Rapport n° 125 (2018-2019) de M. Frédéric MARCHAND , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 14 novembre 2018

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N° 125

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 novembre 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi visant à la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des préconisations relatives aux éventuels risques liés à l' emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques , et usages similaires, établies par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail le 18 septembre 2018,

Par M. Frédéric MARCHAND,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Sénat :

25 et 126 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le mercredi 14 novembre 2018, a examiné le rapport de Frédéric Marchand sur la proposition de loi n° 25 (2018-2019) visant à la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des préconisations relatives aux éventuels risques liés à l'emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques, et usages similaires, établies par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail le 18 septembre 2018.

Lors de cette réunion, la commission a confirmé l'intérêt d'une poursuite des travaux de recherche et d'expertise en vue de compléter les connaissances sur les éventuels risques liés à l'utilisation des granulats de pneus dans les terrains de sport, les aires de jeux et les usages similaires.

Elle a par ailleurs souligné la nécessité d'apporter aux élus locaux des informations complémentaires et des outils pour répondre aux inquiétudes du public.

À l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté deux amendements en vue de donner un titre plus concis à la proposition de loi et de supprimer l'obligation faite au Parlement d'organiser un débat sur le rapport remis par le Gouvernement, afin d'assurer la conformité du texte à la Constitution.

À l'issue de ces débats, la commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Face aux inquiétudes de nos concitoyens en matière de santé publique et d'environnement, les élus locaux sont désormais en première ligne. Régulièrement interpellés sur ces sujets, ils ne disposent cependant pas toujours des éléments techniques et des outils nécessaires pour y répondre.

Les interrogations relatives aux risques sanitaires et environnementaux liés à la présence de granulats de pneumatiques usagés dans certains terrains de sport et aires de jeux, relayés par plusieurs médias et associations, s'inscrivent dans ce contexte d'une élévation générale du niveau de sensibilité de la société civile aux problématiques de santé liées à l'environnement.

Sans céder aux postures alarmistes, ni méconnaître la légitimité des préoccupations exprimées, il est indispensable de fonder les décisions publiques sur un diagnostic clair et objectif des risques liés à la présence de produits chimiques dans les usages et les pratiques du quotidien.

À partir d'une première note d'appui technique publiée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail à l'été 2018, la présente proposition de loi vise ainsi à aiguillonner les pouvoirs publics, pour s'assurer que des suites concrètes seront données aux recommandations qui ont été formulées.

Ces actions complémentaires devront permettre d'améliorer l'état des connaissances sur la nature et l'importance des risques et de proposer des solutions en matière de prévention.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'UTILISATION DE GRANULATS DE PNEUS DANS LES TERRAINS SYNTHÉTIQUES APPELLE DES ACTIONS COMPLÉMENTAIRES EN MATIÈRE DE RECHERCHE ET DE PRÉVENTION DES RISQUES

A. LA VALORISATION DE PNEUMATIQUES USAGÉS SOUS FORME DE GRANULATS DANS LES TERRAINS DE SPORT SYNTHÉTIQUES ET D'AUTRES USAGES SIMILAIRES SUSCITE DES INQUIÉTUDES D'ORDRE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTAL

1. Une partie des pneumatiques usagés sont valorisés sous forme de granulats, employés dans des terrains de sport et d'autres usages similaires

Depuis 2003, les producteurs de pneumatiques sont soumis à l'obligation d'organiser la collecte et le traitement des pneus usagés dans le cadre d'une filière à responsabilité élargie du producteur (« filière REP »), en application de l'article L. 541-10-8 du code de l'environnement. La majorité des producteurs ont recours à deux éco-organismes, Aliapur et le GIE FRP, chargés d'organiser la collecte et le traitement pour le compte de leurs adhérents, en ayant recours à des prestataires de collecte et de traitement.

Sans être classés comme déchets dangereux, les déchets de pneumatiques présentent en effet des enjeux environnementaux et sanitaires , notamment en raison de risques d'incendie, de dégagement de produits toxiques et d'hébergement de moustiques porteurs de maladies en cas de décharges sauvages.

L'article R. 543-140 du code de l'environnement établit une hiérarchie des modes de traitement des pneus usagés en privilégiant d'abord la préparation en vue de la réutilisation, puis le recyclage, et enfin les autres modes de valorisation, notamment énergétique.

Selon les données du ministère de la transition écologique et solidaire, environ 504 000 tonnes de pneus ont été mises sur le marché, importées ou fabriquées en 2016, le taux de collecte étant proche de 100 %. Les principaux modes de valorisation sont la valorisation énergétique en cimenterie (44 %), suivie par la valorisation matière sous forme de granulation (24 %) et la vente en occasion (14 %).

La granulation consiste à broyer la gomme des pneus, en vue d'obtenir des granulats d'un calibre déterminé par leur destination (de 0,8 à 20 millimètres) : gazons synthétiques, aires de jeux, sols sportifs ou équestres, objets moulés, bétons, écrans acoustiques. Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants d'Aliapur, principal éco-organisme de la filière, ont indiqué qu'environ 30 000 tonnes de granulats sont produits par an pour la réalisation de terrains synthétiques, soit environ 10 % du volume des pneus collectés par l'organisme. Cette matière est produite par des acteurs spécialisés dans la granulation, qui la vendent ensuite aux sous-traitants des fabricants de terrains.

Concrètement, les granulats sont utilisés comme couche d'amortissement des gazons synthétiques, ou comme sous couche pour les aires de jeux. Trois types de granulats peuvent être utilisés : les granulats de pneus, dits SBR (styrene-butadiene rubber), les granulats EPDM (éthylène-propylène-diène monomère) ou les granulats TPE (élastomère thermoplastique). Le schéma ci-dessous illustre l'utilisation des granulats pour un terrain en gazon synthétique.

SCHÉMA EN COUPE D'UN TERRAIN EN GAZON SYNTHÉTIQUE

Source : ANSES, à partir de Judille, 2015.

Selon les études, on dénombre en 2017 entre 2 500 et 3 000 terrains synthétiques , avec en moyenne 180 nouveaux terrains de football installés par an. Malgré ce rythme de création, moins de 10 % des terrains de football existants sont en gazon synthétique, les 90 % restants étant en gazon naturel. La réalisation d'un terrain de grands jeux nécessite environ 120 tonnes de granulats de pneus , auxquelles s'ajoutent une à deux tonnes par an pour le rechargement du terrain, compte tenu de la dispersion d'une partie des granulats liée à son utilisation.

Le développement de terrains synthétiques s'explique essentiellement par des avantages en termes d'intensité d'utilisation, de disponibilité pendant l'année et d'amortissement . Sur le plan financier, la comparaison avec un terrain naturel reste plus incertaine : si les dépenses d'entretien sont moindres, les investissements initiaux sont plus élevés. Par ailleurs, un terrain synthétique doit être remplacé tous les 10 à 15 ans. Sur ce dernier point, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont soulevé la question du recyclage des terrains synthétiques pour lequel les solutions disponibles resteraient limitées.

2. Cette utilisation a récemment suscité des inquiétudes quant à l'existence éventuelle de risques sanitaires ou environnementaux

Malgré la variabilité de leur composition, liée à l'origine géographique et à l'ancienneté des pneus 1 ( * ) , les granulats de pneus comprennent essentiellement les substances suivantes, selon la revue effectuée par l'ANSES en 2018 :

- des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ;

- des benzothiazoles ;

- des phtalates ;

- des métaux (tels que le plomb, le zinc, le cuivre, le cadmium, le nickel etc...) ;

- des phénols ;

- des BTX (benzène-toluène-xylène) ;

- des polychlorobiphényles (PCB), les dioxines (PCDD et PCDF) ;

- des composés organiques volatils (COV) ou d'autres composés organiques semi-volatils ;

- et des substances spécifiques, telles que la 1,3-diphénylguanidine, l'aniline, le formaldéhyde, la N-1,3-diméthylbutyl-N'-phényl-p-phénylènediamine...

Compte tenu de la dangerosité de plusieurs de ces substances , notamment les HAP, les métaux lourds, les phtalates et les phénols, des sportifs professionnels ou amateurs utilisant des terrains synthétiques et des parents d'enfants fréquentant des aires de jeux ont fait part ces dernières années d'inquiétudes quant à l'impact sanitaire et environnemental de l'emploi de granulats de pneus.

Une première alerte a été lancée aux États-Unis par l'entraîneuse Amy Griffin, qui a constaté une augmentation du nombre de leucémies et de lymphomes chez les joueurs de football utilisant des terrains synthétiques, notamment les gardiens de but, et qui a effectué un recensement des cas identifiés à partir de 2013. En France, cette préoccupation a émergé au cours de l'année 2017, et a été relayée par des associations et des médias généralistes ou spécialisés.

B. L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL A PUBLIÉ UNE NOTE NUANCÉE SUR L'EXISTENCE DE RISQUES SANITAIRES ET ENVIRONNEMENTAUX

Dans ce contexte, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été saisie le 21 février 2018 d'une demande d'expertise adressée conjointement par les cinq ministères de tutelle de l'agence 2 ( * ) auxquels s'est ajouté le ministère des sports. Cette saisine fait suite à une première demande adressée par l'association Robin des bois, représentée au sein du conseil d'administration, et à des contacts avec les villes de Nantes et de Paris.

Il s'agissait d'une demande d'appui scientifique et technique (AST) sur les éventuels risques liés à l'emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques et usages similaires. En réponse à cette saisine, l'ANSES a publié le 18 septembre 2018 une note d'appui scientifique et technique (note AST), qui apporte des premiers éléments de réponse et suggère des pistes complémentaires de recherche.

Comme le souligne l'agence en introduction de cette note, « l'appui scientifique et technique ne constitue pas une évaluation des risques sanitaires et ne vise donc pas à émettre une conclusion de l'agence sur l'existence ou l'absence de risques. Il vise à identifier et hiérarchiser les besoins de connaissance concernant les différentes situations d'exposition. Pour ce faire, il s'appuie sur l'analyse contextualisée des données publiées et recense les travaux en cours ». Compte tenu du contenu de la saisine et du délai imparti, la note produite par l'ANSES ne constitue donc pas une nouvelle étude sur le sujet, et ne modifie pas l'état des connaissances scientifiques.

1. Les études et expertises disponibles concluent à un risque peu préoccupant pour la santé, et évoquent des risques potentiels pour l'environnement

L'ANSES a recensé une cinquantaine d'études et expertises publiées au niveau international sur les risques liés aux terrains synthétiques, notamment par l'Agence européenne des risques chimiques (ECHA) et l'Institut néerlandais pour la santé et l'environnement (RIVM).

En matière de santé, l'agence constate que la majorité des études concluent à « un risque négligeable pour la santé » des sportifs, des enfants et des travailleurs impliqués dans la pose et l'entretien des terrains. En effet, les études ne mettent pas en évidence une augmentation du risque cancérogène associée à la fréquentation ou à la mise en place de terrains de sport synthétiques, en raison notamment des faibles concentrations de substances cancérogènes émises ou relarguées par les granulats de pneus.

L'étude du RIVM de 2017, menée à l'échelle des Pays-Bas sur 100 terrains de sport synthétiques, visait à caractériser la migration de substances depuis les granulats de pneus vers un simulant de sueur et un système reproduisant le système gastro-intestinal, à une température de 60°, pouvant être rapidement atteinte sur certains terrains exposés en plein soleil. Les résultats montrent que les risques leucémogènes (benzène, styrène) ou cancérogènes (HAP) sont négligeables, et aucun risque de migration n'est identifié concernant les phtalates.

L'étude de l' ECHA de 2017 a été produite sur la base de contributions scientifiques apportées par 10 États membres de l'Union européenne et par l'industrie, sur une centaine de terrains synthétiques, en prenant en compte plusieurs scenarii d'exposition pour les sportifs (enfants et adultes) et les professionnels chargés de la pose et de l'entretien des terrains. L'agence conclut que le risque cancérogène est négligeable et que l'exposition aux métaux lourds et aux phtalates est inférieure aux valeurs sanitaires de référence retenues par l'ECHA pour évaluer les risques. Elle relève toutefois que les composés organiques volatils émis en intérieur peuvent provoquer des irritations oculaires, respiratoires ou cutanées 3 ( * ) .

La note de l'ANSES analyse également plusieurs travaux épidémiologiques, qui ne mettent pas en évidence de lien statistique entre la survenance de cancer et la fréquentation de terrains de sport synthétiques. Elle cite notamment une étude de 2017 du Washington State Department of Health , menée sur la base du recensement effectué par l'entraîneuse Amy Griffin, ayant lancé précocement une alerte sur ce sujet. Cette étude conclut à l'absence d'une influence géographique du lieu de résidence des joueurs ou du type de terrain de sport fréquenté.

En matière d'environnement, l'agence constate que les données disponibles évoquent « l'existence de risques potentiels pour l'environnement », liés au transfert de substances chimiques via les sols, le ruissellement et les systèmes de drainage des eaux de pluie. Le principal risque provient du relargage de substances par lixiviation au contact de l'eau. Les principales substances relarguées et problématiques en termes d'écotoxicité sont le zinc, les phtalates et les phénols.

L'ANSES relève que dans des conditions réelles d'utilisation, la détermination de ce relargage s'avère complexe, car largement dépendante des modalités d'installation de chaque terrain et des disparités environnementales et climatiques. Toutefois, une étude de mars 2017 mentionnée par l'agence estime que la perte annuelle de granulats sur un terrain est comprises entre 1 et 4 % du volume, soit, pour 3 000 terrains en France, plusieurs milliers de tonnes dispersées par an dans l'environnement.

2. Ces travaux présentent des incertitudes liées à des limites méthodologiques ou à un manque de données

L'ANSES indique avoir relevé « certaines limites méthodologiques dans les données disponibles », en particulier un manque de prise en compte de la variabilité de la composition des terrains synthétiques et des risques liés aux émissions de composés volatils. Ces limites soulèvent ainsi des incertitudes quant à la représentativité des échantillons analysés dans certaines études. Par ailleurs, la présence de substances sous la forme de nanomatériaux (silice amorphe, noir de carbone, autres substances) suscite des interrogations spécifiques et très peu documentées.

L'agence relève également un manque de données concernant les utilisations spécifiques des granulats de pneus dans les aires de jeux , les niveaux d'exposition aux terrains synthétiques à l'intérieur des bâtiments , et le risque thermique de ces revêtements en milieu urbain (accumulation de chaleur).

C. CETTE NOTE APPELLE DES MESURES COMPLÉMENTAIRES, POUR AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DES RISQUES ET DOTER LES PARTIES PRENANTES D'OUTILS DE PRÉVENTION

1. Les recommandations en vue d'améliorer la connaissance des risques

S'agissant des risques potentiels pour la santé, l'ANSES fait les recommandations suivantes, eu égard aux limites relevées dans les études disponibles :

- en priorité, acquérir davantage de données concernant les aires de jeux , qui impliquent des populations sensibles et comprennent d'autres produits comme des colles, des colorants, des liants et des agents lissants ;

- approfondir les connaissances concernant les niveaux d'exposition à l' intérieur des bâtiments et le risque thermique des revêtements synthétiques ;

- procéder à une analyse plus large des polluants contenus et émis par ces granulats, en particulier concernant les poussières et les expositions professionnelles.

Lors de leur audition, les représentants de l'ANSES ont indiqué à votre rapporteur que ces travaux de recherche et d'expertise seront effectivement intégrés au programme de travail de l'agence pour 2019 , qui sera soumis pour validation au conseil d'administration d'ici la fin de l'année.

Par ailleurs, des études de grande ampleur sont actuellement menées aux États-Unis par la United States Environmental Protection Agency (USEPA), et au niveau européen par la European Tyre and Rubber Manufacturers' Association (ETRMA), regroupant les différents acteurs de la filière pneumatique. Les premières conclusions de ces travaux sont attendues pour la fin de l'année 2018 et permettront de compléter les connaissances disponibles.

2. Les recommandations en vue d'améliorer la prévention des risques

L'agence indique soutenir un projet de restriction proposé par les Pays-Bas dans le cadre du règlement REACH 4 ( * ) , visant à abaisser la teneur en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dans les granulats de pneus, qui sont des composés préoccupants.

En effet, même si les analyses réalisées à ce jour indiquent un risque sanitaire négligeable, la réglementation existante n'apparaît pas assez protectrice compte tenu de la dangerosité de certaines substances présentes dans les granulats de pneus.

L'objectif de ce projet de restriction est de privilégier une approche fondée davantage sur les usages , tendant vers les limites prévues pour les articles destinés au grand public et les jouets, compte tenu de la possibilité d'un contact régulier ou prolongé du corps avec ces substances, sur les terrains de sport ou les aires de jeux pour enfants.

RÉGLEMENTATION REACH ET GRANULATS DE PNEUS

En application de l'entrée 28 de l'annexe XVII du règlement REACH, les limites de concentration pour les 8 HAP présents dans les mélanges, intégrant les granulats et les paillis à base de pneus usagés, sont fixées à 1 000 mg/kg pour le benzo[e]pyrène, le benzo[a]anthracène, le benzo[b]fluoranthène, le benzo[j]fluoranthène, le benzo[k]fluoranthène et le chrysène ; et à 100 mg/kg pour le benzo[a]pyrène et dibenzo[a,h]anthracène.

Ces concentrations maximales sont nettement plus élevées que celles prévues pour les articles mis sur le marché pour le grand public (entrée 50), qui ne doivent pas contenir plus de 1 mg/kg d'un de ces 8 HAP, s'agissant des composants en caoutchouc et plastiques en contact prolongé ou répété avec la peau et/ou la bouche dans des conditions prévisibles raisonnables d'utilisation. Ce seuil est abaissé à 0,5 mg/kg pour les jouets et articles de puériculture.

Les autorités néerlandaises proposent de réduite le seuil de HAP admissible dans les granulats et paillis à base de pneumatiques recyclés, considérant le seuil existant de l'entrée 28 de l'annexe XVII de REACH insuffisamment protecteur. L'objectif est de se rapprocher des seuils de l'entrée 50, même si les usages des granulats sont différents avec des conditions d'exposition spécifiques (terrains de sport, sous-couche non accessible des aires de jeux...).

Les propositions de seuils qui s'appliqueraient pour la somme des 8 HAP sont les suivantes :

- option n°1 : seuil de 17 mg/kg , représentant le percentile 95 de la somme en 8 HAP mesurés dans les échantillons de terrains de sport synthétiques ;

- option n°2 : seuil de 6,5 mg/kg , représentant la valeur permettant de garantir un excès de risque de cancer pour les individus exposés inférieur à 1.10 -6 (un cas pour un million).

Source : ANSES.

Cette proposition de restriction est en cours de consultation publique sur le site internet de l'ECHA, jusqu'au 19 mars 2019. Une première date-limite est fixée au 16 novembre 2018, à laquelle les premiers commentaires peuvent être proposés aux membres rapporteurs des comités de l'ECHA. Sauf difficultés d'ordre politique au sein de la prochaine Commission ou au niveau du comité chargé d'examiner les propositions de modification, cette proposition pourrait être adoptée d'ici début 2020.

Par ailleurs, sans formuler explicitement de proposition à ce sujet, l'ANSES relève que la normalisation actuellement appliquée aux terrains synthétiques est guidée par les performances sportives , sans exigences relatives à la composition chimique ou aux risques sanitaires et environnementaux liés aux matériaux, à l'exception des métaux lourds dans la norme française NF P90-112 pour les terrains de grands jeux en gazon synthétique.

S'agissant des émissions de composés volatils, notamment en milieu fermé (terrains ou aires de jeux indoor ), des normes pourraient être mises en place en s'inspirant de la réglementation existante sur l'étiquetage des matériaux de construction 5 ( * ) , pour contribuer à l'amélioration de la qualité de l'air intérieur.

Interrogés par votre rapporteur, les différents organismes rencontrés ont reconnu l'intérêt d'une normalisation plus exigeante en termes sanitaires et environnementaux, tout en rappelant la complexité et la durée de ces procédures, pouvant s'étendre sur plusieurs années. Une telle évolution serait donc à envisager après avoir consolidé les connaissances en matière de risques.

S'agissant de l'impact environnemental, l'ANSES recommande l'élaboration d'éléments méthodologiques pour conduire des évaluations locales des risques environnementaux , avant la mise en place de ce type de revêtement. Sur ce point, il a été indiqué à votre rapporteur qu'un travail pourrait être conduit en vue d'aboutir au cours de l'année 2019.

À l'issue de ce travail, des conseils ou des bonnes pratiques pourraient être diffusés auprès des aménageurs publics, en vue de permettre un enrichissement des cahiers des charges des appels d'offre pour la mise en place de terrains synthétiques ou d'aires de jeux, en y insérant des clauses guidées par des considérations sanitaires ou environnementales. Des changements dans la conception des terrains , comme l'amélioration du drainage ou un encaissement du sol, pourraient notamment prévenir une grande partie des risques de dispersion dans l'environnement.

II. LA PROPOSITION DE LOI

La présente proposition de loi a été déposée au Sénat le 9 octobre 2018 par Mme Françoise Cartron et les membres du groupe La République En Marche.

Elle prévoit la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement , avant le 1 er janvier 2020, dressant l'état d'avancement de chacune des préconisations établies dans la note d'appui scientifique et technique publiée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail le 18 septembre 2018.

Elle prévoit également l' organisation d'un débat au Parlement sur le rapport ainsi remis.

Comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi dans l'exposé des motifs, l'objectif principal de cette initiative est de connaître le calendrier et les modalités des suites données par les différentes parties prenantes aux recommandations formulées par l'ANSES, en particulier l'approfondissement des connaissances en matière de risques.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Lors de la réunion d'examen de la proposition de loi, votre rapporteur a souligné qu' il existe actuellement un grand décalage entre, d'une part, les inquiétudes relayées récemment par les médias et certaines associations, et d'autre part, l'état des connaissances scientifiques sur les éventuels risques liés à l'utilisation de granulats de pneus dans les terrains de sport, les aires de jeux et autres usages similaires.

Compte tenu des limites identifiées par l'ANSES parmi les études et expertises existantes sur la question, votre commission a confirmé l'intérêt d'une poursuite des travaux de recherche et d'expertise en vue de compléter les connaissances sur ces risques .

Votre commission a par ailleurs souligné la nécessité d'apporter aux élus locaux des informations complémentaires et des outils pour répondre aux inquiétudes du public.

En matière de prévention des risques, votre rapporteur estime qu'en l'état, l'absence conjointe de risque majeur identifié pour la santé et de signalement épidémiologique notable n'appelle pas une application stricte du principe de précaution , qui conduirait à renoncer complètement à la création de nouvelles installations, ou à interdire l'utilisation de terrains existants.

Selon les spécificités locales, la sensibilité de la population à ces questions et la volonté des élus, des solutions intermédiaires existent en matière de prévention des risques .

Votre rapporteur a mentionné l'exemple de la région Ile-de-France , qui, après avoir établi un moratoire sur le financement des projets de terrains synthétiques, prévoit de rétablir ce soutien en le conditionnant à des critères spécifiques, portant notamment sur la provenance des granulats, la conception des terrains pour éviter leur dispersion dans l'environnement (par un encaissement et des systèmes de drainage adaptés), et la réalisation de mesures régulières, portées à la connaissance des utilisateurs du terrain.

En s'inspirant de ces pratiques, une collectivité pourrait décider d'insérer des clauses guidées par des considérations sanitaires ou environnementales dans les marchés conclus pour la réalisation de terrains ou d'aires de jeux. La définition d'éléments de méthodologie ou de bonnes pratiques au niveau national semble à cet égard nécessaire pour éclairer les élus locaux quant aux solutions dont ils disposent.

Malgré l'absence de risque notable pour la santé, il est par ailleurs nécessaire de faire évoluer dès à présent la réglementation européenne, en tenant davantage compte des usages , dès lors que sur un terrain synthétique ou une aire de jeux, le contact direct du corps avec ces granulats peut être régulier ou prolongé, en particulier pour les enfants, de la même façon que pour les articles grand public et les jouets. À ce titre, le projet de restriction porté par les autorités néerlandaises est opportun, en vue de limiter la teneur des granulats de pneus en hydrocarbures, qui concentrent les préoccupations sanitaires. Votre rapporteur est favorable à l'évolution la plus protectrice possible pour la santé et l'environnement, en tenant compte des impacts socio-économiques.

Une partie des membres de la commission a toutefois souhaité s'abstenir lors du vote de la proposition de loi , considérant que le recours à une demande de rapport ne constituait pas nécessairement la solution la plus adaptée, compte tenu du nombre important de rapports non remis par le Gouvernement et de l'existence d'autres problématiques de santé environnement de plus grande ampleur (pesticides, perturbateurs endocriniens, effet « cocktail » des substances chimiques).

Comme l'a cependant rappelé votre rapporteur, la présente proposition de loi permet d'informer nos concitoyens et de mobiliser les pouvoirs publics afin de s'assurer que des suites concrètes seront données aux recommandations de l'ANSES. Si les éléments recueillis lors des auditions et des échanges techniques menés par votre rapporteur suggèrent que la question est bien prise en charge par les différentes parties prenantes, il demeure utile de prévoir une clause de revoyure, en l'espèce via la remise d'un rapport au Parlement d'ici le 1 er janvier 2020.

Compte tenu de l'objet du présent texte, votre commission n'a souhaité lui apporter que des ajustements mineurs.

Elle a ainsi adopté l'amendement n° COM-1 proposé par votre rapporteur pour modifier l'intitulé du texte en vue de proposer une rédaction plus concise.

À l'article unique du texte, elle a adopté l'amendement n° COM-2 de votre rapporteur pour supprimer la disposition prévoyant l'organisation d'un débat au Parlement à la suite du rapport remis par le Gouvernement. Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, « une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour ». Il est donc apparu préférable à votre commission de laisser chaque assemblée libre de déterminer les modalités de la discussion organisée sur le rapport remis par le Gouvernement.

Votre commission a adopté l'article unique de la proposition de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 14 novembre 2018, la commission a examiné le rapport sur la proposition de loi n° 25 (2018-2019) visant à la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des préconisations relatives aux éventuels risques liés à l'emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques, et usages similaires, établies par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail le 18 septembre 2018.

M. Hervé Maurey , président . - Mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi de Mme Cartron et plusieurs de ses collègues, visant à la présentation par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre des préconisations relatives aux éventuels risques liés à l'emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques, et usages similaires, établies par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Cette proposition de loi va être présentée par notre collègue Frédéric Marchand, qui a été désigné rapporteur par notre commission. L'utilisation des granulats de pneus sur les terrains de sport et les aires de jeux est une valorisation fréquente de ces déchets. Cela suscite quelques inquiétudes. Il y a déjà eu une étude de l'ANSES qui a signalé l'absence, a priori, de danger pour la santé, mais l'existence de certains risques pour l'environnement. Elle a en outre souligné que les données sur ce sujet méritaient sans doute d'être creusées. Aussi, la proposition de loi de Mme Cartron vise à demander au Gouvernement la remise d'un rapport sur ce sujet.

M. Frédéric Marchand . - Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter mon rapport sur la proposition de loi déposée le 9 octobre 2018 par notre collègue Françoise Cartron, prévoyant la remise d'un rapport au Parlement, avant le 1er janvier 2020, sur la mise en oeuvre des préconisations formulées par l'ANSES dans une note publiée le 18 septembre sur d'éventuels risques liés à l'utilisation de granulats de pneus usagés dans les terrains synthétiques et autres usages similaires, en particulier les aires de jeux présentes dans de nombreuses communes.

Malgré un calendrier d'examen très resserré, j'ai souhaité procéder à plusieurs auditions pour disposer d'une vision d'ensemble sur un sujet aussi précis et technique. J'ai ainsi rencontré des représentants de l'ANSES, du ministère de la transition écologique et solidaire, ainsi que d'Aliapur, au titre des acteurs du secteur industriel, et de l'association Robin des Bois, principale association engagée sur ce sujet.

Actuellement, les pneus usagés sont collectés dans le cadre d'une filière à responsabilité élargie du producteur (REP), une partie de cette collecte étant valorisée sous forme de granulats de pneus pour la réalisation de terrains synthétiques et d'aires de jeux, soit en couche d'amortissement, soit en sous couche. Aliapur, qui collecte 370 000 tonnes de pneus par an, soit 90 % de la collecte totale, nous a indiqué qu'un peu moins de 10 % de ces pneus servent à la granulation pour les terrains synthétiques.

À la suite d'inquiétudes relayées par les médias et certaines associations sur l'impact sanitaire et environnemental éventuel de l'utilisation de ces granulats dans les terrains de sport et les aires de jeux, six ministères ont décidé de saisir conjointement l'ANSES le 21 février 2018. L'objectif était d'apporter un éclairage technique sur la caractérisation des dangers liés à l'emploi de ces matériaux et sur l'identification des risques pour la population. Cette note d'appui scientifique et technique a été publiée le 18 septembre dernier et procède en trois temps.

Dans un premier temps, l'ANSES a analysé une cinquantaine d'études et expertises publiées au niveau international sur les risques liés aux terrains synthétiques, notamment par l'Agence européenne des risques chimiques (ECHA) et l'Institut néerlandais pour la santé et l'environnement (RIVM).

En matière de santé, l'agence constate que la majorité de ces études concluent à « un risque négligeable pour la santé », en ne mettant pas en évidence d'augmentation du risque cancérogène associée à la fréquentation ou à la mise en place de terrains de sport synthétiques.

En matière d'environnement, l'agence constate que les données disponibles évoquent « l'existence de risques potentiels pour l'environnement », liés au transfert de substances chimiques - notamment le zinc et les phénols - via les sols et les systèmes de drainage des eaux de pluie.

J'attire à ce stade votre attention sur le fait que la note de l'ANSES ne constitue pas une étude nouvelle mais procède à une revue des travaux disponibles. En d'autres termes, elle ne modifie pas l'état des connaissances scientifiques sur le sujet.

Dans un deuxième temps, l'ANSES indique avoir relevé « des incertitudes et des limites méthodologiques » dans certaines publications, en particulier un manque de prise en compte de la variabilité de la composition des terrains synthétiques. Elle relève également un manque de données concernant les utilisations spécifiques des granulats de pneus dans les aires de jeux, les niveaux d'exposition aux terrains synthétiques à l'intérieur des bâtiments, et le risque d'accumulation de chaleur de ces revêtements en milieu urbain.

Dans un troisième temps, l'agence propose donc des axes de recherche prioritaires afin de consolider les données et de compléter ainsi les évaluations de risques déjà disponibles. Elle vise en particulier l'acquisition de données concernant les aires de jeux, qui impliquent des populations sensibles et concernent d'autres produits (colles, colorants, liants, agents lissants) et l'approfondissement des connaissances concernant les terrains en intérieur et le risque thermique liés aux revêtements synthétiques.

Lors de leur audition, les représentants de l'ANSES nous ont confirmé que ces sujets de recherche ont été intégrés au programme de travail de l'agence pour 2019. J'ajoute que d'autres études sont en cours au niveau international, en particulier une étude menée par l'agence sanitaire américaine - l'USEPA - et une autre étude menée par le secteur industriel au niveau européen. Les premières conclusions de ces études devraient être publiées en fin d'année et permettront de compléter les connaissances en matière de risques.

Dans sa note, l'ANSES recommande également une évolution de la réglementation REACH, afin d'abaisser la teneur de certaines substances préoccupantes dans les granulats de pneus.

Outre plusieurs métaux lourds, les granulats de pneus contiennent en effet plusieurs hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), en particulier le benzoapyrène, qui est un produit cancérogène avéré.

La teneur maximale fixée en annexe du règlement REACH varie actuellement entre 1 000 et 100 milligrammes par kilogramme de mélange, selon le HAP considéré. Cette teneur est bien supérieure à celle prévue pour les articles de consommation en contact prolongé ou régulier avec la peau - 1 milligramme - ou pour les jouets - 0,5 milligramme.

Indépendamment des risques identifiés, il semble donc indispensable de faire évoluer la réglementation en tenant compte davantage des usages, dès lors que sur un terrain synthétique ou une aire de jeux, le contact direct du corps avec ces granulats peut également être régulier ou prolongé, en particulier pour les enfants, de la même façon que pour les articles de consommation ou les jouets.

Les autorités néerlandaises ont présenté un projet de restriction au titre de la réglementation REACH fixant une teneur maximale pour la somme des 8 HAP avec deux options : 17 milligrammes ou 6,5 milligrammes par kilogramme de mélange. La seconde est évidemment plus protectrice, mais pourrait avoir des conséquences économiques selon les industriels.

La procédure n'en est encore qu'au début, mais le ministère nous a indiqué être a priori favorable à ce projet de restriction. La consultation sur la proposition des Pays-Bas s'achèvera en mars 2019, pour une adoption d'ici la fin de l'année 2019, sauf difficultés politiques au sein du comité chargé d'examiner les propositions de modification.

Enfin, l'ANSES recommande dans sa note l'élaboration d'éléments de méthode pour mener localement des évaluations d'impact environnemental avant la création de nouveaux terrains. Ce travail devra être mené conjointement avec le ministère, et il nous a été indiqué qu'il pourrait aboutir au cours de l'année 2019. Je pense qu'il pourrait être utilement complété par la production d'un guide de bonnes pratiques ou de recommandations concrètes à destination des collectivités territoriales, pour limiter l'impact environnemental mais également sanitaire.

En effet, les élus locaux sont souvent en première ligne, face aux inquiétudes exprimées par leurs concitoyens, tout en ayant à assumer leurs responsabilités en tant que gestionnaire d'installations ou maître d'ouvrage de nouveaux projets. Il me semble donc indispensable, aussi bien en termes de connaissance des risques, que de mesures à mettre en oeuvre, que l'État leur apporte des éléments de réponse et des outils.

Il existe un grand décalage entre, d'une part, les inquiétudes relayées par les médias et certaines associations, et d'autre part, l'état des connaissances scientifiques. À ce stade, il me semble que l'absence de risque majeur identifié pour la santé et l'absence de signalement épidémiologique notable ne suggèrent pas une application stricte du principe de précaution, qui conduirait à renoncer complètement à la création de nouvelles installations, ou à interdire l'utilisation de terrains existants.

Selon les spécificités locales, la sensibilité de la population à ces questions et la volonté des élus, des solutions intermédiaires existent. Je pense notamment à l'exemple de la région Ile-de-France - que nous avons interrogée -, qui, après avoir établi un moratoire sur le soutien financier à des projets de terrains synthétiques, a rétabli ce soutien tout en l'assortissant de critères exigeants, notamment en termes d'origine des granulats et de conception des terrains : ces derniers doivent faire l'objet d'un encaissement et disposer d'un système de drainage adapté. En outre, des mesures devront régulièrement être effectuées. En s'inspirant de cette mesure, une collectivité pourrait introduire des clauses guidées par des considérations sanitaires ou environnementales dans les marchés passés pour la réalisation de terrains ou d'aires de jeux. Les suites données à la note de l'ANSES pourront utilement éclairer les élus quant aux différentes options dont ils disposent.

Pour finir, je connais les réticences de notre assemblée à soutenir les demandes de rapports, mais la présente proposition de loi me semble utile, pour informer le public et aiguillonner les pouvoirs publics, afin de nous assurer que des suites seront effectivement données aux propositions de l'ANSES. Les éléments que nous avons pu recueillir suggèrent que la question est bien prise en charge, mais il me semble utile de prévoir une sorte de clause de revoyure, en l'espèce via la remise d'un rapport au Parlement d'ici le 1 er janvier 2020.

Enfin, je précise que la question pourrait être évoquée à nouveau lors de l'examen du futur projet de loi sur l'économie circulaire, qui devrait comporter des dispositions relatives à la filière REP mise en place pour les pneumatiques usagés. Je vous remercie.

M. Gérard Cornu . - Je souhaite tout d'abord féliciter le rapporteur pour la qualité de son travail. Comme il l'a indiqué, le Sénat est un peu « allergique » à la demande de rapports, à chaque texte de loi. Le groupe Les Républicains s'inscrit dans cette lignée. De manière générale, nous ne sommes pas très favorables à ces derniers. Toutefois, nous ne voulons pas empêcher le débat de se poursuivre. Si, sur la forme, nous sommes opposés aux demandes de rapports, sur le fond, on voit bien que ce sujet est très important. Tout comme le rapporteur, nous faisons confiance à l'ANSES. Ce rapport peut peut-être servir de petit aiguillon vis-à-vis de l'administration. Nous nous abstiendrons sur le vote de cette proposition de loi.

M. Christophe Priou . - Si le Sénat est de manière générale contre la demande de rapports, cela ne signifie pas toutefois qu'il est opposé au contenu de ces derniers.

Ce texte contient deux aspects : un aspect sportif, et un aspect relatif au principe de précaution. Nous avons recherché les meilleures conditions pour les sportifs, notamment en matière de terrains, afin de réduire les traumatismes musculaires et articulaires. Les gestionnaires de ces terrains, souvent les mairies, ont connu les évolutions de la nature des sols : les stabilisés, les terrains enherbés posant des problèmes - l'engrais, la fréquentation, l'arrosage. Le terrain synthétique a été, il y a une vingtaine d'années, vu comme une panacée, car il est capable de supporter tous les temps, notamment les périodes pluvieuses. En outre, il présente une grande capacité d'absorption de la fréquentation.

Il faut aujourd'hui faire la part des choses aujourd'hui, et on rejoint le débat sur le principe de précaution. Je souhaite vous faire part de deux expériences que j'ai vécues sur le principe de précaution appliqué aux HAP, en tant qu'élu local. Au moment du naufrage de l'Erika, on effectuait des mesures chaque jour. Il y avait en effet une crainte chez les personnes qui nettoyaient les plages, mêmes protégées, d'être exposées à ces produits et de subir des effets induits cinq ou dix ans après. Nous avons été dans l'incapacité d'apporter une réponse rapide. Aussi, les travaux de nettoyage ont été suspendus. La deuxième fois concernait l'aménagement d'un jardin d'agrément au Crozic, pour lequel des traverses de chemins de fer étaient utilisées. En effet, ces dernières ont été traitées avec du créosote. Avant de pouvoir ouvrir ce jardin, il a fallu donner des assurances aux gens sur l'absence de dangerosité de ces matériaux. Des études ont prouvé, qu'à moins vraiment d'absorber ce matériau, il n'y avait pas de danger. Mais, je constate que le principe de précaution s'est transformé en risque zéro. Il nous revient de faire la part des choses et de donner des assurances pour contrer ce qui peut parfois enflammer les réseaux sociaux.

Mme Nicole Bonnefoy . - Le rapporteur a indiqué que six ministères ont saisi l'ANSES sur cette question. On peut s'en féliciter. Des travaux ont été engagés et l'ANSES va continuer à préciser ses recherches. Aussi, nous ne pouvons qu'attendre les résultats. À notre avis, il n'y a pas besoin de proposition de loi. Or, ce texte a été déposé. Nous avons tous en stock un certain nombre de demandes de rapports, dont certaines sont très intéressantes. Lors de l'examen de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, j'avais demandé un rapport sur les interférences entre produits chimiques - l'effet « cocktail » - dont on sait qu'il s'agit d'une bombe à retardement. Cela avait été refusé par le Gouvernement, alors même qu'il y a là un vrai sujet. A contrario, un rapport a été demandé sur le fonds d'indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Des études ont été réalisées par quatre ministères, mais le gouvernement ne s'en satisfait pas et en a demandé un autre. On ne peut que regretter une telle approche à géométrie variable.

Cette proposition de loi existe. Elle doit être discutée en séance. Chacun pourra s'exprimer sur le sujet. Pour nous, il appartient à l'agence de continuer à chercher et de faire un certain nombre de recommandations.

M. Hervé Maurey , président . - Certes, le Sénat est plutôt défavorable aux rapports. Il est vrai qu'à une époque, il en a abusé. Il s'agissait notamment pour le Gouvernement, face à un amendement qui ne lui plaisait pas, de promettre un rapport. Au final, on a constaté une inflation du nombre de rapports promis, mais beaucoup ne sont pas remis. Et, chaque année, dans le bilan d'application des lois, nous constatons un phénomène important de non remise de rapports - de mémoire, le nombre de rapports remis est inférieur à 50%. Ainsi, cela ne sert à rien de demander des rapports au gouvernement qu'il ne remet pas. Il existe d'autres solutions plus efficaces pour obtenir des réponses aux questions que l'on peut se poser : les questions écrites, les questions orales, les questions au gouvernement, etc. C'est la raison pour laquelle le Sénat a adopté cette position de principe.

Mme Françoise Cartron . - Je souhaite préciser un point. Plutôt qu'un rapport, ce que demande cette proposition de loi est la réalisation d'une étude scientifique dont l'ANSES doit définir les paramètres. Comme l'a très bien expliqué le rapporteur, en réponse à une première demande que j'avais formulée auprès des ministères il y a un peu plus d'un an, l'ANSES a réalisé une compilation des études qui existaient déjà. Elle n'a pas elle-même mis en place un protocole d'étude scientifique, permettant de lever les doutes sur l'utilisation de ces produits, car elle n'avait reçu ni commande, ni les moyens adéquats pour lancer une étude avec un protocole complet.

Le but de cette étude serait de lever les doutes et les incertitudes. Les élus locaux sont en première ligne. La presse s'est ainsi emparée du sujet. Des associations de parents, ou de citoyens vigilants interpellent les élus, qui ne disposent pas de réponses imparables. En effet, l'étude de l'ANSES indique que s'il n'y a pas de preuve que ces produits sont nocifs pour la santé et l'environnement, elle ne peut pas non plus prouver qu'ils ne le sont pas. Comment les élus peuvent-ils s'en sortir, face à ce constat ? Le sens de ma demande est donc la réalisation d'une étude. Enfin, je souhaite remercier le rapporteur pour la qualité de son travail.

M. Hervé Maurey , président . - L'ANSES est toujours très prudente dans ses réponses. Ces rapports sont toujours d'une très grande qualité, mais avec beaucoup de prudence. Cela se justifie car il faut se garder de tout jugement hâtif en matière scientifique.

M. Frédéric Marchand , rapporteur . - Comme je l'ai indiqué, le rapport de l'ANSES est une compilation des études réalisées, sans constituer un nouveau travail de recherche scientifique. Je souhaite néanmoins attirer votre intention sur ce sujet qui peut enflammer les réseaux sociaux, et aller même au-delà. Ainsi, en Wallonie, le conseil municipal de la commune de Frasnes-lez-Anvaing a pris la décision, vendredi dernier, de faire enlever tous les granulats de pneus du terrain synthétique, en raison d'une campagne menée depuis plusieurs semaines, sur la base d'éléments qui ne sont pas avérés. Cela coûtera 50 000 euros à la commune pour satisfaire un emballement des réseaux sociaux. Il y a ainsi une nécessité aujourd'hui d'inciter, d'aiguillonner le Gouvernement. Tant l'ANSES que le ministère nous ont déjà indiqué que la proposition de loi de Françoise Cartron avait le grand mérite d'accélérer la dynamique existante. L'ANSES nous a confirmé que ce sujet fera l'objet de travaux de recherche dédiés, notamment pour les terrains de jeux.

Certains d'entre vous indiquent qu'il n'y a pas besoin de cette proposition de loi. Je crois au contraire qu'en l'espèce, au regard de ce que l'on peut entendre et lire, il est vital d'avoir des compléments d'information précis. Cette demande de notre assemblée a le mérite d'enclencher un processus nous permettant sans doute d'en savoir plus sur les risques liés à l'utilisation de ces granulats. Il existe aujourd'hui des alternatives. M. Priou a rappelé les différentes générations de terrains de sport. On a connu les stabilisés, les terrains synthétiques avec du sable, avec du granulat. On est aujourd'hui, sur des terrains de nouvelle génération, où, en lieu et place du granulat, vous pouvez mettre du chanvre, du lin, du liège. Toutefois, les études ne sont pas encore totalement finalisées, notamment sur la qualité de l'amortissement. En outre, il y a aujourd'hui des terrains hybrides, de compositions diverses. L'intérêt de cette proposition de loi sera d'avoir un débat sur la question et de permettre à l'ANSES d'investiguer à loisir. Il s'agit également de permettre à la France de disposer des éléments nécessaires dans le cadre d'une évolution du règlement REACH.

M. Hervé Maurey , président . - Nous allons maintenant passer à l'examen des amendements.

INTITULÉ DE LA PROPOSITION DE LOI

M. Frédéric Marchand , rapporteur . - L'amendement n°COM- 1 vise à proposer un intitulé du texte plus synthétique, par souci de simplicité et de lisibilité.

L'amendement COM-1 est adopté.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

M. Frédéric Marchand , rapporteur. - L'amendement n°COM- 2 vise à supprimer la seconde phrase de l'article unique du texte. Celle-ci prévoit l'organisation d'un débat au Parlement sur la base du rapport remis par le Gouvernement. Or, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003, « une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour ». Il est donc préférable de laisser chaque assemblée libre de déterminer les modalités de la discussion organisée sur le rapport remis par le Gouvernement.

M. Hervé Maurey , président . - Il s'agit ainsi d'éviter une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.

M. Patrick Chaize . - Ne serait-il pas préférable d'indiquer que ce rapport pourra faire l'objet d'un débat plutôt que de supprimer complètement cette phrase, ce qui n'invite pas forcément au débat ?

M. Frédéric Marchand , rapporteur . - Dans les faits, il sera possible d'organiser ce débat.

Mme Françoise Cartron . - Il nous reviendra de nous saisir de cette initiative. Notre commission pourrait ainsi avoir un rôle à jouer et demander un débat en séance sur ce rapport.

M. Frédéric Marchand , rapporteur . - Cela n'apporte rien de plus d'indiquer qu'un débat « pourra » avoir lieu.

M. Hervé Maurey , président . - Tout texte peut faire l'objet d'un débat en séance plénière, notamment dans le cadre de la semaine de contrôle

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article unique de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Hervé Maurey , président . - Je ne souhaitais pas le mentionner plus tôt, pour ne pas influencer les débats, mais je tiens à rappeler qu'en juin dernier, le Sénat avait voté, sur proposition de notre collègue Pierre Médevielle, dans la loi sur l'agriculture et l'alimentation, la possibilité que les commissions permanentes puissent saisir l'ANSES. Malheureusement, cet amendement n'avait pas été repris à l'Assemblée nationale, ce que je regrette. Le débat que nous avons eu ce matin montre pourtant que cette proposition mériterait d'être réexaminée à l'avenir.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 6 novembre 2018 :

- Aliapur : MM. Hervé Domas , directeur général, Jean-Philippe Faure , directeur recherche et développement, et Richard Durbiano , directeur des affaires institutionnelles et du développement ;

- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) : M. Matthieu Schuler , directeur de l'évaluation des risques, et Mme Alima Marie , directrice de cabinet du directeur général et directrice de la communication et des relations institutionnelles.

Lundi 12 novembre 2018 :

- Ministère de la transition écologique et solidaire : MM. Dominique Gombert , directeur de cabinet de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, Alphonse Corone , chargé des affaires parlementaires et des affaires réservées, et Michel Franz , adjoint au chef du bureau des produits chimiques à la direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;

- Association Robin des Bois : M. Jacky Bonnemains , directeur.

TABLEAU COMPARATIF


* 1 Il a notamment été indiqué à votre rapporteur que la teneur en HAP des pneus européens avait fortement diminué à partir de 2010, en raison de la suppression de certaines huiles dans la composition des pneus.

* 2 Ministères de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l'économie et des finances, du travail, de l'agriculture et de l'alimentation.

* 3 L'ECHA recommande ainsi aux gestionnaires de terrains en intérieur d'assurer une ventilation adéquate, et aux utilisateurs de terrains d'appliquer certaines mesures d'hygiène (se laver les mains après les matchs, nettoyer rapidement toute plaie ouverte, retirer son équipement sportif avant de pénétrer dans son logement).

* 4 Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, instituant une agence européenne des produits chimiques

* 5 Depuis le 1er janvier 2012, les produits de construction et de décoration destinés à un usage intérieur sont munis d'une étiquette qui indique leur niveau d'émission en polluants volatils, par une classe allant de A+ (très faibles émissions) à C (fortes émissions).

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