CHAPITRE IV
CULTURE

Article 25
((articles L. 111-1 du code du patrimoine)

Sortie des archives publiques courantes et intermédiaires
du champ des trésors nationaux

Article examiné dans le cadre de la législation en commission

Objet : cet article retire la qualité de trésor national aux archives publiques courantes et intermédiaires.

I - Le droit européen

La mise en place du marché unique dans l'Union européenne à compter du 1 er janvier 1993 a facilité la circulation des biens culturels entre les États membres et en a complexifié le contrôle . Afin de lutter contre le risque de trafic illicite de biens culturels, l'Union européenne s'est alors dotée d'un dispositif de coopération administrative entre les États membres , par l'adoption le 15 mars 1993 de la directive 93/7/CEE du Conseil, pour favoriser le retour des biens culturels qui auraient illicitement quitté le territoire de l'un des États.

Face au faible succès rencontré par ce dispositif, la directive 2014/60/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre et modifiant le règlement (UE) n°1024/2012 (refonte) en a revu le fonctionnement. Cette directive autorise les États membres à lancer une demande en restitution de biens culturels, dès lors que le bien en cause figure , en application de sa législation nationale, dans la catégorie des « trésors nationaux » . En effet, les trésors nationaux, dont la protection se justifie compte tenu de leur intérêt particulier du point de vue de l'art, de l'histoire ou de l'archéologie , ne sont pas soumis au principe de la libre circulation des biens dans l'Union européenne . C'est la seule exception qu'autorise l'Union européenne à ce principe dans le domaine patrimonial.

L'Union européenne n'a, en revanche, pas fixé la liste des biens revêtant la qualité de trésor national. L'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) laisse le soin à chaque État membre de les définir . La directive 2014/60/UE n'a pas apporté de précisions en la matière, se bornant à rappeler, dans son considérant 3, que « les États membres conservent le droit de définir leurs trésors nationaux et de prendre les mesures nécessaires pour en assurer la protection ».

II - Le droit national en vigueur

À l'occasion de la transposition de la directive 2014/60/UE, la loi n° 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel a revu la définition des trésors nationaux , prévue à l'article L. 111-1 du code du patrimoine, et élargi leur périmètre pour ce qui concerne les archives . Alors qu'y figuraient jusqu'alors les seules archives qualifiées d'historiques, qu'elles émanent de personnes publiques ou de personnes privées, ont également été intégrées à cette définition l'ensemble des archives publiques , quelle que soit leur date et leur lieu de conservation.

Tout en reconnaissant que l'intérêt des archives publiques était d'une « ampleur et d'une évidence variables suivant les documents », l'étude d'impact qui accompagnait le projet de loi justifiait cette évolution par le fait qu'une distinction entre les archives publiques selon qu'elles présentent ou non le caractère de trésor national imposerait une qualification juridique complexe et irait à l'encontre de la protection de ces archives.

En conséquence de leur qualification de trésors nationaux à partir de 2015, l'ensemble des archives publiques a fait l'objet de restrictions de circulation, puisque les biens qui entrent dans le champ des trésors nationaux sont soumis à un régime de circulation contraignant . Les trésors nationaux ne sont pas autorisés à sortir du territoire douanier, sauf à titre temporaire et après autorisation administrative - dans le cas des archives, celle-ci est accordée par le service interministériel des archives de France (SIAF) - et pour le seul motif « de restauration, d'expertise, de participation à une manifestation culturelle ou de dépôt dans une collection publique » (article L. 111-7 du code du patrimoine). Tous les autres traitements, comme les opérations de numérisation et de stockage, doivent impérativement intervenir sur le territoire national .

QUELQUES DÉFINITIONS RELATIVES AUX ARCHIVES

Aux termes de l'article L. 211-1 du code du patrimoine, « les archives sont l'ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus », ce qui renvoie à la fois aux documents papier et aux données numériques , y compris les messageries électroniques .

L'article L. 211-4 définit les archives publiques comme « les documents qui procèdent de l'activité de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public », mais aussi « les documents qui procèdent de la gestion d'un service public ou de l'exercice d'une mission de service public par des personnes de droit privé », ainsi que « les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels et les registres de conventions notariées de pacte civil de solidarité. »

Les articles L. 212-2 et L. 212-3 définissent les archives publiques définitives . Il s'agit :

- pour celles qui ne comportent pas de données à caractère personnel, de celles qui sont conservées du fait de leur utilité administrative ou de leur intérêt historique et scientifique à l'issue d'une sélection effectuée à l'expiration de leur période d'utilisation courante ;

- pour celles qui comportent des données à caractère personnel, de celles qui sont conservées du fait de leur utilité administrative ou de leur intérêt scientifique, statistique ou historique , à l'issue d'une sélection effectuée à l'expiration de la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles ont été collectées et traitées.

L'article R. 212-10 définit les archives courantes comme « les documents qui sont d'utilisation habituelle pour l'activité des services, établissements et organismes qui les ont produits ou reçus ».

L'article R. 212-11 définit les archives intermédiaires comme « les documents qui ont cessé d'être considérés comme archives courantes et ne peuvent encore, en raison de leur intérêt administratif, faire l'objet de sélection et d'élimination. »

Il est considéré qu'environ 10 % des archives publiques courantes et intermédiaires ont vocation à devenir des archives définitives .

Source : commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français.

III - Le projet de loi

Le présent article modifie l'article L. 111-1 du code du patrimoine, qui définit les trésors nationaux, afin de supprimer la qualité de trésors nationaux actuellement retenue pour les archives publiques courantes et intermédiaires .

L'article L. 212-4 du code du patrimoine confie aux personnes productrices d'archives publiques, à savoir les personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public, le soin de la conservation de leurs archives publiques courantes et intermédiaires, sous le contrôle scientifique et technique de l'administration des archives. Il les autorise néanmoins à recourir aux services d'un prestataire externe agréé, pour une durée de cinq ans, par le ministre chargé de la culture, sous réserve d'en faire la déclaration auprès de l'autorité en charge du contrôle scientifique et technique de l'administration des archives. Les archives publiques définitives, en revanche, sont systématiquement versées à un service public d'archives auquel incombe le soin de la conservation.

L'étude d'impact laisse entendre que l'obligation de recourir à un prestataire implanté sur le territoire national pour la numérisation et le stockage des archives publiques depuis leur intégration à la définition de trésor national en 2015 a eu des conséquences financières importantes pour les personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public, même si le montant resterait difficile à évaluer .

C'est pourquoi le présent article prévoit de restreindre la définition de trésor national aux archives historiques et aux seules archives publiques définitives . Les personnes publiques et les personnes privées exerçant une mission de service public auraient ainsi plus aisément accès aux services d'hébergement de données, à l'instar des solutions de « cloud », souvent localisés hors du territoire douanier, pour la conservation des archives publiques courantes et intermédiaires dont elles ont la garde.

IV - La position de la commission

Comme le souligne Mme Christine Nougaret, vice-présidente du Conseil supérieur des archives, dans un rapport remis à la ministre de la culture le 24 mars 2017 sur la collecte et l'accès aux archives publiques à l'ère numérique, « la conservation des archives publiques est d'intérêt général et justifie l'intervention du législateur pour garantir leur pérennité et leur accessibilité sans limite de durée ».

Si l'intégration de l'ensemble des archives publiques dans les trésors nationaux a permis d'assurer la protection de la totalité de ces documents et données, en imposant leur maintien sur le territoire national, elle s'est traduite par de fortes contraintes, qui peuvent paraître à la fois excessives et inadaptées à l'enjeu . La notion de trésor national a pour objet d'assurer une protection pour les biens culturels qui présentent une valeur particulière au regard de l'art, de l'histoire ou de l'archéologie. Tel ne semble pas être le cas de l'ensemble des archives publiques courantes et intermédiaires.

Tout courriel échangé au sein d'une administration revêt actuellement le caractère de trésor national et ne saurait, de ce fait, être stocké en dehors du territoire douanier. On peut se demander si cette obligation est effectivement respectée dans un contexte marqué par le développement croissant des solutions de stockage virtuel hors du territoire national.

En 2014 , lors de la préparation du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel, le ministère de la culture avait étudié l'éventualité d'une intégration dans le périmètre des trésors nationaux des seules archives publiques destinées à être conservées à titre définitif . Cette option avait finalement été écartée en raison de l'impossibilité de déterminer à coup sûr dès leur création le sort final de l'ensemble des documents. Force est de constater que le périmètre des documents jugés comme destinés à une conservation définitive est évolutif.

La notion d'« archives essentielles », défendue par Christine Nougaret dans son rapport à partir du modèle de l'archivistique canadienne qui protège sous cette appellation tous les documents « qui permettent la continuité ou le rétablissement des opérations, des droits et des obligations durant ou après une période de crise et dont la disparition, d'une façon générale et quelle qu'en soit la cause, aurait des conséquences graves et irréparables pour une organisation », suscite aujourd'hui de larges débats.

Il n'en demeure pas moins que la protection des archives publiques courantes et intermédiaires doit être garantie , parce qu'une partie d'entre elles comporte des données sensibles , ce qui nécessite de préserver notre souveraineté sur leur gouvernance , ou a vocation à intégrer la catégorie des archives définitives à l'issue de la procédure de sélection, ce qui justifie une protection au titre du patrimoine .

Si l'article R. 212-23 du code du patrimoine ne permet aujourd'hui de délivrer l'agrément qu'aux prestataires d'archivage qui s'engagent à conserver sur le territoire national les archives qui leur sont confiées, cette rédaction est sans doute appelée à évoluer une fois que le verrou lié à la qualité de trésor national aura sauté. Votre commission manque d'éléments lui permettant d'apprécier les évolutions induites , d'autant que cette sur-transposition n'avait pas été identifiée dans le rapport inter-inspections. Quant à l'étude d'impact, elle n'apporte aucune indication sur ce point.

Pour éviter tout risque d'un détournement de certaines données à l'étranger, qui pourrait les rendre difficiles à récupérer et fragiliser notre patrimoine national, votre rapporteure a proposé de compléter le II de l'article L. 212-4 du code du patrimoine, qui fixe les conditions de conservation des archives publiques courantes et intermédiaires et les modalités de son éventuelle externalisation, pour garantir que la conservation des archives sensibles ou à caractère patrimonial non encore définitives se poursuive sur le territoire national. Compte tenu de l'objectif du projet de loi, qui vise à réduire le poids des normes, les commissaires n'ont toutefois pas jugé souhaitable d'introduire une telle disposition qui aurait eu pour effet de créer plusieurs régimes au sein des archives publiques courantes et intermédiaires.

Même si l'utilisation des services de « cloud » a sans doute vocation à prendre de l'ampleur, sous l'effet des évolutions technologiques et de l'accroissement du volume des archives sous format numérique, l'État doit également poursuivre sa réflexion sur le renforcement de la mutualisation d'achat ou de location d'infrastructures pour le stockage des archives, ainsi que sur la mise en place de solutions de « cloud » sur le territoire national, qui seraient particulièrement utiles aux collectivités territoriales.

Votre commission a adopté l'article 25 sans modification

Article 26
(articles L. 112-7 et L. 112-15 [abrogés] du code du patrimoine)

Suppression des obligations de publicité
en matière d'actions en restitution de biens culturels

Article examiné dans le cadre de la législation en commission

Objet : Cet article supprime l'obligation d'informer le public qu'une action en restitution de bien culturel a été lancée, soit par un État membre en France, soit par la France auprès d'un autre État membre.

I - Le droit européen

Afin de faciliter le retour sur le territoire national des biens culturels qualifiés de « trésors nationaux » qui l'auraient quitté illicitement, le droit européen a mis en place une procédure de coopération administrative entre les États membres .

Introduite par la directive 93/7/CEE du 15 mars 1993 du Conseil des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre, ce mécanisme a été réorganisé par la directive 2014/60/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, au regard de la complexité de la procédure initialement mise en place et de son efficacité limitée.

II - Le droit national en vigueur

Lors de la transposition de la directive 93/7/CEE en 1995, le législateur , à l'initiative de M. Jean-Paul Hugot 204 ( * ) , rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, a souhaité inscrire dans la loi le principe de la publicité de l'introduction d'une action en restitution d'un bien culturel, qui n'était pas exigé par la directive , pour des raisons tenant à la fois à la protection des droits du propriétaire du bien et à la transparence des procédures administratives.

Il lui paraissait en effet important que « le propriétaire d'un bien culturel auquel ce dernier a été dérobé puisse être informé et, éventuellement associé, dans les plus brefs délais à l'action introduite » au motif qu'« il détiendra [bien souvent] des éléments d'information précieux sur la valeur du bien, sur son histoire ou sa notoriété, sur les conditions de sa disparition ou de sa sortie, qui constitueront autant d'indices susceptibles d'éclairer le juge sur la bonne foi du possesseur ou dans la fixation de l'indemnité due à ce dernier » .

Bien que l'obligation de publicité ne figure pas non plus dans la procédure mise en place par la nouvelle directive 2014/60/UE, elle n'a pas été remise en cause à l'occasion de la transposition de cette directive. La loi n° 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel n'a en effet pas modifié les articles L. 112-7 et L. 112-15 du code du patrimoine, qui posent l'obligation d'informer le public lors de :

- l'introduction d'une action en restitution d'un trésor national par un autre État membre auprès du tribunal de grande instance compétent ;

- l'introduction d'une action en restitution effectuée par la France auprès d'un autre État membre ainsi que la décision rendue par la juridiction saisie.

Les articles R. 112-18 et R. 112-23 confient à l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) la responsabilité de ces communications au public.

III - Le projet de loi

Le présent article supprime l'obligation de publicité, qui constitue un écart de transposition , en abrogeant les deux articles du code du patrimoine - les articles L. 112-7 et L. 112-15 - qui en posent le principe.

L'étude d'impact justifie cette évolution par les lourdeurs administratives induites par cette exigence, dans un contexte où le nombre de procédures de restitutions pourrait s'accroître du fait des évolutions prévues par la nouvelle directive, qui devraient en faciliter la mise en oeuvre.

Au-delà des lourdeurs administratives, le ministère de la culture fait valoir que l'exigence de publicité n'aurait pas véritablement apporté de valeur ajoutée par le passé aux actions en restitution qui ont été introduites.

IV - La position de la commission

L'autorité administrative restant libre de recourir à la publicité si elle l'estime utile, votre commission a approuvé la suppression de cette obligation de publicité qui n'est pas prévue par la directive.

V otre commission a adopté l'article 26 sans modification

Article 27
(articles L. 132-20-1 et L. 217-2 du code de la propriété intellectuelle)

Suppression de l'obligation d'agrément des organismes de gestion collective obligatoire pour les retransmissions simultanées, inchangées
et intégrales par câble d'émissions provenant d'autres États membres

Article examiné dans le cadre de la législation en commission

Objet : cet article supprime l'obligation d'agrément propre aux organismes de gestion collective obligatoire établis en France pour la retransmission de manière simultanée dans le temps, inchangée et intégrale de toutes les émissions initiales provenant d'un autre État membre.

I - Le texte européen

La directive 93/83/CE du Conseil du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble visait en particulier à faciliter la retransmission de manière simultanée dans le temps et inchangée d'une émission initiale provenant d'un autre État membre .

Lors de ces retransmissions, le rôle des distributeurs opérant à travers le câble est de reprendre le signal en provenance d'un autre État européen et de le rediriger vers des utilisateurs sans intervenir pour autant sur le choix des programmes et donc sans être en mesure d'identifier précisément les titulaires des droits attachés à ces programmes.

Pour répondre à cette difficulté, l'article 9 de la directive 93/83/CE précise que les détenteurs de droits doivent s'en remettre à un organisme de gestion collective pour la rémunération de ces droits . Il prévoit également la compétence des organismes de gestion collective à l'égard de ceux qui n'en sont pas membres afin de garantir au distributeur par câble la représentation complète de ces droits gérés de manière collective.

II - Le droit national en vigueur

La directive 93/83/CE a été transposée par la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des Communautés européennes n os 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993 aux articles L. 132-20-1 et L. 217-2 du code de la propriété intellectuelle.

Le mécanisme de gestion collective obligatoire limite substantiellement l'exercice individuel des droits par les ayants-droit. Ceux-ci ne sont en effet plus en mesure de contrôler chaque utilisation particulière des oeuvres dont ils détiennent les droits.

Tenant compte de cette limitation à l'exercice des droits, le législateur français a soumis à un agrément les organismes de gestion collective chargés de gérer collectivement le droit de retransmission par câble simultanée et intégrale . La mise en place d'un mécanisme de contrôle a priori n'était toutefois pas requise en tant que telle par la directive .

Cet agrément, valable pour une durée de cinq ans, constitue une garantie pour les titulaires de droits puisqu'il permet d'attester notamment de la qualification des dirigeants, de la réalité des moyens mis en oeuvre pour assurer la gestion des droits et du caractère équitable des règles de répartition des sommes. Il apporte également une garantie aux utilisateurs qui acquittent les droits en cause auprès des organismes de gestion collective, et permet de sécuriser les accords conclus entre les utilisateurs et ces organismes.

Les six organismes de gestion collective qui ont fait l'objet d'un tel agrément par le ministère de la culture sont les suivants : la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) (arrêté du 10 février 2015), la société civile des auteurs multimédia (SCAM) (arrêté du 12 décembre 2014), la Société civile des auteurs réalisateurs producteurs (ARP) (arrêté du 29 septembre 2014), la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) (arrêté du 18 août 2014), la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) (arrêté du 18 août 2014) et l'Agence nationale de gestion des oeuvres audiovisuelles (ANGOA) (arrêté du 5 juin 2014).

III - Le projet de loi

Le présent article prévoit de supprimer la procédure d'agrément dans la mesure où la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins a mis en place un cadre juridique harmonisé ayant pour objectif que le service fourni par les organismes de gestion collective à leurs membres soit efficace, fiable, transparent et responsable . Selon l'étude d'impact, « cette directive améliore les normes de gouvernance et de transparence des organismes de gestion collective, afin que les titulaires de droits puissent exercer un contrôle plus efficace sur elles et contribuer à renforcer l'efficacité de leur gestion ».

La rédaction des articles L. 132-20-1 et L. 217-2 du code de la propriété intellectuelle (CPI) est modifiée en conséquence afin de supprimer les références à l'agrément dans chaque alinéa considéré.

Selon l'étude d'impact, « cette modification aura pour effet d'alléger les charges administratives pesant sur les organismes de gestion collective susmentionnés qui gèrent les droits de retransmission par câble simultanée et inchangée. Ces organismes ne seront en effet plus tenus d'adresser au ministère de la culture un dossier de demande d'agrément comportant l'ensemble des pièces et informations permettant d'établir qu'ils satisfont aux critères mentionnés à l'article L. 132-20-1 du code de la propriété intellectuelle » .

Le présent article étend également l'application de cette disposition aux îles Wallis et Futuna.

IV - La position de la commission

Votre rapporteur ne peut qu'être sensible à l'objectif de simplification visé par la suppression de cet agrément. Toute la question est cependant de savoir si les garanties apportées par l'agrément sont aujourd'hui moins nécessaires compte tenu de l'harmonisation du cadre juridique des organismes de gestion collective organisée par la directive 2014/26/UE du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins.

Afin de s'assurer que ce point de vue était partagé par les organismes considérés, votre rapporteur s'est rapproché de l'ARP, de la SCAM et de la SACEM. Il est apparu que ces organismes n'avaient pas été consultés par le Gouvernement sur ce projet de suppression d'agrément .

Au-delà de cette question de méthode, on peut observer des positions diverses sur ce projet de suppression d'agrément.

La SCAM en particulier estime que « la suppression de l'agrément, de sa procédure d'obtention et de la procédure de son retrait dans l'article L. 132-20-1 du code de la propriété intellectuelle pourrait apporter plus de problèmes qu'elle n'en règle » . Pour la société en charge de défendre les auteurs multimédia en effet « la procédure d'agrément, si elle est contraignante, ne se fait qu'une fois. C'est donc une contrainte toute relative pour un agrément permanent. L'agrément permet par ailleurs aux distributeurs d'avoir des interlocuteurs limités et désignés parmi la kyrielle d'organismes de gestion collective (OGC) qui pourrait prétendre à gérer ce droit. Ils peuvent ainsi s'assurer qu'ils sont dans la légalité en ne contractant qu'avec les OGC agréés et être garantis par la loi qu'ils n'ont pas à demander d'autorisation à des sociétés tierces » . La SCAM estime ainsi que si le gain en termes de simplification est très limité, « la conséquence pourrait en revanche être une complexité accrue pour les distributeurs qui pourraient voir se multiplier les interlocuteurs avec une garantie juridique plus faible » .

La SACEM estime pour sa part que « le principe d'un agrément est lié au fait que la gestion collective est obligatoire d'un point de vue juridique pour ce mode d'exploitation. Si seuls les organismes de gestion collective sont habilités à intervenir alors il est assez cohérent de vérifier par l'intermédiaire d'un agrément leur capacité à gérer ce type d'exploitation » . Elle observe toutefois que cet agrément ne concerne que les organismes de gestion situés en France, ce qui l'amène à considérer que sa suppression pourrait constituer un allègement d'une contrainte de gestion.

Votre rapporteur observe que si la SCAM et la SACEM n'appelaient pas à la suppression de cet agrément, c'est d'abord parce que son obtention ne constituait pas une charge excessive et qu'il présentait en contrepartie des avantages en termes de garanties apportées pour la gestion des droits dans le cas des retransmissions simultanées de programmes provenant d'un autre État membre.

On peut toutefois rappeler que les droits que les organismes de gestion collective perçoivent aujourd'hui à titre principal le sont sans agrément. En effet , l'agrément n'est pas prévu pour l'ensemble des activités de perception et de répartition des organismes de gestion collective mais uniquement pour la perception et la répartition de certains droits , comme le droit de retransmission transfrontière simultanée et intégrale par câble.

L'agrément accorde certes en pratique une légitimité plus forte pour la perception des rémunérations dues à raison de l'exploitation des droits de leurs membres puisque les organismes de gestion collective de ces droits disposent d'un document publié au Journal officiel de la République française indiquant qu'ils sont habilités à percevoir ces droits pour une période déterminée (5 ans).

Par ailleurs, un des avantages de l'agrément tient au fait qu'il permet d'indiquer aux utilisateurs à quels organismes s'adresser pour acquitter les droits ou conclure des licences. Cependant, comme le fait remarquer le ministère de la culture consulté par votre rapporteure : « l'information relative à ces agréments n'est pas centralisée : l'agrément ne permet donc pas d'orienter l'utilisateur qui souhaite exploiter ou qui est redevable d'une rémunération vers tel ou tel organisme de gestion collective » .

Un argument important en faveur de l'agrément pourrait être qu'il permet, en amont, de vérifier que l'organisme qui gère les droits dispose des moyens humains, financiers et matériels pour assurer une bonne perception ainsi qu'une bonne répartition des droits. La suppression de l'agrément pour la retransmission simultanée, intégrale et inchangée par câble dans un cadre transfrontière aura donc pour conséquence que le contrôle du bon accomplissement par l'organisme de sa mission de perception et de répartition se fera ex post .

Or, l'ordonnance n° 2016-1823 du 22 décembre 2016 transposant la directive 2014/26/UE relative à la gestion collective a renforcé la transparence dans la gestion des organismes de gestion collective et ouvert un certain nombre de recours non seulement aux titulaires de droits mais aussi aux utilisateurs. Le contrôle a posteriori devrait donc en être renforcé.

Le code de la propriété intellectuelle prévoit désormais des obligations renforcées de transparence (notamment aux articles L. 326-1, L. 326-3, L. 326-4, L. 326-5) qui permettent, d'une part, aux utilisateurs de connaître le répertoire couvert et, d'autre part, aux titulaires de droits de disposer d'une information précise sur les exploitations réalisées de leurs oeuvres, des montants perçus et des délais de répartition. Des recours sont par ailleurs prévus devant la Commission de contrôle des organismes de gestion (article L. 327-1 et s. CPI). Il sera donc possible aux utilisateurs de s'assurer que l'organisme de gestion collective est bien chargé de gérer les droits pour lesquels il demande une rémunération comme il sera possible aux titulaires de droits de vérifier qu'une répartition adéquate et diligente aura été faite.

Compte tenu de ces garanties, votre rapporteure estime que la suppression de l'agrément ne devrait pas fragiliser la sécurité juridique nécessaire à la gestion collective des droits dans le cadre des retransmissions simultanées, inchangées et intégrales par câble d'émissions provenant d'autres États membres.

La commission a adopté l'article 27 sans modification


* 204 Rapport n° 348 (1994-1995) de M. Jean-Paul Hugot fait au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat sur le projet de loi portant transposition de la directive n° 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil des communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre et disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/1994-1995/i1994_1995_0348.pdf.

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