le montant des prélèvements obligatoires de l'année n, hors one-off, par le taux de croissance en valeur et l'élasticité de l'année n+1.

* 10 Voir sur ce point : rapport n° 628 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, fait au nom de la commission des finances et déposé le 4 juillet 2018, p. 22 et s.

* 11 HCFP, avis n° HCFP-2018-3 précité, pp. 13-14.

* 12 Chaque année, l'évolution de l'écart de production dépend ainsi de l'évolution respective de la croissance effective et de la croissance potentielle : si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, l'écart de production se creuse ; inversement, si la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, le « potentiel de rebond » de l'économie diminue.

* 13 Pour une analyse détaillée, voir : rapport précité n° 628 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 4 juillet 2018, p. 12 et s.

* 14 Trésor-éco, « Que nous disent les enquêtes de conjoncture sur la position de l'économie dans le cycle ? », n° 223, juin 2018.

* 15 Source : réponses du Gouvernement au questionnaire adressé par votre rapporteur général.

* 16 Pour une synthèse de la littérature, voir par exemple : Karine Bouthevillain, « La prévision macro-économique : précision relative et consensus », Économie et prévision , 1993, pp. 97-126.

* 17 HCFP, avis n° HCFP-2018-3 précité, pp. 13-14.

* 18 Insee, « Le pouvoir d'achat se redresse, mais les incertitudes internationales persistent », point de conjoncture, octobre 2018.

* 19 Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, p. 64.

* 20 Banque de France, « Projections macroéconomiques - France », septembre 2018, p. 4.

* 21 Les scénarios de croissance alternatifs ont été élaborés à partir de l'édition d'octobre 2018 du Consensus Forecasts , qui rassemble les projections macroéconomiques de 24 instituts de conjoncture pour la France.

* 22 Le coût du CICE étant différé d'un an en comptabilité nationale, il se cumulera au cours de l'année 2019 avec celui de la baisse de cotisations sociales. En effet, le CICE est enregistré en dépense au moment où les bénéficiaires déclarent fiscalement leur crédit d'impôt, soit en principe en mai 2019 s'agissant de la masse salariale 2018.

* 23 Insee, « Notification à Eurostat : publication des révisions du déficit et de la dette des administrations publiques par l'Insee », 6 septembre 2018.

* 24 Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, p. 71.

* 25 HCFP, avis n° HCFP-2018-3 précité, p. 10.

* 26 Cf. Recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme pour 2018 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2018.

* 27 Rapport d'information n° 438 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 18 avril 2018, p. 38.

* 28 De ce point de vue, la règle en dépense présente deux avantages. D'une part, elle est construite de façon à exclure de l'agrégat les dépenses non pilotables, alors que l'ajustement structurel dépend de nombreux éléments qui échappent au contrôle des gouvernements (ex : variation des élasticités). D'autre part, elle ne dépend pas de l'écart de production - dont la mesure est particulièrement instable et controversée - mais de la croissance potentielle de moyen terme.

* 29 L'agrégat des dépenses publiques pilotables retenu correspond aux dépenses publiques totales diminuées de la charge d'intérêt, des dépenses exceptionnelles, des dépenses liées aux programmes de l'Union européenne intégralement couvertes par des fonds européens ainsi que de la composante cyclique des dépenses d'indemnisation du chômage. Les dépenses d'investissement sont lissées sur quatre ans. La prise en compte les mesures discrétionnaires en matière de recettes permet ensuite d'obtenir l'agrégat des dépenses publiques nettes.

* 30 Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », édition 2017, mars 2017, p. 56.

* 31 Voir sur ce point : A. Pescatori, D. Sandri et John Simon, « Debt and Growth: Is There a Magic Threshold ? », IMF Working Paper WP/14/34, 2014.

* 32 Le calcul a été effectué à partir du taux d'évolution de la dépense publique à champ constant et hors dépenses exceptionnelles et du tendanciel d'évolution de la dépense publique de la Cour des comptes. Cf. Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juin 2017, pp. 121-124.

* 33 Conseil d'orientation des retraites, « L'accord AGIRC-ARRCO du 30 octobre 2015 : effets sur les comportements de départ et les taux de remplacement », 13 avril 2016, p. 5.

* 34 Unédic, « Situation financière de l'assurance chômage », septembre 2018, p. 6.

* 35 Source : réponses au questionnaire adressé par votre rapporteur général au Gouvernement.

* 36 AFP, « Macron se donne jusqu'à l'été 2019 pour réformer les retraites », 22 janvier 2018.

* 37 Ambre Deharo, « La réforme des retraites, pas pour tout de suite », Capital, 8 octobre 2018.

* 38 Rapport n° 56 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fait au nom de la commission des finances et déposé le 31 octobre 2017, pp. 50-51.

* 39 Voir sur ce point : « La dette publique de la France : un poids du passé, un défi pour l'avenir », rapport d'information n° 566 (2016-2017) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 40 HCFP, avis n° HCFP-2018-3 précité, p. 17.

* 41 Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2018, p. 148.

* 42 HCFP, avis n° HCFP-2018-3 précité, p. 17.

* 43 L'échelle d'équivalence de référence, dite « échelle d'équivalence de l'OCDE modifiée », comptabilise la première personne du ménage comme une unité de consommation, puis chaque adulte supplémentaire (à partir de 14 ans) comme 0,5 unité et chaque enfant comme 0,3 unité.

* 44 Ce phénomène a d'ailleurs conduit l'Irlande à adopter un indicateur alternatif au PIB, le revenu national brut ajusté. Voir sur ce point : Didier Blanchet, Marie?Baïanne Khder, Marie Leclair, Raphaël Lee, Hélène Poncet et Nicolas Ragache, « La croissance est-elle sous-estimée ? », rapport sur les comptes de la Nation 2017, Insee Références, édition 2018.

* 45 Un phénomène de ce type a d'ailleurs été constaté en France dans la période qui a suivi la crise financière. Voir sur ce point : Ronan Mahieu, « Les comptes des entreprises, des ménages et des administrations publiques dix ans après la crise financière », rapport sur les comptes de la Nation 2017, Insee Références, édition 2018.

* 46 OFCE, « Budget 2018 : pas d'austérité mais des inégalités », 15 janvier 2018, p. 5.

* 47 Voir par exemple : Antoine Bozio, « Incidence des cotisations sociales sur les salaires », 12 avril 2016.

* 48 Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, p. 34.

* 49 La hausse de CSG s'élève à 708 euros. La perte de pouvoir d'achat liée à la sous-indexation pendant deux ans peut être estimée à 889 euros, sous l'hypothèse que la totalité de la pension provienne de régimes entrant dans le champ de la sous-indexation et en retenant le scénario gouvernemental s'agissant de l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac.

* 50 D'après les simulations transmises l'an passé par la direction de l'énergie et du climat à votre rapporteur général.

* 51 Raphaël Lee et Pierre Ralle, « Le pouvoir d'achat depuis la crise », rapport sur les comptes de la Nation 2015, Insee Références, édition 2016, p. 77.

* 52 Loi n° 2018-652 du 25 juillet 2018 de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, article 1 er .

* 53 En 2017, les recettes de l'État ont été artificiellement minorées de 1,5 milliard d'euros à la suite d'une erreur de comptabilisation des droits de mutation. Ces droits d'enregistrement sont donc imputés sur 2018. Voir le rapport n° 628 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017, p. 53-54.

* 54 M. Victorin Lurel, Annexe n° 21 « Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'État » , rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2018, réalisé au nom de la commission des finances du Sénat.

* 55 Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2019, p. 107.

* 56 Voir des explications plus détaillées dans le rapport général n° 108 (2018-2019) sur le projet de loi de finances pour 2018 , tome I, p. 47 à 49.

* 57 L'endettement des administrations publiques comprend celui des administrations publiques centrales (APUC, dont l'État et les organismes divers d'administration centrale ou ODAC), les administrations publiques locales (APUL) et celles de sécurité sociale (ASSO).

* 58 Rapport économique, social et financier 2019, p. 118.

* 59 Rapport économique, social et financier 2019, p. 118.

* 60 Voir la première partie de ce rapport.

* 61 Décision n° 2017-758 DC du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2017.

* 62 Voir le rapport d'information n° 438 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 avril 2018, relatif au programme de stabilité pour les années 2018 à 2022.

* 63 Voir le rapport n° 649 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2019, déposé le 11 juillet 2018, p. 14 et suivantes.

* 64 Document « Voies et moyens » annexé au présent projet de loi de finances, tome 2, p. 75.

* 65 L'Assemblée nationale a également supprimé une exonération temporaire de TICPE pour certaines livraisons de fioul (article 19 bis ), mais il s'agissait d'une disposition caduque dont la suppression correspond à un toilettage juridique.

* 66 L'écart entre la hausse de la TGAP et la baisse de TVA s'élèverait à 431 millions d'euros sur la période 2021-2025, selon les estimations du Gouvernement présentées dans les évaluations préalables des articles 8 et 59 du présent projet de loi de finances.

* 67 Cour de justice de l'Union européenne, 26 février 2015, affaire C?623/13, Ministre de l'Économie et des Finances contre Gérard de Ruyter.

* 68 Voir infra , le commentaire de l'article 11 du présent projet de loi de finances.

* 69 On peut en effet s'interroger sur la signification d'un indicateur du poids des dépenses fiscales qui, dans l'hypothèse d'école où les dépenses fiscales seraient égales aux recettes fiscales nettes, serait égal à 0,5 et non à 1.

* 70 Cour des comptes, Le budget de l'État en 2017 , mai 2018.

* 71 Article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 72 En 2017, une annulation exceptionnelle a porté sur 4,1 milliards d'euros de crédits compris dans la réserve de précaution qui s'élevait à 15,2 milliards d'euros, surgels compris.

* 73 Article 12 de la loi 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 74 Alors que le Sénat avait adopté en première lecture un amendement prévoyant l'encadrement entre 3 % et 6 % du taux de mise en réserve hors titre 2, l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, considérant que l'exécution des crédits, en application de l'article 7 de la LOLF, relèverait de la compétence du Gouvernement et non du domaine des lois de programmation des finances publiques.

* 75 Une provision relative aux rémunérations publiques était également demandée en projet de loi de finances pour 2018, à hauteur de 290 millions d'euros, mais a finalement été annulée et répartie entre les autres missions en cours de discussion.

* 76 Loi précitée du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, annexe IV.

* 77 Loi précitée du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, annexe 9.

* 78 Après une exécution à 16,4 milliards d'euros en 2017, le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, que la précédente loi de finances estimait à 19,9 milliards d'euros pour 2018, est désormais évalué à 20,6 milliards d'euros pour cette année et 21,5 milliards d'euros pour 2019 (projet de loi de finances pour 2019, annexe « Voies et moyens »).

* 79 Le gouvernement prévoit de calculer les APL à partir des revenus de l'année en cours et non des revenus perçus deux ans auparavant, ce qui permettra notamment d'éviter de prendre en compte plus rapidement les changements de situation, pour un gain estimé à 900 millions d'euros en 2019 et 1,2 milliard d'euros en année pleine.

* 80 L'objectif de dépenses totales de l'État (ODETE) inclut, en plus des dépenses pilotables, les dépenses du programme d'investissements d'avenir (PIA), la charge de la dette, les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales, la fraction de TVA affectée aux régions et collectivités d'outre-mer par la loi de finances pour 2017, le compte d'affectation spéciale « Pensions » et les programmes des comptes spéciaux portant à titre principal des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers.

* 81 Voir supra , « Un dépassement prévisionnel de la norme de dépenses pilotables en 2019 », note de bas de page.

* 82 Intervention de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, examen en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Assemblée nationale, séance du 26 octobre 2018.

* 83 Projet de loi de finances, exposé général.

* 84 On peut donner l'exemple de la gestion des aides à la pierre, pour laquelle l'État tient encore à conserver un rôle en décalage aussi bien avec les financements qu'il apporte, désormais nuls en 2019, et les moyens humains dont il dispose (voir Aides à la pierre : du retrait de l'État à la décentralisation ?, rapport n° 3 (2017-2018) présenté le 3 octobre 2018 par Philippe Dallier).

* 85 Rapport annexé à la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 86 Rapport relatif à la création d'un service national universel, rapport établi par le général de division Daniel Menaouine.

* 87 La fraction revenant à la rénovation thermique via le GPI aurait d'ailleurs pu être plus élevée encore en 2019 si le Gouvernement n'avait pas décidé, à l'article 29 du présent projet de loi de finances, de proposer l'abaissement de 550 à 420 millions d'euros du plafond d'affectation de cette ressource à l'Anah et de limiter donc les financements dont bénéficiera l'Agence en 2019.

* 88 En l'absence d'information pour 2019, les chiffres se fondent sur l'hypothèse d'une contribution de l'ONDAM « établissements de santé » identique à 2018, soit 403 millions d'euros. Les crédits des missions budgétaires sont indiqués dans les projets annuels de performance pour 2019.

* 89 Conseil des prélèvements obligatoires, Les taxes affectées : des instruments à mieux encadrer , publié le 2 octobre 2018.

* 90 Voies et moyens, tome 1 , annexe au projet de loi de finances pour 2019, page 167.

* 91 L'article 268 du code des douanes institue un droit de consommation sur les produits de tabac dans les DOM, affecté au budget de ces départements, tandis que la collectivité de Corse reçoit le produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés vendus au détail ou importés en Corse, prévu par l'article 575 E bis du code général des impôts.

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