Rapport n° 11 (2018-2019) de MM. François-Noël BUFFET et Yves DÉTRAIGNE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 octobre 2018

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N° 11

• • SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 octobre 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi (procédure accélérée) de programmation 2018 - 2022 et de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique (procédure accélérée) relatif au renforcement de l' organisation des juridictions ,

Par MM. François-Noël BUFFET et Yves DÉTRAIGNE,

Sénateurs

Tome 1 : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

462 , 463 (2017-2018), 12 et 13 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 3 octobre 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas , président , après avoir entendu Mme Nicole Belloubet , garde des sceaux , ministre de la justice , le mardi 25 septembre 2018, la commission a examiné le rapport de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne , rapporteurs , et établi ses textes sur le projet de loi (n° 463, 2017-2018) de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ( procédure accélérée ) et le projet de loi organique (n° 462, 2017-2018) relatif au renforcement de l' organisation des juridictions ( procédure accélérée ).

L'examen de ces projets de réforme de la justice, déposés en premier lieu au Sénat, fait suite aux importants travaux de la commission des lois , au travers de sa mission d'information sur le redressement de la justice, dont les conclusions ont été présentées le 4 avril 2017, et ont conduit à l'adoption de la proposition de loi d'orientation et de programmation et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice, par le Sénat, le 24 octobre 2017.

Ces travaux constituent le cadre à partir duquel la commission des lois a appréhendé la réforme présentée par le Gouvernement et a tenu à relever son ambition, afin qu'elle soit à la hauteur des enjeux concernant tant les moyens que l'organisation et le fonctionnement de la justice . Dans la continuité de ces travaux, la commission estime que le redressement de la justice de notre pays exige un accroissement des crédits et des emplois du ministère de la justice plus substantiel que celui proposé par le Gouvernement , pour améliorer le fonctionnement quotidien des juridictions et l'informatique judiciaire, pour recruter des magistrats et des personnels judiciaires et pénitentiaires ou encore pour développer le parc pénitentiaire, mais qu'un tel accroissement doit aller de pair avec de profondes réformes d'organisation et de fonctionnement. Sur ces deux volets, les rapporteurs ont considéré la réforme comme inaboutie.

Le diagnostic sur la situation dégradée de la justice étant connu depuis longtemps, tout comme les pistes de réforme possibles et l'urgence de leur mise en oeuvre, la commission estime que le Gouvernement aurait dû présenter un projet de loi dès les premiers mois de la nouvelle législature . En effet, depuis, les arbitrages budgétaires pluriannuels ont déjà été arrêtés , avec l'adoption de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, dont les montants ne sont pas réévalués par le projet de loi de programmation.

En conséquence, à l'initiative de ses rapporteurs, la commission a modifié les projets de loi ordinaire et organique, afin de reprendre les mesures déjà adoptées par le Sénat en octobre 2017, y compris en matière budgétaire .

La commission des lois a adopté 134 amendements sur le projet de loi, dont 110 présentés par ses rapporteurs, et 21 amendements sur le projet de loi organique, tous présentés par ses rapporteurs.

1. En matière budgétaire, la commission a demandé un effort plus important, à la hauteur des enjeux du redressement de la justice.

La commission a rétabli la trajectoire budgétaire déjà adoptée par le Sénat en 2017, comportant une hausse des crédits de 5 % par an en moyenne, là où celle prévue par le Gouvernement est en-deçà de 4 %, pour atteindre un budget global du ministère de la justice de 9 milliards d'euros (hors charges de pensions), contre 8,3 milliards dans le projet du Gouvernement. La hausse des crédits proposée par le Sénat inclurait la création de 13 700 emplois, là où le Gouvernement en prévoit 6 500.

2. En matière de justice civile, la commission a amélioré l'efficacité et la rapidité des procédures, tout en veillant à la protection des personnes vulnérables, par la suppression ou l'encadrement de certaines mesures.

Le volet civil de la réforme comporte des mesures assez disparates, constituant pour beaucoup des économies de gestion et des déjudiciarisations.

La commission a supprimé l'extension de la tentative de résolution amiable préalable obligatoire à toute saisine du juge, en raison de l'absence d'évaluation du dispositif instauré en 2016. Elle a renforcé l'encadrement des services en ligne de résolution amiable des litiges, en l'étendant aux services d'aide à la saisine des juridictions et en prévoyant une certification obligatoire. Elle a supprimé ou restreint certaines déjudiciarisations. Elle a conservé la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux. Elle a veillé à ce que la dématérialisation des procédures ne se fasse pas au détriment de l'accès au juge pour tous les justiciables. Elle a veillé au maintien d'un contrôle effectif de tous les comptes de gestion des personnes en tutelle. Enfin, elle a relevé le niveau de protection de la vie privée dans l' open data des décisions de justice, comportant l'anonymisation des noms des magistrats.

3. En matière de procédure pénale, la commission a été soucieuse de l'équilibre entre l'efficacité des enquêtes et la garantie des libertés, mises en danger par un renforcement excessif des prérogatives du parquet.

La commission a veillé à ce que l'accroissement des prérogatives du parquet et des services d'enquête, sous le contrôle souvent trop formel du juge des libertés et de la détention, ainsi que la simplification de la procédure pénale ne portent pas une atteinte excessive aux libertés.

Elle a ainsi limité l'extension à la grande majorité des délits de techniques d'enquête intrusives dans la vie privée (géolocalisation, enquête sous pseudonyme, interceptions judiciaires, sonorisation, IMSI catcher ...). Elle a aussi veillé à ne pas marginaliser le juge d'instruction dans la procédure pénale et a maintenu la collégialité des travaux de la chambre de l'instruction de la cour d'appel. Elle a garanti la présence de l'avocat lors des perquisitions.

La commission a maintenu l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de garde à vue et l'accord de la personne mise en cause pour la visioconférence lorsque le juge statue sur la détention provisoire. Elle a supprimé la procédure de comparution à effet différé, notamment en raison des risques d'augmentation de la détention provisoire.

Au vu des explications de ses rapporteurs, la commission a accepté l'expérimentation du tribunal criminel départemental. Elle a admis l'extension à de nouveaux délits des amendes forfaitaires, dispositif qu'elle a systématisé. Elle a modéré l'extension du champ des procédures pénales transactionnelles, qui présentent moins de garanties pour la défense.

4. En matière d'exécution des peines, la commission a amélioré l'efficacité et la lisibilité du système, en renforçant le rôle de la juridiction de jugement et en créant une peine autonome de probation.

Les rapporteurs ont considéré que le projet de loi ne rompait pas avec l'hypocrisie du système de l'exécution des peines, résultant des règles actuelles de l'aménagement des peines et conduisant à ce que les peines exécutées soient trop rarement les peines prononcées. Afin d'y remédier, la commission a voulu donner à la juridiction de jugement la responsabilité de décider s'il y aura ou non aménagement de la peine qu'elle prononce, par le juge de l'application des peines, voire de l'aménager elle-même, mais également la capacité de mieux évaluer la personnalité du condamné afin d'individualiser davantage la peine prononcée, conformément aux conclusions de la mission d'information sur les peines. Elle a ainsi restauré la crédibilité du prononcé et de l'exécution des peines, en supprimant tout examen obligatoire des peines d'emprisonnement aux fins d'aménagement.

La commission a aussi supprimé la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, en raison de la confusion qu'elle induit, et conservé le placement sous surveillance électronique. Elle a fait de la probation une peine autonome, permettant au juge de la prononcer le cas échéant en complément d'une peine d'emprisonnement. Elle a supprimé le caractère automatique de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine.

Les rapporteurs ont jugé que le plan de construction de 15 000 places supplémentaires de prison d'ici 2022 était abandonné, puisque les ambitions ont été ramenées à 7 000 places. Aucun chantier n'étant engagé à ce jour, ils doutent cependant que même cet objectif plus modeste puisse être atteint.

5. En matière d'organisation judiciaire, la commission a clarifié la réforme, avec la création du tribunal de première instance, tout en veillant au maillage territorial et à la proximité de l'institution judiciaire.

La commission a accepté la mise en place d'une gestion commune du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, déjà approuvée par le Sénat en 2017 dans la proposition de loi d'orientation et de programmation sur le redressement de la justice, tout en retenant la dénomination de tribunal de première instance, comportant des chambres détachées en dehors de son siège, aucune implantation judiciaire ne devant être fermée. Elle a supprimé le dispositif trop complexe et peu utile de spécialisation des tribunaux de grande instance en matière civile et pénale, en cas de pluralité de tribunaux dans un même département. Elle a ajouté des garanties pour les personnels ainsi qu'un mécanisme d'encadrement de toute évolution de la carte judiciaire.

Pour assurer un traitement adapté des contentieux de l'actuel tribunal d'instance, la commission a créé une fonction de juge chargé des contentieux de proximité, dans le cadre de l'ordonnance de roulement du président du tribunal, à l'instar du juge aux affaires familiales, et non comme une fonction statutaire spécialisée.

La commission a également supprimé l'expérimentation concernant les cours d'appel, jugée peu utile et pertinente, consistant dans certaines régions à désigner des cours chefs de file et à spécialiser certaines cours en matière civile.

6. La commission a ajouté des mesures supplémentaires de réforme, issues de ses travaux antérieurs.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a introduit, selon le cas, dans le projet de loi ou dans le projet de loi organique plusieurs mesures déjà adoptées dans les propositions de loi sur le redressement de la justice.

Elle a ainsi adopté une réforme de l'aide juridictionnelle, sujet absent du projet de loi, consistant dans le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros, et l'obligation de consultation préalable d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle, devant permettre d'assurer un filtrage effectif en appréciant la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

Elle a également introduit une réforme des tribunaux de commerce, en étendant leur corps électoral et leur compétence en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à toutes les entreprises, incluant les agriculteurs et les travailleurs indépendants et professionnels libéraux. Elle leur a donné compétence en matière de baux commerciaux.

Enfin, elle a souhaité réguler davantage la mobilité des magistrats, qui pèse sur le fonctionnement des juridictions, en prévoyant des durées minimales et maximales d'exercice des fonctions, et établir des critères de sélection et d'évaluation des chefs de cour et de juridiction.

La commission des lois a adopté le projet de loi de programmation et le projet de loi organique ainsi modifiés .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Il y a presque un an, le 24 octobre 2017, sur le rapport de notre collègue Jacques Bigot et de votre rapporteur François-Noël Buffet, le Sénat adoptait la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice 1 ( * ) et la proposition de loi organique pour le redressement de la justice 2 ( * ) , présentées par notre collègue Philippe Bas, président de votre commission des lois, en conclusion des travaux de la mission d'information sur le redressement de la justice qu'elle avait constituée 3 ( * ) . Pluraliste, la mission d'information a organisé ses travaux de juillet 2016 à avril 2017, entendant 289 personnes lors de 117 auditions et effectuant 13 déplacements dans des juridictions, des écoles de formation du ministère de la justice et des établissements pénitentiaires. Pour la mener à bien, votre commission avait obtenu du Sénat l'octroi des prérogatives d'une commission d'enquête, ce qui lui avait permis d'avoir communication de divers documents provenant des services du ministère de la justice.

Ces votes du 24 octobre 2017 marquaient l'achèvement des travaux engagés de façon globale et transversale par votre commission sur la situation de la justice, dans l'attente de la réforme annoncée par le Premier ministre le 4 juillet 2017 dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. En effet, celui-ci avait cité la réforme de la justice au deuxième rang des priorités, juste après le projet de loi pour la confiance dans la vie politique, annonçant « une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice » destinée à engager « un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation ».

Les préconisations de la mission d'information se caractérisaient par une double ambition : d'une part, redresser fortement les crédits et les effectifs des services judiciaires et pénitentiaires, afin que la justice soit convenablement rendue dans notre pays, dans des conditions dignes pour les justiciables comme pour les magistrats et les fonctionnaires ou encore pour les détenus, et, d'autre part, accompagner ce redressement des moyens par les réformes d'organisation et de fonctionnement sans lesquelles cette hausse des crédits ne pourrait pas atteindre ses objectifs d'efficacité et de qualité de la justice.

Six mois plus tard, le 20 avril 2018, le Gouvernement déposait enfin, sur le Bureau du Sénat, le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions, ce second texte n'étant que de coordination avec le premier. Votre commission veut voir dans la décision du Gouvernement de soumettre en premier lieu ces projets de loi à l'examen de notre assemblée la reconnaissance de l'engagement constant du Sénat en faveur de la justice, en particulier avec les travaux de votre commission depuis 2016. Elle regrette que cette réforme n'ait pas été présentée plus tôt, au début de la législature, comme ce fut le cas pour la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, mais la garde des sceaux a souhaité s'appuyer sur une phase de concertation, dans le cadre des « chantiers de la justice ».

Fonction régalienne par excellence et pourtant service trop longtemps délaissé, la justice va mal. Or il y a urgence, en matière civile comme en matière pénale, ainsi que l'ont montré les déplacements et les auditions de la mission d'information, de même que les auditions menées par vos rapporteurs en juillet et en septembre pour préparer leur rapport.

Afin de préciser les conclusions de la mission d'information précitée en matière d'exécution des peines, votre commission a décidé de conduire une mission complémentaire sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre 4 ( * ) , confiée à notre collègue Jacques Bigot et à votre rapporteur François-Noël Buffet. En outre, conjointement avec la commission des affaires sociales, votre commission a engagé une mission sur la justice prud'homale, dont les conclusions sont attendues dans les premiers mois de l'année 2019 5 ( * ) .

Au-delà de la question des délais de préparation de la réforme, votre commission exprime un sentiment partagé sur son contenu : si bon nombre de dispositions présentent de l'intérêt et seront utiles au redressement de la justice, d'autres, en matière civile comme en matière pénale, suscitent la déception car elles s'inscrivent dans une logique trop gestionnaire et demeurent en-deçà de l'ambition qu'elle juge nécessaire en faveur de la justice.

Lors de son audition par votre commission des lois, la garde des sceaux a néanmoins affirmé qu'il s'agissait d'une « réforme globale et concrète », alliant des réformes de procédure à des moyens supplémentaires.

Si cette réforme se veut ambitieuse d'un point de vue budgétaire, elle se limite en réalité à reprendre les montants de crédits qui ont déjà été votés par le Parlement dans la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Dans la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, le Sénat avait adopté une trajectoire budgétaire plus ambitieuse, à la hauteur des enjeux et du manque actuel de moyens. Alors que le projet de loi prévoit une augmentation des crédits de 23,5 % sur l'ensemble de la période 2018-2022 par rapport à 2017, la proposition de loi prévoyait une progression de 33,8 % 6 ( * ) . Alors que le projet de loi prévoit la création de 6 500 emplois au sein du ministère de la justice de 2018 à 2022, la proposition de loi en prévoyait 13 728. Au surplus, le projet de loi ne précise pas la répartition des crédits et des emplois supplémentaires entre les différents programmes budgétaires du ministère de la justice, même si, à la demande du président de votre commission, le Gouvernement a finalement accepté de la communiquer à vos rapporteurs.

Cette réforme se veut également ambitieuse par la prise en compte de tous les domaines de la justice et la volonté de les traiter ensemble, à l'exception notable de l'aide juridictionnelle : justice civile, procédure pénale, exécution des peines et organisation judiciaire. Or, si nombre de mesures seront utiles, votre commission constate que, dans certains domaines, la réforme reste inaboutie et que, dans d'autres, il s'agit surtout de trouver de nouvelles économies de fonctionnement ou bien de faire face aux difficultés de gestion et à la pénurie des moyens, au détriment parfois des justiciables en matière civile ou des libertés individuelles en matière pénale. À cet égard, cette réforme se situe dans la continuité de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

De plus, vos rapporteurs considèrent que la réforme aurait justifié la discussion de deux textes distincts, comme cela avait été envisagé initialement par le Gouvernement : le premier sur la programmation budgétaire, la justice civile et l'organisation judiciaire et le second sur la procédure pénale et l'exécution des peines, pour une plus grande clarté des débats. Tel n'a pas été finalement la décision du Gouvernement, le Sénat étant aujourd'hui saisi d'un unique texte particulièrement touffu et volumineux, outre le texte organique de coordination.

Tirant les conséquences de sa relative déception au regard du décalage entre l'ambition affichée de réforme et la réalité de son contenu, plus en demi-teinte, votre commission a voulu aller plus loin dans l'indispensable réforme de la justice, au-delà des simples ajustements. Pour ce faire, elle a naturellement fait le choix de se placer dans le prolongement de ses propres travaux sur la justice, engagés depuis 2016.

Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre énonça aussi : « Dans un État de droit rien n'est possible sans une justice forte. » Il revient désormais à notre assemblée de contribuer, grâce à ses travaux, à ce que demain la justice puisse effectivement redevenir forte.

I. L'URGENCE DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE, CONSTAMMENT RÉAFFIRMÉE PAR LE SÉNAT

Les constats comme les pistes de réforme figurant dans les conclusions de la mission d'information sur le redressement de la justice, le 4 avril 2017, demeurent aujourd'hui pleinement valables.

A. UN CONSTAT PARTAGÉ ET CONNU DE TOUS

Votre commission relève que les principaux éléments du constat dressé par la mission d'information sur le redressement de la justice, au terme de ses travaux en avril 2017, demeurent aujourd'hui valables pour l'essentiel, tant la situation de la justice est profondément dégradée. Vos rapporteurs renvoient par conséquent au rapport de la mission leur présentation détaillée.

Premièrement, le ministère de la justice a connu une hausse régulière et soutenue de ses moyens depuis une quinzaine d'années, en particulier depuis la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Cette hausse globale des crédits et des effectifs a bénéficié à tous les secteurs de la justice, mais surtout à l'administration pénitentiaire, de sorte que celle-ci est devenue le premier budget de la justice depuis 2012. De plus, des difficultés d'exécution budgétaire persistent, même si la situation a pu s'améliorer au cours des dernières années, ce qui suscite de la part de vos rapporteurs une réserve à propos de la capacité du ministère de la justice à employer efficacement les moyens supplémentaires qui lui sont promis.

Les crédits du ministère de la justice ont ainsi progressé en moyenne de 6,52 % par an entre 2002 et 2007, de 3,58 % entre 2007 et 2012 et de 2,93 % entre 2012 et 2017. Cette tendance s'est poursuivie dans les années récentes, avec une augmentation de 3,9 % entre 2017 et 2018. L'augmentation prévue pour 2019 est du même ordre, avec 3,81 % 7 ( * ) .

Parallèlement, l'institution judiciaire a été profondément déstabilisée par l'accumulation de réformes législatives, en matière civile comme en matière pénale, qui ont accru la charge de travail des juridictions, alors que les études d'impact accompagnant ces réformes étaient insuffisantes tout comme la prise en compte de leur dimension opérationnelle, par exemple organisationnelle ou informatique. Ainsi, en dépit de l'accroissement global des crédits et des effectifs, les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des réformes ont le plus souvent été sous-évalués.

Au demeurant, le système judiciaire français reste moins bien classé que ses homologues européens en termes d'effort budgétaire en faveur de la justice, selon les travaux de la commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l'Europe.

De plus, les réformes ont été mises en oeuvre dans le contexte d'une activité juridictionnelle lourde, caractérisée par des délais de jugement excessifs et croissants. Si le nombre d'affaires pénales poursuivables est en diminution depuis une dizaine d'années, le nombre d'affaires civiles est en augmentation continue, embolisant les juridictions. Logiquement, les délais de traitement des affaires sont en constante augmentation, au détriment de l'accès au juge.

Dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur Yves Détraigne mettait en évidence l'allongement de ces délais : en presque 10 ans, entre 2007 et 2016, le délai moyen de traitement des procédures devant les tribunaux de grande instance est passé de 7,5 à 11,1 mois, le stock des affaires à traiter ayant augmenté de plus de 29 % sur la même période 8 ( * ) .

Lors des dernières années, du fait de l'insuffisance des recrutements, les vacances de postes dans les juridictions sont devenues endémiques, pour atteindre près de 500 postes de magistrats et 900 postes de greffiers. Lors de son audition par votre commission, la garde des sceaux a indiqué que le nombre de postes vacants de magistrats était aujourd'hui revenu à 250, compte tenu des récents efforts de recrutement, le comblement total de ces vacances étant attendu en 2020 selon les prévisions de la direction des services judiciaires. Toutefois, le nombre d'emplois de magistrats dans chaque juridiction semble trop souvent sous-estimé par rapport à la réalité de la charge de travail 9 ( * ) .

Enfin, l'administration pénitentiaire souffre d'une situation chronique de surpopulation carcérale, battant chaque année de nouveaux records. Ainsi, au 1 er septembre 2018, le nombre de personnes écrouées détenues était de 70 164 pour 59 875 places opérationnelles. En outre, le système de l'exécution des peines demeure illisible, notamment en raison de la procédure d'examen automatique en vue d'un aménagement pour les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux ans, conduisant à ce que fréquemment la peine exécutée ne corresponde pas à la peine prononcée. Enfin, les moyens demeurent insuffisants pour assurer un réel accompagnement des personnes condamnées en vue de leur réinsertion, par les services pénitentiaires d'insertion et de probation comme par les associations socio-judiciaires.

Au vu de ce constat, la mission d'information avait fixé quatre grands objectifs au redressement de la justice : mieux maîtriser les délais de la justice, en matière civile comme en matière pénale, améliorer la qualité des décisions de justice, renforcer la proximité de la justice et assurer l'effectivité de l'exécution des peines.

B. DES PERSPECTIVES DE RÉFORME DÉJÀ LONGUEMENT DISCUTÉES

Vos rapporteurs veulent rappeler, en dehors même des récents travaux du Sénat, que les différentes perspectives possibles de réforme pour la justice ont été abondamment discutées au cours des dernières années, de sorte que seule manque la décision politique, mais pas la matière de la décision.

Les travaux organisés par la chancellerie sur la justice du XXI ème siècle en 2013, dans la perspective - décevante selon vos rapporteurs au regard du résultat obtenu - de l'adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, ont permis de débattre de toutes les pistes de réforme dans tous les domaines de la justice, en associant toutes les catégories concernées : magistrats, fonctionnaires, auxiliaires de justice et autres professionnels du droit ou encore universitaires. Les rapports qui en sont issus, en décembre 2013, notamment sur les juridictions du XXI ème siècle, sous l'égide de M. Didier Marshall 10 ( * ) , et sur le juge du XXI ème siècle, sous l'égide de M. Pierre Delmas-Goyon 11 ( * ) , présentent une synthèse complète des réformes envisageables ou souhaitables.

Peu après, en décembre 2015, le rapport du groupe de travail présidé par M. Bruno Cotte sur le droit des peines 12 ( * ) a formulé des préconisations qui ont été largement approuvées.

Plus récemment, en septembre 2016, le rapport sur l'encellulement individuel 13 ( * ) transmis au Parlement par M. Jean-Jacques Urvoas, alors garde des sceaux, puis en avril 2017, le rapport de la commission du livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire 14 ( * ) , présidée par notre ancien collègue Jean-René Lecerf, ont proposé une réforme de l'exécution des peines d'emprisonnement.

Ainsi, particulièrement dans les années récentes, la matière ne manque pas, dans tous les domaines de la justice. Ce sujet a d'ailleurs fait l'objet d'une attention particulière, accompagnée de propositions fournies, au-delà des seules questions pénales, dans les programmes des candidats à l'élection présidentielle de 2017.

À l'aune de cette exigence de réforme, les projets de loi soumis à votre commission s'en tiennent, au-delà des discours, à une dimension par trop gestionnaire, sans clairement trancher les débats fondamentaux, s'agissant par exemple de la nature de la procédure pénale et du rôle du parquet ou encore de la refonte de l'organisation judiciaire.

C. UN ENGAGEMENT CONSTANT DU SÉNAT EN FAVEUR DE LA JUSTICE

Outre les nombreux travaux d'information de votre commission des lois depuis la fin des années 1990, témoignages de l'engagement constant du Sénat en faveur de la justice, vos rapporteurs rappellent la forte implication de la mission d'information sur le redressement de la justice, qui a engagé ses travaux en juillet 2016 pour les achever en avril 2017, avec l'apport de la Cour des comptes et l'attribution des prérogatives de commission d'enquête.

Composée d'un représentant par groupe politique, outre son président- rapporteur Philippe Bas, la mission d'information a formulé 127 propositions, articulées autour de plusieurs orientations principales :

- relever le budget et les effectifs de la justice par le vote d'une loi de programmation quinquennale ;

- moderniser le service public de la justice grâce aux technologies numériques ;

- pour renforcer l'accessibilité de la justice et sa proximité avec le justiciable, créer le tribunal unique départemental de première instance, tout en préservant le maillage territorial des juridictions ;

- proposer une justice capable de régler rapidement les litiges de la vie courante en développant la conciliation et en la rendant plus efficace ;

- fonder un nouveau modèle de cour d'appel pour améliorer l'efficacité et la qualité de la justice ;

- renforcer l'équipe de collaborateurs qui entoure le juge, pour lui permettre de se recentrer sur sa fonction de juger ;

- assurer un financement structurel de l'aide juridictionnelle, tout en renforçant le contrôle de son attribution et en mobilisant davantage la protection juridique assurantielle ;

- rendre plus efficace l'exécution des peines et améliorer sa lisibilité, afin que toute peine prononcée soit effectivement exécutée ;

- créer 15 000 nouvelles places de prison, adaptées et diversifiées.

Plus récemment, la mission d'information sur la nature des peines, leur mise en oeuvre et leur efficacité a formulé 25 propositions pour refonder le prononcé et l'exécution des peines, et notamment pour remettre les juridictions de jugement au coeur du prononcé des peines et de leur aménagement.

Votre commission a examiné les deux projets de loi soumis aujourd'hui à son examen sur la base de ces recommandations ambitieuses et cohérentes, approuvées par le Sénat, pour celles relevant de la compétence du législateur, lors de l'adoption de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice le 24 octobre 2017.

II. DES PROJETS DE LOI INSUFFISANTS ET INACHEVÉS, EN DEÇÀ DES EXIGENCES DE RÉFORME DE LA JUSTICE

La réforme présentée par le Gouvernement comporte deux projets de loi, qui ont été déposés sur le Bureau du Sénat le 20 avril 2018 : le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions. Le second de ces textes ne comporte que des coordinations, dans des textes organiques, avec les dispositions du premier.

Vos rapporteurs relèvent la qualité inégale voire insuffisante de l'étude d'impact, en dépit de son volume, s'agissant par exemple de l'habilitation législative demandée par le Gouvernement en vue de transférer des missions aujourd'hui assurées par les juridictions à la Caisse des dépôts et consignations, du projet d'extension de l'obligation de tentative de règlement amiable des litiges préalable à la saisine du juge ou encore des dispositions relatives à l'aménagement des peines. Nombre de dispositions du projet de loi ne sont pas sérieusement étayées dans l'étude d'impact, qui au demeurant n'a pas toujours été actualisée après l'avis du Conseil d'État.

A. UNE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE INSUFFISANTE AU REGARD DES ENJEUX DE REDRESSEMENT DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS

Le projet de loi prévoit un accroissement des crédits de paiement de la mission « Justice » de 7 milliards en 2018 à 8,3 milliards d'euros constants en 2022, hors charges de pensions, soit une hausse de 1,3 milliard. Il prévoit aussi une augmentation nette de 6 500 emplois pour le ministère de la justice sur la même période 2018-2022 ( article 1 er ).

Dans la logique des lois de programmation, les orientations comme les moyens de la réforme de la justice voulue par le Gouvernement sont détaillés dans un rapport annexé au projet de loi.

En réalité, les arbitrages budgétaires pluriannuels du Gouvernement ont déjà eu lieu en 2017. Les chiffres du projet de loi ne font donc que reprendre ceux déjà votés dans la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Contrairement à la proposition de loi votée par le Sénat en 2017, le projet de loi ne donne aucune ventilation des crédits et des effectifs supplémentaires entre les programmes budgétaires du ministère, de sorte qu'il n'est pas possible d'apprécier, notamment, la part allouée aux services judiciaires et celle allouée à l'administration pénitentiaire.

De plus, cette trajectoire quinquennale s'avère, selon votre commission, en deçà de l'effort nécessaire de redressement budgétaire et en deçà également de la trajectoire votée par le Sénat en 2017. En effet, notre assemblée avait prévu sur la même période de 2018 à 2022 une augmentation des crédits de 33,8 %, pour atteindre 9 milliards d'euros, hors charges de pensions, ainsi que la création de 13 728 emplois, en précisant la répartition des crédits comme des effectifs entre les six programmes budgétaires du ministère.

Compte tenu du problème chronique de sous-administration au sein du ministère de la justice et du défaut d'attractivité de ses carrières, bien décrits dans le rapport de la mission d'information précitée, vos rapporteurs formulent des réserves sur la capacité du ministère à utiliser les crédits supplémentaires et à assurer un rythme de recrutement de nature à pourvoir les nouveaux emplois, en particulier dans l'administration pénitentiaire. Toutefois, ces difficultés sont connues et peuvent être résorbées sur la période de programmation.

Par ailleurs, alors que la situation du budget de l'aide juridictionnelle reste problématique et que le seuil d'éligibilité demeure faible, le projet de loi ne comporte aucune disposition pour améliorer son accès et son financement, à la différence de la proposition de loi adoptée par le Sénat.

B. UNE ADDITION DÉCEVANTE DE MESURES ÉPARSES POUR LA JUSTICE CIVILE, SURTOUT MARQUÉES PAR LA RECHERCHE D'ÉCONOMIES

Paradoxalement, alors que la réforme est présentée dans le cadre d'un redressement des crédits de la justice, les mesures concernant la justice civile se caractérisent principalement par la poursuite de la recherche d'économies dans la gestion des juridictions, comme les textes précédents, sans ligne directrice ni ambition au service des justiciables - et souvent avec un coût supplémentaire pour ces derniers. Les auditions menées par vos rapporteurs les ont confortés dans cette analyse pour cette partie du texte, quand bien même ils concèdent volontiers l'utilité d'un certain nombre de dispositions.

La promesse de numérisation de la justice, pour l'essentiel, ne relève pas de la compétence du législateur, mais repose sur les capacités du ministère de la justice à développer des projets informatiques pertinents et accessibles à tous les justiciables - capacités sur lesquelles vos rapporteurs expriment à ce stade quelques doutes, compte tenu des expériences antérieures en matière de pilotage des projets informatiques. Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice rend compte de ces difficultés.

En outre, la réforme de la justice civile comporte un important volet réglementaire, dont certaines des mesures envisagées sont plus importantes que celles figurant dans le présent projet de loi, mais ne donneront lieu à aucun débat devant le Parlement. Ont été évoquées lors des auditions, par exemple, la suppression du caractère suspensif de l'appel et l'exécution provisoire des décisions de première instance : vos rapporteurs estiment qu'une telle évolution serait problématique, compte tenu des conditions dans lesquelles les jugements sont rendus en première instance. Ont également été évoquées la mise en place d'un mode unique de saisine des juridictions civiles et la dématérialisation des procédures, qui constitueraient des mesures positives, à condition de ne pas compliquer l'accès à la justice pour les justiciables. Une telle situation illustre la pertinence qu'il pourrait y avoir à inclure les principes fondamentaux de la procédure civile dans le domaine de la loi.

De plus, les mesures concernant la justice civile comportent quatre habilitations à légiférer par ordonnance, parfois imprécises, dénotant, pour vos rapporteurs, le caractère inabouti du projet de loi en ce domaine. À cet égard, ils rappellent la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière, laquelle insiste sur la précision du champ et des finalités de l'habilitation et a récemment donné lieu à une censure 15 ( * ) . Les habilitations qui ménagent des options pour le Gouvernement dans l'élaboration des ordonnances suscitent donc la perplexité de vos rapporteurs, car leur finalité n'est, par nature, pas précisément définie ( articles 6 et 10 ).

Ainsi, le projet de loi regroupe des dispositions disparates.

Il prévoit un recours accru aux modes alternatifs de règlement des litiges ( article 2 ), par l'extension du dispositif institué par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, ou encore la fixation d'un cadre juridique pour les plates-formes de résolution amiable des litiges en ligne ( article 3 ), reprenant en partie une mesure de la proposition de loi adoptée par le Sénat. Pour autant, s'il est utile de favoriser le développement des modes de résolution amiable, en particulier pour les litiges de faible enjeu financier et pour ceux opposant des personnes appelées à continuer à se fréquenter, vos rapporteurs s'interrogent sur l'accès à ces modes alternatifs et surtout sur leur financement, afin d'assurer efficacement le développement qui en est attendu. Les questions de formation et de rémunération des médiateurs restent posées, le nombre de conciliateurs de justice ne progresse qu'assez lentement, sans que la revalorisation de leur statut bénévole semble encore pleinement réalisée, et le rôle naissant des plates-formes en ligne est contesté.

Le texte prévoit quelques extensions de la représentation obligatoire par avocat ( article 4 ), extensions contestées à certains égards - notamment par les organisations professionnelles agricoles s'agissant des tribunaux paritaires des baux ruraux -, mais pour autant aucune disposition ne traite de l'aide juridictionnelle et de son financement.

Il comporte aussi une série de nouvelles mesures de déjudiciarisation, pour alléger les tâches des magistrats et fonctionnaires des greffes : transferts de certaines missions, entre autres, aux notaires ( articles 5 et 10 ) ou à la Caisse des dépôts et consignations ( article 9 ), suppression ou allègement de certaines interventions du juge en matière familiale ou matrimoniale ( articles 6, 7 et 12 ), dont une habilitation en vue de transférer, semble-t-il, aux directeurs des caisses d'allocations familiales la mission de réviser les pensions alimentaires fixées par les juges ou dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel « sans juge » ( article 6 ), et une nouvelle modification dans les procédures de divorce, consécutive à la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, avec la suppression, critiquée, de la phase de conciliation dans le divorce contentieux ( article 12 ), sans réelle évaluation de la précédente réforme.

Toujours en matière familiale, le projet de loi crée un panel de réponses graduées pour assurer l'exécution des décisions prises par le juge aux affaires familiales en matière d'exercice de l'autorité parentale, allant jusqu'à prévoir le recours à la force publique ( article 18 ).

Le projet de loi prévoit aussi d'instaurer la possibilité d'une procédure entièrement sans audience devant le tribunal de grande instance, avec l'accord exprès des parties ( article 13 ) : si l'idée semble intéressante à vos rapporteurs, car souvent la procédure se déroule sur la base des échanges de conclusions écrites entre avocats, elle traduit avant tout la recherche d'économie de temps de magistrat.

Il est aussi prévu de spécialiser au niveau national un seul tribunal de grande instance pour traiter de façon dématérialisée des injonctions de payer ( article 14 ), afin d'industrialiser le traitement de ce contentieux simple, mais les recours formés contre les ordonnances, lorsqu'ils ne tendront pas exclusivement à l'obtention de délais de paiement, resteront de la compétence du tribunal territorialement compétent pour connaître de la créance.

Alors qu'une réforme globale de la protection juridique des majeurs est attendue, à la suite de la mission interministérielle confiée à Mme Anne Caron-Déglise, le projet de loi devance le futur débat sur cette réforme par quelques mesures d'économies en matière de tutelles, qui ont en réalité pour effet de transformer largement les mécanismes actuels de contrôle ( articles 8, 16 et 17 ). Ainsi, le texte prévoit l'externalisation et, dans un certain nombre de cas, la suppression de fait du contrôle des comptes de gestion des majeurs protégés, aujourd'hui de la compétence des directeurs de greffe des tribunaux d'instance. Ce contrôle judiciaire serait remplacé, lorsque c'est possible, par un contrôle interne aux organes en charge de la protection ou, au-delà d'un certain niveau de patrimoine, par un professionnel, qui pourrait être un expert-comptable, au motif que cette mission ne peut pas être correctement assurée en raison du manque d'effectifs dans les greffes. Dans la plupart des cas, cette réforme risquerait fort de se traduire par une disparition pure et simple de tout contrôle. De plus, une telle évolution ferait davantage participer les personnes protégées au financement de leur propre mesure de protection.

Le projet de loi comporte également quelques mesures ponctuelles qui concernent les juridictions administratives ( articles 20 à 25 ) ainsi qu'une mesure d'ajustement, sans rapport avec la justice, des règles relatives aux tarifs des professions réglementées du droit issues de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ( article 11 ).

Enfin, le texte revient sur les règles relatives à la mise à disposition du public des décisions de justice - autrement appelée open data des décisions de justice - telles qu'elles résultent de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ( article 19 ), en raison des difficultés anticipées dans la mise en oeuvre de ces règles et en dépit de la mission confiée à M. Loïc Cadiet en vue de l'élaboration du décret d'application de cette loi. De plus, les règles de publicité des jugements et des débats sont également revues, dans le but de mieux protéger la vie privée des personnes concernées.

C. LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS D'ENQUÊTE DANS LA PROCÉDURE PÉNALE, AVEC DES GARANTIES INSUFFISANTES POUR LES LIBERTÉS

Le projet de loi comporte une grande diversité de mesures en matière de procédure pénale.

Dans le cadre des enquêtes, les dispositions proposées contribuent à une banalisation des atteintes aux libertés individuelles par un recours accru à des techniques plus intrusives dans la vie privée (géolocalisation, enquête sous pseudonyme, interceptions judiciaires, sonorisation, IMSI-catcher , keylogger ...), sans exiger nécessairement l'autorisation préalable d'une autorité judiciaire au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au nom de la simplification de la procédure pénale ( articles 27 à 29 ).

Une telle évolution traduirait une réduction nette des garanties pour les libertés individuelles, car elle engloberait de très nombreux délits. Seraient en effet concernés, selon les cas, les délits punis de seulement trois ou cinq ans d'emprisonnement. Ces techniques d'enquête sont réservées jusqu'à présent à la lutte contre la criminalité organisée ou le terrorisme. En pratique, les services d'enquête auraient à leur disposition des techniques d'enquête de plus en plus attentatoires aux libertés, dont ils pourraient prendre l'initiative, avec l'accord du parquet, lequel peine à toujours assurer pleinement la direction de la police judiciaire et le contrôle des enquêtes, ou bien par le juge des libertés et de la détention, qui ne dispose pas des moyens humains et matériels pour constituer une garantie de contrôle à la hauteur des atteintes portées aux droits et libertés.

Le projet de loi prévoit aussi d'étendre les pouvoirs des enquêteurs ( article 32 ), sans que soient toujours prévues des garanties suffisantes : extension de la durée de l'enquête de flagrance, extension des possibilités de perquisition à la plupart des délits et possibilité de pénétrer dans un domicile hors du cadre de la perquisition.

Le texte comporte plusieurs mesures d'ajustement en matière de garde à vue, mais la présentation au procureur deviendrait facultative pour une prolongation de garde à vue ( article 31 ), alors qu'elle est obligatoire à ce jour, ce qui suscite d'importantes réserves.

Vos rapporteurs s'interrogent sur l'équilibre de la procédure pénale qui résulterait de ces modifications. Une telle évolution n'est pas sans soulever des interrogations de nature constitutionnelle, concernant certaines dispositions. S'ils approuvent l'affirmation du rôle du parquet et l'amélioration de l'efficacité des enquêtes, vos rapporteurs considèrent que cela ne saurait conduire à renoncer aux garanties procédurales permettant de protéger les libertés. L'équilibre doit être préservé entre l'efficacité dans la recherche des auteurs d'infraction et la garantie des libertés, ainsi que des droits de la défense.

Le projet de loi tend aussi à supprimer l'accord de la personne mise en cause pour pouvoir recourir à la visioconférence en matière de détention provisoire ( article 35 ), alors que la culpabilité n'est pas encore démontrée. Il crée aussi un nouveau dispositif innovant de comparution à effet différé ( article 39 ), dérivé de la comparution immédiate et reposant sur l'idée d'une saisine différée du tribunal, à l'appréciation du parquet. Cette procédure est justifiée par la difficulté réelle des délais de réponse pour certains examens techniques ou médicaux, mais elle pourrait favoriser la détention provisoire, qui serait possible dans l'attente de la comparution, sans compter le risque de contournement du juge d'instruction.

Le projet de loi concourrait également à une marginalisation accrue du juge d'instruction, au profit du binôme formé par le procureur et le juge des libertés et de la détention, compte tenu du renforcement évoqué plus haut des prérogatives du parquet et des services d'enquête eux-mêmes, qui n'auraient plus besoin de l'ouverture d'une information judiciaire pour réaliser certains actes d'enquête plus lourds. Or, vos rapporteurs observent que le rôle effectif de direction des enquêtes par le parquet est insuffisant, compte tenu de la charge de travail des magistrats du parquet, et que le rôle d'autorisation du juge des libertés et de la détention est en pratique extrêmement formel.

L'extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à des délits plus lourdement sanctionnés ainsi que l'extension du champ de la composition pénale, assortie de la suppression de sa validation par un juge ( article 38 ), participent de ce même accroissement des prérogatives du parquet dans le fonctionnement de la justice pénale.

De telles évolutions sur le rôle et la place du parquet justifieraient un débat de fond sur le système pénal français pour les infractions les plus graves, plutôt que des modifications ponctuelles changeant peu à peu sa nature, entre une logique inquisitoire et une logique accusatoire. Vos rapporteurs estiment, pour leur part, que le juge d'instruction garde pleinement sa place dans notre système judiciaire, pour le traitement des affaires complexes, de sorte qu'un équilibre doit être conservé entre son rôle et celui du parquet. Au demeurant, la révision constitutionnelle destinée à garantir l'indépendance statutaire du parquet n'a toujours pas été adoptée.

Une certaine confusion existe entre l'objectif légitime de simplification de la procédure pénale, dans le souci souvent d'alléger les tâches des services d'enquête, et la réduction des garanties pour les libertés, sans certitude sur le fait que ces mesures se traduisent par de réels gains d'efficacité pour les enquêtes.

Par ailleurs, le projet de loi étend le mécanisme de l'amende forfaitaire délictuelle aux délits de vente d'alcool à des mineurs, d'usage de stupéfiants et de violation des règles relatives au chronotachygraphe en matière de transport routier ( article 37 ), sur le modèle de l'amende forfaitaire pour certains délits routiers prévue par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, dans un objectif de simplification et d'allégement du traitement de ces infractions. De plus, l'amende forfaitaire serait mentionnée au casier judiciaire, ce qui changerait sa nature. Or, vos rapporteurs signalent que le dispositif de l'amende forfaitaire pour les délits routiers n'est toujours pas opérationnel à ce jour, plus d'un an et demi après la promulgation de la loi du 18 novembre 2016. Ces dispositions n'ont toutefois pas soulevé d'objection notable, si ce n'est que la sanction pourrait en pratique être plus lourde et moins individualisée, puisque le délit d'usage de stupéfiants est souvent traité par des mesures alternatives aux poursuites.

Afin de désengorger les cours d'assises, caractérisées par de très longs délais d'audiencement et une lourdeur de gestion pour les juridictions, et de remédier au pis-aller de la correctionnalisation de certains crimes qui en résulte, le projet de loi envisage, de façon intéressante, d'expérimenter une formule de tribunal criminel départemental, pour juger les crimes punis au plus de quinze ou vingt ans de réclusion sans récidive ( article 42 ). Vos rapporteurs approuvent le choix de l'expérimentation. En effet, leurs auditions ont montré qu'un tel tribunal, qui ne comporterait plus de jurés populaires, mais serait composé de cinq magistrats, dont au moins trois en activité, peut avoir des effets positifs mais suscite également des interrogations que l'expérimentation devrait permettre de lever. Le fait que la cour d'assises d'appel resterait compétente dans le cadre de cette expérimentation accroît les incertitudes, car cela pourrait inciter à davantage d'appels, de façon à être jugé par un jury populaire.

Par ailleurs, le texte ouvre utilement la possibilité pour le parquet de prononcer une interdiction de paraître dans certains lieux, dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites ( article 38 ). Il permet également le dépôt d'une plainte en ligne ( article 26 ) pour certaines infractions énumérées par décret pour lesquelles cette modalité serait adaptée, par exemple l'escroquerie en ligne.

S'agissant de l'appel en matière pénale, le texte ouvre la possibilité pour la personne condamnée en première instance de restreindre la portée de son appel à la peine prononcée ou à ses modalités ( article 41 ), reprenant une disposition de la proposition de loi adoptée par le Sénat, et étend le champ de compétence du juge unique en appel ( articles 40 et 41 ).

D. UNE RÉFORME INABOUTIE EN MATIÈRE D'EXÉCUTION DES PEINES, NE METTANT PAS FIN AU MANQUE DE LISIBILITÉ DU SYSTÈME ACTUEL

Lors de la présentation au conseil des ministres du plan pénitentiaire, le 12 septembre dernier, la garde des sceaux a annoncé que les mesures figurant dans le projet de loi devraient faire diminuer la population carcérale d'environ 8 000 personnes. Ce nombre figure également dans l'étude d'impact, sans que la méthodologie de son calcul soit clairement présentée. Une telle évaluation suscite le scepticisme de vos rapporteurs : si certaines mesures sont de nature à diminuer le nombre des incarcérations (interdiction des peines de moins d'un mois, aménagement systématique jusqu'à six mois, sauf impossibilité, caractère automatique de la libération sous contrainte aux deux tiers de l'exécution de la peine...), d'autres devraient produire un effet inverse (comparution différée, réduction à un an des peines faisant l'objet d'un examen obligatoire en vue de leur aménagement éventuel...).

Plus largement, la réforme de l'exécution des peines paraît inaboutie et manque de cohérence, selon vos rapporteurs. Elle ne met pas fin au manque de lisibilité résultant du mécanisme des aménagements de peine, de sorte que l'exigence de clarification du droit de la peine demeure très largement.

Conformément à la logique du Gouvernement de faire de la détention l'exception, le projet de loi tend à réécrire l'échelle des peines ( article 43 ). Aux mêmes fins, il crée une peine autonome dite de détention à domicile sous surveillance électronique ( articles 43 et 48 ), qui correspond matériellement au placement sous surveillance électronique, lequel constitue une modalité d'aménagement de la peine d'emprisonnement. De plus, le placement sous surveillance électronique serait renommé aussi détention à domicile sous surveillance électronique, ce qui créerait une confusion, compte tenu des écarts qui subsisteraient entre les deux régimes sans réelle justification. Le texte est muet sur la révocation de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique en cas d'incident. Dans ces conditions, vos rapporteurs doutent de la pertinence de créer une telle peine autonome, a fortiori en cas de renforcement de la capacité de la juridiction de jugement de prononcer un aménagement ab initio sous forme, par exemple, de placement sous surveillance électronique.

Afin de permettre à la juridiction de jugement de prononcer une peine réellement individualisée, le projet de loi tend à améliorer la procédure de l'ajournement et, surtout, prévoit la faculté de saisir le service pénitentiaire d'insertion et de probation afin de bénéficier d'une enquête sur la personne prévenue ( article 44 ). Dans la même logique, pertinente dans son principe selon vos rapporteurs, consistant à confier au tribunal correctionnel la responsabilité d'individualiser les peines ou de fixer des limites en matière d'aménagement des peines, le projet de loi élargit la possibilité pour la juridiction de jugement d'aménager la peine ab initio ( article 45 ) et crée le mandat de dépôt à effet différé ( article 45 ), lequel permet d'exclure la présentation devant le juge de l'application des peines tout en écartant l'incarcération immédiate.

Une telle évolution suppose, en pratique, une autre conception du procès pénal par les magistrats eux-mêmes, reposant notamment sur la notion de césure entre la décision sur la culpabilité et celle sur la peine, et une autre articulation entre la juridiction de jugement et le juge de l'application des peines, dont l'intervention serait revue. Elle suppose aussi un accroissement des moyens de la justice pénale, c'est-à-dire une plus forte mobilisation des services pénitentiaires d'insertion et de probation, dotés d'effectifs accrus, mais aussi des associations du secteur socio-judiciaire, l'organisation d'audiences correctionnelles plus nombreuses, ainsi qu'une implication plus grande des juges correctionnels dans l'évaluation de la situation de la personne condamnée, alors que les tribunaux correctionnels sont généralement engorgés. Vos rapporteurs craignent que la nouvelle conception qui sous-tend ces mesures modestes reste un voeu pieu.

S'agissant du mécanisme de l'aménagement des peines lui-même ( article 45 ), le projet de loi maintient l'hypocrisie du système actuel : interdiction de prononcer des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à un an, aménagement systématique en-dessous de six mois, sauf impossibilité, maintien de l'examen systématique par le juge de l'application des peines jusqu'à un an, y compris en récidive, contre deux ans aujourd'hui.

À ceci s'ajoute la systématisation de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine d'emprisonnement ( article 49 ), ce qui constituerait une grave dénaturation du sens de la peine et créerait une confusion entre libération sous contrainte et aménagement de peine. Un condamné n'ayant pas de projet véritable à sa sortie de détention pourrait être libéré aux deux tiers de sa peine en raison de ce changement de principe.

Par conséquent, vos rapporteurs constatent l'incohérence du texte entre des dispositifs manifestement destinés à faire baisser la surpopulation carcérale et des mesures essayant, partiellement, de redonner du sens à la peine et de réduire l'écart entre la peine prononcée et la peine exécutée. En réalité, afin de pouvoir surmonter cette incohérence, il faut un parc pénitentiaire adapté et des moyens pour la justice pénale pour permettre une réelle individualisation des peines prononcées puis leur exécution effective.

Le texte supprime la contrainte pénale et fusionne le sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général et le sursis avec mise à l'épreuve dans le cadre d'un nouveau sursis probatoire ( articles 46 et 47 ) : une telle réforme est positive, selon vos rapporteurs, et constitue une simplification bienvenue, à condition que les personnes concernées puissent bénéficier d'un réel accompagnement, supposant là encore le renforcement des capacités des services pénitentiaires d'insertion et de probation et des associations socio-judiciaires.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit utilement la possibilité pour le juge de l'application des peines de déléguer au chef d'établissement pénitentiaire la faculté d'octroyer des permissions de sortie dès lors qu'il en a déjà accordé une ( article 50 ).

Enfin, afin de contribuer à la mise en oeuvre de l'engagement de créer 7 000 nouvelles places de prison d'ici 2022, puis 8 000 d'ici 2027, le projet de loi envisage des mesures exceptionnelles très dérogatoires au droit de l'urbanisme pour accélérer la construction de nouveaux établissements ( article 51 ), pouvant porter gravement atteinte au droit de propriété par un régime d'expropriation urgente, y compris de locaux à usage d'habitation.

Compte tenu des délais de réalisation d'un établissement pénitentiaire, de l'ordre de quatre à cinq ans au moins, vos rapporteurs doutent sérieusement de la possibilité de livrer 7 000 nouvelles places de prison d'ici 2022, alors que le ministère de la justice n'a pas encore arrêté le programme des implantations des nouveaux établissements. Parallèlement, le moratoire sur l'encellulement individuel serait à nouveau repoussé, de 2019 à 2022, et devra sans doute l'être à nouveau en 2022.

Ce programme de construction se caractériserait par une diversification des types d'établissements, de façon à diversifier également les régimes de détention et le niveau de sécurité en fonction des profils des détenus, comme l'a recommandé la mission d'information sur le redressement de la justice. Deux types d'établissements sont principalement concernés : les maisons d'arrêt et les structures d'accompagnement à la sortie, nouvelle dénomination pour les quartiers de préparation à la sortie.

E. UNE RÉFORME DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE PROCHE DE CELLE PROPOSÉE PAR LE SÉNAT, MAIS INACHEVÉE

Concernant les juridictions de première instance, le projet de loi prévoit le regroupement du tribunal de grande instance et des tribunaux d'instance de son ressort ( article 53 ), sans aller jusqu'au tribunal judiciaire départemental unique. Les tribunaux d'instance distants du siège du tribunal de grande instance perdureraient sous forme de chambres détachées, tout en gardant leur dénomination actuelle, ce qui poserait un problème d'intelligibilité puisqu'il ne s'agirait plus de tribunaux. Le socle des compétences des chambres détachées serait fixé par décret et les chefs de cour pourraient leur attribuer des compétences supplémentaires. La garde des sceaux a rappelé devant votre commission que cette réforme d'organisation, qu'elle a qualifiée de « fusion administrative », ne serait accompagnée d'aucune réforme de la carte judiciaire et donc d'aucune fermeture de site.

La proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyait la création d'un unique tribunal de première instance par département, regroupant l'ensemble des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance, dans un souci de simplification, de mutualisation et de cohérence vis-à-vis de l'extérieur, tout en préservant le maillage territorial actuel, avec la création de chambres détachées dans tous les sites judiciaires en dehors du siège du nouveau tribunal.

Afin de compenser en l'état le maintien d'une pluralité de tribunaux de grande instance dans la moitié des départements, le projet de loi envisage la possibilité de spécialiser par décret l'un d'entre eux pour connaître de certains contentieux en matière civile et pénale, de façon ponctuelle, énumérés sur une liste déterminée par décret également, pour l'ensemble du département. Une telle spécialisation infra-départementale, variable d'un département à l'autre, serait une source d'illisibilité pour le justiciable, qui ne saura pas à quel tribunal s'adresser, sauf à ce qu'un jour le service d'accueil unique du justiciable ait une compétence dépassant le périmètre d'un même tribunal de grande instance. Cette illisibilité traduit le caractère inachevé de la réforme.

Aux mêmes fins, le projet de loi prévoit la possibilité pour le procureur général près une cour d'appel de désigner un procureur de la République chef de file pour représenter ses collègues vis-à-vis des autorités administratives extérieures, notamment dans le cadre des politiques partenariales (prévention de la délinquance...).

En outre, contrairement à la proposition de loi adoptée par le Sénat, le projet de loi n'apporte aucune garantie sur les évolutions possibles de la carte judiciaire, intégralement laissées à l'appréciation du pouvoir réglementaire, ni aucune garantie de localisation géographique pour les magistrats et, surtout, pour les greffiers dans la nouvelle organisation juridictionnelle.

S'ils approuvent, par cohérence, la suppression effectuée par le projet de loi organique de la fonction spécialisée de juge d'instance, vos rapporteurs s'interrogent sur le maintien au sein du nouveau tribunal de grande instance d'un traitement spécifique, par un juge dédié, du contentieux des tribunaux d'instance, qui concerne souvent des personnes économiquement fragiles ou vulnérables. La mission d'information sur le redressement de la justice avait préconisé d'identifier un juge chargé des contentieux de proximité au sein du tribunal unique de première instance.

Vos rapporteurs apprécient à leur juste mesure ces éléments de réforme de l'organisation judiciaire, comme une étape utile vers un nouveau système encore inachevé, tout en insistant sur la nécessité de veiller au maintien d'un maillage suffisant des implantations judiciaires, à l'accessibilité de la justice dans les territoires ainsi qu'aux garanties accordées dans cette nouvelle organisation aux magistrats, aux fonctionnaires et aux auxiliaires de justice.

Concernant les cours d'appel, alors que la rationalisation de la carte est attendue depuis longtemps, afin de faire émerger un nouveau modèle de cour d'appel plus efficient et plus cohérent avec la carte administrative, le projet de loi se borne à prévoir une expérimentation très modeste ( article 54 ), au point que vos rapporteurs doutent de son utilité. Cette expérimentation comporte la désignation de certains chefs de cour pour assurer des fonctions d'animation et de coordination de plusieurs cours au sein d'une même région administrative et la possibilité de spécialiser certaines cours d'une même région pour connaître de certains contentieux en matière civile.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : REHAUSSER L'AMBITION DE LA RÉFORME ET MIEUX CONTRIBUER AU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE, DANS L'INTÉRÊT DU JUSTICIABLE

Votre commission a adopté 134 amendements sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dont 110 à l'initiative de ses rapporteurs. Elle a adopté 21 amendements sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions, tous présentés par ses rapporteurs.

A. ACCROÎTRE L'EFFORT BUDGÉTAIRE À LA HAUTEUR DES ENJEUX DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a repris la trajectoire budgétaire déjà adoptée par le Sénat en octobre 2017 dans la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, afin de l'introduire dans le projet de loi, pour atteindre un budget global du ministère de la justice de 8,99 milliards d'euros (hors charges de pensions), contre 8,3 milliards dans le projet de loi. La hausse des crédits proposée par le Sénat inclurait la création de 13 728 emplois, contre 6 500 dans le projet de loi.

B. AMÉLIORER L'EFFICACITÉ ET LA RAPIDITÉ DES PROCÉDURES EN MATIÈRE CIVILE, SANS REMETTRE EN CAUSE LA PROTECTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a supprimé l'extension de la tentative de résolution amiable des litiges préalable obligatoire à toute saisine du juge, en raison de l'absence d'évaluation du dispositif instauré en la matière par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle. Elle a aussi supprimé l'extension de la représentation obligatoire devant les tribunaux paritaires des baux ruraux et consacré dans la loi la libre représentation des parties devant les tribunaux de commerce.

Elle a renforcé et précisé le cadre juridique des services en ligne de résolution amiable des litiges, en l'étendant aux services d'aide à la saisine des juridictions et en prévoyant une certification obligatoire, tout en distinguant mieux la résolution amiable de l'arbitrage.

Elle a supprimé ou restreint certaines déjudiciarisations, en maintenant la compétence du juge pour recueillir le consentement en matière d'assistance médicale à la procréation, en maintenant l'homologation par le juge des changements de régime matrimonial en présence d'enfants mineurs, en limitant l'expérimentation de la révision des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales aux hypothèses dans lesquelles les parties sont d'accord, en supprimant le transfert de la gestion des saisies sur rémunérations à la Caisse des dépôts et consignations, en maintenant le contrôle du juge sur certains actes de gestion financière de la tutelle. Elle a conservé la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux, compte tenu de son intérêt pour les parties.

Elle a veillé à ce que la dématérialisation des procédures ne se fasse pas au détriment de l'accès au juge pour tous les justiciables, en particulier pour les plus vulnérables, en permettant le retour à la procédure ordinaire.

Elle a veillé au maintien d'un contrôle effectif de tous les comptes de gestion des personnes en tutelle, par défaut par les directeurs des services de greffe judiciaires, et prévu un dispositif gradué pour assurer l'établissement effectif de l'inventaire à l'ouverture de la mesure de protection.

Enfin, elle a relevé le niveau de protection de la vie privée dans l'open data des décisions de justice, afin de protéger les magistrats comme les parties et leur entourage, en prévoyant qu'aucune information nominative ne pourrait être diffusée. Le nom des avocats resterait diffusé.

C. VEILLER À L'ÉQUILIBRE DE LA PROCÉDURE PÉNALE, EN PRÉSERVANT LA GARANTIE DES LIBERTÉS ET LE RÔLE DU JUGE D'INSTRUCTION TOUT EN CONTRIBUANT À L'EFFICACITÉ DES ENQUÊTES

Votre commission a exprimé son attachement traditionnel à la défense des libertés et à l'équilibre de la procédure pénale, entre la garantie des droits et l'efficacité dans la recherche des auteurs d'infraction, ainsi qu'entre le parquet et le juge d'instruction. Elle a ainsi veillé à ce que l'accroissement des prérogatives du parquet et des services d'enquête, sous le contrôle souvent trop formel du juge des libertés et de la détention, ainsi que la simplification de la procédure pénale ne portent pas une atteinte excessive aux libertés.

En conséquence, alors que le projet de loi prévoyait l'extension à la majorité des délits, punis selon le cas de trois ou cinq ans d'emprisonnement, du recours à des techniques d'enquête plus intrusives dans la vie privée (géolocalisation, enquête sous pseudonyme, interceptions judiciaires, sonorisation, IMSI-catcher ...), votre commission a décidé de limiter cette extension. Elle a garanti la présence de l'avocat lors des perquisitions.

Elle a aussi veillé à ne pas marginaliser le juge d'instruction dans la procédure pénale et a maintenu la collégialité des travaux de la chambre de l'instruction de la cour d'appel.

Elle a maintenu l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de la garde à vue et l'accord de la personne mise en cause pour le recours à la visioconférence lorsque le juge statue sur la détention provisoire. Elle a supprimé la procédure de comparution à délai différé, notamment en raison des risques d'augmentation de la détention provisoire qu'elle recelait.

Elle a aussi limité l'extension à de nouveaux délits des procédures de composition pénale et de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, qui présentent moins de garanties pour la défense. Elle a admis l'extension à de nouveaux délits des amendes forfaitaires, dispositif qu'elle a systématisé aux délits punis uniquement d'une peine d'amende.

Enfin, tout en faisant état de réserves et d'interrogations, notamment sur l'appel, votre commission a accepté l'expérimentation du tribunal criminel départemental.

D. METTRE FIN AU MANQUE DE LISIBILITÉ DU SYSTÈME D'EXÉCUTION DES PEINES, TOUT EN RENFORÇANT LE RÔLE DE LA JURIDICTION DE JUGEMENT DANS L'INDIVIDUALISATION DE LA PEINE

En matière d'exécution des peines, conformément aux conclusions de sa mission d'information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre, votre commission a voulu restaurer la lisibilité et la crédibilité du prononcé et de l'exécution des peines.

Votre commission a considéré que le projet de loi ne rompait pas avec l'hypocrisie du système de l'exécution des peines, résultant des règles actuelles de l'aménagement des peines et conduisant à ce que les peines exécutées soient trop rarement les peines prononcées. Afin d'y remédier, elle a voulu donner à la juridiction de jugement la pleine responsabilité de décider s'il y aura, pour les peines d'emprisonnement inférieures à un an, aménagement des peines qu'elle prononce, par le juge de l'application des peines ou à sa propre initiative. Elle a également voulu renforcer la capacité de la juridiction de jugement de mieux évaluer la personnalité du condamné afin d'individualiser davantage la peine prononcée.

Votre commission a aussi supprimé la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, en raison de la confusion qu'elle induit, et conservé le placement sous surveillance électronique, comme aménagement mais aussi comme peine. Elle a fait de la probation une peine autonome, permettant au juge de la prononcer, le cas échéant en complément d'une peine d'emprisonnement. Elle a supprimé le caractère automatique de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine.

Votre commission a jugé que le plan de construction de 15 000 places supplémentaires de prison d'ici 2022 était abandonné, puisque les ambitions ont été ramenées à 7 000 places livrées, auxquelles s'ajouteraient 8 000 lancées d'ici 2022. De plus, aucun chantier n'étant engagé à ce jour, elle doute que même cet objectif puisse être atteint, en dépit des règles dérogatoires prévues par le projet de loi en matière d'acquisition foncière et de construction.

E. CLARIFIER LA RÉFORME DE L'ORGANISATION JURIDICTIONNELLE DE PREMIÈRE INSTANCE, TOUT EN VEILLANT AU MAINTIEN DU MAILLAGE TERRITORIAL ET À LA PROXIMITÉ DE L'INSTITUTION JUDICIAIRE

Votre commission a accepté le regroupement du tribunal de grande instance et des tribunaux d'instance de son ressort, déjà approuvé par le Sénat en octobre 2017 dans la proposition de loi d'orientation et de programmation sur le redressement de la justice.

Alors que le projet de loi maintenait les dénominations actuelles de tribunal de grande instance et de tribunal d'instance pour le nouveau tribunal unifié et pour ses chambres détachées, votre commission a préféré clarifier la réforme sur ce point, en retenant la dénomination de tribunal de première instance, comportant en dehors de son siège des chambres détachées. Elle a insisté sur le fait que cette réforme ne devait conduire à la fermeture d'aucune implantation judiciaire, au nom de l'exigence de proximité pour le justiciable.

Elle a supprimé le dispositif complexe et peu utile de spécialisation des tribunaux de grande instance en matière civile et pénale, sur décision des chefs de cour, en cas de pluralité de tribunaux dans un même département. Elle a accepté, en revanche, le principe de procureurs chefs de file dans ce même cas. Elle a ajouté des garanties d'affectation pour les magistrats et de localisation pour les fonctionnaires de greffe, ainsi qu'un mécanisme d'encadrement de toute modification de la carte judiciaire, permettant la concertation avec les acteurs locaux, reprenant des dispositions de la proposition de loi précitée.

Pour assurer un traitement adapté et pérenne du coeur des contentieux de l'actuel tribunal d'instance, votre commission a créé une fonction nouvelle de juge chargé des contentieux de proximité, dans le cadre de l'ordonnance de roulement du président du tribunal de première instance, à l'instar du juge aux affaires familiales, et non comme une fonction statutaire spécialisée. Ce juge serait compétent pour les litiges dont l'enjeu est inférieur à 10 000 euros ainsi qu'en matière de baux d'habitation, de saisie des rémunérations, de crédit et de surendettement.

Votre commission a également supprimé l'expérimentation concernant les cours d'appel, consistant, dans deux régions, à confier à des chefs de cour chefs de file des fonctions d'animation et de coordination des autres chefs de cour et à spécialiser certaines cours d'appel en matière civile, qu'elle a jugée peu pertinente.

F. ENRICHIR LA RÉFORME : RÉNOVER L'AIDE JURIDICTIONNELLE, TRANSFORMER LES TRIBUNAUX DE COMMERCE EN TRIBUNAUX DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET RÉGULER LA MOBILITÉ DES MAGISTRATS

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a introduit, selon le cas, dans le projet de loi ou dans le projet de loi organique plusieurs mesures déjà adoptées par le Sénat le 24 octobre 2017 dans les propositions de loi sur le redressement de la justice, afin d'enrichir la réforme aujourd'hui présentée par le Gouvernement.

Elle a ainsi adopté une réforme de l'aide juridictionnelle, sujet absent du projet de loi, consistant dans le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros, et l'obligation de consultation préalable d'un avocat avant le dépôt de toute demande d'aide juridictionnelle, afin d'assurer un filtrage effectif des demandes en appréciant la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire, comme l'a prévu le législateur depuis la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle a également introduit une réforme des tribunaux de commerce, en élargissant leur corps électoral à toutes les entreprises, incluant les agriculteurs et les travailleurs indépendants et professionnels libéraux, et en étendant leur compétence en matière de prévention et de traitement des difficultés à toutes les entreprises ainsi qu'aux personnes morales non commerçantes, le tribunal de grande instance étant complètement déchargé de cette mission accessoire. Elle leur a donné compétence en matière de baux commerciaux lorsque les deux parties relevaient déjà de sa compétence. En conséquence, les tribunaux de commerce prendraient la dénomination plus représentative de tribunaux des affaires économiques.

Enfin, votre commission a souhaité réguler davantage la mobilité des magistrats, qui pèse sur le fonctionnement des juridictions et contribue à leur désorganisation, en prévoyant des durées minimales et maximales d'exercice des fonctions, à hauteur de trois ans au moins, portés à quatre ans pour les fonctions spécialisées, et de dix ans au plus, sans remettre en cause les durées maximales existant déjà. Elle a également établi des critères de sélection et d'évaluation des chefs de cour et de juridiction.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ainsi modifiés.

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX OBJECTIFS DE LA JUSTICE
ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Article 1er
Programmation financière et rapport annexé prévoyant
les orientations et les moyens de la justice pour la période 2018 à 2022

L'article 1 er du projet de loi tend à prévoir la programmation des moyens de la justice pour la période 2018 à 2022, comprenant celle des crédits budgétaires et des emplois, ainsi que les orientations définies dans le rapport annexé.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État rappelle qu'est admise la coexistence, au sein d'un même projet de loi, de dispositions de programmation relevant de l'article 34 de la Constitution 16 ( * ) et de dispositions normatives, ce qui est le cas du présent projet de loi, sous réserve que, « aux fins d'assurer les exigences de lisibilité et d'intelligibilité de la loi, les dispositions de programmation fassent l'objet d'une présentation clairement séparées des autres ». Le Conseil d'État a considéré, à cet égard, que tel était le cas du projet de loi.

L'article 1 er comporte plusieurs dispositions relatives aux orientations et à la programmation financière proposées par le Gouvernement pour la justice, s'agissant des années 2018 à 2022.

En premier lieu, il tend à approuver le rapport annexé au présent projet de loi, qui définit les objectifs de la justice pour les années 2018 à 2022. Le rapport développe les mesures normatives à adopter pour atteindre ces objectifs et qui figurent dans les autres titres du projet de loi. Le Conseil d'État a d'ailleurs relevé, dans son avis précité, qu'il convenait que la portée programmatique de ces dispositions figurant dans le rapport annexé fût clairement établie, afin qu'elles ne puissent être lues comme des dispositions normatives.

Vos rapporteurs n'ont pas souhaité, au stade de la commission, apporter de modification aux dispositions figurant dans le rapport annexé. Ils précisent toutefois qu'ils proposeront, le cas échéant, des ajustements lors de l'examen en séance publique, tirant les conséquences des modifications du texte du Gouvernement adoptées par la commission.

En second lieu, l'article 1 er prévoit la programmation des moyens financiers que le Gouvernement entend consacrer à la justice pour la période quinquennale 2018-2022.

En préambule, vos rapporteurs rappellent que ces orientations pluriannuelles sont « par nature non juridiquement contraignantes, en particulier vis-à-vis des lois de finances » 17 ( * ) . Le caractère non contraignant de ces orientations a d'ailleurs été affirmé par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 sur la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 18 ( * ) . Par conséquent, elles devront donc être confirmées chaque année par une loi de finances pour acquérir une valeur normative.

La programmation pluriannuelle des moyens pour la justice est, selon vos rapporteurs, un impératif. La dernière loi qui a établi une telle programmation, la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, date désormais de plus de 16 ans.

Fondé sur un constat désormais partagé et connu de tous, le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice, présenté par le président de votre commission Philippe Bas, votre rapporteur François-Noël Buffet et plusieurs de nos collègues en avril 2017, préconisait, dans sa proposition n° 126, de « présenter au début de la prochaine législature un projet de loi de programmation, sur cinq ans, du redressement des crédits et des effectifs ainsi que des réformes d'organisation et de fonctionnement de la justice 19 ( * ) ».

Vos rapporteurs regrettent à cet égard le retard pris par le Gouvernement, et l'incohérence de présenter une loi de programmation quinquennale 2018-2022, alors même que la première année de cette programmation est déjà largement entamée. S'y ajoute le fait que la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a déjà fixé, à son article 15, l'évolution des dépenses de l'État, dont l'évolution des crédits alloués à la mission « Justice », pour les trois années 2018 à 2020.

L'exercice proposé par le Gouvernement semble donc assez vain à vos rapporteurs, d'autant plus qu'une autre disposition de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 impose à tout projet de loi de programmation sectoriel de se conformer à « la trajectoire de finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur » 20 ( * ) . Le Parlement, saisi dans de telles conditions d'un projet de loi de programmation sectoriel, alors même que la trajectoire financière de l'ensemble du budget de l'État a déjà été définie par ailleurs, près d'une année auparavant, se voit donc dépossédé, théoriquement, de toute marge de manoeuvre. Toutefois, cette disposition de la loi du 22 janvier 2022 demeure une pétition de principe car elle ne s'impose nullement au législateur.

Dans leur rapport sur la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, votre rapporteur François-Noël Buffet et notre collègue Jacques Bigot faisaient d'ailleurs justement remarquer qu' « en effet, si le Parlement se prononce fin 2017 sur la programmation des finances publiques jusqu'en 2022, il est peu probable que les plafonds de crédits par mission ainsi votés soient remis en cause quelques mois plus tard, à l'occasion de la discussion de la loi de programmation des moyens de la justice » 21 ( * ) .

Ce faisant, le Gouvernement propose une trajectoire budgétaire reprenant les montants votés par le Parlement dans la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 précitée.

Il propose ainsi une augmentation du budget dédié à la mission « Justice » de près de 23,5 % entre 2017 et 2022, équivalent à une hausse du budget de près de 1,32 milliard d'euros sur la période 2018 à 2022 faisant l'objet de la programmation, en passant de 6,98 milliards d'euros en 2018 à 8,3 milliards d'euros en 2020, ces montants étant présentés hors dépenses de pensions. Les montants proposés sont en outre conformes à ceux votés dans la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Vos rapporteurs observent toutefois, comme l'a justement relevé notre collègue Antoine Lefèvre lors de l'audition de Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, que la programmation présentée par le Gouvernement dans le présent article 1 er bénéficie d'arrondis avantageux par rapport à la loi de programmation déjà citée.

La mission d'information sur le redressement de la justice avait également cherché à chiffrer l'ampleur de l'effort budgétaire nécessaire au redressement de la justice, en estimant l'impact des principales propositions que la mission formulait en termes de crédits budgétaires. La mission considérait alors que le budget du ministère de la justice devait « progresser, sur la période de la loi de programmation, de 2017 à 2022, de l'ordre de 5 % par an, pour se rapprocher des 11 milliards d'euros en 2022 ».

Dans cette perspective, le Sénat avait adopté, à l'article 2 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, déposée par notre collègue Philipe Bas, une progression des crédits sur cinq années permettant d'atteindre cet objectif, à hauteur de 10,902 milliards d'euros en 2022, incluant les dépenses de pensions.

Ainsi, selon la trajectoire adoptée par le Sénat, en neutralisant les dépenses dédiées aux pensions afin de comparer à périmètre constant les deux trajectoires, l'effort requis pour redresser les moyens de la justice nécessitait une augmentation de près de 2,01 milliards d'euros entre 2018 et 2022, pour atteindre 8,99 milliards d'euros au total en 2022, hors dépenses de pensions, soit une augmentation globale de 33,8 % entre 2017 et 2022.

Le tableau ci-dessous présente cette comparaison.

S'agissant de la ventilation des crédits pour chaque programme de la mission « Justice », qui ne figure pas dans le projet de loi de programmation, le Gouvernement a bien voulu la communiquer à vos rapporteurs à leur demande. Cette répartition selon les principaux champs d'intervention du ministère de la justice, met en évidence des différences notables entre les propositions du Gouvernement et du Sénat, comparées toutes deux en neutralisant les dépenses liées aux pensions de retraite.

Au final, en comparant la trajectoire déjà retenue par le Sénat le 24 octobre 2017 et celle proposée par le Gouvernement, au terme de la programmation quinquennale pour 2022, 683,8 millions d'euros de plus que ce que propose le Gouvernement sont nécessaires pour assurer le redressement des moyens de la justice, comme le détaille le tableau ci-dessus.

Vos rapporteurs prennent pour référence la progression des crédits correspondant à l'estimation chiffrée de la mission d'information sur le redressement de la justice précitée.

La trajectoire budgétaire du Sénat comprenait alors 1,734 milliard d'euros correspondant à l'estimation brute (sans dépenses de pensions, ni érosion liée à l'inflation ou au glissement vieillesse technicité) du coût supplémentaire requis par les préconisations du rapport impliquant un financement.

Décomposition du plafond de crédits cible pour 2022 voté par le Sénat, dans la proposition de loi d'orientation et de programmation

pour la justice (en euros)

Proposition de loi Sénat cible 2022

(y compris dépenses de pension)

10 902 216 304

Budget 2017 (format 2018)

6 715 500 000

Montant des dépenses de pensions (estimation Sénat)

1 910 000 000

Montant du coût estimé des mesures du rapport d'information sur le redressement de la justice

1 736 400 000

Montant forfaitaire (érosion inflation et glissement vieillesse technicité)

540 316 304

Parmi les mesures du rapport d'information exigeant un financement, figuraient notamment :

- l'augmentation du budget de fonctionnement courant des juridictions (+ 100 millions d'euros) ;

- l'augmentation du budget dédié à l'immobilier judiciaire (+ 150 millions d'euros) ;

- l'accroissement de l'expertise et des compétences en administration centrale et l'augmentation du budget dédié à l'informatique et aux nouvelles technologies (+ 102 millions d'euros) ;

- la construction de nouveaux établissements pénitentiaires afin de permettre la création de 15 000 places de prisons (au total 900 millions d'euros) ;

- et l'accompagnement de la création de ces nouvelles places de prison d'un budget de fonctionnement adapté (+ 50 millions d'euros).

Figurait également parmi ces mesures un volet très important consacré au recrutement, avec :

- le comblement des vacances de postes de magistrats (+ 500 postes), et de greffiers (+ 900 postes) ;

- le recrutement de 300 juristes assistants ;

- le recrutement de 1 500 conciliateurs ;

- le développement des greffiers assistants du magistrat (+ 100 postes de greffiers) ;

- le renforcement des équipes de chef de cour et de juridiction (+ 200 postes) ;

- l'accompagnement des créations de places de prison à la hauteur du taux d'encadrement nécessaire (+ 8 000 surveillants pénitentiaires), tout comme le comblement des vacances de postes de surveillants pénitentiaires (+ 1 500 postes) ;

- ou encore le renforcement des effectifs des services d'insertion et de probation (+ 500 postes).

Si le Gouvernement semble partager un certain nombre de ces mesures, vos rapporteurs s'interrogent toutefois sur la crédibilité du financement du plan de 15 000 places de prison et en même temps, du financement des mesures destinées au redressement des juridictions judiciaires. En effet, le plan pour les prisons devrait mécaniquement représenter une composante majeure du budget, même s'il ne s'agit, comme l'a confirmé la garde des sceaux, ministre de la justice, lorsqu'elle a été entendue par votre commission, que de livrer 7 000 places avant le 31 décembre 2022 et de lancer la construction de 8 000 places d'ici la même date.

Or, à périmètre constant hors dépenses de pensions, le Gouvernement prévoit une moindre progression sur les programmes dédiés aux juridictions judiciaires (203,1 millions d'euros d'écart avec celle adoptée par le Sénat) et à l'administration pénitentiaire (639,1 millions d'euros d'écart avec celle adoptée par le Sénat), justement considérés comme les deux programmes prioritaires par vos rapporteurs. Ainsi, les crédits des juridictions judiciaires croissent de 20,3 % et ceux de l'administration pénitentiaire de 59,1 % dans la version du Sénat, tandis que ceux prévus par le Gouvernement progressent respectivement de 12,6 % et 35,1 %, sur la période 2018-2022 par rapport à 2017.

Il en est de même s'agissant de la progression des créations d'emplois, pour laquelle les trajectoires du Gouvernement (+ 6 500 emplois d'ici 2022) et du Sénat (+ 13 728 emplois d'ici 2022) divergent fortement.

Vos rapporteurs notent d'ailleurs avec étonnement que le rythme de progression des emplois décroît les deux dernières années de la programmation (en 2021 et 2022), alors pourtant qu'il devrait croître eu égard aux recrutements nécessaires de surveillants pénitentiaires pour accompagner la création des nouvelles places de prison.

Enfin, s'agissant des évolutions de crédits des autres programmes, qui représentent une moindre proportion du budget de la mission « Justice », vos rapporteurs ont également relevé des divergences entre les deux programmations du Gouvernement et du Sénat.

Ainsi, s'agissant du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », la différence entre les projections du Sénat (+ 4,8 % en 2022) et du Gouvernement (+ 13,4 % en 2022) s'explique principalement par l'absence, dans le chiffrage du Sénat, de mesures précises concernant la protection judiciaire de la jeunesse, la mission d'information précité ayant écarté ce domaine de son champ d'investigation, tandis que le Gouvernement a annoncé la construction de vingt centres éducatifs fermés.

L'évolution est également moindre s'agissant du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (+ 34 % pour le Sénat et + 45,6 % pour le Gouvernement en 2022), bien que les proportions soient toutes deux conséquentes, reflétant l'effort partagé en matière d'informatique et de nouvelles technologies. Vos rapporteurs soulignent à cet égard l'effort auquel s'est engagé le Gouvernement en la matière, annonçant près de 530 millions d'euros d'investissement sur le quinquennat. Ils rappellent toutefois qu'il ne s'agit pas de 530 millions d'euros supplémentaires. Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice », comprenant ces crédits, n'augmente d'ailleurs que de 114 millions d'euros entre 2017 et 2022.

Enfin, s'agissant du programme « Accès au droit et à la justice » (+19,8 % pour le Gouvernement et + 5 % pour le Sénat en 2022), le Sénat propose, contrairement au Gouvernement, un effort de rationalisation du système de l'aide juridictionnelle. Le Gouvernement précise d'ailleurs que l'augmentation du budget proposé s'explique par les évolutions tendancielles de l'aide juridictionnelle et l'extension de la représentation obligatoire.

Or, vos rapporteurs estiment urgent de réformer le système de l'aide juridictionnelle. Votre commission a d'ailleurs adopté à l'initiative de vos rapporteurs plusieurs articles additionnels à cet effet prévoyant le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique en première instance, modulable de 20 à 50 euros, et l'obligation de consultation préalable d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle. Ces mesures sont indispensables car cette aide concerne près de 970 000 personnes, et le filtre permettant d'apprécier la recevabilité de la requête, prévu par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, n'est quasiment jamais mis en oeuvre 22 ( * ) .

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté un amendement COM-285 , sur la proposition de ses rapporteurs, rétablissant la trajectoire budgétaire adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017, de façon à aboutir, en 2022, à 33,8 % d'augmentation du budget, hors charges de pensions, et à 13 728 créations d'emplois, par rapport à 2017.

La loi de finances pour 2018 étant en cours d'exécution, deux ajustements sont réalisés par rapport aux montants adoptés dans la proposition de loi pour le redressement de la justice :

- l'amendement reprend le montant des crédits de paiement et le plafond de créations d'emplois votés dans la loi de finances pour 2018 (le nombre des créations d'emplois est donc ajusté sur les années suivantes pour aboutir à 13 728 créations d'emplois au total) ;

- il reprend également, pour 2019 et 2020, les montants votés dans la loi de programmation des finances publiques, qui convergeaient avec la proposition de loi pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat.

En outre, le même amendement COM-285 supprime la mention selon laquelle la programmation fera l'objet d'actualisations d'ici 2021. En effet, il n'est nul besoin de le prévoir puisque la valeur de l'article 1 er , purement programmatique, n'est aucunement contraignante. Les crédits et les emplois devront être formellement votés chaque année par la loi de finances, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 1er bis (nouveau)
Programmation de la progression du nombre
des conciliateurs de justice sur la période 2018-2022

Introduit par votre commission par l'adoption d'un amendement COM-245, de ses rapporteurs, l'article 1 er bis du projet de loi, a pour objet de programmer la progression du nombre de conciliateurs de justice pour la période 2018-2022.

Il reprend l'article 4 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 et traduit la proposition n° 64 du rapport de la mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice.

Il prévoit ainsi le recrutement de 1 500 conciliateurs de justice supplémentaires entre 2018 et 2022, par rapport à 2017, pour atteindre le nombre de 3 420 au terme de cette même période, eu égard au renforcement de leur rôle et de leurs missions prévu par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

La progression du nombre de conciliateurs de justice, entre 2018 et 2022, s'effectuerait selon le calendrier suivant :

2018

2019

2020

2021

2022

Nombre de conciliateurs de justice

2 220

2 520

2 820

3 120

3 420

Vos rapporteurs soulignent que le renforcement des moyens accordés aux conciliateurs de justice pour accomplir, à titre bénévole, leur missions a bien été pris en compte dans la programmation budgétaire proposée par le Sénat, puisqu'ont été intégrés des crédits destinés, d'une part, à augmenter le forfait de prise en charge des frais engagés par les conciliateurs de justice et, d'autre part, à acquérir le matériel informatique nécessaire à l'accomplissement de leur mission.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis ainsi rédigé .

Article 1er ter (nouveau)
Rapport annuel au Parlement sur l'exécution de la loi d'orientation
et de programmation pour le redressement de la justice

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-254 de ses rapporteurs, l'article 1 er ter du projet de loi a pour objet de prévoir, pour toute la durée de la programmation, la remise d'un rapport annuel au Parlement, préalablement au débat d'orientation budgétaire, sur l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice.

Il reprend l'article 5 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017, et doit permettre au Parlement d'assurer le suivi de l'exécution de la loi de programmation.

Une disposition similaire figurait dans la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

Autant votre commission se prononce en général défavorablement, par principe, aux demandes de rapports au Gouvernement si elles ne sont pas suffisamment étayées, autant, dans ce cas, la remise de rapports annuels lui semble indispensable, tant les chantiers sont majeurs, d'une part, et dans un souci de bonne gestion des deniers publics, d'autre part.

Votre commission a adopté l'article 1 er ter ainsi rédigé .

TITRE II
SIMPLIFIER LA PROCÉDURE CIVILE
ET ADMINISTRATIVE
SOUS-TITRE IER
REDÉFINIR LE RÔLE DES ACTEURS DU PROCÈS
CHAPITRE IER
DÉVELOPPER LA CULTURE
DU RÈGLEMENT AMIABLE DES DIFFÉRENDS

Article 2
(art. 22-1, 22-2 et 22-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995
relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale
et administrative et art. 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016
de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Développement du recours aux modes alternatifs
de règlement des différends

L'article 2 du projet de loi vise à développer les modes alternatifs de règlement des différends, en renforçant le recours à la médiation (I) et en étendant le champ de l'obligation de tentative de règlement amiable des litiges, préalable à la saisine du juge (II).

1. Le renforcement du recours à la médiation

Le I du présent article apporte diverses modifications à la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

• Extension du pouvoir du juge d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur

Le deuxième alinéa de l'article 22-1 de la loi du 8 février 1995 prévoit actuellement que le juge peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur dans les hypothèses où une tentative préalable de conciliation est prescrite par la loi 23 ( * ) .

Le 2° du I du présent article permettrait désormais au juge, « en tout état de la procédure, y compris en référé », de faire une telle injonction aux parties, dès lors qu'« il estime qu'une résolution amiable du litige est possible ».

Cette disposition n'aurait pas pour effet d'imposer aux parties une médiation mais seulement de leur imposer de rencontrer un médiateur pour recevoir des informations sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation. La décision d'entreprendre une telle démarche leur reviendrait in fine .

Vos rapporteurs se sont néanmoins interrogés sur le coût de cet entretien d'information pour les parties. Selon l'étude d'impact, annexée au projet de loi, « l'entretien d'information sur la médiation sera sans impact financier sur les particuliers » 24 ( * ) . Le Gouvernement estime que, sur le modèle de ce qui existe en matière de médiation familiale, les conseils départementaux de l'accès au droit concluront, au titre de leur mission de participation à la politique locale de résolution amiable des différends 25 ( * ) , des conventions avec des médiateurs pour organiser ces entretiens d'information à titre gracieux. Toujours selon l'étude d'impact, « le coût pour les conseils départementaux de l'accès au droit devrait être relativement limité dans la mesure où les médiateurs ont un intérêt direct à ces entretiens, qui sont de nature à accroître leur activité en débouchant dans un certain nombre de cas, sur une médiation rémunérée ».

Par la suite, si les parties décidaient d'avoir recours au médiateur, les frais de médiation seraient à leur charge, sauf bénéfice de l'aide juridictionnelle 26 ( * ) .

En tout état de cause, cette disposition ne priverait pas le juge de la possibilité de tenter de concilier lui-même les parties, compétence qu'il tient de l'article 21 du code de procédure civile aux termes duquel « il entre dans la mission du juge de concilier les parties ».

• Permettre au juge d'ordonner une médiation dans une décision statuant définitivement sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale

Les 3° et 4° du I du présent article modifient les articles 22-2 et 22-3 de la loi du 8 février 1995 précitée, pour permettre au juge aux affaires familiales de prononcer une mesure de médiation dans la décision par laquelle il statue définitivement sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Cette médiation « post sentencielle » se déroulerait alors même que l'instance serait terminée 27 ( * ) .

Ainsi, le 3° du I du présent article précise à l'article 22-2 que c'est seulement si la médiation est ordonnée en cours d'instance que l'instance se poursuivra en cas de défaut de consignation par les parties du montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur fixée par le juge.

Dans cette hypothèse de médiation « post sentencielle », le 4° du I du présent article écarte l'application de l'article 22-3 qui porte sur la durée de la médiation et implique que le juge demeure saisi du dossier pendant cette durée.

Enfin, par coordination avec la suppression, à l'article 12 du projet de loi, de la phase de conciliation obligatoire avant l'instance judiciaire en matière de divorce ou de séparation de corps (articles 252 et 296 du code civil), le 1° du I du présent article supprime l'interdiction faite au juge, prévue au premier alinéa de l'article 22-1 de la loi du 8 février 1995, de désigner un médiateur pour procéder à ces tentatives de conciliation, préalables à l'instance.

Votre commission ayant choisi de supprimer l'article 12 28 ( * ) , par coordination, elle a adopté un amendement COM-235 supprimant le 1° du I du présent article. Comme actuellement, un médiateur familial ne pourra pas être désigné pour mener cette conciliation, car c'est au cours de cette phase que les parties ont un premier contact avec le juge et que celui-ci se prononce sur les mesures provisoires nécessaires au fonctionnement de la famille jusqu'au prononcé de la décision.

2. L'extension du champ de l'obligation de tentative de règlement amiable des litiges préalable à la saisine du juge

Le II du présent article étend le champ de l'obligation imposée aux parties de tentative de règlement amiable de leur différend avant toute saisine du juge.

Prévue par l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, cette obligation concerne actuellement les contentieux de l'instance lorsque la saisine du tribunal a lieu par déclaration au greffe, c'est-à-dire « lorsque le montant de la demande n'excède pas 4 000 euros » 29 ( * ) .

Désormais, toute demande tendant au paiement d'une somme n'excédant pas « un certain montant » fixé par décret en Conseil d'État, à l'exception des litiges relatifs aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers, ainsi que tous les conflits de voisinage définis par ce même décret, seraient soumis à cette obligation.

Le II diversifie ensuite les modes de règlement des différends admis. L'article 4 de la loi du 18 novembre 2016 vise seulement la conciliation par un conciliateur de justice, même s'il prévoit une dispense pour les parties qui « justifieraient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ».

Désormais, seraient explicitement admises comme préalable à la saisine du juge : la tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, la tentative de médiation ou la tentative de procédure participative 30 ( * ) .

Actuellement, des exceptions à la conciliation préalable obligatoire sont prévues par l'article 4 de la loi du 18 novembre 2016. Ces exceptions seraient donc ajustées pour tenir compte de l'élargissement du champ d'application de l'obligation, ainsi que de la multiplication des modes de règlement amiable des litiges expressément admis.

Ainsi, outre les cas dans lesquels l'une des parties sollicite l'homologation d'un accord ou si l'absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime, exceptions déjà prévues par l'article 4 dans sa rédaction actuelle, seraient ajoutées les hypothèses suivantes :

- « lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision » 31 ( * ) ;

- « si le juge doit, en vertu d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation » 32 ( * ) .

Vos rapporteurs sont en parfait accord avec l'objectif poursuivi par le Gouvernement : « développer les modes alternatifs de résolution des différends afin que ne soient portées devant le juge que les affaires les plus contentieuses, pour lesquelles les parties n'ont pas pu trouver ensemble de solution amiable et afin d'apaiser autant que possible les échanges entre les parties » 33 ( * ) .

Pour autant, le dispositif proposé pose d'importantes difficultés.

• Une restriction des modes de règlement des litiges admis

Le présent article ne reprend pas l'exception prévue au 2° de l'article 4 de la loi du 18 novembre 2016 : « si les parties justifient d'autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige », pour écarter l'obligation de tentative de conciliation préalable, estimant que ces « autres diligences » sont désormais directement énumérées par le dispositif : la tentative de médiation ou de procédure participative.

Or, l'attention de vos rapporteurs a été attirée par les représentants de la fédération française de l'assurance sur le fait que cette nouvelle énumération ne permettrait plus de considérer que les parties qui ont procédé sans succès à une tentative de règlement amiable d'un différend dans le cadre de la mise en oeuvre de leur assurance de protection juridique ont satisfait à l'obligation posée par l'article 4 de la loi du 18 novembre 2016 et peuvent saisir le juge, car ces tentatives ne relèveraient ni du domaine de la conciliation, ni du domaine de la médiation, ni du domaine de la procédure participative.

De même, les représentants de la chambre nationale des huissiers de justice, entendus par vos rapporteurs, considèrent que la procédure simplifiée de recouvrement des petits litiges n'entre pas dans le champ de la nouvelle rédaction de l'article 4, alors que cette procédure entrait dans le champ plus large des « autres diligences entreprises » et permettait ainsi de dispenser les parties de passer devant le conciliateur de justice avant de saisir le tribunal d'instance.

• Un champ d'application du dispositif imprécis

Le dispositif serait limité aux litiges de faible montant ou aux litiges concernant les troubles anormaux du voisinage.

Sur le principe, vos rapporteurs y sont favorables. Pour autant, la rédaction retenue est trop imprécise. Qu'entendre par « demande tend [ant] au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant » ? Que recouvre exactement la notion de « conflit de voisinage » ? Aucune définition de cette notion n'est donnée par les textes législatifs en vigueur. La jurisprudence reconnaît seulement la notion de « trouble anormal de voisinage », qui est d'ailleurs celle qui figure dans le projet de réforme de la responsabilité civile, présenté par le Gouvernement au mois de mars 2017 34 ( * ) .

Selon l'étude d'impact, annexée au projet de loi, les « conflits de voisinage » concernés par l'obligation de tentative de règlement amiable préalable à la saisine du juge s'entendraient « stricto sensu des conflits entre parties relatifs aux fonds dont elles sont propriétaires ou occupantes titrées tels que les demandes en bornage ou les demandes relatives aux servitudes » 35 ( * ) .

Or, ce périmètre ne coïncide pas parfaitement avec la définition des « troubles anormaux de voisinage » proposée pour l'article 1244 du code civil par le projet de réforme de la responsabilité civile 36 ( * ) , créant ainsi une certaine confusion dans les esprits.

• Une absence d'évaluation de la capacité des conciliateurs de justice à absorber une telle extension

De l'imprécision des termes utilisés résulte également une absence d'évaluation du nombre d'affaires concernées par cette nouvelle obligation de tentative de règlement amiable des différends. La seule information disponible dans l'étude d'impact est la suivante : « S'il est difficile de quantifier les effets exacts de la disposition, il est à prévoir une augmentation significative de l'activité des conciliateurs, nécessitant d'importantes campagnes de recrutement pour voir leurs effectifs augmenter dans des proportions similaires. » 37 ( * )

De fait, malgré la possibilité offerte par le présent article d'avoir recours à la médiation ou à une procédure participative 38 ( * ) conduite par des avocats, il est fort à parier, s'agissant de litiges de faible montant ou de conflits de voisinage, que ces outils coûteux ne seront que peu utilisés, à moins que les parties ne bénéficient de l'aide juridictionnelle 39 ( * ) .

C'est d'ailleurs ce qu'anticipe le Gouvernement puisqu'il estime que « l'obligation d'une tentative préalable de résolution amiable des différends pour certains litiges n'a pas d'impact financier automatique sur les particuliers puisqu'ils peuvent entreprendre une conciliation avec un conciliateur de justice, qui est gratuite. Le recours à une médiation ou une procédure participative payante est laissé au choix des parties » 40 ( * ) .

En effet, la médiation est une activité libérale donc payante et les tarifs sont libres. Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, le coût horaire de la médiation est variable de 100 à 500 euros avec des forfaits de 500 à 1 500 euros. Seuls les tarifs de la médiation familiale sont encadrés et subventionnés : 2 à 131 euros par partie et par séance selon les revenus des parties 41 ( * ) .

Or, il est à craindre que les conciliateurs ne puissent absorber cette extension du champ de l'obligation de tentative préalable de résolution amiable des différends. En effet, lors de l'examen de la loi du 18 novembre 2016, le Gouvernement avait estimé nécessaire de recruter 600 conciliateurs en plus des 1 800 en fonction au moment de l'examen du texte car la réforme représentait un surcroît d'activité de 33 % 42 ( * ) . Selon les chiffres avancés par le Gouvernement dans le cadre de l'examen du présent texte, 2 021 conciliateurs seraient en fonction actuellement. Seuls 70 nouveaux conciliateurs ont été recrutés en 2017 43 ( * ) . Le nombre de 2 400 conciliateurs nécessaires pour absorber la première réforme est donc loin d'être atteint. Que dire de l'extension prévue par le présent article, dont les effets exacts ne sont même pas évalués ?

Dès lors, les justiciables n'étant pas mis en situation d'avoir rapidement accès à une structure de règlement amiable des litiges, à un coût nul ou très modique, l'extension de l'obligation qui leur est faite, d'avoir recours à ces modes alternatifs de règlement des litiges, avant de pouvoir saisir le juge, porte atteinte à leur droit à un recours effectif devant un juge, tel qu'il résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

• Une incertitude quant aux effets positifs du recours à l'obligation de tentative de conciliation préalable sur le nombre de saisines des tribunaux d'instance

À l'heure actuelle, le Gouvernement n'est pas en mesure de dresser un bilan des effets du dispositif mis en place en 2016 sur l'activité des juridictions. Il semblerait même, au regard des données produites dans l'étude d'impact, que le nombre d'affaires introduites devant les tribunaux d'instance soit en hausse malgré une augmentation des tentatives de conciliation par des conciliateurs de justice 44 ( * ) .

De plus, selon les chiffres relatifs à l'activité des conciliateurs de justice, qui concernent les années antérieures à la réforme, la conciliation produit de meilleurs résultats lorsqu'elle a été entreprise à l'initiative des parties (57 % de réussite en 2015) que lorsqu'elle résulte d'une saisine du conciliateur par le juge (49 % en 2015). C'est d'ailleurs ce qu'ont fait valoir tant les représentants des conciliateurs de justice que ceux des juges d'instance, lors de leurs auditions respectives par vos rapporteurs.

Dès lors, puisque le Gouvernement ne peut affirmer sans l'ombre d'un doute que le dispositif mis en place en 2016 est efficace, il est prématuré de proposer son extension.

Pour l'ensemble de ces raisons, suivant ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-237 qui supprime le II du présent article relatif à l'obligation pour les parties de se soumettre à une tentative de règlement amiable de leur différend avant de saisir le juge, à peine d'irrecevabilité de leur demande.

Elle a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3
(art. 4-1 à 4-3 [nouveaux] de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016
de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Fixation d'un cadre juridique pour les services de résolution amiable
des litiges en ligne et certification de ces services

L'article 3 du projet de loi vise à fixer un cadre juridique pour encadrer les services en ligne de conciliation, de médiation et d'arbitrage, en posant une série d'obligations à respecter et en prévoyant la possibilité d'une certification de ces services par un organisme accrédité. À cette fin, il crée de nouveaux articles au sein de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, laquelle traite déjà des modes amiables de résolution des litiges. Cet article s'inspire directement d'une disposition de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017.

1. La définition d'un cadre juridique pour les services en ligne de résolution amiable des litiges et d'aide à la saisine des juridictions

Compte tenu de la place croissante que sont appelées à avoir les plates-formes de résolution amiable des litiges en ligne, a fortiori avec l'incitation, voire l'obligation dans certains cas, comme l'envisage l'article 2 du projet de loi, dans la continuité de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée, de recourir aux modes amiables, votre commission juge nécessaire de fixer des garanties et un cadre de régulation, afin d'assurer la confiance comme la protection des justiciables. Il est logique pour le législateur d'accompagner cette évolution et d'exiger de la part de ces nouveaux acteurs, comme le prévoit le projet de loi, des qualités de compétence, de diligence, d'indépendance et d'impartialité, qui sont les qualités que l'on est aussi en droit d'attendre de l'institution judiciaire.

Le texte évoque les services en ligne de conciliation, de médiation ou d'arbitrage. Selon les auditions de vos rapporteurs, il existerait déjà une dizaine de legal techs en matière de résolution amiable des litiges en ligne.

Acteurs généralement privés utilisant la technologie numérique pour favoriser l'accès au droit et à la justice, pouvant comporter des membres de professions réglementées du droit, les legal techs sont de nouveaux entrants sur le marché du droit, pouvant concurrencer, en particulier, la profession d'avocat, ce qui suscite des tensions importantes et des conflits portés devant le juge. Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice en fait état précisément.

Les professionnels entendus par vos rapporteurs sont favorables à des exigences fortes de régulation, dans l'intérêt même de leur développement.

Ainsi, le projet de loi prévoit que les personnes offrant ces services en ligne sont, logiquement, soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. À cet égard, vos rapporteurs tiennent à préciser que le respect de ces obligations relatives à la protection des données à caractère personnel ne saurait empêcher ces services, compte tenu de la nature même de leur activité, de pouvoir collecter et traiter les données personnelles de la partie adverse sans obtenir son consentement ou sans avoir à l'informer préalablement.

Le texte ajoute que le service en ligne doit garantir un accès direct aux informations relatives au processus de résolution amiable, ce qui s'apparente à l'obligation d'information envisagée dans la proposition de loi précitée.

Surtout, il exige que la personne physique chargée de procéder à la résolution amiable accomplisse sa mission « avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d'une procédure efficace et équitable ». Ces exigences reprennent pour l'essentiel celles prévues dans la proposition de loi. Le texte ajoute, sans que ce soit juridiquement nécessaire, que les personnes qui participent à ces services sont tenues au secret professionnel.

Le texte dispose que la résolution amiable en ligne ne peut résulter exclusivement d'un traitement algorithmique ou automatisé et, lorsqu'elle en utilise un, que les parties doivent en être informées et y consentir. La maîtrise des algorithmes par le responsable du traitement et la possibilité d'en connaître les règles et les caractéristiques pour toute personne intéressée sont également prévues, conformément aux exigences de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Vos rapporteurs jugent nécessaire de mieux distinguer les obligations applicables aux plates-formes proposant des services en ligne de conciliation ou de médiation et celles applicables aux plates-formes proposant des services en ligne d'arbitrage, car les prestations de résolution amiable ne sont pas de même nature que la justice conventionnelle que constitue l'arbitrage. En dehors de l'arbitrage, ne mentionner que la conciliation et la médiation peut sembler trop restrictif, de sorte qu'il serait utile de mentionner également tout autre mode de résolution amiable, afin de couvrir effectivement tous les acteurs concernés, par exemple la procédure participative pour les avocats, le recouvrement amiable par les huissiers de justice, les démarches réalisées par les juristes des assureurs de protection juridique ou tout autre professionnel essayant de résoudre un litige de façon non contentieuse.

En outre, vos rapporteurs rappellent que la proposition de loi précitée comportait également un cadre juridique pour les plates-formes proposant des services en ligne d'aide à la saisine des juridictions, précisant que ces services ne peuvent pas conduire à réaliser des actes d'assistance ou de représentation sans le concours d'un avocat.

Ainsi, sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-231 visant à mieux distinguer l'arbitrage et à mentionner explicitement tout autre mode de résolution amiable, mais aussi à encadrer les services en ligne d'aide à la saisine des juridictions, en prévoyant l'application des mêmes exigences que pour les services en ligne de résolution amiable et en ajoutant l'obligation de délivrer une information sur les conséquences de toute action judiciaire. Ces services d'aide à la saisine des juridictions ne pourraient réaliser aucun acte d'assistance ou de représentation au sens de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sans le concours d'un avocat.

Ce même amendement apporte également quelques clarifications et précisions dans la rédaction du texte, sans en modifier la portée, notamment en codifiant à part la règle excluant que de tels services puissent exclusivement résulter d'un traitement par algorithme et en élargissant à toutes les personnes concourant à la fourniture ou au fonctionnement de ces services les exigences de diligence, compétence, indépendance, impartialité et secret professionnel, dans le cadre d'une procédure efficace et équitable.

Vos rapporteurs se sont interrogés sur l'opportunité de prévoir pour les services d'arbitrage en ligne des obligations plus importantes, dès lors que ces services ont pour vocation de rendre des sentences opposables aux parties, puisque l'arbitre a pour mission de trancher un litige en vertu d'une stipulation contractuelle, alors que les divers modes de résolution amiable stricto sensu consistent à aboutir à un accord entre les parties. En tout état de cause, ils ont proposé, dans l'amendement adopté par votre commission, de préciser que la sentence arbitrale pouvait être rendue sous forme électronique, de façon à éviter toute incertitude, en dépit des dispositions des articles 1366 et 1367 du code civil relatives à l'écrit électronique et à la signature électronique, quant à la possibilité de demander au tribunal de grande instance l' exequatur d'une sentence rendue électroniquement, sans signature manuscrite de l'arbitre, afin de lui conférer force exécutoire.

2. La certification des services en ligne de résolution amiable des litiges et d'aide à la saisine des juridictions

Le projet de loi prévoit que les services en ligne de résolution amiable peuvent demander à être certifiés par un organisme accrédité, la certification n'étant accordée qu'après vérification du respect des exigences évoquées supra : obligations relatives à la protection des données personnelles, confidentialité, accès aux informations sur le processus de résolution, diligence, compétence, indépendance, impartialité, procédure efficace et équitable, utilisation des algorithmes dans le processus. Un décret en Conseil d'État devrait préciser les cas dans lesquels la certification est exigée - ce qui peut sembler contradictoire dès lors que la certification n'est pas obligatoire - ainsi que les procédures de délivrance et de retrait de la certification et les modalités de publicité de la liste des services en ligne accrédités.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, la certification serait délivrée après examen par des organismes eux-mêmes accrédités par le comité français d'accréditation (COFRAC) 45 ( * ) .

Le projet de loi prévoit aussi, de façon cohérente, que bénéficieraient d'une certification de plein droit, en raison des exigences auxquelles ils sont déjà soumis, les conciliateurs de justice, les médiateurs inscrits auprès des cours d'appel et les médiateurs de la consommation inscrits auprès de la commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation. Pour autant, si ces conciliateurs et médiateurs créaient des services en ligne, ils ne seraient évidemment pas dispensés des obligations prévues par le projet de loi et tout manquement pourrait conduire, par cohérence, au retrait de leur qualité de conciliateur ou de médiateur.

Les entreprises entendues par vos rapporteurs ont fortement approuvé cette démarche de certification, plusieurs plaidant en faveur d'une certification obligatoire, afin d'accroître le niveau de garantie et d'exigence.

Vos rapporteurs estiment qu'une certification obligatoire pour pouvoir exercer ces activités en ligne ne constituerait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, dès lors que ces services visent à trancher des litiges qui, sinon, relèveraient de l'intervention du juge, ou à saisir une juridiction. Ces services doivent présenter des garanties renforcées pour les justiciables, car il ne s'agit pas de services marchands comme les autres. Pour la même raison, il semble préférable que la certification soit délivrée par le ministère de la justice lui-même plutôt que par des organismes accrédités. Vos rapporteurs écartent l'idée d'une accréditation ou d'un quelconque contrôle par des représentants de la profession d'avocat, compte tenu de la concurrence entre les avocats et ces nouveaux services et du fait que certains de ces derniers peuvent être opérés par des avocats, ce qui justifie davantage l'attribution du rôle de certification au ministère de la justice.

Ainsi, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-232 visant à rendre obligatoire la certification pour les services de résolution amiable des litiges ou d'arbitrage et pour les services d'aide à la saisine des juridictions, pour prévoir de réelles garanties pour les justiciables, et à confier la mission de certification au ministère de la justice lui-même. Dès lors, pour pouvoir être proposés au public, ces services devraient faire l'objet d'une certification préalable. Les procédures de délivrance et de retrait de la certification seraient précisées par décret en Conseil d'État.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

CHAPITRE II
ÉTENDRE LA REPRÉSENTATION OBLIGATOIRE

Article 4
(art. 83 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation agricole à son environnement économique, art. 4-1 [nouveau] de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. L. 1453-1 A [nouveau] du code du travail, art. L. 722-5-1 [nouveau] du code de commerce, paragraphe 4 de la section 2, paragraphe 1 de la section 5 du chapitre III du titre XII et art. 364 [nouveau] du code des douanes, art. L. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution, art. L. 142-9 du code de la sécurité sociale, art. 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, et art. L. 134-4 du code de l'action sociale et des familles)
Extension de la représentation obligatoire

L'article 4 du projet de loi a pour objet d'étendre le principe de la représentation obligatoire en matière civile, devant le tribunal de grande instance - y compris devant le juge de l'exécution - le tribunal paritaire des baux ruraux, et en appel s'agissant du contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale.

1. Le droit en vigueur privilégie la présence personnelle des parties lorsque la procédure est orale

La présence personnelle des parties est, en matière civile, le corollaire des procédures dites « orales », même si celles-ci ont reçu au cours des dernières années la possibilité d'être assistées ou représentées.

Lors d'un procès civil, les parties ont ainsi la liberté de se défendre elles-mêmes, faculté qui ne s'exerce toutefois que lorsque la représentation en justice n'est pas rendue obligatoire.

Les droits de la défense

Le principe des droits de la défense, reconnu comme principe général du droit par le Conseil d'État dès 1944 46 ( * ) , acquiert valeur constitutionnelle dès les années 1970, consacré parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République par le Conseil constitutionnel 47 ( * ) , puis plus tard comme un « droit fondamental à caractère constitutionnel » 48 ( * ) . La Cour de cassation le reconnaît également comme un « droit fondamental à caractère constitutionnel » dans les attendus d'un arrêt de 1995 rendu par son assemblée plénière 49 ( * ) .

Les droits de la défense constituent donc un droit fondamental protégé tant par la Constitution que par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au titre de son article 6 relatif au droit à un procès équitable.

Quant au principe de la liberté de la défense, il figure parmi les principes directeurs du procès civil, et se trouve défini aux articles 18 à 20 du code de procédure civile.

L'article 18 affirme ainsi le principe selon lequel « les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire », tandis que l'article 20 du même code dispose que « le juge peut toujours entendre les parties elles-mêmes », et ce malgré la représentation des parties par un tiers. En outre, l'article 19 indique que « les parties choisissent librement leur défenseur soit pour se faire représenter, soit pour se faire assister selon ce que la loi permet ou ordonne ».

Source : commission des lois du Sénat.

La mission d'assistance en justice « emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l'obliger » 50 ( * ) , tandis que le mandat de représentation en justice « emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure » 51 ( * ) . La mission d'assistance, contrairement à la fonction de représentation, n'est que facultative. En effet, si le mandat de représentation emporte de plein droit mission d'assistance, tel n'est pas le cas du contraire.

Ainsi, la représentation en justice est en principe obligatoire devant le tribunal de grande instance (article 751 du code de procédure civile), la cour d'appel (article 899 du code de procédure civile) et la Cour de cassation (article 973 du code de procédure civile).

L'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques confie le monopole de l'assistance et de la représentation en justice aux avocats, sous réserve des compétences reconnues aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation 52 ( * ) : « Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler 53 ( * ) et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation » 54 ( * ) .

Ce monopole s'exerce tant en première instance qu'en appel 55 ( * ) , mais ne vaut que pour l'assistance et la représentation en justice, et non pour les consultations juridiques ou la rédaction d'actes sous seing privé, activités réglementées mais ouvertes à un plus large nombre de personnes 56 ( * ) .

De nombreuses dérogations à ce principe demeurent toutefois permises par le deuxième alinéa du même article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques précitée : « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires spéciales en vigueur à la date de publication de la présente loi et, notamment, au libre exercice des activités des organisations syndicales régies par le code du travail ou de leurs représentants, en matière de représentation et d'assistance devant les juridictions sociales et paritaires et les organismes juridictionnels ou disciplinaires auxquels ils ont accès ».

À cet égard, le Conseil d'État a précisé que le pouvoir réglementaire était habilité à dispenser les justiciables de recourir au ministère d'un avocat en certaines matières 57 ( * ) . En revanche, autoriser la représentation par un tiers non avocat relève du domaine de la loi, s'agissant d'une dérogation au monopole légal reconnu aux avocats 58 ( * ) .

Ainsi, devant le tribunal d'instance 59 ( * ) et le conseil de prud'hommes 60 ( * ) , les parties peuvent se défendre elle-même ou choisir de se faire assister ou représenter, outre par un avocat, par leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité (article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, articles 828 du code de procédure civile et R. 1453-1 du code du travail).

Des règles similaires existent devant le tribunal paritaire des baux ruraux (TBPR) 61 ( * ) , ou devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) 62 ( * ) le tribunal du contentieux de l'incapacité 63 ( * ) , les commissions départementales et centrales d'aide sociale (CDAS) 64 ( * ) , ainsi que la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) 65 ( * ) , avec des différences selon les spécificités de chaque juridiction :

- devant le tribunal d'instance, les parties ont aussi la faculté de se faire assister ou représenter par leur conjoint, leurs parents ou alliés en ligne directe et en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus, ainsi que par les personnes « exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise ». Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial. L'État, les collectivités territoriales et les établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration (article 828 du code de procédure civile) ;

- devant le tribunal paritaire des baux ruraux, outre les mêmes catégories que celles du tribunal d'instance et les huissiers de justice (articles 882 et 884 du code procédure civile), la loi permet également aux parties de se faire assister ou représenter par un membre ou un salarié d'une organisation professionnelle agricole (article 83 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation agricole à son environnement économique) ; de plus, les parties ont l'obligation de comparaître en personne lors de la phase de conciliation (article 883 du code de procédure civile) ;

- devant le conseil de prud'hommes, les parties peuvent aussi se faire assister ou représenter par un salarié ou un employeur appartenant à la même branche d'activité ou par un défenseur syndical 66 ( * ) (articles L. 1453-4 et R. 1453-2 du code du travail) ;

- devant les juridictions sociales (TASS, TCI et CNITAAT), les parties peuvent aussi se faire assister ou représenter par un travailleur salarié, un employeur exerçant la même profession ou un représentant qualifié des organisations syndicales de salariés ou d'employeurs, ainsi qu'un délégué des associations de mutilés et invalides du travail les plus représentatives (article L. 144-3 du code de la sécurité sociale), ou être accompagné de la personne de leur choix s'agissant des CDAS et CCAS (article L. 134-9 du code de l'action sociale et des familles).

Enfin, s'agissant du tribunal de commerce, les parties peuvent non seulement se défendre elles-mêmes mais aussi se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix (article 853 du code de procédure civile). Cette disposition a été définie par la jurisprudence 67 ( * ) comme ne pouvant pas avoir pour effet de déroger au principe suivant lequel les avocats peuvent assumer ces fonctions à titre habituel. Vos rapporteurs estiment tout de même surprenant que cette règle ne soit pas prévue par la loi, dès lors qu'elle constitue une dérogation au monopole de la représentation reconnu légalement aux avocats.

Outre ces juridictions spécialisées, de nombreuses exceptions demeurent également devant le tribunal de grande instance et la cour d'appel.

Les exceptions à la représentation obligatoire des parties devant

le tribunal de grande instance et la cour d'appel

Si aucun texte ne le prévoit formellement, une « règle coutumière » attestée par la doctrine et les praticiens veut qu'en matière de référé, la représentation ne soit pas obligatoire devant le tribunal de grande instance.

De nombreuses exceptions au principe de la représentation obligatoire sont également prévues tant en matière d'état civil que de droit de la famille : changement de sexe (article 1055-7 du code de procédure civile), adoption simple ou plénière d'un enfant recueilli avant l'âge de 15 ans (article 1168 du code de procédure civile), contentieux de la révision de la prestation compensatoire (article 1139 du code de procédure civile), délégation, retrait total ou partiel de l'autorité parentale et déclaration judiciaire de délaissement parental (article 1203 du code de procédure civile), incapacité des mineurs (articles 1217 et suivants du code de procédure civile), demande de consentement à une procréation médicalement assistée avec tiers donneur (article 1157-2 du code de procédure civile).

Il en est de même en matière commerciale, pour les entreprises qui relèvent du tribunal de grande instance 68 ( * ) (livre VI du code de commerce) 69 ( * ) , s'agissant des contentieux relatifs aux baux commerciaux (article R. 145-29 du code de commerce) ou à la mise en oeuvre de procédures collectives : les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou être représentées par une personne de leur choix, comme devant le tribunal de commerce (articles 853 du code de procédure civile et R. 622-2 du code de commerce).

Devant le juge de l'exécution 70 ( * ) (article L. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution), les parties sont également libres de constituer ou non avocat, à l'exception de la procédure de saisie immobilière pour laquelle c'est obligatoire (article R. 311-4 du code des procédures civiles d'exécution). L'appel des décisions du juge de l'exécution est en revanche soumis au principe de la représentation obligatoire par avocat (article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution).

S'agissant du contentieux de l'expropriation (articles R. 311-20 et R. 311-27 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique), ou encore du contentieux fiscal (article R. 202-2 du livre des procédures fiscales) et douanier (article 367 du code des douanes), les parties sont dispensées de constituer avocat tant devant le tribunal de grande instance que la cour d'appel.

En appel, plus généralement, la procédure avec représentation obligatoire par avocat s'applique bien plus largement qu'en première instance, et notamment aux appels formés contre les décisions rendues par les tribunaux de grande instance, d'instance, ou le tribunal de commerce.

Ce principe souffre là encore de nombreuses exceptions parmi lesquelles : les recours contre les décisions du juge des enfants (article 1192 du code de procédure civile), du juge des tutelles (article 1239 code de procédure civile), du juge des libertés et de la détention en matière de droit des étrangers (articles R. 552-12, R. 552-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) et de visite domiciliaire effectuée par les agents de l'administration fiscale (article L. 16 B du livre des procédures fiscales).

Enfin, les parties ne sont pas non plus tenues de constituer avocat en appel des décisions rendues par certaines juridictions d'affectation : le tribunal paritaire des baux ruraux (article 892 du code de procédure civile), les juridictions sociales (article R. 142-28 du code de la sécurité sociale), ou encore en cas d'appel contre les jugements du tribunal d'instance en matière de surendettement (article R. 331-9-3 du code de la consommation) et de rétablissement personnel (article R. 713-7 du code de la consommation).

Enfin, particularité, depuis le 1 er août 2016, l'appel des décisions du conseil de prud'hommes relève désormais de la procédure avec représentation obligatoire, les parties ayant le choix entre un avocat ou un défenseur syndical (articles L. 1453-4 et R. 1461-1 du code du travail).

Source : commission des lois du Sénat.

2. Une extension cohérente de la représentation obligatoire proposée par le projet de loi, qui mériterait toutefois de ménager certaines exceptions

• Un objectif d'amélioration de la présentation juridique des affaires permettant de favoriser une meilleure réponse juridictionnelle

L'extension de la représentation obligatoire est présentée dans l'exposé des motifs du projet de loi comme un « gage d'efficacité et de qualité de la justice rendue en matière civile » . Dans son avis favorable sur le projet de loi 71 ( * ) le Conseil d'État relève « que le principe de la représentation obligatoire des parties ne peut, en principe, qu'assurer une meilleure présentation des causes et favoriser la qualité des décisions juridictionnelles, dans un contexte de complexification du droit ». Ce postulat rejoint l'idée que « chacun puisse bénéficier d'un bon professionnel, plutôt que de se défendre, mal, seul, au nom d'une fausse égalité entre les citoyens » 72 ( * ) .

À cet égard la limitation de la liberté contractuelle sur le choix du mandataire s'explique tant par la complexité juridique des actes de procédure 73 ( * ) , que le souci d'établir de bonnes relations entre les parties et le juge.

La Cour européenne des droits de l'homme considère d'ailleurs que dans certaines circonstances, « la possibilité de défendre seul sa cause dans une procédure l'opposant à un professionnel du droit, n'offre pas au plaideur un droit d'accès au tribunal dans des conditions lui permettant de bénéficier de manière effective de l'égalité des armes inhérente au procès équitable » 74 ( * ) .

Vos rapporteurs adhèrent au postulat d'une meilleure présentation des causes et in fine , d'une plus grande chance de succès, grâce à l'assistance d'un avocat. Mais ils estiment qu'il convient tout de même de laisser une représentation plus libre devant certaines juridictions, ou dans certains contentieux d'un faible montant.

Ils regrettent de ne disposer que d'une vision parcellaire du projet global de réforme du Gouvernement en matière de procédure civile. Ainsi, à la différence de la procédure pénale, qui fait partie des matières considérées par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 comme relevant de la compétence du législateur, le Conseil constitutionnel a pu considérer qu'elle relevait en principe de la compétence du pouvoir règlementaire 75 ( * ) .

À la demande de vos rapporteurs, le Gouvernement a bien voulu transmettre des informations sur ce qu'il envisageait en la matière, sans que cela constitue bien sûr un engagement de sa part.

À cet égard, comme le relevait déjà en 2007 notre ancien collègue Bernard Saugey, à l'occasion de son rapport sur la proposition de loi de simplification du droit, s'agissant des « règles relatives à l'assistance et à la représentation des parties, il peut sembler singulier que le choix de rendre ou non obligatoire la constitution d'un avocat relève encore de la compétence du pouvoir réglementaire alors qu'une loi s'avère aujourd'hui nécessaire pour compléter la liste des personnes pouvant assister ou représenter les parties » 76 ( * ) .

De surcroît, vos rapporteurs mettent en garde sur les conséquences de toute extension de la représentation obligatoire concernant l'accès au juge. En premier lieu, toute extension conduit mécaniquement à augmenter le budget consacré à l'aide juridictionnelle, croissance que le Gouvernement estime à 24 millions d'euros 77 ( * ) s'agissant des dispositions proposées à l'article 4, sans toutefois prévoir par ailleurs de mesures de fond consacrées à la réforme du système de l'aide juridictionnelle 78 ( * ) . En second lieu, si l'aide juridictionnelle permet de couvrir le financement de l'assistance d'un avocat pour les personnes aux revenus les plus modestes, vos rapporteurs ne méconnaissent pas l'effet de seuil qui est induit. En effet, pour l'année 2018, le plafond maximal de ressources 79 ( * ) pour bénéficier de l'aide juridictionnelle totale est fixé à 1 017 euros pour une personne seule, et à 1 525 euros pour une aide juridictionnelle partielle 80 ( * ) . En conséquence, toutes les personnes situées au-dessus du seuil sont exclues du bénéfice de l'aide juridictionnelle, sans pour autant parfois disposer de revenus suffisants pour financer le recours à un avocat.

Enfin, l'extension de la représentation obligatoire par avocat proposée par le Gouvernement a fait l'objet d'une appréciation différenciée par votre commission, selon les juridictions concernées.

• Une extension regrettable de la représentation obligatoire par avocat devant le tribunal paritaire des baux ruraux

Le premier paragraphe de l'article (I) abrogerait l'article 83 de la loi du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social, afin de rendre la représentation par avocat obligatoire devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

Cette disposition aurait pour principal effet de supprimer la possibilité pour les parties (les bailleurs et les preneurs de baux ruraux) de se faire assister ou représenter par des salariés ou membres des organisations professionnelles agricoles.

Or, il s'agit, pour la plupart, de juristes aguerris au contentieux des baux ruraux, soumis aux dispositions légales 81 ( * ) relatives à la délivrance de consultations juridiques, et notamment au respect du secret professionnel 82 ( * ) , de sorte que l'argument selon lequel il s'agirait d'assurer une meilleure présentation des causes apparaît ici moins opérant que pour d'autres contentieux.

Vos rapporteurs ont consulté les principales organisations professionnelles agricoles, qui sont opposées à la suppression de ce principe, indiquant que ce dispositif est fréquemment sollicité par les agriculteurs ou les propriétaires bailleurs et ne pose pas de difficulté particulière.

De plus, il ne concerne qu'un volume de contentieux très faible : l'étude d'impact du projet de loi mentionne 2 860 affaires par an en moyenne 83 ( * ) .

En outre, le législateur reconnaît l'assistance et la représentation en justice par d'autres professionnels que les avocats, notamment syndicaux ou associatifs, devant plusieurs autres juridictions spécialisées en première instance : tribunaux des affaires de la sécurité sociale (futurs pôles sociaux des tribunaux de grande instance), conseils de prud'hommes et tribunaux de commerce. Il n'apparaît donc pas justifié de distinguer les tribunaux paritaires des baux ruraux en les traitant de manière isolée.

Votre commission a donc souhaité, s'agissant des tribunaux paritaires des baux ruraux, maintenir le droit en vigueur, en adoptant quatre amendements COM-259, COM-108 rectifié, COM-159 rectifié et COM-176 rectifié bis respectivement de ses rapporteurs, de notre collègue Jacques Bigot, au nom du groupe socialiste et républicain, de notre collègue Josiane Costes et de notre collègue Daniel Gremillet.

• Les conséquences de la fusion du tribunal d'instance et de grande instance : une extension modérée de la représentation obligatoire par avocat qui maintient l'exclusion des principaux contentieux de l'instance

Le deuxième paragraphe de l'article (II) tirerait les conséquences de la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance opérée à l'article 53 du projet de loi.

Il prévoit de modifier l'article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, pour introduire le principe d'une dérogation au monopole de la représentation par avocat devant le tribunal de grande instance dans certaines matières en raison de la nature du litige, ou en considération de la valeur du litige. Ces critères seraient fixés par décret en Conseil d'État.

Dans ces hypothèses, les parties pourraient se faire assister ou représenter devant le tribunal de grande instance, outre par un avocat, par leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte, leurs parents ou alliés en ligne directe, ainsi qu'en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus, et les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise 84 ( * ) .

La loi reprendrait ainsi la liste complète des personnes habilitées à assister ou représenter les parties telle qu'elle est actuellement prévue à l'article 828 du code de procédure civile, dont certaines ne sont d'ailleurs pas mentionnées dans la loi, alors pourtant qu'il s'agit de dérogations au monopole de l'avocat prévu à l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires ou juridiques.

Par ailleurs, les dispositions proposées prévoiraient aussi expressément dans la loi que les parties peuvent se défendre elles-mêmes, alors pourtant que cette précision relève cette fois du pouvoir règlementaire. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a toutefois reconnu que le législateur pouvait légiférer dans le domaine réglementaire en édictant des règles de compétence et de procédure concernant des matières qui, en raison de leur nature, relèvent elles-mêmes du domaine de la loi 85 ( * ) , ainsi que les règles mettant en cause « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques », c'est-à-dire les droits de la défense 86 ( * ) .

Une disposition spécifique autoriserait également l'État, les régions, les communes, les départements et les établissements publics à se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration devant le tribunal de grande instance, sauf exceptions, dans un souci d'économies des deniers publics.

Interrogé par vos rapporteurs sur le contenu du décret en Conseil d'État, qui déterminera largement le champ d'application de la mesure, le Gouvernement leur a confirmé, même si ces dispositions d'ordre règlementaire ne sont pas encore définitivement arrêtées, qu'il s'agirait essentiellement d'exclure les contentieux actuels devant le tribunal d'instance de la représentation obligatoire par avocat, à l'exception du contentieux des élections professionnelles notamment, de même que ceux portant sur un litige dont la valeur est inférieure à 10 000 euros, qui relèvent dans le droit en vigueur de l'actuel tribunal d'instance.

Votre commission, suivant l'analyse de ses rapporteurs, a approuvé ces dispositions dans leur ensemble, tout en restant attentive à leur application qui dépendra en grande partie des mesures d'ordre règlementaire prises par le Gouvernement.

Elle a toutefois souhaité, plutôt que de les inscrire dans la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, les introduire au sein de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, au sein d'un nouvel article 4-1.

Elle a adopté un amendement COM-262 en ce sens, sur la proposition de ses rapporteurs selon lesquels une telle intention serait de nature à faciliter l'accessibilité de la loi.

Outre une précision rédactionnelle, le même amendement COM-262 comprend aussi, par cohérence, la mention expresse selon laquelle tout représentant qui n'est pas avocat doit disposer d'un pouvoir spécial.

De même, si le Gouvernement a précisé à vos rapporteurs qu'aucune introduction générale de la représentation obligatoire n'était prévue devant le tribunal de grande instance, le quatrième paragraphe (IV) de l'article étendrait également la représentation obligatoire devant le juge de l'exécution, sauf en matière d'expulsion et pour les demandes ayant leur origine dans une créance ou tendant au paiement d'une somme qui n'excède pas un montant défini par décret en Conseil d'État, qui pourrait être fixée à hauteur de 10 000 euros, comme dans la procédure de droit commun prévue devant le tribunal de grande instance. L'article L. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution serait modifié à cet effet.

Le Gouvernement a également indiqué à vos rapporteurs envisager d'étendre la représentation obligatoire par avocat à certaines matières ou certains contentieux dans lesquels les parties sont actuellement libres de se défendre elles-mêmes (dispositions prévues dans des textes règlementaires). Il s'agit notamment des référés formés devant le tribunal de grande instance, de certains contentieux en matière familiale comme le contentieux de la révision de la prestation compensatoire versée en cours de divorce, celui de l'adoption d'un enfant recueilli avant l'âge de 15 ans, celui de la délégation et celui du retrait total ou partiel de l'autorité parentale, ou encore le contentieux douanier ou fiscal. S'agissant des contentieux en matière familiale ou relevant du juge aux affaires familiales, vos rapporteurs attirent toutefois l'attention du Gouvernement sur la sensibilité de ces contentieux et la nécessité de garantir l'accès au juge.

Enfin, en matière douanière, l'extension de la représentation obligatoire par avocat pour les litiges en matière civile se ferait par voie réglementaire. La procédure ordinaire devant le tribunal de grande instance en matière civile serait alors applicable 87 ( * ) . En conséquence, le troisième paragraphe (III) de l'article en tire les conséquences, et restreint aux juridictions répressives le principe selon lequel l'instruction se fait sur simple mémoire (et sans frais de justice à répéter de part et d'autre) et donc sans représentation obligatoire, par l'insertion d'un nouvel article 364 au sein du code des douanes, tandis que l'article 367 qui prévoyait cette procédure devant toutes les juridictions y compris les juridictions civiles devant lesquelles la représentation par avocat serait désormais obligatoire sans distinction serait logiquement abrogé.

L'article 56 du projet de loi prévoit que ces dispositions s'appliqueraient aux instances introduites à compter du 1 er septembre 2019, or il s'agit pourtant de les faire coïncider avec l'entrée en vigueur des tribunaux d'instance et de grande instance. Votre commission a donc prévu, à l'article 56, sur la proposition de ses rapporteurs, une entrée en vigueur concomitante au 1 er janvier 2020.

• Le maintien de l'exclusion du contentieux prud'homal de la représentation obligatoire par avocat

Le deuxième paragraphe (II) de l'article tend également à s'en tenir au droit en vigueur, s'agissant de l'exclusion du contentieux prud'homal de la représentation obligatoire par avocat. Le projet de loi proposait de maintenir cette mention dans la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit précitée.

Par l'adoption d'un amendement COM-265 , votre commission a souhaité, sur la proposition de ses rapporteurs, codifier à droit constant dans la partie législative du code du travail les principes d'assistance et de représentation devant le conseil de prud'hommes.

Le code du travail comprenant l'ensemble des dispositions concernant les prud'hommes, il leur a semblé en effet plus cohérent, et de nature à assurer la lisibilité et l'accessibilité de la loi, d'y regrouper aussi celles concernant l'assistance et la représentation des parties.

Cette modification entrerait en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi, la commission ayant adopté un amendement COM-281 de ses rapporteurs à l'article 56 du projet de loi en ce sens 88 ( * ) .

• Une extension cohérente de la représentation obligatoire par avocat en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale

Les cinquième et sixième paragraphes (V) et (VI) du projet de loi auraient pour effet d'étendre la représentation obligatoire par avocat en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale. Les contentieux seront traités en première instance par les pôles sociaux qui seront constitués au 1 er janvier 2019 en appel au sein des tribunaux de grande instance, dans le cadre de la réforme des juridictions sociales adoptées dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

Les dispositions des articles L. 142-9 du code de la sécurité sociale et L. 134-4 du code de l'action sociale et des familles seraient modifiées à cet effet. Les principes prévus de libre assistance et représentation des parties, notamment par un délégué des associations et mutilés du travail les plus représentatives ou des associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour oeuvrer dans les domaines des droits économiques et sociaux des usagers ainsi que dans ceux de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion et la pauvreté, ne seraient donc désormais possibles que devant le tribunal de grande instance.

Ce choix est conforme à la position du Sénat lors de l'examen du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI e siècle. En effet, lorsque votre rapporteur Yves Détraigne, également rapporteur de ce projet de loi, avait proposé un dispositif législatif d'intégration du contentieux social au sein du tribunal de grande instance, il avait proposé de conserver les règles de représentation et d'assistance, sans ministère d'avocat, seulement pour la première instance 89 ( * ) . Ces dispositions avaient d'ailleurs été adoptées par le Sénat en première lecture 90 ( * ) . Lorsqu'un requérant a déjà pu librement faire valoir son point de vue en première instance sans avoir gain de cause, il semble en effet plus rationnel de constituer avocat en appel.

L'article 56 du projet de loi prévoit l'application de ces dispositions aux instances introduites à compter de la date de la création des pôles sociaux, donc au 1 er janvier 2019.

• Une absence de valeur législative du principe de la libre assistance et représentation devant le tribunal de commerce à laquelle votre commission propose de remédier

Enfin, votre commission a prévu, sur la proposition de ses rapporteurs, de donner valeur législative au principe de la libre assistance et représentation des parties devant le tribunal de commerce.

En effet, devant le tribunal de commerce, les parties peuvent, outre se défendre elles-mêmes, se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix. Ce principe est actuellement prévu par l'article 853 du code de procédure civile, alors qu'il s'agit pourtant d'une dérogation au monopole légal confié aux avocats en application de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

De surcroît, le Gouvernement a fait savoir à vos rapporteurs qu'il envisageait d'étendre la représentation obligatoire devant le tribunal de commerce, sans même donc avoir besoin que le législateur ne s'en saisisse.

Vos rapporteurs ont donc estimé préférable de codifier ces dispositions, à droit constant, au sein de la partie législative du code de commerce. Le principe s'appliquerait comme actuellement, devant le tribunal de commerce, tout comme pour les procédures du livre VI du code de commerce (procédures collectives) traitées devant le tribunal de grande instance. Votre commission a donc adopté un amendement COM-269 en ce sens. Cette modification entrerait en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi, la commission ayant adopté un amendement COM-281 déjà cité de ses rapporteurs à l'article 56 du projet de loi à cet effet 91 ( * ) . Votre commission a également adopté un amendement COM-270 apportant diverses précisions rédactionnelles et légistiques.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

CHAPITRE III
REPENSER L'OFFICE DES JURIDICTIONS

Article 5
(art. 46, 311-20 et 317 du code civil, art. L. 2141-10 du code de la santé publique, art. 4 de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l'état civil
des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d'outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, loi du 20 juin 1920 ayant pour objet de suppléer par des actes de notoriété à l'impossibilité de se procurer des expéditions des actes de l'état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre et art. 1er et 2
de l'ordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 facilitant la preuve
des actes de l'état civil dressés en Algérie)
Compétence des notaires pour délivrer certains actes de notoriété
et recueillir le consentement dans le cadre d'une assistance médicale
à la procréation avec tiers donneur

L'article 5 du projet de loi vise à transférer aux notaires le traitement des demandes de délivrance d'actes de notoriété (I à V) et le recueil du consentement en matière d'assistance à la procréation (VI et VII).

1. Le transfert de l'établissement de certains actes de notoriété aux notaires

Le I du présent article confie tout d'abord aux notaires l'établissement d'actes de notoriété constatant la possession d'état en matière de filiation.

Actuellement, l'article 317 du code civil dispose que l'acte de notoriété faisant foi de la possession d'état 92 ( * ) peut être demandé au juge du tribunal d'instance du lieu de naissance ou de domicile de la personne.

Cet acte de notoriété est établi à partir des déclarations d'au moins trois témoins et, si nécessaire, de tout autre document attestant de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté nécessaires à l'établissement de la possession d'état.

Ce transfert aux notaires s'inscrit dans une logique d'uniformisation des règles de compétences applicables à la délivrance des actes de notoriété. En effet, le code civil prévoit deux autres hypothèses dans lesquelles des actes de notoriété peuvent être délivrés et, dans ces deux hypothèses, ces actes sont délivrés par les notaires.

Ainsi, concernant les actes de mariage, en application de l'article 70 du code civil, chaque futur époux doit fournir l'extrait avec indication de la filiation de son acte de naissance. En cas d'impossibilité de fournir un tel acte, l'article 71 du même code prévoit que le futur époux peut le suppléer « en rapportant un acte de notoriété délivré par un notaire ».

De même, l'article 730-1 du code civil dispose que « la preuve de la qualité d'héritier peut résulter d'un acte de notoriété dressé par un notaire ».

Par cohérence avec ces deux hypothèses, votre commission a approuvé le transfert des juges d'instance vers les notaires, la compétence de délivrer des actes de notoriété permettant l'établissement de la filiation par la possession d'état. Le coût de ce transfert serait limité pour les demandeurs puisqu'en application de l'article A. 444-66 de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires, l'émolument fixé pour la délivrance d'un tel acte serait de 57,69 euros.

Les II à V du présent article transfèrent également aux notaires l'établissement d'actes de notoriété suppléant les actes de l'état civil dont les originaux ont été détruits ou ont disparus par suite d'un sinistre ou de faits de guerre.

Actuellement ces situations sont régies par la loi du 20 juin 1920 ayant pour objet de suppléer par des actes de notoriété à l'impossibilité de se procurer des expéditions des actes de l'état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre. Ces actes de notoriété sont délivrés gratuitement par le tribunal d'instance, sur les déclarations de trois témoins.

Le présent article abroge cette loi et intègre pour partie les dispositions qu'elle contient au sein des dispositions générales relatives aux actes de l'état civil, qui figurent à l'article 46 du code civil. Il transfère aux notaires la compétence de délivrer ces actes supplétifs, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 317 du code civil précité, tel que modifié par le projet de loi.

Il procède enfin aux coordinations nécessaires au sein de l'ordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 facilitant la preuve des actes de l'état civil dressés en Algérie et de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l'état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d'outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, lesquelles font référence aux actes régis par la loi du 20 juin 1920.

Sous réserve de l'adoption d'un amendement COM-239 rédactionnel, votre commission a approuvé ces transferts.

2. Le transfert aux notaires du recueil du consentement en matière d'assistance médicale à la procréation

Dans sa rédaction actuelle, l'article 311-20 du code civil prévoit que les époux ou les concubins qui recourent à une assistance médicale à la procréation (AMP), nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent donner leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation.

Le consentement donné interdit ensuite, sauf exceptions, toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation.

Celui qui a donné son consentement et qui ne reconnaît finalement pas l'enfant issu de l'AMP, engage sa responsabilité envers la mère et l'enfant et voit sa paternité judiciairement déclarée.

Les VI et VII du présent article suppriment la compétence concurrentielle du juge et du notaire. Désormais, seuls les notaires recueilleraient les consentements à l'AMP.

Dans la mesure où le recueil de ce consentement ne suppose pas de contrôle des conditions légales posées pour recourir à l'AMP mais a seulement pour objet d'informer le couple des conséquences de ses actes en matière de filiation, et puisqu'il entre dans les missions traditionnelles des notaires d'informer les parties, de recueillir leur consentement et de dresser des actes authentiques, vos rapporteurs ne sont pas opposés, par principe, à leur réserver cette compétence.

De plus, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi 93 ( * ) , le passage obligatoire devant notaire aurait un coût limité pour les personnes concernées puisqu'en application de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires, l'émolument dû serait de 76 euros.

Cependant, de même que le Conseil d'État dans son avis du 12 avril 2018 94 ( * ) , vos rapporteurs se sont interrogés sur l'opportunité de procéder à une telle modification alors même que la question de l'assistance médicale à la procréation devrait être abordée prochainement dans le cadre de la révision des lois bioéthiques. S'il était décidé à cette occasion d'ouvrir le recours à l'AMP aux femmes seules et aux couples de femmes, l'article 311-20 du code civil relatif au recueil du consentement du couple devraient nécessairement être de nouveau modifié puisqu'il traite des conséquences de ce consentement sur l'établissement du lien de filiation de l'enfant à l'égard de l'époux ou du concubin de la mère de l'enfant.

Ne souhaitant pas anticiper sur les débats à venir, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-240 de suppression de cette disposition qui confie exclusivement aux notaires le recueil du consentement du couple qui a recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

Elle a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6
Expérimentation de la révision des pensions alimentaires
par les organismes débiteurs des prestations familiales

L'article 6 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour mettre en place une expérimentation, d'une durée de trois ans, au cours de laquelle, dans certains départements seulement, les organismes débiteurs des prestations familiales ou des officiers publics et ministériels pourraient délivrer des titres exécutoires 95 ( * ) portant sur la modification du montant des contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants, en fonction d'un barème national.

Outre sa limitation dans le temps et dans l'espace, l'expérimentation serait circonscrite à certaines hypothèses. Seraient seules concernées les demandes de modification de pension alimentaire, quand ces pensions ont été initialement fixées ou homologuées par l'autorité judiciaire ou résultent d'une convention de divorce par consentement mutuel.

La demande de modification devrait être motivée par une évolution des ressources des parents ou une évolution, par accord des parents, des modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement.

En cas d'absence de fourniture par l'un des parents des renseignements et documents demandés, l'autorité compétente pour délivrer le titre exécutoire pourrait « moduler forfaitairement le montant de la contribution ».

Cette procédure ne serait pas applicable si une instance portant sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale à l'égard des enfants concernés par la contribution était pendante devant le juge aux affaires familiales.

Par ailleurs, pour garantir le respect du contradictoire, les documents et pièces produits devant l'autorité compétente pour délivrer le titre exécutoire devraient être portés à la connaissance de chacune des parties.

Enfin, le titre délivré pourrait faire l'objet d'une contestation devant le juge aux affaires familiales.

1. Le droit en vigueur

L'article 371-2 du code civil dispose que « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ». Cette obligation pèse sur les parents de l'enfant quel que soit leur statut matrimonial.

Les modalités de fixation de la contribution à l'entretien et à l'éducation
des enfants lors de la séparation des parents

Selon l'article 373-2-1 du code civil, en cas de séparation des parents, la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant prend la forme d'une pension alimentaire versée par l'un des parents à l'autre.

1.- Pour un couple non marié

a.- La fixation de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants au moment de la séparation

Rien n'interdit à des parents non mariés qui se séparent de fixer librement leurs contributions respectives à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants.

Pour plus de sécurité, et obtenir un titre exécutoire permettant de contraindre le parent défaillant à payer la contribution, les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer une convention par laquelle ils fixent la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Le juge contrôle alors que la convention est conforme à l'intérêt de l'enfant et que le consentement des parents a été donné librement (article 373-2-7 du code civil).

En l'absence d'une telle convention, le juge peut également être saisi par l'un des parents ou par le ministère public (qui peut lui-même avoir été saisi par un tiers, parent ou non), pour statuer sur cette contribution (article 373-2-8 du code civil).

Depuis le 1 er avril 2018, l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale prévoit que les parents qui mettent fin à leur vie en concubinage ou qui ont procédé à une dissolution de leur pacte civil de solidarité peuvent conjointement soumettre l'accord par lequel ils fixent le montant de la contribution à l'entretien et à l'éduction de leurs enfants due par l'un d'eux à l'homologation du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales pour qu'il lui donne force exécutoire. Cet article précise cependant que « toute décision judiciaire exécutoire supprimant ou modifiant la contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant et postérieure au titre exécutoire établi en application du présent article prive ce titre de tout effet ».

b.- La modification de la contribution

Dès lors que le juge est intervenu dans le cadre de la fixation de la contribution initiale, par décision ou homologation d'une convention, la modification de la contribution lui est soumise 96 ( * ) .

Quant à la modification de l'accord homologué par le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales, en application de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale, les parents sont tenus de signaler à l'organisme compétent tout changement de situation susceptible d'entraîner la révision du montant de la contribution.

2.- Pour un couple marié qui divorce

a.- La fixation initiale de la contribution

Le divorce par consentement mutuel

Lorsque le divorce par consentement mutuel prend la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire, la contribution est prévue dans la convention prenant la forme de cet acte 97 ( * ) .

Lorsque le divorce par consentement mutuel est judicaire, c'est-à-dire qu'un enfant mineur du couple a demandé à être entendu par un juge, la contribution est fixée dans la convention qui est soumise à l'homologation du juge.

Les autres cas de divorce

Pour les autres cas de divorce, l'article 286 du code civil renvoie aux règles fixées en matière d'exercice de l'autorité parentale. Les règles sont donc les mêmes que pour les parents non mariés : soit le couple trouve un accord et soumet cet accord à l'homologation du juge, soit le couple ne s'accorde pas et, dans ce cas, le juge fixe cette contribution. L'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable dans l'hypothèse d'un divorce.

b.- La modification de la contribution

Actuellement, à la suite d'un divorce, y compris d'un divorce par consentement mutuel non judiciaire, toute modification de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants relève de la compétence du juge, comme le prévoit l'article 373-2-13 du code civil.

Les modalités de fixation de la contribution de chacun des parents à l'entretien et à l'éducation des enfants, au moment de la séparation, varient donc selon le statut du couple.

En revanche, mise à part l'hypothèse des parents qui n'étaient pas mariés et qui ont convenu à l'amiable de cette répartition, la modification du montant de la pension alimentaire, et la délivrance du titre exécutoire y afférent, relèvent exclusivement de la compétence du juge aux affaires familiales.

2. La position de la commission

Vos rapporteurs comprennent parfaitement le double objectif du Gouvernement :

- pour les parents d'enfants : alléger et accélérer le traitement des demandes de révision de pension alimentaire en évitant le passage obligatoire devant le juge. En effet, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, « la durée moyenne de traitement des demandes de modification des dispositions régissant la vie des enfants (résidence habituelle, droit de visite et d'hébergement, pension alimentaire), présentées aux juges aux affaires familiales n'est pas inférieure à 6 mois et tend à augmenter » 98 ( * ) ;

- pour les juridictions, alléger la charge de travail des juges aux affaires familiales puisque le ministère de la justice dénombre environ 170 000 demandes par an de fixation ou de modification de pensions alimentaires, ce qui équivaudrait, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, à 17 équivalents temps plein (ETP) de magistrats et 20 ETP de greffiers 99 ( * ) .

Pour autant, le dispositif proposé soulève d'importantes interrogations.

• Les organismes compétents pour réviser les pensions alimentaires

En premier lieu, le texte donne compétence à plusieurs autorités différentes pour donner force exécutoire à la modification de la pension alimentaire : aux organismes débiteurs des prestations familiales et à des officiers publics et ministériels.

Les organismes débiteurs des prestations familiales - les caisses d'allocations familiales (CAF) - sont déjà compétents, depuis le 1 er avril 2018, pour donner force exécutoire aux accords par lesquels des parents séparés, qui n'étaient pas mariés, fixent le montant de la pension alimentaire due par l'un d'eux 100 ( * ) . Ils interviennent donc déjà dans ce processus et suivent souvent les familles concernées dans le cadre de leurs missions traditionnelles. Ils disposent par ailleurs d'un accès facilité aux informations nécessaires pour évaluer les ressources des parents.

Quant aux officiers publics et ministériels, vos rapporteurs s'interrogent sur le fait de savoir si seuls les notaires seraient compétents pour intervenir ou si d'autres officiers publics et ministériels, qui délivrent également des titres exécutoires, seraient concernés, comme les huissiers par exemple.

En tout état de cause, le recours à des officiers publics et ministériels aurait nécessairement un coût pour les parties alors que l'intervention des caisses d'allocations familiales serait gratuite.

• L'utilisation d'un barème et son application d'office si les renseignements ne sont pas fournis

Le projet de loi prévoit que la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants se ferait sur la base d'un barème national.

Si vos rapporteurs estiment que le recours à un tel barème aurait incontestablement pour effet positif d'harmoniser les pratiques, ils craignent une certaine rigidité du dispositif. En effet, les CAF ne disposant pas d'autres informations que celles relatives aux ressources des parents, elles appliqueront de manière mécanique le barème national 101 ( * ) , sans être en capacité de prendre en considération les situations particulières, comme le fait actuellement le juge.

Le système reposerait principalement sur ce barème qui n'est qu'un simple outil d'aide à la décision mis à la disposition du juge.

Dès, lors, si vos rapporteurs estiment que le mécanisme proposé par le projet de loi apporterait une réelle amélioration pour les familles lorsque les parents sont d'accord sur la modification de la pension alimentaire demandée, l'organisme compétent vérifiant seulement que cet accord n'est pas manifestement défavorable à l'une des parties, comme le font les CAF, depuis le 1 er avril 2018, dans le cadre de la fixation ab initio de pensions alimentaires pour les couples séparés, ils estiment en revanche que le dispositif n'est pas adapté en cas de désaccord des parties, car la fixation de la contribution reposerait exclusivement sur l'application mathématique d'un barème, y compris lorsque l'un des parents n'a pas fourni les renseignements et documents demandés, sans possibilité de prise en compte de la situation particulière des parties et de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme le fait actuellement le juge.

Le Gouvernement a tenté de répondre à ces difficultés en réservant la nouvelle procédure aux situations qu'il a jugées les plus simples : lorsque la demande de modification résulte d'une évolution des ressources des parents ou de l'évolution, par accord des parties, des modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement.

Or, ces situations pourtant simples d'apparence, peuvent elles aussi nécessiter une appréciation circonstanciée. Si les parties peuvent, par exemple, s'être mises d'accord sur les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement, elles ne sont pas forcément en accord sur la répartition des frais de trajet relatifs à ce droit de visite et d'hébergement, ou celui-ci peut avoir des incidences sur la scolarisation de l'enfant, avec un changement d'établissement. Or, ni les CAF ni les officiers publics et ministériels ne seront en mesure d'appréhender la complexité et la spécificité de chaque situation familiale.

Enfin, il n'est pas évident, contrairement à l'argumentaire présenté par le Gouvernement 102 ( * ) , que l'absence de passage devant l'autorité judiciaire, en cas de désaccord sur le montant de la pension alimentaire, permette d'éviter une surenchère de demandes portant sur d'autres aspects. En effet, s'il y a désaccord sur le montant de la pension, le parent qui se verra imposer un montant par l'application mathématique d'un barème, sans prise en compte des spécificités de sa situation, risque de saisir systématiquement le juge pour contester la décision de la CAF ou de l'officier public et ministériel.

Actuellement, en cas de désaccord des parties sur le montant de la pension, le juge étudie la situation dans sa globalité, en prenant en compte, le cas échéant, les demandes qui concernent d'autres aspects de l'exercice de l'autorité parentale et, souvent, ne sont pas sans incidence sur la fixation du montant de la pension alimentaire

Suivant ses rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement COM-242 qui limite l'expérimentation aux hypothèses dans lesquelles les parents ont trouvé un accord sur le montant révisé de la pension alimentaire.

Sur le modèle de ce que prévoit déjà l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale, les caisses d'allocations familiales homologueraient cet accord et lui donneraient force exécutoire, après avoir vérifié, à l'aide du barème national, qu'il préserve les intérêts en présence, ce que fait actuellement le juge, lorsqu'il est saisi d'un accord des parties.

Compte tenu du périmètre plus réduit du dispositif prévu, votre commission a estimé que le recours à une ordonnance ne se justifiait plus et a inscrit directement dans la loi les dispositions nécessaires à l'expérimentation, renvoyant à un décret en Conseil d'État, la fixation de ses modalités d'application et à un arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé de la sécurité sociale, celle des départements concernés.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7
(art. 1397 du code civil)
Modification des conditions de changement de régime matrimonial

L'article 7 du projet de loi apporte diverses modifications à la procédure de changement de régime matrimonial prévue à l'article 1397 du code civil.

1. Le droit en vigueur

Dans sa rédaction en vigueur, l'article 1397 du code civil impose un délai de deux ans à compter du mariage, avant d'autoriser les époux à modifier leur régime matrimonial ou à en changer.

Les modalités de ces modifications varient en fonction de la composition du foyer.

En présence d'enfants mineurs, la modification se fait par acte notarié soumis à l'homologation du tribunal.

Dans tous les autres cas, un simple acte notarié suffit sauf en cas d'opposition de l'une des personnes que les époux doivent informer des modifications ou du changement de régime matrimonial. Ces personnes sont :

- les personnes qui étaient parties au contrat initial et les enfants majeurs de chaque époux, qui doivent être informés personnellement de la modification envisagée ;

- les créanciers, qui doivent être informés par la publication d'un avis dans un journal d'annonces légales.

Si elles s'opposent dans un délai de trois mois à compter de cette information, l'acte notarié est soumis à l'homologation du juge.

2. Les modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi propose, en premier lieu, de supprimer le délai de deux ans d'application du régime matrimonial exigé avant que les époux puissent décider d'en changer.

Il supprime ensuite l'obligation de soumettre l'acte notarié à l'homologation du juge en présence d'enfants mineurs, tout en prévoyant des mesures particulières en faveur des mineurs, mais également des majeurs, protégés :

- une information du représentant des enfants mineurs sous tutelle et des enfants majeurs sous mesure de protection juridique, celui-ci pouvant alors s'opposer à la modification sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles ;

- la possibilité pour le notaire de saisir le juge des tutelles lorsque l'un ou l'autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l'administration légale, s'il estime que la modification compromet manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou qu'elle est de nature à lui causer un grave préjudice.

L'objectif du Gouvernement est de « proposer une procédure qui, tout en assurant une protection des personnes intéressées par le changement de régime matrimonial envisagé, serait plus rapide, moins coûteuse, et dans laquelle l'intervention judiciaire serait à la fois mieux comprise par les époux et plus facile pour les juges » 103 ( * ) .

3. La position de votre commission

Concernant la suppression du délai de deux ans, vos rapporteurs n'y sont pas opposés, dans la mesure où elle répond à la nécessité pour les époux de pouvoir adapter rapidement leur régime matrimonial à l'évolution de leur situation professionnelle (choix d'un régime de séparation de bien de la personne qui crée son entreprise, pour protéger sa famille) ou de leur situation personnelle (choix d'une communauté universelle avec attribution au conjoint survivant dans le cadre de la préparation d'une succession).

Concernant ensuite le renforcement de la protection des enfants majeurs qui font l'objet d'une mesure de protection juridique, vos rapporteurs estiment bienvenues les précisions apportées par le projet de loi, en particulier la précision selon laquelle le représentant n'a pas besoin de l'autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles pour s'y opposer.

Concernant enfin la suppression de l'homologation de l'acte notarié en présence d'enfants mineurs, lors de l'examen par le Sénat en 2017 du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, notre collègue Thani Mohamed Soilihi, s'était opposée à habiliter le Gouvernement à « simplifier le changement de régime matrimonial en présence d'enfants mineurs » 104 ( * ) .

Fidèle à sa position, votre commission s'est attachée à préserver les intérêts des enfants mineurs des époux.

De même qu'à l'occasion de l'examen de la loi du 18 novembre 2016, au cours duquel elle s'était opposée à soustraire du contrôle du juge les divorces par consentement mutuel en présence d'enfants mineurs, votre commission réfute la logique de présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants.

Lors de l'homologation, le juge vérifie que la modification est bien conforme aux intérêts de la famille, prise sans sa globalité, et pas seulement aux intérêts des époux.

Votre commission a également estimé qu'il était peu judicieux de confier au notaire, qui ne sera pas parvenu à convaincre les époux de renoncer à la modification envisagée au nom de l'intérêt de leurs enfants, le soin de saisir le juge. Cela le placerait dans une position délicate vis-à-vis de ses clients et de son obligation de secret professionnel.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission, toujours soucieuse de maintenir un niveau élevé de protection des enfants mineurs, a adopté un amendement COM-244 ayant pour objet de maintenir l'homologation par le juge des modifications du régime matrimonial envisagées, en présence d'enfants mineurs du couple.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 8
(art. 116, 507, 507-1 et 836 du code civil)
Allègement du contrôle a priori du juge des tutelles pour certains actes de gestion du patrimoine de personnes protégées,
présumées absentes ou éloignées

L'article 8 du projet de loi tend à alléger le contrôle a priori du juge des tutelles sur certains actes de gestion patrimoniale opérées au nom de personnes absentes ou éloignées, et de personnes protégées.

Alors qu'une réforme d'ampleur sur la protection juridique des majeurs est annoncée, dans la continuité du rapport de la mission interministérielle sur le sujet remis par Mme Anne Caron-Déglise le 21 septembre 2018 105 ( * ) , le projet de loi prévoit plusieurs mesures éparses s'agissant de la protection des majeurs et des mineurs, aux articles 8, 16 et 17.

Malgré le manque de cohérence d'une telle démarche, qui conduit à devancer le débat sur la future réforme, vos rapporteurs ont choisi d'être constructifs et, plutôt que de proposer à votre commission la suppression de principe de ces dispositions, de les examiner et les améliorer avec le souci de concilier le renforcement de l'efficacité du système, tout en garantissant la protection des personnes vulnérables, qui ne peuvent être privées de leurs libertés individuelles que sous le contrôle de l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution.

L'article 8 du projet de loi vise à supprimer ou restreindre le contrôle a priori du juge des tutelles, s'agissant de certains actes accomplis par la personne en charge de la protection.

1. Une restriction acceptable du contrôle préalable des opérations de partage aux hypothèses d'opposition d'intérêts

- Art. 116 du code civil : personnes présumées absentes ou éloignées

Le 1° de cet article modifie l'article 116 du code civil qui définit les règles du partage successoral d'une personne présumée absente 106 ( * ) , ou qui, par suite d'éloignement, se trouve malgré elle hors d'état de manifester sa volonté 107 ( * ) .

Actuellement, l'article 116 du code civil fait du partage amiable sous contrôle judiciaire le principe. Lorsqu'un présumé absent est appelé à une succession, le partage peut être fait à l'amiable. Dans cette hypothèse, le juge des tutelles autorise le partage, même partiel 108 ( * ) , en présence du représentant du présumé absent ou de son remplaçant 109 ( * ) . Il dispose en outre de la faculté de désigner un notaire pour procéder au partage si le représentant du présumé absent est lui-même intéressé au partage.

L'état liquidatif résultant du partage est ensuite soumis à l'approbation du juge des tutelles.

L'article 116 permet toutefois au juge de décider de procéder à un partage judiciaire, conformément aux articles 840 à 842 du code civil 110 ( * ) . Le tribunal peut alors constituer des lots attribués par tirage au sort ou ordonner la vente des biens de la succession pour en partager le produit entre les indivisaires.

En revanche, dès lors que les héritiers, parmi lesquels se trouverait une personne visée à l'article 116, ont procédé à un partage qu'ils avaient voulu définitif, mais n'ont pas respecté les conditions légales, le partage est considéré comme provisionnel, c'est-à-dire comme laissant subsister l'indivision. Il se borne alors à répartir entre les cohéritiers la jouissance des biens indivis (usage des biens, répartition des fruits et des charges correspondantes) et non de leur propriété. Ainsi, chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision, sans préjuger du partage à intervenir.

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités avait déjà allégé les conditions de recours au partage en présence de personnes présumées absentes parmi les cohéritiers. Elle avait, d'une part, substitué au principe du partage judiciaire celui du partage amiable sous contrôle judiciaire et, d'autre part, substitué une simple approbation par le juge des tutelles de l'état liquidatif résultant du partage à son homologation par le tribunal de grande instance, procédure jugée trop lourde. Elle avait également rendu l'intervention du notaire facultative, le partage de successions ne comprenant pas d'immeubles ne nécessitant pas forcément le recours à un notaire 111 ( * ) .

Le projet de loi poursuit le même objectif et assouplit encore davantage la procédure, en maintenant le principe du partage amiable.

En premier lieu, il tend à supprimer l'autorisation du juge des tutelles avant de pouvoir procéder à un partage auquel est partie une personne présumée absente ou éloignée.

En deuxième lieu, l'autorisation du juge ne serait requise que dans les seuls cas d'opposition d'intérêts entre le représentant et le présumé absent, auquel cas « le juge des tutelles autorise alors le partage, même partiel, en présence du remplaçant désigné conformément à l'article 115 ».

En troisième lieu, la mention expresse de la possibilité offerte au juge de désigner un notaire pour procéder au partage serait supprimée.

En quatrième lieu, le garde-fou de l'approbation par le juge des tutelles, « dans tous les cas », de l'état liquidatif, demeurerait.

Enfin, en cinquième et dernier lieu, le juge des tutelles pourrait toujours décider de procéder à un partage judiciaire si les conditions du partage amiable ne sont pas réunies (il n'approuve pas l'état liquidatif par exemple), et le non-respect des formes prescrites aurait toujours pour effet de rendre le partage provisionnel.

Vos rapporteurs ont estimé, à ce stade, que le dispositif proposé était équilibré : d'une part, l'intervention du juge des tutelles demeure requise en cas d'opposition d'intérêts, ce qui est indispensable, d'autre part, l'état liquidatif résultant du partage serait dans tous les cas soumis à son approbation, ce qui permet le maintien d'un contrôle a posteriori . Le juge des tutelles conserverait ainsi sa mission de veiller à ce que les intérêts de l'absent soient respectés, notamment à travers les biens dont il a été alloti.

Interrogé sur le sujet, le Gouvernement indique que la suppression de la mention formelle de la faculté pour le juge de désigner un notaire, s'il y a lieu, n'aurait aucune incidence dans la mesure où, en matière de partage amiable, les parties s'accordent sur le nom du notaire sans avoir besoin que le juge le désigne. D'ailleurs, le partage amiable n'est pas, en principe, assujetti à des formes solennelles, sauf dans les cas où la loi le soumet aux formes du partage judiciaire : dans ces cas seulement, il reçoit de la loi un caractère formaliste. En conséquence, si, selon l'article 835 du code civil, le partage amiable est passé par acte notarié lorsque l'indivision porte sur des biens soumis à publicité foncière, cette exigence, destinée à assurer l'effectivité de la publicité obligatoire en matière immobilière, n'est pas une condition de forme sanctionnée par la nullité de l'acte 112 ( * ) .

• Art. 507 du code civil : mineurs et majeurs en tutelle

Le 3° de cet article traite du cas du partage concernant des mineurs et majeurs en tutelle, qui présente un régime similaire à celui applicable aux présumés absents ou éloignés.

Le code civil prévoit à son article 425 qu'une protection juridique est accordée aux majeurs dont les facultés personnelles sont altérées : « toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique (...) destinée à la protection tant de la personne que de ses intérêts patrimoniaux ».

Ces mesures, d'une durée variable, sont plus ou moins restrictives de liberté, ce qui explique que seul le juge judiciaire, en sa qualité de gardien des libertés individuelles au titre de l'article 66 de la Constitution, puisse décider de placer les personnes concernées sous un régime judiciaire de protection strictement défini et encadré par la loi.

S'agissant des majeurs, le dispositif de protection accordé est gradué, et s'organise autour de trois mesures de protection judiciaire 113 ( * ) :

- la sauvegarde de justice, qui est une mesure de protection temporaire prononcée pour une durée d'une année maximum, destinée aux malades dont la guérison rapide est envisagée, et qui laisse au majeur concerné le libre exercice de ses droits, tout en permettant la réduction des actes excessifs et la rescision des actes lésionnaires 114 ( * ) ;

- la curatelle ou la curatelle renforcée 115 ( * ) , pour les personnes qui, sans être hors d'état d'agir elles-mêmes ont besoin d'être assistées ou contrôlées dans les actes importants de la vie civile 116 ( * ) , prononcée pour une durée de cinq années maximum 117 ( * ) . La personne peut alors valablement agir seule dans certains domaines, mais ne peut accomplir d'autres actes qu'avec l'assistance de son curateur, nommé pour assurer sa protection ;

- la tutelle 118 ( * ) , mesure de protection la plus contraignante, destinée aux personnes dont les facultés sont gravement atteintes et qui doivent être représentées d'une manière continue dans les actes de la vie civile, prononcée pour une durée de cinq années maximum 119 ( * ) .

S'agissant des mineurs, ils peuvent être protégés par le régime de l'administration légale ou de la tutelle sous lequel ils sont placés 120 ( * ) .

Le régime de la tutelle, qui présente les mêmes caractéristiques que pour les majeurs, s'applique aux mineurs non protégés par l'autorité parentale. La tutelle remplace alors l'autorité parentale et vise à assurer la protection tant de la personne de l'enfant que de ses biens.

Le régime de l'administration légale ne s'exerce que relativement aux biens du mineur.

Le juge des tutelles des majeurs siège au tribunal d'instance 121 ( * ) , quand le juge des tutelles des mineurs siège au tribunal de grande instance, puisqu'il s'agit du juge aux affaires familiales 122 ( * ) .

Ainsi, l'article 507 du code civil prévoit, lorsque l'un des successibles est un mineur ou un majeur en tutelle, un partage amiable de principe. Ce partage peut d'ailleurs n'être que partiel. Conformément aux modalités de la gestion patrimoniale des personnes en tutelle, c'est le tuteur, chargé de la protection, qui opère le partage.

Les modalités de la gestion patrimoniale par le tuteur ou le curateur

La protection juridique des majeurs ne concerne que leurs actes juridiques. En outre, certains actes qui impliquent un « consentement strictement personnel » ne peuvent jamais donner lieu à assistance ou représentation.

L'article 496 du code civil dispose que « le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine », pour lesquels il est tenu d'apporter « des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée ».

Les actes accomplis par le tuteur au nom de la personne protégée peuvent être répartis en trois catégories :

- les actes conservatoires, qui ont pour objet de sauvegarder les droits de la personne sous tutelle ;

- les actes d'administration, qui sont relatifs à la gestion courante du patrimoine du majeur protégé, considéré comme des actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine dénué de risque anormal (comme l'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net prévu à l'article 507-1 du code civil) ;

- et enfin les actes de disposition, considérés comme des actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire (comme le partage prévu à l'article 507 du code civil).

Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil, dresse un inventaire des actes d'administration et de disposition.

En principe, le tuteur peut accomplir seul les actes conservatoires et les actes d'administration (article 504 du code civil). En revanche, « le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée » (article 505 du code civil). L'article 502 du même code dispose d'ailleurs que le « conseil de famille ou, à défaut, le juge statue sur les autorisations que le tuteur sollicite pour les actes qu'il ne peut accomplir seul ».

La répartition entre les deux catégories d'actes souffre toutefois de certaines exceptions, notifiées dans le décret, qui liste également les « actes regardés comme des actes d'administration ou de disposition sauf circonstances d'espèce ».

Source : commission des lois du Sénat.

Toutefois, contrairement au dispositif prévu à l'article 116 du même code, l'autorisation de procéder à un tel partage est délivrée par le conseil de famille 123 ( * ) ou, à défaut, le juge, ceux-ci disposant de la faculté de désigner un notaire pour y procéder. L'état liquidatif est soumis à l'approbation des mêmes organes, dans le même ordre de préférence.

L'article prévoit également la possibilité pour le conseil de famille ou le juge de décider un partage judiciaire, lorsque les conditions du partage amiable ne sont pas réunies. De plus, sur le même principe que l'article 116, le non-respect des formes prescrites a pour effet de rendre le partage provisionnel.

Comme pour le régime des présumés absents, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a assoupli un régime antérieurement plus strict. Tout en maintenant la possibilité pour le conseil de famille ou le juge de décider de procéder à un partage judiciaire, elle a simplifié la procédure de partage amiable, en supprimant l'obligation d'homologation judiciaire et en donnant au conseil de famille ou au juge le pouvoir d'approuver seul l'état liquidatif 124 ( * ) .

Le projet de loi opère un allègement de ce régime dans le même ordre d'idée que celui opéré à l'article 116 du code civil :

- l'autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles serait supprimée s'agissant du partage amiable, qui pourrait toujours n'être que partiel ;

- l'autorisation de ces deux organes dans le même ordre de préférence, ne demeurerait requise qu'en cas d'opposition d'intérêts entre la personne protégée et la personne chargée de la mesure de protection ;

- l'état liquidatif demeurerait approuvé « dans tous les cas » par le conseil de famille ou, à défaut, le juge ;

- le conseil de famille ou, à défaut, le juge pourrait toujours décider de procéder à un partage judiciaire ;

- enfin, tout partage fait en méconnaissances des règles prescrites serait toujours considéré comme provisionnel.

Ces modifications auraient d'ailleurs bien évidemment une incidence sur le régime des personnes en tutelle, mais aussi sous curatelle. En effet, en application de l'article 467 du code civil, la personne placée sous curatelle ne peut, sans l'assistance de son curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille. La personne peut accomplir seule les actes que, dans la tutelle, un tuteur accomplit sans autorisation 125 ( * ) . En conséquence, la suppression de l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'agissant du partage amiable lorsqu'un mineur ou majeur en tutelle est appelé à une succession, conduirait de facto à permettre aux personnes en curatelle de procéder elles-mêmes, sans l'assistance de leur curateur, à une telle opération.

Comme pour les dispositions précédentes, vos rapporteurs estiment ces dispositions équilibrées, dans la mesure où le contrôle a posteriori du conseil de famille - présidé par le juge - ou du juge des tutelles lui-même est maintenu.

En outre, vos rapporteurs rappellent qu'en application de l'article 421 du code civil : « tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. (...) »

Le 5° de l'article opère une coordination au sein de l'article 836 du code civil, qui prévoit qu'un partage amiable peut intervenir lorsqu'un indivisaire fait l'objet d'un régime de protection. Il s'agit de renvoyer aux conditions prévues aux titres X, XI et XII du livre I er du code civil, et non pas seulement aux titres X et XI 126 ( * ) .

2. Une simplification de l'exercice de l'option successorale également acceptable

Le 4° du présent article traite de l'acceptation par le tuteur d'une succession échue à la personne protégée.

L'article 507-1 du code civil dispose en premier lieu que le tuteur ne peut accepter une telle succession qu'à concurrence de l'actif net. Par exception, il peut l'accepter purement et simplement, dès lors que l'actif dépasse manifestement le passif, et que le conseil de famille ou, à défaut, le juge, l'autorise, via une délibération ou une décision spéciale.

Il dispose en second lieu que le tuteur ne peut renoncer à une succession échue à la personne protégée sans une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge.

Ces dispositions dérogent en effet au droit commun s'agissant de l'option de l'héritier, prévu à l'article 768 du code civil 127 ( * ) . Lors d'un décès, la succession est transmise aux héritiers venant en rang utile. Toutefois, les successeurs ont trois options :

- l'acceptation pure et simple, par laquelle l'héritier consolide et rend définitive la transmission définitive du patrimoine du défunt qui s'est opérée à son profit ;

- l'acceptation à concurrence de l'actif net, par laquelle l'héritier confirme la transmission réalisée, mais ne prend pas en charge personnellement le passif successoral excédant l'actif qu'il recueille ;

- et enfin, la renonciation, par laquelle l'héritier refuse la succession qui est, dès lors, censée ne jamais lui avoir été transmise.

Le projet de loi maintiendrait le principe selon lequel le tuteur ne peut accepter une succession échue à la personne protégée qu'à concurrence de l'actif net.

S'agissant de l'exception à ce principe, l'article propose que le tuteur puisse accepter purement et simplement la succession, dès lors que l'actif dépasse manifestement le passif, sans autorisation du conseil de famille ni du juge, mais après recueil d'une attestation du notaire chargé du règlement de la succession.

Certaines personnes entendues par vos rapporteurs ont considéré que l'obligation de produire une attestation notariée était trop restrictive et priverait donc de fait de cette possibilité les successions dans lesquelles un notaire n'intervient pas.

Interrogé par vos rapporteurs sur ce point, le Gouvernement confirme bien que cette déjudiciarisation ne pourrait profiter qu'aux successions dans lesquelles un notaire chargé de procéder au recensement de la composition de la succession pourra attester de leur caractère bénéficiaire. L'exigence de l'attestation du notaire, en tant qu'officier public et ministériel, constitue une garantie de ce caractère bénéficiaire, qui semble indispensable. En effet, le risque de l'acceptation pure et simple d'une succession est l'obligation pour l'héritier de répondre du passif de la succession sur ses biens propres 128 ( * ) .

Le Gouvernement indique d'ailleurs que l'attestation notariée est déjà demandée, en pratique, par le juge. Compte tenu de ces éléments, vos rapporteurs ont donc préféré maintenir la garantie de l'attestation notariée, estimant qu'une attestation du tuteur serait insuffisante.

L'association nationale des juges d'instance, entendue par vos rapporteurs, ajoute que ces déjudiciarisations a priori ne sont possibles que si un contrôle rigoureux de la gestion est maintenue 129 ( * ) , ce à quoi adhèrent complètement vos rapporteurs.

Enfin, pour mémoire, en application du principe de l'article 467 du code civil précédemment énoncé, un majeur en curatelle pourra, avec une attestation notariée, accepter seul purement et simplement une succession dont l'actif dépasserait manifestement le passif. À défaut de cette attestation, l'assistance du curateur serait requise.

3. Une suppression du contrôle préalable du juge pour certains actes de gestion du budget qui soulève davantage de difficultés

Le 2° du présent article traite de l'établissement et de la gestion du budget de la tutelle des mineurs ou majeurs.

Il revient au tuteur d'arrêter le budget de la tutelle « en fonction de l'importance des biens de la personne protégée et des opérations qu'implique leur gestion, les sommes annuellement nécessaires à l'entretien de celle-ci et au remboursement des frais d'administration de ses biens ». Le tuteur doit en informer le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles.

En cas de difficulté, il revient au conseil de famille ou, en l'absence d'un tel conseil, au juge des tutelles, d'arrêter le budget de la tutelle.

La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures avait déjà allégé les modalités d'établissement du budget de la tutelle, en substituant le tuteur au conseil de famille ou au juge des tutelles comme organe devant établir le budget. Auparavant, le tuteur ne disposait en effet que d'un pouvoir de proposition. La Cour des comptes avait d'ailleurs relevé dans son rapport de 2016 sur la protection juridique des majeurs que « la loi n'était pas appliquée sur ce point » 130 ( * ) . Cet allègement avait été compensé par l'information du tuteur auprès du conseil de famille ou du juge, ainsi que par une intervention de ces derniers en cas de difficultés.

Le conseil de famille et, en son absence, le juge des tutelles détiennent également des compétences propres en matière budgétaire et financière :

- ils disposent de la faculté d'autoriser le tuteur à inclure dans les frais de gestion les rémunérations de tiers, « administrateurs particuliers » dont il demanderait le concours sous sa propre responsabilité. Ces dispositions visent l'hypothèse où le tuteur décide de s'adjoindre le concours de professionnels (cabinet de placement en bourse, bureau de gestion patrimoniale, avocat ou notaire), en leur confiant certains aspects de la gestion patrimoniale. Il peut notamment s'agir des tiers mentionnés par l'article 452 du code civil pour l'accomplissement de certains actes ;

- ils peuvent également autoriser le tuteur à conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée. La conclusion de ce contrat est soumise aux conditions suivantes : le tuteur doit choisir le co-contractant en fonction de son expérience professionnelle et de sa solvabilité, et il peut résilier le contrat à tout moment au nom du tutélaire, toute stipulation contraire étant nulle.

Le projet de loi tend à supprimer l'autorisation du juge des tutelles pour ces deux types d'actes. Seul subsisterait le contrôle du conseil de famille. Dès lors, comme la constitution d'un conseil de famille est facultative pour les majeurs en tutelle 131 ( * ) - dans la majorité des cas, aucun conseil de famille n'est constitué 132 ( * ) - certains tuteurs seraient tenus de lui demander une autorisation pour accomplir ces actes, tandis que d'autres pourraient ainsi agir sans aucune autorisation. Or, le principe posé à l'article 502 du code civil est bien celui d'une compétence du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles, pour statuer sur les autorisations que le tuteur sollicite pour les actes qu'il ne peut accomplir seul.

Surtout, il résulterait des dispositions proposées par le projet de loi la mise en place de modalités de contrôle hétérogènes pour les personnes protégées, sans que cela résulte d'un critère objectif ou soit justifié par un motif d'intérêt général, au risque de méconnaître le principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

À la connaissance de vos rapporteurs, il n'existe d'ailleurs aucune disposition prévoyant de telles modalités dans le droit en vigueur, tant s'agissant des dispositions relatives aux décisions du conseil de famille ou du juge 133 ( * ) , que de celles relatives aux actes que le tuteur accomplit avec une autorisation 134 ( * ) , le juge intervenant toujours en cas d'absence de conseil de famille.

Suivant l'analyse de ses rapporteurs, votre commission a considéré que la suppression du contrôle a priori du juge n'était pas encadrée de garanties suffisantes et a donc adopté un amendement COM-272 , supprimant la modification de l'article 500 du code civil et maintenant le droit en vigueur.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 9 (supprimé)
Habilitation à légiférer par ordonnance pour transférer à la Caisse des dépôts et consignations la gestion de certaines saisies des rémunérations et des sommes consignées pour frais d'expertise

L'article 9 du projet de loi a pour objet d'habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour transférer à la Caisse des dépôts et consignations deux missions actuellement assurées par le service public de la justice.

1. La saisie des rémunérations et la consignation de sommes pour frais d'expertise sont deux procédures judiciaires dont la gestion est confiée au greffe

• La saisie des rémunérations

La saisie des rémunérations, qui reprend le principe de la saisie-attribution 135 ( * ) , est une mesure d'exécution forcée 136 ( * ) portant sur les revenus d'activité d'un débiteur salarié, et dont les modalités sont définies par le code du travail 137 ( * ) .

Ainsi, tout créancier détenteur d'un titre exécutoire 138 ( * ) constatant une créance liquide et exigible, peut demander au juge du tribunal d'instance, compétent en la matière 139 ( * ) d'ordonner la saisie des rémunérations de son débiteur. Si le juge y fait droit, l'employeur du débiteur est alors dans l'obligation de verser une fraction de la rémunération du salaire 140 ( * ) de ce dernier à son créancier, en remboursement de la créance due.

Le tribunal d'instance du lieu où demeure le débiteur est territorialement compétent pour statuer sur la demande du créancier, sauf exceptions 141 ( * ) .

La procédure de saisie est précédée, à peine de nullité, d'une tentative de conciliation par le juge en chambre du conseil 142 ( * ) . Lorsque l'audience de conciliation n'aboutit pas ou qu'elle donne lieu à un jugement 143 ( * ) , il est alors procédé à la saisie dans les huit jours par le greffier en chef qui veille au bon déroulement des opérations de saisie 144 ( * ) , après vérification par le juge du montant de la créance exigible.

En raison de leur caractère alimentaire, les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables que dans des proportions déterminées chaque année par décret 145 ( * ) . Le débiteur saisi bénéficie en outre d'une protection, puisqu'une fraction de son salaire correspondant au montant mensuel du revenu de solidarité active (RSA), demeure quel que soit le montant de la créance dont il est débiteur.

L'acte de saisie est établi par le greffe et notifié à l'employeur, avec copie au débiteur.

Dans le cas où le débiteur perçoit des rémunérations de plusieurs employeurs, la fraction saisissable est calculée sur l'ensemble de ces sommes et le greffier détermine l'employeur chargé d'opérer la retenue. En pratique, le greffe privilégie l'employeur qui verse la rémunération la plus importante. Lorsque le débiteur change d'employeur, la saisie des rémunérations se poursuit entre les mains du nouvel employeur.

S'agissant des opérations de saisie, il existe deux hypothèses :

- en présence d'un seul créancier saisissant : l'employeur du tiers saisi a l'obligation 146 ( * ) d'adresser, tous les mois, une somme égale à la fraction saisissable du salaire, soit par chèque libellé à l'ordre du créancier et adressé au greffe, celui-ci adressant ensuite le chèque au créancier ou à son mandataire après mention au dossier ; soit par virement de l'employeur au créancier, virement qu'il incombe à l'employeur de justifier auprès du greffe ;

- en présence de plusieurs créanciers saisissants 147 ( * ) : il n'appartient pas à l'employeur de calculer la somme revenant à chacun des créanciers. Le versement de la somme saisie est effectué par chèque ou virement par l'employeur à l'ordre du régisseur installé auprès du greffe, et non plus auprès du greffe lui-même. Le régisseur répartit ensuite les fonds entre les créanciers tous les six mois au moins 148 ( * ) et produit un état de répartition. La répartition est opérée proportionnellement au montant de la créance de chaque créancier 149 ( * ) . Le greffier notifie à chaque créancier, qui dispose de quinze jours pour le contester, l'état de répartition établi par le régisseur. À défaut de contestation formée dans ce délai, le greffier envoie à chaque créancier un chèque du montant des sommes qui lui reviennent. En cas de contestation, il n'est procédé au versement des sommes dues qu'après que le juge a statué 150 ( * ) .

Le régisseur encaisse ces sommes sur un compte spécial ouvert à la Caisse des dépôts et consignations 151 ( * ) .

L'intervention d'un nouveau créancier, qui conduit donc à une pluralité de créanciers, peut être contestée à tout moment de la procédure. Si une intervention est contestée, les sommes revenant au créancier en question sont consignées. Elles lui sont remises si la contestation est rejetée ou distribuées aux créanciers ou restituées aux débiteurs selon les cas. Une fois la procédure de saisie terminée, le créancier peut encore agir en répétition 152 ( * ) à ses frais contre un intervenant qui aurait été indûment payé.

Conflits entre une saisie sur rémunérations et d'autres créanciers

La procédure de saisie sur rémunérations peut entrer en concurrence avec d'autres créanciers, dans trois principales hypothèses qui sont les suivantes :

- le concours entre une saisie sur rémunérations et un avis à tiers détenteur émis par le Trésor public : cette procédure suspend la saisie des rémunérations jusqu'à extinction de la dette fiscale 153 ( * ) . L'employeur doit, sur demande de l'administration fiscale et sous réserve des quotités disponibles, pratiquer immédiatement et prioritairement une retenue sur les salaires de son salarié pour versement au Trésor public ;

- le concours entre une saisie sur rémunérations et une saisie des pensions alimentaires 154 ( * ) : la demande du créancier de pension alimentaire vaut, par préférence à tous autres créanciers, paiement direct des sommes exigibles 155 ( * ) . L'employeur verse alors au débiteur la fraction de la rémunération insaisissable (correspondant au montant du revenu de solidarité active) et verse au créancier d'aliments les sommes qui lui sont dues (fraction insaisissable par les créanciers ordinaires, article L. 3252-5 du code du travail) ;

- le concours entre une saisie sur rémunérations et le cessionnaire des rémunérations : le débiteur (le salarié cédant) déclare volontairement céder à son créancier (le cessionnaire) une partie de son salaire, au greffe du tribunal d'instance compétent. Le greffier doit alors vérifier que le cédant ne fait pas déjà l'objet d'une procédure de saisie ou n'a pas procédé à une autre cession de rémunération. Dans ces hypothèses, les versements de l'employeur se font à l'ordre du régisseur, et le cessionnaire vient en concours avec le saisissant ou un autre cessionnaire. Dans l'hypothèse où il n'y a qu'un seul cessionnaire, l'employeur lui verse alors le montant des sommes cédées, dans la limite de la fraction saisissable.

Les contestations sont instruites et jugées selon les règles de la procédure ordinaire devant le juge d'instance 156 ( * ) .

Source : commission des lois du Sénat.

L'employeur du tiers saisi a l'obligation de faire connaître au greffe tout événement qui suspendrait ou mettrait fin à la saisie.

Dans le cas où l'employeur omet d'effectuer les versements en exécution d'une saisie, le juge peut rendre à son encontre une ordonnance le déclarant personnellement débiteur des sommes en question 157 ( * ) . À défaut d'opposition dans les quinze jours de sa notification à l'employeur, l'ordonnance devient exécutoire. L'employeur pourra exercer un recours contre le débiteur, mais seulement après la mainlevée 158 ( * ) de la saisie.

La mainlevée de la saisie peut résulter soit d'un accord entre les parties, soit du constat par le juge de l'extinction de la dette. Elle est notifiée à l'employeur dans les huit jours.

• La consignation de sommes pour frais d'expertise devant le tribunal d'instance ou de grande instance

Parmi les mesures d'instruction qui lui sont offertes (consultations, constatations ou expertises) 159 ( * ) , le juge du tribunal de grande instance ou du tribunal d'instance peut ordonner une expertise. La désignation d'un expert n'est ordonnée que « dans les cas où des constatations ou consultations ne pourraient suffire à éclairer le juge » (article 263 du code de procédure civile), en réalité lorsque l'affaire requiert des mesures d'investigation complexes.

Dans cette hypothèse, le juge rend une décision dans laquelle il nomme un expert, énonce souverainement les chefs de sa mission 160 ( * ) , et le délai qui lui est imparti 161 ( * ) . Une expertise ordonnée par un juge est nécessairement judiciaire 162 ( * ) .

S'agissant de la rémunération de cet expert, elle incombe exclusivement à la partie ou aux parties désignées par le juge 163 ( * ) , l'État n'ayant pas à se substituer au débiteur défaillant.

L'expert n'est toutefois pas habilité à facturer directement sa prestation aux parties : le juge fixe dès sa nomination ou, à défaut, dès qu'il est en mesure de le faire, le montant d'une provision à valoir sur sa rémunération aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible 164 ( * ) . Il désigne également la ou les parties qui devront consigner les sommes auprès du greffe de la juridiction, dans quelle proportion et dans quel délai. En pratique, c'est le demandeur à l'expertise qui fait au moins l'avance de la provision.

Les sommes versées par les parties à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert sont consignées sur le compte de la régie du tribunal. Elles sont en revanche versées à la Caisse des dépôts et consignations en l'absence de régie constituée auprès de la juridiction qui ordonne l'expertise, comme c'est le cas pour les tribunaux du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, de la Moselle.

En principe, l'expert commence sa mission dès lors qu'il est averti par le greffier que les parties ont consigné la provision mise à leur charge 165 ( * ) . Toutefois, par exception, le juge peut enjoindre à l'expert d'entreprendre immédiatement ses opérations, en cas de risque de déperdition de preuve par exemple.

Le défaut de consignation par les parties dans le délai et les modalités requis n'est pas anodin : il a pour effet de rendre caduque la désignation de l'expert 166 ( * ) , à moins que le juge, à la demande de l'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité. Ces dispositions n'autorisent toutefois pas à donner automatiquement satisfaction à l'adversaire de la partie qui aurait dû consigner sans un examen préalable de l'affaire au fond.

Par ailleurs, en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée, l'expert en fait rapport au juge qui peut ordonner, s'il y a lieu, la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il détermine. La sanction du défaut de consignation d'un montant suffisant n'est pas ici la caducité mais le dépôt du rapport de l'expert en l'état.

L'expert n'a pas librement accès aux sommes consignées : il ne peut y prélever d'acompte que sur autorisation du juge, lorsqu'il justifie de l'état d'avancement de ses travaux et que la complexité de l'affaire le requiert.

La rémunération effective et complète de l'expert intervient en fin d'expertise, lorsqu'il remet son rapport et que le juge a déterminé le montant final de celle-ci. Il autorise alors l'expert à se faire remettre, le cas échéant, la totalité ou une partie des sommes consignées au greffe.

• La gestion par les tribunaux d'instance et de grande instance de ces deux missions semble poser des difficultés

Pour permettre la gestion de ces deux types de fonds, une régie d'avances et de recettes est constituée auprès de chaque tribunal d'instance et de grande instance 167 ( * ) . Les régisseurs sont habilités à encaisser tant les sommes provenant des saisies des rémunérations que celles portant provisions pour expertise 168 ( * ) .

D'après l'étude d'impact 169 ( * ) du projet de loi, les saisies sur rémunérations représentaient près de 359 634 affaires en cours au 31 décembre 2016, pour un total de 374 millions d'euros ; tandis que les sommes consignées au titre de provision pour expertise s'élevaient à 209 millions d'euros à la fin de l'année 2017, pour un total de 43 000 expertises ordonnées.

Ce système présenterait toutefois, toujours d'après l'étude d'impact 170 ( * ) , un certain nombre de difficultés, résultant notamment de la charge de travail globale des greffiers.

Le greffier à qui est confiée la fonction de régisseur - et donc habilité à détenir et manier des deniers publics - est un fonctionnaire du tribunal. Toutefois, le vivier de greffiers susceptibles d'assurer cette tâche est faible : cette attribution de fonctions se fait sur la base du volontariat, et elle ne peut être confiée au directeur de greffe, sauf arrêté du ministre de la justice. De surcroît, les fonctions de régisseur, chargé de répartir les sommes saisies sur les rémunérations en cas de pluralité de créanciers, sont incompatibles avec celles de greffier chargé de la gestion administrative des mêmes saisies sur rémunération. Enfin, si les fonctions de régisseur sont compensées par une indemnité, celle-ci demeure relativement peu attractive au regard de la responsabilité pécuniaire personnelle du régisseur qui peut être engagée, et de la charge de travail supplémentaire que représentent ces fonctions.

Il en résulterait, s'agissant des saisies sur rémunération, des retards dans la répartition des sommes détenues en régie (c'est-à-dire lorsqu'il y a plusieurs créanciers) qui doivent en principe être réparties tous les six mois.

2. Le dispositif proposé tend à transférer à la Caisse des dépôts et consignations la gestion des fonds saisis sur rémunérations en présence de plusieurs créanciers, d'une part, et de ceux consignés en vue d'une expertise judiciaire, d'autre part

Dans l'objectif « d'améliorer le traitement des procédures concernées et la gestion des fonds en la matière », l'article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures législatives par voie d'ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la date de publication de la loi, afin de transférer à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) la charge de :

- « recevoir, gérer et répartir dans les meilleurs délais entre les créanciers saisissants les sommes versées par le tiers saisi au titre des saisies des rémunérations du travail (...) » ;

- et « recevoir des parties au litige les sommes dont le tribunal de grande instance a ordonné la consignation dans le cadre d'une expertise et procéder sur autorisation du juge au versement de sommes dues à l'expert, ainsi qu'à la restitution des sommes qui auraient été consignées en excédent ».

L'habilitation prévoit en outre une disposition selon laquelle le Gouvernement pourrait déterminer, « le cas échéant », « les conditions dans lesquelles ces prestations sont rémunérées » auprès de la CDC.

Le projet de loi de ratification serait déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois suivant la publication des ordonnances.

L'étude d'impact précise en outre que l'extension des missions de la CDC en matière de saisie des rémunérations exige la modification de l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816.

Les missions de la Caisse des dépôts et consignations

D'après l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, « La Caisse des dépôts et consignations et ses filiales constituent un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays. Ce groupe remplit des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'État et les collectivités territoriales et peut exercer des activités concurrentielles. »

Il s'agit en outre d'un « établissement spécial chargé d'administrer les dépôts et les consignations, d'assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée et d'exercer les autres attributions de même nature qui lui sont légalement déléguées (...) ». À cet égard, l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816 prévoit à son 14° que sont versées auprès de la CDC « toutes les consignations ordonnées par des lois (...) ».

La consignation peut se définir comme le dépôt dans une caisse publique de sommes ou de valeurs en garantie d'un engagement ou à titre conservatoire. Au titre de cette mission, la CDC assure la réception et la conservation de dépôts en numéraires ou en titres dans de nombreux cas, sous réserve de la fixation des modalités de ces opérations par un texte.

Ainsi, la CDC intervient déjà à plusieurs titres dans le secteur de la justice, et notamment en tant que « banque du service public de la justice », comme l'indique la Cour des comptes dans un référé publié en 2015, qui analyse « l'activité de banquier du service public de la Caisse des dépôts et consignations comme [procédant] de la mission historique de l'établissement public et [restant] dans son coeur de métier » 171 ( * ) . Son champ de compétences comprend le monopole des dépôts obligatoires de certaines professions juridiques (notaires, administrateurs et mandataires judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce ou encore agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués - AGRASC -), qui s'ajoutent aux dépôts volontaires de ces professions.

La CDC est d'ailleurs garante, comme l'a rappelé la jurisprudence, de la sécurité des dépôts de ces professions juridiques et règlementées, et doit à ce titre notamment veiller à ce que ces délégataires de puissance publique ne tirent pas avantage à titre personnel des fonds qui leur sont confiés dans ce cadre 172 ( * ) .

Source : commission des lois du Sénat.

En revanche, la réception et le reversement des sommes versées à la CDC au titre de consignations, qui fait déjà partie des missions
- historiques - de la CDC (14° de l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816 déjà citée relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816), ne nécessite pas de modification législative.

Enfin, dans l'hypothèse où ces fonds ne seraient pas rémunérés (c'est-à-dire qu'ils ne rapportent pas d'intérêts aux personnes détentrices de ses sommes), cela dérogerait au principe résultant de l'article L. 518-23 du code monétaire et financier 173 ( * ) , selon lequel les fonds reçus par la CDC sur des comptes de dépôt ainsi qu'au titre des consignations de toute nature sont rémunérés, imposant donc une modification législative.

3. La position de votre commission : un transfert de mission qui pose des difficultés de fond et de méthode et semble prématuré à ce stade

Si vos rapporteurs adhèrent à l'objectif énoncé dans l'exposé des motifs « (...) d'améliorer le service rendu aux justiciables en ces matières », ils ont fait part à votre commission des doutes qu'ils avaient, à ce stade, sur la légitimité et la faisabilité d'un tel transfert à la CDC.

Visiblement inspirée du rapport des chantiers de la justice sur la procédure civile, vos rapporteurs estiment que la réflexion sur ce projet n'est semble-t-il pas encore aboutie, eu égard aux échanges qu'ils ont pu avoir avec la Caisse des dépôts et consignations, d'une part et, aux éléments de réponses apportés par la Chancellerie, d'autre part.

Extrait du rapport des chantiers de la justice
sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile 174 ( * )

« Afin de régler les difficultés liées à la constitution de régies dans les tribunaux d'instance, la gestion et la répartition des fonds versés par l'employeur dans le cadre de saisies et cessions des rémunérations pourrait être confiée, par exemple, à la Caisse des dépôts et consignations.

Plus largement, la gestion des fonds relatifs aux expertises pourrait également être confiée à la Caisse des dépôts et consignations ».

S'agissant de la gestion et de la répartition des saisies sur rémunérations, seules les procédures faisant intervenir une pluralité de créanciers seraient concernées, puisque ce sont celles qui font le plus intervenir la régie du tribunal (les sommes saisies y sont versées, le régisseur devant répartir ensuite les fonds entre les créanciers). Dès lors, les greffes des tribunaux d'instance resteraient compétents pour les procédures avec un seul créancier, dans lesquelles les versements effectués par chèque transitent par le greffe et où les virements sont aussi contrôlés par le greffier. Ce faisant, la présence d'un greffier chargé des saisies sur rémunérations serait toujours nécessaire, ce qui semble limiter les avantages attendus de ce transfert de compétence.

Ensuite, cette mission para-juridictionnelle semble assez éloignée du métier de la CDC. Si l'article R. 3252-10 du code du travail prévoit déjà une intervention de la Caisse des dépôts et consignations dans ce domaine, puisque le régisseur installé auprès du greffe du tribunal d'instance verse les sommes dont il est comptable à la Caisse des dépôts et consignations, il ne s'agit que de la conservation de sommes. Le projet de loi propose que la CDC accomplisse une toute autre mission : celle de répartir les fonds saisis entre des créanciers, ce qui mérite réflexion.

S'agissant de la gestion des sommes consignées pour frais d'expertise, si cette mission se rapproche davantage du métier de la CDC, la gestion de ces fonds, et non la simple consignation, par une institution non juridictionnelle peut également interroger. L'étude d'impact ne détaille pas non plus les difficultés actuelles qui justifieraient son transfert, outre celles génériques liées au maintien d'une régie.

Dans les deux cas, la CDC ne pourrait pas proposer d'accueil physique aux justiciables ce qui pourrait constituer un frein à l'accès au service public de la justice, alors que les populations concernées sont particulièrement vulnérables. Il n'est en effet pas rare qu'une personne saisie doive se faire restituer des sommes trop perçues par le créancier, ce qu'elle peut faire aisément au sein d'une régie d'un tribunal.

S'agissant de la méthode, aucune véritable évaluation de cette réforme n'a semble-t-il encore été réalisée, alors pourtant qu'elle implique la mise en oeuvre d'un système d'information assurant l'interopérabilité entre le ministère de la justice et la CDC, mais aussi avec le Trésor public.

À cet égard, si le Conseil d'État affirme dans son avis sur le projet de loi que « cette mesure est de nature à alléger considérablement la tâche des greffes et régies des juridictions », il précise qu' « elle implique toutefois la mise en oeuvre d'un outil informatique approprié qui seul garantira le succès de ce transfert. »

L'étude d'impact 175 ( * ) justifie le recours à la législation par voie d'ordonnance en avançant que « ce projet ne peut être mené qu'au terme d'une concertation fine tenant compte des possibilités et des besoins du ministère de la justice et de la Caisse des dépôts et consignations ». Vos rapporteurs estiment que ce n'est pas de bonne législation. Il n'est pas acceptable de recourir aux ordonnances au seul motif qu'un projet ne serait pas abouti, voire encore à l'état de réflexion.

En outre, vos rapporteurs s'interrogent sur une éventuelle incidence sur le coût pour le justiciable, qu'il soit créancier ou débiteur, puisque ces prestations auront nécessairement un coût. L'étude d'impact évoque une économie maximale de 140 emplois de fonctionnaires, sans qu'il soit possible pour vos rapporteurs de vérifier ces éléments.

Il apparaît donc prématuré d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance s'agissant de mesures dont la faisabilité soulève de telles incertitudes.

Votre commission a donc adopté, sur proposition de ses rapporteurs, un amendement COM-274 de suppression de ces dispositions.

Votre commission a supprimé l'article 9.

Article 10
Habilitation à réformer par ordonnance la procédure
de délivrance des apostilles et des légalisations

Le I de l'article 10 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi tendant à simplifier et moderniser la délivrance des apostilles et des légalisations, notamment en déléguant totalement ou partiellement l'accomplissement de ces formalités à des officiers publics et ministériels, à toute personne publique ou à tout organisme de droit privé chargé d'une mission de service public dont les compétences, la mission et le statut justifient son intervention.

L'habilitation serait donnée pour une durée de douze mois à compter de la publication de l'ordonnance et un projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

L'apostille ou la légalisation permet d'établir l'authenticité de la signature ainsi que la qualité du signataire d'un acte public (jugement, diplôme, acte d'état civil, extrait de casier judiciaire...), pour lui permettre de circuler à l'étranger. La formalité à effectuer dépend du pays de destination de l'acte.

La légalisation est issue de la coutume internationale 176 ( * ) . Elle est réalisée par le ministère des affaires étrangères, qui atteste de la signature de l'auteur de l'acte. L'acte est ensuite soumis à une nouvelle légalisation par l'ambassade ou le consulat de l'État étranger sur le territoire duquel l'acte doit produire ses effets. Chaque année en France, 130 000 actes publics sont légalisés.

L'apostille, prévue par la Convention de la Haye du 5 octobre 1961, consiste, pour les parquets généraux, à apposer un timbre sur l'acte, après vérification de la qualité, du sceau et de la signature de son auteur. Cet acte produit ensuite ses effets dans les États parties à la convention. 230 000 actes publics sont apostillés chaque année.

Vos rapporteurs constatent que ces formalités ne sont plus adaptées au monde numérique dans lequel nous évoluons puisqu'elles sont effectuées manuellement à partir de registres « papier » de signatures. Elles ne permettent pas non plus un contrôle effectif, alors même que ces procédures touchent à la force probante des actes, car ces registres ne sont pas toujours actualisés. Enfin, elles constituent, s'agissant de la délivrance des apostilles, une tâche purement administrative et chronophage pour les parquets généraux.

Dès lors, votre commission ne s'est pas opposée à cette habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires relevant de la loi.

Par parallélisme avec les dispositions qui seront prévues par l'ordonnance concernant les actes publics français destinés à produire effet à l'étranger, le II de l'article 10 du projet de loi dispose que tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé, à moins qu'un engagement international n'en stipule autrement.

Il donne ensuite la définition de la légalisation 177 ( * ) et renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les actes publics concernés et les modalités de la légalisation.

Cette mesure résulte de recommandations constantes de la Cour de cassation dans ses rapports annuels, parus depuis 2009. La Cour estime en effet nécessaire « d'affirmer, en droit positif, le principe d'obligation de légalisation des actes de l'état civil étranger, qui relève de la coutume internationale, depuis l'abrogation de l'ordonnance royale d'août 1681 par une ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques ratifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures. L'objectif consiste à assurer la stabilité et la sécurité juridiques que requiert un principe comme la légalisation des actes de l'état civil étranger » 178 ( * ) .

Quant au III du présent article, il supprime l'avis du procureur de la République, dans la procédure d'amende civile prononcée à l'encontre d'une personne qui a irrégulièrement opéré un changement d'usage de locaux destinés à l'habitation.

Selon le Gouvernement, cette obligation qui incombe aux parquets ne présente plus d'utilité pour la procédure de sanction, dans la mesure où la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle a donné compétence aux maires et à l'Agence nationale de l'habitat pour engager ces procédures en tant que parties principales car ils connaissent bien les locaux concernés et ont intérêt à engager ces procédures afin d'augmenter l'offre de logements dans les zones où le marché est tendu et parce que l'amende prononcée est intégralement versée à la commune dans laquelle est situé le local. La plus-value d'une intervention du parquet est devenue limitée.

Votre commission ne s'est donc pas opposée à décharger les parquets de cette compétence. À l'initiative de ses rapporteurs, elle a cependant adopté un amendement COM-247 supprimant le III de cet article pour en faire un article autonome puisque cette disposition n'a aucun lien avec la délivrance des apostilles et des légalisations.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 10 bis (nouveau)
(art. L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation)
Suppression de l'avis du parquet dans la procédure de sanction
de changement irrégulier d'usage d'un local destiné à l'habitation

Issu d'un amendement COM-248 adopté par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, l'article 10 bis du projet de loi vise, par souci de clarté et de lisibilité de la loi, à prévoir dans un article distinct la suppression de l'avis du procureur de la République, dans la procédure d'amende civile prononcée à l'encontre d'une personne qui a irrégulièrement opéré un changement d'usage de locaux destinés à l'habitation, disposition initialement prévue au sein de l'article 10.

Votre commission a adopté l'article 10 bis ainsi rédigé .

Article 11
(art. L. 444-2, L. 444-7 et L. 950-1 du code de commerce)
Révision des critères de détermination des tarifs
des professions réglementées du droit et du dispositif des remises

L'article 11 du projet de loi vise à modifier, sur deux aspects précis, les règles de fixation des tarifs des professions réglementées du droit, prévues à l'article L. 444-2 du code de commerce 179 ( * ) . Sont ainsi concernés les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunal de commerce, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires, les huissiers de justice, les notaires et, pour les droits et émoluments qu'ils perçoivent en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les avocats.

En premier lieu, le texte précise que ces tarifs sont fixés « sur la base d'un objectif de taux de résultat moyen (...) dont le montant est estimé globalement pour chaque profession pour l'ensemble des prestations tarifées », complétant la règle actuelle selon laquelle les tarifs « prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs » et peuvent, par dérogation, opérer « une péréquation des tarifs applicables à l'ensemble des prestations servies ».

En second lieu, dans le cadre de la règle actuelle, visant en pratique les notaires, selon laquelle « des remises peuvent être consenties lorsqu'un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d'un bien ou d'un droit » et lorsque l'assiette de ce tarif est supérieur à un certain montant, le texte précise que « le professionnel et son client peuvent convenir du taux des remises » pour certaines prestations et au-delà d'un certain montant d'émolument, dérogeant ainsi à la règle selon laquelle « le taux des remises octroyées par un professionnel est fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie réglementaire ».

Vos rapporteurs relèvent que ces dispositions ne figuraient pas dans les avant-projets soumis à concertation. Sans lien avec la réforme de la justice, elles ont été introduites tardivement dans le texte.

Il s'agit d'ajustements apportés à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Depuis 2015, faute de la création d'un code rassemblant toutes les dispositions intéressant les professions juridiques ou judiciaires réglementées, que notre collègue François Pillet, rapporteur du projet de loi, avait préconisée 180 ( * ) , les règles relatives aux tarifs réglementés de ces professions figurent dans le code de commerce, au sein du livre IV relatif à la liberté des prix et à la concurrence 181 ( * ) .

En 2015, le débat entre le Sénat et le Gouvernement portait notamment sur la façon de concevoir les tarifs réglementés : fallait-il avoir une approche par acte, en fonction du coût de revient théorique moyen pour réaliser chaque acte, ou fallait-il prendre en compte, dans la structure globale du tarif, le « modèle économique » de ces professions, comportant des actes rémunérateurs - par exemple les transactions immobilières pour les notaires - compensant des actes réalisés à perte utiles pour le public. Le Gouvernement a privilégié par principe la première approche, s'appuyant dans ce domaine sur les travaux de l'Autorité de la concurrence. En pratique, la révision des tarifs a été un exercice difficile, qui n'a pas permis d'atteindre pleinement l'objectif initial d'une tarification acte par acte, faute notamment de données statistiques suffisantes.

Sur cette question, vos rapporteurs renvoient à l'analyse réalisée par notre collègue André Reichardt sur l'évolution des missions de l'Autorité de la concurrence, dans le cadre de son avis budgétaire de novembre 2016 sur les crédits du programme « Développement des entreprises » du projet de loi de finances pour 2017 182 ( * ) . Notre collègue indiquait alors :

« Entendue par votre rapporteur, la nouvelle présidente de l'Autorité de la concurrence a indiqué, s'agissant des tarifs, que la préférence de l'Autorité allait vers une méthode globale de fixation des tarifs, permettant une certaine mutualisation entre les tarifs des différents actes, en raisonnant sur la viabilité économique globale des études, et plus incitative pour les professionnels car prenant en compte les coûts moyens globaux de gestion des études, plutôt qu'une méthode acte par acte. Toutefois, le Conseil d'État a jugé que la tarification devait bien être appréhendée acte par acte, au vu de la loi, de sorte que les premiers textes tarifaires se sont bornés à moduler à la baisse les tarifs existants, faute de temps pour procéder à une évaluation des coûts directs et indirects acte par acte. Cette seconde méthode sera mise en oeuvre d'ici la prochaine révision des tarifs, mais sera plus complexe et devra s'appuyer sur une comptabilité analytique fiable chez les professionnels concernés. »

Vos rapporteurs précisent que les premiers arrêtés tarifaires pris dans le nouveau cadre législatif posé en 2015, le 26 février 2016, valables deux ans 183 ( * ) en vertu du cadre réglementaire posé par un décret du même jour 184 ( * ) , ont été suivis par de nouveaux arrêtés, le 27 février 2018, qui se sont bornés à reconduire les tarifs de 2016 pour les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers de justice et les notaires et à opérer une nouvelle baisse générale pour les administrateurs et mandataires judiciaires et les greffiers de tribunal de commerce, sans prise en compte des coûts acte par acte.

Les représentants des différentes professions concernées, entendus par vos rapporteurs, ont indiqué qu'ils approuvaient cette disposition.

Dès lors que la tarification de chaque profession devra viser un objectif de taux de résultat moyen pour l'ensemble des prestations tarifées, la logique est celle d'un équilibre global destiné à assurer la viabilité économique des professionnels concernés, en permettant une certaine mutualisation grâce à la structure globale des tarifs. En d'autres termes, le projet de loi rejoint la logique défendue par le Sénat en 2015.

Ainsi, vos rapporteurs considèrent que le projet de loi constate l'échec de la réforme des tarifs des professions réglementées du droit voulue dans la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, en consacrant de facto l'abandon de la logique de tarification exclusivement acte par acte, en fonction des coûts de chaque acte, laquelle n'a jamais été réellement mise en oeuvre.

Par ailleurs, la libre négociabilité des remises sur les émoluments des notaires, qui vise pour l'essentiel les émoluments perçus sur les transactions immobilières, permettra d'éviter d'atteindre des montants disproportionnés par rapport à la réalité du travail effectué par le notaire.

Approuvant pleinement l'économie générale de cette disposition, votre commission a adopté un amendement COM-233 présenté par ses rapporteurs de nature purement rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

SOUS-TITRE II
ASSURER L'EFFICACITÉ DE L'INSTANCE
CHAPITRE IER
SIMPLIFIER POUR MIEUX JUGER

Article 12 (supprimé)
(art. 233, 238, 246, 247-2, 247-3 [nouveau], section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier, art. 251, 252, 253, 254, 257, 262-1, 311-20, 313, 375-3
et 515-12 du code civil)
Simplification de la procédure de divorce par la suppression
de la tentative de conciliation préalable à l'assignation

Le présent article vise à supprimer la phase de tentative de conciliation qui précède le divorce contentieux proprement dit, et à adapter la procédure en conséquence.

1. La suppression de l'audience de conciliation

Le 6° du présent article modifie substantiellement la section 3 du chapitre II du titre VI du livre I er du code civil relative à la procédure applicable aux autres formes de divorce que le divorce par consentement mutuel, pour supprimer la phase de tentative de conciliation préalable à l'introduction de l'instance en divorce.

Actuellement, la procédure de divorce se déroule en deux phases :

- la phase de conciliation, qui obéit à une procédure orale, et qui débute avec la requête en divorce ;

- la phase de divorce proprement dite, qui obéit à une procédure écrite, et qui débute avec l'assignation en divorce.

Lors de l'audience de conciliation, en application de l'article 252 du code civil, « le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ».

L'article 252-2 du même code précise que la tentative de conciliation peut être suspendue pour accorder aux époux un temps de réflexion pouvant aller jusqu'à six mois.

L'article 254 du même code prévoit ensuite que lors de l'audience de conciliation, « le juge prescrit, en considération des accords éventuels des époux, les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

À l'issue de cette audience, à défaut de conciliation, le juge rend une ordonnance avec, le cas échéant, les mesures provisoires prescrites en application de l'article 254 précité, et une autorisation d'assigner en divorce valable trente mois.

Selon le Gouvernement, la suppression de la phase de conciliation obéit à l'évolution des mentalités. À l'origine, cette phase avait été conçue pour inviter les époux à la réflexion avant de rompre leur lien conjugal. « Cependant, devenu beaucoup plus fréquent, le divorce est désormais moins considéré comme la sanction d'un manquement à l'une des obligations du mariage que comme la conséquence de l'échec du couple » 185 ( * ) . Le nombre de conciliations réussies sur le principe même du divorce serait très limité.

Par ailleurs, selon les études statistiques du ministère de la justice pour 2012, la durée moyenne des divorces contentieux serait en augmentation constante, passant de 17,3 mois en 2004 à 22,1 mois en 2010. Or, « un tiers de la durée des divorces contentieux est imputable au délai de réflexion laissé aux époux » 186 ( * ) .

Durée de traitement des divorces contentieux en 2015

Source : étude d'impact annexée au projet de loi page 97

Enfin, la procédure contentieuse de divorce serait trop complexe : une procédure orale pour la phase de conciliation et une procédure écrite ensuite. La procédure applicable aux demandes de modification des mesures provisoires diffèrerait également selon que la demande intervient avant ou après la délivrance de l'assignation...

Pour l'ensemble de ces raisons, le présent article supprime cette phase de conciliation préalable tout en prévoyant que les mesures provisoires qui, jusqu'à présent, étaient prononcées au stade de l'ordonnance de non-conciliation, pourraient désormais l'être après la saisine du juge, à la demande de l'une des parties, en application des articles 251 et 254 du code civil.

2. Mesures tendant à tirer les conséquences de la suppression de la phase de conciliation

• Dispositions visant à éviter la « conflictualisation » de la procédure

Conscient du fait que la suppression de la phase de conciliation et de réflexion, temps de « maturation » de la situation, risquait de favoriser une logique d'affrontement des parties 187 ( * ) , le Gouvernement a prévu diverses disposition pour atténuer cet effet.

Ainsi, les 1° et 5° du présent article permettent au demandeur, s'il le souhaite, de ne pas donner de fondement à sa demande en divorce 188 ( * ) dès la saisine du juge.

Ils permettent ainsi à l'un des époux de demander le divorce sans considération des faits à l'origine de la rupture du mariage. Le défendeur pourra ensuite décider d'accepter le principe de la rupture en cours de procédure. Lorsque le défendeur n'acceptera pas le principe de la rupture, le demandeur pourra alors demander le divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal.

Dans ce même esprit d'apaisement, le projet de loi entend favoriser le recours aux règlements amiables des litiges. Ainsi, dans le cadre de la procédure de divorce accepté, les parties, avant même la saisine du juge, pourraient accepter le principe du divorce par un acte sous signature privée contresigné par avocats (1° du présent article). Par ailleurs, la nouvelle rédaction proposée pour l'article 252 du code civil, par le 6° du présent article, prévoit un rappel, dans la demande introductive d'instance, de la possibilité pour les parties d'avoir recours à la procédure participative ou à la médiation pour régler tout ou partie des conséquences de leur divorce.

• Dispositions visant à adapter la procédure de divorce

Puisqu'il n'y aurait plus deux phases dans la procédure de divorce mais une phase unique, qui débuterait par l'introduction d'une demande en divorce, le présent article adapte l'ancienne deuxième phase, la phase véritablement contentieuse, en conséquence.

En premier lieu, en matière de divorce pour altération définitive du lien conjugal, l'article 238 du code civil prévoit actuellement que l'altération définitive du lien est acquise lorsque les époux vivent séparés depuis deux ans au jour de l'assignation en divorce.

Compte tenu de la suppression de la phase de conciliation, ce délai s'apprécierait désormais au jour de la demande en divorce ou, lors du prononcé du divorce si le choix d'un divorce pour altération définitive du lien conjugal a été fait par les époux en cours de procédure, à la suite par exemple du refus de l'un des époux d'un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage (2° du présent article).

Cette nouvelle rédaction proposée pour l'article 238 du code civil tend à éviter qu'un demandeur qui introduirait seul une demande en divorce sans considération des faits à l'origine de la demande, qui se verrait ensuite refuser l'acceptation du principe de la rupture par le défendeur en cours de procédure, ne soit débouté de sa demande en divorce qu'il fonderait alors sur l'altération définitive du lien conjugal, car il ne remplirait pas la condition de la séparation depuis deux ans.

Par coordination, le 3° du présent article supprime le second alinéa de l'article 246 du code civil devenu inutile car couvert par la nouvelle rédaction proposée pour l'article 238.

En second lieu, le projet de loi étend la possibilité de modifier le fondement d'une demande en divorce en cours de procédure.

Actuellement, l'article 247-2 du code civil prévoit que la modification n'est possible que dans le cas où l'instance a été introduite pour altération définitive du lien conjugal. Si le défendeur fait une demande reconventionnelle de divorce pour faute, alors le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande.

Le 4° du présent article propose d'ouvrir cette possibilité aux demandes en divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.

Les 7° à 10° du présent article tirent les conséquences sur d'autres dispositions du code civil de la suppression de l'audience de conciliation.

3. L'opposition de votre commission à la suppression de la phase de conciliation

Consultés dans le cadre de la préparation du projet de loi, le comité technique des services judiciaires 189 ( * ) s'est prononcé contre cet article 190 ( * ) .

C'est également la position de la plupart des personnes entendues sur ce sujet par vos rapporteurs, dont ils partagent pleinement les doutes et les critiques.

Comme le souligne le Gouvernement lui-même dans l'étude d'impact annexée au projet de loi 191 ( * ) , la suppression de la phase de conciliation risque de favoriser une logique d'affrontement des parties et de faire augmenter le nombre de demandes de divorces fondées sur la faute, mais également les recours de l'après divorce, car la phase de conciliation est une phase de réflexion et de maturation du divorce.

Divorces prononcés en 2016 hors divorces par consentement mutuel

Source : étude d'impact p. 98

Au-delà de ces considérations tenant à l'activité des juridictions, la suppression de la phase de conciliation aurait des effets tout à fait dommageables pour les parties elles-mêmes.

En application de l'article 252-1 du code civil, dans sa rédaction en vigueur, « lorsque le juge cherche à concilier les époux, il doit s'entretenir personnellement avec chacun d'eux séparément avant de les réunir en sa présence. Les avocats sont ensuite appelés à assister et à participer à l'entretien ».

Cette phase constitue le premier et souvent le seul contact que les parties auront avec leur juge. Elle constitue parfois même le premier contact des parties entre elles depuis bien longtemps.

Pour reprendre les termes utilisés par les représentants de l'union syndicale des magistrats, entendus par vos rapporteurs, qui résument bien les critiques formulées par la plupart des personnes rencontrées, « tous les juges aux affaires familiales connaissent l'importance et l'intérêt de la tentative de conciliation pour faire prendre conscience aux époux des conséquences de la procédure de divorce et de la nécessité pour eux de s'accorder sur ce qu'exige l'intérêt des enfants mineurs ».

C'est d'ailleurs lors de cette phase, souple, orale, que le juge peut demander à entendre l'enfant, pour déterminer les mesures provisoires appropriées. Avec la réforme proposée, la procédure serait désormais écrite et la situation de l'enfant noyée dans les échanges de conclusions, dans la phase de mise en état de l'affaire, au milieu des mesures pécuniaires.

D'un point de vue purement procédural ensuite, il n'entre pas dans les fonctions traditionnelles du juge de la mise en état de recevoir les parties. Il ne semble donc pas pertinent de lui confier la compétence de fixer les mesures provisoires régissant le fonctionnement du foyer jusqu'au prononcé du divorce.

Finalement, vos rapporteurs estiment que le problème de lenteur de la procédure de divorce ne résulte pas tant de la phase de conciliation que de l'insuffisance des moyens octroyés aux juridictions pour se prononcer dans des délais raisonnables.

Pour l'ensemble de ces raisons, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-249 qui supprime l'ensemble de l'article 12, car toutes les dispositions prévues par cet article s'articulaient avec la suppression de la phase de conciliation.

Votre commission a supprimé l'article 12.

Article 13
(art. 2-1 et 2-2 [nouveaux] la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation et de simplification de la justice du XXIe siècle, art. L. 212-5-1 et L. 212-5-2 [nouveaux] du code de l'organisation judiciaire)
Procédure sans audience devant le tribunal de grande instance et procédure dématérialisée de règlement de petits litiges

L'article 13 du projet de loi tend à prévoir une procédure sans audience devant le tribunal de grande instance, d'une part, et à instituer une procédure dématérialisée de règlement des litiges inférieurs à un certain montant, d'autre part.

1. Le règlement des litiges sans audience en matière civile constitue une exception à la présence des parties et à la publicité des débats judiciaires

Le principe de publicité des débats constitue un principe central du procès civil, dont font état les articles 22 et 433 du code de procédure civile, ce dernier disposant que « les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil 192 ( * ) ». Le Conseil d'État a d'ailleurs estimé dans une décision de 1974 193 ( * ) que la publicité des débats judiciaires constituait un principe général du droit et qu'il n'appartenait qu'au législateur d'y apporter des restrictions.

Le corollaire de l'absence de publicité des débats n'est pas forcément l'absence d'audience, puisque le débat peut se tenir à huit clos ou en chambre du conseil. L'absence d'audience, en revanche, implique l'absence de comparution devant un juge, mais également forcément l'absence de publicité des débats.

S'agissant de la publicité des débats, l'article 11-1 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile prévoit d'ailleurs que « les débats sont publics », mais qu' « ils ont toutefois lieu en chambre du conseil dans les matières gracieuses ainsi que dans celles des matières relatives à l'état et à la capacité des personnes qui sont déterminées par décret [et que] le juge peut en outre décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à l'intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice » 194 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel n'a consacré le principe de publicité des débats qu'en matière pénale, auquel il peut d'ailleurs être dérogé, sous réserve de circonstances particulières. Il a ainsi jugé « qu'il résulte de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique » 195 ( * ) . Ces circonstances particulières doivent elles-mêmes être justifiées par un motif d'intérêt général 196 ( * ) . Ce raisonnement ne peut, de toute évidence, pas être transposé dans les mêmes termes en matière civile.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) consacre en revanche de manière plus large le principe de la publicité de l'audience 197 ( * ) , dont elle a défini les contours dans sa jurisprudence.

Elle considère qu'il s'agit d'un principe fondamental consacré par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 198 ( * ) , tout en précisant que « l'obligation de tenir une audience publique n'est pas absolue [et que] l'article 6 n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures » 199 ( * ) . Si la publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental, « ni la lettre ni l'esprit de [la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales] n'empêchent une personne d'y renoncer de son plein gré de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt public » 200 ( * ) .

Ce faisant, la CEDH indique qu'il peut non seulement être dérogé à la tenue d'une audience publique (principe de publicité des débats au sens propre), mais aussi à la tenue d'une audience même des parties devant un juge, dans certaines situations ou hypothèses bien établies.

Ainsi, la CEDH a permis de déroger au principe même de la tenue d'une audience dans plusieurs hypothèses :

- lorsque les affaires ne soulèvent pas de question de crédibilité ou ne suscitent pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces 201 ( * ) ;

- lorsque la nature exceptionnelle des circonstances susceptibles de justifier une dispense d'audience tient essentiellement à la nature des questions soumises au juge et non à la fréquence de la situation 202 ( * ) , comme lorsque l'affaire soulève des questions purement juridiques et de nature restreinte, des questions de droit sans complexité particulière ou des questions hautement techniques 203 ( * ) .

Dans un arrêt de 2007 204 ( * ) , la CEDH a estimé que plusieurs conditions pouvaient, en l'absence d'audience, garantir les exigences d'équité que requiert l'article 6 de la convention : les requérants avaient eu la possibilité de solliciter une audience - même si le tribunal fut in fine compétent pour l'accorder ou non ; la décision du juge la leur refusant avait été motivée ; ils avaient eu la possibilité de présenter leur thèse par écrit et de répondre aux conclusions de la partie adverse.

Ainsi, le droit en vigueur prévoit, en matière civile, un certain nombre de dispositions réglementaires permettant de trancher des litiges sans entendre les parties, c'est-à-dire sans aucune audience, tout en garantissant le principe du contradictoire.

Plusieurs dispositions d'ordre réglementaire dispensent l'une ou les parties de se présenter à l'audience. Parmi celles-ci, le code de procédure civile prévoit par exemple que :

- l'article 446-1 du code de procédure civile permet aux parties d'être dispensées de formuler leurs prétentions et les moyens à leur soutien oralement à l'audience, et de le faire uniquement par écrit sans se présenter à l'audience, sous réserve qu'une « disposition particulière le prévoie ». Le jugement rendu dans ces conditions est réputé contradictoire. Toutefois, le juge « a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui ».

- devant le tribunal d'instance, le juge peut dispenser l'une des parties qui le demande de se présenter à une audience ultérieure, ce qui signifie que la partie en cause a déjà dû se présenter au moins une fois à une audience 205 ( * ) ;

- devant le tribunal de grande instance, le président ou le juge de la mise en état, s'il a reçu délégation à cet effet, peut, à la demande des avocats et après accord, le cas échéant, du ministère public, « autoriser le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu'il fixe, quand il lui apparaît que l'affaire ne requiert pas de plaidoiries » 206 ( * ) . Dans cette hypothèse, le litige est donc tranché sans audience. De même, s'agissant d'une demande en référé portant sur une mesure d'instruction, le défendeur qui a indiqué, avant l'audience, acquiescer à la demande, est dispensé de comparaître, le juge ayant toujours la faculté d'ordonner qu'il soit présent devant lui 207 ( * ) ;

- devant la cour d'appel, la cour elle-même ou le magistrat qui instruit l'affaire peut dispenser l'une des parties qui en fait la demande de se présenter à une audience.

De surcroît, le juge peut même statuer sans audience dans le cadre des procédures européennes d'injonction de payer et de règlement des petits litiges. Dans ce cadre, le juge statue sans audience, mais peut toutefois convoquer les parties à une audience s'il l'estime nécessaire.

2. Le dispositif proposé tend à encourager le règlement des litiges sans audience devant le tribunal de grande instance

• La généralisation de la procédure sans audience devant le tribunal de grande instance, sous réserve de l'accord des parties

L'article 13 du projet de loi tend à modifier la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, afin d'y insérer un nouvel article 2-1. Celui-ci instituerait le principe selon lequel la procédure devant le tribunal de grande instance peut se dérouler sans audience, sous réserve de l'accord exprès des parties. D'après l'étude d'impact du projet de loi 208 ( * ) , il s'agit « d'étendre la possibilité pour les parties qui le souhaitent de ne pas comparaître à l'audience dans le cadre de tous les contentieux, y compris dans le cas d'une procédure orale (...) ».

Il est également précisé, dans cette hypothèse, que la procédure se déroulerait de manière exclusivement écrite.

Dès lors que les parties en seraient d'accord, la décision de statuer sans audience serait irrévocable. Aucune procédure de « retour en arrière » n'est prévue pour les parties ni pour le juge.

Toutes les procédures traitées devant le tribunal de grande instance seraient concernées par ces nouvelles dispositions.

Cette disposition reprend la proposition n° 17 du rapport du groupe de travail sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile rendu dans le cadre des chantiers de la justice, qui préconisait de « permettre au juge de statuer sans audience, dès lors que les parties en sont d'accord » 209 ( * ) , bien qu'elle semble concerner, dans l'esprit de leurs auteurs, un champ d'application bien plus restreint que celui proposé par l'article 13 du projet de loi.

Elle se rapproche également de la proposition n° 25 du rapport de Pierre Delmas-Goyon remis dans le cadre de la consultation menée sur la « Justice du XXI e siècle », qui préconisait de « permettre, en cours de procédure, le passage d'une procédure écrite à une procédure orale ou inversement, soit à la demande des parties, soit à l'initiative du juge mais avec l'accord des parties » 210 ( * ) .

• L'institution d'une nouvelle procédure dématérialisée et, a fortiori , sans audience, de règlement de certains litiges de faible montant

L'article 13 du projet de loi tend également, en insérant un nouvel article 2-2 au sein de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle précitée, à instituer une nouvelle procédure dématérialisée de règlement des petits litiges, devant le tribunal de grande instance.

Cette procédure se déroulerait sans audience, sous réserve de l'accord des parties et concernerait les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant, qui serait déterminé par décret en Conseil d'État et pourrait être fixé à 5 000 euros, sur le modèle de la procédure européenne de règlement des petits litiges, dont s'inspire d'ailleurs le projet de loi.

Extrait de l'article 7 du règlement (UE) 2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 861/2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges et le règlement (CE) n° 1896/2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer

« (...) 1. La procédure européenne de règlement des petits litiges est une procédure écrite.

1 bis . La juridiction tient une audience uniquement si elle estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision sur la base des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. La juridiction peut rejeter cette demande si elle estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, une audience n'est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Ce refus est motivé par écrit. Il ne peut pas être contesté séparément d'un recours à l'encontre de la décision elle-même. »

Le tribunal pourrait décider, au cours de la procédure, de tenir une audience, « s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites » ou « si l'une des parties en fait la demande ». Le tribunal pourrait toutefois rejeter la demande, uniquement par une « décision spécialement motivée », « s'il estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, une audience n'est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure ».

La décision du tribunal portant sur la tenue ou non d'une audience ne pourrait être contestée indépendamment du jugement sur le fond.

3. La position de votre commission : approuver le dispositif tout en l'encadrant davantage

Vos rapporteurs considèrent que les dispositions du code de procédure civile tendant à dispenser une ou plusieurs parties de se présenter lors d'une audience relèvent davantage du domaine de la loi que du domaine réglementaire puisqu'elles dérogent non seulement au principe de publicité des débats, mais aussi restreignent l'accès au juge.

Il leur est donc apparu opportun que la définition d'un principe général de procédure écrite sans audience devant le tribunal de grande instance, soit prévu par la loi.

Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, précise bien que conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme , « la possibilité d'une renonciation à la publicité des débats [ne peut se faire qu'] à condition qu'elle soit non équivoque et ne se heurte à aucun intérêt public important, [et qu'elle prévoit] l'accord exprès des parties. »

Approuvant de manière générale le principe proposé, votre commission a souhaité codifier cette procédure au sein du code de l'organisation judiciaire, en y créant un nouvel article L. 212-5-1. Elle a ensuite apporté deux modifications de fond au dispositif, en précisant que cette procédure devrait être demandée à l'initiative des parties, d'une part, et en prévoyant la comparution des parties à l'audience, si le juge l'estime nécessaire ou si l'une des parties le demande, d'autre part.

Sur la proposition de ses rapporteurs, elle a adopté un amendement COM-275 en ce sens.

S'agissant de la procédure de règlement des petits litiges sans audience, vos rapporteurs regrettent que, faute des statistiques requises, le Gouvernement ne puisse être en mesure d'évaluer la volumétrie du contentieux susceptible de relever de cette procédure 211 ( * ) .

En premier lieu, dans le même amendement COM-275 déjà évoqué, votre commission a souhaité prévoir, par parallélisme des formes, l'accord exprès des parties. De même, elle a supprimé la faculté offerte au tribunal de refuser une demande de retour à l'audience formulée de la part de l'une des parties, considérant que cela pourrait constituer un obstacle inutile à l'accès au juge.

En second lieu, vos rapporteurs ont relevé les implications opérationnelles de ce projet, notamment en matière informatique. Aucun logiciel ne semble en mesure de permettre la mise en oeuvre immédiate de cette procédure dématérialisée, qui nécessiterait un délai minimum de dix-huit mois à deux ans. Dans cette perspective, vos rapporteurs ont trouvé surprenant que le projet de loi prévoie une entrée en vigueur immédiate de cette disposition.

Ils ont donc proposé à votre commission, qui l'a acceptée par l'adoption d'un amendement COM-281 , une entrée en vigueur différée de cette disposition au 1 er janvier 2021, à l'article 56 du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

Article 14
(art. L. 211-17 et L. 211-18 [nouveaux] du code de l'organisation judiciaire)
Traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer par un tribunal de grande instance à compétence nationale spécialement désigné

L'article 14 du projet de loi tend à regrouper au sein d'un tribunal de grande instance à compétence nationale le traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer, y compris celles relevant de la procédure européenne.

1. La procédure d'injonction de payer

Cette procédure, introduite dans le droit français par un décret du 25 août 1937 pour les créances de nature commerciale, puis étendue aux créances de nature civile par la loi du 4 juillet 1957 et à toutes les créances d'origine contractuelle par un décret du 28 août 1972, permet à un créancier d'obtenir la délivrance d'un titre exécutoire sans débat préalable.

L'article 1405 du code de procédure civile dispose que « le recouvrement d'une créance peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer lorsque (...) la créance a une cause contractuelle 212 ( * ) ou résulte d'une obligation de caractère statutaire 213 ( * ) (...) ».

Depuis la loi n° 2011-1682 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles 214 ( * ) , dont l'article 4 est entré en vigueur le 1 er janvier 2013, la procédure d'injonction de payer relève, selon les cas, du tribunal d'instance 215 ( * ) , du tribunal de grande instance 216 ( * ) ou du tribunal de commerce 217 ( * ) , dans la limite de la compétence d'attribution de ces juridictions 218 ( * ) .

Le tribunal d'instance demeure compétent pour connaître des requêtes en injonction de payer qui, même supérieures à 10 000 euros, relèvent de sa compétence exclusive, comme celles relatives au crédit à la consommation ou aux baux d'habitation. Le juge territorialement compétent est en outre celui du lieu où demeure le ou l'un des débiteurs poursuivis.

La procédure elle-même, régie par les articles 1406 à 1424 du code de procédure civile, comporte deux temps.

Tout d'abord, le demandeur (le créancier) peut adresser au juge une requête en injonction de payer. La requête peut également être présentée par son mandataire 219 ( * ) .

À l'issue d'une phase non contradictoire, si le juge reconnaît le bien-fondé de la demande en tout ou partie, eu égard aux documents produits par le requérant, il rend une ordonnance portant injonction de payer pour le montant qu'il retient 220 ( * ) . Cette ordonnance doit être signifiée à l'initiative du créancier 221 ( * ) à chacun des débiteurs dans les six mois, sous peine d'être considérée comme non avenue.

Le défendeur ainsi informé peut alors :

- soit exécuter l'obligation en versant la somme due ;

- soit former opposition 222 ( * ) dans un délai d'un mois qui suit la signification de l'ordonnance, pour éviter que la décision ne devienne exécutoire.

En cas d'opposition, débute, le cas échéant, un deuxième temps, contradictoire, devant la juridiction qui a rendu l'ordonnance. Le tribunal entend alors les parties lors d'une audience 223 ( * ) , tente de les concilier et rend, à défaut, un jugement, qui se substitue alors à l'injonction de payer. Ce jugement peut être contesté devant la cour d'appel si le montant de la demande est supérieur à 4 000 euros, ou devant la Cour de cassation dans les autres cas.

Si le débiteur ne répond pas à l'injonction de payer dans un délai d'un mois, l'ordonnance portant injonction de payer est revêtue de la forme exécutoire et possède alors valeur de jugement, et le créancier peut la faire exécuter par huissier de justice 224 ( * ) .

D'après l'étude d'impact 225 ( * ) , la procédure d'injonction de payer, qui répond à « un double objectif de simplicité et de célérité », donnerait lieu au dépôt de près de 500 000 requêtes en moyenne chaque année. Un nombre légèrement supérieur d'ordonnances portant injonction de payer a été rendu. Seulement 4,21 % en 2016 et 4,64 % en 2015 (soit 20 000 et 23 000) des ordonnances ont fait l'objet d'une opposition.

Parmi les décisions rendues à la suite d'une opposition, seules 60 % statuent sur le fond de la demande, dont 20 % qui confirment totalement la décision rendue, 30 % qui l'infirment totalement et 50 % partiellement.

2. La procédure européenne d'injonction de payer

Le règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer vise à simplifier, accélérer et réduire les coûts des litiges transfrontaliers sur les créances pécuniaires incontestées en matière civile et commerciale. Il a été modifié par le règlement (UE) 2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 861/2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges et le règlement (CE) n° 1896/2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer.

Ce règlement est entièrement et directement applicable depuis décembre 2008. La procédure est codifiée aux articles 1424-1 à 1424-15 du code de procédure civile. Elle assure la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l'ensemble des États membres 226 ( * ) , grâce à des normes évitant les procédures intermédiaires dans l'État membre d'exécution.

La procédure européenne d'injonction de payer obéit aux mêmes règles de compétence que la procédure européenne de règlement des petits litiges. Toutefois, elle ne concerne que les créances pécuniaires, liquides et exigibles, qu'elles soient de nature civile ou commerciale dans les litiges transfrontaliers, à savoir ceux dans lesquels au moins l'une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État autre que l'État de la juridiction saisie.

La créance doit être de nature contractuelle ou résulter d'un accord entre les parties ou d'une reconnaissance de dette. Elle n'est pas applicable en matière fiscale, douanière, administrative, ni en matière de responsabilité de l'État. Elle ne peut pas non plus être mise en oeuvre en matière de régimes matrimoniaux, de faillites, de sécurité sociale ou de créances découlant d'obligations non contractuelles.

La juridiction compétente est, en principe, celle du domicile du défendeur (le débiteur). Depuis la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles déjà citée, le tribunal d'instance 227 ( * ) et le président du tribunal de commerce 228 ( * ) , dans les limites de leur compétences d'attribution, sont compétents pour connaître des demandes formées en application du règlement instituant la procédure européenne d'injonction de payer.

Contrairement à la procédure en droit national, le requérant n'est pas tenu de produire les pièces justificatives à l'appui de sa demande. Si le formulaire est dûment rempli, la juridiction délivre l'injonction de payer européenne dans un délai de trente jours à compter de l'introduction de la demande.

L'injonction est alors signifiée ou notifiée au défendeur 229 ( * ) , selon les dispositions du droit national de l'État où la signification doit être effectuée, il peut s'y opposer, dans les trente jours de la signification ou notification 230 ( * ) . Dans cette hypothèse, le litige est examiné par la juridiction compétente selon le droit national et la procédure se poursuit soit selon les règles de la procédure civile ordinaire, soit conformément aux règles de la procédure européenne de règlement des petits litiges. Dans le cadre de cette dernière, la juridiction tient une audience uniquement si elle l'estime nécessaire ou à la demande d'une partie, demande qui peut d'ailleurs être refusée par décision motivée.

Comme pour la procédure de règlement des petits litiges, le règlement instituant la procédure européenne d'injonction de payer supprime l' exequatur . Aussi l'injonction est-elle reconnue et exécutée dans les autres États membres sans qu'une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire, à moins qu'il ne soit formé opposition dans le délai requis.

Par comparaison avec la procédure d'injonction de payer définie en droit national, seulement 621 injonctions de payer européennes sont en moyenne traitées chaque année 231 ( * ) .

3. Le traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer par un seul tribunal : votre commission propose de concilier efficacité et accès au juge

L'article 14 du projet de loi tend à prévoir le traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer par un tribunal de grande instance à compétence nationale spécialement désigné. Il reprend la proposition n° 7 du rapport sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile déjà cité 232 ( * ) qui suggérait de « créer une juridiction nationale dématérialisée de l'injonction de payer, entièrement numérique ».

À cet effet, il crée un nouvel article L. 211-7 au sein du code de l'organisation judiciaire, pour confier une compétence nationale à un tribunal de grande instance qui serait désigné par décret, aux fins de traiter l'ensemble du contentieux des injonctions de payer.

Cette juridiction serait compétente pour connaître :

- des demandes d'injonction de payer régies par les articles 1405 et suivants du code de procédure civile ;

- des demandes relevant de la procédure européenne d'injonction de payer ;

- et également des oppositions aux ordonnances portant injonction de payer, qu'elles relèvent ou non de la procédure européenne, mais seulement celles tendant exclusivement à l'obtention de délais de paiement.

Le dispositif prévoit également plusieurs principes procéduraux, qui ne seraient pas codifiés.

En premier lieu, il pose le principe d'une saisine de cette juridiction exclusivement par voie dématérialisée.

En second lieu, il précise le régime concernant les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer :

- s'agissant des oppositions portant exclusivement sur l'obtention de délais de paiement, elles seraient traitées sans audience. L'exposé des motifs du projet de loi précise qu'elles devraient aussi être formées selon une procédure dématérialisée, sans préciser devant quelle juridiction, bien que vos rapporteurs imaginent qu'il s'agit du tribunal de grande instance à compétence nationale ;

- s'agissant des oppositions autres que celles portant exclusivement sur l'obtention de délais de paiement, elles devraient être formées devant les tribunaux de grande instance territorialement compétents, et non plus devant le tribunal de grande instance spécialement désigné.

Vos rapporteurs précisent à cet égard qu'il n'y aurait pas de difficulté d'articulation s'agissant de la procédure d'opposition : dès lors qu'elle ne concerne pas exclusivement un délai de paiement, elle sera formée et traitée par le tribunal territorialement compétent. En conséquence, les tribunaux de grande instance territorialement compétents seront amenés à traiter des oppositions aux injonctions de payer portant tant sur le fond que sur des motifs mixtes de fond et de délais de paiement.

S'agissant du champ d'application de cette nouvelle juridiction à compétence nationale, qui a pu susciter des interrogations, seules les injonctions de payer relevant actuellement du tribunal d'instance et du tribunal de grande instance seraient concernées, le tribunal de commerce restant compétent pour les procédures d'injonction de payer relevant de sa compétence d'attribution, c'est-à-dire lorsque le débiteur à la qualité de commerçant ou d'une société. Seraient toutefois comprises dans le champ de compétence de cette juridiction les requêtes en matière commerciale relevant des tribunaux de grande instance ayant compétence pour statuer en l'absence de tribunal de commerce sur le ressort 233 ( * ) .

D'après l'étude d'impact, les effectifs mobilisés pour traiter ce contentieux sont évalués à 20 postes 234 ( * ) de magistrats, 3 500 vacations de magistrats exerçant à titre temporaire, et 202 postes de fonctionnaires de greffe. Le Gouvernement espère à cet égard un « gain » de près de 15 postes 235 ( * ) de magistrats et 185 postes de fonctionnaires de greffe 236 ( * ) .

Enfin, la mise en oeuvre de cette réforme requerrait un important chantier informatique, que l'étude d'impact reconnaît d'ailleurs comme tel : « à ce jour, aucun applicatif ne répond à l'ambition [de cette juridiction] » 237 ( * ) . L'entrée en vigueur prévue à compter d'une date définie en Conseil d'État et, au plus tard, le 1 er janvier 2021, semble donc plus que raisonnable à vos rapporteurs, eu égard aux délais de réalisation des projets informatiques de la Chancellerie, dont la mise en oeuvre effective de plusieurs articles dépend d'ailleurs.

Tout en approuvant le principe de la réforme proposée, votre commission a adopté un amendement COM-276 de ses rapporteurs tendant à ne pas faire de la saisine par voie dématérialisée la seule et unique voie d'accès possible à cette juridiction, dans la mesure où cela pourrait constituer un obstacle important à l'accès au juge, comme l'a indiqué le Défenseur des droits, Jacques Toubon, lorsque vos rapporteurs l'ont entendu en audition. Il n'existe d'ailleurs, à la connaissance de vos rapporteurs aucun précédent, devant les juridictions judiciaires, de saisine unique par voie dématérialisée.

Dans le même amendement COM-276 , votre commission a également codifié la procédure applicable devant cette juridiction dans le code de l'organisation judiciaire.

Votre commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 15
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour unifier
et harmoniser les procédures au fond à bref délai
devant les juridictions judiciaires

L'article 15 du projet de loi tend à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures législatives par voie d'ordonnance pour modifier les dispositions régissant les procédures « en la forme des référés » devant les juridictions judiciaires, afin d'unifier et d'harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai.

1. La procédure « en la forme des référés »

L'ordonnance de référé est définie à l'article 484 du code de procédure civile comme une « décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires ».

Cette procédure a également vocation à s'appliquer dans différentes hypothèses en dehors de celles du référé, puisque le code de procédure civile vise parfois les décisions prises « en la forme des référés » ou « comme en matière de référé ». Sans être des ordonnances de référé, certaines décisions sont en effet prises en suivant la procédure de référé. Les textes procèdent dans ce but à une assimilation procédurale en imposant la procédure de référé pour l'adoption d'une décision qui est en réalité une décision sur le fond.

Ainsi, lorsque le juge statue en la forme des référés ou comme en matière de référé, la demande est formée, instruite et jugée comme le serait une demande en matière de référé 238 ( * ) , conformément à l'article 492-1 du code de procédure civile. Toutefois, et la différence est importante, « le juge exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue au moyen d'une ordonnance qui a autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche ». À l'inverse, « l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée » 239 ( * ) .

Tout comme une ordonnance de référé, l'ordonnance rendue « en la forme des référés » :

- est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge n'en décide autrement ;

- est susceptible d'appel ou d'opposition dans les quinze jours, comme une ordonnance de référé, sauf si elle est rendue par le premier président de la cour d'appel ou en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande.

Le code de procédure civile comprend de nombreuses procédures dans lesquelles le juge statue « en la forme des référés », parmi lesquelles figurent :

- les demandes en matière successorale, relatives aux mesures conservatoires prises après l'ouverture de la succession 240 ( * ) , sont portées devant le président du tribunal de grande instance ou son délégué qui « statue en la forme des référés » (article 1380) ;

- les demandes en matière familiale, formées « par assignation en la forme des référés » afin d'obtenir une mesure de protection de victime de violence (article 1136-4) ;

- les demandes lorsque survient une difficulté dans l'établissement de l'inventaire d'une personne protégée, formées devant le président du tribunal de grande instance ou son délégué qui « statue en la forme des référés » (article 1333).

La procédure peut toutefois varier selon les cas : tantôt seule la saisine de la juridiction est faite en la forme des référés, tantôt c'est l'ensemble de l'instance qui obéit aux règles de la procédure de référé. Ainsi, à titre d'illustration, l'article 1469 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de grande instance est saisi d'une demande « formée, instruite et jugée comme en matière de référé » des demandes de production de pièces dans le cadre d'une instance arbitrale, mais sa décision n'est pas exécutoire de plein droit, contrairement au principe posé à l'article 492-1 du même code.

L'étude d'impact du projet de loi précise que treize codes ainsi que six lois prévoient, dans leurs dispositions législatives, le recours à cette procédure, dans les cas et sous les appellations les plus divers. Sont ainsi évoquées une procédure « en la forme », « selon la forme », « dans la forme », « comme en la forme », « sous la forme », « comme dans la forme » « comme en matière », ou encore « comme en matière de référé ».

Peut par exemple être citée la saisine du président du tribunal de grande instance de Paris par le président de l'autorité de régulation des jeux en ligne aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés, toute mesure permettant la cessation de toute publicité non autorisée en faveur d'un site de paris ou de jeux d'argent 241 ( * ) .

2. Une demande d'habilitation qui a recueilli l'assentiment de votre commission

L'article 15 du projet de loi tend à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi, dans un délai de quatre mois à compter de la publication de la loi, « pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d'harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai ». Le projet de loi de ratification serait déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois suivant la publication de l'ordonnance.

L'étude d'impact 242 ( * ) du projet de loi justifie cette demande d'habilitation par la « dispersion dans de nombreux codes » de cette procédure spécifique et surtout par une appellation des procédures « en la forme des référés » diverse, participant « à la confusion ». Elle précise en outre que « l'objectif poursuivi ici est celui d'une unification des régimes procéduraux ».

L'exposé des motifs du projet de loi indique par ailleurs que l'article 15 « anticipe (...) la future réforme de la procédure civile, qui permettra la simplification de la saisine des juridictions par la création d'un acte de saisine judiciaire unifié, et de dessiner une procédure civile commune à la plupart des contentieux ». La modification de la saisine de la juridiction civile, qui relève du pouvoir règlementaire, aurait ainsi pour corollaire une harmonisation des procédures au fond à bref délai.

Deux hypothèses sont envisagées pour la rédaction de l'ordonnance. En premier lieu, un simple changement de dénomination, qui consisterait à harmoniser l'appellation des procédures en la forme des référés et autres sous l'appellation d'« ordonnances au fond » 243 ( * ) . En second lieu, l'étude d'impact évoque l'hypothèse d'une harmonisation de la procédure, que permet le champ de l'habilitation et ses finalités tels qu'ils sont définis dans l'article 15, en substituant au régime des référés « en la forme », celui applicable en matière de procédure à jour fixe. Cette procédure est également une procédure rapide, comme celle des référés « en la forme », par laquelle le président du tribunal de grande instance peut autoriser, en cas d'urgence, le demandeur à assigner le défendeur à jour fixe 244 ( * ) , et qui permet, tout comme la procédure « en la forme des référés », d'obtenir une décision du tribunal sur le fond.

Vos rapporteurs ont tout d'abord noté les délais assez brefs envisagés par le Gouvernement s'agissant d'une ordonnance relevant de l'article 38 de la Constitution, qui tiennent sans doute au caractère assez formel des mesures envisagées dans le domaine de la loi. Le Conseil d'État indique d'ailleurs qu'« au vu de l'hétérogénéité des hypothèses dans lesquelles la procédure " en la forme des référés " est prévue par des textes de nature législative, sous des vocables divers, le Conseil d'État souscrit à la demande d'habilitation sollicitée par le Gouvernement pour assurer une mise en cohérence des dispositions en vigueur et harmoniser le traitement au fond des contentieux concernés, de manière rapide et efficace. »

À l'instar du Conseil d'État, votre commission, suivant l'analyse de ses rapporteurs, ne s'est pas montrée hostile à une telle habilitation, confiée au Gouvernement dans l'objectif d'opérer une harmonisation des procédures au fond à bref délai qui existent devant les juridictions judiciaires. Elle a donc estimé que la finalité des mesures que le Gouvernement se propose de prendre par voie d'ordonnance, ainsi que leur domaine d'intervention, étaient suffisamment précis.

Au bénéfice de l'adoption d'un amendement rédactionnel COM-286 , votre commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

CHAPITRE II
SIMPLIFIER POUR MIEUX PROTÉGER

Article 16
(art. 428, 494-1, 494-3, 494-5, 494-6, 494-7,
494-8, 494-9 et 494-11 du code civil)
Adaptation du dispositif de l'habilitation familiale

L'article 16 du projet de loi tend à modifier le dispositif de l'habilitation familiale, au terme de plus de deux ans et demi de mise en oeuvre, en élargissant les conditions d'ouverture de la mesure, et en créant une « passerelle » entre les mesures de protection judiciaire et l'habilitation familiale.

1. La confirmation des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures restreignant l'autonomie des personnes vulnérables

Depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, les mesures qui restreignent l'autonomie de ces personnes vulnérables doivent être, conformément aux prescriptions de l'article 428 du code civil, nécessaires, subsidiaires et proportionnées. L'article 415 du code civil dispose d'ailleurs que la protection des majeurs « est un devoir des familles et de la collectivité publique ».

L'habilitation familiale est un système allégé de protection de personnes dont les facultés sont altérées. Elle a été créée par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, prise en application de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

Destinée aux personnes majeures hors d'état de manifester leur volonté à cause de l'altération de leurs facultés mentales ou corporelles, l'habilitation familiale est un mandat familial délivré par le juge à un proche, permettant à celui-ci de représenter la personne afin d'accomplir certains actes en son nom sans recourir à une mesure de protection judiciaire plus « classique », comme la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle.

La mesure exige au préalable un consensus familial, et ne peut être décidée que lorsque les règles de droit commun de la représentation
- notamment dans le cadre du régime matrimonial 245 ( * ) (art. 492-2 du code civil) - ne suffisent pas, ou qu'il n'existe pas déjà un mandat de protection future.

Un dispositif similaire existe en effet déjà au bénéfice du conjoint, en application des articles 217 et 219 du code civil. L'un des époux peut se faire habiliter en justice, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, à représenter l'autre époux, hors d'état de manifester sa volonté.

À l'occasion de l'examen de la demande d'habilitation à légiférer par ordonnance sur le sujet, notre collègue Thani Mohamed Soilihi, rapporteur au nom de votre commission, relevait toutefois que « le développement de mesures alternatives au prononcé d'une mesure de protection judiciaire s'inscrit dans la philosophie du régime de protection des majeurs, fondée sur le caractère subsidiaire de la protection judiciaire » 246 ( * ) .

Les principales modalités de l'habilitation familiale

Les modalités de l'habilitation familiale sont très simplifiées par rapport aux autres mesures de protection, puisque le juge des tutelles n'intervient, sauf difficultés particulières, qu'au stade du prononcé de la mesure.

La personne habilitée, qui doit remplir les conditions pour exercer les charges tutélaires, ne peut être qu'un proche dont la liste est limitativement énumérée à l'article 494-1 du code civil : elle comprend les ascendants ou descendants, les frères et soeurs, le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou concubin du majeur hors d'état de manifester sa volonté, qui exerce aussi sa mission à titre gratuit (art. 494-1 du code civil).

L'habilitation familiale ne peut donc être confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Le juge doit explicitement constater la nécessité de prononcer la mesure de protection (art. 494-2 du code civil), notamment après avoir entendu la personne à protéger sauf impossibilité médicalement constatée. Il doit aussi vérifier l'adhésion ou, à défaut, l'absence d'opposition légitime des proches présents auprès de la personne à protéger, à la fois sur la mesure d'habilitation, mais aussi sur le choix de la personne habilitée (art. 494-4 du code civil).

Dès lors que les conditions sont remplies, le juge statue sur la désignation de la personne habilitée et l'étendue de cette habilitation (494-6 du code civil). Deux hypothèses sont possibles :

- l'habilitation est limitée à certains actes ; il s'agit alors d'une habilitation spéciale ;

- l'habilitation est générale ; dans ce cas la personne habilitée pourra accomplir l'ensemble des actes, sans solliciter de nouvelle autorisation spécifique du juge des tutelles 247 ( * ) , sauf cas spécifiques d'actes soumis à une protection particulière.

Le juge peut désigner plusieurs personnes habilitées.

Aucune durée n'est prévue pour la mesure d'habilitation spéciale, celle-ci ayant vocation à prendre fin une fois les actes pour lesquels une personne a été habilitée prennent fin. L'habilitation familiale générale, quant à elle, ne peut excéder dix ans.

Différence notable par rapport à la tutelle, la personne habilitée n'est pas tenue d'établir un compte de gestion annuel.

L'habilitation familiale prend fin soit à l'expiration du délai fixé initialement par le juge, soit par le placement de l'intéressé sous sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, mais aussi en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée prononcé par le juge à la demande d'un proche ou du procureur de la République, si les conditions ne sont plus réunies ou que l'habilitation familiale est de nature à porter atteinte aux intérêts de la personne protégée (art. 494-11 du code civil).

Source : commission des lois.

Souhaitant réaffirmer et clarifier cette hiérarchisation des mesures de protection, le présent article modifie l'article 428 du code civil, modification d'ordre rédactionnelle sur laquelle vos rapporteurs n'ont pas d'observations particulières à formuler.

2. L'élargissement des conditions de l'ouverture de l'habilitation familiale

L'article 16 propose également un élargissement des conditions d'ouverture de la mesure d'habilitation familiale aux deux hypothèses prévues à l'article 425 du code civil, selon lesquelles une mesure de protection peut être ouverte pour toute personne « dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté ».

Ces nouvelles conditions permettraient au juge des tutelles de prononcer une mesure d'habilitation familiale en cas de besoin d'assistance, et pas uniquement de représentation.

L'article 494-1 du code civil serait modifié à cet effet, la définition actuelle, restreinte aux cas d'une personne « hors d'état de manifester sa volonté pour l'une des causes prévues à l'article 425 », étant interprétée comme ne permettant d'ouvrir une mesure d'habilitation familiale que dans les hypothèses où la personne doit être représentée dans les actes de la vie civile (cas d'ouverture de la tutelle, mesure la plus contraignante en matière de protection juridique). Or, cette situation était contraire à la philosophie de la protection juridique depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui vise à privilégier les mesures les moins contraignantes et assurées par les familles, telles que l'habilitation familiale.

D'après la Cour de cassation, dont la première chambre civile a transmis des éléments d'observations à vos rapporteurs, « cette mesure était souhaitée et nécessaire, les conditions d'ouverture étant trop restrictives ». Elle précise également que cette modification permettrait de répondre aux exigences de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), qui rappelle les principes de proportionnalité et d'adaptation des mesures à la situation des personnes concernées.

Cette évolution implique, par coordination, de mentionner désormais expressément dans la loi les cas dans lesquels la personne habilitée agit en représentation de la personne protégée, et non en assistance 248 ( * ) .

La distinction légale en matière de tutelle entre les actes qu'un tuteur peut accomplir seul et ceux pour lesquels il doit être autorisé ne s'impose pas.

Toutefois, l'autorisation d'un juge des tutelles est toujours nécessaire pour l'accomplissement d'un acte de disposition à titre gratuit : l'article 494-6 du code civil serait donc modifié pour mentionner expressément que l'accomplissement de cet acte se fait « en représentation », afin qu'une personne habilitée à assister un proche ne puisse y procéder.

De même, l'article 494-7 du code civil viserait désormais la personne habilitée « à représenter la personne protégée », excluant donc celle habilitée à l'assister, s'agissant de la gestion des comptes bancaires par la personne habilitée.

De manière plus générale, la personne protégée voit sa capacité amputée de tout ce que le proche habilité, son représentant, a pouvoir de faire. Il en résulte qu'une habilitation générale entraîne une incapacité générale. L'article 494-8 du code civil serait modifié afin de préciser que ces prescriptions ne concernent que les cas d'habilitation en représentation. Il en serait de même s'agissant de l'interdiction de conclure un mandat de protection future pendant la durée de l'habilitation si celle-ci est générale, qui ne concernerait que les cas d'habilitation en représentation.

Enfin, s'agissant du régime de responsabilité, il est actuellement prévu qu'en cas d'accomplissement d'un acte par la personne protégée au mépris de son incapacité, la nullité de l'acte est encourue de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice, l'action se prescrivant par cinq ans. L'article 494-9 du code civil serait donc modifié afin de prévoir le régime de responsabilité applicable aux actes accomplis en matière d'assistance de la personne protégée. Dans la même hypothèse que ci-dessus, l'acte ne pourrait être annulé que s'il était établi que la personne protégée a subi un préjudice.

Vos rapporteurs approuvent cette modification qui poursuit logiquement la transposition au régime de l'habilitation familiale du régime de responsabilité prévu à l'article 465 du code civil s'agissant des mesures de tutelle et de curatelle :

- lorsque « la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être représentée, l'acte est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice » ;

- tandis que si « la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice ».

Enfin, le projet de loi propose plusieurs modifications bienvenues, s'agissant, d'une part, de la modification de l'article 494-3 du code civil pour prévoir expressément que la personne qu'il y a lieu de protéger peut saisir le juge d'une demande d'habilitation familiale à son endroit et, d'autre part, de la modification de l'article 494-11 du code civil qui introduit de la même manière la personne protégée dans la liste des personnes habilitées à demander au juge la mainlevée de la mesure d'habilitation familiale.

3. La création d'une « passerelle » entre les mesures de protection judiciaire et l'habilitation familiale

Dans le droit en vigueur, le juge des tutelles est saisi d'une requête aux fins de désignation d'une personne habilitée à représenter la personne à protéger, à l'initiative d'un proche de cette personne, agissant directement ou par l'intermédiaire du procureur de la République (art. 494-3 du code civil). La demande doit être accompagnée d'un certificat médical circonstancié rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République (431 du code civil).

Toutefois, lorsque le juge saisi d'une requête aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire (tutelle ou curatelle par exemple), constate, après instruction de la demande, qu'une mesure d'habilitation familiale serait suffisante, il ne peut l'ordonner, même si les conditions légales en sont remplies, aucune passerelle entre ces mesures n'ayant été prévue par les textes.

La Cour de cassation a d'ailleurs jugé dans une décision très commentée du 20 décembre 2017 249 ( * ) qu'« aucune disposition légale n'autoris [ait] le juge des tutelles, saisi d'une requête aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire, à ouvrir une mesure d'habilitation familiale ». Par la suite, dans le cadre de son rapport annuel 250 ( * ) au sein duquel elle fait traditionnellement part de suggestions de modification de textes législatifs ou réglementaires, la Cour de cassation indique que « l'ensemble de la doctrine a constaté et regretté cette absence de ?passerelle', dans un domaine où la souplesse apparaît indispensable », et propose la modification des textes en ce sens.

Le projet de loi modifie à cet effet l'article 494-3 du code civil, en précisant que la désignation d'une personne habilitée est également possible, soit à l'issue de l'instruction d'une requête aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire, soit lorsque le juge substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle, quand il statue sur le renouvellement de la mesure en application de l'article 442 du code civil.

Comme l'indique l'étude d'impact, cette passerelle « permettrait aux familles de solliciter, sans délai ni démarches supplémentaires, une habilitation familiale y compris en cas de renouvellement d'une mesure de tutelle » 251 ( * ) .

Parallèlement, le projet de loi modifie l'article 494-5 du code civil pour permettre au juge, dans la situation inverse, dès lors que les conditions de l'habilitation familiale ne lui paraissent pas réunies pour désigner une personne habilitée, d'ordonner une mesure de protection judiciaire.

Vos rapporteurs rappellent en outre qu'à tout moment, le juge peut modifier l'étendue de l'habilitation, habiliter une autre personne ou mettre fin à l'habilitation (art. 494-10 du code civil).

Vos rapporteurs souscrivent pleinement à cette passerelle qu'ils estiment particulièrement opportune. D'ailleurs, d'après la majorité des personnes qu'ils ont entendues, ces dispositions ne soulèvent pas de difficultés particulières et sont au contraire très attendues par les familles. Elles devraient contribuer au développement de l'habilitation familiale, dans la continuité du souhait du législateur de 2007 et 2015.

Toutefois, l'étude d'impact indique que « l'impact informatique de cette mesure pour le ministère de la justice est fort », requérant près de quatre mois minimum de développement informatique pour intégrer les processus découlant de cette nouvelle passerelle. Interrogés par vos rapporteurs à ce sujet, le Gouvernement prévoit la finalisation d'un tel projet au sein de l'application informatique existante de gestion des tutelles d'ici le début de l'été 2019, et une intégration à terme au sein de PORTALIS, qui doit unifier en une seule chaîne applicative le traitement de l'ensemble des procédures civiles.

Vos rapporteurs souhaitent donc appeler l'attention du Gouvernement sur la mise en oeuvre opérationnelle de cette « passerelle », eu égard à l'entrée en vigueur immédiate prévue pour ces dispositions.

Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté l'article 16 sans modification .

Article 17
(art. 486, 503, 511, 512, 513, 513-1 [nouveau], 514 du code civil)
Réforme des modalités d'inventaire et de contrôle des comptes
de gestion des personnes protégées

L'article 17 du projet de loi tend à renforcer les sanctions à l'égard du tuteur défaillant dans la transmission de l'inventaire, ainsi qu'à réformer les modalités de contrôle des comptes de gestion des mesures de tutelle.

1. Un renforcement des sanctions à l'égard du tuteur défaillant dans la transmission de l'inventaire qui doit être gradué

Le II de l'article 17 modifie l'article 503 du code civil relatif à l'inventaire des biens de la personne protégée. Il est également applicable aux personnes qui font l'objet d'une mesure de curatelle renforcée, dans laquelle le curateur est soumis aux mêmes obligations qu'un tuteur s'agissant de l'établissement d'un inventaire à l'ouverture de la mesure et de son actualisation périodique 252 ( * ) .

Dans les trois mois de l'ouverture de la tutelle, le tuteur - d'un mineur ou d'un majeur - doit faire procéder à un inventaire qu'il transmet au juge des tutelles. Cet inventaire, qui doit être actualisé au cours de la mesure par le tuteur, permet de vérifier, à la fin de la tutelle, que la personne protégée récupère tous ces biens.

En conséquence, l'inventaire constitue un document majeur de la mesure de protection : il permet au juge de vérifier la pertinence du budget prévisionnel, au greffier en chef de vérifier les comptes annuels et à la personne protégée elle-même de s'assurer de la bonne gestion et de la sauvegarde de son patrimoine. Ses modalités sont prévues à l'article 1253 du code civil.

Aux fins d'établissement de cet inventaire, le tuteur peut se faire communiquer tous les documents nécessaires auprès de personnes publiques ou privées (des banques, des notaires...), qui sont déliées du secret professionnel ou bancaire le cas échéant. Dans l'hypothèse d'une défaillance du tuteur (absence d'inventaire, ou inventaire incomplet ou inexact), la personne protégée ou ses héritiers le cas échéant, peuvent faire la preuve de la consistance de ses biens par tous moyens.

Le projet de loi modifie l'article 503 du code civil sur deux points.

En premier lieu, il ajoute à la transmission de l'inventaire au juge des tutelles celle du budget prévisionnel, qui permettrait ensuite de faciliter le contrôle des comptes de gestion de la tutelle.

Vos rapporteurs saluent cette mesure tout à fait opportune, comme d'ailleurs la majorité des personnes entendues, qu'il s'agisse de mandataires professionnels ou d'associations tutélaires.

En second lieu, il tend à créer un nouveau dispositif en cas de défaillance du tuteur, dans l'hypothèse où ce dernier remettrait l'inventaire en retard. Le juge des tutelles pourrait alors désigner un technicien, qui serait doté d'un mandat judiciaire, pour y procéder. Celui-ci interviendrait aux frais du tuteur.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, l'inventaire devait être réalisé dans les dix jours suivant la nomination du tuteur, délai qui était impossible à respecter, comme l'avait relevé notre ancien collègue Henri de Richemont, dans son rapport sur ce projet de loi 253 ( * ) . Le délai de remise de l'inventaire a donc déjà été allongé de dix jours à trois mois.

Cette nouvelle modification du régime de l'inventaire tend à répondre au constat sévère de la Cour des comptes dans son rapport sur la protection juridique des majeurs, qui affirmait qu' « en dépit de l'importance cardinale qu'il revêtent, l'établissement et l'envoi des inventaires s'avèrent particulièrement défaillants » 254 ( * ) . La Cour relevait notamment que plus de 80 % des dossiers examinés n'était pas réalisés dans les trois mois suivant l'ouverture de la mesure, relevant que « le désintérêt très répandu pour les procédures d'inventaire [qu'elle] a observé ne [pouvait] que faciliter les abus ».

En conséquence, elle concluait en recommandant le recours obligatoire à un commissaire-priseur judiciaire ou à un notaire s'agissant de l'établissement de l'inventaire, qui seul pourrait satisfaire « aux exigences de transparence et de contradictoire qui s'imposent ici, en tout cas pour les patrimoines dont la valeur excèderait un montant à déterminer ». Quant aux modalités de financement et de tarification de cette obligation inhérente à la mesure de protection, qui est un mandat judiciaire, la Cour évoquait un financement à la charge du majeur au-delà d'un seuil à déterminer.

Les associations tutélaires et mandataires judiciaires à la protection des majeurs entendus par vos rapporteurs ont fait état de difficultés réelles à produire l'inventaire. Certains d'entre eux ont rappelé le pouvoir que donne l'article 417 du code civil au juge des tutelles pour prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et les condamner à une amende civile lorsqu'elles n'y auront pas déféré 255 ( * ) . Mais cette solution n'est pas apparue forcément opérante à votre rapporteur, dans la mesure où les difficultés ne viennent pas forcément d'une défaillance du tuteur, mais des difficultés qu'ils ont à obtenir les informations requises.

Le dispositif proposé par le Gouvernement répond à de réels dysfonctionnements relevés par plusieurs rapports s'agissant de la remise effective de l'inventaire.

Votre commission a donc proposé d'en conserver la philosophie, tout en y substituant un dispositif gradué et mieux encadré, par l'adoption d'un amendement COM-277 de ses rapporteurs.

En premier lieu, le juge pourrait accorder au tuteur un délai complémentaire pour réaliser l'inventaire, dès lors qu'il rapporterait la preuve de difficultés manifestes dans la communication de renseignements ou de documents par un tiers, malgré l'accomplissement de toutes les diligences requises de sa part.

En second lieu, le juge pourrait, comme le projet de loi le propose, désigner une personne qualifiée (la notion de technicien paraissant trop restrictive), pour procéder à l'inventaire aux frais du tuteur.

Ce dispositif serait encadré à un double titre :

- la personne qualifiée serait choisie sur une liste établie par le procureur de la République ;

- le juge fixerait le délai qui lui serait accordé ainsi que sa rémunération, qui ne devrait pas excéder un plafond fixé par décret en Conseil d'État.

En outre, par l'adoption du même amendement COM-277, votre commission a supprimé la référence à l'article 417 du code civil, qui est bien applicable aux opérations d'inventaire, sans qu'il soit besoin de le mentionner, ce qui pourrait d'ailleurs générer des interprétations a contrario , sur d'autres articles ou dispositions du code civil.

2. Une réforme des modalités du contrôle des comptes de gestion des mesures de protection afin de garantir son effectivité

Les autres paragraphes de l'article 17 du projet de loi (I, III et IV à VII) modifient les dispositions du code civil relatives au contrôle des comptes de gestion des mesures de protection. Ces dispositions sont applicables aux mesures de placement en tutelle, en curatelle renforcée 256 ( * ) , mais aussi en cas de désignation d'un mandataire spécial s'agissant d'un placement en sauvegarde de justice 257 ( * )

L'article 510 du code civil prévoit que le tuteur établit chaque année un compte de sa gestion. À cette fin, il peut solliciter les établissements auprès desquels un ou plusieurs comptes sont ouverts au nom de la personne protégée, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. Par dérogation au principe de confidentialité auquel est tenu le tuteur, il remet chaque année une copie du compte de gestion et des pièces justificatives à la personne protégée 258 ( * ) .

Pour le tuteur, refuser de se soumettre à cette obligation peut constituer un manquement à une obligation essentielle de sa charge pouvant justifier qu'il soit déchargé de la tutelle par le juge 259 ( * ) , en application de l'article 417 du code civil déjà cité.

En application de l'article 511 du même code, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance pour les majeurs (ou du tribunal de grande instance pour les mineurs), est compétent pour contrôler ce compte de gestion. L'article 1254-1 du code de procédure civile lui permet d'être assistés par un huissier de justice, aux frais de la personne protégée. Par ailleurs, le directeur des services de greffe judiciaires peut bénéficier d'un pré-contrôle par le subrogé tuteur qui, lorsqu'il a été nommé, doit vérifier le compte avant de le lui transmettre avec ses observations.

Dans l'hypothèse où le directeur des services de greffe judiciaires refuse d'approuver le compte, le juge des tutelles doit statuer sur la conformité du compte, à la lumière d'un rapport du directeur des services de greffe judiciaires dressant les difficultés rencontrées.

Le contrôle des comptes de gestion (vérification et approbation) peut être confié par le juge au subrogé-tuteur ou au conseil de famille, lorsqu'ils ont été nommés.

De même, lorsque les ressources de la personne protégée le permettent et si l'importance et la composition de son patrimoine le justifient, l'article 513 autorise le juge à décider, en considération de l'intérêt patrimonial en cause, que la vérification et l'approbation du compte de gestion seront effectuées par un technicien, aux frais de la personne protégée.

Enfin, l'article 512 du code civil permet, lorsque la mesure de protection n'a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, de dispenser le tuteur d'établir le compte de gestion et de le soumettre à l'approbation du directeur des services de greffe judiciaires, en raison de la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée. La Cour de cassation a rappelé à cet égard que la dispense de compte de gestion n'est qu'une faculté pour le juge, celui-ci disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation, nonobstant la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée 260 ( * ) .

Toutefois, plusieurs rapports ont mis en évidence les défaillances dans le contrôle des comptes de gestion liées notamment au manque de moyens de la justice. La Cour des comptes relevait ainsi qu'en moyenne, les juges des tutelles étaient chargés de 3500 dossiers en 2015.

Vos rapporteurs rappellent à cet égard que la responsabilité de l'État à raison d'une faute dans le contrôle des comptes de gestion peut d'ailleurs être engagée, dans la mesure où elle découle de l'obligation de surveillance générale des mesures de protection qui incombe au juge des tutelles et au procureur de la République, conformément à l'article 416 du code civil.

Ainsi si « tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction (...) » (article 421 du code civil), « lorsque la faute à l'origine du dommage a été commise dans l'organisation et le fonctionnement de la mesure de protection par le juge des tutelles, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance ou le greffier, l'action en responsabilité diligentée par la personne protégée ou ayant été protégée ou par ses héritiers est dirigée contre l'Etat qui dispose d'une action récursoire ».

Le projet de loi propose à l'article 512 du code civil (reprise des dispositions de l'article 511 du même code), un véritable bouleversement des modalités de contrôle des comptes de gestion.

Le principe du contrôle des comptes de gestion (vérification et approbation) par la puissance publique serait abandonné, puisque les greffes ne seraient plus en charge ni de vérifier, ni d'approuver les comptes. Au contrôle par la puissance publique se substituerait un contrôle interne par les organes de protection de la mesure eux-mêmes.

Ainsi, les comptes de gestion seraient vérifiés et approuvés :

- soit par le subrogé tuteur 261 ( * ) lorsqu'il en a été nommé un (article 454 du code civil) ;

- soit par le conseil de famille s'il en existe un (délibérant hors de la présence du juge - article 457 du code civil) ;

- soit, lorsque plusieurs personnes ont été désignées pour assurer la gestion patrimoniale de la personne protégée (co-tuteur ou tuteur adjoint de l'article 447 code civil), les comptes de gestion que ces personnes auraient établis seraient considérés comme approuvés dès lors qu'ils seraient signés par l'ensemble des personnes désignées par le juge.

Le juge n'interviendrait qu'en cas de difficultés ou de refus de signature, pour statuer sur la conformité des comptes à la requête de l'une des personnes chargées de la mesure de protection.

Par dérogation à ce contrôle interne à la mesure de protection, lorsque « l'importance et la composition du patrimoine le justifient », le juge désignerait, dès réception de l'inventaire et du budget prévisionnel, une « personne qualifiée » chargée de la vérification et de l'approbation des comptes dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. Sont visés des professionnels du droit et du chiffre, particulièrement les experts-comptables. Le juge devrait fixer dans sa décision les modalités selon lesquelles le tuteur soumet à cette dernière le compte de gestion, accompagné des pièces significatives, en vue de ces opérations. Le projet de loi reprend ici l'idée de l'actuel article 513 du code civil qui n'est toutefois jusqu'à présent qu'une faculté pour le juge.

Enfin, en l'absence de désignation d'un subrogé tuteur, d'un co-tuteur ou d'un conseil de famille, le juge pourrait également faire application de la procédure externe de contrôle des comptes de gestion via une « personne qualifiée », lorsque l'importance ou la composition du patrimoine le requiert. Ainsi, dans cette hypothèse, le juge devrait statuer sur les modalités de contrôle des comptes (dispense de contrôle, d'établissement de comptes ou contrôle par un tiers extérieur) dès la réception de l'inventaire et du budget prévisionnel.

Dans le même esprit, l'article 513 du code civil serait aussi modifié (reprise des dispositions de l'article 512) pour étendre la possibilité de dispenser de soumettre à toute approbation les comptes de gestion établis par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, en considération de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée, alors que cette exemption est aujourd'hui réservée aux mandataires familiaux.

Enfin, un nouvel article 513-1 serait créé au sein du code civil afin de prévoir la remise du compte de gestion, après sa vérification, au dossier du tribunal par la personne chargée de cette mission. De plus, en cas de refus d'approbation des comptes, le juge serait saisi des difficultés et pourrait statuer sur la conformité du compte.

D'après l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agit de « décharger complètement les directeurs des services de greffe judiciaires et les juges des tutelles de cette charge de travail chronophage ».

Si vos rapporteurs entendent bien la nature des difficultés, ils s'interrogent fortement sur la mise en oeuvre du dispositif tel qu'il est proposé.

Dans la plupart des cas, cette réforme risque fort de se traduire par une disparition pure et simple de tout contrôle, en particulier pour les personnes aux revenus et patrimoines les plus modestes. En effet, la majorité des tutelles n'ont ni conseil de famille, ni subrogé tuteur, le mécanisme de contrôle interne devenant alors inopérant.

En premier lieu, le principe d'un contrôle interne (subrogé tuteur ou conseil de famille) organisé avec un recours au juge comme cela est prévu en cas de difficultés constitue une idée intéressante et qui semble équilibrée, à l'exception de l'auto-approbation des comptes lorsqu'il y a plusieurs personnes en charge de la protection (447 du code civil).

Toutefois, très peu de mesures de protection semblent susceptibles de rentrer dans le champ d'application du contrôle interne par les organes de protection : selon les éléments communiqués à vos rapporteurs par le ministère de la justice, les statistiques nationales recensent 132 tutelles avec constitution d'un conseil de famille sur 300 000 mesures de tutelles ouvertes entre 2009 et 2016. S'agissant des subrogés tuteurs, ils sont désignés dans moins de 3 % des cas de tutelle, et 1 % des cas de curatelles.

De ce fait, mécaniquement, un grand nombre de mesures de protection ne seraient in fine soumises au contrôle des comptes de leur gestion que si le juge décidait, eu égard à l'importance et à la composition du patrimoine qu'il confie à une « personne qualifiée » le soin de vérifier et d'approuver les comptes, plutôt que d'exonérer la personne en charge de la protection de tout contrôle.

En outre, l'intervention éventuelle d'un tiers revient à faire reposer encore davantage le financement de la protection juridique des majeurs sur la personne protégée elle-même.

Vos rapporteurs regrettent que l'expérimentation du contrôle des comptes par des agents du Trésor public n'ait pas pu aboutir, dans la mesure où cette solution avait pour avantage de conserver un contrôle de la puissance publique.

Toutefois, prenant acte des difficultés, à ce stade, pour mettre en oeuvre un tel système, vos rapporteurs ont présenté à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-278 tendant à prévoir un dispositif alternatif afin de garantir la protection de toutes les personnes vulnérables.

En premier lieu, ce dispositif retient le principe d'un contrôle interne par le subrogé tuteur ou le conseil de famille, comme le propose le projet de loi. En cas de difficultés, le juge pourrait statuer sur les comptes à la demande de l'une des personnes en charge de la protection. Serait en revanche supprimée la possibilité pour les personnes en charge d'établir les comptes (lorsque plusieurs personnes sont en charge de la tutelle) de les approuver, eu égard au risque de manque d'impartialité.

En deuxième lieu, le dispositif retenu par votre commission permet au juge de désigner une personne qualifiée pour contrôler les comptes, si la composition ou l'importance du patrimoine le justifie, mais seulement si les ressources de la personne le permettent. La personne qualifiée serait choisie sur une liste établie par le procureur de la République, et ce dans le cadre de tarifs plafonnés par décret.

En troisième et dernier lieu, serait maintenu un contrôle par les greffes des tribunaux d'instance dès lors que la personne protégée ne dispose ni d'organe de contrôle interne, ni d'un patrimoine justifiant le recours à un contrôle externe.

Dans tous les cas, en cas de refus d'approbation des comptes, le juge pourrait être saisi d'un rapport de difficultés par la personne en charge de vérifier et d'approuver les comptes, et devrait alors statuer sur la conformité du compte.

Ce dispositif s'inscrit dans le sens des préconisations de la mission interministérielle confiée à Mme Anne Caron-Déglise 262 ( * ) .

Par cohérence, certaines dispositions sont par ailleurs regroupées dans le même article 512 du code civil.

Par l'adoption d'un second amendement COM-279 de ses rapporteurs, votre commission a maintenu, sur proposition de ses rapporteurs, le droit en vigueur s'agissant de la dispense d'établissement et de contrôle des comptes de gestion, qui peut actuellement être autorisée par le juge des tutelles, en cas de modicité des revenus ou de patrimoine de la personne protégée.

En effet, vos rapporteurs ont estimé qu'il n'y avait aucune raison d'élargir la possibilité de dispense aux mesures de protection confiées aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Le rapport de la mission interministérielle confiée à Mme Anne Caron-Déglise 263 ( * ) fait d'ailleurs état du souhait des membres de cette mission que les comptes établis par les mandataires professionnels demeurent soumis au contrôle du juge sans possibilité de dispense.

Votre commission a adopté l'article 17 ainsi modifié .

Article 18
(art. 373-2, 373-2-6 et 373-2-10 du code civil)
Renforcement de l'efficacité des décisions prises
en matière d'exercice de l'autorité parentale

L'article 18 du projet de loi vise à doter le juge aux affaires familiales d'un panel d'outils lui permettant de rendre plus effective l'exécution des décisions prises en matière d'exercice de l'autorité parentale.

L'inexécution de ces décisions est à l'origine de nombreuses saisines du juge pour qu'il modifie les mesures initialement prononcées ou fixées par convention non suivies d'effets, ce qui alourdit encore le contentieux familial, déjà considéré comme un contentieux de masse 264 ( * ) .

L'objectif du présent article est d'apporter une réponse graduée à ces inexécutions allant de la médiation familiale jusqu'à la réquisition des forces de l'ordre pour les hypothèses les plus graves.

1. La possibilité pour le juge de renvoyer les parties à la médiation familiale dans la décision statuant définitivement sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale

Le III du présent article modifie l'article 373-2-10 du code civil pour préciser que la proposition de médiation faite aux parents par le juge peut résulter de la décision statuant définitivement sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Il pourrait également leur enjoindre, dans cette décision, de rencontrer un médiateur familial pour recevoir une information sur l'objet et le déroulement d'une médiation familiale.

L'objectif de ce premier niveau de réponse est de désamorcer les conflits dès le prononcé de la décision en utilisant la médiation pour permettre une meilleure acceptation et donc une meilleure exécution de celle-ci.

2. La possibilité pour le juge d'assortir les mesures prononcées d'une astreinte et de prononcer une amende civile en cas de manquement grave ou répété de l'un des parents à ses obligations

Le deuxième niveau de réponse pensé par le Gouvernement vise à favoriser l'exécution spontanée des décisions du juge aux affaires familiales par la menace de sanctions financières.

Actuellement, l'article 373-2-6 du code civil prévoit que le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales peut prendre des mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents. Le 1° du II du présent article précise que le juge peut assortir les mesures prononcées d'une astreinte.

Le 2° du II complète l'article 373-2-6 précité par la possibilité pour le juge de condamner au paiement d'une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros le parent qui fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l'exécution d'une décision du juge, d'une convention homologuée par le juge ou d'une convention de divorce par consentement mutuel « déjudiciarisé » fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Ce dispositif est inspiré d'amendes civiles qui existent déjà dans le code civil et dans le code de procédure civile, comme par exemple en matière de sanction des recours dilatoires ou abusifs (article 32-1 du code de procédure civile), de sanction de l'administrateur légal, du tuteur ou de tout autre organe tutélaire lorsqu'il refuse de déférer à la convocation ou à la demande de communication d'information du juge des tutelles et du procureur de la République (articles 387-6 et 411-1 du code civil) ou encore de sanction de celui qui, sans motif légitime, se soustrait à l'obligation d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité (article 10 du code civil). Ces amendes sont toutes plafonnées à 10 000 euros.

La mise en place de cette amende civile est apparue appropriée à vos rapporteurs, par son effet dissuasif et dans la mesure où elle serait versée au Trésor public et non pas à l'autre partie. Symboliquement, elle sanctionne donc bien un défaut de respect d'une décision de justice rendue au nom du peuple français ou du titre exécutoire, ce qui correspond parfaitement à l'objectif poursuivi par le Gouvernement.

3. Le recours à la force publique pour faire exécuter une décision ou un accord fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale des parents séparés

Le troisième et dernier niveau de réponse proposé par le Gouvernement pour améliorer l'exécution des décisions prises en matière d'autorité parentale est prévu au I du présent article. Il complète l'article 373-2 du code civil pour prévoir qu'en cas d'inexécution d'une décision du juge aux affaires familiales, d'une convention homologuée par celui-ci ou d'une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire, fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale des parents séparés, la personne directement intéressée ou le juge aux affaires familiales pourrait saisir le procureur de la République, celui-ci pouvant alors requérir le concours de la force publique pour faire exécuter la décision ou la convention.

L'article 1074-1 du code de procédure civile dispose que « les mesures portant sur l'exercice de l'autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [...] sont exécutoires de droit à titre provisoire ».

Pour autant, il n'existe pas de règles particulières d'exécution forcée de ces mesures.

Pour faire respecter les modalités d'exercice de l'autorité parentale fixées par décision judiciaire ou par convention, le parent peut faire une sommation interpellative par acte d'huissier, mais cette procédure a un coût et demeure le plus souvent sans effet.

Quant au recours à la force publique, seules deux hypothèses spécifiques sont envisagées : le déplacement illicite international d'enfants 265 ( * ) ou le placement en assistance éducative décidé par le juge des enfants en application de l'article 375-3 du code civil 266 ( * ) . Dans ces deux hypothèses, le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions rendues.

Hors ces hypothèses, le parent qui souhaite faire appel à la force publique pour voir la mesure dont il bénéficie exécutée doit solliciter le préfet dans les conditions du droit commun. En effet, en application de l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution, « l'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires ».

Cette obligation pour l'État de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires a pu se traduire par la signature de conventions locales passées entre le préfet, les services de police et de gendarmerie et les parquets. Un tel dispositif avait été mis en oeuvre pour l'exécution forcée des décisions de placement en assistance éducative avant la mise en place de la procédure prévue actuellement à l'article 375-3 du code civil 267 ( * ) .

Ce n'est pas ce choix qu'a fait le Gouvernement. Celui-ci a préféré s'inspirer des dispositions prévues en matière de déplacement international d'enfant ou de placement en assistance éducative, en conférant au procureur de la République le pouvoir de requérir directement la force publique pour faire exécuter les décisions rendues ou les titres exécutoires.

Comme le souligne le Gouvernement, le procureur de la République « par sa connaissance de la procédure civile, de la matière familiale et de l'intérêt de l'enfant (en matière de mesures de protection, d'adoption, d'état civil...), mais aussi par ses liens avec les forces de l'ordre, apparaît le mieux à même de déterminer les situations où le recours à la force publique sera nécessaire et les modalités d'exécution appropriées » 268 ( * ) . Le texte dispose en effet que le procureur « peut » requérir le concours de la force publique, lui laissant ainsi sa pleine liberté d'appréciation des suites à donner à la demande du juge aux affaires familiales ou de la personne directement intéressée.

Pour écarter l'objection liée à l'augmentation d'activité que générerait cette mesure pour les parquets, le Gouvernement insiste sur le fait que cette procédure serait conçue comme « une voie d'exécution ultime, réservée à certaines situations seulement » 269 ( * ) .

Or, rien dans la rédaction proposée ne limite l'application de cette procédure aux cas les plus graves ou aux hypothèses de refus réitérés d'exécuter la décision. Certes, il reviendra aux parquets de juger de l'opportunité de requérir la force publique mais, en termes d'alourdissement de leur charge de travail, dès lors que la décision ou la convention ne sera pas exécutée, le juge, mais aussi la personne intéressée, pourra saisir directement le procureur de la République, sans qu'aucune condition ne limite cette saisine.

Par ailleurs, cette nouvelle compétence sera difficile à mettre en oeuvre pour les magistrats des parquets, car ils seront chargés d'exécuter des décisions prises par un autre magistrat, ce qui pourrait les placer en situation de porte à faux.

Enfin, et surtout, comme l'ont relevé plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs, le recours à la force publique pour exécuter les décisions du juge aux affaires familiales en matière d'exercice de l'autorité parentale est une question sensible car l'enfant est au coeur des mesures ordonnées et la contrainte peut s'avérer contre-productive.

La plupart des refus d'exécution concernent le droit de visite de l'un des parents. Il ne peut être envisagé de faire appel systématiquement au procureur de la République pour les retards ou pour les refus ponctuels de remise d'enfant. Or, en l'état du texte proposé, rien n'empêcherait l'un des parents de saisir le parquet au moindre manquement de l'autre parent, ce qui pourrait s'avérer particulièrement traumatisant pour l'enfant.

Si l'objectif est de réserver le recours à la force publique aux cas les plus graves, comme le fait valoir le Gouvernement, il existe déjà des dispositifs pénaux permettant de sanctionner le parent défaillant, comme le délit de non représentation d'enfant, encouru par le parent qui ferait obstacle au droit de visite de l'autre parent. Selon les chiffres présentés par la chancellerie, en 2016, les parquets ont été saisis de près de 38 000 affaires de non représentation d'enfant ou de soustraction d'enfant. 24 000 affaires, soit 60 % n'ont pu donner lieu à des poursuites en raison d'une infraction insuffisamment caractérisée ou d'absence d'infraction. Sur les 14 000 affaires restantes, la réponse pénale s'est traduite dans 90 % des cas par une procédure alternative aux poursuites : régularisation sur demande du parquet, médiation pénale... Dans 10 % des affaires, des poursuites ont été engagées 270 ( * ) .

Ces poursuites sont extrêmement rares mais n'est-ce pas justement l'objectif poursuivi ? Le recours à la force publique doit être réservé aux cas les plus extrêmes, lorsque tous les autres moyens ont été mis en oeuvre pour faire exécuter la décision.

À cet égard, vos rapporteurs estiment que les autres mesures prévues par le présent article devraient déjà avoir pour effet d'améliorer l'exécution des décisions prises en matière familiale, notamment la possibilité pour le juge d'assortir les mesures ordonnées d'une astreinte ou de prononcer une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros.

Enfin, cette proposition d'avoir recours à la force publique s'est heurtée à l'opposition du comité technique des services judiciaires consulté le 4 avril 2018 271 ( * ) et de l'ensemble des représentants du ministère public entendus par vos rapporteurs.

Pour l'ensemble de ces raisons, sur proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-250 qui supprime le I du présent article et la possibilité d'avoir recours à la force publique pour faire exécuter une décision relative à l'exercice de l'autorité parentale.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .

CHAPITRE III
CONCILIER LA PUBLICITÉ DES DÉCISIONS DE JUSTICE
ET LE DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

Article 19
(art. L. 10, L. 751-1 et L. 751-2 [nouveaux] du code de justice administrative, art. L. 111-13 et L. 111-14 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire et art. 11-1, 11-2 et 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile)
Renforcement de la protection de la vie privée
dans le cadre de la mise à disposition du public des décisions de justice, de la délivrance de copie des décisions de justice et de la publicité des débats

L'article 19 du projet de loi vise à ajuster diverses règles relatives à la publicité des décisions de justice. En premier lieu, il modifie les règles relatives à la mise à disposition du public, par voie électronique, dans le cadre de l' open data , de toutes les décisions de justice, en retenant un critère de sécurité et de respect de la vie privée des personnes mentionnées dans la décision afin de moduler cette mise à disposition. Ensuite, il introduit ce même critère afin de restreindre l'obligation de délivrance de copies individuelles des décisions de justice par les greffes. Par dérogation également au principe de publicité des décisions de justice, le droit d'obtenir délivrance de ces copies pourrait être limité en cas de « demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique ». Dans le même objectif de protection de la vie privée, le projet de loi limite davantage le principe de publicité des débats et des jugements.

1. L'ajustement des règles de l' open data des décisions de justice

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, sur le rapport de notre collègue Christophe-André Frassa, a prévu la mise à disposition du public, à titre gratuit, des décisions des juridictions judiciaires comme administratives, afin de permettre leur libre réutilisation, dans le respect de la vie privée des personnes concernées 272 ( * ) . Cette mise à disposition du public doit être précédée d'une analyse du risque de ré-identification des personnes, selon une formulation de compromis.

Ces dispositions devaient être précisées par décret en Conseil d'État, lequel n'a pas été pris à ce jour. Une mission a été confiée au professeur Loïc Cadiet par la garde des sceaux, en vue d'aider le Gouvernement à élaborer ce décret d'application. Ses conclusions ont été remises en janvier 2018. Celles-ci ont conduit le Gouvernement à revoir, dans le cadre du présent projet de loi, le dispositif législatif de l' open data des décisions de justice.

Ainsi, au lieu de l'obligation préalable d'une analyse du risque de ré-identification des personnes, le projet de loi prévoit que les éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision sont occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. Une telle formulation, que l'exposé des motifs du projet de loi présente comme une clarification, conduit à abaisser le niveau d'exigence en matière de protection de la vie privée, selon vos rapporteurs, car l'anonymisation ou la pseudonymisation des décisions ne serait plus la règle, sans pour autant simplifier la gestion concrète de l' open data par les juridictions puisqu'un traitement humain devrait toujours intervenir en complément d'un traitement automatisé des décisions.

L'objectif du Sénat en 2016 était bien de prévenir la ré-identification de toutes les personnes mentionnées dans les décisions, et pas simplement en cas de risque pour leur sécurité ou la protection de leur vie privée. À cet égard, la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée en octobre 2017, comportait un article relevant le niveau d'exigence de protection de la vie privée dans le cadre de l' open data et veillait également à l'anonymat des professionnels de justice, afin d'éviter tout risque, notamment de « profilage » des juges, pouvant conduire à des pressions ou des récusations de nature à altérer le fonctionnement normal de la justice.

En conséquence, par un amendement COM-234 visant les juridictions administratives et judiciaires, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a repris la disposition précitée figurant dans la proposition de loi. Celle-ci prévoit que les modalités de l' open data garantissent le respect de la vie privée des personnes mentionnées dans la décision et préviennent tout risque de ré-identification des magistrats et des fonctionnaires de greffe, des parties et de leur entourage et de toutes les personnes citées dans la décision, de même que tout risque d'atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions. Initialement, la proposition de loi couvrait aussi les avocats, pour éviter les risques de « scoring » ou de « ranking », mais les représentants de la profession ont fait savoir qu'ils préféraient que le nom des avocats figurât par principe dans les décisions diffusées dans le cadre de l' open data .

Par conséquent, la mise à disposition électronique de l'ensemble des décisions devrait consister à diffuser ces décisions sans information de nature à identifier les magistrats et les parties, de façon systématique et non au cas par cas, afin d'éviter tout risque d'exploitation inappropriée de ces données.

S'agissant des juridictions administratives, votre commission a aussi adopté un amendement COM-236 de coordination présenté par ses rapporteurs visant à codifier au sein du code de justice administrative le renvoi à un décret en Conseil d'État, que le projet de loi ne codifiait pas, concernant la mise à disposition du public des décisions de ces juridictions ainsi que la délivrance de copies individuelles de ces décisions, évoquée ci-après.

2. La délivrance de copie des décisions de justice

Dans un souci de clarification du principe de publicité des décisions de justice, le projet de loi précise le droit pour les tiers de se faire délivrer copie de toute décision par le greffe de la juridiction, pour les juridictions judiciaires et administratives. S'agissant des juridictions judiciaires, il prend soin d'ajouter que ce principe s'applique « conformément aux règles applicables en matière civile ou pénale », renvoyant ainsi aux règles particulières pouvant exister en la matière.

Le projet de loi apporte toutefois deux tempéraments à ce principe : d'une part, en cas de demandes abusives, résultant notamment de leur nombre ou de leur caractère répétitif ou systématique, le greffe pourrait les refuser et, d'autre part, les éléments qui permettraient d'identifier les parties et les tiers mentionnés dans la décision devraient être occultés si leur divulgation était de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage.

Si vos rapporteurs souscrivent pleinement à la première restriction, car elle vise en réalité à sanctionner l'abus d'un droit, c'est-à-dire l'usage abusif du droit d'avoir connaissance de toute décision de justice en raison du caractère public de celle-ci, et non à porter atteinte au droit lui-même, ils n'approuvent pas la seconde, qui constituerait une entorse potentiellement très importante au principe de publicité des décisions de justice. Au surplus, en dépit du décret en Conseil d'État prévu pour en préciser les modalités, elle dépendrait en pratique de l'appréciation par chaque fonctionnaire de greffe de l'atteinte ou non à la sécurité ou à la vie privée des personnes qui pourrait résulter de la délivrance de la copie de la décision. De plus, une telle appréciation est nécessairement subjective, en fonction de la personne qui demanderait cette copie.

En outre, les règles relatives à la publicité des débats et des jugements, présentées ci-après, permettent d'ores et déjà de prévoir le caractère non public de certaines informations sensibles au titre de la vie privée des personnes, qui inclut naturellement leur sécurité.

Aussi votre commission a-t-elle supprimé cette seconde restriction à la possibilité d'obtenir copie d'une décision de justice, concernant les juridictions administratives comme les juridictions judiciaires en adoptant en ce sens un amendement COM-238 présenté par ses rapporteurs.

3. La publicité des débats et du prononcé des jugements devant les juridictions civiles

Le projet de loi modifie les dispositions des articles 11-1 à 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile, lesquels détermine les règles de publication des débats et des jugements en matière civile 273 ( * ) .

En l'état du droit, « les débats sont publics ». Toutefois, ils ont lieu en chambre du conseil en matière gracieuse, c'est-à-dire lorsque le juge est appelé à intervenir dans une affaire qui n'est pas un litige, en particulier pour contrôler une situation ou un acte, et dans une liste de matières relatives à l'état et à la capacité des personnes déterminée par décret 274 ( * ) . Le juge peut également décider que les débats ont lieu en chambre du conseil pour éviter un risque d'atteinte à la vie privée, si toutes les parties le demandent ou « s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice ». Le projet de loi ajoute que les débats pourraient avoir lieu en chambre du conseil dans une liste de matières relatives à la vie privée et au secret des affaires, dans une rédaction facultative et sans préciser qui en déciderait.

Suivant une conception similaire à celle des débats, « les jugements sont prononcés publiquement », sauf en matière gracieuse et dans une liste de matières relatives à l'état et à la capacité des personnes fixée par décret 275 ( * ) . De plus, « les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement ». Le projet de loi comporte des restrictions analogues concernant la vie privée et le secret des affaires et précise que la copie du jugement est limitée à son dispositif lorsque les débats ont eu lieu en chambre du conseil.

Vos rapporteurs rappellent que la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires a déjà prévu des dispositions de nature à préserver toutes les informations protégées par le secret des affaires devant toutes les juridictions civiles et administratives 276 ( * ) . Il n'est donc pas utile de le prévoir dans le projet de loi, a fortiori dans une formulation différente.

S'agissant des matières relatives à la vie privée énumérées par décret pouvant justifier des débats en chambre du conseil, il semble plus simple à vos rapporteurs, pour lever l'ambiguïté de la rédaction et dès lors que le juge a déjà le pouvoir, en tout état de cause, de le décider en cas de risque d'atteinte à la vie privée, de prévoir que les débats ont lieu par principe en chambre du conseil dans cette série de matières relatives à la vie privée que le décret fixera.

Par ailleurs, vos rapporteurs approuvent la disposition selon laquelle la copie du jugement est limitée à son dispositif lorsque les débats ont eu lieu en chambre du conseil. Ainsi, même si la notion de décision de justice excède celle de jugement, l'ensemble de ces dispositions sont de nature à préserver la vie privée des personnes mentionnées dans les décisions sans qu'il soit nécessaire d'apporter des restrictions supplémentaires à la possibilité d'obtenir la copie d'une décision de justice.

Ainsi, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-241 visant à supprimer la mention du secret des affaires et à fixer la règle selon laquelle les débats ont lieu en chambre du conseil dans une liste de matières relatives à la vie privée déterminée par décret.

En outre, par ce même amendement, votre commission a codifié dans le code de l'organisation judiciaire, afin d'améliorer l'accessibilité du droit, ces dispositions relatives à la publicité des débats et des jugements des juridictions civiles, au sein du titre relatif aux principes généraux communs à toutes les juridictions judiciaires, lequel inclut déjà l'article relatif à l' open data et devrait inclure, selon le projet de loi, l'article sur la délivrance des copies des décisions.

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .

TITRE II BIS (NOUVEAU)
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX JURIDICTIONS COMMERCIALES

Article 19 bis (nouveau)
(art. L. 713-7, L. 713-11, L. 723-4 et L. 723-7 du code de commerce)
Extension du corps électoral des tribunaux de commerce
aux agriculteurs et professionnels indépendants

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-243 , l'article 19 bis du projet de loi reprend l'article 14 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par notre collègue Philippe Bas, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017. L'article 18 de la proposition de loi précitée était la traduction de la proposition n° 60 du rapport de la mission d'information constituée par votre commission sur le redressement de la justice.

L'article 19 bis vise à élargir le corps électoral des juges consulaires aux exploitants agricoles et professionnels indépendants, y compris les membres des professions libérales réglementées, par cohérence avec l'extension de la compétence des tribunaux de commerce à l'ensemble des entreprises, prévue à l'article 19 ter du projet de loi.

Avant l'extension du corps électoral aux artisans, adoptée à l'initiative du Sénat dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, le tribunal de commerce connaissait des difficultés des entreprises artisanales sans que les ressortissants du répertoire des métiers participent au scrutin indirect pour l'élection des juges consulaires. Pour autant, vos rapporteurs jugent nécessaire que les nouvelles catégories d'entreprises entrant dans le champ de compétence du tribunal de commerce puissent également être représentées parmi les juges consulaires formant ce tribunal. L'électorat comme l'éligibilité seraient ainsi étendus à ces nouvelles entreprises.

Cette réforme entrerait en vigueur le 1 er janvier 2020. Elle suppose l'établissement de listes électorales. Pour les agriculteurs, celles-ci pourraient être établies sur la base des inscrits au registre des actifs agricoles, pour les professions réglementées, sur la base des inscrits aux tableaux des ordres professionnels et, pour les autres entreprises indépendantes, sur la base des personnes déclarées auprès de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF).

Par cohérence avec les règles en vigueur relatives aux commerçants et artisans, les conjoints collaborateurs des agriculteurs et professionnels libéraux pourraient également être électeurs.

N'est pas prévue l'extension du corps électoral aux personnes morales non commerçantes, essentiellement des associations, entrant dans le champ de compétence du tribunal de commerce. En effet, il n'existe pas de registre ou d'autre instrument public permettant d'en connaître la liste.

Par ailleurs, pour tenir compte des difficultés de recrutement des juges consulaires, sans remettre en cause la limite d'âge fixée à 75 ans, l'article 19 bis permet qu'un juge consulaire soit élu pour cinq mandats consécutifs de quatre ans, au lieu de quatre seulement actuellement, outre le premier mandat, dont la durée est limitée à deux ans.

Votre commission a adopté l'article 19 bis ainsi rédigé .

Article 19 ter (nouveau)
(art. L. 611-2, L. 611-2-1 [abrogé], L. 611-3, L. 611-4, L. 611-5, L. 621-2, L. 662-3, L. 662-6, L. 713-6, L. 713-7, L. 713-11, L. 713-12, L. 721-1, L. 721-2, L. 721-3, L. 721-3-1, L. 721-4, L. 721-5 [abrogé], L. 721-6, L. 721-7, L. 721-8, L. 722-1, L. 722-2, L. 722-3, L. 722-3-1, L. 722-4, L. 722-5, L. 722-6, L. 722-6-1, L. 722-6-2, L. 722-6-3, L. 722-7, L. 722-8, L. 722-9, L. 722-10, L. 722-11, L. 722-12, L. 722-13, L. 722-14, L. 722-15, L. 722-16, L. 722-17, L. 722-18, L. 722-19, L. 722-20, L. 722-21, L. 723-1, L. 723-3, L. 723-4, L. 723-7, L. 723-9, L. 723-10, L. 723-11, L. 723-12, L. 724-1, L. 724-1-1, L. 724-2, L. 724-3, L. 724-3-1, L. 724-3-3, L. 724-4, L. 724-7, L. 731-2, L. 731-4, L. 732-1, L. 732-2, L. 732-3, L. 732-4, L. 732-5, L. 732-6, L. 732-7, L. 741-1, L. 741-2, L. 742-1, L. 742-2, L. 743-1, L. 743-2, L. 743-3, L. 743-4, L. 743-5, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-8, L. 743-12, L. 743-12-1, L. 743-13, L. 743-14, L. 743-15, L. 744-1 et L. 744-2 du code de commerce, art. L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 215-1 et L. 261-1 du code de l'organisation judiciaire, art. L. 145 A du livre des procédures fiscales, art. L. 2325-55 et L. 7322-5 du code du travail et art. L. 215-1 et L. 261-1 du code de l'organisation judiciaire)
Extension de la compétence des tribunaux de commerce, renommés tribunaux des affaires économiques, aux agriculteurs, professionnels indépendants et personnes morales de droit privé non commerçantes

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-246 , l'article 19 ter du projet de loi reprend l'article 15 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par notre collègue Philippe Bas, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017. L'article 15 de la proposition de loi précitée était également la traduction de la proposition n° 60 du rapport de la mission d'information constituée par votre commission sur le redressement de la justice.

L'article 19 ter vise à étendre la compétence des tribunaux de commerce à l'ensemble des entreprises, quel que soit leur statut, pour en faire de réels tribunaux des affaires économiques, alors qu'ils ne sont compétents aujourd'hui que pour les commerçants, les artisans et les sociétés commerciales.

Seraient concernés les agriculteurs, les professionnels indépendants, incluant les membres des professions libérales réglementées, et les personnes morales non commerçantes, principalement les associations, dans un souci de simplification et de cohérence.

Cette extension de compétence concerne uniquement la prévention et le traitement des difficultés des entreprises, relevant du livre VI du code de commerce. Elle entrerait en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1 er janvier 2022. Dès lors, la mission civile du tribunal de grande instance s'en trouverait allégée et recentrée. Toutes les procédures collectives relevant aujourd'hui du tribunal de grande instance seraient transférées au tribunal de commerce. Ce transfert est justifié par le savoir-faire juridictionnel particulier des juges consulaires dans ces matières, notamment la gestion de l'urgence et la connaissance de la matière économique. Au surplus, conserver au tribunal de grande instance une compétence résiduelle sur les associations n'ayant pas une activité économique ne serait pas rationnel pour le bon fonctionnement de la justice et la conduite efficace de ces procédures.

En revanche, comme votre commission l'avait retenu l'année dernière, ce transfert de compétence ne concernerait pas le contentieux général des litiges entre entreprises relevant actuellement du tribunal de grande instance.

L'extension de compétence aux exploitants agricoles ne remettrait pas en cause les règles propres au code rural et de la pêche maritime en matière de traitement des difficultés des entreprises : elles continueraient à s'appliquer aux exploitants agricoles sans aucune modification. De même, l'extension aux travailleurs indépendants ne remettrait pas en cause les règles particulières applicables aux professionnels libéraux réglementés, prévoyant notamment une implication des instances ordinales ou professionnelles dans la procédure.

Par ailleurs, l'article 19 ter dispose que le greffe des tribunaux mixtes des affaires économiques dans les départements et régions d'outre-mer est bien assuré par un greffier de tribunal des affaires économiques, à l'article L. 732-3 du code de commerce. Il s'agit de réaffirmer ainsi clairement la volonté du législateur, exprimée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, jamais appliquée par le Gouvernement à ce jour, selon laquelle le greffe de ces tribunaux, à l'instar de celui des tribunaux de commerce métropolitains, doit être assuré par un greffier de tribunal de commerce et non, comme c'est encore le cas aujourd'hui, par le greffe du tribunal de grande instance, dans des conditions qui ne permettent pas la tenue du registre du commerce et des sociétés de manière satisfaisante, en dépit des efforts déployés par le ministère de la justice. À ce jour, les dysfonctionnements du registre du commerce et des sociétés, en particulier les retards de traitement des formalités et le défaut de dématérialisation, pénalisent gravement les entreprises locales, leur accès aux marchés publics et le développement économique de ces territoires.

Votre commission a adopté l'article 19 ter ainsi rédigé .

Article 19 quater (nouveau)
(art. L. 145-56, L. 622-14-1 [nouveau] et L. 721-3-2 [nouveau]
du code de commerce)
Attribution aux tribunaux de commerce de la compétence pour connaître des litiges relatifs aux baux commerciaux entre entreprises

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-251 , l'article 19 quater du projet de loi vise à attribuer aux tribunaux de commerce la compétence pour connaître des litiges relatifs aux baux commerciaux, dès lors que les parties sont des personnes relevant de la compétence ordinaire des tribunaux de commerce, et pour statuer sur tout litige relatif au bail du débiteur dans une procédure collective, afin d'éviter le ralentissement des procédures dans l'hypothèse où la décision concernant ce litige relève du tribunal de grande instance. Cette seconde disposition figurait dans l'article 15 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par notre collègue Philippe Bas, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017. L'article 15 de la proposition de loi précitée était elle aussi la traduction de la proposition n° 60 du rapport de la mission d'information constituée par votre commission sur le redressement de la justice.

Concernant la disposition reprise de la proposition de loi, il s'agit de résoudre une difficulté, en cas de procédure collective, en raison de la compétence du tribunal de grande instance en matière de baux commerciaux. En effet, il n'est pas rare que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire pour un commerçant soit accompagnée ou précédée d'un litige concernant un bail commercial. Dans ce cas, si le tribunal de commerce est compétent pour la procédure collective, le tribunal de grande instance le demeure pour le litige sur le bail commercial, chaque procédure suivant son rythme propre, alors que la procédure collective est en principe guidée par un impératif d'urgence. Dans un objectif de cohérence et de rapidité de l'action des juridictions consulaires, lorsqu'un litige sur un bail commercial concerne le débiteur dans une procédure collective, le tribunal de commerce saisi de la procédure collective serait donc aussi appelé à trancher le litige sur le bail, en lieu et place du tribunal de grande instance, afin d'éviter que le délai de la procédure portant sur le bail ne fasse obstacle à une action rapide de la juridiction commerciale sur la procédure collective.

Par rapport aux travaux de votre commission sur la proposition de loi en 2017, vos rapporteurs ont approfondi la réflexion concernant plus largement le transfert du contentieux des baux commerciaux au tribunal de commerce. La compétence traditionnelle du tribunal de grande instance en la matière résulte du fait que le bailleur peut ne pas être un commerçant ou une société commerciale, mais un particulier ou une personne morale non commerçante. Dès lors, même lorsque le preneur est une société commerciale, par exemple une société foncière ou une société gestionnaire d'un ensemble commercial, le tribunal de grande instance est compétent, alors qu'il s'agit d'un litige de nature exclusivement commerciale, matière relevant concrètement du savoir-faire des juges consulaires. En conséquence, il est apparu à votre rapporteur qu'un tel transfert de compétence vers le tribunal de commerce était envisageable dès lors que le bailleur et le preneur relevaient tous les deux de la compétence ordinaire du tribunal de commerce en matière de litiges commerciaux. Plus précisément, ce transfert de compétence concernerait les litiges relatifs aux baux commerciaux, mais également aux baux professionnels et aux conventions d'occupation précaire conclues entre des parties relevant de la compétence ordinaire du tribunal de commerce.

Votre commission a adopté l'article 19 quater ainsi rédigé .

TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
CHAPITRE IER
ALLÉGER LA CHARGE
DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Article 20
(art. 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016
de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Allongement de la durée de l'expérimentation de tentative obligatoire
de médiation préalable à la saisine du juge administratif
pour des litiges de la fonction publique et les litiges sociaux

L'article 20 du projet de loi vise à allonger la durée de l'expérimentation de tentative de médiation obligatoire avant la saisine du juge administratif, en matière de litiges relatifs à la fonction publique et en matière de litiges sociaux.

L'article 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle a prévu, à titre expérimental, pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la loi, une tentative obligatoire de médiation préalable avant la saisine du juge administratif, pour les litiges relatifs à la situation personnelle des agents publics ou les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi.

Cette expérimentation doit donc s'achever en novembre 2020. Or, en application du décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux, le dispositif n'est entré en vigueur qu'au 1 er avril 2018, réduisant la durée de l'expérimentation à moins de trois ans.

Le projet de loi propose donc de reporter son terme au 31 décembre 2021.

Votre commission a approuvé le report du terme de cette expérimentation, qui permet de respecter la volonté du législateur, qui avait fixé à quatre ans sa durée.

Elle a adopté l'article 20 sans modification .

Article 21
(art. L. 222-2-1, L. 222-2-2 et L. 222-2-3 [nouveaux], L. 222-5
et L. 222-6 [nouveaux] du code de justice administrative)
Recours aux magistrats honoraires au sein des tribunaux administratifs
et des cours administratives d'appel

L'article 21 du projet de loi vise à permettre aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel d'avoir recours à des magistrats honoraires 277 ( * ) pour exercer des fonctions juridictionnelles et des fonctions d'aide à la décision au sein de ces juridictions.

• Les nouvelles compétences des magistrats honoraires

Actuellement, le code de justice administrative prévoit que les magistrats honoraires peuvent siéger au sein de certaines commissions (article L. 222-2) ou statuer sur certains recours en matière de contentieux des étrangers dont le tribunal est saisi (article L. 222-2-1 du code de justice administrative).

Le 1° du présent article propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 222-2-1 précité, tendant à prévoir que, désormais, en plus de ces compétences, les magistrats honoraires pourraient également :

- exercer les fonctions de rapporteur en formation collégiale ;

- statuer sur les recours relevant de la compétence du juge statuant seul ;

- statuer sur les référés.

Le 2° du présent article crée un nouvel article L. 222-2-3 du code de justice administrative, qui permettrait aux magistrats honoraires d'exercer également des fonctions d'aide à la décision au profit des magistrats des tribunaux administratifs.

Il précise que ces fonctions seraient incompatibles avec celles de magistrat honoraire exerçant des activités juridictionnelles.

• Les conditions d'exercice des magistrats honoraires

Les fonctions de magistrat honoraire exerçant des activités juridictionnelles seraient plus strictement encadrées que celles de magistrat honoraire exerçant des activités d'aide à la décision.

Ainsi, en application du nouvel article L. 222-2-2 du code de justice administrative, les magistrats honoraires exerçant des activités juridictionnelles devraient se soumettre aux mêmes garanties d'indépendance et d'impartialité que celles prévues pour les magistrats en fonction aux articles L. 231-1 à L. 231-9 du code de justice administrative. En outre, ils ne pourraient être membres du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ni participer à la désignation des membres de cette instance. En application du nouvel article L. 222-2-3 du même code, les magistrats honoraires exerçant des activités d'aide à la décision ne seraient soumis qu'à une obligation de secret professionnel.

Si les magistrats honoraires exerçant des activités juridictionnelles étaient autorisés à exercer une activité professionnelle, celle-ci ne devrait pas être de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'indépendance des fonctions juridictionnelles exercées. Ils ne pourraient exercer aucune activité d'agent public, à l'exception de celles de professeur des universités ou de maître de conférences.

Ils ne pourraient faire état de leur qualité de magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dans les documents relatifs à leur activité professionnelle, tant pendant la durée de l'exercice de leurs fonction qu'à l'issue de celles-ci.

En revanche, les magistrats honoraires exerçant des activités d'aide à la décision auraient seulement interdiction d'exercer une profession libérale juridique ou judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ou d'être salariés d'un membre d'une telle profession, cette interdiction étant également prévue pour les magistrats honoraires exerçant des activités juridictionnelles.

Par ailleurs, seuls les magistrats honoraires exerçant des activités juridictionnelles seraient soumis aux règles de discipline applicables aux magistrats administratifs, prévues par le chapitre VI du titre III du livre II du code de justice administrative.

Enfin, tous seraient soumis à une limite d'âge de 75 ans et seraient indemnisés dans des conditions prévues par décret.

• Le recours à des magistrats honoraires au sein des cours administratives d'appel

Le 3° du présent article permet aux cours administratives d'appel, dans les mêmes conditions que les tribunaux administratifs, d'avoir recours à des magistrats honoraires pour exercer des fonctions juridictionnelles, cette fois limitées aux fonctions de rapporteur en formation collégiale, ou pour statuer sur les référés, et à des magistrats honoraires pour exercer des fonctions d'aide à la décision au profit des magistrats.

• La position de votre commission

Ces mesures sont inspirées des mesures prévues pour les magistrats honoraires exerçant au sein de l'ordre judiciaire par l'article 40 de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats.

Selon vos rapporteurs, elles permettraient de faire profiter les juridictions administratives de l'expérience de ces magistrats et d'apporter un renfort précieux aux magistrats en exercice qui font face à un accroissement continu du contentieux, à effectifs constants, en raison d'un contexte budgétaire contraint.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a cependant adopté un amendement COM-252 qui prévoit, comme c'est le cas pour les magistrats honoraires de l'ordre judiciaire, que c'est seulement à leur demande qu'ils exerceront des fonctions d'aide à la décision au profit des magistrats. En effet, il lui est apparu délicat d'imposer à des magistrats expérimentés ces fonctions d'aide à la décision qui sont généralement occupées par des assistants de justice.

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .

Article 22
(art. L. 122-3 et L. 228-1 [nouveau] du code de justice administrative)
Création de juristes assistants au sein des juridictions administratives

L'article 22 du projet de loi vise à permettre le recrutement de juristes assistants dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel (nouvel article L. 228-1 du code de justice administrative), ainsi qu'au Conseil d'État (nouvel article L. 122-3 du même code).

Le dispositif prévu est la reprise, à quelques modifications rédactionnelles près, de l'article 24 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, relatif au recrutement des juristes assistants dans les juridictions de l'ordre judiciaire.

Il a été approuvé par la commission supérieure du Conseil d'État et par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Les juridictions administratives ont déjà recours à des personnels non magistrats d'aide à la décision. Outre le greffe, les juridictions administratives font appel à des assistants du contentieux, des assistants de justice et des vacataires « aide à la décision », auxquels viennent s'ajouter des stagiaires.

Les représentants des syndicats de magistrats administratifs se sont montrés sceptiques s'agissant de la création d'un statut supplémentaire de personnel, estimant qu'elle risquait de rendre peu lisible la répartition des compétences entre ces différents intervenants, les juristes assistants faisant doublon avec les assistants du contentieux et les assistants de justice qui interviennent déjà au titre de l'aide à la décision.

Ces mêmes objections avaient été formulées par votre commission, dans le cadre de l'examen de la loi du 18 novembre 2016, concernant la création des juristes assistants dans l'ordre judiciaire 278 ( * ) .

Cependant, dès lors que ce nouveau statut a tout de même été créé et que les magistrats judiciaires semblent être pleinement satisfaits du concours des juristes assistants, vos rapporteurs ne voient pas de raison de s'opposer à leur déploiement au sein des juridictions administratives, d'autant que, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, ils ont vocation à remplacer progressivement les assistants du contentieux et les vacataires qui interviennent au titre de l'aide à la décision 279 ( * ) , améliorant ainsi la lisibilité en matière de répartition des compétences au sein des juridictions administratives.

Dès lors, puisque le contexte budgétaire contraint ne permet pas de recruter de nouveaux magistrats, alors même que les juridictions administratives font face à un accroissement continu des contentieux qui leur sont soumis, en particulier des contentieux de masse, répétitifs, tels que le contentieux des étrangers ou les contentieux sociaux, vos rapporteurs ont considéré que ce renfort était bienvenu.

Votre commission a adopté l'article 22 sans modification .

Article 23
(art. L. 133-7-1 [nouveau], L. 233-7, L. 233-8 du code de justice administrative et art. 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge
et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'État)
Conditions du maintien en activité de magistrats administratifs
au-delà de la limite d'âge

L'article 23 du projet de loi vise à tenir compte de l'intérêt du service public de la justice pour apprécier une demande de maintien en activité d'un magistrat ayant atteint l'âge limite fixé pour l'exercice de ses fonctions, 67 ans 280 ( * ) .

Actuellement, en application de l'article L. 233-7 du code de justice administrative, pour les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le maintien en activité au-delà de la limite d'âge est de droit. Ils sont, « sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre ».

Une mesure tout à fait similaire est prévue pour les membres du Conseil d'État, à l'article 1 er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'État.

Le projet de loi propose de mettre fin à cette automaticité et de soumettre la demande de maintien en activité à l'avis de la commission supérieure du Conseil d'État pour les membres du Conseil d'État et à l'avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pour les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Ces deux structures collégiales seront chargées d'apprécier la demande à l'aune de l'intérêt du service et de l'aptitude de l'intéressé.

L'objectif est d'améliorer le service public de la justice en vérifiant la capacité du magistrat à continuer d'exercer ses activités, au regard de son état de santé, de son parcours professionnel et d'éventuels comportements ayant entraîné des sanctions disciplinaires.

Ce contrôle est inspiré de celui qui a été mis en place pour les magistrats du siège de l'ordre judiciaire par la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature. L'article 76-1-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction issue de la loi organique de 2016, dispose que les demandes de maintien en activité des magistrats sont transmises à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui « se prononce en considération de leur aptitude et de l'intérêt du service ». Pour les magistrats du parquet, le CSM donne un simple avis.

Votre commission ne peut qu'approuver cette mesure qui contribue à la bonne administration de la justice

Votre commission a adopté l'article 23 sans modification .

CHAPITRE II
RENFORCER L'EFFICACITÉ
DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE

Article 24
(art. L. 511-2 du code de justice administrative)
Recours à la collégialité en matière de référés
précontractuels et contractuels

L'article 24 du projet de loi vise à permettre le traitement du contentieux administratif des référés en matière précontractuelle et contractuelle par une formation de trois juges des référés.

Actuellement, si le principe est celui d'un jugement à juge unique, le Conseil d'État admet le renvoi de ces recours à une formation « normale » de la chambre, composée du président, du rapporteur, de l'assesseur et du rapporteur public.

Le traitement de ces contentieux ne peut donc se faire que :

- par un magistrat statuant seul, dans le cadre des référés précontractuels et contractuels, alors qu'il s'agit d'affaires complexes ;

- par une chambre, formation de jugement mobilisée dans l'urgence, avec tous les inconvénients que cela entraîne en termes d'organisation, puisque ce renvoi « doit être concilié avec un calendrier des audiences déjà arrêté [...] qu'il est difficile de venir alourdir » 281 ( * ) .

Depuis la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, l'article L. 511-2 du code de justice administrative prévoit que, quand la nature de l'affaire le justifie, le président de la juridiction peut décider qu'elle sera jugée par une formation composée de trois juges des référés. Cette procédure concerne les référés « urgence », c'est-à-dire les référés « suspension », « liberté » et « mesures utiles ».

Le projet de loi propose d'étendre le recours à cette procédure, aux référés précontractuels et contractuels.

Le renvoi à une formation de trois juges des référés permettrait de faire bénéficier de la collégialité ces contentieux de la passation des contrats administratifs et des marchés publics, qui se caractérisent par leur complexité et leurs forts enjeux économiques, tout en évitant de bouleverser l'organisation des chambres, car les juridictions organisent des permanences hebdomadaires durant lesquelles un nombre fixe de magistrats traitent des contentieux de l'urgence notamment.

Vos rapporteurs approuvent pleinement cette mesure, qui permettra d'améliorer la qualité et l'efficacité de la justice administrative.

Votre commission a adopté l'article 24 sans modification .

Article 25
(art. L. 911-1 et L. 911-2 à L. 911-5 du code de justice administrative, art. L. 2333-87-8-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Renforcement de l'effectivité des décisions de justice administratives

L'article 25 du projet de loi vise à renforcer les pouvoirs du juge administratif et de la commission du contentieux du stationnement en matière d'exécution des décisions de justice, en leur permettant de prescrire d'office certaines mesures et d'assortir leurs décisions d'astreintes.

• L'injonction faite à l'administration de prendre certaines mesures d'exécution

Actuellement, l'article L. 911-1 du même code de justice administrative prévoit que lorsque la décision de justice implique que l'administration prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction ne peut prescrire cette mesure, le cas échéant dans un délai déterminé, que si elle a été saisie de conclusions en ce sens.

Le 1° du présent article propose de modifier l'article L. 911-1 pour permettre au juge de prescrire d'office cette mesure.

• L'injonction faite à l'administration de prendre une nouvelle décision

Actuellement, l'article L. 911-2 du même code prévoit que lorsque la décision de la juridiction implique que l'administration prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction ne peut prescrire ce nouvel examen, dans un délai déterminé, que si elle a été saisie de conclusions en ce sens.

Le 2° du présent article propose de modifier l'article L. 911-2 pour permettre au juge de prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision.

• La possibilité pour le juge d'assortir ces injonctions d'astreintes

Actuellement, en application de l'article 911-3 du même code, pour assortir d'une astreinte l'injonction de prendre la mesure prévue à l'article L. 911-1 ou de rendre une nouvelle décision en application de l'article L. 911-2, la juridiction doit être saisie de conclusions en ce sens.

Le 3° du présent article propose de modifier l'article L. 911-3 pour permettre au juge d'assortir d'une astreinte ces injonctions.

Dans son avis rendu à propos du projet de loi, le Conseil d'État a estimé que ces modifications étaient justifiées par le fait que les requérants ne pensent pas nécessairement à demander au juge d'enjoindre à l'administration de prendre la mesure d'exécution ou la nouvelle décision nécessaire. Il peut également arriver que le requérant n'invoque pas l'article qui correspond à sa situation ; or, la requalification des conclusions du requérant n'est pas toujours possible en la matière 282 ( * ) .

Le 4° du présent article apporte une simplification rédactionnelle à l'article L. 911-4 du code de justice administrative.

Quant au 5° du présent article, il apporte diverses précisions à l'article L. 911-5 du même code, dont la rédaction est actuellement imparfaite, puisqu'il autorise par exemple le Conseil d'État à prononcer une astreinte alors même qu'il ne lui reconnait pas de pouvoir d'injonction.

Enfin, le II du présent article insère un nouvel article L. 2333-87-8-1 dans le code général des collectivités territoriales pour prévoir que lorsque la décision de la commission du contentieux du stationnement payant implique que la collectivité territoriale, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte concerné prenne une mesure d'exécution, cette commission peut, même d'office, prononcer une injonction à l'encontre de cette entité de prendre une telle mesure, assortie, le cas échéant d'une astreinte.

Vos rapporteurs ont estimé que cette dernière mesure se justifiait car la commission du contentieux du stationnement payant est dotée de compétences juridictionnelles et doit donc être en mesure de contraindre l'administration à restituer aux requérants les sommes indûment versées.

Votre commission a adopté l'article 25 sans modification .

TITRE IV
DISPOSITIONS PORTANT
SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT
DE L'EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES
AU PARCOURS JUDICIAIRE DES VICTIMES

Article 26
(art. 10-2, 15-3-1 [nouveau], 40-4-1, 89, 391, 393-1, 420-1 et 706-57
du code de procédure pénale)
Diverses mesures de simplification de la procédure pénale

L'article 26 du projet de loi prévoit d'autoriser les plaintes et signalements en ligne et procède à des simplifications concernant la déclaration du domicile, le renvoi de l'action civile et la constitution de partie civile.

1. Possibilité d'effectuer des plaintes et des signalements en ligne pour certaines infractions

Le paragraphe I tend à insérer dans le code de procédure pénale un nouvel article 15-3-1 pour autoriser les plaintes et signalements en ligne.

L'article 15-3 du même code prévoit que tout dépôt de plainte donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal et à la remise immédiate d'un récépissé à la victime. Ces deux exigences doivent être adaptées aux conditions particulières d'une plainte en ligne.

Ainsi, le nouvel article 15-3-1 dispose que, lorsque la plainte de la victime est adressée par voie électronique, le procès-verbal est établi selon les modalités prévues à l'article 801-1 du code de procédure pénale, ce qui signifie qu'il serait revêtu d'une signature numérique ou électronique. Le récépissé et l'éventuelle copie du procès-verbal pourraient être adressés par voie électronique à la victime.

Le nouvel article 15-3-1 apporte une deuxième précision importante sur le plan procédural : le lieu de traitement automatisé des informations nominatives relatives aux plaintes et aux signalements adressés en ligne serait considéré comme le lieu de constatation de l'infraction. Cette précision est importante pour que les enquêteurs qui réceptionnent ces plaintes et signalements puissent, le cas échéant, débuter une enquête.

Le nouvel article 15-3-1 renvoie à un décret le soin de préciser les modalités concrètes de la plainte et du signalement en ligne et, surtout, de préciser les cas dans lesquels le recours à la voie dématérialisée serait autorisé.

Au vu de l'étude d'impact, l'intention du Gouvernement n'est pas d'autoriser le recours à la voie dématérialisée pour toutes les infractions. Elle serait notamment exclue pour les crimes et délits graves contre les personnes. Votre commission approuve ce principe, considérant qu'il est essentiel que les victimes de crimes et délits graves bénéficient d'un accueil physique, qui est la condition de l'écoute attentive et du soutien auquel elles ont droit dans ces circonstances.

En pratique, le Gouvernement souhaite l'adoption de ce nouvel article afin de permettre la mise en fonction de certaines plateformes en cours de développement :

- la plate-forme Thésée pour les plaintes en ligne en matière d'escroquerie sur Internet (escroquerie à la petite annonce, faux sites de vente, usurpations de boîte mail...). Son lancement est prévu en 2019 et elle devrait être gérée pour la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité au sein de la direction centrale de la police judiciaire ;

- la plate-forme Perceval pour les victimes d'un usage frauduleux de leur carte bancaire sur Internet. Lancée en juin 2018, elle est gérée par le service central du renseignement criminel de la gendarmerie nationale, basé à Pontoise ;

- la brigade numérique, développée par la gendarmerie et déployée en février 2018 et basée à Rennes ; actuellement, elle permet de réaliser en ligne une partie des fonctions d'accueil du public, de répondre aux sollicitations des internautes et d'orienter les usagers vers les télé-services ; elle pourrait recueillir des informations de nature pénale via des plaintes ou dénonciations.

Votre commission approuve le choix du Gouvernement de poursuivre le développement d'applications permettant le dépôt de plaintes en ligne. À l'ère du numérique, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à souhaiter pouvoir utiliser ces moyens modernes de communication dans leurs relations avec la justice. De plus, le traitement centralisé des plaintes et signalements favorise les recoupements et permet donc de gagner en efficacité dans les enquêtes.

Cependant, votre commission exprime une réserve par rapport à la perspective d'une éventuelle généralisation de la plainte en ligne. D'abord, parce qu'une partie de nos concitoyens demeurent peu à l'aise avec l'outil informatique, comme le Défenseur des droits le rappelle souvent dans ses interventions. Mais aussi parce que le contact humain avec un policier ou un gendarme au moment du dépôt de plainte paraît essentiel pour les victimes d'agressions ou de violences. Ce premier contact permet d'apporter un soutien à la victime et de recueillir les premiers éléments utiles à l'enquête.

Un décret précisera dans quels cas le dépôt de plainte en ligne sera possible. On a vu que ce sont des escroqueries sur internet ou des fraudes à la carte bancaire qui sont principalement visées. Par un amendement COM-183 de ses rapporteurs, votre commission a souhaité préciser dans la loi que la plainte en ligne n'est pas possible pour les crimes et délits commis contre les personnes .

2. Mesures de simplification concernant la déclaration du domicile de la victime

Le paragraphe II propose une mesure de simplification ponctuelle, à l'article 10-2 du code de procédure pénale. Cet article fixe la liste des droits dont les victimes doivent être informées par l'officier ou l'agent de police judiciaire.

Au 9°, est visé le droit pour la victime, dans un souci de discrétion, de déclarer comme domicile l'adresse d'un tiers, avec l'accord exprès de celui-ci. Il est proposé de préciser que la victime pourra déclarer son adresse professionnelle sans rechercher cet accord lorsque la victime est une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public et que l'infraction a été commise en raison de ses fonctions ou de sa mission. Ainsi, un fonctionnaire, un agent de police par exemple, victime d'une infraction dans le cadre de ses fonctions pourrait, sans formalité, déclarer l'adresse de son lieu de travail.

Le paragraphe III prévoit la même mesure de simplification à l'article 40-4-1 du code de procédure pénale, relatif au dépôt de plainte avec constitution de partie civile. La victime qui souhaite se constituer partie civile peut déclarer une adresse personnelle ou l'adresse d'un tiers, sous réserve de l'accord exprès de celui-ci. Là encore, cet accord ne serait plus requis si la victime est une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, si l'infraction a été commise en raison de ses fonctions ou de sa mission et si l'adresse déclarée est son adresse professionnelle.

La même simplification serait apportée à l'article 89 relatif à l'adresse que la partie civile doit indiquer au juge d'instruction.

Votre commission a adopté sans modification ces mesures de simplification qui ne soulèvent pas de difficultés.

3. Renvoi de l'affaire sur l'action civile quand la victime n'a pas été informée de l'audience

Les paragraphes IV et V visent également à apporter une mesure de simplification, relative cette fois à l'audience devant le tribunal correctionnel. L'objectif est ici d'éviter le renvoi du procès sur l'action publique au motif que la victime n'a pas reçu l'avis l'informant de la date d'audience.

Dans ce but, l'article 391 du code de procédure pénale serait complété pour préciser que, lorsqu'il n'est pas établi que la victime a effectivement été touchée par l'avis d'audience, le tribunal, s'il estime que la présence de la victime n'est pas indispensable aux débats sur l'action publique, doit renvoyer le jugement de l'affaire sur l'action civile à une audience ultérieure. Le tribunal fixe la date de l'audience et la victime en est avisée. L'affaire sur l'action civile serait jugée par le président du tribunal statuant à juge unique.

L'article 393-1 du code de procédure pénale serait également complété pour que ce renvoi de l'affaire sur l'action civile soit également possible dans le cadre de la procédure de comparution immédiate.

La commission a considéré que ce dispositif pouvait permettre d'éviter le renvoi de certaines audiences du tribunal correctionnel, sans porter atteinte au droit des victimes à obtenir l'indemnisation de leur dommage.

Elle a cependant adopté un amendement COM-182 de ses rapporteurs afin de corriger une erreur de renvoi .

4. Constitution de partie civile par voie électronique

Le paragraphe VI tend à modifier l'article 420-1 du code de procédure pénale afin de simplifier la procédure de constitution de partie civile.

Actuellement, la victime d'une infraction peut se porter partie civile, afin d'obtenir des dommages et intérêts, soit pendant l'audience, soit avant l'audience auprès du greffe du tribunal, soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par télécopie parvenue au tribunal vingt-quatre heures au moins avant la date de l'audience.

Deux modifications sont proposées : d'abord, la victime pourrait aussi se constituer partie civile par le moyen d'une communication électronique ; ensuite, le tribunal ne pourrait plus déclarer la constitution de partie civile irrecevable au motif du non-respect du délai de vingt-quatre heures si le tribunal en a eu effectivement connaissance avant les réquisitions du ministère public sur le fond.

La commission a adopté sans modification ces dispositions qui simplifient la constitution de partie civile.

5. Mesure de simplification concernant l'adresse déclarée par les témoins

Enfin, le paragraphe VII tend à introduire une dernière mesure de simplification concernant l'adresse déclarée par les témoins.

L'article 706-57 du code de procédure pénale dispose que les témoins peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie ou leur adresse professionnelle s'ils ont été convoqués en raison de leur profession.

Il est proposé de supprimer l'autorisation du procureur de la République lorsque le témoignage est apporté par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, pour des faits qu'elle a connus en raison de ses fonctions ou de sa mission, et que l'adresse déclarée est l'adresse professionnelle.

Votre commission a adopté sans modification cette mesure de simplification.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX PHASES D'ENQUÊTE ET D'INSTRUCTION

Section 1
Dispositions communes aux enquêtes et à l'instruction
Sous-section 1
Dispositions relatives au recours aux interceptions
par la voie des communications électroniques, à la géolocalisation,
à l'enquête sous pseudonyme et aux techniques spéciales d'enquête

La sous-section 1 du chapitre II du titre IV du projet de loi regroupe plusieurs articles visant à élargir le champ d'application de plusieurs techniques d'enquête.

Le tableau ci-après présente l'ensemble des techniques d'enquêtes pouvant être actuellement utilisées dans le cadre des enquêtes (de flagrance ou préliminaire) et des informations judiciaires (instructions).

Base légale actuelle

Techniques

Procédures de droit commun

Art. 60-1 et 60-2 du code de procédure pénale

Réquisitions adressées à toute personne physique ou morale
de remise d'informations ou de données utiles
à la manifestation de la vérité
[enquête de flagrance]

Art. 77-1 du code
de procédure pénale

Recours à toute personne qualifiée pour des constatations,
des examens techniques ou scientifiques
[enquête préliminaire]

Art. 77-1-1 et 77-1-2
du code de procédure pénale

Réquisitions adressées à toute personne physique ou morale
de remise d'informations ou de données utiles
à la manifestation de la vérité
[enquête préliminaire]

Art. 99-3 et 99-4
du code de procédure pénale

Réquisitions adressées à toute personne physique ou morale de remise d'informations ou de données utiles à la manifestation de la vérité
[information judiciaire]

Art. 100 du code
de procédure pénale

Interceptions de correspondances
[information judiciaire]

Art. 230-1 et 230-2
du code de procédure pénale

Opérations techniques de déchiffrement

Art. 230-32 et 230-33
du code de procédure pénale

Géolocalisation par l'utilisation d'un appareil ou d'un dispositif technique

Procédures applicables aux infractions
relevant de la délinquance et de la criminalité organisées

Art. 706-81 à 706-87
du code de procédure pénale

Infiltration

Art. 706-87-1 du code
de procédure pénale

Enquête sous pseudonyme

Art. 706-95 du code
de procédure pénale

Interceptions de correspondances émises par la voie
des communications électroniques (« écoutes judiciaires »)
[enquête de flagrance ou préliminaire]

Art. 706-95-1 du code
de procédure pénale

Accès aux correspondances stockées sur Internet et protégées
au moyen d'un identifiant numérique
[enquête de flagrance ou préliminaire]

Art. 706-95-2 du code
de procédure pénale

Accès aux correspondances stockées sur Internet et protégées
au moyen d'un identifiant numérique [information judiciaire]

Art. 706-95-4 du code de procédure pénale

IMSI-catcher
[enquêtes]

Recueillir les données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation d'un équipement terminal utilisé

Interception des correspondances émises
ou reçues par un équipement terminal

Art. 706-95-5 du code
de procédure pénale

IMSI-catcher
[information judiciaire]

Recueil des données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement
de son utilisateur

Interception des correspondances émises ou reçues par un équipement terminal

Art. 706-96 du code
de procédure pénale

Sonorisations dans des lieux ou véhicules privés ou publics et fixations d'images dans un lieu privé
[enquêtes]

Art. 706-96-1 du code
de procédure pénale

Sonorisations dans des lieux ou véhicules privés ou publics
et fixations d'images dans un lieu privé
[information judiciaire]

Art. 706-102-1 du code
de procédure pénale

Cheval de Troie sur un système informatique ( keylogger
ou espiologiciel) [enquêtes]

Art. 706-102-2 du code
de procédure pénale

Cheval de Troie sur un système informatique ( keylogger
ou espiologiciel) [information judiciaire]

Les articles 27, 28 et 29 du projet de loi participent d'une évolution consistant, depuis plusieurs années, à introduire dans le code de procédure pénale diverses mesures attentatoires aux libertés (en l'espèce la possibilité de recourir à des techniques d'enquête très intrusives) , limitées dans un premier temps à des contentieux graves tels que le terrorisme, avant d'être étendues à un champ beaucoup plus vaste, sous couvert d'harmonisation ou de simplification.

Afin de maintenir l'équilibre de la procédure pénale, il convient de s'assurer de la juste proportionnalité de ces mesures restrictives de droits constitutionnellement garantis : le seul recours au juge des libertés et de la détention, qui ne dispose pas des mêmes moyens que le juge d'instruction, ne constitue pas nécessairement une garantie effective.

Article 27
(art. 60-4 [nouveau], 77-1-4 [nouveau], 100, 100-1, 230-32, 230-33, 230-34,
230-35, 230-45, 706-1-1, 706-1-2, 706-72 et 709-1-3 du code de procédure pénale ; 706-95, 706-95-5 à 706-95-10 [abrogés] du code de procédure pénale ;
art. 67 bis 2 du code des douanes)
Extension des possibilités de recours aux interceptions de communications électroniques et aux techniques de géolocalisation

L'article 27 du projet de loi tend à faciliter les possibilités, de recourir, au cours de l'enquête 283 ( * ) , aux interceptions de communications électroniques (1) et aux techniques de géolocalisation (2).

1. Les possibilités de recours aux interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques

a) Le droit actuel : une possibilité réservée au juge d'instruction, sauf en matière de délinquance et de criminalité organisées

En matière judiciaire, il est possible de recourir aux interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques 284 ( * ) , communément appelées « écoutes judiciaires ».

Légalisées en 1991 285 ( * ) à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme 286 ( * ) , les interceptions judicaires relevaient initialement du seul du juge d'instruction qui peut les prescrire « lorsque les nécessités de l'instruction l'exigent », en matière criminelle et correctionnelle si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement. Cette décision écrite n'est ni motivée ni susceptible d'un recours juridictionnel .

Depuis la loi du 9 mars 2004 287 ( * ) , le juge des libertés et de la détention peut également autoriser des interceptions de correspondances pendant une enquête de flagrance ou préliminaire relative à la délinquance ou à la criminalité organisée 288 ( * ) . Ces interceptions sont ordonnées pour une durée maximale d'un mois, renouvelable une seule fois.

Le tableau ci-dessous récapitule les différentes hypothèses de recours aux interceptions judiciaires.

Possibilités actuelles de recours aux interceptions judiciaires

Droit commun

Délinquance et criminalité organisée

Cadres

Enquête de flagrance

Enquête préliminaire

Information judiciaire

Enquête de flagrance

Enquête préliminaire

Information judiciaire

Infractions concernées

ø

Crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans

Crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale

Crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans

Compétence

ø

Juge d'instruction

Autorisation du juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République

Juge d'instruction

Durée de l'autorisation

ø

4 mois renouvelable, un an au maximum

1 mois, renouvelable une fois

4 mois renouvelable, deux ans au maximum

Base légale

ø

Articles 100 à 100-8 du code de procédure pénale

Article 706-95 du code de procédure pénale

Articles 100 à 100-8 du code de procédure pénale

b) L'objet du projet de loi : une extension considérable et insuffisamment encadrée des possibilités de recours aux interceptions judiciaires

Les I à III de l'article 27 du projet de loi visent à étendre considérablement les possibilités de recours aux interceptions judiciaires , qui pourraient désormais être ordonnées, lors d'une enquête de flagrance ou préliminaire , pour des crimes et des délits de droit commun , dès lors que le délit est puni d'au moins trois ans d'emprisonnement . Par coordination, le IV de l'article 27 supprime les dispositions du code de procédure pénale autorisant les interceptions judiciaires lors des enquêtes concernant la délinquance et la criminalité organisées.

Ces interceptions judiciaires seraient autorisées par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention (JLD) , à la requête du procureur de la République. Le JLD devrait être informé « sans délai » des actes accomplis et les procès-verbaux lui seraient communiqués. En cas de réalisation des opérations non conforme à son autorisation, il devrait ordonner la destruction des procès-verbaux et des enregistrements par ordonnance motivée notifiée au procureur de la République, qui pourrait former appel devant le président de la chambre de l'instruction dans un délai de dix jours à compter de la notification.

Jusque-là réservées, dans le cadre des enquêtes, aux infractions complexes de la délinquance et de la criminalité organisées définies aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, les interceptions judiciaires pourraient désormais être utilisées en enquête préliminaire pour des délits de droit commun , par exemple, pour des faits de vol 289 ( * ) , d'exploitation de la mendicité 290 ( * ) ou encore de menaces.

Cette extension est motivée par l'objectif de « simplification » des régimes procéduraux en fixant pour seuil unique les infractions punies d'une peine de trois ans d'emprisonnement en matière d'enquête comme en matière d'instruction. Si la définition de ce seuil de trois ans a pour conséquence d'élargir considérablement les possibilités de recours aux interceptions judiciaires dans le cadre des enquêtes, elle a également pour conséquence de réduire les possibilités d'interceptions judiciaires du juge d'instruction . Néanmoins, les modifications législatives successives depuis 1991 ont rehaussé progressivement les quanta de peines encourues pour de nombreux délits. Dès lors, la définition du seuil unique à trois ans d'emprisonnement ne revient pas en pratique à réduire les possibilités d'investigation du juge d'instruction.

De surcroît, pour la première fois, serait également conférée au procureur de la République la possibilité d'autoriser, pendant 24 heures, une interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques « en cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens ». Cette autorisation devrait être « confirmée » par le juge des libertés et de la détention dans un délai maximal de 24 heures. Sans cette confirmation, les données collectées seraient placées sous scellés et ne pourraient être exploitées.

Enfin, les I à III de l'article 27 visent à permettre le recours aux interceptions judiciaires, lors d'une enquête ou d'une instruction, pour tout délit puni d'une peine d'emprisonnement et commis par la voie des communications électroniques lorsque l'interception concerne la ligne de la victime à la demande de celle-ci . Concrètement, il pourrait s'agir d'autoriser des interceptions judiciaires sur la ligne de la victime d'un harcèlement moral ou sexuel commis par téléphone ou sur Internet.

Possibilités de recours aux interceptions judiciaires telles que proposées par le projet de loi

Droit commun

En cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens

Cadres

Enquête de flagrance

Enquête préliminaire

Information judiciaire

Enquête de flagrance

Enquête préliminaire

Information judiciaire

Infractions concernées

Crime ou délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement

Délit puni d'une peine d'emprisonnement commis par la voie des communications électroniques
(pour l'écoute de la ligne de la victime)

Compétence d'autorisation

Autorisation du juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République

Juge d'instruction

Procureur de la République, confirmé par le JLD dans un délai maximal de 24 h

N.A.

Durée de l'autorisation

1 mois renouvelable une fois

4 mois renouvelable, un an au maximum (ou deux en cas de délinquance et criminalité organisées)

24 heures, puis 1 mois renouvelable une fois

N.A.

Forme de l'autorisation

Ordonnance motivée

Décision écrite

N.A.

Contrôle exercé

Information sans délai du juge des libertés et de la détention

Possibilité de destruction des PV et des enregistrements en cas d'irrégularité, par une ordonnance motivée du JLD pouvant être contestée

ø

Confirmation par le juge des libertés et de la détention ou placement sous scellés des données ou correspondances recueillies

N.A.

Base légale

Article 60-4 du code de procédure pénale

Article 77-1-4 du code de procédure pénale

Article 100 du code de procédure pénale

Article 60-4 du code de procédure pénale

Article 77-1-4 du code de procédure pénale

N.A.

c) La position de votre commission : encadrer l'extension des possibilités de recours aux interceptions judiciaires

Si vos rapporteurs approuvent la création de la possibilité d'interception sur la ligne d'une victime d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement, à sa demande, ils s'interrogent néanmoins sur la pertinence d'un élargissement significatif et soudain des possibilités de recourir aux interceptions dans le cadre des enquêtes (flagrance ou préliminaire) dirigées par le parquet, motivé sur le seul fondement d'une « harmonisation des procédures ».

Alors que les interceptions judiciaires ne sont même pas, en l'état du droit, autorisées pour les crimes de droit commun (par exemple un meurtre) dans le cadre des enquêtes de flagrance ou préliminaire, elles le seraient, avec les dispositions du projet de loi, pour toute infraction punie d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement , un seuil particulièrement bas permettant d'inclure la quasi-totalité des délits de droit commun : ce seuil reviendrait ainsi à banaliser le recours aux interceptions téléphoniques .

Cet objectif de rapprochement des seuils masque la poursuite d'un mouvement engagé depuis plusieurs années de marginalisation de la procédure de l'information judiciaire :

- en étendant aux enquêtes l'usage de cette technique, jusque-là réservée au juge d'instruction pour les crimes et délits de droit commun ,

- et en renforçant les prérogatives du procureur de la République, ce qui aura pour conséquence de réduire, ou de retarder, l'ouverture d'informations judiciaires .

Vos rapporteurs redoutent une perte d'efficacité dans la direction de l'enquête et un risque de déperdition des éléments de preuve : la possibilité de recourir aux interceptions judiciaires dès l'enquête de flagrance ou préliminaire aura vraisemblablement pour conséquence de retarder la saisine du juge d'instruction , qui sera privé de la possibilité de vérifier certains éléments.

En l'absence de mise en état résultant de la procédure d'instruction, il est également probable que cette extension des techniques entraîne un surcroît d'activité pour le tribunal correctionnel .

Vos rapporteurs s'interrogent également sur la proportionnalité de cette atteinte aux libertés individuelles, notamment au regard des capacités de contrôle du juge des libertés et de la détention.

Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel avait validé le recours aux interceptions judiciaires dans le cadre des enquêtes portant sur des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution ces dispositions en raison du respect de deux conditions principales : la limitation de cette disposition à la recherche des auteurs d'infractions entrant dans le champ de la délinquance et de la criminalité organisées et l'autorisation par le juge des libertés et de la détention pour une durée maximale de quinze jours renouvelable une seule fois.

Afin d'assurer une conciliation équilibrée, le Conseil d'État a estimé nécessaire de prévoir que les procès-verbaux (PV) dressés en exécution de l'autorisation d'interception soient systématiquement communiqués au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle et que ce dernier puisse ordonner la destruction des PV et des enregistrements non conformes à son autorisation . Cette disposition du projet de loi tend ainsi à conférer de manière inédite au juge des libertés et de la détention une mission d'annulation d'actes de procédure.

Si vos rapporteurs saluent l'ajout d'une nouvelle « garantie », ils relèvent néanmoins que les conditions actuelles d'exercice des fonctions par le juge des libertés et de la détention sont loin d'être optimales.

Lors de la requête par le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention ne dispose qu'exceptionnellement du dossier de procédure, que le procureur lui-même ne possède pas dans la très grande majorité des cas : seul l'officier de police judiciaire connaît en réalité le tableau complet d'une situation. L'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention est en réalité une autorisation d'acte au regard de la plausibilité d'utilité à la manifestation de la vérité.

Une fois l'acte autorisé , les moyens, notamment humains, dédiés aux services des juges des libertés et de la détention ne leur permettent pas de contrôler l'exécution des interceptions .

Si, en principe, les juges des libertés et de la détention sont d'ores et déjà informés « sans délai » par le procureur de la République des actes accomplis et des procès-verbaux, en pratique, ils ne sont pas, en pratique, destinataires de ces procès-verbaux par le procureur de la République. Il est peu probable que la transmission directe de ces procès-verbaux par les enquêteurs permette véritablement de renforcer le contrôle exercé sur les interceptions.

En théorie, la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) permet au juge des libertés et de la détention, sous réserve de l'avis du procureur de la République pour les interceptions en cours, d'accéder aux interceptions en cours ou à celles clôturées et placées sous scellés.

En pratique, le juge des libertés et de la détention n'est pas informé du déroulement des opérations « en temps réel ». De même, contrairement au juge d'instruction, aucune difficulté ne lui est rapportée en temps utile pour lui permettre d'apprécier la nécessité de poursuivre les opérations. En pratique, il ne peut donc pas mettre fin à une interception en cours.

Le seul « contrôle » réalisé par le juge des libertés et de la détention est en réalité un contrôle formel, exercé au moment du renouvellement de l'autorisation. Contrairement au juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention n'assure pas de bout en bout le suivi d'une enquête.

L'autorisation en cas d'urgence par le parquet soulève également des interrogations : est-il pertinent de prévoir une interception judiciaire d'urgence, sans autorisation préalable par un juge du siège, pour une atteinte, même grave, aux biens ? Quelle forme prend exactement la confirmation par le juge des libertés et de la détention ? A défaut de confirmation, est-ce une annulation ?

Enfin, vos rapporteurs s'interrogent sur les capacités de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) à faire face à la hausse probable de recours à cette technique : alors que la PNIJ a contractuellement une capacité de 12 000 interceptions, 10 000 interceptions simultanées sont d'ores et déjà réalisées quotidiennement. Or la possibilité de recourir aux interceptions dans le cadre des enquêtes pour les délits et les crimes de droit commun conduira vraisemblablement, selon les juges des libertés et de la détention et les procureurs rencontrés par vos rapporteurs, à une explosion des requêtes aux fins d'interceptions judiciaires.

La plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ)

Créée en 2014 291 ( * ) , la PNIJ est une plate-forme agissant en qualité de tiers de confiance centralisé, situé entre les opérateurs et les officiers de police judiciaire et agents de la douane judiciaire, respectant ainsi le secret de l'enquête et de l'instruction, pour l'exécution, et la conservation des données en résultant, des interceptions de correspondances électroniques et des réquisitions judiciaires.

Avant la mise en oeuvre de la plate-forme, les dispositifs d'interception téléphonique reposaient sur un système hétérogène et décentralisé : via six entreprises privées, des centrales d'écoutes étaient louées et installées dans les locaux de la police. Quant aux réquisitions des données de connexion et aux interceptions de communications électroniques, elles étaient directement réalisées par l'enquêteur auprès de l'opérateur de communications électroniques, du fournisseur d'accès à Internet ou de l'hébergeur. Une centralisation était néanmoins opérée pour les SMS, au sein du système de transmission d'interceptions judiciaires (STIJ), dispositif abrogé au 31 mai 2018.

Le projet de création de la PNIJ visait à faire face aux évolutions technologiques des communications électroniques (le passage en 4G notamment), mais aussi à rationaliser les coûts en matière de frais de justice résultant des réquisitions adressées aux opérateurs de télécommunications et aux sociétés privées de location de centrales d'écoute.

Tout en assurant la fiabilité, l'authenticité et la confidentialité des informations recueillies et en dématérialisant les scellés des données, la plate-forme a permis de diminuer le montant des frais de justice consacrés aux réquisitions judiciaires en matière de communications électroniques, en supprimant les coûts induits par la location de lignes de renvoi, de réseaux intermédiaires de distribution et de centrales d'écoutes, et d'instaurer un nouveau circuit de paiement des mémoires de frais, permettant de décharger les juridictions.

Au 31 décembre 2017, le coût de la PNIJ s'établit à 148 millions d'euros, comprenant l'ensemble des investissements réalisés depuis 2010 et deux années d'exploitation.

L'agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires

Créée en 2017 292 ( * ) , l'agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires (ANTEJ) est un service à compétence nationale , rattaché au secrétaire général du ministère de la justice, chargé du pilotage et de la gestion de la PNIJ. Elle reprend les missions de l'ancienne délégation aux interceptions judiciaires.

Son expertise technique peut également être sollicitée pour l'emploi de plusieurs techniques d'enquêtes (mise au clair de données chiffrées, sonorisation et fixation d'images, captation des données informatiques). De manière stratégique et opérationnelle, elle participe au développement des techniques d'enquêtes numériques diligentées dans un cadre judiciaire.

L'ANTEJ a également pour mission de définir les modalités concrètes de mise en oeuvre des techniques d'enquêtes numériques, d'assurer le suivi technologique des dispositifs et de s'assurer d'une étroite collaboration avec le commissariat électroniques de défense et le groupement interministériel de contrôle (GIC), en charge des interceptions de sécurité. Elle est également chargée de conduire des actions de formation des utilisateurs de la PNIJ.

Si, malgré les importantes réserves mentionnées précédemment, vos rapporteurs ne sont pas opposés à une extension des possibilités de recours aux interceptions judiciaires , ni à permettre leur utilisation lors d'enquêtes portant sur des infractions de droit commun, ils souhaitent néanmoins entourer l'usage de ces techniques de garanties .

Sur leur proposition, votre commission a tout d'abord adopté un amendement COM-194 prévoyant, pour les enquêtes de flagrance ou préliminaire, de retenir comme critère unique d'application le seuil de cinq ans d'emprisonnement : seules les enquêtes portant sur les infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement pourraient recourir aux interceptions judiciaires (le seuil de trois ans d'emprisonnement serait maintenu pour les informations judiciaires). Ce seuil correspond à la proposition du rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, remis à la garde des sceaux dans le cadre des chantiers de la justice.

Cet équilibre est à la fois de nature à simplifier les régimes procéduraux , à étendre considérablement le recours à cette technique pour les enquêtes de droit commun et à permettre une conciliation proportionnée entre la gravité de l'infraction et l'atteinte à la vie privée.

Afin d'assurer la constitutionnalité de cette extension et au regard de la fréquence du recours à cette technique, le même amendement COM-194 prévoit d' harmoniser les garanties encadrant le recours à cette technique : ainsi, comme pour les enquêtes, les interceptions autorisées lors d'une instruction devraient faire l'objet d'une ordonnance motivée .

Comme en matière de perquisitions, cette motivation devrait être effectuée « par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires » . En effet, à l'instar de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a récemment rappelé, dans un arrêt du 10 janvier 2018 293 ( * ) , les exigences de motivation des ordonnances des juges des libertés et de la détention et la nécessité d'un contrôle effectif , garant de l'équilibre de la procédure, vos rapporteurs considèrent que le recours au JLD ne doit pas être une garantie superficielle ou un simple « alibi ».

Enfin, par le même amendement COM-194 de vos rapporteurs, votre commission a supprimé le recours à la procédure d'urgence pour quatre raisons :

- une telle atteinte à la vie privée doit passer exclusivement par une autorisation préalable d'un juge du siège ;

- ce mécanisme d'urgence, qui a vocation à s'appliquer à des situations exceptionnelles, semble inutile en raison des astreintes de nuit, y compris le week-end, effectuées par les juges des libertés et de la détention ;

- la validation ou l'annulation a posteriori des interceptions n'est pas une garantie effective, en ce qu'elle permettrait notamment au procureur de la République de recourir à des interceptions d'une durée inférieure à 24 heures sans aucun contrôle d'un juge du siège ;

- enfin une telle disposition augure d'une transformation du JLD en juge de l'enquête sans lui accorder les moyens d'exercer réellement ses missions.

Possibilités de recours aux interceptions judiciaires telles que proposées par le texte de la commission

Droit commun

Cadres

Enquête de flagrance

Enquête préliminaire

Information judiciaire

Infractions concernées

Crime ou délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement

Crime ou délit puni
d'au moins trois ans d'emprisonnement

Délit puni d'une peine d'emprisonnement commis par la voie des communications électroniques (pour l'écoute de la ligne de la victime)

Compétence d'autorisation

Autorisation du juge des libertés et de la détention,
à la requête du procureur de la République

Juge d'instruction

Durée de l'autorisation

1 mois renouvelable une fois

4 mois renouvelable,
1 an au maximum
(ou 2 si délinquance ou criminalité organisées)

Forme de l'autorisation

Ordonnance motivée

Ordonnance motivée

Contrôle exercé

Information sans délai du juge des libertés
et de la détention

Possibilité de destruction des PV et des enregistrements en cas d'irrégularité, par une ordonnance motivée du JLD pouvant être contestée

ø

Base légale

Article 60-4 du code
de procédure pénale

Article 77-1-4 du code
de procédure pénale

Article 100 du code
de procédure pénale

1. Les possibilités de recours aux techniques de géolocalisation en temps réel

a) Le droit actuel : des possibilités largement ouvertes

Actuellement, plusieurs techniques d'enquête permettent de recueillir des données de localisation concernant des personnes, des objets ou des véhicules :

- les réquisitions aux opérateurs de communications électroniques (articles 60-1, 60-2, 77-1, 77-1-2, 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale) pour une géolocalisation en temps réel ou a posteriori (par les « fadets ») ;

- l'utilisation d'un appareil ou dispositif technique dit d' IMSI - catcher en application des articles 706-95-4 et 706-95-5 du code de procédure pénale ;

- l'utilisation d'un appareil ou dispositif technique (« une balise ») en application des articles 230-32 et 230-33 du code de procédure pénale ou de l'article 67 bis- 2 du code des douanes.

Seul ce dernier régime, créé par la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014, définit strictement la technique de géolocalisation en temps réel , qui s'applique à une personne à son insu, un véhicule ou tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur.

La création de traitements ad hoc pour la collecte des données
issues de techniques de géolocalisation

En application de l'article 230-45 du code de procédure pénale, la PNIJ centralise, sauf impossibilité technique, l'ensemble des réquisitions ou des demandes de recours aux techniques de géolocalisation, et conserve les données reçues.

Néanmoins, en raison d'un retard de développement, la PNIJ ne permet pas actuellement d'enregistrer et de mettre à disposition des magistrats les données destinées à la localisation d'une personne ou d'un objet collectées dans le cadre des enquêtes.

Jusqu'à présent, cette collecte des données de géolocalisation était assurée par le système de transmission d'interceptions judiciaires (STIJ), traitement antérieur à la PNIJ et abrogé au 31 mai 2018.

Aussi, à titre temporaire, plusieurs traitements de données ont-ils été autorisés en 2018 afin de collecter, d'enregistrer et de conserver les données 294 ( * ) destinées à la localisation en temps réel d'une personne ou d'un objet « sur autorisation et sous le contrôle de l'autorité judiciaire » provenant des opérateurs de communications électroniques ou de l'utilisation de tout appareil technique.

Actuellement, le recours à la géolocalisation est possible dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire lorsque la procédure est relative à une infraction d'une certaine gravité (voir tableau ci-après), par autorisation du procureur de la République, prolongée par le juge des libertés et de la détention. Dans le cadre d'une instruction, l'autorisation est délivrée par le juge d'instruction pour une durée maximale de quatre mois et renouvelée selon les mêmes modalités par le juge d'instruction, sans limitation du nombre de renouvellements.

L'autorisation est écrite, horodatée, comporte les éléments permettant d'identifier l'objet géolocalisé et fixe la durée maximale de la mesure qui ne peut être supérieure à quinze jours consécutifs pour une enquête ou quatre mois en instruction ; cette décision est insusceptible de recours . Pour les enquêtes, au-delà de quinze jours, seule une autorisation du juge des libertés et de la détention peut renouveler, pour une durée d'un mois, la mesure de géolocalisation, sans limitation du nombre de renouvellements.

En cas d'urgence liée au risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteintes graves aux personnes ou aux biens, le dispositif peut être mis en oeuvre par le seul officier de police judiciaire , sans autorisation préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction. Informé immédiatement par l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge d'instruction peut, soit interrompre la mesure, soit autoriser la poursuite par décision écrite.

Le nombre annuel de géolocalisations est estimé entre 10 000 et 12 000 mesures.

Possibilités actuelles de recours à la technique de géolocalisation

Cadre

Enquête

Instruction

Urgence au cours d'une enquête ou d'une instruction

Infractions concernées

- Crimes ou délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement

- Délits contre les personnes (prévus au livre II du code pénal)
et punis d'au moins trois ans d'emprisonnement

- Délits d'évasion et de recel de criminel prévus aux articles 434-27
et 434-6 du code pénal

- Recherche des causes de la mort et des blessures (art. 71 et 80-4 du code de procédure pénale), recherche des causes d'une disparition (art. 74-1
et 80-4 du code de procédure pénale), recherche d'une personne en fuite

Champ d'application

Une personne, à son insu, un bien ou un objet, par l'exploitation d'une technologie spécifique (notamment pour les téléphones) ou par le biais de la pose d'une balise

Personne délivrant l'autorisation initiale

Procureur de la République

Juge d'instruction

Officier de police judiciaire qui informe immédiatement
par tout moyen
le procureur ou le juge d'instruction

Durée de l'autorisation initiale

15 jours

4 mois

24 heures

Renouvellement de l'autorisation

Juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République

Juge d'instruction

Procureur de la République ou juge d'instruction

Durée des renouvellements possibles

1 mois renouvelable

4 mois renouvelables

15 jours ou 4 mois, puis 1 mois (enquêtes) ou 4 mois (instruction)

Limitation au renouvellement

Aucune

Aucune

Aucune

b) L'objet du projet de loi : la généralisation de la technique d'enquête de géolocalisation

Le V de l'article 27 tend à élargir, de manière significative, le champ d'application de la technique d'enquête de géolocalisation : désormais, cette technique pourrait s'appliquer dans le cadre des enquêtes ou d'une information judiciaire concernant toutes les infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement , et non plus seulement les infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement sauf exceptions (atteintes aux personnes, évasions).

Par coordination avec le droit douanier, le VII de l'article 27 tend également à permettre le recours à tout moyen technique de localisation en temps réel pour tout délit douanier puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à trois ans , et non plus cinq ans.

Afin d'assurer la proportionnalité de cette extension de techniques portant atteinte à la vie privée, et conformément à la demande du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, le VI de l'article 27 tend à réduire la durée initiale de l'autorisation du procureur de la République, en matière d'enquêtes, de quinze jours à huit jours.

c) La position de votre commission

En premier lieu, vos rapporteurs observent que les conclusions du rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, remis à la garde des sceaux, dans le cadre des chantiers de la justice, recommandaient de retenir un seuil unique à cinq ans d'emprisonnement pour les décisions de recours à la géolocalisation , par cohérence avec le seuil retenu pour les interceptions judiciaires.

Même si ce seuil serait identique à celui qu'ils ont proposé pour les interceptions de correspondances, vos rapporteurs ne l'ont pas retenu car il ne permettrait plus de recourir aux techniques de géolocalisation en matière d'évasion.

De plus, vos rapporteurs considèrent qu'il n'y a pas lieu d'aligner les seuils de recours entre les interceptions de correspondances et les techniques de géolocalisation car ces dernières n'impliquent pas le même degré d'intrusion dans la vie privée .

Aussi, dans un double objectif de clarté et de simplification des procédures et même si la nécessité d'un élargissement du champ d'application de la géolocalisation n'a pas été démontrée, vos rapporteurs ne sont pas opposés à la détermination d'un seuil unique de recours à la géolocalisation fixé aux infractions punies d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans .

En deuxième lieu, votre commission a été attentive, en retour, à encadrer cette technique de nouvelles garanties en raison de son extension . Par l' amendement COM-196 de ses rapporteurs, elle a prévu qu'en matière d'enquête, l'autorisation serait motivée et serait renouvelée par le juge des libertés et de la détention tous quinze jours, et non plus tous les mois, afin de permettre un contrôle a minima plus fréquent du bien-fondé de l'utilisation de cette technique.

Votre commission a également estimé nécessaire de plafonner la durée totale de recours à cette technique au cours d'une même enquête à deux ans .

Enfin, outre des précisions rédactionnelles, elle a précisé le contrôle du recours aux techniques de géolocalisation en cas d'urgence , régime validé par le Conseil constitutionnel à une époque où il n'existait pas d'astreintes de nuit pour les juges des libertés et de la détention : en miroir du régime prévu initialement par le projet de loi pour les interceptions opérées en urgence, vos rapporteurs ont considéré nécessaire de prévoir la possibilité de détruire les données collectées par le recours en urgence à une technique de géolocalisation, non confirmé par un juge des libertés et de la détention.

Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié.

Article 28
(art. 706-2-2, 706-2-3, 706-47-3, 706-35-1, section II bis du chapitre II
du titre XXV du livre IV [abrogés],
et art. 230-46 et 706-72 du code de procédure pénale)
Généralisation de l'enquête sous pseudonyme

L'article 28 du projet de loi tend à étendre les possibilités d'enquêter sous pseudonyme, de manière générale, à tous les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement, dès lors qu'ils seraient commis par un moyen de communication électronique.

1. L'enquête sous pseudonyme, une technique d'infiltration numérique progressivement étendue depuis 2007

Créée en 2007 295 ( * ) , la technique des enquêtes sous pseudonyme, ou « cyberpatrouilles » se conçoit comme une infiltration numérique : dès lors que diverses infractions sont commises au moyen d'Internet, il convient de permettre à des officiers de police judiciaire d'enquêter en ligne, sous pseudonyme, afin de recueillir des preuves.

Le champ d'application de cette technique, d'abord limité aux infractions de nature sexuelle ou en matière de traite des êtres humains, s'est progressivement étendu aux apologies du terrorisme 296 ( * ) , à certaines infractions du code de la santé publique ou du code de la consommation 297 ( * ) , etc.

Depuis la loi du 13 novembre 2014 298 ( * ) , par la création de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale, cette technique d'enquête a été généralisée à l'ensemble des infractions de la délinquance et de la criminalité organisées , mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du même code, mais également aux délits d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en oeuvre par l'État , commis en bande organisée.

Dans le cadre d'une enquête ou sur commission rogatoire, les enquêteurs affectés dans un service spécialisé 299 ( * ) et spécialement habilités à cette fin dans des conditions précisées par arrêté peuvent notamment :

- participer sous pseudonyme aux échanges électroniques ;

- extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;

- extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites (sauf pour certaines infractions).

À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à la commission d'une infraction.

2. L'extension du champ d'application de l'enquête sous pseudonyme, proposée par l'article 28 du projet de loi

L'article 28 du projet de loi tend :

- d'une part, à harmoniser en un seul régime de l'enquête sous pseudonyme , qui serait défini au nouvel article 230-46 du code de procédure pénale , l'ensemble des régimes actuellement définis aux articles 706-2-2 (infractions aux produits de santé), 706-2-3 (délits en matière d'espèces animales ou végétales protégées), 706-35-1 (traite des êtres humains, proxénétisme, recours à la prostitution d'un mineur), 706-47-3 (atteintes aux mineurs) et 706-87-1 (délinquance et criminalité organisées ; atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données) du code de procédure pénale ;

- d'autre part, élargir considérablement le champ d'application de cette technique en l'autorisant pour toute infraction punie d'une peine d'emprisonnement commis par un moyen de communication électronique.

Il prévoit également d'encadrer, désormais, l'acquisition de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, qui serait soumise à l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, autorisation mentionnée au dossier de la procédure. Jusqu'à présent, n'existait pour seul contrôle que l'examen de recevabilité des demandes de moyens de paiement effectué par le service interministériel d'assistance technique (SIAT) de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).

Cette autorisation préalable constituerait une garantie pour les officiers de police judiciaire qui seraient conduits à commettre des actes illicites, tout en permettant de sécuriser la procédure et d'éviter certains abus.

3. La position de votre commission : accepter la généralisation de l'enquête sous pseudonyme tout en l'encadrant

Vos rapporteurs approuvent l'unification des différents régimes d'enquêtes sous pseudonyme : bien que similaires, ces différents régimes présentaient des rédactions différentes, sources de confusions.

Néanmoins, la généralisation de l'enquête sous pseudonyme à « tous les crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement et commis par un moyen de communication électronique » n'est pas sans susciter de légitimes interrogations dès lors que cette définition particulièrement large est par nature imprécise .

De plus, elle conduirait à ne plus réserver l'enquête sous pseudonyme aux services, en principe, spécialement habilités à cet effet. Or une telle technique d'enquête, équivalente à l'infiltration, ne saurait être efficace que si elle est réalisée par des personnels spécialement formés à la spécificité de la cybercriminalité et plus spécifiquement aux techniques d'infiltration numérique.

De plus, l'utilisation actuelle de la technique d'enquête sous pseudonyme est d'ores et déjà très largement critiquée 300 ( * ) , notamment par comparaison avec la technique d'enquête d'infiltration.

Actuellement réservée aux enquêtes et informations judiciaires portant sur des infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées, l'infiltration est encadrée par plusieurs garanties procédurales :

- elle nécessite une autorisation judiciaire écrite et motivée préalable ;

- elle exige la rédaction a posteriori d'un rapport de synthèse versé au dossier de la procédure ;

- l'autorisation ne peut excéder quatre mois ;

- l'opération se déroule sous le contrôle de l'autorité judiciaire qui peut y mettre fin à tout moment.

Alors qu'elle est le pendant numérique de la technique d'infiltration , prévue aux articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale, la « cyber-infiltration » (ou l'enquête sous pseudonyme ) n'est encadrée par aucune des garanties prévues pour l'infiltration, en dépit de sa nature attentatoire au droit au respect de la vie privée.

En l'absence de contrôle, le risque que les enquêteurs recourent à des stratagèmes visant à provoquer la commission d'une infraction demeure élevé malgré l'interdiction « d'inciter à commettre ces infractions ». Ce risque est d'autant plus grand au regard de la possibilité de poursuivre des associations de malfaiteurs, caractérisées par une simple « résolution d'agir extériorisée ». Dans un arrêt du 11 juillet 2017 301 ( * ) , la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi censuré une décision justifiant un stratagème portant atteinte au principe de loyauté de la preuve.

Aussi votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-197 de ses rapporteurs visant à autoriser le recours à cette technique seulement pour les enquêtes concernant les infractions punies d'une peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement et à l'entourer de plusieurs garanties, à savoir le contrôle de l'autorité judiciaire sur les opérations et l'interdiction de recourir à des « procédés frauduleux » ou à des stratagèmes visant à provoquer des infractions, contraires à l'exigence constitutionnelle de loyauté de la preuve 302 ( * ) .

Si vos rapporteurs approuvent la création d'une autorisation préalable judiciaire pour acquérir des contenus ou produits illicites, ils ont souhaité, par le même amendement COM-197 , exiger une autorisation écrite et motivée.

Votre commission a adopté l'article 28 ainsi modifié.

Article 29
(art. 230-45, 706-95-1, 706-95-2, 706-95-4 [abrogé],
706-95-11 à 706-95-20 [nouveaux], 706-96, 706-96-1, 706-98, 706-98-1 [abrogé],
706-99 [abrogé], 706-100 à 706-102 [abrogés], 706-102-1, 706-102-2 [abrogé],
706-102-3, 706-102-4 [abrogé], 706-102-6 à 706-102-9 [abrogés]
du code de procédure pénale ; art. 226-3 du code pénal)
Extension et harmonisation du régime des techniques spéciales d'enquête

L'article 29 du projet de loi tend à en élargir aux crimes de droit commun l'application de quatre techniques spéciales d'enquête ( IMSI-catcher 303 ( * ) , sonorisation et fixation d'images, captation de données informatiques et accès à distance à des données stockées au moyen d'un identifiant informatique). Il tend également à unifier le régime de trois d'entre elles.

1. Le recours aux techniques spéciales d'enquête : des possibilités régulièrement étendues

Sont qualifiés de techniques spéciales d'enquête, le recours à l' IMSI-catcher, la sonorisation et la fixation d'images, la captation des données informatiques et l'accès à distance à des données stockées au moyen d'un identifiant informatique.

• Le recours à l'IMSI-catcher

Créé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 304 ( * ) aux articles 706-95-4 et 706-95-5 du code de procédure pénale, la technique judiciaire de l' IMSI-catcher permet de capter les données de terminaux mobiles et d'intercepter les correspondances transitant par ces terminaux. Parmi les données susceptibles d'être recueillies par les IMSI-catchers , figurent notamment l'identification d'un équipement terminal ou IMEI ( International Mobile Equipment Identity ), l'identification de son utilisateur via le numéro de sa carte SIM ou IMSI ( International Mobile Subscriber Identity ), auxquelles peuvent s'ajouter des informations de localisation de cet équipement.

Son utilisation pour le recueil des données techniques est soumise à une autorisation judiciaire préalable d'une durée maximale d'un mois, renouvelable une fois, dans le cadre des enquêtes et d'une durée maximale de deux mois renouvelable trois fois dans le cadre d'une instruction judiciaire. En cas d'utilisation pour interception des correspondances, l'autorisation est délivrée pour une durée maximale de 48 heures.

• La sonorisation et la fixation d'images

Créée par l'article 1 er de la loi n° 2004-209 du 9 mars 2004, la technique de sonorisation et de fixation d'images dans des lieux privés ou publics, qui peut nécessiter une introduction dans un lieu privé pour la mise en place du dispositif technique, était initialement réservée aux informations judiciaires concernant des infractions liées à la délinquance ou la criminalité organisées.

Le recours à cette technique d'enquête a été déclaré conforme à la Constitution par la décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 qui relevait notamment que cette technique ne pouvait être mise en oeuvre qu'après l'ouverture d'une information judiciaire et sous réserve des nécessités de l'information.

Le champ d'application de cette technique spéciale d'enquête a été élargi au cadre des enquêtes de flagrance et préliminaires en matière de délinquance et criminalité organisées par loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, afin « d'éviter l'ouverture d'informations judiciaires pour ce seul motif ».

• La captation des données informatiques

Créée par la loi du 14 mars 2011 305 ( * ) , à l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, la captation des données informatiques permet de capter en temps réel des données informatiques à l'insu de l'intéressé, avec :

- une « saisie » des fichiers informatiques contenus sur un disque dur, voire sur des supports amovibles tels une clé USB ;

- un accès à des fichiers conservés sur des périphériques dans le cadre d'une surveillance continue, grâce à un programme informatique de type « cheval de Troie » 306 ( * ) ;

- ou encore l'enregistrement de tout ce qui est saisi au clavier ou ce qui apparaît à l'écran, notamment avant qu'il ne soit crypté et envoyé, grâce à un dispositif dit de « keylogger ».

Initialement réservée au juge d'instruction, dans les seules informations judiciaires ouvertes en matière de délinquance ou de criminalité organisées, cette technique a été élargie aux enquêtes pour les mêmes infractions par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016.

• L'accès à distance à des données stockées au moyen d'un identifiant informatique

Créée par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, à l'initiative du Sénat 307 ( * ) , cette technique permet de saisir des correspondances stockées dans le cadre d'enquêtes ou d'information judiciaire en matière de délinquance ou de criminalité organisées : en pratique, il s'agit de récupérer des messages envoyés ou reçus antérieurement au début de l'interception d'une ligne ou d'un identifiant informatique ( e - mail , compte WhatsApp , Telegram, etc .)

Le service technique national de captation judiciaire (SNTCJ)

Créé en 2018 308 ( * ) , le service technique national de captation judiciaire est un service à compétence nationale, chargé de la conception, de la centralisation et de la mise en oeuvre des dispositifs techniques de captation judiciaire à distance (actuels articles 706-102-1 et 706-102-2 du code de procédure pénale). Il a également pour objet de coordonner les opérations d'installations de ces dispositifs techniques.

Ce service a vocation à permettre une utilisation de la technique de captation judiciaire ; en effet, cette technique a été utilisée moins de cinq fois en près de huit ans d'existence, en raison de l'absence de dispositif technique ad hoc et adapté à la plupart des enquêtes, mais également en raison de l'absence de certification par l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) des produits pouvant être utilisés à cette fin 309 ( * ) .

Rattaché au directeur technique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), bien que co-piloté par le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice, ce service a vocation à s'appuyer sur les compétences techniques de la DGSI tout en développant un outil industriel en lien avec une ou plusieurs entreprises du secteur de la défense.

Les travaux de conception et les opérations de mise en oeuvre sont placés sous le contrôle de deux personnalités qualifiées pour une durée de cinq ans renouvelable, qui n'ont pas encore été nommées.

2. L'objet de l'article 29 : la définition d'un régime unique, et l'extension aux crimes

L'article 29 du projet de loi tend à :

- d'une part, harmoniser en un seul régime , qui serait défini aux articles 706-95-11 à 706-95-20 (nouveaux) du code de procédure pénale, l'ensemble des dispositions encadrant le recours à trois techniques spéciales d'enquête ( IMSI-catcher , sonorisation et fixation d'images, captation de données informatiques), qu'il s'agisse du régime d'autorisation, de la durée d'autorisation, de l'existence ou non d'un régime d'urgence, de la forme de l'autorisation, des modalités d'exécution par les enquêteurs, etc. ;

- d'autre part, élargir le champ d'application de quatre techniques spéciales d'enquêtes aux crimes de droit commun, en sus de la délinquance et de la criminalité organisée.

Comparaison entre le droit actuel et l'article 29 du projet de loi

Droit actuel

Régime unique
[projet de loi]

IMSI-catcher

Sonorisation

Captation judiciaire

Enquêtes

Instruction

Infractions concernées

Infraction mentionnée aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale

Crime ou infraction mentionnée aux articles
706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale

Autorité compétente

Juge des libertés et de la détention (JLD) sur requête du procureur
de la République (PR) ou juge d'instruction, après avis du PR

JLD sur requête du PR

Juge d'instruction, après avis du PR

Forme de l'autorisation

Ordonnance écrite motivée

Ordonnance écrite et motivée

Décision écrite et motivée

Durée de l'autorisation

Enquêtes (E)

Instruction (I)

E

I

E

I

1 mois + 1 mois

(sauf pour les écoutes via IMSI : 48 h + 48 h )

4 mois, renouvelablesjusqu'à deux ans

1 mois + 1 mois (ou 48 h + 48 h pour les écoutes)

2 mois renouvelables jusqu'à 6 mois (ou 48 h + 48 h pour les écoutes)

1 mois + 1 mois

2 mois renouvelables (jusqu'à 2 ans)

1 mois + 1 mois

4 mois renouvelables (jusqu'à 2 ans)

Autorité compétente en cas d'urgence

Procureur de la République, confirmé par le JLD
en 24 heures

ø

ø

PR, confirmé par le JLD en 24 heures

Juge d'instruction, sans avis du procureur de la République

Base légale

Articles 706-95-4 du code
de procédure pénale

Articles 706-96 à 706-102 du code
de procédure pénale

Articles 706-102-1 à 706-102-2 du code de procédure pénale

Articles 706-95-11
à 706-95-19 [nouveaux]

3. La position de votre commission

Votre commission approuve sans réserve l'objectif de clarification poursuivi par le projet de loi : l'articulation des diverses dispositions législatives successives, intervenues depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, est en effet très complexe. L'absence de rédactions identiques est source d'erreurs ou de confusions.

Cependant, nombre de magistrats entendus par vos rapporteurs ont regretté que cette harmonisation des régimes se traduise par un alignement sur les garanties les plus faibles et que l'objectif de simplification soit à nouveau le prétexte d'une extension de ces régimes dérogatoires .

Par la fusion de ces régimes relatifs aux techniques spéciales d'enquête (TSE), il est ainsi procédé à plusieurs élargissements : par exemple, les agents de police judiciaire pourraient désormais dresser les procès-verbaux des dispositifs techniques alors que l'actuel article 706-102-7 ne mentionne que les officiers de police judiciaire. De même, les conditions de durée des autorisations de ces TSE sont alignées sur le délai le plus long : quatre mois renouvelables dans une limite de deux ans en information judiciaire.

D'autres garanties ont ainsi été omises, voire supprimées, notamment :

- l'exigence de mentionner l'infraction qui motive le recours à la mesure de sonorisation dans la décision, et de mentionner la durée de celle-ci (actuel article 706-97 du code de procédure pénale) ;

- la nécessité de préciser dans l'autorisation l'infraction qui motive le recours aux opérations ainsi que la durée de ces opérations (actuel article 706-102-3 du code de procédure pénale) ;

- l'interdiction à peine de nullité que les opérations aient un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées par les autorisations (actuel article 706-102-4 du code de procédure pénale) ;

- l'interdiction de conserver des séquences relatives à la vie privée qui sont étrangères aux infractions visées dans les décisions autorisant la mesure (actuels articles 706-101 et 706-102-8 du code de procédure pénale).

Par l'adoption de l' amendement COM-203 de vos rapporteurs, votre commission a réparé ces oublis et maintenu la plupart des garanties actuellement prévues tout en acceptant l'extension du recours à ces techniques par les agents de police judiciaire. Seule une ordonnance motivée par référence aux éléments de droit et de fait justifiant que ces opérations sont nécessaires pourrait autoriser le recours à ces techniques.

Par ailleurs, eu égard au rôle du juge d'instruction, votre commission a, par le même amendement, supprimé la nécessité, pour le juge d'instruction lors des informations judiciaires, de solliciter l'avis du procureur de la République avant de recourir à ces techniques.

Par l'adoption de l' amendement COM-212 de vos rapporteurs, votre commission a également prévu une durée maximale de 24 heures pour l'autorisation de recourir à la technique d'enquête d'accès à distance à des correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles, particulièrement intrusive en ce qu'elle permet de récupérer toutes les correspondances stockées (et pas seulement les flux). Une telle technique a vocation à n'être que ponctuellement autorisée.

En revanche, votre commission n'a pas souhaité élargir le recours à ces techniques spéciales d'enquête aux crimes de droit commun ( amendement COM-202 de vos rapporteurs). En effet, vos rapporteurs considèrent que ces mesures très intrusives , qui peuvent permettre une surveillance de masse (par exemple, les interceptions opérées par les IMSI-catcher qui concernent nécessairement des tiers aux investigations), ne doivent pas être banalisées et demeurer réservées aux crimes et délits les plus graves et les plus complexes. Imagine-t-on de proposer dans un futur proche de recourir à ces mesures, sans renforcement des garanties, pour des délits de droit commun ?

Ces techniques n'ont d'ailleurs été validées par le Conseil constitutionnel 310 ( * ) qu'au motif qu'elles étaient rendues nécessaires par la grande complexité des crimes et délits concernés.

Au demeurant, cette extension, dont la nécessité n'a pas été établie, se heurterait aux moyens limités, tant matériels que technologiques, pour mettre en place ces techniques d'enquête. Ainsi, alors que la technique de captation judiciaire n'a quasiment jamais été mise en place (voir supra ), le ministère de l'intérieur ne dispose que de 11 IMSI - catchers pour les services enquêteurs. Avant d'envisager une extension à la criminalité de droit commun, vos rapporteurs estiment préférables d'évaluer au préalable la pratique existante du recours à ces TSE.

Votre commission a adopté l'article 29 ainsi modifié .

Sous-section 2
Dispositions relatives au statut
et aux compétences des officiers, fonctionnaires
et agents exerçant des missions de police judiciaire
Article 30
(art. 16, 18, 28, 60, 60-1, 60-3, 76-2, 77-1, 77-1-1, 77-1-2, 77-1-3
du code de procédure pénale et art. L. 130-7 du code de la route)
Statut et compétence de la police judiciaire

L'article 30 du projet de loi vise à simplifier la procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire, à faciliter leur circulation sur le territoire national, à étendre les compétences des agents de police judiciaire, à supprimer l'autorisation du procureur pour certaines réquisitions et à supprimer une obligation de prestation de serment.

1. Procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire

Les paragraphes I et III tendent à modifier, respectivement, l'article 16 et l'article 28 du code de procédure pénale afin d'alléger la procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire (OPJ).

On rappelle que la qualité d'OPJ est reconnue :

- aux maires et à leurs adjoints ;

- aux directeurs et sous-directeurs, officiers et gradés de la gendarmerie nationale ;

- au sein de la police nationale, aux directeurs et sous-directeurs de la police judiciaire, aux inspecteurs généraux, sous-directeurs de police active, contrôleurs généraux, commissaires de police et officiers de police ;

- par arrêté ministériel, aux gendarmes et fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale comptant au moins trois ans de service et ayant satisfait à un examen technique.

Avant de pouvoir exercer effectivement leurs attributions, les OPJ doivent recevoir une habilitation délivrée par le procureur général près la cour d'appel 311 ( * ) . À l'occasion de l'examen d'une demande d'habilitation, le procureur général s'assure que l'OPJ est bien affecté dans un emploi comportant l'exercice des attributions attachées à sa qualité et qu'il présente les qualités professionnelles et morales requises.

Actuellement, cette habilitation doit être renouvelée à chaque fois que l'OPJ est muté dans le ressort d'une nouvelle cour d'appel.

Il est proposé d'insérer un nouvel alinéa à l'article 16 du code de procédure pénale, afin de prévoir que l'habilitation délivrée par le procureur général lors de la première affectation de l'OPJ reste valable pendant toute la durée de l'exercice de ses fonctions , y compris en cas de changement d'affectation. Par coordination, une modification rédactionnelle serait apportée au dernier alinéa de l'article 16.

Un nouvel alinéa serait également inséré à l'article 28 du code de procédure pénale pour prévoir que la même règle s'applique aux fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire. Il s'agit par exemple des agents de l'Office national des forêts, de gardes champêtres, gardes-chasse ou gardes-pêche, de certains agents des douanes et des services fiscaux et des agents chargés de la surveillance de la voie publique.

Ces mesures permettraient de réduire d'environ 5 000 le nombre de demandes d'habilitation traitées chaque année. Les auditions auxquelles ont procédé vos rapporteurs suggèrent que ces habilitations accordées après la mutation d'un policier ou d'un gendarme ne donnent lieu qu'à un examen formel. De plus, du fait de l'engorgement des parquets, elles sont souvent délivrées avec plusieurs mois de retard, ce qui empêche le professionnel nouvellement affecté d'assumer immédiatement ses fonctions d'OPJ.

L'étude d'impact annexée au projet de loi précise que cette mesure s'accompagnera de la création d'un fichier national des officiers de police judiciaire qui permettra au parquet de s'assurer, à tout moment, de la validité de l'habilitation en cas de mutation et, plus généralement, de disposer de toutes les informations utiles concernant la situation administrative des OPJ.

Approuvant sur le fond les mesures proposées, votre commission a cependant adopté un amendement COM-181 de ses rapporteurs visant à corriger une erreur matérielle . Le texte du projet de loi fait en effet référence, à deux reprises, au ressort de la cour d'appel dans laquelle intervient la première « affection » du fonctionnaire, au lieu de mentionner la première « affectation ». Elle a également adopté un amendement COM-184 de ses rapporteurs tendant à apporter une précision rédactionnelle .

2. Compétence territoriale des officiers de police judiciaire

Le paragraphe II tend à modifier l'article 18 du code de procédure pénale afin de simplifier les conditions dans lesquelles les OPJ peuvent mener une enquête en dehors des limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles.

La police judiciaire obéit à un principe de territorialité. Les OPJ et les agents qui les assistent « ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles » selon l'article 18 du code de procédure pénale. Selon le champ de compétence du service dans lequel ils sont affectés, les OPJ sont compétents sur l'ensemble d'un département, à l'échelle d'une zone de défense, voire sur l'ensemble du territoire national pour ceux qui travaillent dans les offices centraux de la direction de la police judiciaire.

Les troisième et quatrième alinéas de l'article 18 précité apportent cependant deux tempéraments à cette règle de territorialité.

En premier lieu, les OPJ bénéficient d'une compétence géographique élargie aux circonscriptions limitrophes pour poursuivre leurs investigations dans le cadre d'une enquête débutée sur leur circonscription habituelle.

En second lieu, les OPJ peuvent bénéficier d'extensions de compétence sur l'ensemble du territoire national, sur commission rogatoire du juge d'instruction ou sur réquisition du procureur de la République, afin de procéder aux opérations prescrites par ces magistrats. Si le procureur ou le juge d'instruction le décide, ils sont tenus d'être assistés d'un OPJ territorialement compétent. Le procureur de la République territorialement compétent est informé par le magistrat ayant prescrit l'opération.

Il est proposé de simplifier ces règles afin de faciliter la circulation des OPJ sur le territoire national pour les besoins de l'enquête.

Ainsi, les OPJ seraient autorisés à se transporter sur toute l'étendue du territoire national, pour poursuivre leurs investigations ou procéder à des auditions, perquisitions et saisies, après en avoir simplement informé le procureur saisi de l'enquête ou le juge d'instruction. Le procureur ou le juge d'instruction auraient toujours la possibilité de décider que l'OPJ sera assisté d'un OPJ territorialement compétent. Enfin, l'OPJ aurait l'obligation d'informer de son transport le procureur dans le ressort duquel les investigations sont réalisées.

Cette mesure reprend une des propositions figurant dans le rapport sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale de MM. Jacques Beaume et Franck Natali, issu des chantiers de la justice.

La facilitation des déplacements des officiers de police judiciaire sur le territoire national constitue une réponse adaptée à l'évolution de la délinquance, de plus en plus mobile, qui ignore les frontières entre les circonscriptions de la police judiciaire. Elle donnera plus d'autonomie aux OPJ pour mener leurs investigations, tout en préservant la possibilité la possibilité d'un contrôle par l'autorité judiciaire qui sera informée de ces déplacements.

En conséquence, votre commission a adopté ces dispositions sans modification.

3. Extension des compétences des agents de police judiciaire

Sont des agents de police judiciaire les gendarmes et fonctionnaires de police n'ayant pas la qualité d'OPJ, de même que les gendarmes et fonctionnaires de police servant dans la réserve.

L'agent de police judiciaire, contrairement à l'OPJ, ne peut exercer que certains pouvoirs de police judiciaire. Il seconde les OPJ dans l'exercice de leurs fonctions : constater les crimes, délits ou contraventions et en dresser procès-verbal ; recevoir par procès-verbal les déclarations qui sont faites par toute personne susceptible de fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions. Ils ne peuvent en revanche décider de mesures de garde à vue.

Les paragraphes IV et VI proposent d'élargir les compétences des agents de police judiciaire.

Le paragraphe IV tend à modifier les articles 60, 60-1 et 60-3 du code de procédure pénale, relatifs au pouvoir de réquisition des OPJ dans le cadre d'une enquête de flagrance .

Le premier alinéa de l'article 60 donne compétence aux OPJ pour recourir à toutes personnes qualifiées s'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques. Le dernier alinéa du même article dispose que l'OPJ, sur instruction du procureur de la République, informe les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction des résultats de ces examens techniques et scientifiques.

Le projet de loi propose d'autoriser les agents de police judiciaire à exercer ces deux missions, sous le contrôle d'un OPJ.

Le premier alinéa de l'article 60-1 du code de procédure pénale donne compétence aux OPJ pour adresser des réquisitions à toute personne, tout établissement ou organisme privé ou public ou toute administration, susceptible de détenir des informations intéressant l'enquête, afin qu'il remette ces informations. Les agents de police judiciaire seraient autorisés à procéder à ces réquisitions, sous le contrôle d'un OPJ.

Le premier alinéa de l'article 60-3 du même code autorise les OPJ à requérir toute personne qualifiée pour réaliser une copie de données informatiques dont le support a été mis sous scellés. Là encore, les agents de police judiciaire seraient autorisés à effectuer ces réquisitions, sous le contrôle d'un OPJ.

Le paragraphe VI tend à modifier les articles 76-2, 77-1, 77-1-1 77-1-2 et 77-1-3 du code de procédure pénale, qui autorisent les OPJ à procéder à certaines opérations, sur autorisation du procureur de la République, dans le cadre de l'enquête préliminaire . Les agents de police judiciaire auraient désormais la possibilité d'accomplir les mêmes actes, toujours sur autorisation du procureur.

L'article 76-2 permet aux OPJ de faire procéder, sur autorisation du procureur, à des opérations de prélèvement externe sur toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction, afin de réaliser des examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête. Les agents de police judiciaire pourraient être autorisés à faire procéder à ces prélèvements externes.

De même, à l'article 77-1, les agents de police judiciaire pourraient, sur autorisation du procureur, recourir à toute personne qualifiée s'il y a lieu de procéder à des constatations ou examens techniques ou scientifiques.

L'article 77-1-1 serait modifié pour permettre aux agents de police judiciaire, sur autorisation du procureur, de requérir de toute personne, tout établissement, tout organisme public ou privé ou toute administration, susceptible de détenir une information intéressant l'enquête, que cette information lui soit remise.

La même modification serait apportée :

- à l'article 77-1-2, relatif au pouvoir reconnu aux OPJ de requérir des organismes publics ou des personnes morales de droit privé qu'ils remettent les informations utiles à la manifestation de la vérité contenues dans un système informatique ou de traitement de données nominatives ;

- à l'article 77-1-3, relatif aux réquisitions tendant à faire réaliser une copie de données informatiques dont le support a été placé sous scellés.

Ces modifications auront pour effet de revaloriser le travail des agents de police judiciaire dans le cadre de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire. Elles devraient simplifier la conduite des enquêtes, en permettant aux OPJ de s'appuyer davantage sur les agents, ce qui devrait être facteur de fluidité dans la réalisation des investigations. Votre commission les a donc adoptées sans modification.

4. Suppression de l'autorisation du procureur pour certaines réquisitions

Le paragraphe V propose d'apporter une autre modification à l'article 77-1-1 du code de procédure pénale.

Comme on l'a vu, les réquisitions visées par cet article doivent être autorisées par le procureur. Toujours dans le but d'alléger les procédures, cette autorisation ne serait plus requise dans deux hypothèses :

- lorsque la réquisition est adressée à un organisme public (une caisse de sécurité sociale ou Pôle emploi par exemple) ;

- ou si son exécution donne lieu à des frais de justice d'un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire ; l'étude d'impact fait référence à des réquisitions « étant sans impact ou avec un impact très faible sur les frais de justice ».

En ce qui concerne les réquisitions administratives, il est à noter que les instructions permanentes du parquet (circulaire du 8 septembre 2016) dispensent déjà en pratique les OPJ de demander systématiquement l'autorisation du procureur.

Votre commission a adopté ces dispositions sans modification.

5. Suppression d'une obligation de serment

L'article 130-7 du code de la route soumet à une obligation de prestation de serment les personnels compétents pour constater par procès-verbal les contraventions prévues par la partie règlementaire dudit code.

La liste des personnes susceptibles de dresser ces contraventions est fixée à l'article L. 130-4 du code de la route. Outre les officiers et agents de police judiciaire, ainsi que les agents de police judiciaire adjoints, on trouve notamment les personnels de l'Office national des forêts, les gardes champêtres, les agents de l'État ou des communes chargés de la surveillance de la voie publique et les agents de certaines sociétés (exploitants d'autoroutes ou d'aérodromes).

Le second alinéa de l'article L. 130-7 précise que le serment « est renouvelé en cas de changement de lieu d'affectation de l'intéressé ».

Cette obligation crée une charge pour les tribunaux d'instance, devant lesquels s'effectue la prestation de serment, et elle empêche certains agents et fonctionnaires d'être pleinement opérationnels dès leur mutation, dans la mesure où il s'écoule parfois plusieurs mois avant le renouvellement du serment. Aussi le rapport de MM. Beaume et Natali suggérait-il de maintenir la prestation de serment initiale, qui a une vraie vertu pédagogique, mais de supprimer les prestations de serment consécutives à un changement d'affectation.

Le paragraphe VII reprend cette proposition : il prévoit de modifier l'article L. 130-7 du code de la route pour indiquer que le serment n'a pas à être renouvelé en cas de changement de lieu d'affectation.

Votre commission a adopté ce paragraphe sans modification.

Votre commission a adopté l'article 30 ainsi modifié .

Sous-section 3
Dispositions relatives à la garde à vue
Article 31
(art. 63 et 63-4-3-1 du code de procédure pénale)
Simplification du régime de la garde à vue

L'article 31 du projet de loi vise à apporter des simplifications au régime de la garde à vue.

La garde à vue se définit, aux termes de l'article 62-2 du code de procédure pénale, comme une mesure de contrainte, décidée par un officier de police judiciaire (OPJ), sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des six objectifs suivants :

- permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

- garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;

- empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

- empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

- empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;

- garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit.

La garde à vue dure, en principe, vingt-quatre heures mais elle peut être prolongée dans des conditions fixées à l'article 63 du code de procédure pénale.

1. Les conditions de prolongation de la garde à vue

Le paragraphe I propose d'apporter trois modifications à cet article 63 afin de simplifier les conditions dans lesquelles la garde à vue peut être prolongée.

Tout d'abord, le tend à inscrire dans la loi une solution jurisprudentielle dégagée par la Cour de cassation.

En application de l'article 63 du code de procédure pénale, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des six objectifs, précités, figurant à l'article 62-2 du même code.

Bien que la présentation de la personne devant le procureur fasse partie des objectifs précités, la possibilité de prolonger la garde à vue alors que toutes les investigations ont été réalisées a été contestée devant les tribunaux. À plusieurs reprises, la Cour de cassation a confirmé qu'une mesure de garde à vue peut être décidée dans le seul but de garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête 312 ( * ) .

Pour clarifier les règles applicables, le projet de loi propose de préciser à l'article 63 du code de procédure pénale que la garde à vue peut être prolongée dans le but de permettre la présentation de la personne devant l'autorité judiciaire. L'expression « autorité judiciaire » est plus large que la seule référence au procureur, ce qui permet de couvrir l'hypothèse où une information a été ouverte et confiée à un juge d'instruction.

Le texte précise que cette faculté de prolonger la garde à vue ne s'applique pas lorsque le tribunal dispose « de locaux relevant de l'article 803-3 » du code de procédure pénale. Trois juridictions, à Paris, Bobigny et Créteil, disposent de ces locaux, communément appelés « petit dépôt ». Quand ces locaux existent, c'est la procédure de l'article 803-3 qui s'applique : à l'issue de la garde à vue, la personne peut être retenue dans ces locaux, pour une durée de vingt heures au maximum, dans l'attente de comparaître devant le procureur ou le juge d'instruction.

Le propose d'apporter une modification plus substantielle au régime de la garde à vue en supprimant l'obligation de présentation de la personne au procureur .

Actuellement, le troisième alinéa du II de l'article 63 du code de procédure pénale subordonne la prolongation de la garde à vue à cette présentation, qui peut se dérouler, éventuellement, par le biais d'un moyen de télécommunication audiovisuelle (visioconférence). C'est seulement « à titre exceptionnel », sans que cette faculté soit toutefois vraiment encadrée par le code de procédure pénale, que la prolongation peut être accordée, par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable.

Le projet de loi vise à faire de l'exception la règle : le procureur pourrait subordonner son autorisation de prolonger la garde à vue à la présentation de la personne devant lui. La présentation deviendrait facultative et n'interviendrait que si le procureur la juge utile.

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique que cette mesure garantit « un allègement réel du formalisme de la garde à vue, tout en maintenant un contrôle effectif et in concreto du parquet ».

Le propose une mesure de coordination en supprimant la phrase qui prévoit la possibilité, à titre exceptionnel, de prolonger la garde à vue sans présentation de la personne.

Votre commission a décidé, par un amendement COM-185 de ses rapporteurs, complété par un amendement COM-18 de Mme Jacky Deromedi, de maintenir l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de la garde à vue. Compte tenu de la lourde charge de travail des procureurs, elle redoute en effet que le dispositif proposé par le Gouvernement aboutisse à un moindre contrôle du parquet sur le déroulement des gardes à vue et sur leur prolongation.

La présentation au procureur est le premier moment où la personne mise en cause rencontre un magistrat et elle constitue donc un élément important du contrôle exercé par l'autorité judiciaire sur les services enquêteurs.

2. L'information de l'avocat en cas de déplacement du gardé à vue

Le paragraphe II de l'article 31 vise ensuite à revenir sur une disposition introduite à l'article 63-4-3-1 du code de procédure pénale, à l'initiative de notre collègue Esther Benbassa, dans le cadre de l'examen au Sénat de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Cet article 63-4-3-1 prévoit que si la personne gardée à vue est transportée sur un autre lieu, son avocat en est informé sans délai.

Cette mesure vise à mieux garantir les droits de la défense : il arrive en effet que le transport du mis en cause conduise à découvrir, en sa présence, des éléments qui l'incriminent (l'instrument du crime, un cadavre, une cachette de complices...). Il est donc important que le transport ait lieu avec l'assistance de l'avocat (ou au moins celui-ci dûment appelé). Cette mesure avait été inspirée à notre collègue par le rapport sur la procédure pénale de M. Jacques Beaume, procureur général près la cour d'appel de Lyon, remis en 2014 à la demande du ministère de la justice.

Une circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du 30 juin 2016 a déjà précisé que cette obligation ne vaut qu'en cas de transports effectués pour les nécessités de l'enquête, et non pour des transports liés par exemple à une hospitalisation ou à un examen médical.

L'étude d'impact affirme néanmoins, sans véritablement étayer cette affirmation, que cette obligation « impose une contrainte excessive aux enquêteurs ». En conséquence, le texte propose de restreindre l'obligation aux seules hypothèses dans lesquelles la personne doit pouvoir, si elle le souhaite, être assistée d'un avocat, soit :

- lorsque la personne doit être entendue ;

- lorsqu'elle doit participer à une opération de reconstitution ;

- lorsqu'elle doit participer à une séance d'identification des suspects dont elle fait partie.

Comme ce déplacement n'a pas pour objet de procéder à un interrogatoire, même informel, mais de procéder à de nouvelles constatations et/ou saisies, ni entretien préalable ni délai de carence ne sont prévus.

Votre commission est peu convaincue par la restriction prévue par le projet de loi concernant l'information de l'avocat en cas de transport : la modification proposée prive de toute portée la disposition votée à l'initiative du Sénat en 2016 puisqu'elle limite l'obligation d'informer l'avocat à des hypothèses où sa présence est déjà de droit. Elle ne permet pas de couvrir les hypothèses envisagées dans le rapport Beaume de 2014, à savoir un déplacement destiné à procéder à de nouvelles constatations ou saisies.

Votre commission a donc adopté un amendement COM-186 de ses rapporteurs prévoyant que l'avocat est prévenu lorsqu'il est procédé à un transport pour faire de nouvelles constatations ou saisies liées aux nécessités de l'enquête.

Votre commission a adopté l'article 31 ainsi modifié .

Section 2
Dispositions propres à l'enquête
Sous-section 1
Dispositions étendant les pouvoirs des enquêteurs
Article 32
(art. 53, 56, 76, 78-2-2, 802-2 [nouveau] du code de procédure pénale)
Extension des pouvoirs des enquêteurs

L'article 32 du projet de loi comporte diverses dispositions visant à étendre les pouvoirs des enquêteurs, qu'il s'agisse de l'allongement de la durée de l'enquête de flagrance (1), de l'extension des possibilités de perquisition lors d'une enquête préliminaire (2), de la possibilité de pénétrer dans un domicile pour l'exécution d'une comparution forcée (3) ou encore de la possibilité de fouille systématique des navires (5). Afin d'équilibrer l'extension des possibilités de perquisition, cet article vise aussi à ouvrir une voie de recours contre celle-ci.

1. L'allongement de la durée de l'enquête de flagrance

Le I de l'article 32 tend à allonger la durée de l'enquête de flagrance.

L'enquête de flagrance est un cadre juridique d'enquête caractérisé par l'urgence , permettant plusieurs actes coercitifs réalisés le plus souvent à l'initiative de l'officier de police judicaire . Défini aux articles 53 à 74-2 du code de procédure pénale, ce cadre s'applique aux enquêtes concernant :

- les crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement 313 ( * ) qui se commettent « actuellement » ou viennent de se commettre ;

- ou lorsque dans un « temps très voisin de l'action », un suspect est poursuivi par la « clameur publique » ou est trouvé en possession d'indices apparents d'un comportement délictueux.

Par rapport à l'enquête préliminaire, qui constitue le régime de droit commun des enquêtes, l'enquête de flagrance se caractérise par des prérogatives très coercitives confiées directement aux officiers de police judiciaire (OPJ), voire aux agents de police judiciaire.

Principales différences entre l'enquête de flagrance et l'enquête préliminaire

Enquête de flagrance

Enquête préliminaire

Arrestation

Initiative de l'OPJ

Nécessité la délivrance d'un ordre de comparaître par le parquet

Perquisition

Réalisée sans l'assentiment de l'intéressé ni autorisation judiciaire

Réalisée avec l'assentiment
de l'intéressé ou avec l'autorisation du JLD pour les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement

Réquisitions, prélèvements corporels externes, examens techniques et scientifiques

Réalisés sans autorisation judiciaire préalable

Réalisés après autorisation judiciaire

Prérogatives

Pouvoir d'interdire à une personne de s'éloigner du lieu de l'infraction

ø

Actuellement, la durée de l'enquête de flagrance est en principe, limitée à 8 jours . Depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, si des investigations sont nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, le procureur de la République peut prolonger la durée de l'enquête de flagrance de 8 jours.

Le I de l'article 32 du projet de loi prévoit deux modifications :

- une durée initiale de l'enquête de flagrance portée de 8 à 16 jours lorsque la procédure porte sur un crime ou une infraction mentionnée aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale , articles qui définissent le champ d'application des procédures propres à la « délinquance et à la criminalité organisées » ;

- la possibilité d'une prorogation de 8 jours supplémentaires lorsque « des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne peuvent être différées » pour tout crime ou délit puni d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement , et non plus cinq ans d'emprisonnement comme actuellement. Cette prorogation ne pourrait néanmoins s'appliquer que lorsque la durée initiale de l'enquête de flagrance était de 8 jours.

La durée maximale de l'enquête de flagrance resterait de 16 jours : elle durerait 16 jours, et désormais sans autorisation de prorogation du parquet, par exemple pour un délit d'aide à l'entrée et au séjour d'un étranger en France (délit mentionné à l'article 706-73 du code de procédure pénale) ou durerait désormais, avec l'autorisation du parquet, 16 jours pour un délit de droit commun, par exemple le vol, et non plus 8 jours.

Durées des enquêtes de flagrance
(Dispositions du projet de loi)

Durée initiale

Prolongation possible

Durée maximale

Délit puni d'une peine inférieure à trois ans d'emprisonnement

8 jours

Non

8 jours

Délit puni d'une peine égale ou supérieure
à trois ans d'emprisonnement

8 jours

Oui

16 jours

Crime ou infraction relevant des articles 706-73 et 706-73-1 du code
de procédure pénale

16 jours

Non

16 jours

Comparaison des dispositions du projet de loi
avec les dispositions actuelles

Source : commission des lois du Sénat

Vos rapporteurs s'interrogent sur la pertinence de l'extension, non négligeable, des durées prolongées de l'enquête de flagrance, dès lors qu'elle semble de moins en moins caractérisée par l'urgence, de moins en moins placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire et susceptible de concerner la quasi-totalité des délits, même mineurs. Vos rapporteurs rappellent que la jurisprudence constitutionnelle 314 ( * ) déduit de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire et que celle-ci doit assurer le contrôle « direct et effectif » des officiers de police judiciaire.

S'ils ne sont pas opposés à une simplification du régime des périodes de l'enquête de flagrance, dès lors que la durée maximale reste fixée à 16 jours , vos rapporteurs observent que ces dispositions, au nom d'un objectif légitime de simplification ont pour effet sinon pour objet d'abaisser les garanties et d'élargir les mesures coercitives, quitte à créer ex nihilo un troisième cadre des enquêtes de flagrance (voir schéma).

2. L'extension des possibilités de perquisitions contraintes, lors d'une enquête préliminaire

Le II de l'article 32 du projet de loi tend à élargir les possibilités de perquisition sans assentiment lors d'une enquête préliminaire en abaissant le seuil des infractions concernées : alors que cette possibilité n'est actuellement possible que pour les infractions réprimées d'une peine de 5 ans d'emprisonnement, elle le serait désormais pour les infractions réprimées d'une peine de 3 ans d'emprisonnement.

Vos rapporteurs relèvent qu'il est paradoxal d'abaisser progressivement tous les seuils permettant le recours à une mesure coercitive alors même que l'échelle des peines des crimes et des délits est régulièrement rehaussée par le législateur : quels délits punis d'une peine d'emprisonnement de trois ans nécessitent aujourd'hui d'imposer une perquisition, lors d'une enquête préliminaire ? Il ne peut s'agir de l'urgence à agir, auquel cas le cadre de la flagrance s'appliquerait, ni de la complexité de l'affaire, auquel cas une information judiciaire devrait être ouverte. Comme précédemment 315 ( * ) , cette disposition semble ainsi poursuivre un mouvement ancien tendant à la marginalisation du juge d'instruction et à l'extension progressive des mesures coercitives dans le cadre des enquêtes.

Vos rapporteurs se sont interrogés sur la proportionnalité d'une telle mesure. Le rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali relevait qu'un seuil de 3 ans d'emprisonnement « concernerait désormais quasiment toutes les infractions, mêmes mineures » et proposait une « unification simplificatrice » concernant le seuil des perquisitions et des géolocalisations en enquête préliminaire, mais fixé à 5 ans afin de garantir la proportionnalité de la mesure.

Afin de prendre en compte les attentes des services enquêteurs, vos rapporteurs ont néanmoins considéré qu'il était possible d'étendre le recours aux perquisitions en enquête préliminaire pour ces infractions à condition de créer une voie de recours contre celles-ci (voir d. ) et de garantir les droits de la défense. À cette fin, votre commission a adopté l' amendement COM-204 de votre rapporteur visant à prévoir l'information et la présence d'un avocat lors des perquisitions .

Votre commission a également adopté l' amendement COM-42 de notre collègue Jacky Deromedi visant à prévoir l'application du régime de l'article 56-1 du code de procédure pénale lors des visites douanières effectuées au domicile ou au cabinet d'un avocat.

3. L'autorisation de pénétrer dans un domicile pour faire exécuter un ordre de comparaitre, lors d'une enquête préliminaire

Lors d'une enquête préliminaire , l'officier de police judiciaire , en application de l'article 78 du code de procédure pénale, peut convoquer une personne aux fins d'audition : cette personne est tenue de comparaître .

Lorsque cette personne ne répond pas à la convocation ou lorsque l'on peut craindre qu'elle ne réponde pas, le procureur de la République peut autoriser l'officier de police judiciaire à recourir à la force publique afin d'assurer la comparution d'une personne convoquée.

Le III de l'article 32 du projet de loi vise à compléter l'article 78 du code de procédure pénale, afin de permettre aux agents chargés de procéder à la comparution de ladite personne convoquée de pénétrer dans un domicile entre 6 heures et 21 heures , qu'il s'agisse de celui de la personne concernée ou d'un tiers, lorsqu'il existe des « raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement ».

Dans un arrêt du 22 février 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation 316 ( * ) a considéré que l'autorisation de faire comparaître sous la contrainte, prévue à l'article 78 du code de procédure pénale, ne permettait pas aux policiers de pénétrer par effraction et en son absence dans le domicile d'un tiers susceptible d'héberger la personne concernée : « une telle atteinte à la vie privée ne pouvant résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d'en apprécier préalablement la nécessité ».

Loin d'en tirer les conséquences, le III de l'article 32 vise à contourner cette garantie jurisprudentielle en permettant de déroger au principe d'inviolabilité du domicile hors cadre de la perquisition et, de surcroît, sans recours à un juge, afin de permettre la comparution d'une personne qui pourra seulement être entendue dans le cadre d'une audition (et non d'une garde à vue).

Alors que l'objectif affiché des dispositions de l'article 32 est la simplification des régimes, vos rapporteurs s'interrogent sur la pertinence de créer un nouveau régime ad hoc permettant de forcer un domicile dès lors que l'article 77-4 du code de procédure pénale prévoit déjà la possibilité de pénétrer pendant la même plage horaire dans un domicile pour exécuter un mandat de recherche délivré par le procureur de la République contre toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.

L'étude d'impact souligne d'ailleurs que les conditions de recours à cette procédure sont identiques à celles du mandat de recherche : une peine encourue d'au moins trois ans d'emprisonnement et une décision préalable d'autorisation par le procureur de la République écrite et motivée. La création de ce régime ad hoc ajoute donc au panel des possibilités alors que la délivrance d'un mandat de recherche est déjà possible, même lorsque le domicile de la personne convoquée est connu.

La mesure de comparution forcée créée par le projet de loi apparaît donc redondante .

De plus, aucune disposition ne limite cette intrusion au domicile connu de la personne recherchée ou d'un tiers : le III de l'article 32 pourrait permettre à la force publique de pénétrer dans le ou les domiciles de personnes qui ne sont ni suspectes ni recherchées, mais par exemple au sein desquels seraient susceptibles de se trouver la personne convoquée.

Si, en principe, l'utilisation de la procédure du mandat de recherche présuppose le placement en garde à vue et qu'un autre dispositif était concevable pour les personnes n'ayant pas vocation à être placées en garde à vue, tel n'est pas le cas en l'espèce : en effet, comment justifier la violation du domicile et la comparution forcée d'un individu si l'objectif n'est pas une garde à vue, mais une simple audition ?

Par l'adoption de l' amendement COM-205 de vos rapporteurs, votre commission a supprimé cette disposition qui aurait eu pour conséquence de complexifier inutilement l'état du droit.

4. La création d'un recours contre les perquisitions et visites

En conséquence de l'extension du recours aux perquisitions, a été inséré dans le projet de loi, à l'initiative du Conseil d'État, au V de l'article 32, une disposition qui tend à créer une voie de recours permettant de contester la régularité et de demander l'annulation d'une visite domiciliaire ou d'une perquisition , intervenue au cours d'une enquête ou d'une information judiciaire contre une personne n'ayant pas acquis, six mois après, la qualité de prévenu, de témoin assisté ou de mis en examen et donc ne disposant pas d'autres voies de recours.

Le droit au recours serait ouvert six mois après l'accomplissement de la visite domiciliaire ou de la perquisition et pourrait être exercé pendant un an. Ce droit serait ouvert auprès du juge des libertés et de la détention, qui pourrait être conduit, sur réquisitions du procureur de la République, à se prononcer dans un délai de huit jours. Si l'action publique a été mise en mouvement dans cette procédure contre d'autres personnes que celles ayant formé un recours en annulation, le recours serait transmis au président de la chambre de l'instruction compétent (en cas d'ouverture d'une information judiciaire) ou au président de la juridiction de jugement (en cas de poursuites).

Le recours ne serait pas suspensif. Le juge des libertés et de la détention statuerait par ordonnance motivée, susceptible d'appel devant le président de la chambre de l'instruction.

Bien que complexe et source de contentieux, ce mécanisme apparaît davantage comme une garantie formelle, un « alibi » selon le Syndicat de la Magistrature, dès lors que ce recours porte sur la régularité et non la proportionnalité ou la nécessité d'une perquisition.

À l'instar de la disposition précédente sur la comparution forcée, cette disposition traduit ainsi la volonté du Gouvernement d'élargir les mesures coercitives pouvant être conduites par les enquêteurs même au détriment de l'objectif de simplification de la procédure pénale : en effet, l'extension des pouvoirs des enquêteurs conduit à un renforcement des garanties et donc des voies de contestation des actes coercitifs, ce qui participe nécessairement de la complexification de la procédure pénale tout en assurant une certaine garantie des libertés individuelles.

Ce point de tension avait été notamment identifié par le rapport n° 612 (2017-2018) de la commission d'enquête sur les forces de sécurité intérieure « Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine 317 ( * ) » : « En tout état de cause, si simplification [de la procédure pénale] il doit y avoir, le maintien d'un équilibre entre l'enjeu d'allègement et la protection des droits individuels demeure nécessaire . »

Cette disposition n'est pas sans susciter de légitimes interrogations quant à son articulation avec les cas d'ouverture à nullité prévus aux articles 173 et suivants du code de procédure pénale ou encore avec la jurisprudence dite « des droits propres » qui encadrent les recours en annulation, qu'il appartiendra probablement à la chambre criminelle de la Cour de cassation d'examiner.

Estimant qu'un élargissement des perquisitions en enquête préliminaire (voir 2. ) n'est acceptable qu'à la condition d'un élargissement des garanties, vos rapporteurs ont souscrit à l'argument du Conseil d'État et sont donc favorables à la création de ce recours , d'autant plus justifié par la tendance actuelle à l'allongement des enquêtes préliminaires pendant de nombreuses années sans que les tiers ou les suspects non poursuivis aient la possibilité de contester la régularité, la proportionnalité et la nécessité des mesures coercitives subies.

Néanmoins, s'inspirant des dispositions concernant les recours contre les saisies spéciales autorisées par le juge des libertés et de la détention (articles 706-150, 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale), votre commission a adopté un amendement COM-206 de ses rapporteurs visant à confier ce contentieux non au juge des libertés et de la détention, mais au président de la chambre de l'instruction.

En effet, comme l'ont relevé les juges des libertés et de la détention entendus par vos rapporteurs, il serait très inconfortable pour un juge des libertés et de la détention ou un magistrat de son service d'avoir à statuer sur un acte qu'il a autorisé : un tel dispositif pourrait porter atteinte à l'exigence constitutionnelle d'impartialité des juridictions. Rappelons que le juge d'instruction ne peut apprécier lui-même la régularité des actes accomplis au cours de l'information judiciaire.

5. Les visites de navires présents en mer territoriale

Le IV de l'article 32 vise à adapter le régime des fouilles des véhicules prévu à l'article 78-2-2 du code de procédure pénale aux fouilles des navires.

L'objet du projet de loi : permettre l'application du régime des fouilles de véhicules (article 78-2-2 du code de procédure pénale) aux navires

Actuellement, les navires se trouvant dans les eaux intérieures ou en mer territoriale, à l'exception des navires de guerre étrangers ou des navires étrangers non commerciaux, peuvent être fouillés , sur le fondement de l'article L. 5211-3-1 du code des transports, pour « prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens » et aux fins de recherche de matériels, d'armes ou d'explosifs. Ces fouilles nécessitent une autorisation préalable d'un juge des libertés et de la détention en cas de refus de l'occupant des lieux.

Les navires ne sont pas concernés par le régime de fouilles systématiques des véhicules terrestres dans certains lieux et pour une durée renouvelable de 24 heures, défini à l'article 78-2-2 du code de procédure pénale. Depuis la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, en application de l' article 78-2-2 du code de procédure pénale , les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints peuvent procéder, sur réquisitions écrites du procureur , à la visite de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public, aux fins de recherche et de poursuite de certaines infractions limitativement énumérées :

- les actes terroristes ;

- les infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ;

- les infractions en matière d'armes et d'explosifs ;

- les infractions de vol et de recel ;

- les infractions en matière de trafic de stupéfiants.

Les conditions de mise en oeuvre de ces mesures de contrôle sont encadrées par la loi. La visite ne peut être effectuée qu'en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule et, à défaut, d'une personne requise à cet effet. Le véhicule ne peut par ailleurs être immobilisé que le temps strictement nécessaire au contrôle. Enfin, en cas de découverte d'une infraction ou à la demande du conducteur ou du propriétaire du véhicule, un procès-verbal des opérations de fouilles est établi.

Dans ces mêmes conditions et pour les mêmes infractions, l'article 32 du projet de loi vise à permettre aux mêmes agents d'accéder et de visiter tous les navires, bateaux ou engins flottants :

- présents en mer territoriale ;

- se dirigeant ou ayant déclaré leur intention de se diriger vers un port ou vers les eaux intérieures, ou présents en amont de la limite transversale de la mer ;

- sur les lacs et plans d'eau.

La visite se déroulerait en présence du capitaine et la durée de l'immobilisation ne saurait excéder le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite.

Vos rapporteurs ne sont pas opposés à la facilitation des contrôles de navires et autres objets flottants.

Ils soulignent néanmoins que les dispositions proposées pour les fouilles de navires s'écartent du régime de l'article L. 5211-3-1 du code des transports à plusieurs titres : elles ne prévoient pas d'autorisation du juge des libertés et de la détention en cas de refus de l'occupant des lieux, aucun procès-verbal ne serait remis à l'intéressé et aucune contestation de la régularité de la fouille ne pourrait avoir lieu devant le premier président de la cour d'appel ; enfin, aucune durée n'est prévue.

Aussi votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-229 de vos rapporteurs visant à prévoir la remise d'un procès-verbal de fouille aux intéressés ainsi que la limitation temporelle de cette fouille à 12 heures.

Votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié .

Sous-section 2
Dispositions diverses de simplification
Article 33
(art. 43 et 60 du code de procédure pénale,
art. L. 234-4, L. 234-9 et L. 235-2 du code de la route)
Dispositions diverses de simplification

L'article 33 du projet de loi a pour objet d'introduire une nouvelle possibilité de dépayser une enquête, de modifier une disposition relative au placement sous scellés et de simplifier les conditions dans lesquelles est contrôlée la conduite sous l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants.

1. Nouvelle possibilité de dépayser une enquête

Le paragraphe I tend à introduire une nouvelle possibilité de dépaysement d'une enquête en modifiant l'article 43 du code de procédure pénale. Cet article fixe les règles de compétence territoriale des procureurs.

Sous réserve des règles spécifiques pouvant exister pour certaines matières spécialisées, sont compétents le procureur de la République du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation de l'une de ces personnes et celui du lieu de détention de l'une de ces personnes.

Toutefois, le second alinéa de l'article 43 envisage le cas où le procureur est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime, un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un gendarme ou un policier, un fonctionnaire des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction.

Dans ce cas, afin de se prémunir contre tout soupçon de favoritisme ou de manque d'indépendance, le procureur général peut, d'office, sur proposition du procureur de la République ou à la demande de l'intéressé, transmettre la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance (TGI) le plus proche du ressort de la cour d'appel.

Cette procédure permet de dépayser un dossier dès le stade de l'enquête sans qu'il soit besoin de recourir à la procédure, plus lourde, prévue aux articles 662 et suivants du code de procédure pénale, qui suppose qu'un juge ait déjà été saisi et qui nécessite une intervention de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Cependant, aucune disposition n'est prévue dans le cas où l'une des personnes susvisées serait en relation avec des magistrats ou fonctionnaires de la cour d'appel. Le projet de loi propose de remédier à cette lacune en s'inspirant du mécanisme qui vient d'être décrit : le procureur général pourrait transmettre la procédure au procureur général près la cour d'appel la plus proche, à charge pour ce dernier de transmettre ensuite le dossier au procureur près le TGI le plus proche.

2. Placements sous scellés

Le paragraphe II vise à autoriser les personnes requises pour effectuer des examens techniques et médicaux à constituer des scellés hors la présence d'un OPJ.

L'article 60 du code de procédure pénale permet actuellement à un officier de police judiciaire, dans le cadre d'une procédure de flagrance, de recourir à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques. Les personnes désignées pour procéder à ces examens peuvent procéder à l'ouverture des scellés. Elles ne sont pas autorisées, en revanche, à confectionner des scellés hors la présence d'un OPJ.

Pour simplifier le déroulement des enquêtes, le texte propose que ces personnes qualifiées puissent désormais replacer sous scellés les objets examinés et placer sous scellés les objets résultant de leur examen ; en particulier, les médecins requis pour pratiquer une autopsie ou un examen médical seraient autorisés à placer sous scellés les prélèvements effectués.

3. Modifications relatives à la lutte contre la conduite sous l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants

Le paragraphe III propose plusieurs modifications au code de la route.

Le tend à modifier l'article L. 234-4 dudit code, qui fixe les conditions dans lesquelles un état alcoolique peut être constaté.

Les officiers et agents de police judiciaire chargés de réprimer la conduite sous l'emprise de l'alcool doivent d'abord soumettre le conducteur à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré.

Puis, lorsque les épreuves de dépistage permettent de présumer l'existence d'un état alcoolique, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder à des vérifications destinées à établir la preuve de cet état alcoolique. Ces vérifications sont faites soit au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, soit au moyen d'un appareil homologué permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré.

Le projet de loi propose de préciser que l'officier ou l'agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine comme remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang.

Le tend à renforcer les prérogatives des agents de police judiciaire en matière de lutte contre la conduite sous l'emprise de l'alcool, en apportant une modification à l'article L. 234-9 du code de la route.

Cet article autorise les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints à soumettre, sur instruction du procureur de la République ou de leur propre initiative, tout conducteur, même en l'absence d'infraction ou d'accident, à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré.

Désormais, les agents de police judiciaire se verraient dotés des mêmes prérogatives que les OPJ : ils pourraient donc agir sans être placés nécessairement sous les ordres et la responsabilité d'un OPJ. Les agents de police judiciaire adjoints continueraient à agir sur l'ordre et sous la responsabilité d'un OPJ.

Le tend à procéder à la même modification à l'article L. 235-2 du code de la route, relatif aux épreuves de dépistage destinées à vérifier si un conducteur a consommé des produits stupéfiants : les agents de police judiciaire seraient investis des mêmes prérogatives que les OPJ pour procéder ou faire procéder à ces épreuves.

Il est également proposé de compléter le cinquième alinéa de l'article L. 235-2, relatif aux vérifications qui doivent être effectuées lorsque les épreuves de dépistage se révèlent positives. Comme ces vérifications consistent en des analyses ou examens médicaux, cliniques ou biologiques, il serait précisé que l'officier ou l'agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer comme remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang.

4. La position de votre commission

Cet article regroupe une série de mesures de simplification assez hétéroclites. Votre commission accueille favorablement la disposition relative au dépaysement des affaires, qui permet de combler une lacune de notre droit.

Plusieurs mesures suivantes ont en commun d'avoir pour objectif de libérer les OPJ de certaines tâches en donnant plus d'autonomie aux agents de police judiciaire ou aux experts qu'ils requièrent. Votre commission approuve cette orientation qui devrait permettre aux OPJ de se consacrer à d'autres activités pour lesquelles leurs compétences seront mieux employées.

La possibilité de requérir des professionnels de santé pour effectuer des prises de sang constitue une mesure pragmatique qui ne soulève pas de difficulté de principe.

Sur ce point, la commission a adopté un amendement COM-72 du Gouvernement qui complète les mesures de simplification envisagées par le projet de loi. L'article L. 234-4 du code de la route prévoit que les vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique sont effectuées grâce à des examens médicaux et des analyses biologiques. L'exigence de procéder à un examen médical impose de faire appel à un médecin, alors même que l'analyse d'un prélèvement biologique suffit à établir l'imprégnation alcoolique. Il est donc proposé que la vérification consiste en des examens médicaux ou des analyses biologiques, ces dernières pouvant être confiées à un infirmier qui réalise une prise de sang analysée ensuite par un laboratoire.

Votre commission a adopté l'article 33 ainsi modifié .

Section 3
Dispositions propres à l'instruction
Sous-section 1
Dispositions relatives à l'ouverture de l'information
Article 34
(art. 85, 86, 392-1, 706-104 [nouveau] et 706-24-2 [abrogé]
du code de procédure pénale)
Continuité des actes d'enquête lors de la saisine du juge d'instruction
et recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile

L'article 34 du projet de loi tend à généraliser la possibilité de poursuivre certaines opérations postérieurement à l'ouverture d'une information judiciaire (1), d'une part, et à encadrer les plaintes avec constitution de partie civile (2), d'autre part.

1. La généralisation de la possibilité de poursuivre certaines opérations postérieurement à l'ouverture d'une information judiciaire

a) L'existence d'un sas (article 706-24-2 du code de procédure pénale) permettant une continuité des actes entre l'enquête et l'information judiciaire, en matière de terrorisme

En principe, le recours aux techniques d'enquête exécutées dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire, sous le contrôle du procureur de la République, doit cesser à la clôture de l'enquête avant, éventuellement, d'être à nouveau autorisé par le juge d'instruction .

Le passage du cadre des enquêtes à l'information judiciaire entraîne ainsi des ruptures dans le recours aux techniques d'enquête.

De plus, certaines techniques nécessitent l'installation (et donc la désinstallation au moment de la fin de l'enquête de flagrance ou préliminaire) - parfois délicate, parfois inopportune - de dispositifs (par exemple les dispositifs permettant de sonoriser une pièce, qui nécessitent de s'introduire physiquement au domicile d'une personne). Le temps d'interruption entre la fin de la mesure autorisée dans le cadre d'une enquête (flagrance ou préliminaire), puis l'exécution d'une nouvelle mesure autorisée dans le cadre d'une instruction peut être préjudiciable.

Aussi, afin d'améliorer la transition entre les enquêtes concernant les infractions terroristes, placées sous l'autorité du parquet, et l'information judiciaire placée sous l'autorité des magistrats instructeurs, la procédure de l'article 706-24-2 du code de procédure pénale , créée à l'initiative du Sénat par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale , permet-elle aux actes d'investigation autorisés pendant la phase de l'enquête de rester valides pendant une courte durée de 48 heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif (qui saisit le juge d'instruction), avant d'être le cas échéant, reconduits par le juge d'instruction. Le juge d'instruction peut à tout moment mettre fin à ces actes.

Sont actuellement concernés par la procédure tous les dispositifs d'enquête spécifiques à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées : la géolocalisation, la surveillance, l'infiltration, l'interception de correspondance, l'accès à distance à des données informatiques, l'utilisation de l' IMSI-catcher , la sonorisation et la fixation d'images de lieux privés et la captation des données informatiques. Ce « sas » ne s'applique cependant qu'aux enquêtes concernant des infractions terroristes.

b) Des doutes sur la pertinence d'une extension de ce « sas » au droit commun

Les I et V de l'article 34 visent à généraliser et à étendre la procédure de ce « sas » , permettant la continuité des actes d'investigation entre l'enquête et l'information judiciaire, à l'ensemble des délits et des crimes de droit commun . De plus, la validité de ce sas serait prolongée : jusqu'à sept jours à compter du réquisitoire introductif et jusqu'à 48 heures après le terme légal autorisé de l'enquête (concrètement, il s'agirait d'excéder les 16 jours de l'enquête de flagrance). Enfin, les investigations concernées sont élargies aux réquisitions.

Alors que ce dispositif a été initialement conçu comme exceptionnel et limité aux infractions les plus graves, cette disposition banaliserait le recours à des techniques très intrusives en phase d'enquête alors que la nécessité d'une telle extension d'un dispositif récent et non évalué n'a pas été établie.

De plus, ce « sas » s'appliquerait aux infractions de droit commun alors même que ces techniques d'enquête (la sonorisation ou encore la captation des données informatiques) ne peuvent pas être autorisées en enquêtes préliminaires pour ces infractions.

Au regard du risque de chevauchement des attributions et de superposition des cadres d'enquêtes (droit commun, délinquance et criminalité organisées, informations judiciaires, etc .), vos rapporteurs considèrent préférable de limiter l'extension prévue par le projet de loi aux infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées .

De surcroît, vos rapporteurs estiment indispensables de maintenir le délai actuellement prévu par le « sas » à l'article 706-24-2 du code de procédure pénale de 48 heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif : la poursuite, pendant une semaine, d'opérations aussi intrusives et attentatoires aux libertés individuelles, avec la seule autorisation et pour seule autorité de contrôle le procureur de la République , semble disproportionnée. Si l'urgence était caractérisée, l'opération serait nécessairement reconduite par le juge d'instruction dans un délai de 48 heures.

L'extension de la durée de l'enquête de flagrance ou préliminaire de 48 heures semble tout aussi excessive alors même qu'aucun juge du siège ne serait intervenu.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-208 de vos rapporteurs visant à limiter l'extension du « sas » aux seules infractions de la délinquance et de la criminalité organisés, et à maintenir les délais actuellement prévus par le sas.

2. L'encadrement des plaintes avec constitution de partie civile

Les II, III et IV de l'article 34 du projet de loi tendent à modifier les règles permettant aux plaignants de solliciter l'ouverture d'une information judiciaire.

a)  L'encadrement de la recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile

La plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction permet à un plaignant d'obtenir l'ouverture d'une information judiciaire et donc la désignation d'un juge d'instruction : la plainte avec constitution de partie civile valablement déposée met nécessairement en mouvement l'action publique et produit les mêmes effets que le réquisitoire introductif d'instance délivré par le procureur de la République.

Plusieurs conditions de recevabilité sont définies à l'article 85 du code de procédure pénale : sauf exception 318 ( * ) , la plainte avec constitution de partie civile n'est possible que si le plaignant justifie qu'il a préalablement déposé une plainte simple pour ces faits auprès du procureur de la République, et que celui-ci a classé la procédure sans suite ou n'a pas donné suite pendant plus de trois mois .

En 2016, 23 % des ouvertures d'informations judiciaires l'ont été à la suite d'une constitution de partie civile. 18,6 % des informations judiciaires clôturées la même année avaient été ouvertes sur constitution de partie civile. Près de deux-tiers d'entre elles se sont clôturées par un non-lieu (1 869 pour 2 810 affaires).

Le II de l'article 34 du projet de loi tend à allonger ce dernier délai qui passerait de trois à six mois.

Autre mesure visant à restreindre la recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile, le II de l'article 34 tend à imposer aux plaignants, après le refus d'engagement des poursuites du procureur de la République, l'obligation de former un recours devant le procureur général : la victime ne pourrait porter plainte avec constitution de partie civile que si la décision a été confirmée par le procureur général. Aucun délai n'encadre cependant la réponse du procureur général.

Ces dispositions font écho au rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale : « les magistrats, mais aussi les avocats, déplorent fréquemment les « abus » des constitutions de partie civile, qui occupent une part significative des cabinets d'instruction (outre le coût d'une procédure), disproportionnée par rapport à l'intérêt public qu'elles représentent . Deux idées émergent le plus souvent : d'une part le rehaussement significatif (voire l'instauration d'un minimum légal) de la consignation préalable ; d'autre part et surtout, l'allongement du délai (6 mois ? 9 mois ?) pour pouvoir se constituer après le dépôt de la plainte au parquet, doublé peut-être de l'obligation, en cas de classement sans suite, d'exercer préalablement le recours devant le procureur général . À cet égard, il convient d'insister sur la nécessité d'une motivation circonstanciée de sa décision par le procureur de la République. Par ailleurs, la définition d'un délai fixé au procureur général pour statuer en cas de recours devrait être prévue. Il conviendrait enfin d'éviter les constitutions multiples ».

À l'instar de l'association française des magistrats instructeurs (AFMI), vos rapporteurs considèrent qu'une trop grande restriction des constitutions de partie civile peut être préjudiciable à l'égalité des citoyens devant la loi . L'obligation de former un recours devant le procureur général, qui ne serait tenu par aucun délai de réponse, aurait pour conséquence de retarder inutilement la saisine d'un juge , au détriment de l'efficacité de la procédure : plus l'information sera ouverte tardivement, moins les éléments de preuve pourront être conservés.

Afin de défendre une position équilibrée, votre commission a adopté les amendements identiques COM-207 de vos rapporteurs , COM-37 et COM-73 du Gouvernement et COM-178 de notre collègue Thani Mohamed Soilihi au nom du groupe La République en Marche, qui tendent à supprimer le recours obligatoire devant le procureur général : s'il est acceptable de laisser un délai de six mois au procureur de la République pour répondre à la plainte initiale du plaignant, vos rapporteurs considèrent, en revanche, que tout allongement supplémentaire du délai, notamment par un recours devant le procureur général, serait excessif.

b)  L'extension des hypothèses permettant de ne pas ouvrir une information judiciaire, en cas de plainte avec constitution de partie civile

Le juge d'instruction est, en principe, tenu d'informer sur les faits visés par une plainte avec constitution de partie civile valablement déposée.

Deux dérogations à ce principe sont prévues à l'article 86 du code de procédure pénale :

- si pour des causes affectant l'action publique (par exemple, la prescription), « les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite » ou alors les faits ne peuvent recevoir aucune qualification pénale ( réquisition de « non informer » du procureur de la République) ;

- s'il est établi, notamment par des investigations, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis ( réquisition de non-lieu à informer).

Dans ces hypothèses, le procureur de la République peut saisir le juge d'instruction de réquisitions de non informer (ou de non-lieu à informer) et le juge d'instruction peut rendre une ordonnance de refus d'informer. Si le juge d'instruction passe outre les réquisitions du procureur de la République, il doit statuer par ordonnance motivée.

Le III de l'article 34 du projet de loi vise à ajouter une troisième hypothèse justifiant le refus d'informer : le procureur de la République pourrait requérir du juge d'instruction « une ordonnance constatant l'inutilité d'une information et invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe » lorsque :

- toutes les investigations utiles à la manifestation de la vérité ont déjà été réalisées ;

- l'enquête a mis à jour des « charges suffisantes » contre une personne mais le procureur de la République a refusé, en opportunité, de mettre en mouvement l'action publique ;

- et qu'une citation directe devant le tribunal peut être envisagée.

Dans cette hypothèse d'ordonnance « constatant l'inutilité d'une information », la partie civile ayant versé une consignation au moment de la saisine du juge d'instruction n'aurait pas à verser à nouveau une consignation pour permettre la recevabilité de la citation directe du prévenu devant le tribunal correctionnel ( IV de l'article 34 du projet de loi ).

Concrètement, ces dispositions visant à créer ce nouveau type d'ordonnance tendent à limiter l'ouverture d'informations judiciaires concernant des faits avérés qui peuvent revêtir une qualification pénale , pour lesquels une enquête a déjà été conduite mais le procureur de la République a estimé, en opportunité et conformément à la politique pénale nationale et locale, préférable de recourir à d'autres réponses pénales que les poursuites (par exemple, le prononcé d'un stage dans le cadre d'une procédure alternative aux poursuites).

Dans ces hypothèses, il apparaît effectivement préférable de privilégier la voie de la citation directe du prévenu devant le tribunal correctionnel à l'ouverture d'une information judiciaire, alors même qu'aucune investigation supplémentaire ne semble nécessaire.

Si vos rapporteurs approuvent le principe de cette disposition, ils proposent néanmoins d'en clarifier la rédaction : aussi votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-209 de vos rapporteurs visant à faire explicitement de cette possibilité un troisième cas d'ordonnances de refus d'informer, et non une ordonnance « constatant l'inutilité d'une information » et à supprimer la notion de « charges suffisantes » qui prêtait à confusion selon plusieurs magistrats entendus par vos rapporteurs.

3. La correction d'une erreur matérielle

Enfin, à l'initiative de vos rapporteurs, votre commission a adopté l' amendement COM-214 visant à réparer une erreur matérielle à l'article 173 du code de procédure pénale, erreur issue de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme .

Le II de l'article 4 de cette loi a en effet modifié l'article 173 du code de procédure pénale relatif au régime des nullités dans le cadre d'une information judiciaire. Dans l'éventualité où les actes liés aux visites domiciliaires seraient versés dans une procédure pénale incidente, le Parlement a souhaité que les éventuelles nullités de ces actes puissent être soulevées dans le cadre de l'information judiciaire, bien qu'ils puissent par ailleurs faire l'objet d'un appel : à cet effet, il est nécessaire que l'article 173 du code de procédure pénale vise bien le chapitre IX du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure.

Votre commission a adopté l'article 34 ainsi modifié .

Sous-section 2
Dispositions relatives au déroulement de l'instruction
Article 35
(art. 81, 97, 142-6, 142-7 et 706-71 du code de procédure pénale
et art. 51-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse)
Mesures diverses de simplification du déroulement de l'instruction

L'article 35 du projet de loi propose une série de mesures de simplification relatives au déroulement de l'instruction.

1. Demande adressée par lettre

Le paragraphe I tend à étendre la possibilité d'adresser une demande au juge d'instruction par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'article 81 du code de procédure pénale dispose que le juge d'instruction peut prescrire, dans le cadre d'une information judiciaire, un examen médical, psychologique ou toute autre mesure utile.

Le juge peut être saisi par les parties à la procédure d'une demande, écrite et motivée, tendant à ce qu'il soit procédé à un tel examen ou à une autre mesure utile à l'instruction. En principe, cette demande doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge d'instruction en charge du dossier. C'est seulement dans le cas où le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente que la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Il est proposé que cette déclaration puisse être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception quel que soit le lieu de résidence du demandeur ou de son avocat.

Votre commission est favorable à cette mesure de simplification, qui évitera aux parties et à leur avocat de se déplacer, et elle a adopté cette disposition sans modification.

2. Simplification des règles relatives à l'ouverture des scellés

Le paragraphe II tend à alléger les contraintes qui entourent l'ouverture des scellés.

L'article 97 du code de procédure pénale prévoit que l'ouverture de scellés ne peut être réalisée qu'en présence de la personne mise en examen , assistée de son avocat, ou eux dûment appelés. Il est proposé de prévoir une exception lorsque l'ouverture et la reconstitution du scellé n'exigent pas que la personne mise en examen soit interrogée sur son contenu : dans ce cas, le juge d'instruction, assisté de son greffier, pourrait y procéder en présence du seul avocat de la personne mise en examen, ou celui-ci dûment appelé.

Votre commission approuve cette mesure, cohérente avec d'autres dispositions du texte concernant les scellés. Elle a adopté ce paragraphe II sans modification.

3. Mesures tendant à faciliter l'assignation à résidence avec surveillance électronique

Le paragraphe III tend à introduire des dispositions destinées à favoriser le recours à l'assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE).

En application de l'article 142-6 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention (JLD), après avoir fait vérifier la faisabilité technique de l'ARSE, statue :

- soit, comme pour la détention provisoire et conformément à l'article 145 du code de procédure pénale, après un débat contradictoire au cours duquel le procureur de la République, la personne mise en examen et son avocat sont entendus ;

- soit sans débat contradictoire lorsque le juge statue sur une demande de mise en liberté (ce qui suppose que la personne ait été au préalable placée en détention provisoire).

Désormais, l'ARSE pourrait également être décidée sur réquisitions écrites du procureur, dont il serait donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu ses observations et celles de son avocat.

Elle pourrait également être décidée, sans débat contradictoire ni recueil des observations, par ordonnance décidant d'une mise en liberté d'office (mise en liberté décidée par le juge sans demande de la personne détenue).

Le texte propose également d'ajouter une précision au troisième alinéa de l'article 142-6 du code de procédure pénale pour indiquer que le juge fait vérifier la faisabilité technique de la mesure par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), qui peut être saisi, à cette fin, à tout moment de l'instruction.

En matière correctionnelle, le SPIP serait obligatoirement saisi pour procéder à cette étude de faisabilité si la personne détenue, ou son avocat, en fait la demande un mois avant la date à laquelle sa détention peut être prolongée. Par décision spécialement motivée, le juge aurait cependant la possibilité de s'opposer à cette saisine.

Le paragraphe IV tend à modifier l'article 142-7 du code de procédure pénale. Cet article dispose que l'ARSE est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois , mais qui peut être prolongée, selon les modalités prévues à l'article 142-6, sans que sa durée totale puisse excéder deux ans .

Il est d'abord proposé d'apporter une précision rédactionnelle pour indiquer que ces dispositions valent « au cours de l'instruction ». Puis l'article 142-7 serait complété d'un nouvel alinéa relatif à la possibilité de prolonger l'ARSE après que la personne a été renvoyée devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel.

Dans cette hypothèse, la personne pourrait demeurer sous ARSE dans l'attente de son procès, sans que la durée de la mesure puisse excéder deux ans, compte tenu de la durée de l'assignation à résidence déjà effectuée pendant l'instruction, et sans qu'il soit nécessaire d'en ordonner la prolongation tous les six mois . L'intéressé conserverait bien sûr la possibilité d'en demander la mainlevée.

Votre commission note que l'ARSE n'est que très rarement utilisée au cours de l'instruction : au 1 er juillet 2017, seuls 292 prévenus étaient soumis à cette mesure, ce qui est très peu comparé au nombre de placements en détention provisoire (39 300 en 2016). Votre commission soutient la volonté du Gouvernement de favoriser le recours à l'ARSE, qui présente l'avantage d'être moins « désocialisante » pour le prévenu que la détention. Elle est notamment compatible avec la poursuite d'une activité professionnelle ou d'une formation.

À cet égard, votre commission considère que les modifications législatives envisagées par le projet de loi sont utiles, même si elles doutent qu'elles suffisent à faire évoluer fortement la pratique des magistrats en l'absence d'un renforcement des moyens des SPIP. C'est leur incapacité à réaliser rapidement une étude de faisabilité qui fait souvent obstacle au prononcé de type de mesure. D'autres difficultés tiennent à la configuration du logement de la personne poursuivie qui ne se prête pas toujours à une assignation à résidence.

Sous le bénéfice de ces observations, elle a adopté ce paragraphe sans modification.

4. Recours à la visioconférence

Le paragraphe V vise à élargir les cas de recours à la visioconférence au cours de l'instruction.

L'utilisation de moyens de télécommunication est encadrée par l'article 706-71 du code de procédure pénale.

Il est proposé tout d'abord d'insérer, au début de cet article, un nouvel alinéa qui poserait le principe selon lequel il peut être recouru, au cours de la procédure pénale, aux fins d'une bonne administration de la justice , à un moyen de communication audiovisuelle , dans les cas et selon les modalités prévues audit article.

L'article 706-71 énumère une longue liste d'hypothèses dans lesquelles le recours à la visioconférence est autorisé. Pour s'en tenir à la phase de l'instruction, on peut citer l'audition ou l'interrogatoire par le juge d'instruction d'une personne détenue, le débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d'une personne détenue pour une autre cause, le débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire ou encore les audiences relatives au contentieux de la détention provisoire.

S'agissant du débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, il est proposé de préciser que cette disposition s'applique aussi à l'audience prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 179. Cet alinéa donne la possibilité au tribunal de prolonger, à titre exceptionnel, la détention provisoire pendant deux mois lorsqu'il n'est pas possible de tenir l'audience sur le fond avant l'expiration d'un premier délai de deux mois. La comparution personnelle du prévenu est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande.

Il est ensuite proposé de supprimer la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 706-71. Cette phrase dispose que, pour une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne mise en cause peut, lorsqu'elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à la visioconférence est envisagé, refuser l'utilisation de ce moyen de télécommunication audiovisuelle. Elle peut donc s'opposer à la visioconférence et obtenir d'être entendue physiquement par le juge d'instruction. Par exception, le recours à la visioconférence peut lui être imposé si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion.

La suppression de cette phrase priverait donc le justiciable du droit de refuser la visioconférence , qui pourrait donc lui être imposée en vertu du principe de bonne administration de la justice.

Le recours à la visioconférence permet notamment de diminuer le nombre d'extractions, sachant que l'administration pénitentiaire rencontre des difficultés pour répondre aux demandes des magistrats en ce domaine. L'étude d'impact annexée au projet de loi indique ainsi que 12 000 extractions, soit 15 % du total, n'ont pu être prises en charge en 2017, ce qui entraîne parfois des remises en liberté injustifiées lorsque la personne détenue n'a pu être présentée devant le juge dans les délais impératifs de comparution prévus par la loi.

Il est ensuite proposé de modifier la rédaction du cinquième alinéa de l'article 706-71, afin notamment de tenir compte de la présence éventuelle d'un interprète .

Dans sa rédaction actuelle, cet alinéa précise où peut se trouver l'avocat lorsqu'il est fait recours à la visioconférence :

- soit auprès du magistrat, de la juridiction ou de la commission compétents ; il doit alors pouvoir s'entretenir avec son client de façon confidentielle en utilisant le moyen de télécommunication audiovisuelle ;

- soit auprès de son client ; une copie intégrale du dossier doit alors être mise à sa disposition dans les locaux de détention, sauf si une copie de ce dossier lui a déjà été remise.

De la même façon, l'interprète pourra se trouver soit auprès du détenu, soit auprès du magistrat, de la juridiction ou de la commission. Rien n'impose qu'il se trouve dans le même lieu que l'avocat. L'interprète n'est pas concerné par les dispositions relatives à la possibilité d'avoir un entretien confidentiel ni par le droit d'accès au dossier.

Enfin, l'alinéa serait complété pour préciser que, s'il est fait usage de la visioconférence au cours d'une audience, celle-ci doit se tenir dans des conditions qui garantissent le droit de la personne à présenter elle-même ses observations . Elle doit pouvoir être entendue directement par les magistrats, sans être contrainte, par exemple, de passer par le truchement de son avocat.

Sans méconnaître l'apport de la visioconférence dans le fonctionnement des juridictions, votre commission est réservée concernant son utilisation pour décider d'un placement en détention provisoire.

Le recours à la visioconférence, s'il se généralisait, risquerait de conduire à un plus grand nombre de placements en détention provisoire. C'est en tout cas la crainte exprimée par plusieurs interlocuteurs devant vos rapporteurs : l'utilisation de moyens audiovisuels crée, par nature, une distance entre le juge et la personne mise en cause qui peut rendre la décision d'incarcération plus facile à prendre pour le magistrat.

L'exercice des droits de la défense est également plus difficile à assurer avec la visioconférence : l'avocat se trouve soit auprès de son client, soit auprès du magistrat, or il a besoin de pouvoir s'entretenir directement et de manière fluide avec les deux.

Pour ces raisons, votre commission estime que l'équilibre aujourd'hui atteint par le code de procédure pénale est satisfaisant. Par l'adoption de trois amendements identiques COM-187 de ses rapporteurs, COM-29 de Mme Jacky Deromedi et COM-114 du groupe socialiste et républicain, elle vous propose donc de le maintenir.

5. Mise en examen dans le cadre d'une procédure en diffamation

Le paragraphe VI tend à insérer un nouvel article 51-1 dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

La loi de 1881 sur la liberté de la presse fixe des règles particulières en matière pénale, notamment en ce qui concerne le délit de diffamation.

Par dérogation aux règles de droit commun, le juge d'instruction dispose de pouvoirs très limités en matière de diffamation. La loi interdit en effet tout acte d'instruction, comme du reste tout acte d'enquête, qui tendrait à établir la vérité des faits diffamatoires ou à établir la bonne foi de celui qui les a prononcés. Il appartient au prévenu de fournir les pièces ou de citer les témoins par lesquels il entend apporter la preuve des faits allégués. Le plaignant ou le ministère public peuvent produire des pièces ou citer des témoins tendant à apporter la preuve du contraire.

Compte tenu rôle très réduit du juge d'instruction dans la procédure, il est proposé d'alléger le formalisme qui entoure la mise en examen, qui pourrait être effectuée par simple lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

En principe, une mise en examen ne peut intervenir sans que le juge d'instruction ait entendu les observations de la personne, assistée par son avocat, conformément aux articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale.

En matière de diffamation, la procédure deviendrait essentiellement écrite. Le juge enverrait une lettre recommandée informant la personne de son intention de la mettre en examen, en précisant les faits qui lui sont reprochés et leur qualification juridique et en l'avisant de son droit de présenter des observations écrites dans le délai d'un mois. Par le même courrier, il pourrait également lui soumettre des questions, en lui précisant qu'elle peut y répondre par écrit ou par oral si elle souhaite être entendue.

La lettre informerait également la personne de son droit de désigner un avocat. Ce dernier aurait le droit de consulter la procédure durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d'instruction. L'avocat pourrait également se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier, dans les conditions de droit commun.

Après ce premier courrier, le juge d'instruction pourrait envoyer, à l'issue d'un délai d'un mois, un deuxième courrier procédant cette fois à la mise en examen. Ce courrier serait adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la personne et à son avocat. Le courrier informerait la personne que son interrogatoire est de droit si elle demande à être entendue.

Quand il estime que l'information est achevée, le juge d'instruction envoie le dossier au procureur de la République, pour que celui-ci fasse connaître ses réquisitions motivées. Les délais de droit commun concernant les réquisitions du procureur (un mois si la personne mise en examen est détenue, trois mois dans les autres cas) ne seraient pas applicables. Le juge d'instruction pourrait rendre son ordonnance de règlement s'il n'a pas reçu les réquisitions du procureur à l'issue d'un délai de deux mois.

Votre commission est favorable à ces mesures de simplification tendant à autoriser le recours à la lettre recommandée pour certains actes dans le cadre d'une procédure en diffamation. Elle a adopté le paragraphe VI sans modification.

Votre commission a adopté l'article 35 ainsi modifié .

Sous-section 3
Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l'instruction
Article 36
(art. 41-4, 41-6, 84-1, 170-1 [nouveau], 175, 180-1, 185, 706-153 et 778
du code de procédure pénale)
Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l'instruction

L'article 36 du projet de loi a pour objet de réduire le délai dans lequel le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement, de favoriser le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la fin de l'instruction et d'autoriser le président de la chambre de l'instruction à statuer à juge unique sur certains contentieux.

1. Sur l'ordonnance de règlement

L'article 36 du projet de loi vise, en premier lieu, à réduire les délais prévus à l'article 175 du code de procédure pénale, relatif à l'ordonnance de règlement 319 ( * ) rendue par le juge d'instruction à la fin d'une information judiciaire.

Au préalable, et par coordination, le paragraphe I tend à modifier l'article 84-1 du code de procédure pénale.

Cet article dispose que le juge d'instruction peut demander à la personne mise en examen, à la partie civile ou au témoin assisté s'il souhaite renoncer au bénéfice des articles 161-1 et 175 du code de procédure pénale.

L'article 161-1 est relatif à la possibilité pour les parties de poser des questions à un expert ou de demander la désignation d'un autre expert. L'article 175 donne la possibilité aux parties, une fois l'information judiciaire terminée, d'adresser des observations écrites au juge d'instruction.

Par coordination avec la nouvelle rédaction proposée pour l'article 175, l'article 84-1 serait modifié pour ne plus viser que le seul article 161-1.

Le paragraphe II propose une nouvelle rédaction globale de l'article 175, qui serait désormais subdivisé en huit paragraphes, numérotés de I à VIII.

Le I indique que, lorsque l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise, en même temps, les avocats des parties ou, si elles ne sont pas assistées par un avocat, les parties elles-mêmes. Cet avis est notifié soit verbalement, avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, l'avis peut lui être notifié par le chef de l'établissement pénitentiaire, contre remise d'un récépissé.

Par rapport au droit en vigueur, seule une modification mineure est proposée : dans sa rédaction actuelle, l'article 175 prévoit que l'avis est communiqué aux parties et à leurs avocats ; dans la nouvelle rédaction, il est précisé que l'avis serait communiqué aux avocats et qu'il ne serait directement communiqué aux parties que dans l'hypothèse où elles ne sont pas assistées d'un avocat.

Le procureur dispose alors d'un délai pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction. Le II indique que ce délai est d'un mois si une personne mise en examen est détenue et de trois mois dans les autres cas. Copie de ces réquisitions est adressée, par lettre recommandée, aux avocats des parties ou aux parties elles-mêmes si elles n'ont pas d'avocat.

Par rapport au droit en vigueur, le texte proposé comble une lacune en ouvrant la possibilité d'envoyer la copie aux parties elles-mêmes, si elles n'ont pas d'avocat, alors que seul un envoi aux avocats est aujourd'hui envisagé.

Le III apporte une modification plus substantielle au droit en vigueur puisqu'il accorde aux parties un délai de dix jours , à compter de l'envoi de l'avis prévu au I, pour faire connaître au juge d'instruction qu'elles souhaitent exercer les droits qui leur sont reconnus par l'article 175.

Actuellement, l'article 84-1 donne la possibilité aux parties, à tout moment de la procédure, de renoncer à exercer leurs droits. Cette possibilité serait désormais mieux encadrée : c'est seulement à la fin de l'information judiciaire, après en avoir été avisées par le juge d'instruction, que les parties feraient connaître leur intention.

Elles le feraient soit par une déclaration au greffier du juge d'instruction, soit au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

Le IV précise les droits reconnus aux parties. Elles peuvent d'abord adresser des observations écrites au juge d'instruction ; une copie de ces observations est adressée au procureur. Elles peuvent également formuler des demandes ou présenter des requêtes pour que des actes supplémentaires soient réalisés en complément des investigations réalisées par le juge d'instruction.

Les parties sont soumises aux mêmes délais que le procureur pour adresser leurs observations ou formuler leurs demandes et requêtes : un mois si une personne est détenue, trois mois dans les autres cas. À l'expiration de ce délai, les parties ne sont plus recevables à adresser des observations ni à formuler ou présenter des demandes ou requêtes.

Ce IV n'introduit pas de modification de fond par rapport aux troisième et quatrième alinéas de l'article 175 actuellement en vigueur.

Le V précise de quel délai dispose le procureur pour adresser au juge d'instruction des réquisitions complémentaires lorsque les parties ont adressé des observations. Ce délai est de dix jours , à compter de la date à laquelle ces observations lui ont été communiquées, si une personne mise en examen est détenue et d' un mois dans les autres cas. Ces délais sont inchangés par rapport au droit en vigueur.

Symétriquement, le VI prévoit que les parties peuvent adresser au juge d'instruction des observations complémentaires une fois que les réquisitions du procureur leur ont été communiquées. Les délais sont les mêmes qu'à l'alinéa précédent (dix jours ou un mois), sans changement par rapport au droit en vigueur. Les parties doivent faire connaître au juge d'instruction leur souhait d'exercer ce droit dans les conditions prévues au III.

Le VII prévoit que le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement à l'expiration de ces différents délais (délais d'un mois ou de trois mois, puis délais de dix jours ou d'un mois en cas de réquisitions complémentaires ou d'observations complémentaires), même s'il n'a reçu aucune réquisition ni observation dans les délais prescrits.

Par rapport au droit en vigueur, cette rédaction permettrait au juge d'instruction de rendre son ordonnance dans un délai plus court. Actuellement, il doit en effet attendre l'expiration du premier délai d'un mois ou de trois mois, puis l'expiration du deuxième délai, de dix jours ou un mois, avant de rendre son ordonnance. En l'absence de mis en examen détenu, il s'écoule donc un délai total de quatre mois, même lorsque le parquet a communiqué ses réquisitions rapidement et que les autres parties n'ont formulé aucune demande ni requête. Ce délai est ramené à un mois et dix jours en présence d'un mis en examen détenu.

Avec la nouvelle rédaction, le juge pourrait, si les parties ne se manifestent pas dans le délai de dix jours qui leur est imparti, rendre son ordonnance au bout de trois mois ou au bout d'un mois, selon les hypothèses.

Enfin, le VIII précise que certaines dispositions de l'article 175 s'appliquent au témoin assisté .

C'est le cas du III relatif au délai pour faire connaître son intention d'exercer ses droits, du 1° du IV, sur le droit d'adresser des observations écrites, et du VI sur le droit d'adresser des observations complémentaires.

Le témoin assisté pourrait également invoquer le 2° du IV mais uniquement pour présenter une requête en nullité.

Le témoin assisté

Les termes de témoin assisté désignent le statut de la personne qui est mise en cause au cours d'une instruction judiciaire, mais à qui il n'est pas directement reproché la commission d'une infraction. Il s'agit d'un statut intermédiaire entre celui de mis en examen et celui de simple témoin, qui confère certains droits à la personne qui en est l'objet.

Alors que le mis en examen est celui à l'encontre duquel il existe « des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pu participer à la commission des infractions dont le juge est saisi », le témoin assisté est celui à l'encontre duquel il existe « des indices rendant vraisemblable qu'il ait pu participer à la commission des infractions dont le juge est saisi ».

Votre commission approuve l'économie générale de ce dispositif qui devrait permettre de prendre un peu plus rapidement les ordonnances de règlement.

Par l'adoption de trois amendements identiques COM-188 de ses rapporteurs, COM-169 du groupe La République En Marche et COM-39 du Gouvernement, votre commission a cependant souhaité mieux préserver les droits de la défense en portant de dix à quinze jours le délai accordé aux parties pour faire savoir au juge d'instruction qu'elles souhaitent présenter des observations ou formuler des demandes et requêtes avant qu'il rende son ordonnance de règlement. À l'initiative de ses rapporteurs, elle a également adopté un amendement COM-180 corrigeant une erreur matérielle.

2. Sur la possibilité de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) (appelée aussi « plaider-coupable » ) permet d'éviter un procès à une personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés. La procédure se déroule de la manière suivante : le procureur de la République propose à la personne d'exécuter une ou plusieurs peines ; si la personne l'accepte, le procureur saisit le président du tribunal correctionnel en vue d'une audience d'homologation ; le président du tribunal décide d'homologuer ou de rejeter la proposition du procureur, sans pouvoir la modifier.

La CRPC est souvent proposée au stade de l'enquête préliminaire, mais elle peut aussi être proposée à l'issue d'une information judiciaire, comme le prévoit l'article 180-1 du code de procédure pénale. Si le juge d'instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu'elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l'accord du procureur, du mis en examen et de la partie civile, prononcer par ordonnance le renvoi de l'affaire au procureur aux fins de mise en oeuvre d'une CRPC.

La demande ou l'accord du ministère public et ceux des parties doivent faire l'objet d'un écrit ou être mentionnés par procès-verbal. Ils peuvent être recueillis au cours de l'information judiciaire à l'occasion de la procédure de règlement prévue à l'article 175, qui vient d'être décrite.

Il est proposé de compléter l'article 180-1 du code de procédure pénale pour apporter des précisions concernant la procédure applicable lorsque c'est le procureur qui propose le recours à la CRPC .

Dans ce cas, le texte propose de donner aux parties un délai de dix jours , à compter de la notification de cette proposition, pour indiquer, par télécopie, déclaration au greffe ou lettre recommandée, si elles acceptent le renvoi de l'affaire aux fins de mise en oeuvre d'une CRPC. En cas d'accord, les dispositions de l'article 175 ne trouveraient pas à s'appliquer. L'ordonnance de renvoi prendrait une forme simplifiée puisqu'elle n'aurait pas besoin d'être motivée.

Peu convaincue par ce dispositif, la commission a adopté un amendement COM-116 du groupe socialiste et républicain tendant à supprimer ce paragraphe. Le règlement donne l'occasion de réaliser un indispensable travail de synthèse et d'analyse de la procédure, qui bénéficie à l'ensemble des intervenants subséquents. Le temps gagné au moment du règlement sera perdu par les magistrats intervenant au stade de la proposition de peine puis au moment de l'homologation. Le gain escompté paraît donc très hypothétique et de nature à créer plus de pesanteur procédurale que d'assouplissement.

3. Sur le contentieux de l'instruction

Le paragraphe IV tend à modifier l'article 185 du code de procédure pénale. Cet article prévoit que le procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la chambre de l'instruction de toute ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention (JLD). Cet appel doit être interjeté dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision. Il est proposé de porter ce délai de cinq à dix jours . Cette mesure permettrait d'aligner ce délai d'appel sur ceux prévus pour le procureur général, pour le mis en examen et pour la partie civile.

Le paragraphe VII propose d'autoriser le président de la chambre de l'instruction à statuer à juge unique pour certains contentieux :

- pour les recours prévus au deuxième alinéa de l'article 41-4, relatif à la restitution d'objets placés sous main de justice ;

- pour ceux prévus au deuxième alinéa de l'article 706-153, qui concerne la saisie de biens ou droits incorporels ;

- enfin, pour ceux prévus au deuxième alinéa de l'article 778, qui porte sur les demandes de rectification d'état civil.

Le paragraphe VIII vise également à donner compétence au président de la chambre de l'instruction pour statuer à juge unique pour certaines affaires. Le président pourrait ainsi statuer hors la présence des deux conseillers de la chambre sur les requêtes en annulation dont la solution « paraît s'imposer de façon manifeste ».

La procédure serait celle définie à l'article 199 du code de procédure pénale, avec un débat et un arrêt rendu en audience publique. Toutefois, si la décision qui s'impose consistait à annuler des actes ou pièces de la procédure, le président pourrait, avec l'accord du ministère public, statuer par ordonnance et se dispenser de l'audience.

Le recours plus étendu au juge unique pourrait certainement réduire l'encombrement de la chambre de l'instruction, au prix cependant d'une dégradation de la qualité de la délibération et de la protection du justiciable contre l'aléa inhérent à toute décision individuelle.

Les matières dans lesquelles il est proposé de statuer à juge unique sont d'inégale importance, mais certaines concernent des décisions à fort enjeu dans des matières complexes. Les nullités de l'information judiciaire constituent un contentieux sensible pour lequel le président de la chambre pourrait écarter discrétionnairement la délibération avec ses assesseurs lorsque la solution lui paraît s'imposer de façon manifeste.

Soucieuse de limiter les entorses au principe de collégialité, la commission a adopté un amendement COM-117 du groupe socialiste et républicain supprimant les paragraphes VII et VIII.

Votre commission a adopté l'article 36 ainsi modifié .

CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'ACTION PUBLIQUE ET AU JUGEMENT

Section 1
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et aux poursuites
Sous-section 1
Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l'amende forfaitaire
Article 37
(art. L. 3353-3 et L. 3421-1 du code de la santé publique ;
art. L. 3315-5 du code des transports ; art. 495-17, 495-17-1 [nouveau],
495-23 [abrogé] 768, 768-1, 769, 775 du code de procédure pénale ;
art. L. 121-5 et L. 325-1-2 du code de la route)
Extension du champ d'application de l'amende forfaitaire délictuelle

L'article 37 du projet de loi vise à étendre le champ d'application de l'amende forfaitaire à trois délits, dont le délit d'usage illicite de stupéfiants.

1. La procédure de l'amende forfaitaire délictuelle : une procédure récente, non entrée en vigueur à ce jour

Si la procédure de l'amende forfaitaire est une procédure ancienne en matière contraventionnelle 320 ( * ) , elle a été introduite très récemment en matière délictuelle, par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , pour les délits de conduite sans permis et de conduite sans assurance.

Comme en matière contraventionnelle 321 ( * ) , cette procédure permet de sanctionner rapidement la personne en faute qui doit s'acquitter dans un délai maximal de 45 jours 322 ( * ) d'une amende forfaitaire dont le montant est fixé par la loi . Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique.

Cette procédure simplifiée vise un meilleur recouvrement des amendes et ne recourt au juge qu'en cas de contestation.

Cette procédure n'est qu'une faculté. Elle ne peut pas s'appliquer en cas de récidive légale, lorsque le délit est commis par un mineur ou si, en cas de concours d'infractions, l'une d'entre elles ne peut donner lieu à une amende forfaitaire.

En cas de circonstances particulières qui peuvent justifier des réquisitions à des fins d'emprisonnement par exemple, le ministère public conserve la possibilité de poursuivre l'infraction devant le tribunal correctionnel .

Si la plupart des décrets d'application ont été publiés 323 ( * ) , cette procédure n'est toujours pas entrée en vigueur au 3 octobre 2018, principalement en raison de certains obstacles techniques, notamment informatiques 324 ( * ) . Aucune évaluation du dispositif n'a donc pu être réalisée à ce jour.

Il ressort des mesures d'application réglementaires pour les délits de conduite sans permis ou sans assurance que le choix a été fait d'une procédure dématérialisée en deux temps :

- la constatation du délit par le service verbalisateur qui dresse un procès-verbal électronique ;

- l'envoi d'un avis d'infraction, d'une notice de paiement et d'un formulaire de requête en exonération envoyé au domicile de l'intéressé.

2. L'article 37 du projet de loi : l'extension de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à trois nouveaux délits

Dans ce contexte de retard dans la mise en oeuvre de la procédure de l'amende forfaitaire aux délits prévus par la loi du 18 novembre 2016, le projet de loi prévoit l'extension du champ d'application de cette procédure à trois nouveaux délits :

- le délit de vente d'alcool à un mineur et d'offre à titre gratuit à des mineurs de moins de 16 ans de boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter (article L. 3353-3 du code de la santé publique) ;

- le délit d'usage illicite de stupéfiants (article L. 3421-1 du code de la santé publique) ;

- le délit de transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe (article L. 3315-5 du code des transports).

Selon le Gouvernement, l'application de cette procédure à ces délits permettrait d'alléger l'activité des juridictions tout en permettant une réponse plus systématique et plus dissuasive.

Par ailleurs, l'article 37 tend à :

- abroger l'article 495-23 du code de procédure pénale qui visait à « assimiler » le paiement de l'amende à une condamnation définitive pour l'application des règles sur la récidive ;

- inscrire 325 ( * ) au casier judiciaire les informations relatives au paiement des amendes forfaitaires ou à l'émission du titre exécutoire des amendes forfaitaires majorées non susceptibles de réclamation, pour les délits et pour les contraventions de la cinquième classe, aux fins d'informer les juridictions ;

- permettre les mesures administratives de rétention et de suspension du permis de conduire, même en cas de recours à l'amende forfaitaire. En revanche, en cas de recours à l'amende forfaitaire délictuelle, le préfet ne pourrait plus autoriser l'immobilisation du véhicule en vue de sa confiscation.

Possibilités d'application de la procédure de l'amende forfaitaire
(Dispositions du projet de loi)

Délit

Peine actuellement encourue

Dispositions du projet de loi

Amende forfaitaire

Montant minoré

Montant majoré

Vente, dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics
Offre à titre gratuit à des mineurs de moins de seize ans
des boissons alcooliques
à consommer sur place
ou à emporter

3 750 € d'amende

300 €

250 €

600 €

Usage illicite de l'une
des substances ou plantes classées comme stupéfiants

Un an d'emprisonnement
et 3 750 € d'amende

300 €

250 €

600 €

Transport routier avec une carte de conducteur non conforme
ou n'appartenant pas
au conducteur l'utilisant,
ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule

Six mois d'emprisonnement
et 3 750 € d'amende

800 €

640 €

1 600 €

• Le délit de vente d'alcool à un mineur et d'offre à titre gratuit à des mineurs de moins de 16 ans de boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter (article L. 3353-3 du code de la santé publique) ; le délit de se livrer à un transport routier avec une carte de conducteur non conforme ou n'appartenant pas au conducteur l'utilisant, ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule (article L. 3315-5 du code des transports)

Le projet de loi vise à appliquer la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à ces délits sans que la nécessité d'une évolution de la législation soit détaillée dans l'étude d'impact : ces infractions ne sont même pas mentionnées dans les options possibles ou le dispositif retenu 326 ( * ) . Seule la forfaitisation du délit d'usage de stupéfiants semble avoir été réellement envisagée.

Au regard du très faible nombre de condamnations (15 en tant qu'infractions principales en 2016 pour l'infraction de vente d'alcool à un mineur et une centaine pour l'infraction mentionnée à l'article L. 3315-5 du code des transports), il est possible de s'interroger sur la pertinence et l'objectif recherché par l'application de la procédure de l'amende forfaitaire à ces infractions.

« Infractions de profit », elles pourraient désormais être sanctionnées, même en état de récidive, très rapidement par une amende d'un montant inférieur quoique comparable aux amendes prononcées par les juridictions.

Condamnations et peines prononcées
pour les infractions prévues à l'article L. 3353-3 du code de la santé publique

Année

Conda. (infraction principale)

Ensemble des amendes

Dont amende ferme

Montant moyen de l'ensemble des amendes fermes

Contrainte pénale

Mesures de substitution

Mesures et sanctions éducatives

Dispense de peine

2012

50

49

45

590 €

0

1

0

0

2013

42

40

34

654 €

0

1

0

1

2014

33

32

27

530 €

0

0

0

1

2015

24

23

19

503 €

0

0

0

1

2016

15

15

15

623 €

0

0

0

0

Condamnations et peines prononcées
pour les infractions prévues à l'article L. 3315-1 du code des transports

Année

Conda. (infraction principale)

Emp.

Ensemble des amendes

Dont amende ferme

Montant moyen de l'ensemble des amendes fermes

Contrainte pénale

Mesures de substitution

Mesures et sanctions éducatives

Dispense de peine

2012

87

0

159

158

990 €

0

0

0

0

2013

99

0

150

149

1 068 €

0

0

0

0

2014

130

2

198

196

980 €

0

0

0

1

2015

103

0

168

168

1 059 €

0

0

0

0

2016

102

0

168

168

1 095 €

0

0

0

1

Source pour les deux tableaux : exploitation statistique de Cassiopée par le secrétariat général
du ministère de la justice (sous-direction de la statistique et des études)
et la direction des affaires criminelles et des grâces (pôle d'évaluation des politiques pénales)

• Le délit d'usage illicite de stupéfiants

Actuellement, l'infraction d'usage illicite de stupéfiants fait l'objet d'un taux de réponse pénale très élevé (98,40 % en 2017).

La majorité de la réponse pénale (54,30 % en 2017) est constituée par des alternatives aux poursuites : des rappels à la loi, l'orientation vers une structure sanitaire et sociale, les stages de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants, les mesures d'injonctions thérapeutiques ou des mesures de composition pénale.

La très grande majorité des poursuites (45,7 % des affaires poursuivables), réservées en pratique aux faits d'usage de stupéfiants commis en état de récidive légale ou connexes à d'autres infractions, s'opèrent d'ores et déjà avec une procédure simplifiée :

- les ordonnances pénales (48,9 % des 53 424 affaires ayant donné lieu à poursuites en 2017) ;

- les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (18,7 % des poursuites en 2017).

Structure des orientations des auteurs dans les affaires d'usage de stupéfiants

2013

2014

2015

2016

2017

Affaires nouvelles

126 438

139 000

133 879

140 462

137 160

Affaires orientées

106 023

116 741

113 190

123 617

122 600

Affaires non poursuivables

3 190

3 432

3 629

4 254

3 822

Affaires poursuivables

102 833

113 309

109 561

119 363

118 778

Classement sans suite pour inopportunité

1 664

1 836

1 956

2 602

1 953

Réponse pénale

101 169

111 473

107 605

116 761

116 825

Taux de réponse pénale

98,40 %

98,40 %

98,20 %

97,80 %

98,40 %

Procédures alternatives aux poursuites

61 590

69 176

63 267

69 199

63 401

Taux de procédures alternatives

60,90 %

62,10 %

58,80 %

59,30 %

54,30 %

dt rappel à la loi / avertissement

38 390

45 815

40 540

44 984

40 796

dt orientation structure sanitaire, sociale ou professionnelle sur demande du parquet

9 984

9 913

9 448

10 309

9 702

dt composition pénale

8 095

7 963

8 312

8 854

8 568

dt injonction thérapeutique

2 245

2 034

1 655

1 328

1 389

Poursuites

39 579

42 297

44 338

47 562

53 424

Taux de poursuites

39,10 %

37,90 %

41,20 %

40,70 %

45,70 %

dont saisines du JI

875

690

690

718

634

dont poursuites correctionnelles

35 290

37 867

40 077

42 897

48 668

-Ordonnances pénales

17 424

19 425

20 770

22 306

26 107

-CRPC

6 516

7 483

8 124

8 708

9 995

-COPJ

8 788

8 729

8 745

8 951

8 829

-Comparutions immédiates

1 305

1 245

1 345

1 848

2 514

-CPPV

383

395

458

427

640

-Citations directes

874

590

635

657

583

Compositions pénales prononcées pour usage de stupéfiants

Année

Compositions pénales

Ensemble des amendes

Montant moyen de l'ensemble des amendes fermes

Mesures de substitution

2012

8 041

3 636

210 €

4 406

2013

7 938

3 233

214 €

4 707

2014

7 512

2 918

203 €

4 594

2015

8 131

3 164

211 €

4 967

2016

8 163

3 315

220 €

4 848

Source pour les deux tableaux : exploitation statistique de Cassiopée par le secrétariat général du ministère de la justice (sous-direction de la statistique et des études)
et direction des affaires criminelles et des grâces (pôle d'évaluation des politiques pénales)

3. La position de votre commission

Selon les conclusions du chantier de la justice sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, si les services de police et de gendarmerie considéraient favorablement l'amende forfaitaire, les magistrats apparaissaient très réservés à l'égard de cette extension. Source d'harmonisation de la sanction dans le contentieux de masse pour les uns, risque d'enquêtes minimales pour d'autres, l'extension de cette procédure peut conduire à une politique d'action publique incertaine, un renoncement au principe de l'individualisation de la peine, voire une multiplication des recours contre l'amende forfaitaire.

Aussi le rapport appelait-il à une application prioritaire de cette procédure au domaine contraventionnel avec un contrôle des procureurs de la République en amont de la verbalisation afin que les magistrats décident du contenu des enquêtes, des seuils, des conditions juridiques à réunir pour prononcer l'amende forfaitaire. La forfaitisation était présentée comme peu adaptée à l'usage de stupéfiants, dans la mesure où ce délit relève d'une politique judiciaire et d'une politique de la santé publique.

Nombre de magistrats entendus par vos rapporteurs ont exprimé leur crainte de ne plus pouvoir contraindre les consommateurs réguliers de produits stupéfiants à s'inscrire dans une démarche de soin et donc que cette disposition soit contre-productive en matière de santé publique.

Vos rapporteurs observent que l'amende forfaitaire délictuelle est susceptible d'apporter une réponse pénale rapide et systématique dans certains contentieux de masse et soulignent que les magistrats pourront toujours imposer aux consommateurs de stupéfiants un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants et que le recours à l'amende forfaitaire n'est pas obligatoire .

Aux fins de clarification, votre commission a adopté un amendement COM-210 de ses rapporteurs visant à rappeler que seul le ministère public, qui dirige l'action publique, dispose de l'opportunité de recourir ou non à la procédure simplifiée de l'amende forfaitaire : dès lors, il appartient au procureur de choisir soit une procédure alternative aux poursuites, soit le recours à l'amende forfaitaire délictuelle.

Par le même amendement, ils ont également entendu généraliser la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à l'ensemble des délits punis d'une peine d'amende et prévus par le code pénal 327 ( * ) . Sauf disposition spécifique contraire, l'action publique pourrait être éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 300 €, aux montants minorés et majorés respectivement fixés à 250 € et 600 €.

L'article 37 vise à abroger l'article 495-23 du code de procédure pénale, qui prévoit, en principe, l'assimilation du paiement de l'amende à une « condamnation définitive pour l'application des règles sur la récidive », mais dont l'interprétation et la portée pratique sont controversées. Approuvant cette abrogation, vos rapporteurs partagent l'analyse du Conseil d'État selon laquelle il semble difficilement concevable qu'une procédure transactionnelle , à l'instar de la procédure de composition pénale, puisse valoir premier terme de la récidive.

Vos rapporteurs approuvent également l'inscription des amendes forfaitaires au bulletin n° 1 du casier judiciaire : une telle mesure est de nature à compléter l'information des juridictions sur les antécédents judiciaires d'une personne. Cela correspond par ailleurs en partie à la proposition n° 17 formulée par le rapport de la mission d'information de votre commission sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre.

En revanche, les conséquences sur les applicatifs informatiques de cette mesure ne doivent pas être sous-estimées : des développements concernant le casier judiciaire mais également les logiciels de rédaction des procédures pénales de la police et de la gendarmerie devront être prévus, notamment afin d'alimenter le traitement des antécédents judiciaires. L'étude d'impact envisage entre 18 et 24 mois de développements informatiques. Lors d'une visite à Nantes, au sein du service du casier judiciaire national, vos rapporteurs ont pu constater l'ampleur d'un tel chantier numérique.

En conséquence, vos rapporteurs ont souhaité reporter l'entrée en vigueur des dispositions prévoyant l'inscription au casier judiciaire des amendes forfaitaires au 1 er janvier 2020 : ces dispositions figurent à l'article 56 qui centralise l'ensemble des reports d'entrée en vigueur.

Outre un amendement COM-215 , votre commission a adopté l'article 37 ainsi modifié.

Sous-section 2
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites,
à la composition pénale et à la comparution
sur reconnaissance préalable de culpabilité
Article 38
(art 41-1, 41-1-1 [abrogé], 41-2, 41-3-1 [nouveau], 495-8 et 495-11 [nouveaux]
du code de procédure pénale)
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

L'article 38 du projet de loi comporte diverses dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

1. Les alternatives aux poursuites : introduction d'une interdiction de paraître

L'article 41-1 du code de procédure pénale énumère une série de mesures alternatives aux poursuites qui peuvent être décidées par le procureur lorsqu'elles lui paraissent de nature à assurer la réparation du dommage causé à la victime, mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou contribuer au reclassement de l'auteur des faits.

Parmi ces mesures, on peut citer, notamment, le rappel à la loi, l'orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, l'accomplissement d'un stage, la réparation du dommage causé à la victime, ou encore l'obligation de résider hors du domicile conjugal.

Le 1° de l'article 38 du projet de loi propose de compléter cette liste en donnant la possibilité au procureur de demander à l'auteur des faits de ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l'infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime .

En cas de non-exécution de la mesure, le procureur pourrait, conformément aux règles de droit commun, mettre en oeuvre une composition pénale ou engager des poursuites.

2. Suppression de la transaction pénale

Le de l'article 38 propose d' abroger l'article 41-1-1 du code de procédure pénale, relatif à la transaction pénale .

La transaction pénale permet à un officier de police judiciaire, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, de transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite :

- des contraventions prévues par le code pénal (à l'exception des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire en application de l'article 529 du même code) ;

- des délits prévus par le code pénal et punis d'une peine d'amende ou d'un an d'emprisonnement au plus, à l'exception du délit d'outrage ;

- du délit de vol lorsque la valeur de la chose volée est inférieure ou égale à 300 euros ;

- du délit d'usage de stupéfiants ;

- de certains délits spéciaux.

L'officier de police judiciaire peut soumettre l'auteur de l'infraction, compte tenu de ses ressources et de ses charges, à l'obligation de consigner une somme d'argent, en vue de garantir le paiement d'une amende ne pouvant excéder le tiers du montant de l'amende encourue, outre une obligation éventuelle de réparer le dommage.

La transaction pénale est homologuée par un juge, après audition éventuelle de la personne assistée, le cas échéant, par son avocat.

L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté, dans les délais impartis, l'intégralité des obligations résultant de l'acceptation de la transaction. En cas de non-exécution de l'intégralité des obligations dans les délais impartis ou de refus d'homologation, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en oeuvre des alternatives aux poursuites, une composition pénale ou engage des poursuites.

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique que la transaction pénale se confond en grande partie avec la composition pénale et qu'elle n'est en outre que très peu utilisée . C'est pourquoi le Gouvernement propose cette mesure de simplification consistant à supprimer purement et simplement cette procédure.

3. Mesures tendant à favoriser le recours à la composition pénale

Le 3° de l'article 38 tend à modifier l'article 41-2 du code de procédure pénale, relatif à la composition pénale.

On rappelle que la procédure de composition pénale permet au procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, de proposer une sanction pénale, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, à celui qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, d'une ou plusieurs contraventions connexes. La procédure de composition pénale est également applicable aux contraventions, avec des sanctions adaptées, en application de l'article 41-3 du code de procédure pénale.

Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la réparation du préjudice causé, le procureur de la République doit également proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l'infraction.

L'article 41-2 liste dix-huit mesures de composition pénale, parmi lesquelles figurent, notamment, le versement d'une amende, la réalisation de différents stages, l'interdiction de paraître dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise, à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement, la réalisation d'un travail non rémunéré ou encore l'injonction thérapeutique.

Lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le procureur de la République saisit, par requête, le président du tribunal aux fins de validation de la composition pénale. Le président du tribunal peut procéder à l'audition de l'auteur des faits et de la victime, assistés, le cas échéant, de leur avocat.

Si le président du tribunal rend une ordonnance validant la composition, les mesures décidées sont mises à exécution. Dans le cas contraire, la proposition devient caduque.

Si la personne n'accepte pas la composition pénale ou si, après avoir donné son accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées, le procureur de la République doit, sauf élément nouveau, mettre en oeuvre l'action publique.

L'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Les compositions pénales exécutées sont inscrites au bulletin n° 1 du casier judiciaire.

À la différence de la transaction pénale, la composition pénale est fréquemment utilisée par les juridictions : chaque année, environ 70 000 affaires sont classées à la suite du succès d'une composition pénale (67 998 exactement en 2016).

Le Gouvernement souhaite favoriser le développement de cette procédure qui présente l'avantage d'alléger les audiences des tribunaux correctionnels.

Dans ce but, le projet de loi prévoit de ne plus réserver le recours à la composition pénale aux délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans ; une composition pénale pourrait ainsi être proposée pour tous les délits, quel que soit le quantum de la peine encourue.

Pour alléger la charge pesant sur les magistrats du siège, le texte propose également d'introduire une dérogation à l'obligation de demander la validation du président du tribunal. Cette dérogation serait soumise à deux conditions :

- d'abord, la composition devrait porter sur un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à trois ans ;

- ensuite, la sanction devrait consister soit en une amende de composition, soit en une mesure de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en était le produit, à condition que le montant de l'amende ou la valeur de la chose n'excède pas 3 000 euros.

Dans ces hypothèses, il n'y aurait donc plus de contrôle par un magistrat du siège de l'accord conclu entre le parquet et l'auteur des faits.

Le projet de loi propose ensuite de modifier la rédaction du 9° de l'article 41-2 du code de procédure pénale. Comme cela a été indiqué, figure parmi les mesures de composition pénale l'interdiction de paraître dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise, à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement. La nouvelle rédaction viserait désormais l'obligation de ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l'infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime, soit la même rédaction qu'à l'article 41-1 relatif aux alternatives aux poursuites.

Outre l'intérêt d'une harmonisation, cette nouvelle rédaction présente l'avantage de mettre l'accent sur la victime, puisque ce sont les lieux où elle réside qui sont visés, plutôt que sur l'auteur des faits.

Enfin, il est proposé de modifier le vingt-huitième alinéa de l'article 41-2, qui concerne les droits de la victime. Dans sa rédaction actuelle, cet alinéa prévoit que la composition pénale ne fait pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel afin que le tribunal statue sur ses intérêts civils. Cette procédure de citation directe, complexe à mettre en oeuvre, serait remplacée par la faculté offerte à la victime de demander au procureur de citer l'auteur des faits à une audience devant le tribunal, afin qu'elle puisse se constituer partie civile. Le procureur aurait, de plus, l'obligation d'informer la victime de ses droits et de la date de l'audience.

4. Extension de la composition pénale aux personnes morales

Toujours pour encourager le recours à la composition pénale, le de l'article 38 du projet de loi propose de l'étendre aux personnes morales . À cette fin, un nouvel article 41-3-1 serait introduit dans le code de procédure pénale, prévoyant que :

- les dispositions des articles 41-2 et 41-3 dudit code seraient applicables aux personnes morales en ce qu'elles prévoient une peine d'amende et l' indemnisation de la victime ;

- il appartiendrait au représentant légal de la personne morale, ou à toute personne bénéficiant, conformément à la loi ou à ses statuts, d'une délégation de pouvoir à cet effet, de reconnaître la responsabilité pénale de la personne morale pour les faits qui lui sont reprochés.

Le montant de l'amende de composition pouvant être proposé serait égal au quintuple de l'amende encourue par les personnes physiques. Cette disposition est cohérente avec l'article 131-38 du code pénal qui prévoit que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques.

5. Mesures tendant à favoriser le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

La CRPC a déjà été brièvement évoquée dans le commentaire de l'article 36 du projet de loi. Il peut néanmoins être utile de décrire ici plus en détail le contenu de cette procédure avant de présenter les modifications envisagées au de l'article 38 du projet de loi.

Régie par les articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale, la CRPC permet d'apporter une réponse pénale plus rapide pour certaines infractions reconnues par leur auteur.

La CRPC est applicable à une personne majeure qui reconnaît avoir commis un délit (à l'exclusion donc des crimes et des contraventions), à l'exception toutefois des délits d'homicide involontaire, des délits d'atteinte à l'intégrité des personnes et d'agressions sexuelles punis par une peine de prison d'une durée supérieure à cinq ans, des délits politiques, des délits de presse et des délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

La procédure se déroule en deux phases : une phase de proposition et une phase d'homologation.

• La phase de proposition

Au vu des faits et après enquête, si le procureur estime qu'une CRPC est préférable à un procès, il convoque la personne poursuivie. Cette dernière doit être obligatoirement assistée de son avocat.

Le procureur de la République propose à la personne poursuivie d'exécuter une ou plusieurs peines si elle reconnaît les faits. Il peut s'agir d'une peine d'amende et d'une peine de prison, dont la durée ne peut être supérieure à un an ni excéder la moitié de la peine encourue. Le procureur peut également proposer à la personne poursuivie d'exécuter une peine complémentaire encourue pour cette infraction.

Ces peines peuvent être assorties d'un sursis. Si le procureur propose une peine de prison ferme, il doit préciser si la peine sera immédiatement exécutée ou si elle pourra être aménagée. Dans cette deuxième hypothèse, il revient au juge de l'application des peines de déterminer les modalités d'exécution (bracelet électronique, semi-liberté, etc .).

La personne poursuivie peut s'entretenir librement avec son avocat avant de faire connaître sa décision.

Elle peut accepter la proposition présentée par le procureur, la refuser ou demander un délai de réflexion de dix jours francs maximum.

Si un délai de réflexion est demandé, le procureur peut décider de saisir le juge des libertés et de la détention pour qu'il ordonne un placement sous contrôle judiciaire, un placement sous bracelet électronique ou un placement en détention provisoire. Une telle détention est possible uniquement si l'une des peines proposées est égale ou supérieure à deux mois d'emprisonnement ferme et à condition que le procureur ait demandé sa mise à exécution immédiate.

Si la proposition est acceptée, le procureur saisit le président du tribunal correctionnel en vue d'une audience d'homologation. Dans le cas contraire, le procureur doit saisir le tribunal correctionnel pour que le procès puisse se tenir selon la procédure ordinaire.

• L'audience d'homologation

L'auteur des faits et son avocat sont entendus par le président du tribunal ou un magistrat qu'il délègue à cette fin.

Le juge peut décider d'homologuer (c'est-à-dire valider) ou refuser la proposition du procureur. Il ne peut ni la modifier, ni la compléter. L'audience est publique. L'audience et la décision du président doivent avoir lieu le même jour.

Le juge rend une ordonnance d'homologation. C'est le document qui valide l'accord passé avec le procureur. Il a la même valeur qu'un jugement classique.

L'ordonnance doit être notifiée à l'intéressé qui dispose alors d'un délai de dix jours francs pour faire appel. La cour d'appel ne peut pas prononcer une peine plus sévère que celle homologuée lors de l'audience d'homologation.

Si le juge refuse l'homologation, le procureur de la République doit saisir le tribunal correctionnel pour qu'un procès se tienne suivant la procédure de droit commun.

Il est à noter que la mise en oeuvre d'une CRPC n'empêche pas la victime d'obtenir une indemnisation. Obligatoirement informée de cette mise en oeuvre, elle peut se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice lors de l'audience d'homologation.

La CRPC a connu un réel succès depuis son adoption en 2004. En 2016, ce sont ainsi 76 000 condamnations qui ont été prononcées selon cette procédure, à comparer à un total de 362 000 condamnations au cours de la même année.

À l'instar de la composition pénale, la CRPC a donc largement contribué à alléger les audiences des tribunaux correctionnels. Le Gouvernement souhaite néanmoins développer encore davantage le recours à cette procédure en supprimant certains des « verrous » qui l'encadrent.

La première mesure envisagée dans ce but consiste à supprimer , à l'article 495-8 du code de procédure pénale, la disposition qui limite le quantum de la peine à un an d'emprisonnement . Une peine plus lourde pourrait donc être proposée, à condition qu'elle ne dépasse pas la moitié de la peine d'emprisonnement encourue. Comme la CRPC ne concerne que les délits, punis au maximum de dix ans d'emprisonnement (hors récidive) 328 ( * ) , la peine d'emprisonnement proposée dans le cadre de la CRPC pourrait donc atteindre cinq ans au plus. Elle pourrait être plus élevée en cas de récidive, rien ne s'opposant à l'utilisation de la CRPC dans ce cas de figure.

Ensuite, la palette des sanctions serait élargie puisque le procureur pourrait décider que la peine d'emprisonnement proposée révoquerait tels ou tels sursis précédemment accordés .

Afin d'améliorer les chances de succès de la procédure et d'encourager une forme de « négociation » déjà mise en oeuvre avec succès par de nombreux parquets, le texte indiquerait explicitement que le procureur peut, avant de proposer une peine, informer la personne ou son avocat des propositions qu'il envisage de formuler. L'objectif est qu'un dialogue s'engage avant que le procureur propose officiellement une peine et qu'ainsi un plus grand nombre de CRPC soient acceptées.

Le de l'article 38 du projet de loi propose une dernière mesure relative à la CRPC tendant à mieux définir en quoi consiste le contrôle du juge au stade de l'homologation.

Un nouvel article 495-11-1 serait ainsi inséré dans le code de procédure pénale pour préciser que le juge peut refuser l'homologation :

- d'une part, s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ;

- d'autre part, si les déclarations de la victime , invitée à comparaître en même temps que l'auteur des faits, apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur.

On peut considérer que cet article constitue le contrepoint à la proposition de supprimer la limitation à un an d'emprisonnement de la peine encourue dans le cadre d'une CRPC : si le procureur propose d'emprisonner l'auteur des faits pendant trois, quatre ou cinq ans, c'est que les faits commis présentent un certain degré de gravité et il est donc légitime que le juge examine avec attention si une audience correctionnelle ne serait pas plus appropriée en l'espèce.

Naturellement, le magistrat conserverait la possibilité de refuser l'homologation s'il constate que l'une des conditions prévues à l'article 495-11 n'est pas remplie : il lui revient de s'assurer que la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés, qu'elle accepte la peine proposée et que cette peine est justifiée au regard des circonstances et de la personnalité de l'auteur.

6. La position de votre commission

Consciente de l'intérêt de ces différents dispositifs pour réduire l'encombrement des juridictions, votre commission est favorable à la plupart des mesures proposées à cet article. Un grand nombre de petites infractions appellent une réponse pénale sans nécessairement mériter une audience devant le tribunal correctionnel. Il importe que les juridictions, au regard des moyens qui sont les leurs aujourd'hui, puissent se concentrer sur les affaires les plus graves et les plus complexes.

La suppression de la transaction pénale, fort peu utilisée et redondante en pratique avec la composition pénale, constitue une mesure de simplification bienvenue. L'idée d'ouvrir la composition pénale aux personnes morales est une autre mesure intéressante susceptible de favoriser le recours à cette procédure qui a fait ses preuves.

Sur cet ensemble de mesures, votre commission a seulement adopté quatre amendements de ses rapporteurs COM-189, COM-190, COM-191 et COM-193 , qui sont des amendements de coordination ou qui visent à corriger des erreurs matérielles.

Si certaines mesures proposées par cet article sont techniques, d'autres posent des questions de principe.

Votre commission s'est ainsi interrogée sur la possibilité d'appliquer une composition pénale sans passer par l'étape de la validation par un juge du siège. Elle a jugé cette disposition était suffisamment bien encadrée pour être acceptée.

En revanche, votre commission a jugé excessive la suppression du plafond d'un an d'emprisonnement concernant la peine pouvant être prononcée dans le cadre d'une CRPC. Une personne pourrait être condamnée à cinq ans d'emprisonnement sans bénéficier d'une audience devant le tribunal correctionnel, ce qui ne paraît pas de nature à garantir convenablement les droits du justiciable. Elle a donc adopté un amendement COM-192 de ses rapporteurs visant à maintenir le plafond aujourd'hui en vigueur.

Votre commission a adopté l'article 38 ainsi modifié .

Section 2
Dispositions relatives au jugement
Sous-section 1
Dispositions relatives au jugement des délits
Article 39
(art. 388-5, 393, 393-1, 394, 397-1-1 [nouveau] et 397-2
du code de procédure pénale)
Dispositions relatives au tribunal correctionnel

L'article 39 du projet de loi a pour objet de créer une nouvelle procédure de comparution à délai différé, de faciliter le regroupement de plusieurs affaires au cours d'une même audience, de fixer un délai avant une audition devant le président du tribunal correctionnel et d'élargir la possibilité de demander un supplément d'information.

1. Convocation de l'avocat en cas de poursuite par citation directe ou par convocation de justice

Le paragraphe I tend à modifier l'article 388-5 du code de procédure pénale, qui précise les droits des parties et de leurs avocats en cas de poursuite par citation directe ou par convocation en justice.

La citation directe, prévue à l'article 390 du code de procédure pénale, et la convocation en justice, délivrée par un officier ou agent de police judiciaire, prévue à l'article 390-1 du même code, sont deux modalités de saisine du tribunal correctionnel.

Dans le cadre de ces procédures, l'article 388-5 reconnaît aux parties et à leurs avocats le droit de demander au président du tribunal qu'il soit procédé à tout acte qu'ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité.

S'il estime que ces demandes sont justifiées et qu'il est possible de les exécuter avant la date de l'audience, le président peut en ordonner l'exécution. Les procès-verbaux et autres pièces relatant leur exécution sont alors joints au dossier et mis à la disposition des parties ou de leurs avocats. Si le prévenu ou la victime doivent être à nouveau entendus, ils ont le droit d'être assistés lors de leur audition par leur avocat.

Afin que l'avocat ait le temps de consulter le dossier et de préparer l'audition, il est proposé de préciser que l'avocat est convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant la date de l'audition et qu'il a accès au dossier au plus tard quatre jours ouvrables avant cette date.

2. Création d'une procédure de comparution à délai différé

Les paragraphes II , III , V et VII visent à introduire une nouvelle modalité de saisine du tribunal correctionnel, la comparution à délai différé , procédure intermédiaire entre la comparution immédiate et l'ouverture d'une information judiciaire.

La création de cette nouvelle procédure est directement inspirée des conclusions du rapport de MM. Jacques Beaume et Franck Natali sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, issu des chantiers de la justice. Les auteurs de ce rapport expliquent que « l'expérience des juridictions a montré que, très souvent, certaines enquêtes, dans lesquelles les gardes à vue se terminent par un défèrement, sont ouvertes à l'instruction pour la simple raison qu'une mesure de sûreté 329 ( * ) est opportune alors qu'il ne manque, dans le délai de l'enquête initiale, que la réponse à une réquisition, le résultat écrit d'une expertise, un acte médical non terminé, une audition éloignée toujours en cours, en un mot un acte de pur complément à une enquête globalement achevée. Dans ce cas, l'ouverture d'une information occupe du temps d'instruction (déjà compté) sans bénéficier d'une quelconque plus-value de fond autre que d'attendre le versement de la pièce attendue. En outre, cette ouverture déclenche tout le formalisme chronophage de clôture 330 ( * ) . Il est donc proposé qu'une procédure intermédiaire puisse être créée, sous l'égide du parquet, permettant le complément de procédure assorti du prononcé d'une mesure de sûreté en attendant la comparution devant le tribunal saisi de l'action publique ».

Le dispositif proposé par le projet de loi correspond précisément à ce « cahier des charges ». Le paragraphe VII tend à introduire dans le code de procédure pénale un nouvel article 397-1-1 fixant les contours de cette comparution à délai différé. Cet article 397-1-1 serait composé de sept alinéas.

Le premier alinéa indique dans quelles hypothèses cette procédure pourrait être utilisée. Le procureur de la République pourrait y avoir recours dans les cas prévus par l'article 395 du code de procédure pénale, c'est-à-dire si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans sans pouvoir excéder sept ans, et à condition qu'il existe contre la personne des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel, sans que l'affaire soit en état d'être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n'ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions, d'examens techniques ou médicaux déjà sollicités.

Le deuxième alinéa est relatif aux mesures de sûreté pouvant être imposées au prévenu. Il prévoit que le prévenu est présenté devant le juge des libertés et de la détention (JLD), qui statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d'assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) ou de détention provisoire, après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur précisent les raisons justifiant le recours à la comparution à délai différé, en indiquant s'il y a lieu les actes en cours dont les résultats sont attendus. La détention provisoire ne pourrait être ordonnée que si la peine d'emprisonnement encourue était égale ou supérieure à trois ans. L'ordonnance rendue serait susceptible d'appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l'instruction.

Le troisième alinéa précise d'abord que l'ordonnance prescrivant le contrôle judiciaire, l'ARSE ou la détention provisoire serait rendue dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article 396 du code de procédure pénale. Cet article concerne l'hypothèse où, dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, une mesure de sûreté se révèle nécessaire parce que le tribunal ne peut se réunir le jour même. Il indique ensuite que l'ordonnance rendue par le JLD énoncerait les faits retenus et saisirait le tribunal ; elle serait notifiée verbalement au prévenu et mentionnée au procès-verbal dont copie lui serait remise sur-le-champ. Le prévenu serait dans l'obligation de comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois , à défaut de quoi, il serait mis fin d'office à la mesure de sûreté.

Le quatrième alinéa indique les conséquences du non-respect par le prévenu des obligations liées à son contrôle judiciaire ou à son assignation à résidence avec surveillance électronique. Ce sont alors les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 et de l'article 141-4 du code de procédure pénale qui s'appliqueraient : l'article 141-2 donne au juge d'instruction le pouvoir de décerner à l'encontre du prévenu un mandat d'arrêt ou un mandat d'amener ou de saisir le JLD pour demander le placement en détention provisoire ; l'article 141-4 donne le pouvoir aux services de police et aux unités de gendarmerie d'appréhender toute personne placée sous contrôle judiciaire ou assignée à résidence à l'encontre de laquelle existent des raisons plausibles de penser qu'elle a manqué aux obligations qui lui incombent.

Dans le cadre de la comparution à délai différé, les attributions confiées au juge d'instruction par ces articles seraient exercées par le procureur de la République, aucun juge d'instruction n'étant saisi en l'espèce.

Le cinquième alinéa dispose que les procès-verbaux ou autres pièces résultant des réquisitions, examens techniques ou médicaux mentionnés à l'alinéa premier sont versés au dossier de la procédure dès leur accomplissement et mis à la disposition des parties ou de leur avocat.

Le sixième alinéa donne la possibilité au prévenu ou à son avocat de demander au président du tribunal la réalisation de tout acte qu'ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité, jusqu'à l'audience de jugement, conformément aux dispositions des alinéas deux à quatre de l'article 388-5 du code de procédure pénale, dont le contenu a été décrit précédemment. Si le prévenu est détenu, la demande peut être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est alors constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur ; si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement.

Enfin, le septième alinéa précise que la présentation de la personne devant le procureur de la République, prévue par l'article 393 du code de procédure pénale, ainsi que sa présentation devant le JLD, prévue au deuxième alinéa du présent article, peuvent intervenir dans un lieu autre que le tribunal si l'état de santé de celle-ci ne permet pas de l'y transporter.

Le paragraphe II propose, par coordination, de modifier l'intitulé du paragraphe 3 de la section 1 du chapitre 1 er du titre II du livre II du code de procédure pénale afin que la nouvelle procédure de « comparution différée » figure aux côtés de la convocation par procès-verbal et de la comparution immédiate.

De même, le paragraphe III propose une mesure de coordination à l'article 393 du même code pour préciser que les personnes que le procureur envisage de poursuivre selon la procédure de comparution à délai différé sont déférées devant lui.

Le paragraphe V propose une nouvelle mesure de coordination au même article 393, pour ajouter la comparution à délai différé à la liste des procédures que le procureur peut mettre en oeuvre, et à l'article 393-1 pour indiquer que la victime doit être informée de la date de l'audience.

3. Possibilité de regrouper différentes affaires au cours d'une même audience

Le paragraphe IV propose d'introduire à l'article 393 du code de procédure pénale un nouvel alinéa autorisant le regroupement de plusieurs affaires au cours d'une même audience.

Comme la précédente, cette mesure s'inspire directement des conclusions du rapport de MM. Beaume et Natali.

Dans le cadre d'une procédure avec convocation par procès-verbal ou d'une procédure par comparution immédiate, le procureur pourrait décider de fixer à la même audience , afin qu'elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites dont la personne a fait l'objet pour d'autres délits , peu important que ces précédentes poursuites aient donné lieu à une convocation par procès-verbal, à une convocation par officier de police judiciaire, à une convocation en vue d'une CRPC, à une citation directe, à une ordonnance pénale ou à une ordonnance de renvoi du juge d'instruction.

Afin que l'avocat puisse se préparer, la décision du procureur devrait intervenir au moins dix jours avant la date de l'audience et le prévenu comme son avocat en seraient informés sans délai. Ce délai de dix jours ne s'appliquerait pas cependant en cas de comparution immédiate, un tel délai n'étant pas compatible avec la mise en oeuvre de cette procédure.

4. Possibilité de demander au tribunal correctionnel un supplément d'information dans le cadre d'une comparution par procès-verbal

La loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, a complété l'article 394 du code de procédure pénale par un nouvel alinéa, relatif à la possibilité pour le tribunal correctionnel de décider un supplément d'information dans le cadre d'une comparution par procès-verbal.

Ce supplément d'information peut être décidé à la demande des parties ou d'office. Il est réalisé par l'un des juges du tribunal correctionnel ou par un juge d'instruction du tribunal.

Le tribunal peut aussi, s'il estime que la complexité de l'affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies, renvoyer le dossier au procureur afin que celui-ci requière l'ouverture d'une information.

Le dernier alinéa de l'article 394 serait supprimé et remplacé par une disposition inscrite à l'article 397-2.

L'article 397-2 prévoit la possibilité pour le tribunal de décider un supplément d'information ou de renvoyer le dossier au procureur dans le cadre d'une comparution immédiate.

Sa rédaction serait modifiée pour qu'il s'applique désormais « dans tous les cas prévus » au paragraphe 3 de la section 1 du chapitre 1 er du titre II du livre II du code de procédure pénale, soit la comparution immédiate, la comparution par procès-verbal et la nouvelle comparution différée.

5. La position de votre commission

La mesure tendant à regrouper plusieurs affaires au cours d'une même audience est consensuelle et de bon sens.

La mesure tendant à la création d'une comparution à délai différé est beaucoup plus discutée et n'a pas convaincu votre commission de sa pertinence.

On saisit mal à quelles hypothèses cette procédure s'appliquerait : si le procureur a demandé une expertise ou un examen, peut-il raisonnablement renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel avant d'en avoir reçu les résultats ? Ou alors c'est qu'il estime que ces résultats ne présentent pas d'intérêt pour la manifestation de la vérité et il n'y a pas de raison d'attendre.

La comparution à délai différé prévoit le droit pour les parties de demander au président du tribunal correctionnel que des actes d'enquête soient effectués, mais dans des conditions qui n'apportent pas les mêmes garanties que s'ils s'adressaient à un juge d'instruction.

D'une manière générale, votre commission s'inquiète d'une tendance à rogner sur les prérogatives du juge d'instruction, dont la qualité des enquêtes est pourtant reconnue, au profit d'enquêtes conduites par le parquet qui ne présentent pas autant de garanties du point de vue de l'égalité des armes entre les parties.

Votre commission a donc adopté un amendement COM-195 de ses rapporteurs tendant à supprimer la procédure de comparution à délai différé, ainsi qu'un amendement de coordination COM-198 également présenté par ses rapporteurs.

Les deux autres mesures proposées par cet article sont plus techniques et ont été acceptées par votre commission.

Votre commission a adopté l'article 39 ainsi modifié .

Article 40
(art. 398-1, 495, 495-1 et 495-3 du code de procédure pénale)
Extension du champ d'application de la procédure de jugement
à juge unique et de l'ordonnance pénale

L'article 40 du projet de loi vise à étendre la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel et le champ d'application de la procédure de l'ordonnance pénale.

1. L'extension de la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel

a) La compétence exclusive de la formation à juge unique du tribunal correctionnel

Si les formations du tribunal correctionnel sont, en principe, collégiales, certaines infractions sont jugées à juge unique, notamment depuis la loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 331 ( * ) . La compétence du juge unique a été progressivement élargie avec la loi n° 95-125 du 8 février 1995 332 ( * ) pour des délits punis d'un maximum de cinq ans d'emprisonnement, puis la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 333 ( * ) , la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 334 ( * ) ou encore la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 335 ( * ) .

Aujourd'hui, une très large majorité des affaires correctionnelles font l'objet d'un jugement rendu à juge unique : les délits prévus par le code de la route, les outrages et rébellions, les délits en matière de réglementation relative aux transports, les délits punis d'une amende, etc .

Si ces infractions relèvent de la compétence exclusive de la formation à juge unique du tribunal correctionnel, l'article 398-2 prévoit néanmoins la possibilité pour le tribunal correctionnel de renvoyer l'affaire en raison de la complexité des faits ou en raison de l'importance de la peine susceptible d'être prononcée. En pratique, ces dispositions ne sont quasiment jamais utilisées.

Il résulte de l'article 398-2 du code de procédure pénale que le tribunal correctionnel statuant à juge unique ne peut prononcer une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement .

Les modes de saisines du tribunal correctionnel

- la convocation en justice délivrée en pratique par officier ou agent de police judiciaire (34,2 % des saisines en 2016) ;

- les ordonnances pénales (28,9 % des saisines en 2016) ;

- la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (13,8 % des saisines en 2016) ;

- la comparution immédiate 336 ( * ) (9 % en 2016) ;

- la citation directe (5,3 % des saisines en 2016) ;

- le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction (4,1 % des saisines en 2016) ;

- la convocation par procès-verbal (3,9 % en 2016) ;

- la comparution volontaire des parties, le cas échéant après un avertissement du parquet (moins de 1 % des saisines en 2016).

En 2016, 78 % des décisions inscrites au casier judiciair e concernaient des infractions relevant de la compétence exclusive du juge unique , qu'ils s'agissent de décisions de condamnations ou de compositions pénales.

Évolution des décisions (condamnations et compositions pénales) correctionnelles : comparaison des champs infractionnels entre le juge unique (JU)
ou la procédure collégiale (Coll)

Source : exploitation statistique du casier judiciaire national par la direction des affaires
criminelles et des grâces (pôle d'évaluation des politiques pénales)

Évolution des condamnations prononcées par le tribunal correctionnel,
en fonction de sa formation

Source : exploitation statistique du casier judiciaire national par la direction des affaires criminelles et des grâces (pôle d'évaluation des politiques pénales)

En 2016, 154 365 condamnations ont été prononcées par le tribunal correctionnel dans sa formation de juge unique et 109 796 dans sa formation collégiale : 58 % des condamnations ont été prononcées à juge unique.

En 2016, 35,2 % de ces condamnations à juge unique concernaient un délit routier, 27,8 % des atteintes à la personne et 22,4 % des atteintes aux biens.

b) La pertinence d'un élargissement de la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel

Le I de l'article 40 du projet de loi tend à poursuivre cette tendance en élargissant la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel à de nombreux délits punis au maximum de cinq ans d'emprisonnement, sans considération des aggravations résultant de l'état de récidive.

Le projet de loi ne prévoit pas pour autant un seuil unique fondé sur le quantum maximal de cinq années d'emprisonnement encourues : seraient concernées les seules infractions spécifiquement énumérées (environ 170 délits seraient ajoutés).

Selon l'estimation de l'étude d'impact, en raison des entrées et des sorties d'infractions du champ concerné par la formation à « juge unique », il y aurait potentiellement à l'avenir 158 100 condamnations annuelles (- 100 et + 3 800), soit un gain potentiel de 8 ETPT de magistrats et de 2,5 ETPT de fonctionnaires.

Si vos rapporteurs ne sont pas opposés à l'extension du champ de la compétence du juge unique en matière correctionnelle , ils observent néanmoins que les rédactions retenues ne semblent pas réellement simplifier ou clarifier le champ d'application de cette procédure.

Votre commission, par l'adoption de l' amendement COM-211 de ses rapporteurs, a fait le choix de la simplicité et de la lisibilité en instaurant une compétence générale du juge unique pour toute infraction du code pénal faisant encourir à une personne une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans , à l'exception des délits des agressions sexuelles.

Elle a également approuvé l'extension de la procédure aux délits des autres codes, notamment le code de la route ou encore le code de la construction et de l'habitation.

2. L'extension du champ d'application de la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale

a) La procédure de l'ordonnance pénale

Créée par la loi n° 72-5 du 3 janvier 1972 tendant à simplifier la procédure applicable en matière de contraventions pour traiter les contraventions au code de la route, la procédure de l'ordonnance pénale concerne désormais plusieurs catégories de délits (délits routiers, vol, usage de stupéfiants, vente à la sauvette, etc. ) au fil des multiples élargissements législatifs.

Cette forme simplifiée et non publique de jugement des affaires pénales ne nécessite ni audience ni débat. Aux termes de l'article 495-1 du code de procédure pénale, le ministère public qui choisit de recourir à cette procédure communique au président le dossier de la poursuite et ses réquisitions. Le président statue sans débat contradictoire par une ordonnance pénale portant relaxe ou condamnation à une amende et, le cas échéant, à une ou plusieurs peines complémentaires, comme la suspension du permis de conduire. L'intéressé dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour faire opposition qui, si elle est formée, a pour effet de renvoyer l'affaire devant l'audience correctionnelle selon la procédure de droit commun.

La procédure de l'ordonnance pénale est inapplicable en cas de prévenu mineur, de citation directe effectuée par la victime, de commission d'un autre délit ne permettant pas son application ou lorsque les faits ont été commis en état de récidive légale.

Ce traitement des affaires pénales de faible complexité permet une certaine « barèmisation » des amendes, sous réserve de l'application du principe constitutionnel d'individualisation de la peine.

Plusieurs garanties procédurales sont prévues : les faits doivent être simples, aucune peine d'emprisonnement ne peut être prononcée, le dossier doit être renvoyé si un débat contradictoire apparaît utile ou qu'une peine d'emprisonnement doit être prononcée et le parquet dispose de la faculté de faire opposition dans un délai de 10 jours.

Pour autant, les droits des victimes sont très limités : l'indemnisation de la victime n'est possible que si elle s'est valablement constituée partie civile dès le stade de l'enquête.

Plus de 160 000 ordonnances pénales ont été prononcées par le tribunal correctionnel en 2016 : 3,3 % ont fait l'objet d'une opposition, majoritairement dans les affaires d'atteintes à la personne humaine (taux d'opposition de 8 %).

Les ordonnances pénales concernent principalement les infractions routières (75,9 % des ordonnances en 2016), les infractions en matière de santé publique (15,9 %), et notamment l'usage illicite de stupéfiants, et les atteintes aux biens (4,5 %).

b) La pertinence de l'extension du champ d'application de la procédure proposée par le projet de loi

Afin d'alléger les procédures et d'améliorer les délais de jugement en matière pénale, l'article 40 du projet de loi propose d'étendre le champ des infractions pouvant relever de la procédure de l'ordonnance pénale .

Par souci de simplification, la liste des infractions concernées serait celle des délits relevant du juge unique (article 398-1 du code de procédure pénale), à l'exception des délits relevant des atteintes aux personnes.

L'article 40 du projet de loi prévoit également la possibilité de prononcer d'autres peines que les amendes, dès lors que le juge dispose d'une connaissance suffisante de la personnalité, des charges ou des ressources du prévenu. Il pourrait désormais prononcer des peines de travail d'intérêt général, avec l'accord préalable du prévenu, ou de jours-amendes. Comme la personne condamnée peut être l'objet d'une peine d'emprisonnement en cas d'inexécution de ces peines, l'article 40 du projet de loi précise, sur suggestion du Conseil d'État, que l'ordonnance pénale devrait être portée oralement à la connaissance de l'intéressé.

Enfin, l'article 40 du projet de loi vise à autoriser, de manière inédite, la procédure de l'ordonnance pénale même en cas de récidive .

Ces dispositions seraient de nature à entraîner une hausse de 14 000 décisions d'ordonnances pénales par an.

Vos rapporteurs approuvent cette extension du champ d'application de la procédure pénale tout en préférant néanmoins une disposition générale visant à appliquer cette procédure à tous les délits punis d'une peine d'amende et aux délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, à l'exception des délits d'atteintes à la personne humaine ( amendement COM-211 ).

Si le projet de loi souhaitait éviter le maintien dans le code de procédure pénale de deux listes différentes d'infractions, force est de constater que l'article 40 prévoyait néanmoins deux champs infractionnels différents.

Par ailleurs, par le même amendement COM-211, votre commission a prévu un écrit formalisé pour toute peine et une notification orale pour les peines de jours-amendes et de travail d'intérêt général qui peuvent conduire le condamné en détention en cas d'inexécution. En effet, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a considéré que « la relative complexité de la peine de travail d'intérêt général et de la peine de jours-amende, et les conséquences qui résultent de l'inexécution de ces peines, au regard de la liberté individuelle, interdisent qu'une ordonnance pénale infligeant l'une de ces peines soit notifiée par écrit à la personne mise en cause. »

Enfin, vos rapporteurs observent que de telles dispositions exigent des développements informatiques importants avec la mise à jour des bases Cassiopée et Natinf. Pour autant, en application de l'article 56 du projet de loi, ces dispositions entreraient en vigueur dès le 1 er jour du troisième mois suivant la publication de la loi au Journal officiel . Par un amendement à l'article 56 du projet de loi, votre commission a prévu le report de l'entrée en vigueur de cette disposition à un an après la publication de la loi au Journal officiel .

Votre commission a adopté l'article 40 ainsi modifié.

Article 41
(art. 502 et 509 du code de procédure pénale)
Effet dévolutif de l'appel en matière correctionnelle
et formation à juge unique de la chambre des appels correctionnels

L'article 41 du projet de loi tend à préciser la possibilité pour une personne condamnée de faire un appel partiel de sa condamnation correctionnelle et à instaurer, en matière d'appel, une formation à juge unique pour les délits relevant de la formation à juge unique en première instance.

1. Le renforcement du caractère dévolutif de l'appel en matière correctionnelle

En application de l'article préliminaire du code de procédure pénale, « toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction ». Voie de réformation 337 ( * ) , l'appel remet la chose jugée en question devant les juridictions du second degré pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit sur tous les points qui ont été soumis aux juges de première instance.

En application de l'article 497 du code de procédure pénale, la faculté d'appel des jugements correctionnels appartient :

- au prévenu ;

- à la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement ;

- à la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ;

- au procureur de la République ;

- aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique ;

- au procureur général près la cour d'appel.

L'article 509 pose le principe de l'effet dévolutif de l'appel, en indiquant que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. Depuis la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, l'article 502 du code de procédure pénale précise que la déclaration d'appel, qui doit être interjetée dans un délai de dix jours à compter du prononcé du jugement, peut indiquer que l'appel est limité « aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application . »

Alors qu'elle devait réduire le temps d'audience, cette limitation de l'appel, facultative, reste peu utilisée par les prévenus et leurs conseils. De plus, des difficultés d'interprétation de cette disposition par les cours d'appel sont apparues.

Dans ce contexte, l'article 41 du projet de loi vise à obliger l'appelant à préciser si l'appel porte sur l'action publique ou sur l'action civile. Si l'appel concerne la décision sur l'action publique, la déclaration devrait indiquer s'il porte sur la décision de culpabilité ou s'il est limité aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application.

De plus, l'article 41 précise l'effet de la limitation de l'appel sur la compétence de la cour d'appel : l'effet dévolutif de l'appel s'exercerait strictement dans les limites fixées par l'acte d'appel .

Afin de permettre aux justiciables d'anticiper cette mesure, cette disposition, en application de l'article 56 du projet de loi, n'entrerait en vigueur que trois mois après la publication de la loi au Journal officiel .

Certains magistrats entendus par vos rapporteurs observent qu'il peut être nécessaire de revenir sur les faits, même reconnus, lors d'un débat sur les peines. D'autres magistrats ont salué une réforme susceptible d'abréger effectivement la durée des audiences correctionnelles.

Conformément aux conclusions de la mission d'information de votre commission sur le redressement de la justice, votre commission a approuvé, sans réserve, ces dispositions.

2. La création d'une procédure de jugement à juge unique en appel

Par la modification de l'article 510 du code de procédure pénale, l'article 41 du projet de loi vise également à reproduire en appel la procédure à juge unique, actuellement limitée à la première instance : elle concernerait les mêmes infractions et se justifierait au regard du « phénomène d'engorgement de certaines cours d'appel, à l'origine d'importants délais de jugement 338 ( * ) » .

Une telle mesure aurait un impact considérable dès lors que la moitié des décisions rendues en appel seraient désormais rendues à juge unique : soit environ 12 000 condamnations sur 22 000 prononcées, selon l'étude d'impact. Les conséquences de ces dispositions sur les applicatifs métiers, notamment Cassiopée, seraient très importantes.

Si la collégialité n'a pas de valeur constitutionnelle, elle est néanmoins un gage sérieux de qualité des décisions de justice, contribue à l'indépendance des juridictions et permet d'assurer la formation des magistrats : le manque de moyens de la justice ne saurait être compensé par un accès limité au juge, en amoindrissant les garanties apportées aux justiciables, a fortiori pour les affaires les plus contestées et donc par définition les affaires faisant l'objet d'un appel. En conséquence, votre commission a adopté l'amendement COM-213 de vos rapporteurs visant à supprimer le recours à un juge unique en appel.

Votre commission a adopté l'article 41 ainsi modifié.

Sous-section 2
Dispositions relatives au jugement des crimes
Article 42
(art. 281, 316-1 [nouveau], 332, 365-1, 371-1 [nouveau], 380-2-1 A [nouveau]
et 698-6 du code de procédure pénale)
Mesures de simplification du procès d'assises -
Expérimentation du tribunal criminel départemental

L'article 42 du projet de loi comporte une série de dispositions, d'importance inégale, qui visent à accélérer le déroulement des procès d'assises. En 2016, un procès d'assises a duré, en moyenne, 3,1 jours et le stock d'affaires en attente correspondait à treize mois d'activité des cours d'assises.

1. Délai pour produire la liste des témoins

Le du paragraphe I tend à modifier l'article 281 du code de procédure pénale, relatif à la liste des personnes que les parties au procès d'assises souhaitent faire entendre comme témoins.

Actuellement, le code de procédure pénale prévoit que cette liste doit être communiquée, au minimum, vingt-quatre heures avant l'ouverture des débats. Il précise que les citations faites à la requête des parties sont à leurs frais, ainsi que les indemnités des témoins cités, si elles en requièrent.

Cependant, le ministère public est tenu de citer à sa requête les témoins dont la liste lui a été communiquée par les parties cinq jours avant l'ouverture des débats, sans que cette liste puisse comporter plus de cinq noms.

À l'usage, il apparaît que ce délai de vingt-quatre heures pose parfois des problèmes pratiques : la présentation tardive d'une longue liste de témoins peut désorganiser l'audience et constituer un motif de renvoi du procès.

Pour remédier à ces difficultés, il est proposé de porter le délai de vingt-quatre heures à un mois , ce qui permettra d'organiser l'audience dans de meilleures conditions tout en laissant le temps aux parties, compte tenu des délais d'audiencement, d'établir leur liste.

Par cohérence, le délai de cinq jours serait également allongé pour être porté à dix jours .

2. Dossier de la procédure mis à disposition des assesseurs

Le tend à insérer dans le code de procédure pénale un nouvel article 316-1, afin de prévoir la mise à disposition des assesseurs d'une copie du dossier de la procédure.

Actuellement, ni les assesseurs ni les jurés n'ont accès à ce dossier. Ils se prononcent sur la base des débats contradictoires qui se tiennent oralement à l'audience.

L'étude d'impact annexée au projet de loi indique que la mise à disposition du dossier pourrait avoir pour effet d'accélérer les débats en permettant aux assesseurs, qui sont des magistrats professionnels, d'avoir accès au contenu de la procédure.

Il paraît en revanche impossible de mettre le dossier à disposition des jurés puisque ceux-ci sont tirés au sort juste avant l'audience ; il ne semble guère réaliste d'envisager qu'ils puissent en prendre connaissance pendant le déroulé des débats.

3. Possibilité de poser des questions aux témoins pendant leur déposition

Le tend à modifier l'article 331 du code de procédure pénale, relatif à l'audition des témoins.

Traditionnellement, les témoins déposent sans être interrompus , conformément au quatrième alinéa de cet article. C'est seulement à la fin de leur déposition que des questions peuvent leur être posées.

Considérant que ce principe peut avoir pour effet d'allonger artificiellement les débats, il est proposé de supprimer ce quatrième alinéa.

En outre, afin d'éviter que certains témoins soient placés dans une position inconfortable pendant leur déposition, il serait précisé que les témoins ne sont pas tenus de faire part de leur intime conviction concernant la culpabilité de l'accusé.

Le du I (numéroté 5° par erreur) propose ensuite de modifier l'article 332 du code de procédure pénale, pour préciser que le président de la cour d'assises pourrait interrompre les déclarations du témoin ou lui poser directement des questions , sans attendre la fin de la déposition, si cela lui paraît nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats.

4. Motivation du choix de la peine

Le du I (numéroté 4° par erreur) tend à modifier l'article 365-1 du code de procédure pénale afin de rendre obligatoire la motivation de l'arrêt de la cour d'assises concernant le choix de la peine.

Depuis le 1 er janvier 2012, l'article 365-1 fait obligation au président de la cour d'assises, ou à l'assesseur par lui désigné, de motiver l'arrêt en ce qui concerne la culpabilité de l'accusé. La motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge pour chacun des faits reprochés à l'accusé qui ont convaincu la cour d'assises.

Dans sa décision n° 2017-964 QPC du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que les exigences constitutionnelles imposaient à la cour d'assises de motiver aussi le choix de la peine. Cette exigence de motivation impose à la cour d'énoncer les principaux éléments l'ayant convaincue dans le choix de la peine.

Afin de tirer les conséquences de cette décision, l'article 365-1 serait modifié pour préciser que la motivation consiste également dans l'énoncé des principaux éléments ayant convaincu la cour d'assises dans le choix de la peine , au vu des éléments exposés au cours du délibéré.

Le projet de loi reprend ainsi très précisément les termes employés par le Conseil constitutionnel dans sa décision.

5. Président de la cour statuant seul sur l'action civile

Le du I (numéroté 5° par erreur) tend à introduire un nouvel article 371-1 dans le code de procédure pénale, qui concerne la décision sur l'action civile.

La décision sur l'action civile porte sur les dommages-intérêts demandés par la partie civile. La cour d'assises statue sur cette demande après s'être prononcée sur l'action publique, sans l'assistance du jury.

Dans le but de réduire la durée des audiences, le nouvel article 371-1 dispose que la cour d'assises pourrait mettre en délibéré sa décision sur l'action civile mais qu'elle pourrait aussi décider, après avoir demandé les observations des parties, de renvoyer la décision devant le président de la cour d'assises , siégeant à la cour d'appel. Le président serait alors compétent pour prendre toutes les décisions relatives à l'action civile.

6. Possibilité de limiter l'appel à la peine prononcée

Le du I (numéroté 6° par erreur) propose d'introduire dans le code pénal un nouvel article 380-2-1 A relatif à l'appel formé contre l'arrêt de la cour d'assises.

En matière correctionnelle, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale a prévu la possibilité que la déclaration d'appel se limite aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application.

Il est proposé de transposer cette décision en matière criminelle en prévoyant que l'appel, formé par l'accusé ou par le ministère public, peut se limiter à la décision sur la peine , sans contester les réponses données par la cour d'assises sur la culpabilité.

L'intérêt d'une telle démarche est de réduire la durée de l'audience d'appel : seuls seraient alors entendus les témoins et experts dont la déposition serait nécessaire afin d'éclairer les assesseurs et les jurés sur les faits commis et sur la personnalité de l'accusé, sans que soient entendues les personnes dont la déposition ne serait utile que pour établir sa culpabilité.

Au moment du délibéré, les dispositions du code de procédure pénale relatives aux questions sur la culpabilité de l'accusé ne seraient bien sûr pas applicables.

7. Cour d'assises spéciale délibérant en possession du dossier de la procédure

Le du I (numéroté 7° par erreur) tend à modifier l'article 698-6 du code de procédure pénale, relatif à la composition de la cour d'assises spéciale et à la procédure applicable devant elle.

La cour d'assises spéciale est uniquement composée de magistrats professionnels. Elle statue sur les crimes mentionnés à l'article 697-1 du code de procédure pénale, soit les crimes commis par les militaires dans l'exercice de leur service.

Afin d'accélérer et de faciliter le délibéré de la cour, il est proposé que les magistrats délibèrent en possession de l'entier dossier de la procédure.

Sur ce point, la procédure dérogerait ainsi à l'article 347 du code de procédure pénale qui prévoit que le dossier, à la fin des débats, est déposé entre les mains du greffier et qu'il ne peut être consulté, pendant le délibéré, qu'à la demande du président de la cour, en présence du ministère public et des avocats.

8. Expérimentation d'un tribunal criminel départemental

Le paragraphe II tend à autoriser l'expérimentation du tribunal criminel départemental.

Cette expérimentation est une réponse à l'allongement du délai de jugement par les cours d'assises. En 2016, le stock d'affaires en attente de jugement représentait treize mois d'activité des cours d'assises, contre neuf mois en 2009. Cette évolution s'explique notamment par l'augmentation du taux d'appel (30 % en 2015 et 2016, contre seulement 24 % en 2006).

Ce tribunal criminel serait compétent pour juger les personnes majeures accusées d'un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle , lorsqu'il n'est pas commis en état de récidive légale. Il serait également compétent pour juger les délits connexes.

La cour d'assises resterait donc compétente pour juger les crimes passibles de peines plus lourdes ou commis en état de récidive.

Le tribunal siègerait au même lieu que la cour d'assises.

Il serait composé uniquement de magistrats professionnels . Le président serait entouré de quatre assesseurs.

Il reviendrait au premier président de la cour d'appel de désigner le président du tribunal, choisi parmi les présidents de chambre et les conseillers du ressort de la cour d'appel, ainsi que les assesseurs, choisis parmi les conseillers et les juges de ce même ressort.

La mise en accusation devant le tribunal criminel serait décidée par le juge d'instruction, à l'issue de son information, s'il estime qu'il existe des charges suffisantes. La mise en accusation serait effectuée selon les modalités prévues à l'article 181 du code de procédure pénale, c'est-à-dire selon les mêmes modalités que devant la cour d'assises.

La seule exception à la procédure prévue à l'article 181 porterait sur la durée prévue au huitième alinéa de cet article : l'accusé détenu est remis en liberté s'il n'a pas comparu devant la cour d'assises dans le délai d'un an à compter de sa mise en accusation ; ce délai d'un an peut être prolongé de six mois à deux reprises ; devant le tribunal criminel, le délai d'un an serait ramené à six mois, avec la possibilité d'une seule prolongation pour six mois supplémentaires.

L'audiencement serait fixé par décision conjointe du président du tribunal criminel et du procureur de la République ; à défaut d'accord, il serait fixé par le premier président de la cour d'appel, après avis du procureur général.

S'agissant de la procédure, c'est celle suivie devant la cour d'assises qui serait, d'une manière générale, appliquée, sous les réserves suivantes :

- il ne serait naturellement pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés, le tribunal étant composé de juges professionnels ; en particulier, les articles 254 à 267 du code de procédure pénale, relatifs aux fonctions de juré et à la formation du jury, ne seraient pas applicables, de même que l'article 282, sur la communication de la liste des jurés à l'accusé, les articles 288 à 292, sur la révision de la liste du jury, les deuxième et troisième alinéas de l'article 293 et les articles 295 à 305 sur la formation du jury ;

- les attributions confiées à la cour d'assises ou à son président seraient assumées, respectivement, par le tribunal et par son président ;

- pour l'application des articles 359, 360 et 362 du code de procédure pénale (règles de majorité applicables pour prendre une décision défavorable à l'accusé, votes sur la culpabilité et sur la peine), le tribunal statuerait à la majorité ;

- comme la cour d'assises spéciale, le tribunal délibérerait en étant en possession de l'entier dossier de la procédure.

En matière d'aide juridictionnelle, le tribunal criminel serait également assimilé à la cour d'assises.

Le tribunal aurait la possibilité de renvoyer devant la cour d'assises l'affaire dont il est saisi s'il estimait, dans le cours des débats ou à leur issue, que les faits constituent un crime passible de trente ans de réclusion criminelle ou de la réclusion criminelle à perpétuité.

L'appel des décisions du tribunal criminel serait examiné par la cour d'assises d'appel, dans les mêmes conditions que l'appel des décisions rendues par les cours d'assises en premier ressort.

Le paragraphe III prévoit la mise en oeuvre de l'expérimentation prévue au II du 1 er janvier 2019 au 1 er janvier 2022 pour le jugement des personnes mises en accusation au plus tard le 1 er janvier 2021.

Elle se déroulerait dans deux départements au minimum et dix départements au maximum, choisis par arrêté du garde des sceaux.

Un rapport d'évaluation serait enfin transmis au Parlement six mois au moins avant la fin de l'expérimentation

9. La position de votre commission

Quoique d'apparences techniques, certaines mesures envisagées à cet article remettent en cause des principes fondamentaux du procès d'assises.

Plusieurs dispositions viennent ainsi atténuer le principe de l'oralité des débats au profit d'une consultation plus large du dossier de la procédure, ce qui devrait avoir pour effet de raccourcir quelque peu la durée des débats.

Surtout, la création d'un tribunal criminel composé de magistrats professionnels introduit une rupture par rapport à une juridiction d'assises historiquement composée d'une majorité de citoyens tirés au sort. Cette rupture suscite des oppositions que vos rapporteurs ont pu mesurer au cours de leurs auditions.

Votre commission considère cependant que l'allongement préoccupant des délais de jugement aux assises nécessite de rechercher des solutions innovantes. Elle rappelle que l'encombrement des assises conduit à la « correctionnalisation » massive de certains crimes, en matière de viol par exemple, ce qui ne permet pas de sanctionner ces crimes au niveau qui convient. Elle juge peu probable que l'augmentation des moyens de la justice suffise, à elle seule, à résoudre ce problème et accueille donc favorablement l'expérimentation d'une nouvelle procédure qui permettra de recentrer l'activité des assises sur les crimes les plus graves.

Les avis divergent fortement concernant les effets prévisibles de l'expérimentation. Certaines personnes entendues par vos rapporteurs ont estimé que le fait d'utiliser la même procédure qu'aux assises ne permettrait pas d'espérer un gain de temps important, tandis que d'autres ont au contraire affirmé que les audiences seraient beaucoup plus brèves dans la mesure où les magistrats auraient accès au dossier. Votre commission en conclut que l'organisation d'une expérimentation est finalement assez opportune puisqu'elle permettra de prendre une décision définitive à partir de données objectives.

Si la création du tribunal correctionnel permettait d'accélérer sensiblement le traitement des affaires, il est à craindre toutefois qu'un nouveau « goulot d'étranglement » apparaisse au niveau des cours d'assises d'appel. L'expérimentation permettra de confirmer ou d'infirmer cette crainte.

Votre commission a en revanche émis un jugement plus négatif sur la proposition de confier au président de la cour d'assises le soin de statuer, à juge unique, sur les dommages et intérêts demandés par la partie civile. Il lui paraît important de maintenir le principe de la collégialité pour ces décisions qui revêtent une importance certaine pour les victimes. Elle a donc adopté un amendement COM-199 de suppression de cette disposition, présenté par vos rapporteurs, ainsi que deux amendements COM-200 et COM-201 de correction d'une erreur matérielle et de précision, également présentés par vos rapporteurs.

La commission a également adopté un amendement COM-127 du groupe socialiste et républicain supprimant la disposition selon laquelle le président de la cour d'assises peut interrompre la déposition d'un témoin et lui poser des questions. En effet, l'article 309 du code de procédure pénale permet déjà au président de la cour de rejeter tout ce qui tendrait à prolonger les débats sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats. Sur ce fondement, les présidents de cour d'assises peuvent interrompre les déclarations d'un témoin et l'interroger. L'ajout proposé par le projet de loi est donc apparu superfétatoire.

La commission a ensuite adopté un amendement COM-157 de notre collègue Jean-Pierre Grand qui précise que les jurés peuvent, au cours des débats, demander au président l'accès à une ou plusieurs pièces de la procédure contenues dans le dossier. Évoquée dans le cadre des chantiers de la justice, cette mesure paraît de nature à compléter utilement les informations que les jurés pourront recueillir au cours des débats.

Enfin, la commission a adopté un amendement COM-103 rectifié du groupe socialiste et républicain. Cet amendement reprend le contenu d'une proposition de loi présentée par le président Jean-Pierre Sueur et adoptée par le Sénat en 2013.

Il vise à modifier la rédaction de l'article 689-11 du code de procédure pénale, afin d'élargir la compétence des tribunaux français pour juger les auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis à l'étranger . L'objectif de cette disposition est de faire reculer l'impunité et de sanctionner les auteurs de ces crimes particulièrement graves lorsqu'ils se trouvent sur le territoire national.

Dans ce but, l'amendement supprime la condition selon laquelle l'auteur des faits doit avoir sa résidence habituelle sur le territoire français. Il supprime ensuite l'exigence de double incrimination, qui suppose que les faits soient punissables à la fois en droit français et dans la législation de l'État où ils ont été commis.

Les poursuites ne pourraient être exercées qu'à la requête du ministère public, et à la condition qu'aucune juridiction étrangère ou internationale ne demande la remise ou l'extradition de l'auteur des faits.

Votre commission a adopté l'article 42 ainsi modifié .

Sous-section 3
Dispositions relatives à la cassation
Article 42 bis (nouveau)
(art. 567, 567-2, 574-1 et 574-2, 584 et 585 [abrogés], 585-1, 586, 588, 590-1 et art. 858 [abrogé] du code de procédure pénale, art. 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et art. 49 [abrogé] de la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 rendant applicables le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d'outre-mer)
Représentation obligatoire devant la chambre criminelle
de la Cour de cassation

Introduit par votre commission par l'adoption d'un amendement COM-280 de ses rapporteurs, l'article 42 bis vise à rendre obligatoire la représentation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Il reprend l'article 26 de la proposition de loi d'orientation et de redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017, afin de mettre en oeuvre la proposition n° 86 de la mission d'information de la commission des lois sur le redressement de la justice.

À la différence de la procédure de cassation devant les chambres civiles de la Cour de cassation, la procédure de cassation en matière pénale n'impose pas que les pourvois soient soutenus par un avocat aux Conseils.

Malgré l'apparence d'un plus large accès au juge pour le justiciable, les chances pour ce dernier de voir aboutir ses pourvois sont en réalité réduites eu égard à la technicité du droit pénal. En 2014, 56 % des mémoires personnels ont abouti à une décision de non-admission contre seulement 9 % des pourvois soutenus par un avocat aux Conseils.

L'absence de représentation obligatoire ne permet pas aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de jouer leur rôle habituel de conseil et de dissuader les justiciables de former des pourvois voués à l'échec. Elle oblige la Cour de cassation à se prononcer sur de très nombreux pourvois manifestement infondés, au détriment de sa mission de garantir la bonne application du droit.

Votre commission a adopté l'article 42 bis ainsi rédigé .

TITRE V
RENFORCER L'EFFICACITÉ
ET LE SENS DE LA PEINE
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PEINES ENCOURUES
ET AU PRONONCÉ DE LA PEINE

Article 43
(art. 131-3, 131-5-1, 131-6, 131-7 [abrogé], 131-8, 131-9, 131-16, 131-35-1 et 131-35-2 [abrogés], 131-36, 221-8, 222-44, 222-45, 224-9, 225-19, 225-20, 227-32 [abrogé], 311-14, 312-13, 321-9, 322-15 du code pénal ;
l'article 32 et l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)
Échelle des peines correctionnelles

L'article 43 du projet de loi tend à modifier l'échelle des peines délictuelles applicables aux personnes physiques (4), notamment en créant la peine de détention à domicile sous surveillance électronique (1), en simplifiant les peines de stage (2), en facilitant le recours au travail d'intérêt général (3).

1. La création d'une peine de détention à domicile sous surveillance électronique

L'article 43 du projet de loi vise à créer une nouvelle peine autonome de « détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) » , en sus du placement sous surveillance électronique 339 ( * ) (PSE), modalité d'aménagement des peines d'emprisonnement pouvant être prononcée ab initio , qui perdurerait sous le vocable identique de « détention à domicile sous surveillance électronique 340 ( * ) » - ce qui n'est source ni de simplification ni de clarification.

Bien que la part des personnes écrouées sous surveillance électronique progresse régulièrement, le nombre d'aménagements ab initio des peines d'emprisonnement en un placement sous surveillance électronique, prononcés par la juridiction de jugement, reste faible 341 ( * ) : 1,3 % des peines d'une durée inférieure ou égale à six mois ont été aménagées (environ 1 000 condamnations), 0,8 % des peines d'une durée supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an (environ 160 condamnations) et 0,4 % des peines d'une durée supérieure à un an et inférieure ou égale à deux ans (environ 30 condamnations).

Selon le Gouvernement, la transformation du placement sous surveillance électronique en une peine autonome serait de nature à permettre d'en faire exécuter davantage 342 ( * ) , d'autant qu'elle est « peu coûteuse 343 ( * ) ».

Cette peine pourrait être prononcée pour une durée maximale comprise entre quinze jours et un an, sans pouvoir excéder la durée de l'emprisonnement encouru. À l'instar du placement sous surveillance électronique, la DDSE obligerait le condamné au port d'un bracelet et à ne pouvoir sortir de son domicile qu'en raison d'horaires déterminés, sous peine de devoir exécuter une peine d'emprisonnement.

Selon l'étude d'impact, cette nouvelle peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) devrait permettre de « libérer » 7 000 places de détention, sans qu'il soit clairement indiqué si ces 7 000 places comprennent les personnes placées sous surveillance électronique (DDSE en tant que modalité d'aménagement d'une peine d'emprisonnement).

Vos rapporteurs doutent fortement que la création d'une telle peine autonome favorise le prononcé d'un placement sous surveillance électronique au moment du jugement et s'interrogent sur les ressorts d'une telle estimation : comment la création d'une peine qui peut, en tant que modalité d'aménagement, déjà être prononcée à l'audience inciterait-elle davantage les juridictions à la prononcer ?

La simple transformation du PSE en peine autonome n'est qu'une disposition cosmétique qui fait l'économie d'une véritable réflexion sur les facteurs d'explication de ce faible taux d'aménagement et sur les raisons de l'augmentation du prononcé des peines d'emprisonnement.

Concernant le faible taux d'aménagement ab initio, plusieurs pistes d'explication étaient avancées par les conclusions de la mission d'information de votre commission sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre : l'absence d'information des juridictions de jugement sur la situation du prévenu (situation matérielle, familiale, etc. ), le budget insuffisant consacré aux enquêtes pré-sentencielles, les délais excessivement courts entre le renvoi et l'audience, la surcharge de travail des juridictions de jugement, la technicité du droit de l'application des peines souvent mal maîtrisée par les juges siégeant dans les formations de jugement, le sentiment que ce travail relève du juge de l'application des peines et non du tribunal correctionnel...

Pour que les juridictions prononcent des peines alternatives à l'incarcération, vos rapporteurs estiment qu'il faut leur donner les moyens, tant humains que matériels, de se prononcer sur leur opportunité mais aussi leurs modalités, notamment les horaires adaptés d'assignation.

Cela suppose un service pré-sentenciel renforcé astreint sept jours sur sept, disposé à s'assurer de la faisabilité technique de ces mesures dès les premières heures de garde à vue d'un suspect susceptible de faire l'objet d'une comparution immédiate. Or la diminution des financements en direction des associations, la faible rémunération des actes d'enquête de faisabilité d'une peine (sur frais de justice) et la surcharge de travail des services pénitentiaires d'insertion et de probation ne n'incitent pas à être optimistes.

Cela suppose aussi un renforcement du rôle des surveillants pénitentiaires chargés de poser les bracelets électroniques afin de permettre une exécution immédiate de la peine : aujourd'hui, une pose (ou une réparation d'un bracelet) peut ne pas intervenir avant plusieurs jours (environ cinq jours selon les personnes entendues par vos rapporteurs). De surcroît, cette pose n'est possible que lors des heures ouvrables du service concerné, ce qui ne correspond pas toujours aux exigences des juridictions de jugement. Dès lors, si la juridiction de jugement veut une exécution immédiate du PSE, elle doit prononcer un mandat de dépôt, le condamné est alors placé en détention avant que le juge de l'application des peines décide, généralement après quelques jours, une mesure d'aménagement. Vos rapporteurs doutent fortement de la capacité de l'administration pénitentiaire à « absorber » cette contrainte horaire pour répondre aux besoins des juridictions de jugement.

Au regard des moyens importants mobilisés par l'administration pénitentiaire pour un placement sous surveillance électronique (enregistrement de l'écrou, pose d'un bracelet, surveillance à distance...), envisager de telles dépenses de moyens pour des peines de quinze jours semble disproportionné.

À l'inverse, la durée d'une année semble excessive au regard des difficultés que rencontrent les personnes concernées pour supporter un enfermement presque « auto-subi » au-delà de quatre ou six mois : le risque d'évasion est important au-delà de cette durée, ce qui pourrait donc aboutir à des incarcérations inutiles.

Vos rapporteurs soulignent la complexité du projet du Gouvernement qui, sous le même vocable, désigne à la fois une peine « autonome » et une modalité d'aménagement d'une peine d'emprisonnement.

Ils s'interrogent également sur le choix de limiter la durée minimale du DDSE à quinze jours : en cas de violation de ses obligations d'assignation à domicile, la personne condamnée à une peine de DDSE pourrait être incarcérée pour la durée restant de sa peine, soit potentiellement une peine inférieure à 15 jours. Une telle incarcération semble incompatible avec la volonté du Gouvernement d'interdire le prononcé des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à un mois.

Contrairement à une modalité d'application des peines, elle ne pourrait pas être facilement adaptée par le juge de l'application des peines : par exemple, en cas de perte du logement, le juge de l'application des peines n'aura le choix qu'entre l'emprisonnement ou la fin anticipée de la peine. Il ne sera pas possible de faire exécuter cette peine sous la forme d'un placement en centre de semi-liberté ou d'un placement extérieur dans une structure associative. Il est fort probable qu'aucune sanction ne soit effectivement prononcée en cas de manquement avéré du condamné à ses obligations de résidence à domicile : cela renforcerait le sentiment d'impunité des condamnés et ne permettrait pas de restaurer le sens de la peine.

Le choix de créer une peine « autonome » de surveillance électronique apparaît d'autant moins justifié que le placement sous surveillance électronique est régulièrement critiqué pour son faible encadrement social et ses modalités d'exécution qui ne permettent pas véritablement de prévenir la récidive. Le seul véritable contrôle est exercé sur le respect formel 344 ( * ) ou non des horaires d'assignation, sans contenu aidant à la réinsertion. D'autres magistrats suggéraient plutôt d'ériger en peines autonomes le placement en semi-liberté ou le placement à l'extérieur.

Le projet apparaît d'autant plus illisible que la peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) n'est pas véritablement une peine principale autonome, mais une simple peine de substitution : aucune disposition du projet de loi ne vise à réécrire les peines principales encourues pour chaque infraction afin d'insérer, en sus d'une peine d'amende et d'emprisonnement, une peine de DDSE d'une durée déterminée. Dès lors, la peine de DDSE reste conditionnée par le prononcé d'une peine d'emprisonnement ab initio ou en sanction du non-respect des obligations de présence.

Enfin, l'appellation semble inappropriée : si le placement sous surveillance électronique est une privation d'accès à des loisirs pendant certaines tranches horaires, il serait exagéré de le considérer comme une incarcération.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté un amendement COM-223 de ses rapporteurs visant à supprimer la création de cette peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) .

2. La simplification des peines de stage

Les stages sont des mesures ou des peines pouvant être prononcées tant au stade pré-sentenciel que lors du jugement ou encore dans la phase post-sentencielle d'exécution des peines .

Dans le cadre d'une mesure pré-sentencielle, les stages peuvent être ordonnés comme une modalité de la mesure d'orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, ou comme modalité d'une composition pénale .

Les stages peuvent être également prononcés en tant que peine principale ou complémentaire dans les matières correctionnelle et contraventionnelle.

Enfin, les stages peuvent être imposés à la personne condamnée dans le cadre de l'exécution de sa peine (contrainte pénale, sursis avec mise à l'épreuve) ou d'un aménagement, prononcé par la juridiction de jugement ou de l'application des peines.

En 2017, 101 497 obligations d'accomplir un stage ont été prononcées :

- 47,1 % dans le cadre d'une condamnation correctionnelle (dont 33,2 % dans le cadre d'une ordonnance pénale et 7,1 % dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité),

- 32,2 % dans le cadre d'une composition pénale ,

- et 19,4 % dans le cadre d'une autre procédure alternative aux poursuites .

Le stage est accompli, en principe, aux frais de l'auteur pour un montant ne pouvant excéder 450 euros. En moyenne, le coût d'un stage est compris entre 200 et 250 euros .

L'ensemble des peines de stage , qui se sont multipliées ces dernières années (citoyenneté, sécurité routière, dangers de l'usage de produits stupéfiants, responsabilité pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, lutte contre l'achat d'actes sexuels, responsabilité parentale, lutte contre le sexisme et sensibilisation à l'égalité entre les hommes et les femmes), ne peuvent pas être prononcées dans les mêmes conditions : par exemple, le stage de sensibilisation à la sécurité routière est toujours exécuté aux frais du condamné alors que le stage de citoyenneté peut être à la charge ou non du condamné selon la décision de la juridiction. De plus, seul le stage de citoyenneté est mentionné dans l'échelle des peines de l'article 131-3 du code pénal.

Dès lors, comme le soulevait le rapport de la mission d'information de votre commission sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre mais également le rapport de M. Bruno Cotte et de Me Julia Minkowski sur le sens et l'efficacité des peines, le régime des peines de stages pourrait utilement être simplifié .

L'article 43 du projet de loi vise à prévoir, au sein de l'article 131-5-1 du code pénal, que la juridiction pourrait désormais, pour tous les délits punis d'une peine d'emprisonnement, prononcer « à la place ou en même temps » que l'emprisonnement un ou plusieurs stages d'une durée maximale d'un mois dont la juridiction préciserait la nature : le stage serait ainsi clairement à la fois une peine complémentaire et une peine principale, mais avec le même régime légal.

Sauf décision contraire du tribunal, le coût du stage, qui ne pourrait excéder 68 euros, serait effectué aux frais du condamné. Le projet de loi prévoit de ne plus exiger de recueillir l'accord de la personne.

Les différents stages (citoyenneté, lutte contre l'achat d'actes sexuels, responsabilité parentale, etc. ) ne seraient ainsi que des modalités d'une même peine.

Vos rapporteurs soulignent que la déclinaison de ces stages ne relève a priori pas de la loi. Il convient de permettre aux juridictions de donner à ces stages un contenu adapté aux profils des délinquants et de les laisser libres de mettre en place de nouveaux stages de sensibilisation, différents de ceux actuellement cités par le code pénal.

Outre des précisions ( amendement COM-223 de ses rapporteurs), votre commission a approuvé cette unification des régimes des peines de stage.

3. Les mesures permettant d'accroître le prononcé de la peine de travail d'intérêt général

Actuellement, la peine de travail d'intérêt général (TIG) ne peut être prononcée qu'en présence du condamné dont le consentement à la mesure a été recueilli en raison de l'interdiction du travail forcé.

Afin d'accroître le recours au travail d'intérêt général, le IV de l'article 43 vise à permettre de recueillir de manière différée l'accord du condamné pour l'exécution d'une peine de travail d'intérêt général.

Le juge de l'application des peines l'informerait de la possibilité de refuser cette peine. À défaut d'accord, il ferait exécuter la peine d'emprisonnement prononcée par la juridiction de jugement en cas de non-exécution du TIG.

Vos rapporteurs estiment que l'absence d'un prévenu pourtant convoqué à l'audience augure mal de sa volonté de réinsertion. De plus, il semble paradoxal de prononcer une peine sans avoir entendu à l'audience de la part de l'intéressé les éléments de personnalité permettant de motiver le recours à cette peine. Aussi, par l'adoption du même amendement COM-223 , votre commission a-t-elle supprimé cette disposition.

Par ailleurs, toujours afin d'accroître le recours à la peine de travail d'intérêt général, le rapport « Les leviers permettant de dynamiser le travail d'intérêt général » remis par M. Didier Paris, député, et M. David Layani, président exécutif de One Point, suggérait d'étendre le périmètre des personnes morales de droit privé susceptibles d'offrir un travail d'intérêt général.

L'article 43 du projet de loi prévoit une expérimentation de trois ans permettant aux personnes morales de droit privé relevant du secteur de l'économie sociale et solidaire d'accueillir des personnes condamnées à un travail d'intérêt général.

Vos rapporteurs ne sont pas opposés à une telle extension dès lors que le nombre de places offertes apparaît aujourd'hui effectivement insuffisant.

4. La redéfinition de l'échelle des peines correctionnelles

L'article 43 du projet de loi tend à réécrire l'échelle des peines correctionnelles afin de tenir compte de la suppression de la contrainte pénale, de la création d'une peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), de l'unification des peines de stages et de la création du sursis probatoire.

Tableau comparatif

L'échelle des peines actuellement définie à l'article 131-3 du code pénal

L'échelle des peines selon l'article 43 du projet de loi

L'échelle des peines selon l'article 43 du projet de loi, tel qu'adopté par votre commission

L'emprisonnement

L'emprisonnement (sursis, sursis probatoire ou aménagement)

L'emprisonnement

La contrainte pénale

La détention à domicile sous surveillance électronique

La probation

L'amende

Le travail d'intérêt général

Le travail d'intérêt général

Le jour-amende

L'amende

L'amende

Le stage de citoyenneté

Le jour-amende

Le jour-amende

Le travail d'intérêt général

Les peines de stage

Le stage

Les peines privatives ou restrictives de droit

Les peines privatives ou restrictives de droit

Les peines privatives ou restrictives de droit

Les peines complémentaires

La sanction-réparation

Le suivi socio-judiciaire

La sanction-réparation

Conformément aux conclusions de la mission d'information de votre commission sur la nature, l'efficacité et la mise en oeuvre des peines, votre commission a supprimé, par l'adoption de l'amendement COM-223 de ses rapporteurs, la peine de sanction-réparation, qui est très peu prononcée aujourd'hui, et a inscrit, aux fins de clarification de la nomenclature, la peine de suivi socio-judiciaire au rang des peines principales.

Par coordination avec la création de la peine de probation, en lieu et place du sursis probatoire (voir article 46), votre commission a également prévu cette peine dans la nomenclature définie par l'article 131-3 du code pénal.

Votre commission a adopté l'article 43 ainsi modifié.

Article 44
(art. 41 et 81 du code de procédure pénale ; art. 132-70-1 du code pénal)
Développement des enquêtes pré-sentencielles

L'article 44 du projet de loi tend à améliorer la connaissance de la personnalité du prévenu par le tribunal correctionnel afin que ce dernier prononce la peine la mieux adaptée à la situation du prévenu.

Vos rapporteurs partagent ce constat évident, étayé dans le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice puis dans celui de la mission d'information sur la nature, la mise en oeuvre et l'efficacité des peines. Les juridictions de jugement ont une connaissance limitée de la personnalité et de la situation familiale, matérielle et sociale du prévenu. Elles doivent statuer sur la base de déclarations dans des temps d'audiencement extrêmement contraints. Le développement des peines alternatives à la détention nécessite contrairement à l'emprisonnement, des vérifications plus ou moins approfondies avant de pouvoir les prononcer.

Néanmoins, vos rapporteurs ne sont pas convaincus que la réintroduction, en premier recours, de la compétence du service pénitentiaire d'insertion et de probation pour effectuer les enquêtes pré-sentencielles 345 ( * ) , proposée par le I de l'article 44 du projet de loi , soit de nature à encourager les juridictions à réorganiser leurs audiences pour permettre ce temps d'évaluation. Par l'adoption de l'amendement COM-224 de ses rapporteurs, votre commission a préféré maintenir le recours par priorité au secteur associatif, les services pénitentiaires d'insertion et de probation intervenant à titre subsidiaire.

Ils saluent en revanche l'obligation de réaliser des enquêtes sociales rapides 346 ( * ) (qui ne sont néanmoins pas des enquêtes de personnalité) concernant tous les prévenus pour lesquels le procureur requiert le placement en détention provisoire, et pas seulement les majeurs âgés de moins de 21 ans au moment de la commission des faits : une telle mesure est susceptible de réduire le nombre de personnes placées en détention provisoire si elle est accompagnée d'une hausse significative de moyens.

Dans le prolongement des travaux de la mission d'information sur le redressement de la justice et de la mission d'information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre qui encourageaient les juridictions à utiliser davantage la procédure de l'ajournement du prononcé de la peine, l'article 44 du projet de loi propose deux évolutions de la procédure de l'ajournement aux fins d'investigations sur la personnalité du prévenu (article 132-70-1 du code de procédure pénale).

Les ajournements du procès

L'ajournement simple (article 132-60 du code pénal) permet au juge de reporter la date à laquelle il sera statué sur la peine. Cet ajournement ne peut être prononcé que si « le reclassement du coupable est en voie d'être acquis, que le dommage causé est en voie d'être réparé et que le trouble résultant de l'infraction va cesser. »

En matière correctionnelle, l'ajournement avec mise à l'épreuve (article 132-63 du code pénal) permet au juge, dans les mêmes conditions que l'ajournement simple, de prononcer une décision de mise à l'épreuve, exécutoire par provision, avec les mêmes mesures de contrôle et d'aide que le sursis avec mise à l'épreuve, et une nouvelle date d'audience, au plus tard un an après la première décision d'ajournement pour statuer sur la peine, ou éventuellement une dispense de peine.

Même en l'absence du prévenu à l'audience, l'ajournement du procès avec injonction (assortie ou non d'une astreinte) - article 132-66 du code pénal - peut également être prononcé : si les prescriptions de l'injonction n'ont pas été respectées, l'astreinte peut être liquidée et les peines initialement prévues prononcées.

Enfin l'article 132-70-1 du code pénal prévoit l'ajournement du procès aux fins d'investigations sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale , notamment pour individualiser les peines prononcées. La seconde audience sur la peine ne peut avoir lieu plus de quatre mois après la première décision sur la culpabilité.

Il est prévu de permettre :

- de prononcer cet ajournement dès lors que cette procédure serait « opportune » et non plus « nécessaire », ce qui allège les obligations de motivation ;

- de placer la personne dont le procès a été ajourné « sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire ». Cette nouvelle possibilité qui permettrait à la juridiction de jugement de s'assurer de la prise en charge du prévenu jusqu'au prononcé de la peine pourrait aider les juridictions à véritablement individualiser la peine, y compris en terme de quantum .

Votre commission a approuvé ces modifications, sous réserve de l'adoption de l'amendement COM-224 de ses rapporteurs visant à permettre de décider un ajournement pour investigations en vue de prononcer toute peine adaptée, et non la liste limitativement énumérée par l'article 44 du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 44 ainsi modifié .

Article 45
(art. 132-1, 132-17, 132-19, 132-25, 132-26, 132-27 du code pénal ;
art. 464-2 [nouveau], 465-1, 474, 723-7, 723-7-1, 723-13, 723-15, 723-15-1, 723-17, 723-17-1, 747-2 du code de procédure pénale)
Prononcé des peines d'emprisonnement

L'article 45 du projet de loi tend à rénover les conditions de prononcé des peines d'emprisonnement par les tribunaux correctionnels, par l'interdiction des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à un mois (1), et le renforcement des exigences de motivation des peines (2). Il tend également à simplifier le prononcé ab initio par la juridiction de jugement d'aménagements de peine (3), tout en créant le mandat de dépôt à effet différé (4) afin de contourner la procédure d'examen systématique en vue d'un aménagement des peines d'une durée inférieure à un certain seuil (procédure de l'article 723-15 du code de procédure pénale).

1. L'interdiction des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à un mois

Par la modification de l'article 132-19 du code pénal, le I de l'article 45 du projet de loi a pour objet d'interdire les courtes peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un mois, qui sont à la fois suffisamment longues pour avoir des effets désocialisants (perte d'emploi, perte de logement...) et trop courtes pour permettre un réel parcours d'exécution des peines (accès limité au travail, aux soins, etc. ) et l'examen d'aménagements de peine.

Selon l'étude d'impact, « l'interdiction des peines de prison ferme inférieures ou égales à un an va conduire principalement à prononcer davantage de détention domiciliaire sous surveillance électronique (70 %) et de travaux d'intérêt général » : vos rapporteurs s'interrogent sur l'explication de ces taux de conversion et sur la pertinence de faire exécuter des peines de DDSE d'une durée inférieure ou égale à un mois.

Une telle disposition n'aurait vraisemblablement qu'une incidence limitée dès lors que seulement 9 100 peines d'une durée inférieure ou égale à un mois ont été prononcées en 2017 et seulement un peu plus de 600 d'entre elles faisaient l'objet d'un mandat de dépôt. L'étude d'impact estime sa portée, sur une année, à une diminution de 300 détenus.

Selon vos rapporteurs, une telle disposition pourrait surtout présenter des effets de seuil contre-productifs : afin de contourner cette interdiction, les juridictions de jugement qui souhaitent prononcer une peine courte d'emprisonnement devront fixer un quantum minimal de deux mois, au lieu d'un, au risque d'allonger la durée moyenne d'incarcération. Certains magistrats ont en effet insisté sur la pertinence d'une peine très courte d'emprisonnement ferme pour des condamnés réitérant, n'ayant pas encore subi d'incarcération. De plus, les courtes peines d'emprisonnement peuvent s'exécuter de manière fractionnée afin de permettre le maintien d'un emploi.

Vos rapporteurs considèrent que des condamnations à des peines d'emprisonnement effectives, courtes, intervenant plus tôt dans le parcours des délinquants, peuvent être efficaces, si elles sont exécutées dans des établissements présentant un degré moindre de sécurisation et donc de coût.

En conséquence, votre commission a maintenu la possibilité de prononcer des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un mois ( amendement COM-225 de ses rapporteurs).

2. La motivation des peines et l'encadrement du prononcé des peines

Le II de l'article 45 du projet de loi vise également à préciser les règles de prononcé des peines d'emprisonnement.

À cette fin, il prévoit au sein de l'article 132-19 du code pénal, que non seulement une juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure à celle encourue, mais que cette peine peut être ferme ou assortie, en partie ou en totalité, du sursis pour une durée inférieure à celle qui est encourue. Ces dispositions, qui correspondent aux pratiques actuelles et se déduisent des dispositions du code de procédure pénale, apportent une clarification utile .

Il tend également à formaliser une obligation de motivation spéciale du prononcé des peines d'emprisonnement sans sursis en introduisant la notion de peine « indispensable » à l'article 132-19 du code pénal. En cela, il s'approche de la jurisprudence de la Cour de cassation 347 ( * ) tout en s'en écartant sur le plan lexical.

Actuel article 132-19

Dispositions du projet de loi

Une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate

Une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate

Votre commission n'est pas favorable à ce choix de vocabulaire qui ne renvoie ni au principe à valeur constitutionnelle de nécessité des peines ni à la jurisprudence désormais consolidée de la chambre criminelle de la Cour de cassation : il engendrerait un renforcement des exigences et nécessiterait une clarification jurisprudentielle.

L'article 45 tend également à prévoir au sein du même article 132-19 du code pénal la nécessité pour le tribunal correctionnel de motiver sa décision, sans qu'il soit clairement établi si cette motivation s'applique à l'emprisonnement ferme ou à l'aménagement de la peine.

Face à cet entre-deux des exigences de motivation, votre commission, par l'adoption de l' amendement COM-225 de ses rapporteurs, a souhaité poser un principe de motivation générale des peines correctionnelles, prolongeant ainsi la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel 348 ( * ) et de la Cour de cassation sur la motivation des peines 349 ( * ) , tout en maintenant le principe de la motivation spéciale de l'emprisonnement ferme .

La nécessaire personnalisation des peines

Les principes constitutionnels de nécessité et d'individualisation des peines 350 ( * ) imposent aux juridictions de personnaliser les peines prononcées. Actuellement, l'article 132-1 du code pénal prévoit que « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée . Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale , conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 351 ( * ) . »

Cette personnalisation des peines peut se traduire par plusieurs modalités :

- le prononcé d'une peine inférieure au maximum encouru par la qualification légale applicable ou la dispense d'une peine ;

- le prononcé d'un sursis, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ;

- l'aménagement des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux ans par un régime de semi-liberté, un placement à l'extérieur, un placement sous surveillance électronique ou le fractionnement de la peine ;

- le prononcé et l'éventuelle modulation de la période de sûreté ;

- le recours à des peines privatives ou restrictives de droit, au travail d'intérêt général, au jour-amende ou à une peine complémentaire prononcée à titre principal ;

- les modalités de l'inscription ou non de la peine au casier judiciaire.

3. L'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement par les juridictions de jugement

Les peines d'emprisonnement prononcées par les tribunaux correctionnels peuvent être mises à exécution en la forme prononcée ou faire l'objet d'un aménagement, par la juridiction de jugement.

Créés par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, ces aménagements ab initio ont pour objectif d'éviter les incarcérations susceptibles de causer une perte d'emploi, de logement ou une rupture familiale. La loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 a élevé le seuil des peines susceptibles d'être aménagées ab initio d'un an à deux ans d'emprisonnement ferme (un an en cas de récidive légale).

Les aménagements de peine ab initio
(art. 132-25, 132-26-1 et 132-27 du code pénal)

Les aménagements de peine ab initio relèvent de quatre régimes distincts :

- le régime de la semi-liberté 352 ( * ) prévoit que le condamné est astreint à demeurer dans l'établissement pénitentiaire, à l'exception du temps nécessaire à la conduite des activités en raison desquelles il a été admis au régime de la semi-liberté (activité professionnelle, recherche d'un stage ou d'un emploi, suivi d'une formation, participation à la vie familiale, conduite d'un projet d'insertion ou de réinsertion) ;

- le placement à l'extérieur 353 ( * ) astreint le condamné à effectuer, sous le contrôle de l'administration, des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire ;

- le placement sous surveillance électronique 354 ( * ) , qui suppose, contrairement aux autres modalités d'aménagement de peine, l'accord préalable du condamné, implique pour celui-ci une interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge de l'application des peines, en dehors des plages horaires et des périodes fixées par ce dernier. Ce régime emporte en outre l'obligation pour le condamné de répondre aux convocations de toute autorité publique désignée par le juge de l'application des peines ;

- le régime du fractionnement 355 ( * ) prévoit l'exécution d'une peine par fractions, sur une période ne pouvant excéder quatre ans et sans qu'une fraction soit inférieure à une durée de deux jours.

Ces aménagements ne peuvent être prononcés que lorsque le condamné justifie se trouver dans l'une des quatre situations suivantes :

- l' exercice d'une activité professionnelle , même temporaire, le suivi d'un stage ou son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d'un emploi ;

- sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

- la nécessité de suivre un traitement médical ;

- l'existence d' efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

Tout en réduisant le seuil des peines aménageables de deux ans à un an (y compris pour les personnes condamnées en état de récidive légale), l'article 45 du projet de loi vise à systématiser les aménagements de peine par l'introduction de seuils particulièrement contraignants et à créer de nouvelles obligations de motivation si la peine prononcée est inférieure ou égale à un an.

Dispositions du projet de loi

Peines d'une durée inférieure ou égale à un mois

Peines d'une durée supérieure à un mois, inférieure ou égale à six mois

Peines d'une durée supérieure à six mois, inférieure à un an d'emprisonnement

Peines d'une durée supérieure à un an

Principe

Interdiction

Obligation de prononcer une mesure d'aménagement

Obligation de prononcer une mesure d'aménagement si la personnalité et la situation du condamné le permettent, même sans projet de réinsertion (article 132-25 du code pénal)

Exécution

Exception

ø

Motivation spéciale en cas de refus d'un aménagement d'une peine dont la durée est comprise entre un mois et un an

ø

Impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné

Impossibilité matérielle. Convocation devant le juge de l'application des peines ou mandat de dépôt à effet différé ou mandat de dépôt

L'article 45 tend ainsi à faire de l'aménagement sous écrou (semi-liberté, placement à l'extérieur, détention à domicile sous surveillance électronique) le principe d'exécution des peines comprises entre un mois et six mois d'emprisonnement : l'aménagement devrait être obligatoirement prononcé ab initio par le juge correctionnel , sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné.

Pour les peines d'une durée comprise entre six mois et un an, le juge correctionnel devrait soit justifier de l'impossibilité d'un aménagement de peine, soit aménager, soit renvoyer la personne condamnée devant le juge de l'application des peines s'il ne dispose pas des éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée, soit prononcer un mandat de dépôt (différé ou non). Tout refus d'aménagement des peines dont la durée est comprise entre un mois et un an devrait être spécialement motivé. Par cohérence avec l'obligation de l'aménagement des peines, l'obligation du mandat de dépôt prévue à l'article 465-1 du code de procédure pénale pour certains récidivistes, indépendamment du quantum encouru, serait supprimée (la faculté demeurerait).

Vos rapporteurs regrettent que ce dispositif illisible privilégie une approche de gestion des flux d'incarcération visant à résorber la surpopulation carcérale au lieu d'essayer de donner un sens à la peine : la quasi-automaticité de certaines modalités d'exécution de la peine n'est de nature ni à renforcer l'efficacité des peines ni leur sens.

De telles dispositions font l'impasse sur la tendance actuelle à l'augmentation des peines d'emprisonnement ferme et sur la recherche de ses causes : le nombre de peines d'emprisonnement, tout ou en partie ferme, a augmenté de 12 % entre 2013 et 2017.

Par l'adoption d'un amendement COM-225 de ses rapporteurs, votre commission a retenu un dispositif unique : les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an devraient, par principe, être aménagées en prenant en compte la personnalité du condamné et sa situation matérielle, familiale et sociale et sauf impossibilité matérielle. Aucun seuil intermédiaire, d'un mois à six mois et de six mois à un an, ne serait retenu.

4. L'encadrement des aménagements des peines prononcés par les juridictions de l'application des peines

Lors de la dernière campagne pour l'élection présidentielle, le Président de la République s'était engagé à ce que la peine prononcée soit la peine exécutée. Cela supposait de revoir la procédure dite de l'article 723-15 du code de procédure pénale.

Cet examen systématique des peines d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à deux ans par le juge de l'application des peines en vue de prononcer un aménagement de peine est source de critiques régulières quant à l'illisibilité du système du prononcé et de l'exécution des peines, d'autant plus que cette procédure systématique est susceptible de concerner plus de 90 % des peines prononcées par les tribunaux correctionnels (soit plus de 126 000 peines d'emprisonnement ferme) 356 ( * ) .

Les juridictions peuvent contourner cette procédure par deux moyens : le prononcé d'un mandat de dépôt à l'audience qui permet l'exécution immédiate de la peine et exclut une procédure d'aménagement ab initio ou le prononcé d'une peine légèrement supérieure à la limite des deux ans d'emprisonnement.

Contrairement à l'engagement du Président de la République, la procédure de l'article 723-15 n'a été ni supprimée ni refondue par le projet de loi en raison de ses conséquences probables sur l'augmentation importante du nombre de personnes incarcérées et sur la quasi-impossibilité d'aménager les courtes peines en cours d'exécution dans des délais raisonnables : une personne condamnée à six mois d'emprisonnement aurait probablement purgé sa peine avant qu'une demande d'aménagement de peine puisse être examinée par le juge de l'application des peines.

Néanmoins, vos rapporteurs observent qu'afin de permettre aux juridictions de contourner la procédure d'examen obligatoire des peines d'emprisonnement aux fins de prononcer un aménagement des peines (procédure de l'article 723-15 du code de procédure pénale), l'article 45 du projet de loi vise à créer un mandat de dépôt à effet différé.

Lorsque ce mandat de dépôt serait décerné par la juridiction de jugement, la convocation du condamné devant le juge de l'application des peines en application de l'article 474 du code de procédure pénale serait interdite, de même que l'examen de sa situation en vue d'un aménagement (article 723-15 du code de procédure pénale) : le condamné serait alors nécessairement incarcéré pour exécuter la peine prononcée par le tribunal correctionnel, à une date de mise à exécution choisie par le procureur de la République. Vos rapporteurs relèvent que cette disposition tend à instaurer un début de « régulation de la surpopulation carcérale » : si vos rapporteurs ne sont pas opposés à l'instauration d'un dialogue constructif entre le procureur de la République et l'administration pénitentiaire, ils sont attachés à ce que ce dialogue permette une anticipation des entrées sous écrou et in fine une exécution à la fois rapide, certaine et dans des conditions décentes dans les établissements pénitentiaires.

S'il est vrai que la création du mandat de dépôt à effet différé change la nature du mandat de dépôt, vos rapporteurs saluent cette disposition qui s'inspire fortement du dispositif adopté par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice.

Votre commission a estimé que cette possibilité de mettre à exécution immédiatement une peine d'emprisonnement prononcée par la juridiction de jugement devrait être étendue aux peines d'une durée inférieure ou égale à six mois ( amendement COM-225 de ses rapporteurs).

Par le même amendement, elle a rénové la procédure d'aménagement ab initio par les juridictions de jugement (articles 474 et 723-15 du code de procédure pénale) : il n'y aurait plus de saisine automatique du juge de l'application des peines. Seule la juridiction de jugement déciderait, en opportunité, de recourir ou non à cette procédure. La restauration des pleines prérogatives des tribunaux correctionnels est de nature à leur permettre de prononcer la peine la mieux adaptée aux situations des individus, sans considération d'effets automatiques qui résulteraient de telles ou telles peines.

Conformément aux propositions du rapport de la mission d'information de votre commission des lois sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre, la peine prononcée serait ainsi, par principe, la peine exécutée, sauf décision de la juridiction de jugement.

Votre commission a adopté l'article 45 ainsi modifié.

Article 45 bis (nouveau)
(art. 709-2 du code de procédure pénale)
Rapport annuel sur l'exécution des peines

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-226 , l'article 45 bis du projet de loi a pour objet de renforcer les échanges entre le ministère public et les magistrats du siège sur la question de l'exécution et de l'aménagement des peines, d'une part, entre les magistrats et les représentants de l'administration pénitentiaire au niveau local, d'autre part.

Il reprend l'article 27 bis de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas, président de votre commission 357 ( * ) .

L'article 709-2 du code de procédure pénale serait complété pour prévoir que le rapport annuel public du procureur de la République sur l'état et les délais de l'exécution des peines devrait désormais comporter une présentation de la politique pénale et d'aménagement des peines du ministère public, une présentation de la jurisprudence du tribunal de grande instance en matière de peine privative de liberté, ainsi qu'une synthèse des actions et conclusions de la commission de l'exécution et de l'application des peines du tribunal. Ce rapport devrait être transmis au Parlement.

Comme le soulignait le rapport d'information de la mission d'information de votre commission sur le redressement de la justice, les juges statuant en matière correctionnelle semblent se désintéresser de la question de l'exécution concrète des peines qu'ils prononcent.

Vos rapporteurs dénoncent eux aussi cette « étanchéité entre l'application du principe constitutionnel d'individualisation de la peine par les magistrats de la juridiction de jugement et l'application qui en est faite par les magistrats des juridictions de l'aménagement des peines ».

De même, ils déplorent l'absence de dialogue régulier entre les magistrats et les représentants de l'administration pénitentiaire sur la prise en charge des condamnés par cette dernière, en milieu ouvert comme en milieu fermé.

À cet égard, vos rapporteurs considèrent que les magistrats devraient se rendre plus souvent dans les établissements pénitentiaires comme les y invite l'article 10 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire : « le premier président de la cour d'appel, le procureur général, le président de la chambre de l'instruction, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction, le juge de l'application des peines et le juge des enfants visitent au moins une fois par an chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence » . Alors qu'il existe 186 établissements pénitentiaires, seulement 184 visites de magistrats ont été recensées en 2015 et 270 en 2016.

Le dialogue entre l'institution judiciaire et l'administration pénitentiaire doit être renforcé et les bonnes pratiques généralisées : les magistrats devraient, par exemple, être régulièrement informés des conditions de détention dans les maisons d'arrêt.

Les outils de concertation existent et doivent être mobilisés, qu'il s'agisse du projet de juridiction ou de la conférence régionale portant sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération 358 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 45 bis ainsi rédigé .

Article 45 ter (nouveau)
(art. 131-36-1, art. 131-36-2 et 132-36-3 [abrogés], 131-36-4, 131-36-12, art. 221 9-1 et 221-15 [abrogés], art. 222-48-1, art. 222-65, 224-10, 227-31 et 421-8 [abrogés] du code pénal et art. 763-3, 763-5 et 763-10 du code de procédure pénale)
Élargissement du champ d'application du suivi socio-judiciaire

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-227 , l'article 45 ter du projet de loi a pour objet d'élargir le champ d'application du suivi socio-judiciaire.

Il reprend l'article 28 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas, président de votre commission 359 ( * ) .

1. Le suivi socio-judiciaire : une peine complémentaire permettant le suivi d'un condamné

Créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, le suivi socio-judiciaire est une peine restrictive de liberté .

Instituée à l'origine pour la prévention et la répression des seules infractions sexuelles, cette peine a vu son champ d'application considérablement élargi à d'autres infractions d'une particulière gravité, à raison de leur nature, comme les infractions de meurtre ou d'assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (article 221-9-1 du code pénal), ou à raison de la qualité de l'auteur ou de la victime, comme les infractions commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou par une personne ayant autorité sur la victime (article 222-48-1 du code pénal).

Le suivi socio-judiciaire consiste dans l'imposition de mesures de surveillance et d'obligations sociales ou médicales , exécutées sous le contrôle du juge de l'application des peines et dont l'inobservation, entraîne la mise à exécution d'une peine privative de liberté.

Les mesures de surveillance, prévues à l'article 132-44 du code pénal, peuvent consister dans l'obligation de répondre aux convocations du juge d'application des peines ou de signaler tout changement d'emploi. Les obligations auxquelles le condamné peut être soumis sont généralement l'obligation de s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné, par exemple accueillant les mineurs, ou celle de s'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes ou des catégories de personnes. Le suivi socio-judiciaire s'accompagne généralement d'une injonction de soins.

À l'instar des mesures de sûreté, cette peine permet de prolonger la durée d'un contrôle social pesant sur un condamné, même au-delà de la réalisation d'une peine d'emprisonnement.

Lorsque le suivi socio-judiciaire accompagne une peine privative de liberté, son application commence lorsque la privation de liberté prend fin.

Le condamné à un suivi socio-judiciaire peut solliciter la juridiction de jugement aux fins de relèvement de la mesure, après avis de la juridiction d'application des peines. Le juge de l'application des peines peut également mettre fin par anticipation au suivi socio-judiciaire dès lors que le reclassement du condamné est acquis.

2. L'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire : la définition d'une peine complémentaire et générale pour accompagner les sorties de prison

L'article 45 ter du projet de loi, introduit par votre commission, tend à éviter les sorties d'incarcération dites « sèches » , c'est-à-dire sans suivi renforcé ou retour progressif à la liberté, génératrices de récidive 360 ( * ) .

Depuis plusieurs années, cette volonté du législateur d'accompagner les condamnés à leur sortie de prison s'est principalement manifestée par la simplification du prononcé des aménagements de peine avec, par exemple, l'examen systématique de la situation de tous les détenus aux deux tiers de leur peine. Ces dispositifs présentent l'inconvénient de ne permettre un suivi du condamné que pendant la stricte durée de la peine privative de liberté prononcée par la juridiction de jugement .

S'inspirant de la proposition de création d'un « suivi socio-judiciaire probatoire » du rapport de décembre 2015 de la commission présidée par M. Bruno Cotte 361 ( * ) , les dispositions retenues par votre commission visent à permettre un suivi post-libération même lorsque le condamné a intégralement purgé sa peine d'emprisonnement, sans pour autant avoir recours aux mesures de sûreté.

Elles prévoient ainsi une extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire afin d'en faire une peine complémentaire et générale permettant d'accompagner toutes les sorties de détention .

La durée maximale pour les délits de droit commun serait fixée à trois ans, les autres durées maximales de suivi étant conservées.

Plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné la difficulté pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation de prendre en charge le surplus de condamnés soumis au suivi socio-judiciaire. En effet, au 1 er avril 2017, 3 163 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation suivaient 246 838 personnes placées sous main de justice, soit un ratio de 78 personnes suivies par conseiller.

Selon une étude de 2013 362 ( * ) , environ 13 % des condamnés éligibles au suivi socio-judiciaire entre 2010 et 2011 (39 % s'agissant des auteurs de crime et 9 % s'agissant des auteurs de délits) ont été effectivement soumis à un suivi socio-judiciaire d'une durée moyenne de six ans pour les crimes et de cinq ans pour les délits.

En se fondant sur cette étude, il est probable que le prononcé du suivi socio-judiciaire augmente légèrement avec l'extension du champ d'application, sans pour autant générer une hausse massive difficilement absorbable par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Comparaison entre le droit actuel et les dispositions proposées

Droit actuel

Texte de la commission

Champ d'application
du suivi socio-judiciaire

Lorsqu'il existe une mention législative expresse dans l'incrimination

Tout délit
et tout crime

Délais maximaux du suivi socio-judiciaire

Délit de droit commun

Non applicable

3 ans

Délit mentionné à l'article 706-47 du code de procédure pénale ou commis en récidive

10 ans

10 ans

Délit + décision spécialement motivée de la juridiction de jugement

20 ans

20 ans

Crime

20 ans

20 ans

Crime puni de trente ans de réclusion criminelle

30 ans

30 ans

Crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité

Sans limitation
de durée

Sans limitation
de durée

Enfin, vos rapporteurs soulignent que la création d'une peine complémentaire et générale de suivi socio-judiciaire n'est envisagée qu'en parallèle de l' augmentation des effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que des moyens mis à leur disposition.

Votre commission a adopté l'article 45 ter ainsi rédigé .

CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROBATION

Article 46
(art. 132-40, 132-41, 132-41-1 [nouveau], 132-42, 132-43, 132-45, 132-47,
132-48, 132-50, 132-52, 132-53 ; art. 132-54 à 132-57 du code pénal et art. 20-4
de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante)
Création du sursis probatoire

L'article 46 du projet de loi vise à fusionner le sursis avec mise à l'épreuve (SME) et la contrainte pénale dans un dispositif unique, appelé sursis probatoire.

1. Sursis avec mise à l'épreuve et contrainte pénale, deux régimes proches

Depuis la création de la contrainte pénale en 2014, il existe dans notre droit pénal deux régimes distincts de probation, qui partagent les mêmes caractéristiques essentielles. Ils permettent tous deux de soumettre le condamné, laissé libre, à un ensemble d'obligations et d'interdictions qui visent, directement ou indirectement, à prévenir la récidive et favoriser sa réinsertion.

Le SME est régi par les articles 132-40 et suivants du code pénal. La juridiction qui prononce une peine d'emprisonnement peut ordonner qu'il sera sursis à son exécution, la personne condamnée étant placée sous le régime de la mise à l'épreuve.

Le SME est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus en raison d'un crime ou d'un délit de droit commun. La juridiction fixe le délai d'épreuve, qui ne peut être inférieur à douze mois ni supérieur à trois ans.

Pendant ce délai, le condamné doit respecter ses obligations et interdictions qui lui sont imposées. Certaines obligations présentent un caractère général, et s'appliquent à tous les condamnés (par exemple l'obligation de répondre aux convocations du juge de l'application des peines (JAP) ou de recevoir le travailleur social), tandis que d'autres sont individualisées. Une vingtaine d'obligations particulières peuvent être imposées, telles que l'exercice d'une activité professionnelle ou le suivi d'une formation, la réparation du dommage causé, l'interdiction de s'abstenir de paraître dans certains lieux ou de fréquenter les débits de boissons ou encore l'accomplissement de certains stages.

Si le condamné commet une nouvelle infraction ou ne respecte pas ses obligations ou interdictions, le JAP peut décider de révoquer le sursis, en tout ou partie, et le condamné peut alors être emprisonné. Dans le cas contraire, s'il respecte les termes de sa mise à l'épreuve, la condamnation est réputée non avenue.

La contrainte pénale est définie à l'article 131-4-1 du code pénal. Cet article dispose que lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

La contrainte pénale emporte l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du JAP à un suivi pour une durée, fixée par la juridiction, comprise entre six mois et cinq ans. Le condamné est soumis aux mesures de contrôle générales prévues pour le SME, ainsi qu'à des mesures particulières. La liste de ces mesures particulières est celle prévue pour le SME, auxquelles s'ajoutent la possibilité d'imposer un travail d'intérêt général (TIG) et l'injonction de soins, si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et si une expertise médicale a conclu qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un traitement.

La juridiction fixe la durée de l'emprisonnement auquel s'expose le condamné s'il ne respecte pas ses obligations. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans ni le maximum de la peine d'emprisonnement encourue.

La situation matérielle, familiale et sociale du condamné est réévaluée, au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) et par le JAP, ce qui peut conduire à faire évoluer la liste des obligations auxquelles le condamné est astreint.

En cas d'inobservation de ces obligations, le JAP peut saisir le président du TGI pour que soit mis à exécution tout ou partie de l'emprisonnement prévu.

Si le SME est très utilisé (plus de 80 000 décisions chaque année), le recours à la contrainte pénale demeure plus marginal (environ 2 000 décisions) et concentré dans certaines juridictions.

2. La création du sursis probatoire

Constatant que ces deux dispositifs sont juridiquement proches et qu'ils poursuivent le même objectif, et que la contrainte pénale n'a pas été véritablement adoptée par les juridictions, le Gouvernement propose, dans un souci de simplification, de les fusionner dans un nouveau sursis probatoire.

Ce nouveau sursis emprunte plus au SME qu'à la contrainte pénale, tout en conservant de la contrainte pénale la possibilité de mettre en oeuvre un suivi renforcé et évolutif.

Ainsi, le paragraphe I de l'article 46 du projet de loi propose tout d'abord de remplacer la référence au « sursis avec mise à l'épreuve » par une référence au « sursis probatoire » dans divers intitulés de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal.

Puis le paragraphe II propose de modifier l'article 132-40 du code pénal.

Le vise, par coordination, à remplacer les mots « de la mise à l'épreuve » par les mots « de la probation ».

Le propose une nouvelle rédaction de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 132-40. Il dispose que le président de la juridiction, après le prononcé de l'emprisonnement assorti du sursis probatoire, notifie au condamné, lorsqu'il est présent, les obligations à respecter durant le délai de probation et l'avertit des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise au cours de ce délai ou un manquement aux mesures de contrôle et aux obligations particulières qui lui sont imposées. Cette rédaction n'introduit pas de changement de fond par rapport à celle aujourd'hui en vigueur pour le SME.

Le paragraphe III propose de modifier l'article 132-41 du code pénal en remplaçant les références au SME par des références au sursis probatoire.

Cet article prévoirait que le sursis probatoire est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en raison d'un crime ou d'un délit de droit commun. Lorsque la personne est en état de récidive légale, il est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de dix ans au plus. Le sursis probatoire n'est applicable qu'à compter du jour où la décision devient exécutoire. Le dernier alinéa de l'article précise enfin que la juridiction ne peut prononcer le sursis probatoire dans certaines circonstances :

- lorsque la personne a déjà fait l'objet de deux condamnations assorties du sursis probatoire pour des délits identiques ou assimilés et qu'elle se trouve en état de récidive légale ;

- lorsque la personne a commis un crime, un délit de violences volontaires, d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, qu'elle a déjà fait l'objet d' une condamnation assortie du sursis probatoire pour des infractions identiques ou assimilées et qu'elle se trouve en état de récidive légale.

Le paragraphe IV tend à insérer dans le code pénal un nouvel article 132-41-1.

Ce nouvel article s'inspire des dispositions aujourd'hui applicables à la contrainte pénale. Il prévoit que lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut décider que le sursis probatoire consistera en un suivi renforcé, pluridisciplinaire et évolutif , faisant l'objet d'évaluations régulières par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, afin de prévenir la récidive en favorisant l'insertion ou la réinsertion de la personne au sein de la société.

Dans ce cas, les dispositions du dernier alinéa de l'article 132-41, précité, qui interdisent de prononcer le sursis probatoire dans certains cas de récidive, ne s'appliqueraient pas.

Si elle dispose d'éléments d'information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction définit elle-même les obligations et interdictions particulières auxquelles le condamné est astreint. Dans le cas contraire, la décision revient au JAP après évaluation par le SPIP.

Par coordination, le paragraphe V tend à modifier l'article 132-42 du code pénal en substituant aux références au délai d'épreuve des références au délai de probation. Cet article fixe la durée du délai de probation, qui est en principe comprise entre douze mois et trois ans, mais qui peut être portée à cinq ans, voire sept ans, en cas de récidive légale.

Le paragraphe VI propose, de la même façon, de remplacer les mots « d'épreuve » par les mots « de probation » dans l'intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du même code.

Le paragraphe VII propose d'opérer la même substitution à l'article 132-43 du code pénal. Cet article dispose que le condamné doit satisfaire aux mesures de contrôle et aux obligations qui lui sont imposées et qu'il peut bénéficier de mesures d'aide destinées à favoriser son reclassement social. Les mesures et obligations auxquelles il est soumis cessent de s'appliquer et le délai de probation est suspendu en cas d'incarcération du condamné.

Le paragraphe VIII propose ensuite de modifier l'article 132-45 du même code, qui fixe la liste des obligations particulières qui peuvent être imposées au condamné. Cette liste, qui compte actuellement vingt-trois termes, serait complétée des deux obligations qui s'appliquent aujourd'hui à la contrainte pénale mais pas au SME, à savoir l'obligation d'accomplir un TIG et l'injonction de soins.

La liste serait également simplifiée en ce qui concerne l'obligation d'accomplir un stage. Actuellement, un condamné peut être astreint, dans le cadre d'un SME ou d'une contrainte pénale, à accomplir un stage de citoyenneté (visé au 18° de l'article 132-45) ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes (visé au 20°).

La référence à ces deux types de stages serait remplacée par une référence, beaucoup plus générale, à l'article 131-5-1 du code pénal, qui vise 363 ( * ) la totalité des stages pouvant être imposés à un condamné : stages de citoyenneté, de sensibilisation à la sécurité routière, de sensibilisation aux dangers des produits stupéfiants, de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, de responsabilité parentale, de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le paragraphe IX propose, par coordination, de remplacer les mots « sursis avec mise à l'épreuve » par les mots « sursis probatoire » dans plusieurs articles du code pénal :

- à l'article 132-47, qui prévoit que le sursis peut être révoqué par la juridiction de jugement ou par le JAP ;

- à l'article 132-48, sur la possibilité pour la juridiction de jugement de révoquer le sursis probatoire si le condamné commet un nouveau crime ou délit suivi d'une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis ;

- à l'article 132-50, qui prévoit que si la juridiction ordonne l'exécution de la totalité de l'emprisonnement et que le sursis probatoire a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, elle peut, par décision spéciale, ordonner que la première peine sera également exécutée ;

- à l'article 132-52, qui dispose que la condamnation assortie du sursis probatoire est réputée non avenue lorsque le condamné n'a pas fait l'objet d'une décision ordonnant l'exécution de la totalité de l'emprisonnement ;

- à l'article 132-53, qui précise que si le sursis probatoire a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, cette première condamnation est réputée non avenue si la seconde vient elle-même à être déclarée ou réputée non avenue.

Le paragraphe X propose une mesure de coordination analogue à l'article 132-48 pour remplacer les mots « d'épreuve » par « de probation ».

Le paragraphe XI tend à supprimer la sous-section 5 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal, relatif au sursis assorti de l'obligation d'accomplir un TIG . Cette forme de sursis est en effet fusionnée avec le sursis probatoire, puisque celui-ci comprendra la possibilité d'imposer un TIG.

Le paragraphe XII propose enfin une mesure de coordination à l'article 20-4 de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante : cet article mentionne la contrainte pénale pour préciser qu'elle n'est pas applicable aux mineurs ; cette mention n'a plus de raison d'être dès lors que la contrainte pénale est supprimée.

Le sursis probatoire, tout comme l'actuel SME, serait en revanche applicable aux mineurs.

3. La position de votre commission : faire de la probation une peine autonome

Votre commission se félicite de la mesure de simplification que constitue la fusion du SME et de la contrainte pénale en un dispositif unique. La coexistence de deux dispositifs très voisins ne se justifiait pas, d'autant que la contrainte n'a été que marginalement appliquée par les tribunaux.

Elle vous propose cependant d'aller plus loin en faisant de la probation une véritable peine autonome . Elle a adopté à cette fin un amendement COM-283 de ses rapporteurs qui procède à une réécriture d'ensemble de l'article 46.

La commission s'inspire sur ce point de l'une des préconisations du rapport de sa récente mission d'information sur la nature, le sens et l'exécution des peines 364 ( * ) . Cette préconisation figure également dans le rapport de M. Bruno Cotte et de Me Julia Minkowski sur le sens et l'efficacité des peines, issu des chantiers de la justice.

La création d'une peine autonome, comme l'est aujourd'hui la contrainte pénale, contribuerait à faire évoluer l'échelle des peines et atténuerait la place centrale qu'occupe aujourd'hui l'emprisonnement comme peine de référence dans notre droit pénal.

L'emprisonnement resterait bien sûr possible dans le cas où le condamné à un sursis probatoire ne respecterait pas les obligations et interdictions auxquelles il serait astreint. La possibilité de prononcer une peine mixte associant une partie d'emprisonnement ferme et une partie de probation serait également préservée.

Le tribunal pourrait choisir les mesures qui lui paraîtraient appropriées en fonction de la personnalité et de la situation du condamné, le suivi post-sentenciel restant de la compétence du JAP et du SPIP, voire du secteur associatif habilité. Si cela paraît adapté à la personnalité du condamné et à sa situation personnelle, un suivi renforcé pourrait être mis en place.

Votre commission a adopté l'article 46 ainsi modifié .

Article 47
(art. 739, 740, 741-1, 741-2 [nouveau], 742, 743, 745 et 747
du code de procédure pénale)
Création du sursis probatoire

L'article 47 du projet de loi procède à diverses coordinations dans le code de procédure pénale rendues nécessaires par la création du sursis probatoire.

1. Des mesures de coordination

Le paragraphe I propose tout d'abord de modifier l'intitulé du chapitre II du titre IV du livre V du code de procédure pénale pour qu'il vise désormais le « sursis probatoire » et non plus le « sursis avec mise à l'épreuve ».

Le paragraphe II propose d'opérer la même substitution aux articles :

- 739, qui prévoit que le condamné est placé sous le contrôle du juge de l'application des peines (JAP) ;

- 741-1, qui envisage l'hypothèse où le sursis ne porte que sur une partie de la peine d'emprisonnement ; dans ce cas, le condamné doit se voir remettre, avant la fin de son incarcération, un avis à comparaître devant le SPIP qui est saisi de la mesure de sursis probatoire ;

- 745, sur l'obligation pour le JAP ou le SPIP d'informer la victime de la fin de la période probatoire lorsque le condamné devait satisfaire à une obligation de ne pas paraître en certains lieux ou devait s'abstenir d'entrer en contact avec la victime ;

- 747, qui rappelle que les dispositions relatives aux effets du sursis probatoire sont régies par les articles 132-52 et 132-53 du code pénal.

Le paragraphe III propose également de modifier par coordination, les articles :

- 739, précité,

- 740, qui prévoit que le JAP s'assure du respect par le condamné des mesures de contrôle et d'aide et des obligations qui lui sont imposées ;

- 742, qui donne le pouvoir au JAP de prolonger la durée de la probation ou de révoquer le sursis en tout ou partie quand le condamné ne remplit pas ses obligations ou a commis une nouvelle infraction suivie d'une condamnation.

- 743, qui précise que le délai de probation ne peut être prolongé plus de trois années.

2. Les modalités du suivi renforcé

Le paragraphe IV vise enfin à introduire dans le code de procédure pénale un article 741-2 qui précise selon quelles modalités se déroule le sursis probatoire renforcé envisagé à l'article 132-41-1 du code pénal. Ces modalités, voisines de celle prévues aujourd'hui par le code pénal s'agissant de la contrainte pénale, donnent un rôle important au SPIP et au JAP.

Il reviendrait tout d'abord au service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) d' évaluer la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée.

Puis, le SPIP adresserait au JAP un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en oeuvre des mesures de contrôle et d'assistance, des obligations et des interdictions prévues par le code pénal.

Au vu de ce rapport, le JAP (sauf si la juridiction les a définies ab initio ) déterminerait les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné, ainsi que les mesures d'aide dont il bénéficierait. Si la juridiction a pris une décision en ce domaine, le JAP pourrait néanmoins modifier, supprimer ou compléter ces obligations et interdictions et il fixerait, en outre, les mesures d'aide.

Le juge statuerait, au plus tard dans les quatre mois qui suivent le jugement de condamnation, par ordonnance motivée, après réquisitions écrites du procureur de la République et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Il lui notifierait cette ordonnance et l'avertirait des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise au cours du délai de probation ou un manquement aux mesures de contrôle et aux obligations particulières qui lui sont imposées.

S'il envisageait d'astreindre le condamné à l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général (TIG), il statuerait après que le condamné aurait été informé de son droit de refuser l'accomplissement du TIG et après avoir reçu sa réponse.

Le sursis probatoire renforcé présente un caractère évolutif : la situation matérielle, familiale et sociale de la personne est réévaluée à chaque fois que nécessaire au cours de l'exécution de la peine, et au moins une fois par an , par le SPIP et le JAP ; sur la base de chaque nouvelle évaluation, le JAP peut, après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat modifier ou compléter les obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est astreinte ou supprimer certaines d'entre elles.

Enfin, si le tribunal n'a pas opté, au moment de la condamnation, pour un sursis probatoire renforcé, le JAP peut ordonner, s'il estime que la personnalité du condamné le justifie, un tel suivi renforcé au cours de l'exécution de la mesure.

Le paragraphe V contient enfin une « disposition-balais » qui vise à remplacer, dans le code de procédure pénale et dans toutes les dispositions de nature législative, les mots : « sursis avec mise à l'épreuve » par les mots « sursis probatoire ».

3. La position de votre commission

Comme à l'article précédent, votre commission a adopté un amendement COM-222 de ses rapporteurs procédant à une réécriture d'ensemble de cet article.

Votre commission s'est attachée à procéder, dans le code de procédure pénale, aux modifications qui s'imposent compte tenu de la décision de transformer le sursis probatoire en une peine autonome de probation.

La rédaction retenue reprend, en les adaptant, les dispositions qui régissent aujourd'hui le sursis avec mise à l'épreuve et la contrainte pénale. Un suivi renforcé pourra éventuellement être mis en oeuvre pour favoriser la sortie de la délinquance et éviter la récidive.

Le suivi du condamné pendant sa peine de probation pourra être assuré par le SPIP ou par une association habilitée. Aujourd'hui, elles peuvent prendre en charge dans le cadre d'un SME un condamné qu'elles ont suivi, avant sa condamnation, au titre d'une mesure de contrôle judiciaire, ce qui permet d'assurer une continuité du travail réalisé. Elles ne peuvent en revanche intervenir dans le cadre de la contrainte pénale. Votre commission considère que leur participation favorise un enrichissement des pratiques et donne au JAP davantage d'options pour trouver les modalités de suivi les plus adaptées au condamné.

Votre commission a adopté l'article 47 ainsi modifié .

CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'EXÉCUTION DES PEINES

Article 48 (supprimé)
(art. 713-42 à 713-44 du code de procédure pénale)
Modalités d'exécution de la peine de détention à domicile
sous surveillance électronique

L'article 48 du projet de loi a pour objet de prévoir les modalités d'exécution de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, que l'article 43 tend à créer.

Le juge de l'application des peines pourrait y mettre fin de façon anticipée à la moitié de l'exécution de la peine lorsque le « reclassement » du condamné « paraît acquis » (article 713-43 du code de procédure pénale).

Il pourrait à l'inverse, notamment en cas « d'inconduite notoire » du condamné 365 ( * ) , ordonner son emprisonnement pour la durée de la peine restant à exécuter (article 713-43 du code de procédure pénale).

Vos rapporteurs s'interrogent sur l'opportunité et la constitutionnalité, au regard du principe de légalité des peines, d'une telle disposition qui permettrait au juge de l'application, et non au juge correctionnel, de faire incarcérer une personne qui n'aurait pas été condamnée à une peine d'emprisonnement par une juridiction de jugement, simplement en convertissant des jours « sous détention à domicile » en jours de prison.

Ils observent de surcroît que sa mise en oeuvre aurait vraisemblablement pour conséquence d'engendrer des durées d'incarcération très courtes, pouvant être inférieures à un mois, à l'opposé de la volonté affichée du Gouvernement.

Ces interrogations témoignent à nouveau des difficultés induites par la création d'une nouvelle peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique, qui n'offre pas la même flexibilité que les possibilités actuelles d'aménagement d'une peine d'emprisonnement.

Cela démontre à nouveau les limites de la création de cette peine autonome, qui ne permet pas la même flexibilité qu'une modalité d'aménagement d'une peine d'emprisonnement.

Par cohérence avec la suppression de l'article 43 du projet de loi, votre commission a adopté un amendement de suppression COM-222 de ses rapporteurs.

Elle a supprimé l'article 48 .

Article 49
(art. 720 du code de procédure pénale)
Libération sous contrainte

L'article 49 du projet de loi a pour objet de poser en principe la libération sous contrainte des détenus aux deux tiers de leur peine.

1. Rappel des règles régissant la libération sous contrainte

Afin de favoriser les fins de peines anticipées avec suivi judiciaire, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénale a institué, aux deux tiers de la peine, la libération sous contrainte, définie à l'article 720 du code de procédure pénale.

Cet article prévoit que, lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans est examinée par le juge de l'application des peines (JAP).

À l'issue d'un examen du dossier par la commission de l'application des peines 366 ( * ) , le juge de l'application des peines décide, par ordonnance motivée :

- soit de prononcer une mesure de libération sous contrainte ;

- soit, s'il estime qu'une telle mesure n'est pas possible ou si la personne condamnée n'a pas fait préalablement connaître son accord, de ne pas la prononcer.

Il peut ordonner la comparution de la personne condamnée devant la commission de l'application des peines afin d'entendre ses observations et, le cas échéant, celles de son avocat. Ce dernier peut également transmettre des observations écrites au JAP.

La libération sous contrainte entraîne l'exécution du reliquat de peine sous le régime, selon la décision prise par le JAP, de la semi-liberté, du placement à l'extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle.

2. Les modifications proposées au régime de la libération sous contrainte

Le de l'article 49 propose de réécrire les trois premiers alinéas de l'article 720 du code de procédure pénale, afin que la libération sous contrainte des détenus aux deux tiers de leur peine devienne désormais la règle de principe, et le refus de cette mesure l'exception.

La situation de tout condamné exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans serait obligatoirement examinée par le JAP afin que soit prononcée une libération sous contrainte .

Comme c'est déjà le cas aujourd'hui, cette libération entraînerait l'exécution du reliquat de peine sous le régime, selon la décision prise par le JAP, de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou de la libération conditionnelle ; par coordination avec la modification proposée à l'article 48 du projet de loi (création d'une peine de détention sous surveillance électronique), la référence au placement sous surveillance électronique serait remplacée par une référence au régime de la détention à domicile sous surveillance électronique.

La libération sous contrainte serait décidée par le JAP, après avis de la commission d'application des peines. Le JAP déterminerait la mesure la mieux adaptée à la situation du condamné.

Le JAP n'aurait la possibilité de refuser l'octroi de la libération sous contrainte qu'en constatant, par ordonnance spécialement motivée , qu'il est impossible de mettre en oeuvre une de ces mesures au regard des exigences de l'article 707 du code de procédure pénale.

Cet article 707 énonce des principes généraux concernant l'exécution des peines. Il dispose notamment que « le régime d'exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions ». Il indique également que « toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ».

Le propose une mesure de coordination.

Le 3 ° vise à compléter l'article 720 par trois nouveaux alinéas. Il s'agit d'exclure l'application de la procédure de libération sous contrainte pour deux catégories de condamnés :

- ceux qui ont préalablement fait connaître leur refus d'une telle libération ;

- ceux pour lesquels une requête en aménagement de peine est pendante devant la juridiction de l'application des peines ; dans ce cas, l'aménagement doit être ordonné, sauf s'il est impossible à mettre en oeuvre au regard des exigences de l'article 707.

3. La position de votre commission

Votre commission est favorable aux deux mesures techniques proposées par le de cet article : il est inutile d'encombrer les commissions d'application des peines et le bureau du JAP si le détenu a fait savoir qu'il ne souhaitait pas une libération conditionnelle ; et il est intéressant de préciser l'articulation entre libération sous contrainte et requête en aménagement de peine.

Elle doute en revanche de la pertinence de la modification proposée au 1°. Le nombre de libérations sous contrainte accordées par les JAP s'est révélé très inférieur aux attentes : alors que l'étude d'impact annexée au projet de loi en 2014 envisageait entre 14 400 et 28 800 personnes libérées chaque année, la mesure a été en réalité quatre fois moins souvent prononcée que la fourchette basse projetée il y a quatre ans 367 ( * ) .

Les professionnels semblent en effet réticents à accorder une libération à un détenu qui n'a pas de véritable projet à sa sortie de prison et qui ne présente pas de garanties sérieuses de réinsertion.

Dès lors, votre commission interprète la modification proposée comme une tentative de « forcer la main » des magistrats en érigeant la libération aux deux tiers comme la règle de droit commun, sans doute avec l'objectif de réduire ainsi la surpopulation carcérale.

Votre commission estime que multiplier les libérations sans s'assurer que le détenu a un projet à la sortie serait contre-productif du point de vue de la lutte contre la récidive. Elle doute également de la pertinence du message politique consistant à expliquer que les peines d'emprisonnement, doivent, sauf exception, s'achever aux deux tiers de leur exécution.

Votre commission propose donc de maintenir la rédaction actuelle de l'article 720, sous réserve des compléments opportuns proposés par le 3° de l'article. Elle a adopté dans ce but un amendement COM-284 de ses rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 49 ainsi modifié .

Article 50
(art. 710, 711, 712-4-1 [nouveau], 712-5, 723-1, 723-3, 723-7, 730-2, 747-1
747-1-1, 747-1-2 et 747-2 [abrogé] du code de procédure pénale)
Simplification des procédures

L'article 50 du projet de loi prévoit plusieurs mesures de simplification en matière d'exécution des peines, qu'il s'agisse des requêtes post-sentencielles (1), de la commission de l'application des peines (2), du régime spécifique applicable aux récidivistes (3), des permissions de sortir (4), de la commission des mesures de sûreté (5) ou de la conversion des peines (6).

1. La simplification du traitement des requêtes post-sentencielles

L'ensemble des incidents contentieux relatifs à une sentence pénale 368 ( * ) correctionnelle 369 ( * ) ayant l'autorité de la chose jugée relève, sauf exception, du tribunal ou de la cour ayant prononcé cette sanction et d'une procédure spécifique définie aux articles 710 et 711 du code de procédure pénale.

Tel est par exemple le cas des contestations afférentes à la prescription de la peine, des requêtes en rectification d'erreurs purement matérielles (par exemple une erreur de calcul dans les intérêts civils) ou encore des requêtes en confusion des peines.

La confusion facultative des peines (article 132-4 du code pénal)

En principe, lorsqu'une personne est condamnée, dans le cadre de procédures séparées, pour plusieurs infractions commises en concours 370 ( * ) , les peines prononcées s'exécutent de manière cumulative. À titre dérogatoire, le juge dispose toutefois de la faculté de procéder à une confusion, totale ou partielle, des peines prononcées pour chacune des infractions poursuivies, à condition que les peines soient de même nature (par exemple, une peine d'emprisonnement). La peine totale à exécuter est toutefois plafonnée : elle ne peut excéder le maximum légal prévu pour la peine encourue la plus forte. Les peines sont alors exécutées de manière simultanée, et non cumulative, selon la durée de la peine la plus élevée.

La juridiction de jugement statue en principe à juge unique sur ces requêtes post-sentencielles, tout en conservant la possibilité de les renvoyer vers la formation collégiale si elles sont complexes.

Par dérogation, la collégialité est requise pour statuer sur les requêtes en confusion de peines. En matière correctionnelle, ces requêtes sont examinées par trois membres du tribunal correctionnel, qui se prononcent sur la demande au regard « du comportement de la personne condamnée depuis la condamnation, de sa personnalité, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ». En appel, la décision relève de la chambre correctionnelle et non de la chambre d'application des peines.

Le I de l'article 50 du projet de loi vise à modifier l'article 710 du code de procédure pénale pour mettre fin à cette exception et à prévoir le traitement à juge unique des requêtes en confusion de peine, avec une possibilité de renvoi vers la formation collégiale de la juridiction de jugement pour les requêtes complexes.

Vos rapporteurs souscrivent à cette mesure de simplification et d'harmonisation, même s'ils regrettent qu'elle s'opère une nouvelle fois au détriment de la collégialité en raison de considérations essentiellement budgétaires.

Le II de l'article 50 vise à modifier l'article 711 du code de procédure pénale pour élargir les possibilités de statuer sur les requêtes post-sentencielles dans le cadre de la procédure simplifiée prévoyant une ordonnance rectificative, sans audience, du président de la juridiction.

Actuellement, cette procédure simplifiée est soumise à l'accord du ministère public et réservée aux rectifications d'erreurs purement matérielles. À l'avenir, elle pourrait s'appliquer à toutes les requêtes post-sentencielles, sous réserve de l'accord des parties.

Vos rapporteurs souscrivent à cette mesure de simplification et d'harmonisation. Sur leur proposition, votre commission a adopté un amendement rédactionnel COM-228.

1. La simplification des règles relatives à la commission de l'application des peines

Les III et IV de l'article 50 du projet de loi tendent à simplifier les règles relatives au fonctionnement de la commission de l'application des peines.

Comme aujourd'hui, la commission de l'application des peines serait présidée par le juge de l'application des peines et comprendrait également le procureur de la République, le chef d'établissement pénitentiaire et le service pénitentiaire d'insertion et de probation. Ces dispositions seraient déplacées, dans une rédaction légèrement différente, de l'actuel article 712-5 vers un nouvel article 712-4-1 du code de procédure pénale

La présence du chef d'établissement pénitentiaire deviendrait facultative lorsque la commission donne son avis sur la situation d'un condamné placé sous surveillance électronique ou sous placement extérieur sans surveillance de l'administration pénitentiaire.

Enfin, un décret pourrait fixer des règles de quorum et déterminer les cas et modalités dans lesquels la commission de l'application des peines pourrait délibérer par voie dématérialisée.

Cette dernière disposition n'est pas sans soulever des difficultés. L'ensemble des représentants des personnels pénitentiaires entendus par vos rapporteurs l'ont déplorée. La commission de l'application des peines est en effet aujourd'hui une instance de rencontres et de débats, parfois intenses, entre la direction de l'établissement pénitentiaire, le parquet, le juge de l'application des peines et le service d'insertion et de probation. Permettre la dématérialisation des échanges, au nom des exigences de célérité et de simplification, risquerait de nuire à leur qualité, d'amoindrir la connaissance partagée de la situation des personnes détenues et d'accroître les risques d'erreur.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission a adopté un amendement COM-220 de ses rapporteurs tendant à supprimer la possibilité de fixer par décret des règles de quorum et les cas et modalités dans lesquels la commission de l'application des peines pourrait délibérer par voie dématérialisée.

2. La suppression du régime spécifique applicable aux récidivistes en matière d'aménagement de peine

Le V de l'article 50 du projet de loi vise à modifier les articles 723-1 et 723-7 du code de procédure pénale afin de supprimer le régime dérogatoire spécifique aux récidivistes s'agissant des aménagements de peine applicables aux condamnés déjà incarcérés.

Actuellement, le juge de l'application des peines peut prévoir que la peine s'exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans, soit lorsqu'il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans. Ces durées de deux ans sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

Cette restriction applicable aux condamnés en état de récidive légale serait supprimée. Vos rapporteurs considèrent qu'elle n'est en effet pas justifiée : si l'état de récidive légale apparaît pertinent au stade du prononcé de la peine pour permettre d'aggraver, au besoin, les peines prononcées, il ne l'est plus au stade de l'exécution de la peine et est même cruellement ressenti par les condamnés faisant preuve d'efforts réels de réinsertion.

Conformément à la recommandation du rapport de la mission d'information de votre commission sur la nature, l'efficacité et la mise en oeuvre des peines, il semble plus pertinent de mieux distinguer le temps de la sanction du temps de la réinsertion, ce dernier se préparant pendant l'exécution de la peine.

3. La simplification du régime des permissions de sortir

Le VI de l'article 50 du projet de loi vise à modifier l'article 723-3 du code de procédure pénale pour permettre au chef d'établissement pénitentiaire d'accorder des permissions de sortir à des condamnés majeurs, dès lors qu'une première permission de sortir aurait déjà été accordée par le juge de l'application des peines et en l'absence d'opposition de ce dernier. En cas de refus d'octroi de la permission de sortir par le chef d'établissement pénitentiaire, la demande serait soumise au juge de l'application des peines.

Vos rapporteurs sont favorables à cette mesure de simplification qui s'inspire d'une des recommandations du rapport de la mission d'information de votre commission sur le redressement de la justice : « certaines décisions qui relèvent des juridictions de l'application des peines pourraient faire l'objet d'une déjuridictionnalisation : certaines permissions de sortir, notamment lorsqu'une telle mesure a déjà été octroyée au détenu, pourraient être décidées par les directeurs des établissements pénitentiaires 371 ( * ) . »

Sur leur proposition, votre commission a adopté un amendement COM-221 tendant à préciser que cette délégation de pouvoir du juge de l'application des peines au chef d'établissement pénitentiaire concernerait les seules permissions de sortir destinées à préparer la réinsertion du condamné ou à maintenir ses liens familiaux.

4. La suppression de l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour certaines libérations conditionnelles

Le VII de l'article 50 du projet de loi vise à supprimer l'obligation de recueillir l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté dans le cadre des procédures d'octroi d'une libération conditionnelle concernant les peines mentionnées à l'article 730-2 372 ( * ) du code de procédure pénale.

Cette disposition a été unanimement saluée par les acteurs de l'administration pénitentiaire entendus par vos rapporteurs, pour lesquels une telle obligation est source de lourdeurs inutiles alors qu'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité doit déjà être réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale.

La saisine de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté resterait néanmoins possible pour éclairer les décisions judiciaires.

Dès lors, vos rapporteurs ont souscrit aux dispositions proposées.

5. La clarification des dispositions concernant la conversion des peines d'emprisonnement en travail d'intérêt général ou en jour-amende

Les VIII à XII de l'article 50 du projet de loi visent à clarifier les règles relatives à la conversion des peines d'emprisonnement en travail d'intérêt général ou en jours-amende, et à les transférer du code pénal vers le code de procédure pénale.

Actuellement, le juge de l'application des peines a la possibilité :

- de convertir une peine d'emprisonnement ferme d'une durée égale ou inférieure à six mois soit en sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général d'une durée de vingt à deux cent quatre-vingts heures (« sursis-TIG »), soit en peine de jours-amende (article 132-57 du code pénal) ;

- de substituer au travail d'intérêt général une peine de jours-amende (articles 733-1 et 747-1-1 du code de procédure pénale) ;

- de substituer à la peine de jours amende une peine de sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (article 747-1-2 du code de procédure pénale).

Ces dispositions seraient regroupées au sein d'un nouvel article 747-1 du code de procédure pénale, selon les préconisations du rapport « Pour une refonte du droit des peines » de la commission présidée par M. Bruno Cotte de décembre 2015 . Elles seraient également modifiées, d'une part, pour préciser que lors d'une conversion d'une peine d'emprisonnement en jours-amende, le nombre de jours-amende est égal à celui de la peine d'emprisonnement prononcée ou du reliquat de peine à exécuter, d'autre part, pour prévoir que les conversions en travail d'intérêt général ne seraient possibles qu'après accord exprès du condamné.

Votre commission a adopté l'article 50 ainsi modifié.

Article 50 bis (nouveau)
(art. 707-1-1 [nouveau] du code de procédure pénale)
Création d'une agence de l'exécution des peines

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-290 , l'article 50 bis du projet de loi organique a pour objet de créer un service à compétence nationale auprès du ministre de la justice afin de centraliser les demandes d'exécution des peines d'amende, de confiscation ou d'emprisonnement présentant une dimension internationale.

Institué par un nouvel article 707-1-1 du code de procédure pénale, ce service constituerait un point de contact unique, pour les magistrats français et étrangers, pour les questions complexes en matière d'exécution des peines. Il pourrait par exemple être saisi :

- en matière d'emprisonnement, pour mettre en forme certains dossiers, notamment à dimension internationale 373 ( * ) ;

- en matière de confiscation, pour contrôler la régularité juridique d'une demande émanant d'un État étranger aux fins de confiscation de biens situés en France.

Ces missions sont aujourd'hui exercées par plusieurs services du ministère de la justice, notamment :

- le bureau de l'exécution des peines et des grâces (direction des affaires criminelles et des grâces) qui conseille, de manière générale, les juridictions et répond à leurs interrogations ;

- le bureau de l'entraide pénale internationale (direction des affaires criminelles et des grâces) pour les dossiers d'exécution des peines à vocation internationale impliquant une transmission formalisée d'autorité judiciaire à autorité judiciaire étrangère ;

- la mission justice, placée auprès de la direction centrale de la police judiciaire, qui assure l'exécution des conventions internationales de coopération judiciaire ;

- le bureau de l'action juridique et du droit pénitentiaire (direction de l'administration pénitentiaire) qui apporte un appui juridique à destination des greffes judiciaires pénitentiaires ;

- l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) qui traite les demandes étrangères de saisies et confiscations sur le territoire français.

Dans le contexte d'une internationalisation croissante du droit de l'exécution des peines et alors que ce contentieux est par nature d'une très haute technicité, la création de ce service à compétence nationale permettrait de sécuriser les procédures tout en accélérant leur traitement.

Votre commission a adopté l'article 50 bis ainsi modifié.

CHAPITRE IV
FAVORISER LA CONSTRUCTION
D'ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

Article 51
(art. 100 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009)
Allégement des procédures en matière de construction des établissements pénitentiaires et report du moratoire sur l'encellulement individuel

L'article 51 du projet de loi tend à faciliter les opérations d'extension et de construction des établissements pénitentiaires entrées en phase d'études avant le 31 décembre 2026, notamment en allégeant les procédures d'urbanisme et en permettant aux collectivités territoriales, leurs établissements publics ou leurs groupements de céder des terrains à l'État.

Il prévoit également la prorogation jusqu'en 2022 du moratoire sur l'encellulement individuel.

1. La mise en oeuvre de procédures dérogatoires visant à faciliter l'extension et la construction d'établissements pénitentiaires

S'inspirant largement du régime dérogatoire prévu pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 374 ( * ) , les I à III de l'article 51 prévoient le recours à des procédures exceptionnelles afin d'accélérer la construction d'établissements pénitentiaires.

a) Le remplacement des enquêtes publiques par une procédure de consultation du public par voie électronique

Le I de l'article 51 du projet de loi tend à déroger au code de l'environnement pour accélérer la réalisation des opérations d'extension ou de construction d'établissements.

En l'état du droit, l'extension ou la construction d'établissements pénitentiaires est soumise à une enquête publique . Désigné par le tribunal administratif, le commissaire-enquêteur recueille les observations des parties prenantes et donne son avis sur le projet.

Le I de l'article 51 tend à remplacer cette enquête publique par une procédure, plus souple, de participation du public par voie électronique 375 ( * ) .

Cette procédure serait menée par un ou plusieurs « garants » nommés par la Commission nationale du débat public (CNDP) . Dans un délai d'un mois à compter de la clôture de la consultation, les garants rédigeraient une synthèse des observations et propositions du public, mentionnant, le cas échéant, les réponses du maître d'ouvrage.

Par rapport à l'enquête publique, la procédure de participation du public par voie électronique représenterait un gain de temps compris entre 45 et 120 jours d'après l'étude d'impact, notamment parce qu'elle supprimerait le délai de désignation du commissaire-enquêteur ou les possibilités pour ce dernier de solliciter un délai supplémentaire pour rédiger son rapport.

De même, l'article 51 tend à supprimer l'obligation d'information du public via les annonces légales, la mise à disposition automatique du dossier du projet sur support papier et l'avis du commissaire-enquêteur, ce qui représenterait une source importante de simplification pour le maître d'ouvrage .

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a renforcé les garanties d'impartialité de cette nouvelle procédure de participation du public par voie électronique (amendement COM-217) en :

- rappelant 376 ( * ) que le garant est tenu à des obligations de neutralité et doit veiller à la qualité, à la sincérité et à l'intelligibilité de la procédure ;

- évitant tout lien de subordination financière entre le garant et le maître d'ouvrage. Concrètement, l'indemnité du garant serait versée par le maître d'ouvrage à la CNDP, qui serait responsable de son transfert vers le garant 377 ( * ) .

Votre commission a également adopté un amendement COM-216 de ses rapporteurs visant à limiter l'utilisation de procédures dérogatoires aux établissements construits ou programmés avant le 31 décembre 2022 : en effet, la garde des sceaux s'est engagée à ce que 15 000 places d'emprisonnement soient construites ou lancées avant le 31 décembre 2022. Il est donc inutile d'étendre à 2026 ces dispositifs. Le même amendement vise à exclure l'application de ces dispositions aux projets de construction d'établissements pénitentiaires en phase d'études préalables : seules les phases d'études au stade de la commande opérationnelle nécessitent le recours à ces procédures dérogatoires.

b) Le recours à la procédure d'expropriation d'extrême urgence

L'expropriation pour cause d'utilité publique permet à une personne publique de « prendre possession » d'un immeuble privé (transfert de propriété) afin d'y mener son projet.

Dans la procédure de droit commun, cette prise de possession est possible :

- lorsque la personne expropriée a accepté l'indemnité proposée par l'administration ou, à défaut d'accord, lorsque le juge a fixé le montant de l'indemnité d'expropriation ;

- et uniquement après paiement complet de cette indemnité.

Autorisée par un décret pris sur avis conforme du Conseil d'État, l'expropriation d'extrême urgence est une procédure beaucoup plus rapide : l'administration prend possession de l'immeuble avant même que l'indemnité d'expropriation ne soit définitivement fixée . En pratique, l'administration se contente de verser une « indemnité provisionnelle » , dont elle fixe elle-même le montant (dans l'attente de la décision du juge de l'expropriation).

Atteinte forte au droit de propriété, l'expropriation d'extrême urgence est aujourd'hui circonscrite à deux hypothèses : la défense nationale et certains travaux complexes (construction d'autoroutes, de voies de chemins de fer, etc .) 378 ( * ) . Le Conseil constitutionnel exige d'ailleurs qu'elle réponde à des « motifs impérieux d'intérêt général » et qu'elle soit assortie de « la garantie des droits des propriétaires intéressés » 379 ( * ) .

Le II de l'article 51 vise à rendre applicable la procédure d'expropriation d'extrême urgence pour l'acquisition des immeubles nécessaires à la réalisation des opérations d'extension ou de construction d'établissements pénitentiaires entrées en phase d'études avant le 31 décembre 2026.

Comme pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, cette procédure concernerait les immeubles bâtis et non bâtis, alors que le régime d'extrême urgence du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne vise que les terrains non-bâtis.

D'après l'étude d'impact, il s'agit de « se prémunir de risques de dérapage des calendriers » du programme d'extension et de construction d'établissements pénitentiaires.

Par le même amendement COM-216 , votre commission a supprimé le recours à cette procédure dont la nécessité n'a pas été rapportée. Surtout, les retards accumulés par l'administration pénitentiaire depuis 2017 ne doivent pas se traduire par un abaissement des droits des riverains de ces futurs projets.

c) Le recours à la procédure intégrée de mise en conformité de documents d'urbanisme et de documents prescriptifs de niveau supérieur

L'extension ou la construction d'établissements pénitentiaires nécessite parfois de réviser ou de modifier des documents d'urbanisme (plan local d'urbanisme, schéma de cohérence territoriale, etc .) ou des documents prescriptifs qui leur sont supérieurs (plan de prévention des risques, directives territoriales d'aménagement, etc .).

Or, ces procédures de révision ou de modification varient d'un document à l'autre, ce qui complexifie grandement les projets d'urbanisme. À titre d'exemple, « en présence d'un projet impliquant la mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme (PLU) et la modification d'un plan de prévention des risques (PPR), la procédure classique suppose, en premier lieu, la révision du PPR (en moyenne 12 mois) puis la révision du PLU (12 mois environ) » 380 ( * ) .

Dès lors, le III de l'article 51 vise à créer une procédure intégrée de mise en conformité de documents d'urbanisme et de documents prescriptifs de niveau supérieur, s'inspirant de la procédure intégrée pour le logement (PILE).

Concrètement, cette procédure permettrait au représentant de l'État d'adapter simultanément plusieurs documents d'urbanisme et documents prescriptifs de rang supérieur pour respecter le calendrier d'extension ou de construction des établissements pénitentiaires.

Par cohérence avec cet objectif de simplification et s'inspirant de l'article 12 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 381 ( * ) , votre commission a remplacé l'enquête publique nécessaire pour mener cette procédure intégrée par le dispositif, plus souple, de participation du public par voie électronique (amendement COM-218 des rapporteurs) .

Par l'adoption du même amendement COM-216 de vos rapporteurs, votre commission a limité l'utilisation de cette procédure aux établissements construits ou programmés avant le 31 décembre 2022.

d) La cession à titre gratuit ou avec décote de terrains appartenant aux collectivités territoriales

Le IV de l'article 51 tend à permettre la cession, à titre gratuit ou avec décote, à l'État de terrains appartenant aux collectivités territoriales pour permettre la réalisation d'opérations d'extension ou de construction d'établissements pénitentiaires entrées en phase d'études avant le 31 décembre 2026.

• Les biens du domaine privé des personnes publiques sont, à la différence des biens du domaine public, aliénables et prescriptibles . Leur cession est régie par l'article L. 3211-14 du code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que « les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics cèdent leurs immeubles ou leurs droits réels immobiliers, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales . »

La cession à titre gratuit est exclue lorsque l'acquéreur est une personne privée en application de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales. Aucune disposition législative ne vient régir les cessions entre personnes publiques.

Les impératifs de valorisation du domaine des personnes publiques semblent cependant s'opposer à des cessions à titre gratuit entre personnes publiques, en dehors des règles de mise à disposition en cas de transfert de compétence 382 ( * ) , ceci en vertu des principes d'égalité de protection de la propriété 383 ( * ) . Cette position est confortée par la réponse ministérielle a une question de notre collègue député Guillaume Larrivé 384 ( * ) qui indique que les « cessions de biens du domaine public entre personnes publiques ne faisant l'objet d'aucune dérogation législative autorisant des cessions à des valeurs minorées ou à titre gratuit, elles doivent s'effectuer à la valeur vénale du bien déterminée en fonction des valeurs du marché ». Par parallélisme des formes, il peut être considéré que les cessions de biens du domaine privé entre personnes publiques ne faisant l'objet d'aucune dérogation législative, elles s'effectuent également à titre onéreux .

• Une disposition législative parait donc nécessaire pour permettre aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics de céder des terrains de leur domaine privé à titre gratuit ou à un montant inférieur à la valeur vénale.

Le IV de l'article 51 du projet de loi tend à rendre possible une cession de ce type à l'État pour favoriser la construction d'établissements pénitentiaires.

Une double limitation est posée :

- les opérations concernées seraient celles entrées en phase d'études avant le 31 décembre 2026 ; la possibilité serait donc temporaire ;

- les terrains ainsi cédés ne pourraient être destinés qu'à l'extension ou à la construction d'établissements pénitentiaires.

Cette disposition n'introduit en outre qu'une simple possibilité , et en aucun cas une obligation de cession des terrains à des valeurs minorées ou à titre gratuit.

Par l'adoption du même amendement COM-216 de ses rapporteurs, votre commission a limité l'utilisation de cette procédure aux établissements construits ou programmés avant le 31 décembre 2022. Sous réserve d'un amendement COM-219 de clarification de ses rapporteurs, votre commission a approuvé ces dispositions.

2. La prolongation du moratoire sur l'encellulement individuel

Enfin le V de l'article 51 du projet de loi vise à prolonger le moratoire sur l'encellulement individuel.

a) Le principe de l'encellulement individuel, un objectif sans cesse repoussé

Inscrit depuis la loi du 5 juin 1875 sur le régime des prisons départementales, le principe de l'encellulement individuel , qui prévoit que chaque détenu doit être incarcéré dans une cellule individuelle, n'a jamais été véritablement appliqué.

L'article 716 du code de procédure pénale du 2 mars 1959 a repris ces principes tout en aménageant une dérogation en raison de l'« encombrement temporaire » des établissements .

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a réaffirmé le principe d'une détention en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt et dans les établissements pour peines , auquel il ne peut être dérogé que si les intéressés en font la demande, si leur personnalité le justifie ou si les nécessités d'organisation de leur autorisation de travail notamment, l'imposent 385 ( * ) .

Au regard des capacités du parc pénitentiaire, l'article 100 386 ( * ) de la loi pénitentiaire a néanmoins instauré un moratoire de cinq ans pour l'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt « au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application ». Ce moratoire a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2019 par la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 . La même loi a prévu la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur l'encellulement individuel au deuxième trimestre de l'année 2016, puis au dernier trimestre de l'année 2019.

Le premier rapport a été remis au Parlement par Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, le 20 septembre 2016. Afin d'atteindre un taux de 80 % d'encellulement individuel, ce rapport recommandait de construire entre 9 481 et 14 666 cellules individuelles d'ici 2023.

b) Une nouvelle prorogation du moratoire sur l'encellulement individuel, dont le calendrier apparaît peu crédible

Alors que le moratoire expire le 31 décembre 2019, sur 70 519 personnes détenues au 1 er août 2018, seules 40 % d'entre elles bénéficiaient d'une cellule individuelle. Parallèlement, 1 527 matelas étaient posés au sol pour permettre le couchage de détenus dans les établissements où le doublement, voire le triplement des cellules apparaît insuffisant.

Alors que le taux d'encellulement individuel est de 82,7 % dans les établissements pour peine au 1 er juillet 2018, il n'est que de 19,4 % dans les maisons d'arrêt.

L'objectif de placement en cellule individuelle ne pouvant manifestement pas être atteint au 31 décembre 2019, le Gouvernement propose « un moratoire de trois années supplémentaires [...] afin de permettre la mise en service de nouveaux établissements 387 ( * ) ».

Vos rapporteurs s'interrogent sur l'échéance retenue par le Gouvernement : comment le programme immobilier pénitentiaire qui prévoit la livraison de seulement 7 000 places d'ici 2022 (alors même que le délai moyen de construction d'un établissement pénitentiaire est estimé à 6 ans) pourrait permettre de résorber suffisamment la surpopulation carcérale pour appliquer le principe de l'encellulement individuel ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré lors de son audition devant votre commission qu'un certain niveau d'encellulement individuel pourrait être atteint par la diminution de la population carcérale de 8 000 personnes associée à la livraison de 7 000 places. Néanmoins l'estimation de la réduction de la population carcérale semble souffrir d'un problème méthodologique. Comment la création d'une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) pourrait-elle faire baisser la population carcérale de 3 508 personnes (selon l'étude d'impact) alors même que les juridictions correctionnelles peuvent déjà prononcer à l'audience un placement sous surveillance électronique (PSE) ? Comment le recours à la semi-liberté et au placement à l'extérieur pourrait-il bénéficier à plus de 3 000 condamnés alors que les conditions de recours restent inchangées et que l'aménagement des peines d'emprisonnement de moins de deux ans est déjà le principe ?

Vos rapporteurs soulignent la nécessité de créer effectivement les 15 000 places de prison supplémentaires annoncées par le Président de la République et de rénover le parc existant, nonobstant les réformes relatives au développement des peines alternatives à l'incarcération et à l'exécution des peines.

Enfin, vos rapporteurs ont estimé nécessaire de maintenir le principe d'une information régulière du Parlement par le Gouvernement. Aussi, après la remise d'un rapport en 2019, un rapport informant le Parlement sur l'exécution des programmes immobiliers pénitentiaires devrait également être remis par le Gouvernement en 2022 à la fin du moratoire programmé . À cette fin, votre commission a adopté l' amendement COM-179 de vos rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 51 ainsi modifié.

CHAPITRE V
DIVERSIFIER LES MODES DE PRISE EN CHARGE
DES MINEURS DÉLINQUANTS

Article 52
(art. 33 et 40 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante)
Accueil temporaire dans le cadre d'un placement en centre éducatif fermé, droit de visite et d'éloignement des parents d'un enfant placé au pénal
et expérimentation d'une mesure éducative d'accueil de jour

L'article 52 du projet de loi a pour objet d'autoriser un accueil temporaire à l'extérieur d'un mineur placé en centre éducatif fermé (CEF), de prévoir un droit de visite et d'hébergement pour les parents et d'expérimenter une nouvelle mesure d'accueil de jour.

1. Accueil temporaire dans le cadre d'un placement en centre éducatif fermé

Le du paragraphe I tend à modifier l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945, relatif au placement en centre éducatif fermé (CEF).

Il existe aujourd'hui 52 CEF qui accueillent des mineurs placés sur décision du juge des enfants, le plus souvent après avoir commis de multiples actes de délinquance. Le non-respect par le mineur des obligations qui lui incombent dans le cadre de ce placement peut conduire à son incarcération.

Une des difficultés auxquelles sont confrontés les professionnels travaillant en CEF est celle de la préparation de la sortie : pendant la durée du placement, qui est en principe de six mois, renouvelable une fois, le mineur bénéficie d'une prise en charge très soutenue par une équipe de professionnels. Le retour du mineur, sans transition, dans son milieu d'origine est souvent un facteur de rupture préjudiciable à sa réinsertion.

Les CEF sont, de plus, souvent confrontés à des situations de crise qu'une sortie provisoire du mineur de la structure pourrait permettre de désamorcer.

Pour traiter plus efficacement ces deux types de difficulté, il est prévu que le juge ou le tribunal des enfants puisse autoriser l'établissement à organiser un accueil temporaire du mineur dans d'autres lieux, par exemple un foyer, une famille d'accueil ou un hébergement autonome en appartement.

Le non-respect par le mineur de ses obligations en cas d'accueil dans l'un de ces autres lieux pourrait entraîner son incarcération. L'étude d'impact précise que le CEF resterait juridiquement responsable si le jeune causait un dommage lors de son accueil à l'extérieur.

Le comporte une mesure de coordination.

Le tend à modifier l'article 40 de l'ordonnance du 2 février 1945 afin de reconnaître un droit de visite et d'hébergement aux parents d'un mineur qui fait l'objet d'une mesure de placement au pénal. Dans sa décision, le magistrat devrait fixer le droit de visite et d'hébergement des parents.

Cette décision pourrait concerner les placements en CEF, mais aussi les autres types d'hébergement dans le secteur public ou associatif ou encore auprès d'un tiers digne de confiance.

2. Expérimentation d'une mesure éducative d'accueil de jour

Le paragraphe II ouvre, pendant trois ans à compter de la publication de la loi, la possibilité pour les magistrats de prononcer à l'encontre d'un mineur une mesure expérimentale d'accueil de jour .

Cette mesure consisterait en une prise en charge pluridisciplinaire en journée, collective, et dont la continuité serait assurée grâce à un emploi du temps individualisé, adapté aux besoins spécifiques du mineur. Elle serait ordonnée pour une durée de six mois, renouvelable deux fois, et pourrait se poursuivre après la majorité du jeune si l'intéressée en est d'accord.

La mesure pourrait être mise en oeuvre, sur décision du magistrat, par un service ou un établissement du secteur public ou du secteur associatif habilité .

Les ressorts dans lesquels cette mesure pourrait être prononcée, dont le nombre ne saurait excéder vingt, seraient définis par arrêté du ministre de la justice. L'étude d'impact précise que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse prévoit de sélectionner dix-huit projets, soit deux par direction inter-régionale.

Enfin, le Gouvernement adresserait au Parlement un rapport d'évaluation au plus tard six mois avant la fin de l'expérimentation.

3. Des mesures opportunes

La création à titre expérimental d'une mesure éducative d'accueil de jour devrait permettre d'élargir la palette des mesures à la disposition des juges des enfants. Elle pourrait constituer, à terme, une mesure intermédiaire entre les actuelles activités de jour, qui n'offrent pas une prise en charge aussi intensive, et le placement. Elle pourrait constituer un « sas » intéressant pour des jeunes après un placement en CEF ou une incarcération. Votre commission est donc favorable à l'expérimentation proposée.

Elle est également favorable aux mesures tendant à autoriser les sorties du CEF et à mieux garantir les droits de la famille. Il s'agit d'ailleurs surtout de donner une base légale à des pratiques qui s'observent déjà sur le terrain dans le silence des textes.

Votre commission a adopté l'article 52 sans modification .

TITRE V BIS
ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D'AIDE JURIDICTIONNELLE [NOUVEAU]

Article 52 bis (nouveau)
(art. 1635 bis Q [nouveau] du code général des impôts)
Rétablissement de la contribution pour l'aide juridique,
modulable de 20 à 50 euros

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-255 , l'article 52 bis du projet de loi reprend l'article 18 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par notre collègue Philippe Bas, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 388 ( * ) . L'article 18 de la proposition de loi précitée était la traduction de la proposition n° 103 du rapport de la mission d'information constituée par votre commission sur le redressement de la justice 389 ( * ) .

L'article 52 bis vise à rétablir la contribution pour l'aide juridique supprimée par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Elle serait désormais modulée, de 20 à 50 euros, en fonction du type d'instance engagée.

Cette proposition n'avait pas fait l'objet d'un consensus au sein de la mission d'information sur le redressement de la justice.

Pour autant, le rétablissement de cette contribution, qui rapportait chaque année plus de 50 millions d'euros, a le mérite d'apporter une réponse simple, pérenne et efficace aux difficultés permanentes de financement de l'aide juridictionnelle, pour un coût limité pour le justiciable, grâce à la modulation prévue par le dispositif.

Comme lors de sa mise en place en 2011, la contribution n'aurait pas à être acquittée pour certains contentieux, auxquels cet article ajoute les procédures engagées par les salariés devant les conseils de prud'hommes. Comme par le passé, les personnes éligibles à l'aide juridictionnelle ne seraient pas non plus redevables de la contribution.

Votre commission a adopté l'article 52 bis ainsi rédigé .

Article 52 ter (nouveau)
(art. 18-1 [nouveau] de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
relative à l'aide juridique)
Consultation obligatoire d'un avocat avant toute demande
d'aide juridictionnelle

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-257 , l'article 52 ter du projet de loi reprend l'article 19 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice précitée. L'article 19 de la proposition de loi était la traduction de la proposition n° 110 du rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice.

L'article 52 ter tend à prévoir la consultation obligatoire d'un avocat préalablement au dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, à l'exception des actions pour lesquelles le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, des demandes relevant de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent.

Il s'agit de rendre effectif le filtre actuellement prévu par l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui n'est jamais appliqué en pratique. Cet article prévoit que l'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement.

Cette consultation serait rétribuée comme un acte d'aide juridictionnelle, dès lors que le demandeur de l'aide remplirait bien les autres conditions que celle relative au bien-fondé de son action.

Bien sûr, la mise en place de cette mesure supposera une organisation spécifique des barreaux, ainsi que divers ajustements pratiques, qui devront être réglés par le pouvoir réglementaire. C'est pourquoi, le présent article renvoie à un décret en Conseil d'État la fixation des modalités d'application de cette nouvelle procédure.

Vos rapporteurs attendent beaucoup de la mise en oeuvre de ce dispositif qui, s'il fonctionne correctement, devrait améliorer grandement le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle. Cette attribution obéit aujourd'hui à une « logique de guichet ». En effet, 90 % des demandes formulées en première instance donnent lieu à une admission, alors même que ce taux est de 23,5 % en cassation car l'aide juridictionnelle est refusée au demandeur si aucun moyen de cassation sérieux ne peut être relevé.

Ce système de contrôle du bien-fondé et de la recevabilité de la demande a également d'autres vertus. En Allemagne, par exemple, il permet d'orienter les demandes qui le justifient vers des procédures de conciliation et d'aboutir à un accord amiable pour une part importante des affaires traitées.

Votre commission a adopté l'article 52 ter ainsi rédigé .

Article 52 quater (nouveau)
(art. 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)
Consultation obligatoire des organismes sociaux par les bureaux d'aide juridictionnelle pour apprécier les ressources du demandeur

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-260 , l'article 52 quater du projet de loi reprend l'article 20 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice précitée. L'article 20 de la proposition de loi était la traduction de la proposition n° 106 du rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice.

L'article 52 quater vise à rendre obligatoire, à l'article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la consultation par les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) des services ou des organismes sociaux compétents pour apprécier les ressources des demandeurs.

Actuellement, cette consultation n'est qu'une faculté pour les BAJ. En application de l ' article 21 de la loi du 10 juillet 1991, « les services de l'État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle ».

Or, en pratique, cette possibilité n'est que peu utilisée. Il n'est pas rare que les bureaux d'aide juridictionnelle se contentent exclusivement de déclarations sur l'honneur des justiciables pour attribuer l'aide juridictionnelle, ce qui explique en partie le taux très élevé d'admission, 90 %, observé en première instance.

Vos rapporteurs estiment que confier l'appréciation du niveau de ressources du demandeur à des magistrats et des personnels judiciaires, dont ce n'est pas le métier, constitue une perte de temps coûteuse pour la justice, alors même que ce travail est déjà fait par d'autres administrations spécialisées. Ils proposent donc ce nouveau dispositif, qui permet de mutualiser les informations relatives aux ressources d'un demandeur, détenues par d'autres administrations.

Votre commission a adopté l'article 52 quater ainsi rédigé .

Article 52 quinquies (nouveau)
(art. 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique)
Attribution au Trésor public du recouvrement des sommes à récupérer versées au titre de l'aide juridictionnelle

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-263 , l'article 52 quinquies du projet de loi reprend l'article 22 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice précitée. L'article 22 de la proposition de loi était la traduction de la proposition n° 109 du rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice.

L'article 52 quinquies vise à améliorer le taux de recouvrement des sommes versées au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à la suite d'une décision de retrait de l'aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès, dès lors que celle-ci n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, en confiant ce recouvrement au Trésor public.

En pratique, le retrait de l'aide juridictionnelle n'est que rarement ordonné - il représente environ 0,1 % du nombre annuel d'admissions - et, quand il l'est, les sommes ne sont recouvrées que dans 3 ou 4 % des cas.

Vos rapporteurs estiment que les dispositions proposées devraient améliorer cette situation.

Votre commission a adopté l'article 52 quinquies ainsi rédigé .

TITRE VI
RENFORCER L'ORGANISATION
DES JURIDICTIONS
CHAPITRE IER
AMÉLIORER L'EFFICACITÉ
EN PREMIÈRE INSTANCE

Article 53
(art. L. 121-1, L. 121-3, L. 121-4, L. 122-1, L. 122-2, L. 123-1, L. 123-1-1 [nouveau], L. 123-4, L. 211-1, L. 211-3, L. 211-4, L. 211-4-1 [nouveau], L. 211-4-2 [nouveau], L. 211-5 [abrogé], L. 211-6, L. 211-7, L. 211-8, L. 211-9-2, L. 211-9-3 [nouveau], L. 211-10, L. 211-11, L. 211-11-1, L. 211-12, L. 211-13, L. 211-14, L. 212-1, L. 212-2, L. 212-3, L. 212-6-1 [nouveau], L. 212-7 [nouveau], L. 213-1, L. 213-2, L. 213-4-1 [nouveau], L. 213-6, L. 213-7, L. 213-8-1 [nouveau], L. 213-9, L. 215-1 et L. 215-3 à L. 215-7 [nouveaux], L. 216-1, L. 216-2, L. 217-1, L. 217-2 du code de l'organisation judiciaire et art. 39-4 [nouveau], 52-1, 80 et 712-2 du code de procédure pénale et art. L. 621-2, L. 722-4, L. 722-7, L. 722-10, L. 731-1, L. 731-2, L. 731-3, L. 732-3, L. 732-4, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-8, L. 743-9, L. 743-10, L. 744-1 du code de commerce et L. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution et L. 1134-10, L. 1422-1, L. 1423-11, L. 1454-2, L. 1521-3, L. 2323-4, L. 2323-39, L. 2325-38, L. 2325-40, L. 2325-55, L. 3252-6 [abrogé], L. 7112-4 du code du travail et art. L. 4261-2, L. 4262-2 du code des transports)
Fusion du tribunal de grande instance avec les tribunaux d'instance de son ressort, maintenus sous forme de chambres détachées, suppression de la fonction spécialisée de juge d'instance, possibilité de spécialisation de certains tribunaux de grande instance en matière civile et pénale, désignation de procureurs de la République chefs de file au niveau départemental et regroupement départemental des juges d'instruction et des juges de l'application des peines

L'article 53 du projet de loi tend à réformer l'organisation judiciaire de la première instance, suivant une logique proche de celle de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017, en regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort dans une nouvelle juridiction unifiée, sans pour autant aller jusqu'à la création d'un tribunal unique de première instance à l'échelle départementale. Il modifie à cette fin le code de l'organisation judiciaire et le code de procédure pénale.

Vos rapporteurs considèrent que cette réforme d'organisation judiciaire est inachevée, mais constitue une première étape vers une réorganisation plus profonde de la justice de première instance, sans que doivent être remises en cause les implantations judiciaires actuelles.

En outre, s'agissant des magistrats, même si le tribunal d'instance est une juridiction autonome par rapport au tribunal de grande instance, vos rapporteurs observent qu'actuellement tout magistrat qui en assure le service est un juge d'un tribunal de grande instance chargé du service d'un tribunal d'instance, nommé à ces fonctions par décret du Président de la République, tout en relevant du tribunal de grande instance. En revanche, le greffe du tribunal d'instance est complètement autonome par rapport à celui du tribunal de grande instance. Il existe donc déjà aujourd'hui des liens organiques entre tribunal d'instance et tribunal de grande instance, même si les fonctions de juge d'instance sont des fonctions spécialisées.

La réussite de cette réforme reste conditionnée à la mise en oeuvre de moyens supplémentaires, notamment pour le comblement des vacances de postes dans les juridictions, de façon à ce qu'elle ne consiste pas simplement à mutualiser à une échelle supérieure la gestion de la pénurie et des vacances de postes. Elle dépendra également du déploiement complet du service d'accueil unique du justiciable, instauré par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, incluant l'application informatique civile Portalis , dont la mise en oeuvre complète est prévue pour 2022, afin de permettre aisément dans tous les sites de ce nouveau tribunal de réaliser tous les actes et de délivrer tous les renseignements concernant des affaires traitées par le tribunal.

1. Le regroupement du tribunal de grande instance avec les tribunaux d'instance de son ressort, maintenus sous forme de chambres détachées

Lors de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté l'hostilité des syndicats de magistrats et de greffiers ainsi que de l'association nationale des juges d'instance à cette réforme, tandis que les conférences des chefs de cour et chefs de juridiction ont déploré qu'elle n'aille pas plus loin.

Le projet de loi supprime les tribunaux d'instance comme juridictions autonomes et prévoit leur transformation en chambres du tribunal de grande instance, lequel conserverait sa dénomination, ces chambres étant dénommées tribunaux d'instance. Vos rapporteurs considèrent qu'une telle terminologie serait une source de confusion pour les justiciables. Au demeurant, un certain nombre de personnes entendues hostiles à cette réforme ont elles aussi critiqué une telle terminologie, jugeant préférable de la modifier afin de ne pas laisser penser que les anciennes dénominations correspondent aux anciennes réalités.

Ainsi, dans un souci de clarification de cette réforme de l'organisation judiciaire de première instance, votre commission a adopté à l'initiative de ses rapporteurs un amendement COM-253 visant à donner à la nouvelle juridiction unifiée de première instance la dénomination de tribunal de première instance, plus cohérente et plus lisible pour les justiciables, plutôt que de conserver la dénomination de tribunal de grande instance, tout en supprimant le maintien de la dénomination de tribunal d'instance pour les chambres extérieures de cette nouvelle juridiction, qui seraient simplement qualifiées de chambres détachées, comme il en existe déjà dans cinq tribunaux de grande instance 390 ( * ) . Cet amendement procède donc à de nombreuses coordinations, outre celles déjà prévues par le projet de loi pour tirer les conséquences de la suppression du tribunal d'instance comme juridiction autonome, concernant par exemple les compétences propres aux tribunaux d'instance des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Votre commission a ainsi repris la logique de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée par le Sénat en 2017, sans aller toutefois à ce stade, compte tenu des enjeux de maillage territorial par les juridictions, jusqu'à la mise en place d'un tribunal de première instance unique par département, sauf exceptions justifiées par des considérations géographiques ou démographiques particulières.

Concernant l'organisation et les compétences des chambres détachées, le projet de loi dispose que leur siège et leur ressort ainsi que leurs compétences matérielles seraient fixées par décret. La rédaction ainsi retenue pourrait être interprétée comme permettant la fixation de ces compétences matérielles au cas par cas pour chaque chambre, comme c'est le cas aujourd'hui pour les chambres détachées des tribunaux de grande instance, alors que la cohérence d'ensemble de la réforme justifierait un socle national de compétences, dès lors que des compétences supplémentaires pourraient leur être attribuées sur décision des chefs de cour, après avis des chefs de juridiction, en fonction des particularités locales.

Afin de lever cette ambiguïté de rédaction, votre commission a adopté un amendement COM-266 présenté par ses rapporteurs précisant que ce socle sera fixé au niveau national, de façon à ce que les compétences minimales de toutes les chambres détachées soient identiques sur le territoire, dans un souci de lisibilité, et afin d'éviter, dans un souci de proximité, que ces compétences soient définies au cas par cas et puissent être trop limitées ou résiduelles.

Vos rapporteurs estiment que l'essentiel des contentieux relevant des actuels tribunaux d'instance a vocation à être traité dans les futures chambres détachées. De plus, ce socle de compétences devrait être fixé par un décret en Conseil d'État, compte tenu de l'importance de la matière, et non par un décret ordinaire.

Par l'adoption de ce même amendement, votre commission a aussi précisé que les compétences supplémentaires des chambres détachées peuvent être attribuées par les chefs de cour sur proposition, et pas seulement après avis, des chefs de juridiction. Il s'agit ainsi de reprendre une disposition de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice. Attribuer un tel rôle de proposition aux chefs de juridiction serait cohérent avec leur connaissance du ressort et du contentieux de leur propre juridiction et permettrait de renforcer leur responsabilité.

2. La mise en place de garanties supplémentaires pour les magistrats et les fonctionnaires de greffe ainsi que pour les territoires

Une des objections à la réforme proposée, émanant principalement des organisations syndicales représentant les fonctionnaires de greffe, correspond à la crainte d'être soumis à une mobilité forcée et permanente entre les différents sites de la future juridiction unifiée de première instance et de voir leur lieu de travail modifié au jour le jour à la discrétion des chefs de juridiction.

Afin de répondre à cette crainte, la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice comportait des précisions et des garanties, concernant notamment la localisation des emplois de greffiers. Aussi votre commission a-t-elle introduit ces garanties dans le projet de loi, en adoptant un amendement COM-256 en ce sens présenté par ses rapporteurs.

S'agissant des magistrats du siège, elle a ainsi prévu que l'ordonnance de roulement prise par le président du tribunal de première instance chaque année pouvait les affecter au siège de la juridiction ou dans une chambre détachée, le service d'un magistrat pouvant être partagé entre les deux, comme cela se pratique déjà dans les chambres détachées de tribunal de grande instance qui existent aujourd'hui.

S'agissant des fonctionnaires, elle a apporté une garantie de localisation géographique des emplois, soit au siège du tribunal, soit dans une chambre détachée, tout en prévoyant un mécanisme limité de délégation interne entre les différents sites du tribunal, qui devra être précisé par décret, sur décision des chefs de juridiction, prise après avis du directeur des services de greffe, pour nécessité de service et pour une durée limitée.

Enfin, des inquiétudes ont pu s'exprimer quant à la pérennité des sites judiciaires des anciens tribunaux d'instance, qu'il pourrait être à l'avenir plus facile de supprimer dans le cadre de cette nouvelle juridiction unifiée. Une telle crainte a pu être exprimée notamment par les barreaux ou par les élus locaux.

Afin de répondre à cette crainte, la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice comportait un dispositif d'encadrement de toute modification de la carte judiciaire, qu'il s'agisse de la création ou de la suppression ou encore de la modification du siège ou du ressort d'une juridiction de première instance ou d'une chambre détachée. Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice comportait plusieurs développements sur cette question. Aussi votre commission a-t-elle repris ce dispositif, en adoptant un amendement COM-258 en ce sens présenté par ses rapporteurs, concernant toutes les juridictions judiciaires de première instance.

Toute modification de la carte judiciaire, qui relève en elle-même de la compétence du seul pouvoir réglementaire, devrait être précédée d'une évaluation, au vu des observations présentées par les chefs de cour ainsi que par le conseil départemental, dont il devrait être rendu compte dans un rapport public. Une telle évaluation supposerait une concertation locale approfondie et devrait s'appuyer sur une instance impartiale placée auprès du ministère de la justice. Elle devrait reposer sur des critères objectifs préexistants. Un décret en Conseil d'État viendrait préciser les modalités de ce dispositif.

Ainsi, toute évolution de la carte des implantations judiciaires, toute modification ponctuelle ou plus large du maillage territorial des juridictions, en raison des enjeux de maintien de la proximité de l'institution judiciaire qu'elle recèle, devrait donner lieu à une réelle concertation.

3. La suppression de la fonction spécialisée de juge d'instance

Le projet de loi conserve la fonction de juge des tutelles, sans modifier le champ actuel de ses compétences.

En revanche, la suppression de la fonction de juge d'instance - fonction spécialisée nommée par décret - est la conséquence logique de la suppression des tribunaux d'instance comme juridiction autonome. Cette suppression est effectuée par le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions, mais le projet de loi prévoit plusieurs coordinations. Maintenir en l'état le juge d'instance créerait une rigidité dans la répartition des magistrats entre les services du tribunal de première instance, lequel permettrait seulement in fine de mutualiser partiellement les effectifs des greffes.

Par cohérence, le projet de loi attribue donc au juge de l'exécution la compétence du juge d'instance en matière de surendettement et de saisie des rémunérations, ce qui peut paraître pertinent au regard de la mission du juge de l'exécution au sein du tribunal de grande instance.

À ce jour, en vertu de l'article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les juges d'instance sont nommés par décret du Président de la République pris sur proposition du garde des sceaux, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

La liste des fonctions spécialisées n'est pas immuable, d'autant que la notion même de juge spécialisé, nommé par décret, n'a été instaurée que récemment, par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, à l'initiative de notre regretté collègue Pierre Fauchon, rapporteur de votre commission 391 ( * ) , en vue de limiter dans le temps l'exercice de certaines fonctions et d'encourager la mobilité des magistrats. Le juge aux affaires familiales avait également été conçu, en 2001, comme un juge spécialisé, jusqu'à la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité.

Si la mission d'information sur le redressement de la justice avait elle aussi proposé la suppression de la fonction spécialisée de juge d'instance, par cohérence, elle avait souhaité maintenir l'existence d'un juge particulier dédié aux contentieux de la proximité, couvrant une large part des contentieux de l'instance. Vos rapporteurs jugent eux aussi nécessaire de maintenir une fonction de magistrat du siège dédiée à ces contentieux.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement COM-267 visant à créer, dans le cadre du tribunal de première instance, une fonction de juge chargé des contentieux de proximité, reprenant une part importante des compétences exercées par le juge d'instance. L'objectif est de garantir que des magistrats seront bien affectés, au sein du tribunal de première instance, dans le cadre de la répartition des services par l'ordonnance de roulement du président, au traitement spécifique des contentieux de la proximité et des personnes économiquement vulnérables.

En conséquence, l'attribution au juge de l'exécution de la compétence en matière de surendettement et de saisie des rémunérations serait supprimée, car elle serait dévolue au nouveau juge chargé des contentieux de proximité. Celui-ci serait en outre compétent en matière de contentieux civils dont l'enjeu n'excède pas 10 000 euros, de baux d'habitation, de surendettement ou encore de crédit à la consommation. À la différence de l'actuel juge d'instance, dans le but de constituer un bloc de compétence cohérent, il ne serait pas compétent en matière d'élections professionnelles, de contrat de travail maritime, de divers litiges agricoles ou encore de bornage et de servitudes.

4. La possibilité de spécialiser, au sein d'un même département, des tribunaux de grande instance pour certaines affaires civiles et pénales

Le projet de loi ne propose donc pas de créer une juridiction unique de première instance au niveau départemental. Dès lors, près de la moitié des départements continuerait à comporter au moins deux tribunaux de grande ou de première instance, comme l'illustre le tableau ci-après.

Répartition des tribunaux de grande instance par département (France métropolitaine)

Nombre de tribunaux
de grande instance
par département

Nombre de départements

Proportion de l'ensemble des départements

1

50

52,1 %

2

35

36,5 %

3

9

9,4 %

4

1

1,0 %

5

0

0,0 %

6

1

1,0 %

Source : commission des lois du Sénat.

Afin de pallier le maintien de ce grand nombre de tribunaux de grande instance, le projet de loi prévoit la possibilité de spécialiser un tribunal par département pour connaître de certaines matières civiles et de certains délits et contraventions.

Vos rapporteurs estiment que la procédure permettant de procéder à cette spécialisation à l'échelle départementale serait particulièrement lourde : un décret en Conseil d'État fixerait d'abord la liste générale des matières civiles et pénales susceptibles de faire l'objet d'une spécialisation, ensuite les chefs de cour pourraient proposer au ministère de la justice des spécialisations, après avis des chefs de juridiction concernés, et enfin un décret simple interviendrait pour désigner dans le département des tribunaux compétents pour connaître de certaines matières civiles ou pénales.

Une telle spécialisation supposerait en pratique un consensus entre les chefs de juridiction et les magistrats des différentes juridictions, afin de répartir certains contentieux entre elles. Comme il ne serait pas garanti que les emplois de magistrats et de fonctionnaires puissent être adaptés en conséquence, il faudrait organiser des spécialisations croisées, de façon à équilibrer les volumes de contentieux ainsi échangés sans modification des charges d'activité.

Au surplus, cette procédure ne concernerait que les contentieux civils « les plus techniques » selon l'exposé des motifs, représentant un faible volume d'affaires, sans garantir in fine , de ce fait même, une spécialisation réellement poussée des magistrats concernés dans ces contentieux, tandis qu'en matière pénale ne pourraient pas être concernés les délits jugés à juge unique, qui représentent l'essentiel de l'activité pénale des tribunaux correctionnels.

Dans de telles conditions, portant sur de très faibles volumes et des matières très restreintes, ce mécanisme de spécialisation ne présente guère d'intérêt pour améliorer le fonctionnement et l'efficacité de la justice, alors qu'il serait source de complexité et porterait atteinte à la lisibilité de l'organisation judiciaire pour le justiciable. Et s'il portait, plus tard, sur des contentieux plus importants en volume, il pourrait conduire à dévitaliser des juridictions.

En conséquence, à l'initiative de ses rapporteurs et de notre collègue Jean-Pierre Grand, votre commission a adopté deux amendements COM-261 et COM-145 visant à supprimer ce mécanisme.

Ainsi, en dehors des spécialisations déjà prévues à l'échelle nationale pour certains contentieux spécifiques (propriété intellectuelle...), les tribunaux de première instance auraient tous la même compétence dans les départements.

Par ailleurs, le projet de loi envisage la possibilité, sur décision des chefs de cour, de confier à un unique directeur des services de greffe dans le ressort de la cour d'appel ou, à défaut, à un unique greffier chef de greffe dans le ressort du tribunal de grande instance, dans un objectif de mutualisation, les attributions actuellement dévolues aux directeurs ou chefs de greffe à la tête du greffe de chaque tribunal d'instance en matière de déclarations et de certificats de nationalité et en matière de contrôle de gestion des comptes de tutelle. Si vos rapporteurs approuvent une telle faculté, facteur de rationalisation, ils restent perplexes quant à la possibilité de ne le faire qu'« à titre exceptionnel » comme l'indique le projet de loi, formulation ambiguë supposant une période limitée dans le temps ou encore transitoire. Vos rapporteurs ont souhaité prolonger leur réflexion sur cette disposition ponctuelle en vue de la séance publique. À leur initiative, votre commission a toutefois adopté un amendement COM-264 de nature rédactionnelle.

Enfin, le projet de loi comporte une disposition connexe, ayant pour objet de limiter l'accès à la collégialité en matière civile. Aujourd'hui, lorsqu'une affaire est portée devant le tribunal de grande instance statuant à juge unique, le renvoi à la formation collégiale est de droit sur simple demande non motivée d'une des parties. Le projet de loi prévoit que ce renvoi relèverait de la décision du juge, d'office ou à la demande d'une des parties, et uniquement dans les cas prévus par décret en Conseil d'État. Si cette disposition semble contestable dans son principe, vos rapporteurs ont là aussi souhaité prolonger leur réflexion en vue de la séance publique.

5. La désignation de procureurs chefs de file et le regroupement des fonctions de juge d'instruction et de juge de l'application des peines

En matière de procédure pénale, le projet de loi comporte plusieurs dispositions visant à pallier le caractère incomplet de la réforme, en raison du maintien de plusieurs tribunaux de grande instance dans un certain nombre de départements, à l'instar du mécanisme de spécialisation civile et pénale. Dans leur principe, ces dispositions peuvent soulever de légitimes réticences, dans la mesure où elles induisent une forme de hiérarchisation entre les tribunaux d'un même département.

En premier lieu, en cas de pluralité de tribunaux de grande instance dans un département, le procureur général pourrait désigner un des procureurs de la République pour « représenter, sous son autorité, l'ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives du département », s'agissant notamment de l'animation de la politique de prévention de la délinquance, et « assurer la coordination des activités s'y rapportant ». Ce chef de file devrait informer ses collègues et rendre compte au procureur général.

Si cette forme de hiérarchisation entre les procureurs de la République, résultant du fait que l'un d'eux aurait « autorité » sur ses collègues, suscite des réserves de principe, vos rapporteurs estiment néanmoins qu'il existe un enjeu fondamental de coordination au niveau départemental entre le parquet et les services déconcentrés de l'État, en particulier le préfet, sur les questions d'ordre public, de prévention de la délinquance ou encore de recherche des auteurs d'infraction. Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice évoque cet enjeu de façon approfondie, parmi les arguments justifiant la création d'un tribunal unique de première instance par département.

Par conséquent, votre commission n'a pas remis en cause ce dispositif de procureur chef de file départemental. Au surplus, vos rapporteurs signalent que la conférence nationale des procureurs de la République l'a approuvé lors de son audition.

En deuxième lieu, le projet de loi complète la disposition selon laquelle les juges d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction dans certains tribunaux de grande instance, pour préciser qu'il y a au moins un juge d'instruction par département et qu'en cas de pluralité de tribunaux de grande instance dans un même département, un décret peut fixer la liste de ceux dans lesquels il n'y a pas de juge d'instruction.

Du point de vue de l'instruction, il existerait donc trois catégories de tribunaux de grande instance : ceux dépourvus de juge d'instruction, ceux ayant au moins un juge d'instruction et ceux dotés d'un pôle de l'instruction. Le projet de loi prévoit, par coordination, la procédure permettant au procureur de la République d'un tribunal dépourvu de juge d'instruction de saisir le juge d'instruction ou le pôle de l'instruction d'une autre juridiction.

En troisième lieu, dans la même logique que pour le juge d'instruction, le projet de loi prévoit qu'il existe au moins un juge de l'application des peines par département et que la liste des tribunaux de grande instance dans lesquels il en existe est fixée par décret. En l'état du droit, des magistrats doivent être chargés de l'application des peines dans chaque tribunal.

À ce stade, vos rapporteurs n'ont pas jugé nécessaire de modifier ces dispositions modifiant le code de procédure pénale.

Votre commission a adopté l'article 53 ainsi modifié .

CHAPITRE II
AMÉLIORER LA COHÉRENCE
DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
AU NIVEAU DES COURS D'APPEL

Article 54 (supprimé)
Expérimentation dans deux régions de l'attribution de fonctions d'animation et de coordination à certains chefs de cour pour plusieurs cours d'appel
et de la spécialisation de certaines cours d'appel en matière civile

L'article 54 du projet de loi tend à prévoir l'expérimentation, dans deux régions et pour une durée de trois ans, de deux dispositions relatives aux cours d'appel : d'une part, la possibilité de désigner, au sein d'une même région, des chefs de cour ayant des fonctions d'animation et de coordination vis-à-vis des autres chefs de cour - en d'autres termes des chefs de cour « chefs de file », qui seraient désignés par décret - et, d'autre part, la possibilité de spécialiser par décret, au sein d'une même région aussi, des cours d'appel pour connaître de certains contentieux civils, « les plus complexes » selon l'exposé des motifs, dont la liste serait fixée par décret. La désignation de chefs de file parmi les chefs de cour viserait à « améliorer l'accès au service public de la justice » et à « favoriser la cohérence de son action, notamment vis-à-vis des services et administrations de l'État et des collectivités territoriales ».

Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice a évoqué la situation des cours d'appel, qui sont au nombre de trente en France métropolitaine, plusieurs comportant moins d'une vingtaine de magistrats du siège, comme l'illustre le tableau ci-après.

Emplois de magistrats localisés en 2016
dans les trente cours d'appel de France métropolitaine
(incluant les chefs de cour et les secrétaires généraux placés auprès d'eux)

Cours d'appel

Total
siège

Total
parquet

Total
cours d'appel

Paris

219

72

291

Aix-en-Provence

123

27

150

Versailles

79

18

97

Douai

75

19

94

Lyon

52

13

65

Rennes

48

12

60

Montpellier

46

9

55

Bordeaux

40

10

50

Toulouse

36

8

44

Amiens

33

7

40

Colmar

32

6

38

Nîmes

32

6

38

Grenoble

31

7

38

Rouen

31

7

38

Nancy

26

7

33

Metz

26

6

32

Poitiers

24

6

30

Caen

24

5

29

Pau

24

5

29

Orléans

22

6

28

Reims

21

6

27

Riom

20

5

25

Dijon

19

6

25

Angers

18

6

24

Chambéry

18

5

23

Besançon

17

6

23

Limoges

13

4

17

Agen

11

4

15

Bourges

11

4

15

Bastia

9

4

13

Total général

1 180

306

1 486

Source : commission des lois du Sénat

La mission a ainsi recommandé d'ouvrir le chantier de la réforme des cours d'appel, longtemps différée, en vue de constituer un nouveau modèle de cour d'appel, doté de la taille critique pour exercer avec compétence la mission de juge d'appel. Tout en estimant que la carte des régions administratives ne saurait dicter la carte des cours d'appel, elle a jugé nécessaire l'évolution du nombre et de la carte des cours d'appel, afin d'atteindre une taille critique suffisante pour chacune d'entre elles, le cas échéant avec des chambres détachées afin de maintenir les sites actuels, et de revoir les limites des ressorts pour assurer une plus grande cohérence avec la carte administrative. En effet, le ressort de neuf cours chevauche deux régions et celui d'une dixième en chevauche trois, ce qui porte atteinte au bon fonctionnement de l'institution judiciaire, notamment en matière de coordination avec les services de l'État.

Ainsi, en matière d'organisation judiciaire en appel, les enjeux de réforme consistent d'abord, selon vos rapporteurs, à assurer la cohérence du ressort des cours avec les limites administratives des régions, de façon à ce qu'aucun ressort ne soit partagé entre plusieurs régions, ce qui nuit à l'efficacité et à la crédibilité de l'action de l'institution judiciaire. Se pose ensuite la question de la taille critique de certaines cours, en partie liée à celle de l'étendue du ressort, compte tenu d'un faible effectif de magistrats. Ces sujets ne sont pas abordés dans le cadre de la présente réforme de la justice.

Outre qu'elle serait source de complexité d'organisation, sur ses deux volets, qu'elle ne présenterait qu'une faible utilité pour le justiciable et qu'elle créerait entre les chefs de cour une hiérarchisation qui n'aurait sans doute que peu d'effets concrets en termes d'amélioration du fonctionnement de la justice, une telle expérimentation ne correspond pas aux enjeux prioritaires.

Aussi votre commission a-t-elle supprimé cette expérimentation, en adoptant trois amendements COM-268, COM-96 et COM-150 respectivement de ses rapporteurs, de notre collègue Jacques Bigot au nom du groupe socialiste et républicain et de notre collègue Jean-Pierre Grand.

Votre commission a supprimé l'article 54.

CHAPITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 55
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance
pour tirer les conséquences de la suppression du tribunal d'instance
et de sa fusion au sein du tribunal de grande instance

L'article 55 du projet de loi tend à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, au titre de l'article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi afin de tirer les conséquences dans tous les codes et textes en vigueur de la suppression du tribunal d'instance, prévue par l'article 53 du projet de loi, et d'aménager, mettre en cohérence et modifier les dispositions en vigueur relatives à la compétence du tribunal de grande instance ou faisant référence au tribunal d'instance. Le délai d'habilitation est fixé à dix-huit mois à compter de la publication de la loi et le projet de loi de ratification devra être déposé dans les quatre mois de la publication de l'ordonnance.

Votre commission approuve cette habilitation, compte tenu du nombre important de coordinations dans l'ensemble du droit en vigueur nécessaires du fait du regroupement du tribunal d'instance et du tribunal de grande instance.

Elle a toutefois adopté un amendement COM-271 , à l'initiative de ses rapporteurs, afin de préciser l'habilitation et de se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la précision des habilitations, dans leur champ comme dans leurs finalités.

D'une part, par coordination avec les modifications qu'elle a apportées à l'article 53, elle a explicité le fait que cette habilitation portait non seulement sur les conséquences de la suppression du tribunal d'instance, mais également sur celles de la création concomitante du tribunal de première instance, ce qui ne constitue pas une extension du champ de l'habilitation.

D'autre part, elle a considéré que, s'il était possible d'habiliter le Gouvernement en vue d'« aménager » et « mettre en cohérence », par coordination, les dispositions en vigueur relatives à la compétence du tribunal de grande instance ainsi que celles relatives à l'institution, la compétence, l'organisation, le fonctionnement et les règles de procédure de toute juridiction lorsque celles-ci sont définies par référence au tribunal d'instance - par exemple le tribunal paritaire des baux ruraux -, il n'était pas possible de l'habiliter à simplement « modifier » l'ensemble de ces dispositions, sans aucune mention des finalités recherchées.

Par ailleurs, votre commission a adopté un amendement COM-287 de nature rédactionnelle présenté par ses rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 55 ainsi modifié .

Article 55 bis (nouveau)
(art. L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution)
Force exécutoire des actes dressés par un notaire exerçant
dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin,
au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement
d'une somme d'argent déterminable

Introduit par votre commission à l'initiative de notre collègue André Reichardt, par l'adoption de l' amendement COM-84 , qui avait reçu un avis de sagesse de la part de vos rapporteurs, l'article 55 bis du projet de loi vise à prévoir que constituent des titres exécutoires, les actes établis par un notaire exerçant dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminable.

Dans sa rédaction actuelle, le 1° de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, qui concerne les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, réserve cet effet aux actes qui portent sur une somme « déterminée ».

La modification apportée à cette disposition aurait pour effet de mettre en conformité le droit alsacien-mosellan avec les règles applicables sur le reste du territoire.

En effet, selon l'auteur de l'amendement, en droit commun, la délivrance d'une copie exécutoire peut être établie à la garantie du paiement d'une somme simplement déterminable.

Votre commission a adopté l'article 55 bis ainsi rédigé .

TITRE VII
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'ENTRÉE EN VIGUEUR ET
À L'APPLICATION OUTRE-MER

Article 56
Modalités particulières d'entrée en vigueur
de certaines dispositions du projet de loi

L'article 56 du projet de loi tend à préciser les conditions, en particulier les délais, d'entrée en vigueur de certaines dispositions en matière civile ou pénale ainsi qu'en matière d'organisation judiciaire. Ces conditions d'entrée en vigueur ont été évoquées au sein de chacun des articles concernés.

Votre commission a adopté trois amendements de ses rapporteurs pour ménager une entrée en vigueur différée de certaines dispositions du projet de loi ou pour assurer des coordinations avec des modifications ou ajouts résultant d'amendements adoptés à leur initiative, afin de préciser leurs conditions d'entrée en vigueur.

En premier lieu, elle a adopté un amendement COM-281 pour assurer la concomitance de l'entrée en vigueur de la réforme du tribunal de première instance et de l'extension de la représentation obligatoire, prévue par l'article 4 du projet de loi, ainsi que pour reporter au 1 er janvier 2021 l'entrée en vigueur de la procédure dématérialisée de règlement des petits litiges devant le tribunal de grande instance, prévue par l'article 13 du projet de loi.

En deuxième lieu, votre commission a adopté un amendement COM-273 par coordination avec l'introduction des articles 19 bis à 19 quater reprenant les dispositions de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017, relatives aux tribunaux de commerce.

L'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'élargissement du collège électoral des tribunaux de commerce et à l'attribution de compétence en matière de baux commerciaux est prévue au 1 er janvier 2020.

L'entrée en vigueur de l'extension des compétences des tribunaux de commerce à l'ensemble des entreprises en matière de difficultés des entreprises et de la dénomination de tribunal des affaires économiques est prévue au plus tard au 1 er janvier 2022, c'est-à-dire en même temps, par cohérence et dans un souci de simplicité, que l'extension des compétences aux artisans, prévue par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle à l'initiative du Sénat.

En troisième lieu, votre commission a adopté un amendement COM-230 afin de reporter au 1 er janvier 2020 l'entrée en vigueur des dispositions prévoyant l'inscription des amendes forfaitaires au casier judiciaire, au regard des développements informatiques nécessaires, de reporter d'un an l'entrée en vigueur de l'extension du champ d'application de l'ordonnance pénale, au regard de la nécessité de mettre à jour les applications Cassiopée et Natinf , et de reporter de trois mois l'entrée en vigueur de la réforme de l'appel dévolutif en matière correctionnelle, de façon à permettre aux justiciables d'anticiper cette évolution.

Votre commission a adopté l'article 56 ainsi modifié .

Article 57
(art. 11-4 [nouveau] de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile, art. 711-1 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale, art. L. 243-1, L. 243-2, L. 244-1, L. 244-2, L. 245-1 et L. 245-2 du code de la route, art. L. 3826-3 du code de la santé publique, art. 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et art. 44 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante)
Application dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française,
en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises
de certaines dispositions du projet de loi

L'article 57 du projet de loi tend à prévoir l'application de certaines dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Vos rapporteurs ont préféré opérer les modifications et coordinations nécessaires dans cet article au vu du texte adopté par la commission, par la voie d'amendements présentés en vue de la séance publique. En conséquence, à ce stade, votre commission n'a été saisie d'aucun amendement sur cet article.

Votre commission a adopté l'article 57 sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES
AU STATUT DE LA MAGISTRATURE

Article 1er A (nouveau)
(art. 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durées minimale et maximale d'affectation des magistrats
au sein d'une même juridiction

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-24 , l'article 1 er A du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale et une durée maximale d'affectation des magistrats au sein d'une même juridiction.

Il reprend l'article 2 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 392 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature serait modifié pour prévoir que les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années - innovation par rapport au droit en vigueur qui ne prévoit aucune durée minimale d'affectation - et plus de dix années dans la même juridiction, sans préjudice des durées maximales spécifiques déjà prévues par le droit en vigueur pour certaines fonctions qui resteraient inchangées 393 ( * ) .

Ces nouvelles règles seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019. Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles d'en découler, il est prévu qu'il puisse y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Quant aux magistrats nommés avant le 1 er septembre 2019 et ayant exercé leurs fonctions depuis au moins dix années dans la même juridiction à compter de cette même date, ils disposeraient d'un délai supplémentaire de trois années, à compter de cette date ou suivant l'expiration de leur dixième année d'affectation dans la même juridiction, pour s'acquitter de leur obligation de mobilité.

En complément, l'article 1 er B du projet de loi organique, également introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, prévoit la création d'un nouvel article 2-1 au sein de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, afin de déterminer les règles de mobilité des magistrats au terme de leur durée maximale d'affectation au sein d'une même juridiction, en instituant notamment les garanties nécessaires au respect du principe constitutionnel d'inamovibilité des magistrats du siège.

Ces nouvelles règles permettraient ainsi, conformément à l'objectif à valeur constitutionnelle d'une bonne administration de la justice, d'améliorer le fonctionnement des juridictions et la qualité de leurs décisions, en assurant à la fois la stabilité et le renouvellement de leurs effectifs.

Comme l'a relevé le Conseil supérieur de la magistrature, dans son rapport d'activité pour l'année 2016 394 ( * ) , les juridictions connaissent en effet à la fois un fort turn over des magistrats - concernant près de 20 % des postes chaque année au cours des trois années précédentes - et le maintien de certains d'entre eux « très longtemps dans le même poste, dans la même juridiction notamment au siège ».

Votre commission a adopté l'article 1 er A ainsi rédigé .

Article 1er B (nouveau)
(art. 2-1 [nouveau] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Règles de mobilité des magistrats au terme de leur durée maximale d'affectation au sein d'une même juridiction

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-25 , l'article 1 er B du projet de loi organique a pour objet de fixer les règles de mobilité des magistrats au terme de leur durée maximale d'affectation au sein d'une même juridiction.

Il reprend l'article 3 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 395 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

Le dispositif retenu s'inspire des règles applicables aux conseillers référendaires et avocats généraux référendaires à la Cour de cassation, prévues à l'article 28-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui avaient été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel 396 ( * ) .

Neuf mois au plus tard avant la fin de la dixième année d'exercice de leurs fonctions, les magistrats soumis à l'obligation de mobilité prévue par l'article 1 er A du projet de loi organique devraient faire connaître au garde des sceaux leur souhait d'affectation, à niveau hiérarchique égal, dans trois juridictions au moins appartenant à des ressorts de cour d'appel différents. Le garde des sceaux, pourrait inviter les intéressés, six mois au plus tard avant la fin de la dixième année d'exercice de leurs fonctions, à présenter trois autres demandes. À l'expiration de la dixième année d'exercice de leurs fonctions, les intéressés seraient alors nommés dans l'une des fonctions demandées, au besoin en surnombre.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Serait ainsi assurée une conciliation équilibrée entre plusieurs exigences essentielles : respecter le principe constitutionnel de l'inamovibilité des magistrats du siège, énoncé au dernier alinéa de l'article 64 de la Constitution ; assurer la mobilité de l'ensemble des magistrats, dans l'objectif à valeur constitutionnelle d'une bonne administration de la justice ; prendre en compte les souhaits d'affectation des intéressés.

Votre commission a adopté l'article 1 er B ainsi rédigé .

Article 1er
(art. 3 et 3-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Suppression des fonctions de premier vice-président
chargé du service d'un tribunal d'instance

L'article 1 er du projet de loi organique vise à tirer les conséquences de la suppression du tribunal d'instance prévue par le projet de loi en supprimant, dans l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les fonctions de premier vice-président chargé du service d'un tribunal d'instance.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-17 de nature rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Articles 1er bis et 1er quinquies (nouveaux)
(art. 3-2 et 21-2 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

Introduits par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption des amendements COM-15 et COM-16 , les articles 1 er bis et 1 er quinquies du projet de loi organique reprennent les articles 4 et 7 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice, présentée par notre collègue Philippe Bas, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 397 ( * ) . Les articles 4 et 7 de la proposition de loi organique précitée étaient la traduction de la proposition n° 94 du rapport de la mission d'information constituée par votre commission sur le redressement de la justice 398 ( * ) .

Les articles 1 er bis et 1 er quinquies du projet de loi organique visent à mettre en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou pour la préparation de décisions complexes. Ainsi, le magistrat en charge de l'affaire, qui seul endosserait la responsabilité du jugement, bénéficierait d'un renfort précieux pour préparer sa décision et le jeune magistrat, qui se verrait confier le traitement d'une partie de l'affaire, pourrait quant à lui parfaire sa formation.

L'article 1 er bis concerne les magistrats en poste depuis moins de trois ans. Le président de la juridiction pourrait leur demander de prêter leur concours au magistrat en charge d'une affaire dont la nature le justifierait, de par sa complexité par exemple.

Quant à l'article 1 er quinquies , il prévoit que des auditeurs de justice pourraient être nommés en premier poste auprès d'un magistrat du siège exerçant ses fonctions au sein d'une juridiction qui détient des compétences particulières ou au sein d'une juridiction spécialisée. L'objectif de cette disposition est de créer, pour les magistrats du siège, des pôles d'excellence sur le modèle de ce qui existe déjà, pour les magistrats du parquet, avec les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

Vos rapporteurs estiment que les dispositions proposées apporteraient un début de solution à la problématique de l'isolement de nombreux jeunes magistrats du siège, à la sortie de l'École nationale de la magistrature, en promouvant une forme utile de tutorat.

Votre commission a adopté les articles 1 er bis et 1 er quinquies ainsi rédigés .

Article 1er ter (nouveau)
(art. 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Articulation entre les critères de nomination et d'évaluation
des chefs de juridiction

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-26 , l'article 1 er ter du projet de loi organique a pour objet de prévoir la prise en compte, lors de l'évaluation des chefs de juridiction, des critères devant présider à leur nomination et à celle des chefs de cour.

Il reprend l'article 5 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 399 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que l'activité professionnelle de chaque magistrat fait l'objet d'une évaluation tous les deux ans. L'autorité qui procède à l'évaluation doit prendre en compte les conditions d'organisation et de fonctionnement du service dans lequel le magistrat exerce ses fonctions. S'agissant des chefs de juridiction, l'évaluation doit apprécier, outre leurs qualités juridictionnelles, leur capacité à gérer et à animer une juridiction 400 ( * ) .

Ces dispositions seraient complétées pour prévoir la prise en compte, lors de l'évaluation des chefs de juridiction nommés à compter du 1 er septembre 2019, des critères de nomination des chefs de cour et de juridiction prévus aux articles 1 er septies et 2 ter du projet de loi organique, introduits par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs 401 ( * ) : qualités juridictionnelles, aptitude à exercer des fonctions d'encadrement et à conduire des projets, à conduire et à animer le dialogue social, à dialoguer avec l'ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la juridiction, ainsi qu'avec les services de l'État, à représenter l'institution judiciaire...

Votre commission a adopté l'article 1 er ter ainsi rédigé .

Article 1er quater (nouveau)
(art. 14 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-27 , l'article 1 er quater du projet de loi organique a pour objet d'instituer une obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction.

Il reprend l'article 6 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 402 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 14 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature énonce le principe selon lequel les magistrats sont soumis à une obligation de formation continue, devant être organisée par l'École nationale de la magistrature dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'État.

Ces dispositions seraient complétées pour faire obligation aux magistrats nommés à des fonctions de chef de cour ou de juridiction de suivre, au plus tard dans les six mois suivant leur installation, une formation spécifique à l'exercice de leurs fonctions, ayant pour objet le développement des compétences d'encadrement, d'animation et de gestion au sein d'une juridiction. Cette formation serait organisée par l'École nationale de la magistrature, dans les conditions et selon un programme fixés par décret.

Votre commission a adopté l'article 1 er quater ainsi rédigé .

Article 1er sexies (nouveau)
(art. 28 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale d'exercice des fonctions de conseiller référendaire
ou d'avocat général référendaire à la Cour de cassation

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-28 , l'article 1 er sexies du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale d'exercice des fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire à la Cour de cassation.

Il reprend l'article 8 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 403 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 28 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature serait modifié afin d'instituer une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de conseiller référendaire et d'avocat général référendaire à la Cour de cassation. Les dispositions actuelles qui limitent à dix années la durée maximale d'exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle durée minimale d'exercice des fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire à la Cour de cassation, il est prévu qu'il puisse y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Votre commission a adopté l'article 1 er sexies ainsi rédigé .

Article 1er septies (nouveau)
(art. 28-1 A et 28-1 B [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270
du 22 décembre 1958 portant loi organique
relative au statut de la magistrature)
Critères de nomination des chefs de juridiction

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-29 , l'article 1 er septies du projet de loi organique a pour objet d'instituer de nouveaux critères de nomination des chefs de juridiction, afin notamment de prendre davantage en compte les compétences d'administration et d'encadrement.

Il reprend pour partie 404 ( * ) les articles 14 et 15 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 405 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

En application du nouvel article 28-1 A de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il reviendrait à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour arrêter chaque proposition de nomination de président de tribunal de grande instance d'apprécier spécialement une série de neuf critères, parmi lesquels les qualités juridictionnelles des intéressés mais également leur aptitude à exercer des fonctions d'encadrement et à conduire des projets, à collaborer avec l'autre chef de juridiction, à conduire et à animer le dialogue social, à dialoguer avec l'ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la juridiction, ainsi qu'avec les services de l'État, ou encore à représenter l'institution judiciaire...

Des critères similaires seraient prévus, au sein d'un nouvel article 28-1 B de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, pour l'avis que la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature doit donner sur les propositions de nomination du garde des sceaux aux fonctions de procureur de la République près un tribunal de grande instance.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Votre commission a adopté l'article 1 er septies ainsi rédigé .

Article 1er octies (nouveau)
(art. 28-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction,
pour les magistrats du premier grade

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-30 , l'article 1 er octies du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats du premier grade 406 ( * ) .

Il reprend l'article 9 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 407 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 28-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature serait modifié afin d'instituer une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de président et de procureur de la République d'un même tribunal de grande instance ou de première instance, pour les magistrats du premier grade. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction, il est prévu qu'il puisse y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Votre commission a adopté l'article 1 er octies ainsi rédigé .

Article 2
(art. 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Suppression de la fonction spécialisée de juge d'instance
et introduction d'une durée minimale de quatre années pour l'exercice
des fonctions spécialisées dans la même juridiction

L'article 2 du projet de loi organique vise à supprimer, par cohérence avec la suppression du tribunal d'instance prévue par le projet de loi, la fonction spécialisée de juge d'un tribunal de grande instance chargé du service d'un tribunal d'instance, plus couramment appelé juge d'instance. Il modifie à cette fin l'article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui énumère les différentes fonctions spécialisées : juge des libertés et de la détention, juge d'instruction, juge des enfants, juge de l'application des peines et juge d'instance.

Vos rapporteurs ont formulé leurs observations sur la suppression du juge d'instance dans le cadre du commentaire de l'article 53 du projet de loi.

Par coordination, à l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-31 visant à introduire le principe d'une durée minimale de quatre années pour l'exercice des fonctions spécialisées dans la même juridiction, sans modifier les dispositions actuelles qui limitent à dix années la durée maximale d'exercice de ces fonctions. Elle a également prévu la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. Cet amendement reprend les dispositions de l'article 10 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017.

Alors que la durée minimale habituelle retenue par votre commission est de trois ans, la durée minimale de quatre années prévue pour l'exercice des fonctions spécialisées dans une même juridiction se justifie par la nécessité d'un investissement plus fort pour l'entrée dans ces fonctions et l'appropriation des dossiers, en particulier dans les fonctions de cabinet que sont celles de juge d'instruction et de juge des enfants.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis (nouveau)
(art. 37 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale d'exercice des fonctions
de premier président d'une même cour d'appel

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-32 , l'article 2 bis du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale d'exercice des fonctions de premier président d'une même cour d'appel.

Il reprend l'article 11 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 408 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 37 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature serait modifié afin d'instituer une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de premier président d'une même cour d'appel. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle durée minimale d'exercice des fonctions de chef de cour, il est prévu qu'il puisse y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Votre commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé .

Article 2 ter (nouveau)
(art. 37-1 A et 38-1-1 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270
du 22 décembre 1958 portant loi organique
relative au statut de la magistrature)
Critères de nomination des chefs de cour

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-33 , l'article 2 ter du projet de loi organique a pour objet d'instituer de nouveaux critères de nomination des chefs de cour, afin notamment de prendre davantage en compte les compétences d'administration et d'encadrement.

Il reprend pour partie 409 ( * ) les articles 14 et 15 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 410 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

En application d'un nouvel article 37-1 A de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il reviendrait à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour arrêter chaque proposition de nomination de premier président de cour d'appel d'apprécier spécialement une série de dix critères, parmi lesquels les qualités juridictionnelles des intéressés mais également leur expérience antérieure d'une ou plusieurs fonctions d'animation et de gestion, ainsi que leur aptitude à exercer des fonctions d'encadrement et à conduire des projets, à collaborer avec l'autre chef de cour, à conduire et à animer le dialogue social, à assurer le rôle d'inspection, de contrôle et d'évaluation des juridictions du ressort de la cour d'appel, à dialoguer avec l'ensemble des auxiliaires de justice du ressort de la cour d'appel, ainsi qu'avec les services de l'État ou encore à représenter l'institution judiciaire...

Des critères similaires seraient prévus, au sein d'un nouvel article 38-1-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, pour l'avis que la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature doit donner sur les propositions de nomination du garde des sceaux aux fonctions procureur général près une cour d'appel.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Votre commission a adopté l'article 2 ter ainsi rédigé .

Article 2 quater (nouveau)
(art. 38-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale d'exercice des fonctions
de procureur général près une même cour d'appel

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-34 , l'article 2 quater du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale d'exercice des fonctions de procureur général près une même cour d'appel.

Il reprend l'article 12 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 411 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 38-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature serait modifié afin d'instituer une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de procureur général près une même cour d'appel. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle durée minimale d'exercice des fonctions de chef de cour, il est prévu qu'il puisse y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Votre commission a adopté l'article 2 quater ainsi rédigé .

Article 2 quinquies (nouveau)
(art. 38-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction,
pour les magistrats hors hiérarchie

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-35 , l'article 2 quinquies du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats hors hiérarchie 412 ( * ) .

Il reprend l'article 13 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017 à l'initiative de notre collègue Philippe Bas 413 ( * ) , président de votre commission, avec pour fondement l'article 64 de la Constitution, à l'instar d'autres dispositions du projet de loi organique déposé par le Gouvernement.

L'article 38-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature serait modifié afin d'instituer une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de président ou de procureur de la République d'un même tribunal de grande instance ou de première instance, pour les magistrats hors hiérarchie. Les dispositions actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces mêmes fonctions resteraient inchangées.

Pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de cette nouvelle durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction, il est prévu qu'il puisse y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Ces dispositions seraient applicables aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2019.

Votre commission a adopté l'article 2 quinquies ainsi rédigé .

Article 3
(art. 41-10 A de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Impossibilité pour une formation collégiale du tribunal de première instance
de comporter une majorité de magistrats à titre temporaire à temps partiel

L'article 3 du projet de loi organique vise à préciser que les magistrats à titre temporaire à temps partiel ne peuvent être majoritaires dans une formation collégiale de leur juridiction. Plusieurs de ces magistrats peuvent donc siéger dès lors qu'ils restent minoritaires, conformément aux exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Cette disposition utile n'appelle pas d'observations de la part de vos rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4
(art. 41-10 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Possibilité pour les magistrats à titre temporaire d'exercer leurs fonctions dans les chambres détachées du tribunal de première instance

L'article 4 du projet de loi organique vise à tirer les conséquences de la suppression du tribunal d'instance par le projet de loi, pour les magistrats à titre temporaire, en prévoyant que ceux-ci peuvent être nommés, non pas dans les fonctions de juge d'instance, comme c'est possible aujourd'hui, mais dans une chambre détachée d'un tribunal de grande instance.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-18 visant à procéder à une coordination concernant la création du tribunal de première instance dans le projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5
(art. 41-11 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Coordinations avec la suppression du tribunal d'instance
dans le régime des magistrats à titre temporaire

L'article 5 du projet de loi organique vise à assurer des coordinations avec la suppression du tribunal d'instance, prévue par le projet de loi, dans le régime des magistrats à titre temporaire, concernant leur répartition dans les services de la juridiction. De plus, la règle selon laquelle ils ne peuvent assurer plus du tiers des services du tribunal dans lequel ils sont affectés serait étendue aux chambres détachées du tribunal de grande instance.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-19 visant à procéder à une coordination concernant la création du tribunal de première instance dans le projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6
(art. 41-14 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Coordination avec la suppression du tribunal d'instance
dans le régime des magistrats à titre temporaire

L'article 6 du projet de loi organique vise à assurer une coordination avec la suppression du tribunal d'instance, prévue par le projet de loi, dans le régime des magistrats à titre temporaire en matière de gestion par le chef de juridiction des conflits d'intérêts potentiels.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7
(art. 41-26 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Possibilité pour une formation collégiale de la cour d'appel ou du tribunal de première instance de comporter plusieurs magistrats honoraires

L'article 7 du projet de loi organique vise à supprimer la règle selon laquelle la formation collégiale, en première instance comme en appel, ne peut comprendre plus d'un magistrat honoraire en qualité d'assesseur. Néanmoins, en vertu des exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ces magistrats ne pourront pas être majoritaires au sein de la formation.

Cette disposition utile n'appelle pas d'observations de la part de vos rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 7 bis (nouveau)
(art. 2, 3, 3-1, 12-1, 13, 28, 28-2, 28-3, 32, 38-2, 41-10, 41-13, 41-14, 41-25, 41-26, 41-28, 41-29, 72-3 et 76-1-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature)
Coordinations concernant la création du tribunal de première instance

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-20 , l'article 7 bis du projet de loi organique vise à procéder, dans l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, aux coordinations non réalisées dans les articles précédents et rendues nécessaires par la création du tribunal de première instance dans le projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 7 bis ainsi rédigé .

TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 8 A (nouveau)
(art. 1er, 2, 4-1 et 15 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994
sur le Conseil supérieur de la magistrature)
Coordinations concernant la création du tribunal de première instance

Introduit par votre commission à l'initiative de ses rapporteurs, par l'adoption de l' amendement COM-21 , l'article 8 A du projet de loi organique vise à procéder, dans la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, aux coordinations rendues nécessaires par la création du tribunal de première instance dans le projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 8 A ainsi rédigé .

Article 8
(art. 9 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République et art. 1er de la loi organique n° 2016-1047 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France)
Coordinations concernant la fusion des tribunaux d'instance de Paris
et la création du tribunal de première instance

L'article 8 du projet de loi organique vise à tirer les conséquences de la fusion des vingt tribunaux d'instance d'arrondissement de Paris en un seul tribunal d'instance, installé dans le nouveau palais de justice de Paris.

La fusion des tribunaux d'instance parisiens a été réalisée par le décret n° 2017-1643 du 30 novembre 2017 relatif à la création du tribunal d'instance de Paris et à la suppression des vingt tribunaux d'instance d'arrondissement.

En outre, l'article 8 du projet de loi organique vise à procéder, dans la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, tant dans sa version en vigueur que dans sa version ultérieure, aux coordinations rendues nécessaires par la suppression dans le projet de loi du tribunal d'instance. En l'espèce, le tribunal d'instance de Paris est compétent pour connaître des contestations relatives aux inscriptions d'un électeur sur le registre des Français établis hors de France.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-22 rectifié bis visant à procéder à une correction légistique et à une coordination concernant la création du tribunal de première instance dans le projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9
Expérimentation du tribunal criminel départemental

L'article 9 du projet de loi organique procède à une coordination avec l'article 42 du projet de loi qui prévoit d'expérimenter, pendant trois ans, un tribunal criminel départemental.

Le projet de loi prévoit que les fonctions d'assesseur dans ce tribunal criminel pourraient être assurées par des magistrats à titre temporaire 414 ( * ) ainsi que par des magistrats honoraires.

L'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ne prévoyant pas cette possibilité, il est nécessaire de la mentionner dans la loi organique. Dans la mesure où il s'agit d'une expérimentation, il n'est pas proposé, à ce stade de modifier l'ordonnance de 1958.

Votre commission a adopté l'article 9 sans modification .

Article 10
Conditions d'entrée en vigueur différée
de certaines dispositions du projet de loi organique

L'article 10 du projet de loi organique vise à préciser, par cohérence avec le projet de loi, que les dispositions du texte relatives à la suppression du tribunal d'instance et, compte tenu des modifications apportées par votre commission, à la création du tribunal de première instance entrent en vigueur à compter du 1 er janvier 2020.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-23 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

*

Votre commission a adopté le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

(MERCREDI 3 OCTOBRE 2018)

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Ce n'est évidemment pas la première fois que nous sommes saisis d'un projet de loi réformant la justice. La dernière fois, c'était il y a deux ans seulement, avec la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle, mais peut-être l'avons-nous déjà oublié...

Alors que les réformes de la justice se succèdent, généralement sans s'appuyer sur des études d'impact suffisantes, la situation de la justice ne s'améliore guère, car le problème de fond est d'abord celui des moyens. Force est de reconnaître que ce projet de loi aborde cette question, avec une programmation budgétaire, comme cela avait été le cas en 2002 dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

À l'issue des très nombreuses auditions que François-Noël Buffet et moi avons effectuées en juillet et en septembre, force est de constater que ce projet de loi reste en-deçà de nos attentes. Sur un certain nombre de points, il est inabouti ou se limite à la recherche de nouvelles économies dans les juridictions. Il faut néanmoins reconnaître que, outre le renforcement des moyens, ce texte contient de nombreuses mesures intéressantes. Même si nous sommes en partie déçus, nous ne devons pas être trop sévères.

Je ne développe pas le constat, il est connu de tous : une hausse régulière des crédits, qui ne s'est pas accompagnée d'une amélioration du fonctionnement de nos tribunaux et de nos prisons ; une accumulation de réformes déstabilisantes et souvent sous-financées ; un mauvais classement du système judiciaire français en Europe en termes d'effort budgétaire public pour la justice ; des délais de jugement qui s'allongent ; une embolie des juridictions civiles et pénales ; une informatique judiciaire défaillante ; des vacances de postes endémiques, même si la situation se redresse aujourd'hui ; un système illisible d'exécution des peines, qui conduit à ce que souvent la peine exécutée ne soit pas la peine prononcée, et néanmoins une surpopulation carcérale chronique, nos prisons comptant 70 164 détenus pour 59 875 places au 1 er septembre 2018.

En un mot, notre justice souffre d'un manque d'investissement prolongé.

Ce constat, je le connais bien, en ma qualité de rapporteur pour avis des crédits de la justice depuis de nombreuses années, tout comme notre commission, puisqu'il a été dressé de façon très complète dans le rapport, présenté le 4 avril 2017, de la mission d'information sur le redressement de la justice présidée par Philippe Bas.

Les différentes pistes de réforme, en dehors de la seule hausse des moyens, sont connues également. Ces dernières années, de nombreuses préconisations claires et précises ont été faites sur l'organisation des juridictions, le rôle du juge ou encore la réforme de la procédure civile, de la procédure pénale ou du droit des peines, que ce soit à l'occasion des travaux sur la justice du XXI e siècle, en 2013, dans le Livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire de notre ancien collègue Jean-René Lecerf ou encore dans notre rapport d'information sur le redressement de la justice en avril 2017. Ce rapport, qui comportait 127 recommandations, a fait référence dans les milieux judiciaires.

Sur l'initiative de Philippe Bas, le Sénat a apporté sa contribution déterminée à cet effort de réforme en adoptant, le 24 octobre 2017, sur le rapport de Jacques Bigot et François-Noël Buffet, une proposition de loi d'orientation et de programmation et une proposition de loi organique pour le redressement de la justice, tirant les conséquences des préconisations de la mission d'information pour ce qui relevait de la compétence du législateur. François-Noël Buffet et moi avons travaillé sur cette base pour préparer nos amendements.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement ait attendu le 20 avril 2018 pour nous présenter le projet de loi de programmation pour les années 2018 à 2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions qui en est l'accessoire. Il est vrai que la garde des sceaux, en dépit de l'abondante matière à sa disposition pour élaborer sa réforme, a voulu procéder à une nouvelle concertation, avec les « chantiers de la justice ».

Nous pouvons enfin débattre aujourd'hui de cette réforme tant attendue de la justice.

Les textes qui nous sont proposés portent sur cinq grands thèmes : la programmation budgétaire, la justice civile, la procédure pénale, l'exécution des peines et l'organisation judiciaire, auxquels il faut ajouter les dispositions additionnelles plus ponctuelles que nous vous proposerons, directement reprises des propositions de loi adoptées en octobre 2017 sur l'aide juridictionnelle, les tribunaux de commerce et la mobilité des magistrats notamment.

Je commencerai par présenter nos observations et nos propositions sur la question budgétaire, incluant l'aide juridictionnelle, aujourd'hui totalement absente du texte, et sur la justice civile, puis François-Noël Buffet interviendra sur la procédure pénale, l'exécution des peines, l'organisation judiciaire et les tribunaux de commerce. Nous pourrons aborder les sujets plus ponctuels par la suite, lors de la discussion des amendements.

Pour la programmation budgétaire, le projet de loi reprend purement et simplement les chiffres déjà votés dans la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Nous arrivons en quelque sorte après la bataille, car les arbitrages budgétaires pluriannuels ont déjà eu lieu l'année dernière.

Le projet de loi prévoit de porter les crédits de paiement de 7 milliards d'euros en 2018 à 8,3 milliards d'euros en 2022, hors charges de pensions. Nous vous proposerons de reprendre la trajectoire budgétaire déjà adoptée par le Sénat dans la proposition de loi de Philippe Bas en 2017, qui prévoyait une hausse des crédits de 5 % par an en moyenne, là où celle du Gouvernement est en-deçà de 4 %, pour atteindre 9 milliards d'euros. Cette hausse des crédits inclurait la création de 13 700 emplois, là où le Gouvernement en prévoit 6 500, ce qui supposera un effort de recrutement et de renforcement de l'attractivité des carrières du ministère de la justice.

Dans le champ budgétaire, nous pouvons également évoquer l'engagement de numérisation de la justice, qui n'est pas directement de la compétence du législateur, mais qui suppose une mise à niveau des capacités du ministère de la justice dans le pilotage des projets informatiques. Le Gouvernement annonce un engagement de 540 millions d'euros sur cinq ans. Ce chantier ne doit pas se faire au détriment de l'accès à la justice des personnes les plus fragiles, compte tenu de la fracture numérique. Nous en parlerons tout à l'heure concernant la dématérialisation de certaines procédures devant le tribunal de grande instance.

En matière d'aide juridictionnelle, nous vous proposerons d'intégrer les dispositions qui figuraient dans la proposition de loi de Philippe Bas. Plusieurs dispositions du projet de loi ont d'ailleurs un impact sur le budget de l'aide juridictionnelle, structurellement sous-financé. Ces ajouts concerneront notamment le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique en première instance, modulable de 20 euros à 50 euros, et l'obligation de consultation préalable d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle, afin d'apprécier le bien-fondé de la demande en justice que cette aide viendrait financer.

J'en viens au volet relatif à la justice civile. Sur ce volet, le texte contient à la fois des mesures intéressantes et utiles et des mesures un peu décevantes, qui semblent être guidées par la recherche de nouvelles économies, notamment par la déjudiciarisation.

En premier lieu, dans la continuité des réformes précédentes, le texte prévoit d'encourager davantage les modes alternatifs de règlement des litiges, notamment avec une extension de la tentative de résolution amiable obligatoire pour les petits litiges, avant la saisine du juge en première instance, et l'encadrement des sites internet proposant des services en ligne de résolution amiable des litiges. En l'absence de bilan sur l'instauration de la tentative de résolution amiable obligatoire depuis 2016, nous vous proposerons de supprimer son extension.

Pour les sites internet, nous vous proposerons de renforcer les exigences, d'imposer une certification obligatoire et d'inclure dans le dispositif les services en ligne d'aide à la saisine des juridictions, qui ne doivent pas remettre en cause le rôle des avocats en matière d'assistance et de représentation en justice.

Encourager la résolution amiable est utile, en particulier pour les litiges de faible enjeu financier qui n'iraient peut-être pas devant le juge, et pour les litiges opposant des personnes appelées à continuer à se côtoyer, mais lui conférer un caractère obligatoire trop systématique peut faire débat. De plus, la progression du nombre des conciliateurs de justice bénévoles est lente et les médiateurs ne sont pas assez nombreux. En outre, il faut les rémunérer.

En deuxième lieu, le projet de loi prévoit d'étendre la représentation obligatoire par avocat. Cela ne nous paraît pas pertinent pour les tribunaux paritaires des baux ruraux et pour les tribunaux de commerce.

En troisième lieu, le projet de loi prévoit une série de mesures de déjudiciarisation. Certains actes ou certaines missions seraient transférées à d'autres acteurs que l'institution judiciaire, par exemple : le recueil du consentement en matière d'assistance médicale à la procréation pour les notaires, la révision à titre expérimental des pensions alimentaires pour les caisses d'allocations familiales, la gestion des saisies sur rémunération et des consignations pour frais d'expertise à la Caisse des dépôts et consignations ou encore la délivrance des apostilles aux notaires. Nous vous proposerons de supprimer ou de restreindre certains de ces transferts, qui représenteraient dans certains cas un coût nouveau pour les justiciables concernés.

En quatrième lieu, le projet de loi propose de supprimer certaines interventions du juge présentées comme n'ayant pas de valeur ajoutée, par exemple l'homologation des changements de régime matrimonial en présence d'enfants mineurs, ce qui ne nous paraît pas une bonne idée, ou le contrôle de certains actes de gestion en matière de tutelle. De même, la suppression de la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux ne nous semble pas pertinente, cette phase étant utile pour les parties.

En cinquième lieu, le projet de loi prévoit de rendre possibles les procédures sans audience devant le tribunal de grande instance, avec l'accord des parties, ainsi que les procédures dématérialisées. L'idée de procédure sans audience est intéressante, car, en pratique, la procédure se passe souvent sur la base des échanges de conclusions écrites entre avocats, mais il faut pouvoir revenir à la procédure ordinaire si c'est nécessaire. Nous vous proposerons de mieux encadrer ces dispositifs. Le texte prévoit également de créer une juridiction nationale spécialisée pour traiter les injonctions de payer, de façon uniquement dématérialisée, ce qui pose problème.

En sixième lieu, en matière de protection juridique des majeurs, outre les mesures déjà évoquées, le projet de loi prévoit de décharger les directeurs de greffe des tribunaux d'instance de la responsabilité de contrôler les comptes de gestion des tutelles. Cette réforme de fond conduirait de facto à la suppression de tout contrôle dans la plupart des cas, lorsqu'il n'existe pas de contrôle par un autre organe interne de la tutelle que le tuteur (subrogé tuteur ou conseil de famille) ou lorsque le patrimoine ne justifie pas l'intervention d'un professionnel, en particulier un expert-comptable, innovation prévue par le texte. Nous vous proposerons de conserver par défaut un contrôle par les greffes comme actuellement, dans l'intérêt des personnes vulnérables concernées, en comptant sur la progression des effectifs des greffes prévue dans la programmation budgétaire pour renforcer ce contrôle. L'établissement de l'inventaire du patrimoine de la personne sous tutelle serait également revu, avec la possibilité de désigner un professionnel à cette fin.

Plus globalement, sur la protection juridique des majeurs, le Gouvernement vient de recevoir le rapport de la mission confiée à Mme Anne Caron-Déglise, qui recommande une réforme globale. Il est regrettable que nous ne soyons pas saisis d'un projet de loi spécifique, comme pour la réforme de 2007. Le Gouvernement a déposé de nouveaux amendements sur le sujet, sans toujours suivre les recommandations de cette mission d'ailleurs, et un reliquat pourrait être traité dans le futur projet de loi sur la dépendance. La méthode n'est pas très satisfaisante, alors que l'enjeu est fondamental pour nos concitoyens.

En septième lieu, plusieurs dispositions concernent la justice familiale. Outre celles que j'ai déjà évoquées, sur le divorce notamment, on peut mentionner la faculté de demander l'exécution forcée des décisions du juge aux affaires familiales en matière d'autorité parentale. La mise en oeuvre de cette mesure serait selon nous assez problématique.

Vous le voyez, le volet civil du texte contient des mesures assez disparates.

J'ajoute que la réforme de la justice civile devrait comporter un important volet réglementaire. Certaines des mesures envisagées pourraient être plus importantes que celles dont nous avons à connaître aujourd'hui. Ce serait le cas, en particulier, de la suppression du caractère suspensif de l'appel et de l'exécution provisoire par principe des décisions de première instance. Une telle évolution soulève de sérieuses questions compte tenu des conditions dans lesquelles la justice est rendue en première instance. Sont également étudiées la mise en place d'un mode unique de saisine des juridictions et la dématérialisation des procédures de façon plus générale. À cet égard, on peut s'interroger sur l'intérêt qu'il y aurait à inclure les principes fondamentaux de la procédure civile dans le domaine de la loi, afin que de tels débats aient lieu devant le Parlement. Je ne sais pas ce qu'en pense François Pillet, qui a peut-être déjà réfléchi à la question dans le cadre de la révision constitutionnelle.

Le projet de loi traite également de plusieurs questions relatives à la publicité des décisions de justice, sous l'angle de la protection de la vie privée : l' open data des décisions de justice, le droit d'obtenir copie des décisions de justice et la publicité des débats et du prononcé des jugements en matière civile. Ces dispositions s'inspirent des recommandations de la mission du professeur Loïc Cadiet, qui portait principalement sur l' open data .

La mise à disposition du public des décisions de justice à titre gratuit en vue de permettre leur réutilisation a été instaurée par la loi de 2016 pour une République numérique, dont le rapporteur était Christophe-André Frassa. Le projet de loi nous semble réduire la protection de la vie privée des personnes citées dans les décisions par rapport à la rédaction votée en 2016, qui était déjà un compromis. Nous vous proposerons donc de relever le niveau d'exigence en nous inspirant de la proposition de loi de Philippe Bas et de prévoir l'occultation par principe de toutes les mentions nominatives, y compris pour les magistrats, afin d'éviter le risque de « profilage ». Nous vous proposerons enfin d'apporter quelques corrections aux autres dispositions.

Le projet de loi comporte aussi quelques dispositions ponctuelles concernant les juridictions administratives, qui ne soulèvent pas de difficultés particulières.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Pour ma part j'évoquerai la partie relative au droit pénal, mais également les éléments qu'Yves Détraigne et moi avons souhaité ajouter au texte, lesquels sont issus de la proposition de loi que nous avions votée au mois d'octobre 2017, concernant le tribunal de commerce et son évolution. Je dirai quelques mots également sur le parcours et le statut des magistrats, singulièrement pour répondre à la question de la mobilité.

Ce texte, qui vise à renforcer les pouvoirs d'enquête dans la procédure pénale, offre des garanties qui nous paraissent, en tous les cas à ce stade, insuffisantes pour les libertés. Il comporte d'ailleurs des mesures très variées en matière de procédure pénale.

Dans le cadre des enquêtes, au nom de la simplification de la procédure pénale, le projet de loi contribue à une banalisation des atteintes aux libertés individuelles par un recours accru à des techniques coercitives et plus intrusives dans la vie privée - la géolocalisation, les enquêtes sous pseudonyme, l'interception judiciaire, la sonorisation, les IMSI-catchers ... - , sans exiger nécessairement l'autorisation préalable d'une autorité judiciaire, au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce sont les dispositions des articles 27 à 29. Une telle évolution traduirait une réduction nette des garanties pour certaines libertés individuelles. Seraient ainsi concernés les délits punis seulement de trois ou cinq ans d'emprisonnement. Ces techniques d'enquête sont réservées jusqu'à présent à la lutte contre le terrorisme ou à la lutte contre la criminalité organisée. En pratique, les services d'enquête auraient à leur disposition des techniques de plus en plus attentatoires aux libertés, dont ils pourraient prendre l'initiative, avec validation par le parquet, lequel peine à toujours assurer pleinement la direction de la police judiciaire et le contrôle des enquêtes, ou bien par le juge des libertés et de la détention, qui ne dispose pas des moyens humains et matériels pour constituer une garantie de contrôle à la hauteur des atteintes portées.

Le projet de loi prévoit d'étendre les pouvoirs des enquêteurs sans que, là encore, soient toujours prévues les garanties suffisantes : extension de la durée de l'enquête de flagrance, extension des possibilités de perquisition à la plupart des délits et possibilités de pénétrer dans un domicile hors du cadre des perquisitions.

Le texte comporte plusieurs mesures d'ajustement en matière de garde à vue, mais la présentation au procureur deviendrait facultative pour une prolongation de garde à vue, alors qu'elle est obligatoire à ce jour, ce qui nous semble problématique.

Ainsi, nous nous interrogeons sur l'équilibre dans la procédure pénale qui résulterait de telles modifications. Une telle évolution n'est pas sans soulever des interrogations de nature constitutionnelle. Si nous approuvons l'affirmation du rôle du parquet et le renforcement de l'efficacité des enquêtes, nous considérons que cela ne saurait conduire à renoncer à des garanties de procédure. Un équilibre doit être préservé entre l'efficacité de la recherche des auteurs d'infraction et les libertés, ainsi que les droits de la défense. Nous avons déposé des amendements visant à rééquilibrer ce dispositif.

Le projet de loi prévoit de supprimer l'accord de la personne mise en cause pour pouvoir recourir à la visioconférence en matière de détention provisoire, alors que la culpabilité n'est pas encore démontrée. Le nouveau dispositif innovant de la comparution à effet différé prévu par le texte - c'est l'article 39 -, dérivé de la comparution immédiate et reposant sur l'idée d'une saisine différée du tribunal à l'appréciation du parquet, pourrait favoriser la détention provisoire, qui serait possible dans l'attente de la comparution, même si cette procédure serait justifiée par la difficulté réelle des délais de réponse pour certains examens techniques ou médicaux. Elle présenterait en outre un risque de contournement du juge d'instruction et aurait des conséquences en termes de surpopulation carcérale.

Le projet de loi concourt également à une marginalisation accrue du juge d'instruction, au profit d'un binôme constitué du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention, compte tenu du renforcement évoqué des prérogatives du parquet et des services d'enquête eux-mêmes, qui n'auraient plus besoin, dans la majorité des cas, de l'ouverture d'une information judiciaire pour réaliser un certain nombre d'actes d'enquête avec des moyens importants.

Nous observons que le rôle effectif de direction des enquêtes par le parquet peut être insuffisant compte tenu de la charge de travail des magistrats et que le rôle d'autorisation du juge des libertés et de la détention est quasiment formel dans certains cas.

L'extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à des délits plus lourdement sanctionnés et de celui du champ de la composition pénale, assortie de la suppression de la validation par le juge, participent de ce même accroissement des prérogatives du parquet dans le fonctionnement de la justice pénale.

De telles évolutions sur le rôle et la place du procureur de la République justifieraient un débat de fond, en particulier pour le traitement des infractions les plus graves, plutôt que des modifications ponctuelles. Le système pénal change peu à peu de nature, passant d'une logique inquisitoire à une logique accusatoire.

Yves Détraigne et moi-même estimons que le juge d'instruction doit garder pleinement sa place dans notre système judiciaire pour le traitement des affaires complexes, de sorte qu'un équilibre doit être conservé entre le rôle du parquet et celui du juge d'instruction. Au demeurant, la révision constitutionnelle destinée à garantir l'indépendance statutaire du parquet n'a encore pas été adoptée.

Une certaine confusion existe donc entre l'objectif légitime de simplification de la procédure pénale, dans le souci souvent d'alléger les tâches des services d'enquête, et la réduction des garanties pour les libertés. En outre, nous n'avons pas la certitude que ces mesures entraînent un réel gain d'efficacité pour les enquêtes.

En outre, le texte étend le mécanisme de l'amende forfaitaire délictuelle aux délits de vente d'alcool à des mineurs, d'usage de stupéfiant et de violation des règles relatives à la chronotachygraphie en matière de transport routier, sur le modèle de l'amende forfaitaire pour certains délits routiers prévus par la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle. De plus, l'amende forfaitaire serait mentionnée au casier judiciaire, ce qui changerait sa nature. Or le dispositif de l'amende forfaitaire pour les délits routiers n'est toujours pas opérationnel à ce jour, plus d'un an et demi après la promulgation du texte. Ces dispositions n'ont toutefois pas soulevé d'objection notable, si ce n'est que la sanction pourrait être en pratique plus lourde et moins individualisée, puisque le délit d'usage de stupéfiant est souvent traité par des mesures alternatives aux poursuites.

Enfin, afin de désengorger les cours d'assises, caractérisées par de très longs délais d'audiencement et une lourdeur de gestion pour les juridictions, et de remédier à la correctionnalisation de certains crimes qui en résulte, le texte envisage d'expérimenter un tribunal criminel départemental pour juger les crimes punis d'une peine de détention de quinze ou vingt ans au plus, naturellement sans récidive. Ce choix nous paraît intéressant. De surcroît, il ferait l'objet d'une expérimentation. Les auditions ont montré qu'un tel tribunal, qui ne comporterait plus de jurés populaires, mais serait composé de cinq magistrats, dont au moins trois en activité, pourrait avoir des effets positifs. Toutefois, des interrogations subsistent. Le fait que, dans le cadre de cette expérimentation, la cour d'assises d'appel resterait compétente accroît les incertitudes, car cela pourrait inciter davantage à faire appel afin d'être jugé par un jury populaire. Ce point n'est pas mesurable à ce stade, mais la question mérite d'être posée.

Par ailleurs, le texte ouvre utilement la possibilité pour le parquet de prononcer une interdiction de paraître dans certains lieux dans le cadre des mesures alternatives aux poursuites. Il permet également le dépôt d'une plainte en ligne pour certaines infractions énumérées par décret pour lesquelles cette modalité serait adaptée, par exemple l'escroquerie en ligne. Nous vous proposerons des amendements visant à encadrer un peu plus ce dispositif, car nous pensons que les atteintes aux personnes physiques ne peuvent pas faire l'objet simplement d'une plainte en ligne.

S'agissant de l'appel en matière pénale, le texte ouvre également la possibilité pour les personnes condamnées en première instance de restreindre la portée de leur appel à la peine prononcée ou à ses modalités, reprenant ainsi une disposition de la proposition de loi de Philippe Bas. Il étend ensuite le champ de compétences du juge unique en appel. Nous n'y sommes pas opposés.

En matière d'exécution des peines, il y a des évolutions, mais le système ne va pas non plus au bout. Lors de la présentation en conseil des ministres du plan pénitentiaire le 12 septembre dernier, la garde des sceaux a annoncé que les mesures figurant dans le projet de loi devraient faire diminuer la population carcérale d'environ 8 000 personnes. Ces chiffres figurent également dans l'étude d'impact, sans que, d'ailleurs, la méthodologie de leur calcul soit clairement présentée. Une telle évaluation suscite un peu de scepticisme de notre part. Si certaines mesures sont de nature à diminuer le nombre des incarcérations - notamment l'interdiction des peines d'emprisonnement de moins d'un mois, les aménagements systématiques jusqu'à six mois, sauf impossibilité, le caractère automatique de la libération sous contrainte, dont nous discuterons, car nous ne sommes pas totalement favorables à l'ensemble de ces dispositions -, d'autres devraient produire un effet inverse - la comparution différée par exemple, la réduction à un an du plafond des peines d'emprisonnement faisant l'objet d'un examen obligatoire en vue de leur aménagement éventuel. Ces sujets assez techniques nuisent au principe de gestion rapide de la procédure pénale et ne conduiront pas à diminuer le nombre de personnes incarcérées.

Plus largement, la réforme de l'exécution des peines paraît inaboutie et nous semble manquer de cohérence. Elle ne met pas fin au manque de lisibilité résultant du mécanisme des aménagements de peine, de sorte que l'exigence de clarification qui était la nôtre n'est finalement pas tout à fait remplie...

Conformément à la logique du Gouvernement de faire de la détention une exception, le projet de loi tend à réécrire l'échelle des peines - c'est l'article 43. Aux mêmes fins, il crée une peine autonome dite de détention à domicile sous surveillance électronique. Elle correspond matériellement au placement sous surveillance électronique que nous connaissons déjà dans notre droit, lequel constitue une modalité d'aménagement de la peine d'emprisonnement. De plus, le placement sous surveillance électronique serait aussi renommé détention à domicile sous surveillance électronique, ce qui créerait une confusion, compte tenu des écarts qui subsisteraient entre les deux régimes sans véritable justification.

Le texte est par ailleurs muet sur la révocation de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique en cas d'incident. Dans ces conditions, nous avons un doute sur la pertinence de créer une telle peine autonome, a fortiori si l'on renforce la capacité de la juridiction à prononcer un aménagement ab initio , sous forme par exemple de placement sous surveillance électronique.

Afin de permettre à la juridiction de jugement de prononcer une peine réellement individualisée, le projet de loi tend à améliorer la procédure de l'ajournement. Il prévoit surtout la faculté de saisir le service pénitentiaire d'insertion et de probation, afin de bénéficier d'enquêtes sur la personne prévenue.

Dans la même logique, pertinente dans son principe, consistant à confier au tribunal correctionnel la responsabilité d'individualiser ou de fixer des limites en matière d'aménagement des peines, le projet de loi élargit clairement la possibilité pour la juridiction de jugement d'aménager la peine ab initio et crée le mandat de dépôt à effet différé, lequel permet d'exclure la présentation devant le juge d'application des peines tout en écartant l'incarcération immédiate. Une telle évolution suppose en pratique une autre conception du procès pénal par les magistrats eux-mêmes, reposant notamment sur la notion de césure du procès pénal, ou une autre articulation entre la juridiction de jugement et le juge de l'application des peines, dont l'intervention serait revue. Elle suppose également un accroissement des moyens de la justice pénale, c'est-à-dire une plus forte mobilisation des services pénitentiaires d'insertion et de probation, dotés d'effectifs accrus, mais aussi du monde associatif, du secteur socio-judiciaire, l'organisation d'audiences correctionnelles plus nombreuses, ainsi qu'une implication plus grande des magistrats correctionnels dans l'évaluation de la situation de la personne condamnée, alors que les tribunaux correctionnels sont très généralement engorgés. C'est la raison pour laquelle ces évolutions, qui peuvent paraître intéressantes, nous inquiètent sur le plan pratique en réalité. Peut-être ne sommes-nous pas allés au bout de la réflexion. De toute évidence, la thématique de l'exécution des peines et du procès pénal mériterait un texte à elle seul. Il suffit de se rappeler les propos de la garde des sceaux lors de son audition : ce texte n'est pas le grand soir de la procédure pénale. La question de l'efficacité de la peine, compte tenu de la différence entre la peine prononcée et la peine exécutée, se pose pourtant de façon majeure.

Pour autant, concernant le mécanisme de l'aménagement des peines lui-même, le projet de loi se caractérise par une forme d'incohérence. Il maintient une sorte d'hypocrisie : interdiction de prononcer des peines d'emprisonnement inférieures à un mois, aménagement systématique en dessous de six mois, sauf impossibilité, maintien de l'examen systématique par le juge de l'application des peines, jusqu'à un an, y compris des récidives, contre deux ans aujourd'hui. Tout cela est très compliqué et nuit au projet visé par le texte.

Alors que le Président de la République a annoncé la construction de 15 000 places de prison durant son mandat, nous savons que ce nombre ne sera pas atteint. La garde des sceaux a annoncé 7 000 places pour 2022 et 8 000 après, mais, à la suite des auditions, nous doutons qu'il soit possible de parvenir à ce nombre d'ici à 2022, pour des raisons de maîtrise foncière et de choix du type de lieu de détention. Il est clair qu'il faut diversifier les modèles immobiliers pour éviter à la fois la surpopulation carcérale et les effets de réseaux et pour répondre à l'objectif de l'adaptation de la peine à l'infraction commise. Il s'agit de faire en sorte que les gens ne sortent pas de prison plus voyous qu'ils n'y sont entrés.

J'évoquerai maintenant le regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance et la création de ce que nous avions appelé, nous, le tribunal départemental de première instance. Tout le monde semble à peu près d'accord sur la création de cette juridiction unique. Elle est un peu différente de celle que nous avions proposée au Sénat il y a quelques mois, mais elle n'est pas inintéressante. En tous les cas, elle garantit le fait qu'aucun tribunal d'instance ou de grande instance dans un département ne sera supprimé. Certes, l'engagement a été pris, mais les magistrats du tribunal d'instance rechignent à être absorbés par le tribunal de grande instance. Ils craignent par ailleurs un effet de mutualisation très fort des personnels, et singulièrement des magistrats, et des postes, au détriment du tribunal d'instance.

Une juridiction plus lisible, plus accessible, plus compréhensible pour nos concitoyens serait pourtant extrêmement positive. À cet égard, le nouveau palais de justice de Paris s'appelle tribunal de Paris, sans que soit faite une distinction entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance. Chacun sait que c'est une cité judiciaire et qu'il est possible d'y bénéficier d'informations suffisantes à un guichet unique, en fonction de la nature de son contentieux. Il faut avancer sur ce point, en veillant qu'il n'y ait pas à terme de volonté de modifier profondément la carte judiciaire. Ce n'est pas annoncé à ce stade.

Un point nous interroge cependant : la spécialisation de certains tribunaux de grande instance dans un certain nombre de contentieux dans les départements comptant plusieurs tribunaux. Si l'idée peut paraître séduisante, en pratique, elle serait complexe à mettre en oeuvre et pourrait à terme priver certains tribunaux de leurs dossiers et conduire à leur suppression. Attention à cet effet pervers. Un seul tribunal dans un département n'est pas un gage de proximité pour nos concitoyens pour les contentieux qu'on appelle de proximité. La numérisation du système judiciaire, qui est absolument nécessaire, ne doit pas empêcher de voir son juge.

Nous modifions dans le texte la dénomination du tribunal de commerce pour l'appeler tribunal des affaires économiques. Nous modifions également sa composition pour intégrer à la fois les professions indépendantes et libérales et les professions agricoles. Surtout, nous lui donnons la compétence, dans le cadre des procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, d'une partie du contentieux, celui notamment des baux commerciaux, qui relevait de la compétence du tribunal de grande instance. Nous considérons que l'expertise des tribunaux de commerce en la matière devrait leur permettre d'absorber ce contentieux.

En revanche, on ne touche pas au conseil des prud'hommes, une mission étant en cours au Sénat sur la justice prud'homale.

En matière de mobilité des magistrats, nous reprenons la disposition organique adoptée en octobre 2017 afin de donner une stabilité dans les fonctions, en particulier pour les postes spécialisés, et de mieux organiser la mobilité, en respectant le rôle de chacun, notamment du Conseil supérieur de la magistrature. Des durées minimales et maximales dans les fonctions seraient ainsi fixées.

En conclusion, ce texte est très dense. C'est bien, mais c'est aussi un handicap, car il n'est pas possible d'aller au bout de tous les sujets. Le volet pénal n'est pas majeur, alors que c'est le problème de fond. Le fil rouge de la réforme semble être la volonté de sortir des tribunaux civils un certain nombre de contentieux, au profit de la médiation ou autre, dans le but de faire des économies au sein de l'organisation judiciaire. On peut penser qu'il y a un intérêt pour le justiciable, mais prenons garde au fait que la médiation et la conciliation ne sont pas gratuites dans certains cas.

Sur l'exécution des peines, pardonnez-moi cette formule, mais on est à la peine. Il faut arriver à faire comprendre que la détention est effectivement une sanction importante, qui doit être prononcée, mais que d'autres sanctions sont plus adaptées pour condamner quelqu'un.

Les questions du procès pénal et de l'enquête de personnalité ne sont pas encore suffisamment abordées.

Le couple formé par le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention est de plus en plus puissant, au détriment du juge d'instruction. Pourquoi pas ? Dans ce cas, choisissons entre les deux systèmes, et ne restons pas au milieu du gué.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie de nous avoir présenté la réforme de manière très complète et de nous avoir proposé des inflexions importantes.

Notre référence est le rapport que nous avons rendu public en avril 2017, ainsi que les textes que nous avons adoptés en octobre 2017, lesquels n'ont pas été inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous apprécions également ces textes à l'aune des engagements du Président de la République sur un certain nombre de points.

D'un point de vue budgétaire, la ventilation des moyens étant tout à fait floue dans le texte, il faut la préciser. Indéniablement, un effort substantiel est proposé par rapport au quinquennat précédent. Il est au niveau de ce qui a déjà été prévu dans la loi de programmation des finances publiques. À l'évidence, la situation de la justice est très mauvaise. Alors que le délai moyen de traitement des affaires dans les tribunaux de grande instance était de 10,8 mois en 2015, il est de 11,8 mois cette année. La situation se dégrade très rapidement.

Le nombre de magistrats avait baissé à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Compte tenu du temps de formation des magistrats, il n'a pu augmenter qu'à la fin du quinquennat précédent, mais 250 postes de magistrats et plusieurs centaines de postes de greffiers ne sont aujourd'hui toujours pas pourvus dans les juridictions.

Le délai moyen de jugement des délits en première instance est d'un an et de quinze mois en appel. On compte chaque année 2,9 millions d'affaires civiles et 1,2 million d'affaires pénales nouvelles. Notre justice est en partie embolisée. Pour rétablir le bon fonctionnement de la justice, y compris en matière d'exécution des peines, la nation doit donner un coup de rein considérable.

Je vous rappelle que, de façon très prudente, nous avions prévu dans notre proposition de loi de programmation une augmentation des crédits de la justice de 33,8 % sur cinq ans. Le Gouvernement prévoit une hausse substantielle, certes, mais elle n'est « que » de 23,5 %. La dernière loi de programmation pour la justice, en 2002, prévoyait une augmentation de 37 %. Une discussion s'impose donc sur les moyens accordés pour le redressement de la justice.

L'aide juridictionnelle est la grande oubliée du texte. Elle concerne 1 million de personnes en France. Alors que la loi prévoit depuis vingt-cinq ans une appréciation des mérites de la cause avant l'attribution de l'aide juridictionnelle, celle-ci n'est jamais faite. Le financement de l'aide juridictionnelle n'est pas assuré. Il était très important que vous proposiez d'introduire des dispositions sur ce point.

Dans le plan de construction de places de prison, alors que les engagements présidentiels correspondaient exactement aux besoins identifiés par le Sénat, seules 7 000 des 15 000 places initialement envisagées sont finalement prévues d'ici 2022. De plus, le travail n'étant pas encore engagé, ces 7 000 places ne seront vraisemblablement pas réalisées selon nos rapporteurs, ce qui est préoccupant.

D'autres points méritent également notre attention, tel le glissement des pouvoirs du juge d'instruction vers le procureur. Il faut y regarder à deux fois avant d'appliquer ce que nous avons déjà accepté en matière de terrorisme à des délits punissables de trois ans de prison. Le Sénat doit se conformer à sa tradition de protecteur des libertés. Nous devrons être très attentifs aux propositions de nos deux rapporteurs.

En matière d'exécution des peines, on espérait une clarification et la fin de l'automaticité de l'examen de la peine en vue de son aménagement. Or force est de constater que le texte n'est pas très lisible. Il prévoit des différenciations entre les peines, qui rendent assez compliquée sa mise en oeuvre. Vos propositions de simplification bénéficieront certainement d'une attention bienveillante de la commission.

Vous n'avez pas développé la question du procureur national antiterroriste, car elle ne figure pas dans le texte du Gouvernement. Alors que le Gouvernement avait annoncé la création d'un parquet national antiterroriste, il y a renoncé, avant finalement de se raviser en proposant de le créer par voie d'amendement, lequel nous a déjà été communiqué. Le parquet de Paris a-t-il failli dans sa tâche ? Le parquet national antiterroriste sera-t-il réellement séparé du parquet de Paris, qui comprend un vivier très important de magistrats du ministère public, dont on a besoin en cas d'attentat ? Toutes ces questions doivent être examinées. Il ne suffit pas de gesticuler autour d'une réforme pour accroître l'efficacité de l'action publique en matière de terrorisme.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le Gouvernement a effectivement déposé très récemment un amendement visant à créer un parquet national antiterroriste, ainsi qu'un amendement tendant à créer un juge de l'indemnisation des victimes de terrorisme.

Ces amendements étant très denses et n'étant pas sans conséquences, il nous faut les étudier et vérifier un certain nombre de points avant d'émettre un avis tranché et éclairé. Nous les examinerons en prévision de la séance publique la semaine prochaine.

M. Jacques Bigot . - Je remercie les rapporteurs pour leur rapport et leur présentation synthétique d'un texte extrêmement compliqué, qui mérite des modifications. Le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice et les propositions de loi adoptées en octobre dernier, ainsi que le récent rapport d'information que François-Noël Buffet et moi-même avons rédigé sur les peines sont autant d'éléments qui nous permettront d'avancer de manière relativement consensuelle.

Fondamentalement, l'objectif de la chancellerie est de réduire, de manière technocratique, la charge des juges, souvent malheureusement au détriment des justiciables. Nous devons veiller au risque de déshumanisation de la justice du fait de la numérisation et de rupture de la relation de proximité. Je ne suis pas sûr qu'il faille confier à un seul tribunal en France le traitement de toutes les injonctions de payer par voie numérique.

Nous sommes d'avis qu'il n'est pas besoin d'étendre systématiquement la représentation obligatoire, d'autant plus que cette mesure aura un impact sur le budget de l'aide juridictionnelle. La justice aura-t-elle des moyens nouveaux à cet égard ?

La suppression de la conciliation en matière de divorce est une aberration technique, la conciliation étant fondamentale lors d'un divorce, comme l'ont dit tous les professionnels.

En matière pénale, si le procureur, comme l'exige la Cour de justice de l'Union européenne, n'est pas un magistrat indépendant, on ne peut pas lui confier autant de pouvoirs juridictionnels que ce qui est prévu aujourd'hui. Il est exact que, en diminuant le rôle du juge d'instruction, on est obligé de confier un véritable pouvoir et des moyens au juge indépendant qu'est le juge des libertés et de la détention.

Nous ne parviendrons jamais à un système accusatoire, car il n'est pas conforme à la tradition française. Le texte ne renforce pas beaucoup les droits de la défense. Au contraire, il renforce les pouvoirs de police et les pouvoirs d'enquête, ce qui nous paraît extrêmement dangereux.

La détention à domicile ne fonctionnera qu'un laps de temps et à condition de l'assortir d'un certain nombre d'obligations. Cette peine ne peut se substituer, comme le prévoit le texte, à la contrainte pénale. Vous proposez par ailleurs de substituer à la contrainte pénale la probation. Cette mesure mérite d'être affinée afin que le Gouvernement y réfléchisse. La probation nécessitera des moyens supplémentaires et le recours aux associations, lesquelles, selon les magistrats, font du bon travail.

On ne réduira pas la surpopulation carcérale grâce aux seules mesures qui sont prévues ici. Tant que les magistrats auront l'impression que l'emprisonnement est la seule peine qui fonctionne, tant qu'on continuera à placer les gens en détention préventive, on ne réglera pas le problème des prisons.

Sur les tribunaux de grande instance, nous sommes sur la même longueur d'ondes que la chancellerie. Notre inquiétude portait sur la suppression de tribunaux, laquelle est levée par la création d'un juge de la protection des personnes. Les missions du juge d'instance seront exercées par un juge au tribunal de grande instance. Les tribunaux d'instance en dehors des grandes villes peuvent subsister. Pourquoi un juge aux affaires familiales ne tiendrait-il pas des audiences dans les juridictions proches des justiciables ? Notre rôle est de dire ce que les citoyens attendent de leur justice.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je tiens tout d'abord à souligner la qualité du travail des rapporteurs. Ensuite, je me réjouis que le Sénat soit saisi en premier lieu de ces deux textes importants.

Ces textes sont le résultat de nombreuses consultations menées par le ministère de la justice dans le cadre des « chantiers de la justice », lesquels ont mis en évidence la nécessité d'améliorer la lisibilité de certaines dispositions. Les points qui avaient cristallisé le mécontentement des magistrats et des avocats ont été retravaillés.

Les textes ont pour objectif, au-delà des clivages partisans, l'amélioration du fonctionnement de la justice. Cette amélioration passe par des moyens budgétaires et humains supplémentaires, certes, mais également par une simplification des procédures civiles et pénales, une modernisation du service public de la justice, notamment par le déploiement du numérique, une réforme organisationnelle. Il faut également redonner du sens aux peines.

Je ne doute pas que notre commission améliorera encore ce texte.

Mme Brigitte Lherbier . - Je me réjouis que vous soyez particulièrement attentifs aux garanties des droits privés.

J'ai peur que nous allions vers une justice pour qui personne n'a tort ou raison, caractérisée par des transactions tièdes. Les juges sont les seuls à pouvoir marquer leur autorité, car les familles les craignent, contrairement aux médiateurs et aux éducateurs spécialisés.

En matière de tutelle, on a beaucoup parlé de contrôle des comptes, mais peu de la surveillance des personnes, ce qui me gêne beaucoup.

En matière de divorce, il faut faire la différence entre celui qui a tort et celui qui a raison.

En matière pénale, vous craignez des atteintes aux garanties fondamentales, du fait de la banalisation des techniques d'enquête renforcées, notamment la pénétration dans les domiciles. Le Sénat doit garantir ces libertés.

M. François Grosdidier . - La commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure a mis en évidence que nos forces de l'ordre étaient accaparées aux deux tiers par des tâches de procédure et qu'elles ne consacraient qu'un tiers de leur temps aux missions opérationnelles. Ces tâches mobilisent l'équivalent de plusieurs dizaines de milliers d'équivalents temps plein. Les mesures annoncées en termes de simplification et de numérisation nous laissent sur notre faim. Peut-on aller plus loin en matière de numérisation et d'oralisation, privilégier les enregistrements et réduire les procédures écrites ?

Autant on peut se rallier à l'idée d'un tribunal de première instance qui traiterait à la fois du contentieux d'instance et de grande instance et qui contribuerait à simplifier le droit, autant il faut conserver l'échelon départemental. Beaucoup de départements comptent deux, trois, voire plus, de tribunaux de grande instance, pour des raisons géographiques et démographiques. Ne pourrait-on pas parler de tribunaux de première instance plutôt que de tribunal de grande instance et de tribunal d'instance, en veillant à ce que l'échelon départemental reste la règle ?

M. Pierre-Yves Collombat . - L'arrière-fond budgétaire reste une préoccupation essentielle dans ce débat. Nous sommes classés parmi les tout derniers en Europe en matière de budget de la justice par habitant et de nombre de juges par habitant. Comme d'autres avant lui, ce texte prétend répondre à la question sans changer en réalité la trajectoire sur laquelle nous sommes.

Autre dérive de long terme, mais moins visible, nous sommes en train de perdre le sens de ce qu'est la justice, à savoir le rétablissement de l'ordre public qui permet à une société de fonctionner. C'était la conception des Grecs, c'était aussi celle de l'ordre du ciel des Chinois. Désormais, la justice est vouée à être une sorte de transport en commun, un service social parmi d'autres. Et pour le rendre efficace, il faut viser d'abord et essentiellement le meilleur rapport qualité-prix, en insistant surtout sur le prix, seul critère que l'on sait mesurer. D'où les évolutions auxquelles nous assistons, avec un parquet qui prend de plus en plus de place et des juges du siège qui en occupent de moins en moins. On réduit la place des jurys populaires alors qu'ils rattachaient la justice à ce qui fonde sa légitimité. Mais bien sûr, ils coûtaient trop cher. Automatisation, médiation, dématérialisation, privatisation... Tout cela vise à multiplier les jugements en se dispensant de la présence des juges. La dérive est calamiteuse. Sur le fond, personne ne s'y retrouve.

Il faudrait aussi parler de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). J'y étais initialement opposé, mais le système ne fonctionne pas si mal, sur des délits ciblés correspondant à des peines légères sans contestation sur l'effectivité du délit ni du coupable. Or on décide de le changer, aux seules fins de donner des pouvoirs nouveaux au procureur et de régler les problèmes par la médiation et le bargaining .

Autre point important, l'idée de spécialisation, qui n'est rien d'autre qu'une sournoiserie. Le premier président de la cour d'appel et le procureur général pourront décider de spécialiser les tribunaux de grande instance, là où il y en aura plusieurs. Devinez ce qui se passera : mystérieusement, on découvrira que les spécialités les plus intéressantes seront là où il y a le plus de monde...

Quant aux tribunaux d'instance, on nous dit que tout restera en place, mais il y aura quand même des spécialisations. Ce n'est pas clair.

Mme Josiane Costes . - Je remercie les rapporteurs pour leur travail fouillé et précis. Ce projet de loi vise à simplifier les procédures, désengorger les prisons et à améliorer les délais de traitement de la justice, tout cela dans un budget contraint. Des efforts importants ont été consentis, même s'ils restent sans doute insuffisants.

Le groupe RDSE restera vigilant sur le transfert d'une partie du coût de la justice du contribuable au justiciable. Le projet de loi aurait mérité une réflexion plus poussée sur le sens de la peine. Nous veillerons aussi à ce que tous les justiciables aient un accès facile à la justice, y compris ceux qui vivent dans des départements ruraux. Le maillage territorial est extrêmement important, et nous restons circonspects quant à la spécialisation des tribunaux de grande instance, qui risque d'éloigner certains justiciables des lieux de justice. Nous souhaitons que la justice garde un visage humain. D'où notre réserve sur la visioconférence et sur le recours aux nouvelles technologies.

M. Philippe Bonnecarrère . - Les deux projets qui nous sont présentés ont-ils pour vocation de réduire les dépenses ? Peut-être. Je crois surtout qu'ils augmenteront le temps utile des magistrats et des greffiers, ce qui est une bonne chose. Le texte est très large, mais chacune des mesures qui y figurent part d'une logique pragmatique de simplification. Qu'il s'agisse de la réduction des contrôles sur les comptes de gestion des tutelles, du fait de ne plus recourir aux moyens des greffes des tribunaux d'instance pour la répartition des saisies sur salaire, sans parler de la liquidation et du paiement des frais d'expertise, tout cela dégagera un nombre considérable de postes disponibles.

M. Bigot mentionnait l'aspect technocratique des injonctions de payer. Le texte ne crée pas de juridiction unique de l'injonction de payer, mais un tuyau d'entrée unique. Chaque juridiction restera compétente dans son territoire pour apprécier les oppositions, sauf dans le cas où la personne reconnaît sa dette et demande un délai de paiement. Il s'agira par exemple d'un salarié qui touche 1 500 euros et doit 5 000 euros pour un crédit à la consommation ou 6 000 euros de crédit automobile. Je considère qu'il n'est pas forcément choquant d'apprécier cela de manière unifiée, en accordant le même délai de paiement que l'on soit à Tourcoing ou à Annecy. Bien plus, le fait de connaître le délai de paiement appliqué au niveau national évitera aux établissements de crédit d'en passer par une procédure d'injonction.

Nous sommes des générations d'avocats à nous être passionnés pour les débats opposant le pétitoire et le possessoire, ou bien pour ceux portant sur les limites de compétences entre les tribunaux d'instance, les tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce et les juges de l'exécution au sujet des paiements de loyer, avec les requalifications éventuelles des baux. Nous avons fait perdre du temps à beaucoup de gens. Avons-nous vraiment fait bonne justice en ouvrant ce type de débat ? Je ne suis pas choqué par la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance. Les propositions développées par le ministre résultent d'une grande consultation menée dans toutes les juridictions.

Quant aux procédures d'enquête, elles ont suscité il y a quelques mois encore beaucoup d'émotion au sein de la police. Même si la question de la répartition des charges dans le nouveau couple formé par le parquet et le juge des libertés et de la détention est importante, les simplifications que propose le texte sont bienvenues.

L'insuffisance des outils informatiques constitue l'une des grandes faiblesses du ministère de la justice. On prévoit un peu plus de 500 millions d'euros d'investissements. J'ai beaucoup apprécié l'implication personnelle de la ministre dans la mise en place et le déploiement des outils informatiques.

Je partage les réserves de M. Buffet sur les difficultés concernant l'aménagement et l'application des peines. Nous verrons si la nouvelle fonction conférée aux tribunaux correctionnels a un impact.

Je ne comprends pas très bien la vocation du nouveau tribunal criminel. Le tribunal correctionnel est déjà saisi du fait de la correctionnalisation des affaires criminelles, et il y a aussi la cour d'assises bien sûr. Pourquoi créer un nouvel échelon criminel ?

Enfin, pour ce qui est du parquet national antiterroriste, en quoi le parquet de Paris aurait-il été défaillant ? Il a fait clairement la preuve de son efficacité. Restons-en à la position défendue initialement par le procureur Molins, qui tend à maintenir le système actuel. À force de créer des parquets nationaux, nous risquons de créer des incidents internes dans ce monde tout en finesse et en délicatesse que peut être la magistrature française.

M. Marc-Philippe Daubresse . - En ce qui concerne le parquet antiterroriste, je rappelle qu'une mission suit en permanence l'évolution de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Nous procédons à des auditions et nous disposons de beaucoup d'éléments. Je me suis moi-même rendu dans le département du Nord pour recueillir les impressions des gendarmes et des forces de police qui interviennent dans ce cadre. Encore hier, le préfet du Nord a lancé une grande opération de prévention antiterroriste. Nous avons entendu le procureur Molins, qui est désormais favorable à la création du parquet antiterroriste sous certaines conditions. Nous avons aussi entendu le juge des libertés et de la détention de Paris, ainsi que le juge Trevidic.

Quand on reçoit le signalement d'un terroriste qui franchit la frontière et qui doit être arrêté rapidement, les gendarmes n'ont pas le droit d'ouvrir son coffre, alors que les douaniers peuvent le faire. En cas de perquisition administrative, une question prioritaire de constitutionnalité interdit de saisir des documents écrits en langue étrangère, en l'absence d'un interprète. Il nous reste à approfondir la question.

M. Philippe Bas , président . - Il sera utile d'entendre le bilan que vous tirerez de la première année de mise en oeuvre de la loi sur la sortie de l'état d'urgence, puisque les mesures n'en ont été adoptées que pour trois ans.

Mme Sophie Joissains . - Je partage en grande partie le point de vue de M. Bonnecarrère. Pour ce qui est de la déjudiciarisation, je reste très dubitative, particulièrement au sujet de certaines affaires familiales, comme la maltraitance ou la tutelle. L'autorité du notaire ne sera jamais la même que celle du juge, et la justice est tout de même là pour protéger le faible contre le fort. L'effort de pragmatisme ne doit pas nuire à l'objectif premier de l'institution judiciaire.

Je ne peux que m'opposer à l'accroissement des pouvoirs du parquet, car cela menacerait les libertés individuelles. Le juge d'instruction devrait au contraire avoir plus de latitude.

Quant au tribunal criminel départemental sans jurés, il représenterait un cloisonnement supplémentaire entre la justice et les citoyens, de sorte qu'on peut y voir les prémices de la diminution voire de la disparition des cours d'assises, ce qui n'est pas souhaitable.

Enfin, je crains qu'avec la juridiction unique de première instance et la transformation des juridictions en chambres, leur fermeture devienne beaucoup plus facile dans les années à venir. La spécialisation risque d'accroître les disparités dans le territoire. Je reste favorable au maintien de permanences de juges dans certains territoires, notamment les plus étendus et les moins peuplés.

Mme Marie Mercier . - Le tribunal criminel est essentiel, en particulier pour le jugement des violences sexuelles. On éviterait ainsi l'écueil de la déqualification des faits et on échapperait à la correctionnalisation.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous nous sommes beaucoup interrogés sur l'opportunité du tribunal criminel. Il évitera la correctionnalisation des affaires de moeurs. La qualification criminelle subsistera, alors que ce n'est pas le cas quand vous correctionnalisez. Cependant, les magistrats craignent que beaucoup de décisions fassent l'objet d'un appel devant la cour d'assises d'appel, avec un risque d'embolie. À ce stade, on ne peut qu'anticiper, en envisageant une chambre criminelle au niveau de la cour d'appel. Nous devrons pousser la réflexion plus loin au vu de l'expérimentation.

Monsieur Collombat, la CRPC n'a pas été supprimée.

M. Pierre-Yves Collombat . - Elle est étendue aux délits de plus d'un an, ce qui pose problème, de mon point de vue.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous avons également déposé un amendement pour créer une agence nationale de l'exécution des peines. C'est une idée résultant de nos auditions. L'agence serait un service composé de magistrats très pointus en matière d'exécution des peines. Elle constituerait un outil spécialisé capable d'apporter des réponses concrètes, en appui des parquets, y compris au sujet de l'exécution des peines prononcées à l'étranger. Si le Gouvernement reprend l'idée, nous pourrons faire évoluer la situation.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Le projet de loi prévoit une augmentation des crédits de 23,5 % sur l'ensemble de la période 2018-2022 par rapport à 2017, en passant de 7 milliards en 2018 à 8,3 milliards d'euros constants en 2022, hors charges de pensions, soit une hausse de 1,3 milliard d'euros.

L'amendement COM-285 reprend la trajectoire budgétaire votée par le Sénat, dans la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, le 24 octobre 2017, de façon à aboutir en 2022 à 33,8 % d'augmentation du budget, hors charges de pensions, et à 13 728 emplois supplémentaires, par rapport à 2017.

M. Philippe Bas , président . - La programmation budgétaire commence par 2018 et on ne peut pas modifier le budget rétrospectivement. Ne vaudrait-il pas mieux la corriger pour préciser qu'elle porte sur la période de 2019 à 2023 ?

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Nous allons y réfléchir.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Comment pouvez-vous augmenter le nombre de postes de manière aussi considérable tout en restant dans un budget analogue ? En 2019, vous êtes en dessous des crédits indiqués dans le projet de loi et pourtant vous doublez le nombre de postes à créer. Comment est-ce possible ?

Mme Esther Benbassa . - Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit que, sur les 1 535 postes qui seront créés l'an prochain, 1 288 seront destinés aux services pénitentiaires et 247 aux services judiciaires. D'ici 2022, il y aura seulement 584 postes sur 6 500 qui seront consacrés aux juges et aux greffiers, alors qu'il manque environ 13 000 postes à la France pour qu'elle soit dans la moyenne européenne en matière judiciaire. Ne faudrait-il pas corriger ce déséquilibre en redéployant les postes de manière plus équitable ?

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Les postes supplémentaires que nous proposons ne seront pas pourvus immédiatement, mais surtout dans les deux dernières années de la programmation quinquennale.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Environ 250 magistrats ont été recrutés depuis le rapport d'information d'avril 2017. D'où notre réévaluation des besoins.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous avons tous élaboré des budgets et nous connaissons l'argument qui consiste à dire que les postes créés ne seront pas pourvus tout de suite. Cependant, vous multipliez par 2,5 le nombre des postes à créer par rapport au Gouvernement. Et cela, alors que le Gouvernement a clairement manifesté son souhait de déjudiciariser et d'alléger le travail des magistrats. Où est la cohérence ?

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je ne voterai pas cet amendement, comme tous ceux qui modifieront le texte initial. Laissons le Gouvernement élaborer le budget dans la cohérence de sa politique.

M. Philippe Bas , président . - On ne peut pas postuler que tout texte du Gouvernement devrait être adopté sans aucune modification, même par les parlementaires qui soutiennent le Gouvernement.

M. Pierre-Yves Collombat . - Cela simplifierait... On irait plus vite, on serait plus efficace...

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'enveloppe budgétaire est plus importante en fin de période, car elle correspond à la prise de fonction du personnel que l'on veut recruter. Singulièrement, ces recrutements concernent massivement les services pénitentiaires. Cependant, l'enveloppe budgétaire couvre aussi les dépenses de fonctionnement et d'équipement. Tout n'est pas consacré au personnel. Notre répartition des crédits entre les types de dépenses n'est pas la même que celle du Gouvernement.

L'amendement COM-285 est adopté.

Articles additionnels après l'article 1 er

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'amendement COM-245 programme la progression du nombre de conciliateurs de justice pour la période de 2018 à 2022.

M. Philippe Bas , président . - Il faudrait ajuster la période de programmation, comme pour l'amendement précédent.

M. François Bonhomme . - La ministre a déclaré qu'il fallait puissamment développer les modes alternatifs de résolution des conflits par des conciliateurs et des médiateurs. Qu'en est-il plus précisément pour les médiateurs, qui ont un mode de recrutement particulier ?

M. Alain Marc . - Lorsque j'étais député, je renvoyais souvent les conflits vers les conciliateurs de justice. Je ne suis pas certain que beaucoup d'élus sachent encore ce que sont ces conciliateurs de justice. Ils sont quasiment bénévoles. Bénéficieront-ils d'une formation juridique complémentaire ? Quelle publicité fera-t-on auprès des maires pour qu'ils aient davantage recours à eux, alors que leur action reste pratiquement inconnue dans nos départements ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le texte a pour objectif de développer les modes alternatifs de règlement des litiges. Les médiateurs sont principalement issus du monde associatif. Les conciliateurs ont un statut particulier, car ils sont auxiliaires de justice. Il faudra les faire mieux connaître.

Mme Brigitte Lherbier . - Les conciliateurs sont indemnisés, mais ne sont pas rémunérés. Les médiateurs sont rémunérés, car c'est une profession.

L'amendement COM-245 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-254 prévoit, pour toute la durée de la programmation, la remise d'un rapport annuel au Parlement, préalablement au débat d'orientation budgétaire, sur l'exécution de la loi de programmation. Cette disposition a déjà été adoptée par le Sénat dans la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice.

L'amendement COM-254 est adopté.

L'amendement COM-168 devient sans objet.

Article 2

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-235 est de coordination avec l'amendement qui propose la suppression de l'article 12 du projet de loi, et par là même le maintien de la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux. Par coordination, l'amendement COM-235 rétablit l'impossibilité pour le juge de déléguer cette conciliation à un médiateur familial, car c'est au cours de cette phase que le juge reçoit les parties pour un premier contact et qu'il se prononce sur les mesures provisoires nécessaires.

L'amendement COM-235 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur. - Notre amendement COM-237 supprime l'extension du champ de l'obligation de tentative de règlement amiable des litiges préalable à la saisine du juge.

En premier lieu, la rédaction retenue entraîne une restriction des modes de règlement des litiges admis, en énumérant seulement la conciliation par un conciliateur de justice, la médiation et la procédure participative, alors qu'actuellement, les parties peuvent justifier d'autres diligences entreprises.

En deuxième lieu, le champ d'application du dispositif est imprécis. Qu'entendre par demande tend[ant] au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant » ? Que recouvre exactement la notion de « conflit de voisinage » ? Aucune définition de cette notion n'est donnée par les textes législatifs en vigueur.

En troisième lieu, le dispositif mis en place dans la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle est trop récent pour produire tous ses effets et n'a pas encore été évalué. Dans ces conditions, pourquoi déjà proposer de l'étendre ?

En dernier lieu, le nombre de 2 400 conciliateurs nécessaires pour absorber la réforme de 2016, selon les évaluations du Gouvernement de l'époque, n'a toujours pas été atteint puisque seuls 2 021 conciliateurs sont actuellement en fonction. Il est donc prématuré d'envisager d'étendre le dispositif prévu en 2016.

L'amendement COM-237 est adopté.

L'amendement COM-51 devient sans objet.

Article 3

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-231 vise à mieux distinguer les obligations applicables aux plates-formes proposant des services en ligne de conciliation ou de médiation et celles applicables aux plates-formes proposant des services en ligne d'arbitrage, ainsi que les obligations applicables, qui seraient étendues aux plates-formes d'aide à la saisine des juridictions.

L'amendement COM-231 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Par l'amendement COM-232 , nous rendons obligatoire la certification pour offrir au public un service en ligne de résolution amiable des litiges, d'arbitrage ou d'aide à la saisine des juridictions, afin de prévoir de réelles garanties pour les justiciables.

L'amendement COM-232 est adopté.

Les amendements COM-7 , COM-52 , COM-53 , COM-54 , COM-85 , COM-55 , COM-97 et COM-56 deviennent sans objet.

Article 4

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Avec l'amendement COM-259 , nous maintenons le droit en vigueur s'agissant des règles de représentation devant les juridictions de première instance. Devant le tribunal paritaire des baux ruraux, dont le contentieux ne représente que 2 860 affaires par an en moyenne, les parties peuvent se faire assister ou représenter par un membre ou salarié d'une organisation professionnelle agricole. Ce dispositif est fréquemment sollicité par les agriculteurs ou les propriétaires bailleurs, et ne pose pas de difficulté particulière. En outre, le législateur reconnaît l'assistance et la représentation en justice par d'autres professionnels que les avocats. Il n'apparaît donc pas justifié de distinguer les tribunaux paritaires des baux ruraux en les traitant de manière isolée.

M. Jacques Bigot . - La volonté de développer la représentation obligatoire n'a pas d'autre but que d'alléger le travail des magistrats. L'humanisation de la justice, c'est aussi offrir aux justiciables la possibilité de s'expliquer eux-mêmes. La profession d'avocat pourra justifier qu'on ait recours à elle en montrant sa compétence et la plus-value qu'elle apporte, plutôt qu'en voulant développer des monopoles.

M. Philippe Bas , président . - La profession d'avocat ne doit pas être un métier de rente...

L'amendement COM-259 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Il est plus cohérent, et de nature à faciliter l'accessibilité de la loi, d'instituer le dispositif permettant de déroger à la représentation obligatoire par avocat devant le tribunal de grande instance proposé par l'article 4 du projet de loi dans la loi de 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. D'où notre amendement COM-262 qui comprend aussi, par cohérence, la mention expresse selon laquelle tout représentant qui n'est pas avocat doit disposer d'un pouvoir spécial.

L'amendement COM-262 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-265 codifie à droit constant, dans la partie législative du code du travail, les principes d'assistance et de représentation devant le conseil de prud'hommes.

L'amendement COM-265 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Nous appliquons le même principe aux tribunaux de commerce dans l'amendement COM-269 .

L'amendement COM-269 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-270 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'amendement COM-99 prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur le financement de l'aide juridictionnelle. Par principe, la commission des lois se prononce défavorablement aux demandes de rapports. La ministre a par ailleurs annoncé la publication prochaine d'un rapport de l'inspection générale de la justice sur le sujet. Retrait ou avis défavorable.

M. Jacques Bigot . - Si le Gouvernement veut maintenir des représentations obligatoires renforcées, il faut donner plus de moyens en matière d'aide juridictionnelle. Dès lors que nous supprimons ces représentations obligatoires nouvelles, il n'y a pas de raison de demander ce rapport et je peux retirer mon amendement.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cet amendement appelle l'attention du Gouvernement. Les rapports sur l'aide juridictionnelle sont légion, parmi lesquels celui de Jacques Mézard et Sophie Joissains, qui faisait de nombreuses propositions. Or l'aide juridictionnelle reste insuffisante et le sera encore davantage si ce texte est adopté. D'où cet amendement.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Opposer le principe selon lequel la commission des lois n'est pas favorable aux rapports n'est pas un argument recevable. Nous venons d'adopter un amendement des rapporteurs qui demande un rapport annuel. Il faut adapter la jurisprudence de la commission des lois.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - La ministre a annoncé un rapport de l'inspection générale de la justice sur le sujet.

M. Jacques Bigot . - Sur le conseil de mes collègues, je maintiens mon amendement pour que nous puissions en discuter en séance, en fonction de ce que décidera le Gouvernement.

L'amendement COM-99 n'est pas adopté.

Les amendements COM-108 rectifié, COM-159 rectifié et COM-176 rectifié bis sont adoptés.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Le dispositif de l'amendement COM-86 aboutirait à ce que les organismes de sécurité sociale puissent, en appel, être assistés, outre par l'un de leurs employés, par un défenseur social. J'imagine qu'il s'agit à un défenseur social d'assister et de représenter toutes les parties en appel, et pas seulement la sécurité sociale, alors que le projet de loi prévoit la représentation obligatoire par avocat. Avis défavorable, ainsi qu'aux amendements COM-87 et COM-88 qui créent le statut du défenseur social.

Les amendements COM-86 , COM-87 et COM-88 ne sont pas adoptés.

Articles additionnels avant l'article 5

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements COM-57 et COM-58 , qui proposent de conférer force exécutoire aux actes sous seing privé contresignés par avocats constatant un accord de médiation ou une conciliation.

Les avocats ne sont pas des officiers publics et ministériels, qui, seuls, délivrent des titres exécutoires. Certes, la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 a permis aux caisses d'allocations familiales de donner force exécutoire à l'accord par lequel des parents non mariés qui se séparent fixent le montant de la pension alimentaire due par l'un d'eux. Mais cette procédure est strictement encadrée et ne porte que sur un domaine très limité.

Les amendements COM-57 et COM-58 ne sont pas adoptés.

Article 5

L'amendement rédactionnel COM-239 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-240 revient sur l'attribution exclusive aux notaires de la compétence pour recueillir le consentement du couple qui recourt à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. Les dispositions sur le consentement et ses conséquences en matière d'établissement du lien de filiation étant susceptibles d'évoluer dans le cadre de la future réforme des lois bioéthiques, il n'est pas pertinent de les modifier dès à présent, même à la marge.

L'amendement COM-240 est adopté.

L'amendement COM-91 devient sans objet.

M. Jacques Bigot . - Notre amendement COM-91 proposait la suppression de l'article.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Il aurait fallu l'examiner en premier.

M. Jacques Bigot . - La justice délivre gratuitement ces certifications. Avec le texte, le justiciable devra payer un notaire. Voilà pourquoi l'amendement COM-91 supprimait cet article.

M. Philippe Bas , président . - Suivant l'usage de notre commission, les amendements du rapporteur sont appelés en priorité, au début de chaque article. Quand les amendements suivants sont incompatibles, ils deviennent sans objet. L'amendement du rapporteur COM-240, supprimant deux alinéas, a été adopté, avec pour effet implicite que le reste de l'article subsiste.

M. Jean-Pierre Sueur . - J'ai quand même quelques doutes. Si M. Bigot avait présenté son amendement en proposant de supprimer les alinéas subsistant à l'amendement du rapporteur, l'article aurait été supprimé.

M. Philippe Bas , président . - S'ils avaient été adoptés eux aussi...

M. Jacques Bigot . - C'est donc ainsi que nous présenterons notre amendement en séance.

M. Philippe Bas , président . - Monsieur Sueur, je vous fais respectueusement remarquer que, du temps où vous présidiez, la commission appliquait la même règle.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il faut toujours s'améliorer...

Article 6

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Dans notre amendement COM-242 , nous limitons l'expérimentation prévue par le Gouvernement en matière de révision des pensions alimentaires sans passage devant le juge aux seules hypothèses dans lesquelles les parties sont d'accord sur le nouveau montant. En effet, l'application du dispositif prévu à l'article 6 en cas de désaccord des parties ferait que la fixation de la contribution reposerait exclusivement sur l'application mathématique d'un barème, sans possibilité de prendre en compte la situation particulière du foyer et l'intérêt supérieur de l'enfant, comme le fait actuellement le juge.

Cet amendement confie la compétence d'homologation de ces accords aux seules caisses d'allocations familiales, organismes qui interviennent déjà en la matière depuis le 1 er avril 2018, en donnant force exécutoire aux accords par lesquels des parents séparés, qui n'étaient pas mariés, fixent le montant de la pension alimentaire due par l'un d'eux, ab initio . Elles disposent par ailleurs d'un accès facilité aux informations nécessaires pour évaluer les ressources des parents.

Mme Brigitte Lherbier . - Personne mieux que le juge ne peut connaître exactement la situation des parties.

L'amendement COM-242 est adopté.

Les amendements COM-46 , COM-48 , COM-89 , COM-177 , COM-59 et COM-60 deviennent sans objet.

Article 7

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Par notre amendement COM-244 , nous maintenons l'homologation par le juge des modifications de régime matrimonial en présence d'enfants mineurs, que l'article 7 propose de supprimer. En effet, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures, la commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, notre collègue Thani Mohamed Soilihi, s'était opposée à la suppression de cette homologation en présence d'enfants mineurs.

M. Philippe Bas , président . - Merci, Monsieur Soilihi, de votre prise de position qui fait référence contre le texte inique du Gouvernement !

L'amendement COM-244 est adopté.

L'amendement COM-165 devient sans objet.

Article 8

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Alors qu'une réforme globale de la protection juridique des majeurs est attendue, à la suite de la mission interministérielle confiée à Mme Anne Caron-Déglise, le présent projet de loi devance le futur débat sur cette réforme par plusieurs mesures en matière de tutelles. L'article 8 supprime ainsi le contrôle préalable du juge pour certains actes accomplis par le tuteur d'une personne protégée et ne laisse subsister que le contrôle préalable du conseil de famille. Dans la mesure où la constitution d'un conseil de famille est facultative pour les majeurs en tutelle, certains tuteurs seraient tenus de lui demander une autorisation, tandis que d'autres pourraient agir sans aucune autorisation. De telles dispositions risqueraient de méconnaître le principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

L'amendement COM-272 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-8 du Gouvernement, qui prévoit de nouvelles mesures concernant la protection juridique des majeurs. Nous avons fait le choix, sur chacune de ces mesures, d'être constructifs et de proposer des améliorations, lors du débat en séance.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

L'amendement COM-61 est retiré.

Article 9

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'article 9 prévoit de transférer deux missions respectivement assurées par les tribunaux d'instance et de grande instance à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) : la gestion de certaines saisies sur rémunérations, d'une part, et celle des sommes consignées dans le cadre d'expertises, d'autre part.

Dans les deux cas, la CDC ne pourrait pas proposer d'accueil physique aux justiciables, ce qui pourrait constituer un frein à l'accès au service public de la justice, alors que les populations concernées sont particulièrement vulnérables. En outre, aucune évaluation de cette réforme n'a été lancée, alors qu'elle implique la mise en oeuvre d'un système d'information assurant l'interopérabilité entre le ministère de la justice et la CDC, mais aussi avec le Trésor public.

Il apparaît donc prématuré d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance s'agissant de mesures dont la faisabilité soulève de telles incertitudes. D'où notre amendement COM-274 de suppression.

M. Philippe Bas , président . - On ne peut pas parasiter d'autres services publics pour résoudre les problèmes de la justice. Nous nous y opposons.

M. Jean-Pierre Sueur . - Résolument.

L'amendement COM-274 est adopté.

Article additionnel après l'article 9

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-9 , qui réforme substantiellement la procédure de saisie immobilière.

L'amendement COM-9 n'est pas adopté.

Article 10

L'amendement COM-247 est adopté.

Article additionnel après l'article 10

L'amendement COM-248 est adopté.

Article 11

L'amendement rédactionnel COM-233 est adopté.

Division additionnelle après l'article 11

L'amendement COM-68 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

Articles additionnels après l'article 11

L'amendement COM-75 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'amendement COM-76 fait doublon avec l'amendement COM-66 déposé à l'article 19. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-76 est retiré.

Les amendements COM-81 et COM-82 sont déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.

Article 12

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Les amendements identiques COM-249 et COM-90 reviennent sur la suppression de la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux, car elle constitue le premier et souvent le seul contact que les parties auront avec leur juge, et parfois même le premier contact des parties entre elles depuis bien longtemps. C'est d'ailleurs lors de cette phase, souple, orale, que le juge peut demander à entendre l'enfant, et qu'il détermine les mesures provisoires appropriées. Avec la réforme proposée, la procédure serait désormais écrite et la situation de l'enfant noyée dans les échanges de conclusions.

Le problème de lenteur de la procédure de divorce ne résulte pas tant de la phase de conciliation que de l'insuffisance des moyens octroyés aux juridictions pour se prononcer dans des délais raisonnables. D'où notre proposition de supprimer l'article 12.

Les amendements de suppression COM-249 et COM-90 sont adoptés.

Les amendements COM-10 , COM-62 et COM-77 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 12

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'amendement COM-160 propose de modifier les règles applicables à la procédure de divorce par consentement mutuel sans juge. Notre collègue André Reichardt estime que la nature hybride de la convention, à la frontière entre le contrat et le jugement, impose de lui appliquer des règles spécifiques, dérogatoires du droit commun des contrats, comme la fixation d'un délai de prescription d'un an pour les actions en nullité ou l'irrévocabilité du principe du divorce en cas d'invalidation de la convention.

Si des critiques ont pu s'élever concernant le principe de la déjudiciarisation de ce mode de divorce, au regard de la protection de la partie la plus faible ou des enfants, nous n'avons pour l'instant été saisis d'aucune difficulté liée à l'application du droit commun des contrats à ces conventions de divorce. Au-delà d'un débat doctrinal intéressant sur la nature de cette convention de divorce, il serait utile de tirer un premier bilan de la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure, pour repérer ses éventuels dysfonctionnements avant d'envisager de la modifier. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Brigitte Lherbier . - Certains notaires m'ont dit qu'ils ne souhaitaient pas intervenir dans ce genre de contrats. Ils se contenteront d'apposer le sceau.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'amendement porte sur les actions postérieures au divorce dirigées contre la convention, pas sur l'enregistrement.

Mme Brigitte Lherbier . - On ne dispose d'aucun retour d'information au niveau de l'enregistrement. Les notaires ne souhaitent pas la partager car ils ne veulent pas intervenir dans une appréciation quelconque.

M. André Reichardt . - Cet amendement et les trois suivants émanent d'une proposition de loi que j'ai déposée au mois de juin, et qui vise à sécuriser la procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel. Il est vrai qu'il n'y a pas encore de contentieux. J'ai voulu anticiper en présentant cette proposition de loi au directeur de cabinet de la garde des sceaux. Il a souhaité laisser faire la navette parlementaire. Par conséquent, je maintiens mes amendements pour voir ce qu'il en adviendra en séance.

M. Jacques Bigot . - Mon collègue a raison. La procédure de divorce par consentement mutuel sans juge a été introduite très rapidement lors de l'examen du texte sur la justice du XXI ème siècle. Des imperfections subsistent. Il faudrait procéder à des auditions pour compléter le texte. Je partage les inquiétudes de M. Reichardt.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - À ce stade, demande de retrait ou avis défavorable aux amendements COM-160 , COM-161 , COM-162 et COM-163 .

M. Philippe Bas , président . - Notre collègue souhaite que le débat ait lieu en séance. Laissons le Gouvernement s'exprimer.

M. André Reichardt . - L'amendement COM-161 offre la possibilité de recourir à la même procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel, mais cette fois en cas de séparation de corps. Il résout ainsi un problème de cohérence.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Nous en reparlerons en séance.

M. Philippe Bas , président . - C'est effectivement de bonne méthode.

Les amendements COM-160 , COM-161 , COM-162 et COM-163 ne sont pas adoptés.

Article 13

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'article 13 du projet de loi pose le principe selon lequel les procédures devant le tribunal de grande instance se déroulent sans audience lorsque les parties en sont d'accord et prévoit, pour les petits litiges, la dématérialisation de la procédure. Notre amendement COM-275 insère ces dispositions dans le code de l'organisation judiciaire et y apporte plusieurs modifications de fond. Il spécifie que la procédure sans audience ne peut être mise en oeuvre qu'à l'initiative des parties et prévoit leur comparution à l'audience, si le tribunal l'estime nécessaire ou si l'une des parties le demande. S'agissant de l'institution d'une procédure dématérialisée sans audience, pour les petits litiges, il exige, par parallélisme des formes, l'accord exprès des parties et supprime la faculté offerte au tribunal de refuser une demande d'audience, considérant que cela pourrait constituer un obstacle à l'accès au juge.

M. Jacques Bigot . - Je ne saisis pas l'intérêt de l'article 13 car, dans la pratique, lorsque les parties en sont d'accord, le renvoi du dossier en mise en délibéré peut se faire. Par ailleurs, l'oralité me semble souvent nécessaire à la défense des justiciables. Dans les années 1970, les avocats ne plaidaient guère devant le tribunal administratif ; c'est désormais davantage le cas. L'évolution est inverse devant le juge judiciaire : cela me semble dommage, d'autant que la procédure civile prévoit que les magistrats peuvent, à l'audience, faire un rapport oral que les avocats peuvent assortir de remarques. Le dispositif qui nous est proposé tend à une déshumanisation du monde judiciaire en favorisant plus avant la procédure écrite. Qu'en sera-t-il demain avec le développement de la numérisation ? Les greffiers pourront à l'avenir appuyer sur un bouton pour produire automatiquement une décision de justice ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je rejoins Jacques Bigot. Les avocats sont utiles et, contrairement à leur réputation, ne souhaitent pas perdre de temps en procédures. D'ailleurs, ils déposent souvent un dossier sans plaidoirie. Pour autant, il convient de veiller, dans l'intérêt des justiciables, à ne pas ôter à la justice la part d'humanité que représentent les débats en rendant obligatoire une procédure strictement écrite de dépôt de dossier.

M. Jean-Pierre Sueur . - Notre collègue Jacques Bigot a raison : l'article 13 du projet de loi devrait être supprimé. La procédure écrite existe déjà, mais il ne faut pas la systématiser. Souvenons-nous qu'il est de l'essence du Parlement de débattre !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement limite les audiences sans comparution aux cas où les parties en seraient d'accord. En pratique, vous l'avez indiqué madame de la Gontrie, les dépôts de dossier sans plaidoirie sont fréquents. Il s'agit ici en réalité d'encadrer l'usage d'une telle procédure.

M. Jacques Bigot . - Si l'article 13 était conservé, je préfère la rédaction proposée par nos rapporteurs, en espérant que l'Assemblée nationale ne supprime pas tout garde-fou.

M. Philippe Bas , président . - Nous nous accordons tous pour constater que l'article 13 ne peut demeurer en l'état.

L'amendement COM-275 est adopté.

Les amendements COM-92 , COM-109 et COM-110 deviennent sans objet.

Article 14

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'article 14 du projet de loi spécialise, au niveau national, un seul tribunal de grande instance pour traiter de façon dématérialisée les injonctions de payer. Le dispositif prévoit que les requêtes doivent obligatoirement être formées par voie dématérialisée, de même que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer. Notre amendement COM-276 rend optionnelle la voie dématérialisée, dans la mesure où l'institution d'une saisine obligatoire par ce moyen - inédite semble-t-il - pourrait constituer un frein à l'accès à la justice, tant pour le créancier que pour le débiteur.

L'amendement COM-276 est adopté.

L'amendement COM-93 devient sans objet.

Article 15

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - L'article 15 du projet de loi m'apparaît extrêmement préoccupant, sans même revenir sur le principe du recours aux ordonnances, dans la mesure où il autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions dont le champ est insuffisamment précis. Quelles seront, par exemple, les juridictions concernées ?

M. Philippe Bas , président . - Vous aurez le loisir d'interroger le Gouvernement en séance publique.

L'amendement rédactionnel COM-286 est adopté.

L'amendement COM-94 devient sans objet.

Article additionnel après l'article 15

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'amendement COM-135 modifie le seuil de compétence des tribunaux d'instance. Il s'agit d'une disposition d'ordre réglementaire : avis défavorable.

L'amendement COM-135 n'est pas adopté.

Article 17

M. Yves Détraigne , rapporteur . - L'article 17 du projet de loi permet au juge de sanctionner le tuteur en cas de retard dans la remise de l'inventaire à l'ouverture de la mesure de protection, en désignant un « technicien » pour y procéder aux frais du tuteur. Notre amendement COM-277 , tenant compte des dysfonctionnements relevés par plusieurs rapports s'agissant de la remise effective de l'inventaire, conserve la philosophie de l'article tout en y substituant un dispositif gradué et plus encadré.

L'amendement COM-277 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Le même article 17 réforme les modalités de contrôle des comptes de gestion des mesures de tutelle. Notre amendement COM-278 propose un dispositif alternatif permettant de renforcer l'efficacité du système, tout en préservant les garanties de contrôle pour les personnes protégées.

L'amendement COM-278 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-279 maintient le droit en vigueur s'agissant de la dispense d'établissement et de contrôle des comptes de gestion, qui peut être autorisée par le juge des tutelles en cas de modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée. Il n'existe, en effet, aucune raison d'élargir la possibilité de dispense aux mesures de protection confiées aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

L'amendement COM-279 est adopté.

L'amendement COM-78 devient sans objet.

Article additionnel après l'article 17

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-134 , qui transfère au juge des tutelles la compétence du procureur de la République pour l'établissement de la liste des médecins autorisés à délivrer les certificats médicaux nécessaires à l'ouverture d'une mesure de protection.

L'amendement COM-134 n'est pas adopté.

Article 18

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-250 supprime la possibilité, pour le juge aux affaires familiales ou pour le parent qui y a un intérêt, de demander au procureur de la République de requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision judiciaire, une convention homologuée par le juge ou une convention de divorce par consentement mutuel enregistrée au rang des minutes d'un notaire, fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

M. Alain Richard . - Je ne comprends pas votre proposition de suppression de cette disposition tant l'inexécution fréquente des décisions des juges aux affaires familiales représente une difficulté. Quelle solution alternative envisagez-vous ?

Mme Muriel Jourda . - Je partage l'interrogation de notre collègue Alain Richard. Si la politique est fluctuante en la matière - le recours à la force publique était fréquent par le passé -, nombre de nos concitoyens sont douloureusement confrontés à ces situations.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement ne concerne que les deux premiers alinéas de l'article 18, dont les autres dispositions permettent de renforcer l'exécution des décisions du juge. J'entends vos arguments sur une question si sensible, mais j'estime que l'intervention des forces de l'ordre pourrait être contraire à l'intérêt de l'enfant, qui doit demeurer au coeur de notre réflexion.

M. Alain Richard . - L'inexécution des décisions du juge aux affaires familiales est également contre-productive pour l'intérêt de l'enfant !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre proposition ne porte que sur les cas relatifs à l'application du droit de visite ou du droit de garde. Faut-il que la police aille chercher l'enfant chez le parent contrevenant ? Nous avons estimé, sauf risque grave relevant du droit pénal, qu'un tel procédé pourrait desservir l'intérêt de l'enfant.

Mme Brigitte Lherbier . - Il est rare que les forces de police viennent chercher un enfant. En revanche, le fait d'avoir pris acte au commissariat de la non-présentation de l'enfant apparaît souvent dissuasif. Il conviendrait, en tout état de cause, de davantage travailler le dispositif proposé.

M. Alain Richard . - Le projet de loi propose déjà un dispositif gradué ! Le juge doit en faire la demande au procureur de la République, lequel, fort probablement, n'accordera pas le concours de la force publique à la première défaillance d'un parent. Le commissaire de police peut, en outre, agir sans recours à la force.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Si le recours aux forces de police apparaît dans votre esprit comme une solution ultime, il n'en est rien à la lecture de l'article 18, qui ne prévoit aucune gradation et permet au particulier lésé de saisir lui-même le procureur de la République. Imaginez le nombre de saisines potentielles !

Mme Muriel Jourda . - Dans les faits, de nombreuses familles sont régulièrement concernées par ce sujet. Souvent, la police appelle le parent récalcitrant, afin que la décision de justice s'applique. Cette action est dissuasive et évite tout sentiment d'impunité.

M. Philippe Bas , président . - Je vous rappelle que les décisions judiciaires ne représentent pas la totalité des cas prévus par le dispositif, puisqu'il peut également s'agir de faire appliquer une convention de divorce par consentement mutuel, dont le juge n'a jamais eu à connaître. En ce sens, il va peut-être un peu loin... Réfléchissons-y d'ici la séance publique.

M. Jacques Bigot . - Je suis favorable à ce que le procureur de la République puisse intervenir, mais si certains se montreront prudents, d'autres enverront d'office les forces de l'ordre... Le projet de loi insiste sur la médiation et la conciliation, concepts qui me semblent fort éloignés de l'intervention des forces de l'ordre. J'approuve donc l'amendement de nos rapporteurs. J'espère que la garde des sceaux pourra nous expliquer en séance publique pourquoi elle a retenu cette solution.

M. Philippe Bas , président . - Je suis, comme vous, sensible à l'intérêt de l'enfant.

L'amendement COM-250 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Les amendements COM-63 , COM-64 et COM-65 , ainsi que l'amendement COM-164 , permettent au juge aux affaires familiales, lorsqu'il est saisi d'une requête relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, de statuer sur la jouissance du domicile familial en cas de séparation de parents non mariés. Nous n'avons pas d'opposition de principe concernant ces dispositions, mais souhaiterions pouvoir les examiner plus attentivement d'ici la séance publique. Nous en demandons donc le retrait ou, à défaut, y sommes défavorables.

L'amendement COM-63 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 18

Les amendements COM-64 , COM-65 et COM-164 ne sont pas adoptés.

Article 19

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-234 relève le niveau d'exigence en matière de protection de la vie privée dans le cadre de l' open data des décisions des juridictions administratives et judiciaires. Il s'inspire directement de la disposition adoptée par le Sénat dans la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice en octobre 2017

L'amendement COM-234 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination COM-236 .

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-238 garantit la publicité des décisions des juridictions administratives et judiciaires.

L'amendement COM-238 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-241 intègre au code de l'organisation judiciaire les règles relatives à la publicité des débats devant les juridictions civiles, prévoit la publicité des jugements desdites juridictions et en précise les règles. En particulier, il clarifie la disposition selon laquelle les débats peuvent avoir lieu en chambre du conseil dans certaines matières intéressant la vie privée et supprime une disposition similaire concernant le secret des affaires, déjà satisfaite par les règles de protection instaurées par la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.

L'amendement COM-241 est adopté.

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Les amendements COM-66 et COM-67 sont similaires et concernent respectivement les juridictions administratives et judiciaires. Ils proposent que le Conseil national des barreaux soit destinataire de l'ensemble des décisions de justice, dans le cadre de l' open data , mais sans occultation des mentions des personnes concernées. Nous en demandons le retrait ou, à défaut, y sommes défavorables.

Les amendements COM-66 et COM-67 ne sont pas adoptés.

Articles additionnels après l'article 19

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-243 élargit le collège électoral des tribunaux de commerce aux exploitants agricoles, aux travailleurs indépendants et aux professionnels libéraux, prolongeant l'extension aux artisans prévue à l'initiative du Sénat par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle. Il reprend ainsi une disposition de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, adoptée par le Sénat en 2017. En outre, pour tenir compte des difficultés de recrutement des juges consulaires sans remettre en cause la limite d'âge fixée à 75 ans, il permet qu'un juge soit élu pour cinq mandats consécutifs de quatre ans, outre le premier mandat dont la durée est limitée à deux ans.

L'amendement COM-243 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-246 étend à l'ensemble des entreprises la compétence des tribunaux de commerce en matière de prévention et de traitement des difficultés qu'elles rencontrent, pour en faire des tribunaux des affaires économiques.

M. Philippe Bas , président . - Comme pour toutes les dispositions que nous avions déjà votées en 2017, notre avis est favorable.

L'amendement COM-246 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - C'est donc également le cas pour notre amendement COM-251 , qui confie aux tribunaux de commerce une compétence en matière de baux commerciaux.

L'amendement COM-251 est adopté.

Article 21

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Notre amendement COM-252 prévoit que c'est seulement à leur demande que des magistrats honoraires pourront être désignés par les chefs de juridiction administrative pour exercer des fonctions d'aide à la décision au profit de magistrats en exercice. Cette précision est inspirée du dispositif prévu pour les magistrats honoraires de l'ordre judiciaire. Il semble, en effet, délicat d'imposer à des magistrats expérimentés des fonctions généralement occupées par des assistants de justice.

L'amendement COM-252 est adopté.

Article 22

M. Yves Détraigne , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-80 , qui prévoit la possibilité, pour les titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, de devenir juristes assistants.

L'amendement COM-80 n'est pas adopté.

Article 26

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous entrons dans la partie pénale. Si le dépôt d'une plainte par voie électronique est adapté pour certaines infractions - les escroqueries sur Internet ou les fraudes à la carte bancaire par exemple -, il est important de préserver un contact physique avec un policier ou un gendarme pour les plaintes portant sur les crimes et délits commis contre les personnes. Tel est l'objet de notre amendement COM-183.

L'amendement COM-183 est adopté ainsi que l'amendement rédactionnel COM-182 .

L'amendement COM-98 devient sans objet.

M. Jacques Bigot . - Il est regrettable que notre amendement COM-98 soit devenu sans objet. En effet, dans les alinéas qu'il visait, il est porté atteinte aux droits de la victime lorsqu'elle n'a pas été informée de la tenue d'une audience.

Article additionnel après l'article 26

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-47 donne compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris s'agissant de l'indemnisation des victimes d'actes terroristes. Cette disposition demande a minima une réflexion complémentaire, d'autant que les associations de victimes y semblent fermement hostiles. Sans opposer au dispositif une fin de non-recevoir, nous vous proposons de renvoyer le débat en séance publique.

M. Jacques Bigot . - Si l'idée de rassembler certaines missions semble intéressante en matière d'efficience de l'organisation judiciaire, il n'en demeure pas moins que les victimes doivent pouvoir saisir un tribunal à proximité de leur domicile.

L'amendement COM-47 n'est pas adopté.

Division additionnelle avant l'article 27

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-50 rectifié, qui vise à interdire la divulgation de toute information relative à une personne gardée à vue ou mise en examen et à imposer au juge d'agir systématiquement en cas d'atteinte à la présomption d'innocence pour y mettre fin.

L'amendement COM-50 rectifié n'est pas adopté.

Article 27

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 27 du projet de loi permet, au cours d'enquêtes portant sur des délits et des crimes de droit commun, de recourir aux interceptions de communications électroniques, y compris lorsque la peine encourue est de trois ans d'emprisonnement. Sans remettre en cause le principe d'une extension, notre amendement COM-194 retient comme critère unique d'application le seuil des infractions punies d'une peine au moins égale à cinq ans d'emprisonnement. Il harmonise également les garanties encadrant le recours à cette technique : comme pour les enquêtes, les interceptions autorisées lors d'une instruction devront faire l'objet d'une ordonnance motivée.

M. Philippe Bas , président . - Cet amendement est important en matière d'équilibre entre les pouvoirs du procureur de la République et ceux du juge d'instruction.

M. Jacques Bigot . - J'avais suggéré, avec l'amendement COM-100 , notamment la suppression de ce dispositif, mais votre rédaction me semble intéressante. Dans l'attente de la séance publique, le groupe socialiste et républicain s'abstiendra sur les amendements des rapporteurs portant sur l'article 27.

L'amendement COM-194 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 27 élargit également, de manière significative, le champ de la technique d'enquête de géolocalisation, qui désormais pourrait s'appliquer dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction concernant les infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement, et non plus seulement celles punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Notre amendement COM-196 prévoit les garanties permettant de s'assurer de la proportionnalité d'une telle extension : en matière d'enquête, la durée de l'autorisation renouvelée par le juge des libertés et de la détention serait de quinze jours, et non d'un mois, afin de permettre un contrôle rapproché du bien-fondé de l'utilisation de cette technique. La décision serait motivée et la durée maximale d'autorisation limitée à deux ans. En outre, les données collectées dans le cadre d'une procédure d'urgence non autorisée par un juge des libertés et de la détention seraient conservées sous scellés, sans possibilité d'exploitation, voire détruites.

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit, en somme, d'encadrer une extension prévue par le projet de loi.

M. Jacques Bigot . - Là encore, nous aurions préféré la suppression de la disposition.

L'amendement COM-196 est adopté.

Les amendements COM-2 , COM-100 , COM-3 , COM-4 et COM-5 deviennent sans objet.

Article 28

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 28 du projet de loi généralise les enquêtes sous pseudonyme à tous les délits punis d'une peine d'emprisonnement. Cette généralisation apparaît excessive et conduirait à ne plus réserver l'enquête sous pseudonyme aux services spécialisés. Or, une telle technique d'enquête, équivalente à l'infiltration, ne saurait être efficace que si elle est réalisée par des personnels formés à la cybercriminalité et plus spécifiquement aux techniques d'infiltration numérique. Notre amendement COM-197 limite le recours à cette technique aux enquêtes concernant les infractions punies d'une peine au moins égale à trois ans d'emprisonnement. Afin d'assurer la proportionnalité de cette extension, il précise également que ces actes doivent s'effectuer sous le contrôle de magistrats, qui peuvent y mettre fin à tout moment.

M. Philippe Bas , président . - Votre amendement reste dans le même esprit que les deux précédents.

M. Jacques Bigot . - Et, dans le même esprit, il améliore la rédaction de l'article, même si nous aurions préféré qu'il soit supprimé.

L'amendement COM-197 est adopté.

Les amendements COM-6 , COM-49 et COM-104 deviennent sans objet.

Article 29

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 29 du projet de loi étend aux crimes de droit commun les techniques spéciales d'enquête, particulièrement intrusives. Notre amendement COM-202 supprime cette extension, dont la nécessité ne semble pas avérée et qui n'est assortie d'aucune garantie supplémentaire.

L'amendement COM-202 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-212 fixe une durée maximale de 24 heures pour le recours à la technique d'enquête d'accès à distance à des correspondances électroniques, très intrusive puisqu'elle permet de récupérer toutes les correspondances stockées.

L'amendement COM-212 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Sans remettre en cause le principe d'un alignement du régime des techniques spéciales d'enquête proposé par l'article 29 du projet de loi, notre amendement COM-203 répare plusieurs oublis quant aux garanties prévues pour encadrer le recours à ces techniques : l'exigence d'une ordonnance écrite et motivée, la mention de l'infraction motivant le recours à la mesure de sonorisation dans la décision et la durée de celle-ci, la nécessité de préciser dans l'autorisation l'infraction motivant le recours aux opérations ainsi que leur durée, l'interdiction à peine de nullité que les opérations aient un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées par les autorisations et l'interdiction de conserver des séquences relatives à la vie privée étrangères aux infractions visées dans les décisions autorisant la mesure. Notre amendement supprime également la nécessité, pour le juge d'instruction, lors des informations judiciaires, de solliciter l'avis du procureur de la République.

M. Jacques Bigot . - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail en faveur de la défense des libertés, même s'il eût mieux valu supprimer l'article 29.

L'amendement COM-203 est adopté.

Les amendements COM-14 , COM-105 , COM-15 et COM-16 deviennent sans objet.

Article 30

Les amendements rédactionnels COM-181 et COM-184 sont adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-136 , qui prévoit que les policiers puissent déclarer leur adresse professionnelle pour l'immatriculation de leur véhicule personnel, apparaît sans lien avec un projet de loi relatif à la réforme de la justice.

L'amendement COM-136 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-137 élargit considérablement le pouvoir reconnu aux agents de police judiciaire adjoints de constater des infractions pénales. Nous y sommes défavorables.

L'amendement COM-137 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes également défavorables à l'amendement COM-106 , qui supprime l'élargissement des attributions des agents de police judiciaire et la possibilité, pour les enquêteurs, de prendre des réquisitions de faible importance sans autorisation du procureur de la République.

M. Jacques Bigot . - Il ne s'agit pas de nier le rôle important des agents de police judiciaire, mais de veiller aux libertés publiques.

L'amendement COM-106 n'est pas adopté.

Article 31

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-185 maintient l'obligation de présentation au procureur de la République pour autoriser la prolongation de la garde à vue au-delà de 24 heures, dans la mesure où elle garantit un contrôle effectif du parquet sur le déroulement de la garde à vue. Sa suppression risque d'entraîner une prolongation de la garde à vue à chaque fois que le service enquêteur le juge utile, sans véritable contrôle par l'autorité judiciaire.

L'amendement COM-185 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - En 2016, le Sénat a adopté, à l'initiative de notre collègue Esther Benbassa, un amendement prévoyant une information de l'avocat lorsque la personne gardée à vue est transportée sur un autre lieu, conformément à une proposition du rapport de Jacques Beaume remis au Gouvernement en 2014. Le Gouvernement considère que cette obligation fait peser une contrainte excessive sur les enquêteurs. Notre amendement COM-186 tend à conserver la portée de la mesure votée il y a deux ans par le Sénat.

L'amendement COM-186 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement de suppression COM-17 , ainsi qu'aux amendements COM-107 et COM-1 .

Les amendements COM-17 , COM-107 et COM-1 ne sont pas adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes en revanche favorables à l'amendement COM-18, qui complète utilement notre amendement COM-185 .

L'amendement COM-18 est adopté.

Article 32

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-204 complète l'article 32 du projet de loi, qui étend les prérogatives de perquisition lors des enquêtes préliminaires, afin de prévoir la possibilité, pour la personne faisant l'objet d'une perquisition, d'être assistée de son avocat. Il garantit ainsi la proportionnalité du dispositif.

M. Jacques Bigot . - Je suis surpris que vous ne remettiez pas en cause l'article 32 dans son ensemble, compte tenu des questions qu'il soulève. Le problème de la flagrance mériterait à tout le moins un débat !

L'amendement COM-204 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-205 supprime la création du régime ad hoc permettant aux agents des forces publiques de pénétrer au sein d'un domicile afin de faire exécuter un ordre de comparaître. En effet, le code de procédure pénale leur permet déjà de pénétrer pendant la même plage horaire dans un domicile pour exécuter un mandat de recherche délivré par le procureur de la République contre toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.

L'amendement COM-205 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 32 du projet de loi crée également un régime de réquisition permettant la visite et la fouille systématique de tout navire présent dans une certaine zone. Or, contrairement au régime prévu par le code des transports, ce dispositif ne nécessite pas d'autorisation du juge des libertés et de la détention en cas de refus de l'occupant des lieux, aucun procès-verbal n'est remis à l'intéressé et aucune contestation de la régularité de la fouille ne peut avoir lieu devant le premier président de la cour d'appel. En outre, aucune durée limite à la fouille n'est fixée. Aussi, notre amendement COM-229 prévoit la remise d'un procès-verbal de fouille aux intéressés, ainsi que la limitation temporelle de cette fouille à 12 heures.

L'amendement COM-229 est adopté.

M. François-Noël Buffet . - Notre amendement COM-206 modifie la faculté de demander l'annulation de l'acte de perquisition au juge des libertés et de la détention. En l'état du texte, un juge des libertés et de la détention pourrait être conduit à statuer sur la régularité d'un acte qu'il a lui-même autorisé. Au regard des risques d'inconstitutionnalité de cette atteinte au principe d'impartialité des juridictions, notre amendement fait trancher ce contentieux par le président de la chambre de l'instruction.

L'amendement COM-206 est adopté.

Les amendements COM-19 , COM-23 , COM-111 et COM-22 deviennent sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes favorables à l'amendement COM-42 , qui applique, en matière douanière, le régime procédural de la perquisition chez un avocat prévu en matière pénale.

L'amendement COM-42 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes, en revanche, défavorables aux amendements COM-138 , étendant les pouvoirs de saisie lors des perquisitions, COM-20 , supprimant l'extension de l'enquête de flagrance aux crimes, COM-21 , limitant le champ desdites enquêtes, et COM-143 étendant les pouvoirs confiés aux policiers municipaux.

Les amendements COM-138 , COM-20 , COM-21 et COM-143 ne sont pas adoptés.

Articles additionnels après l'article 32

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-24 , rendant obligatoire la présence de l'avocat lors des perquisitions, ainsi qu'aux amendements COM-40 , COM-41 et COM-43 , renforçant les garanties applicables aux perquisitions et visites au domicile ou au cabinet d'un avocat.

Les amendements COM-24 , COM-40 , COM-41 et COM-43 ne sont pas adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-289 déposé par le Gouvernement corrige une malfaçon dans le code de la défense, introduite par la dernière loi de programmation militaire. Sans remettre en cause son intérêt, il convient de constater qu'il ne présente aucun lien, même indirect, avec le texte.

L'amendement COM-289 est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

Article 33

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-154 , auquel nous sommes défavorables, confie des responsabilités supplémentaires aux policiers municipaux. Nous sommes également défavorables à l'amendement COM-166 , qui renforce l'obligation de dépaysement d'une affaire lorsque le prévenu est en relation avec des magistrats ou des fonctionnaires de la cour d'appel. Notre avis est identique sur les amendements COM-44 et COM-45 relatifs à l'information de l'avocat.

Les amendements COM-154 , COM-166 , COM-44 et COM-45 ne sont pas adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-72 du Gouvernement supprime l'obligation d'un examen médical pour le dépistage de la présence d'alcool dans le sang, car une prise de sang, assurée par un infirmier et suivie d'une analyse biologique, est souvent suffisante. Les modalités de vérification de l'état alcoolique seraient ainsi harmonisées avec celles du dépistage des stupéfiants. Nous y sommes favorables.

L'amendement COM-72 est adopté.

Article additionnel après l'article 33

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-25 relatif à l'accès de l'avocat au dossier de procédure et aux obligations pesant sur le procureur de la République.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

Article 34

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-208 étend la procédure de « sas », limitée aux infractions terroristes, à celles qui relèvent de la criminalité et de la délinquance organisées. Sa généralisation au-delà de ce champ n'apparaît pas souhaitable en raison du risque de chevauchement d'attributions entre le procureur de la République et le juge d'instruction. Par ailleurs, il convient de maintenir le délai de 48 heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif actuellement prévu par le « sas » : la poursuite pendant une semaine d'opérations aussi attentatoires aux libertés individuelles, avec l'autorisation et sous le contrôle du seul procureur de la République, semble disproportionnée.

M. Philippe Bas , président . - Le Sénat défend les libertés !

L'amendement COM-208 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-207 supprime la nécessité, pour les plaignants, de former un recours devant le procureur général en cas de décision de classement sans suite du procureur de la République : une telle disposition serait susceptible de retarder excessivement l'ouverture d'une information judiciaire, au détriment du droit des victimes.

L'amendement COM-207 est adopté.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je suis surprise qu'hors l'amendement de suppression COM-112 rectifié du groupe socialiste et républicain, portant sur la totalité de l'article 34, nul ne propose de supprimer l'alinéa 7, qui prévoit le passage de trois à six mois du délai entre le dépôt d'une plainte simple et une plainte avec constitution de partie civile, retardant d'autant l'engagement de l'action publique. Les rapporteurs devraient, il me semble, se pencher sur cette disposition...

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous l'examinerons plus avant dans la perspective de la séance publique.

L'article 34 du projet de loi ajoute, par ailleurs, une troisième hypothèse justifiant le refus d'informer. Ces dispositions permettraient au procureur de la République de requérir du juge d'instruction « une ordonnance constatant l'inutilité d'une information et invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe » lorsque les trois conditions suivantes sont réunies : les investigations utiles à la manifestation de la vérité ont déjà toutes été réalisées ; l'enquête a mis à jour des charges suffisantes contre une personne mais le procureur de la République a refusé, en opportunité, de mettre en mouvement l'action publique ; enfin, une citation directe devant le tribunal peut être envisagée. Outre quelques précisions rédactionnelles, notre amendement COM-209 fait explicitement de cette possibilité un troisième cas d'ordonnance de non-lieu à informer, et non une ordonnance « constatant l'inutilité d'une information ».

L'amendement COM-209 est adopté, ainsi que l'amendement COM-214 .

L'amendement COM-112 rectifié devient sans objet.

Les amendements COM-178 , COM-37 et COM-73 sont adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-26 , ainsi qu'à l'amendement COM-27 , qui supprime l'assimilation des consignations.

Les amendements COM-26 et COM-27 ne sont pas adoptés.

Article 35

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le recours à la visioconférence est autorisé pour le placement en détention provisoire et pour la prolongation de cette dernière. Le justiciable peut cependant refuser cette possibilité et obtenir que la décision soit prise au cours d'une audience où le magistrat est physiquement présent, sauf en cas de risque d'évasion ou de trouble à l'ordre public. L'article 35 supprime ce droit. Pour une décision aussi importante qu'une mesure de privation de liberté, la personne mise en cause doit pouvoir rencontrer son juge. Tel est l'objet de notre amendement COM-187 . La prise de distance qui résulte du recours à des moyens audiovisuels risque de favoriser le placement en détention provisoire et de rendre plus difficile l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne pouvant être simultanément auprès de son client et auprès du juge.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - L'amendement COM-38 du Gouvernement réécrit cette disposition.

L'amendement COM-187 est adopté.

L'amendement COM-167 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre avis est défavorable sur l'amendement COM-113 relatif à la procédure de renouvellement de l'assignation à résidence. Dans la mesure où la personne assignée à résidence sous surveillance électronique conserve la possibilité de demander la mainlevée de la mesure, la simplification proposée par le projet de loi apparaît respectueuse des droits de la personne poursuivie, s'agissant d'une mesure de contrainte moins attentatoire aux libertés qu'un placement en détention provisoire.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Votre argument me semble quelque peu spécieux...

L'amendement COM-113 n'est pas adopté.

Les amendements COM-170 , COM-28 , COM-38 et COM-74 deviennent sans objet.

Les amendements COM-29 et COM-114 sont adoptés.

Articles additionnels après l'article 35

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous demandons le retrait ou, à défaut, sommes défavorables aux amendements COM-173 , COM-174 et COM-175 relatifs aux personnes souffrant de troubles mentaux.

Les amendements COM-173 , COM-174 et COM-175 ne sont pas adoptés.

Article 36

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 36 du projet de loi permet au juge d'instruction de rendre son ordonnance de règlement dans des délais plus courts. Elle est, pour mémoire, rendue au terme d'une procédure contradictoire : lorsqu'il a terminé son enquête, le juge d'instruction en informe le procureur, qui doit lui adresser en retour ses réquisitions écrites, et les parties, qui peuvent lui faire part de leurs observations ou formuler d'ultimes demandes ou requêtes. Le code de procédure pénale impose un délai de quatre mois avant que le juge d'instruction puisse rendre son ordonnance, même lorsque le procureur a rendu ses réquisitions rapidement et que les parties n'ont présenté ni observation, ni requête, ni demande. Pour réduire ce délai, il est proposé de laisser aux parties dix jours pour faire savoir si elles souhaitent, ou non, présenter des observations ou formuler des demandes ou requêtes. Si les parties font savoir, dans ce délai, qu'elles ne présenteront pas d'observation et ne formuleront pas de demande ou requête ou si elles gardent le silence, le juge d'instruction pourra rendre l'ordonnance de règlement, après avoir reçu les réquisitions du procureur. Sans remettre en cause ce mécanisme, auquel nous ne sommes pas hostiles, notre amendement COM-188 porte de dix à quinze jours le délai laissé aux parties.

L'amendement COM-188 est adopté, ainsi que les amendements COM-180 , COM-169 , COM-39 et COM-79 .

Les amendements COM-30 , COM-31 et COM-115 deviennent sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Nous sommes favorables à l'amendement COM-116 .

L'amendement COM-116 est adopté.

L'amendement COM-32 devient sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes également favorables à l'amendement COM-117 maintenant la collégialité de la chambre de l'instruction.

L'amendement COM-117 est adopté.

Article 37

L'amendement rédactionnel COM-215 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-210 étend le champ d'application de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à l'ensemble des délits punis d'une peine d'amende. Sauf disposition contraire, son montant s'établirait à 300 euros, mais 250 euros en cas de paiement immédiat et 600 euros en cas de majoration.

Mme Esther Benbassa . - Dans ce cadre, l'amende serait-elle identique en matière de stupéfiant toutes drogues confondues ? Quelle sera l'échelle des peines applicables si les drogues dures et les drogues douces ne sont pas différenciées ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le texte ne prévoit pas de distinction entre les différents stupéfiants, ce qui est l'état du droit : l'amende forfaitaire ne variera pas dans son montant en fonction, par exemple, de la dangerosité du produit. En revanche, le juge pourra toujours prendre des sanctions complémentaires.

Mme Esther Benbassa . - C'est très étrange !

M. Jacques Bigot . - Nous sommes également circonspects sur l'article 37 : quelle stratégie pénale s'appliquera en cas d'amende forfaitaire, surtout si elle ne varie pas en fonction des produits ? Qu'en sera-t-il notamment de la prévention et des enjeux de santé publique ? Nous devrons avoir un débat approfondi en séance publique.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables aux amendements COM-139 , COM-140 , COM-141 , COM-155 et COM-156 , qui modifient le champ d'application ou les montants de l'amende forfaitaire.

Les amendements COM-139 , COM-140 , COM-141 , COM-155 et COM-156 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-118 rectifié devient sans objet.

Article 38

Les amendements rédactionnels et de coordination COM-189 , COM-190 et COM-193 sont adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le projet de loi porte à cinq ans d'emprisonnement la peine maximale encourue dans le cadre d'une procédure de plaider coupable. Notre amendement COM-192 la maintient à son niveau actuel d'un an d'emprisonnement, considérant qu'il n'est pas possible de priver un individu de liberté pendant davantage de temps sans une audience devant le tribunal correctionnel.

L'amendement COM-192 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-191 .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables aux amendements COM-33 , qui prévoit la désignation d'un juge des enfants en cas de composition pénale avec un mineur, et COM-34 , qui prévoit l'information obligatoire sur la peine envisagée dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Les amendements COM-33 et COM-34 ne sont pas adoptés.

Les amendements COM-119 et COM-120 rectifié deviennent sans objet.

Article 39

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-195 supprime la procédure de comparution à délai différé instituée par l'article 39 du projet de loi. Il paraît en effet curieux de saisir le tribunal correctionnel d'une affaire, sans attendre le résultat d'une expertise ou d'un examen que le procureur a jugé utile à la manifestation de la vérité. Cette procédure risque d'entraîner une augmentation du nombre de personnes placées en détention provisoire, dans des conditions présentant moins de garanties qu'actuellement puisqu'aucun juge d'instruction ne serait saisi. Les parties devraient enfin se tourner vers le président du tribunal correctionnel si elles souhaitent demander des actes, ce qui paraît peu réaliste compte tenu de la lourde charge de travail qui incombe déjà à ces magistrats.

M. Jacques Bigot . - Je vous remercie pour cet amendement. La proposition du Gouvernement se place dans le prolongement des choix faits par la chancellerie, qui cherche à réduire la charge de travail des magistrats tout en en recrutant davantage.

L'amendement COM-195 est adopté, ainsi que l'amendement COM-198 .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-35 allonge certains délais accordés à l'avocat pour préparer la défense de son client, tandis que l'amendement COM-121 subordonne le regroupement des audiences à l'accord du prévenu. Nous y sommes défavorables.

Les amendements COM-35 et COM-121 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-122 devient sans objet.

Article 40

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-211 simplifie la liste des infractions relevant de la compétence du juge unique : tous les délits punis d'une peine d'une durée inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement seraient concernés, à l'exception des infractions d'agressions sexuelles. Il simplifie également celle des infractions relevant de la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale : cette procédure serait applicable à tous les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, à l'exception des délits d'atteintes à la personne humaine. Il prévoit enfin que toute peine doit être portée à la connaissance du prévenu. Conformément à l'avis du Conseil d'État, en cas de prononcé à des peines dont l'inexécution entraîne une peine d'emprisonnement, l'ordonnance pénale doit également être notifiée oralement en personne.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous sommes inquiets de l'extension sans limite de l'usage du juge unique pour des infractions pas toujours anodines. Il convient de demeurer vigilant !

L'amendement COM-211 est adopté.

Les amendements COM-123 et COM-124 deviennent sans objet.

Article 41

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Outre une précision rédactionnelle, notre amendement COM-213 supprime l'examen à juge unique des appels portant sur un jugement rendu à juge unique. Le principe de collégialité, s'il peut être modulé en première instance, doit s'imposer en appel afin de garantir la qualité des décisions de justice et le droit à un recours effectif.

L'amendement COM-213 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-126 apporte une précision relative à l'encadrement de l'appel en matière correctionnelle. Nous n'y sommes pas favorables car la portée juridique de cette précision, qui pourrait par ailleurs porter à confusion, apparaît incertaine.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous craignons que le droit de faire appel des personnes condamnées en première instance ne soit réduit par l'obligation de respecter les formalités de la déclaration d'appel.

M. Philippe Bas , président . - La rédaction de votre amendement pourrait utilement être retravaillée dans la perspective de la séance publique.

L'amendement COM-126 n'est pas adopté.

L'amendement COM-125 devient sans objet.

Article 42

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 42 du projet de loi prévoit que le président de la cour d'assises puisse statuer seul sur les dommages et intérêts alloués à la victime. Considérant que la décision à juge unique offre moins de garanties pour les victimes, notre amendement COM-199 conserve le régime actuel où le président et les assesseurs statuent sur l'action civile.

L'amendement COM-199 est adopté, ainsi que les amendements rédactionnels COM-200 et COM-201 .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-103 rectifié reprend une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur, adoptée à l'unanimité par le Sénat en 2013. Il facilite la poursuite, par les juridictions françaises, des auteurs de crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Par cohérence avec notre vote de 2013, nous y sommes favorables.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cet amendement est important et je vous remercie de votre soutien. Depuis 2013, la proposition de loi que vous évoquez n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Intégrée dans le présent projet de loi, les députés pourront enfin se prononcer sur son contenu...

L'amendement COM-103 rectifié est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes également favorables à l'amendement COM-157 relatif à l'accès des jurés aux pièces de la procédure. Cette mesure, qui améliorera l'information des jurés et leur capacité à suivre les débats, semble intéressante.

L'amendement COM-157 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes en revanche défavorables à l'amendement COM-158 , qui impose un délai de sept jours avant l'audience pour le dépôt des demandes de nullités.

L'amendement COM-158 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre avis est favorable sur l'amendement COM-127 , qui supprime une précision inutile sur la possibilité, pour le président de la cour d'assises, d'interrompre la déposition des témoins.

L'amendement COM-127 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes défavorables à l'amendement COM-36 de suppression de l'expérimentation du tribunal criminel départemental.

L'amendement COM-36 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 42

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-280 rend obligatoire la représentation, par un avocat aux conseils, devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

M. Philippe Bas , président . - Votre proposition ira droit au coeur du premier président Louvel, qui apprécie grandement l'apport des avocats aux conseils à la qualité des pourvois.

L'amendement COM-280 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-11 , COM-12 et COM-13 ont été déposés par le Gouvernement. Ils portent sur des sujets aussi importants que sensibles : la définition du délit d'entreprise individuelle terroriste, en conséquence de la décision QPC du 7 avril 2017, la centralisation partielle à Paris des enquêtes liées à la criminalité organisée et, surtout, la création d'un parquet national antiterroriste. Ces sujets nécessitent une expertise approfondie ; nous vous proposons, en conséquence, de renvoyer nos discussions à la séance publique.

Les amendements COM-11 , COM-12 et COM-13 ne sont pas adoptés.

Article 43

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-223 vise à modifier l'échelle des peines correctionnelles.

Il tend à supprimer la création d'une peine de détention à domicile sous surveillance électronique pour en rester au placement sous surveillance électronique et à prévoir l'introduction de la peine autonome de probation dans l'échelle des peines, qui ne serait alors plus une peine accessoire, mais une peine principale.

M. Jacques Bigot . - Nous sommes tout à fait favorables à cet amendement. C'est mieux que ce que prévoit la chancellerie. La garde des sceaux avait annoncé une fusion entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve. C'est ce qui se fait. Après la peine d'emprisonnement, il y a la peine de probation, qui peut être soit une modalité de l'emprisonnement, soit une peine principale.

L'amendement COM-223 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-128 , qui vise à supprimer l'alinéa 33, est satisfait.

L'amendement COM-128 devient sans objet.

Article 44

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'article 44 du projet de loi prévoit la possibilité de confier des enquêtes pré-sentencielles aux services de la protection judiciaire de la jeunesse. Concernant les majeurs, il vise à confier ces enquêtes par priorité aux services pénitentiaires d'insertion et de probation par rapport aux associations.

Sans remettre en cause l'extension aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, notre amendement COM-224 vise à maintenir le droit en vigueur s'agissant du recours aux services pénitentiaires d'insertion et de probation pour les enquêtes pré-sentencielles. Au regard de l'organisation et des moyens de ces services, il serait illusoire de leur confier à nouveau, par défaut, cette mission.

Enfin, tout en approuvant l'élargissement de l'ajournement pour investigations, cet amendement vise à supprimer la limitation introduite quant aux peines pouvant être prononcées.

L'amendement COM-224 est adopté.

M. François-Noël Buffet . - Nous demandons le retrait de l'amendement COM-129 , car les dispositions de l'alinéa 10 de l'article 44 sont de nature à permettre de prononcer davantage d'ajournements de la peine aux fins d'investigations, procédure qui nous semble intéressante afin de permettre in fine aux juridictions de prononcer la peine adaptée.

L'amendement COM-129 n'est pas adopté.

Article 45

M. Philippe Bas , président . - L'article 45 tend à refondre les dispositions du projet de loi visant à encadrer le prononcé des peines par les tribunaux correctionnels. Outre quelques améliorations rédactionnelles, votre amendement COM-225 a plusieurs objets.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Il s'agit de faire en sorte que la peine prononcée par le tribunal soit effectivement exécutée.

L'amendement COM-225 tend tout d'abord à poser un principe de motivation générale des peines correctionnelles, prolongeant ainsi la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation sur la motivation des peines, en maintenant le principe de motivation spéciale de l'emprisonnement ferme.

Ensuite, il vise à simplifier les dispositions du projet de loi en ne retenant qu'un seuil : les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an pourraient faire l'objet d'un aménagement en prenant en compte la personnalité du condamné et sa situation. En revanche, il supprime les seuils intermédiaires d'un mois à six mois et de six mois à un an.

En outre, cet amendement vise à supprimer l'interdiction des peines d'emprisonnement de moins d'un mois. Si certaines études suggèrent que les courtes peines ont des effets délétères, d'autres ont démontré l'efficacité des peines courtes de huit à quatorze jours. Tout dépend des conditions dans lesquelles elles sont exécutées. De plus, l'interdiction des peines courtes peut avoir pour effet d'inciter les magistrats à prononcer des peines plus longues pour contourner cette règle.

Par coordination avec l'amendement présenté à l'article 43, cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

Enfin, il vise à mettre fin à l'automaticité de l'examen des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux ans en vue d'un éventuel aménagement. Sans supprimer cette procédure, cet amendement vise à réserver aux seules juridictions de jugement la décision d'y avoir recours ou non, avec un seuil ramené à un an.

M. Philippe Bas , président . - Cet amendement est très important. Tout le système d'exécution des peines en dépend. Vous avez beaucoup simplifié le texte du Gouvernement, mais vous admettez une donnée fondamentale : les peines de prison ferme d'une durée inférieure à un an pourront être exécutées sans passer automatiquement comme aujourd'hui par le juge d'application des peines. On revient donc sur la réforme de 2009. En revanche, vous ne souscrivez pas à l'idée de ne pas permettre l'enfermement pour les peines de moins d'un mois.

L'amendement COM-225 est adopté.

Les amendements COM-130 et COM-69 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 45

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-226 vise à renforcer les échanges entre le ministère public et les magistrats du siège. Il tend à reprendre l'article 26 bis de notre proposition de loi adoptée le 24 octobre 2017.

L'amendement COM-226 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-227 reprend également une disposition adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017.

L'amendement COM-227 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-101 vise à répondre à une situation particulière, la condamnation de MM. Raymond Mis et Gabriel Thiennot en 1957, à la suite d'aveux dont certains soupçonnent qu'ils ont été obtenus sous la torture.

Cet amendement tend cependant à prévoir une disposition déjà satisfaite par le droit en vigueur des procédures de révision en matière pénale, en particulier depuis la loi du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d'une condamnation pénale définitive, qui permet des procédures en révision dès qu'il existe un indice de nature à faire naître un doute sur la culpabilité.

Selon la législation en vigueur, tout acte de torture, de violence, de contrainte ou de menace lors de tout acte d'établissement de la preuve, par exemple en garde à vue, entache d'ores et déjà de nullité cet élément de preuve.

Ces dispositions ne peuvent néanmoins pas s'appliquer aux cas d'espèce de MM. Mis et Thiennot en raison du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. En l'espèce, le principe d'application immédiate de la loi pénale plus douce ne peut s'appliquer.

De plus, la question des tortures a déjà été contradictoirement débattue lors du second procès de MM. Mis et Thiennot. C'est pour cela que la commission d'instruction de la cour de révision continue de rejeter les demandes des descendants de MM. Mis et Thiennot.

M. Jean-Pierre Sueur . - Si cet amendement ne peut être adopté en raison du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, il faut dire aux descendants qui continuent à se battre qu'il n'y aura jamais de révision. Ne pourrait-on pas trouver une rédaction qui permettrait de contourner cette difficulté ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Pour que la demande puisse prospérer, il faudrait plutôt utiliser la procédure de réhabilitation.

L'amendement COM-101 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur . - L'amendement COM-102 n'a pas pu être soumis au vote, car il est irrecevable au titre de l'article 40. Cet amendement étant puissamment anti-corruption, j'aimerais bien qu'il ne disparaisse pas. Il s'agit de savoir ce qu'on fait des recettes provenant de la confiscation des biens des personnes physiques ou morales reconnues coupables en matière de corruption transnationale. Il serait bien que cet argent aille aux personnes qui ont été flouées.

M. Philippe Bas , président . - Cet amendement est malheureusement irrecevable, car il crée une charge publique.

Article 46

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-282 érige la probation en une peine autonome.

L'amendement COM-282 est adopté.

Article 47

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Dans l'amendement COM-283 , nous tirons les conséquences de la création d'une peine autonome de probation à l'article 46.

L'amendement COM-283 est adopté.

L'amendement COM-70 devient sans objet.

Article 48

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-222 supprime les dispositions relatives à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

L'amendement COM-222 est adopté.

L'amendement COM-71 devient sans objet.

Article 49

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le texte prévoit qu'un condamné qui a effectué les deux tiers de sa peine peut être libéré sous contrainte. Nous souhaitons qu'il n'y ait pas de principe d'automaticité en la matière, d'où notre amendement COM-284 .

L'amendement COM-284 est adopté.

La réunion, suspendue à 13 h 25, est reprise à 16 h 05.

Article 50

L'amendement rédactionnel COM-228 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-220 vise à supprimer la possibilité de dématérialiser les échanges lors des commissions d'application des peines. Elles sont le lieu d'intenses débats qu'il convient de préserver entre direction de l'établissement pénitentiaire, parquet, juge de l'application des peines et service d'insertion et de probation.

L'amendement COM-220 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-221 vise à préciser les modalités selon lesquelles le juge de l'application des peines peut déléguer au chef d'établissement pénitentiaire le pouvoir d'accorder les permissions de sortir en vue de préparer la réinsertion du condamné ou afin de maintenir ses liens familiaux.

L'amendement COM-221 est adopté.

Les amendements COM-131 et COM-132 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 50

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-290 concerne l'exécution des peines présentant une dimension internationale. Il vise à créer un service à compétence nationale auprès du ministre de la justice afin de centraliser les demandes d'exécution de ces dernières - qu'il s'agisse d'amendes, de peines de confiscation ou encore de peines d'emprisonnement. Ce service constituerait un point de contact unique, pour les magistrats français et étrangers, sur ces questions complexes et permettrait d'en rationaliser le circuit de gestion.

L'amendement COM-290 est adopté.

Les amendements COM-142 et COM-83 ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bas , président . - Comme ce matin, afin de pouvoir les expertiser, les rapporteurs réservent judicieusement à la séance publique l'examen de toute une série d'amendements du Gouvernement...

Article 51

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-216 entend d'abord limiter aux établissements pénitentiaires construits ou programmés avant le 31 décembre 2022 la possibilité de recourir aux procédures dérogatoires prévues par le texte. La garde des sceaux s'étant engagée à ce que 15 000 places d'emprisonnement soient construites ou lancées avant le 31 décembre 2022, il est donc inutile d'étendre ces dispositifs dérogatoires jusqu'à 2026.

Cet amendement vise ensuite à exclure l'application de ces dispositions pour les projets de construction d'établissements pénitentiaires en phases d'études préalables : seules les phases d'études au stade de la commande opérationnelle nécessitent le recours à ces procédures dérogatoires.

Enfin, cet amendement supprime le recours à la procédure d'expropriation d'extrême urgence, considérant que cette procédure s'appliquerait à des immeubles bâtis et alors même qu'il n'existe aucune certitude quant à la nécessité d'un tel dispositif. Les retards pris par l'administration pénitentiaire ne doivent pas se traduire par un abaissement des droits des riverains de ces futurs projets !

M. Alain Richard . - Il me semble dommage et bien aventureux de se priver ainsi de la possibilité de recourir à ces dispositifs dérogatoires entre 2022 et 2026, certains marchés publics sont d'une telle complexité aujourd'hui...

M. Philippe Bas , président . - Attendons que le Gouvernement, s'il le souhaite, fasse en séance des propositions aux rapporteurs sur ce point.

L'amendement COM-216 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-217 tend à renforcer les garanties d'impartialité de la nouvelle procédure de participation du public par voie électronique - destinée, pour accélérer la construction ou l'extension d'établissements pénitentiaires, à remplacer les enquêtes publiques -, en précisant les obligations du garant et en évitant tout lien de subordination financière entre ce dernier et le maître d'ouvrage.

Ces dispositions s'inspirent directement de celles que nous avions votées lors de l'examen de la loi relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Mme Muriel Jourda . - Ayant été à l'époque rapporteur de ce texte pour notre commission, votre amendement me donne l'occasion de rappeler justement la longueur très insatisfaisante des délais dont nous parlons : qu'il faille plusieurs années - sept ans parfois - pour boucler un projet immobilier devrait tous nous faire réfléchir. Introduire ainsi des dérogations circonstancielles plutôt que d'envisager des simplifications pérennes n'est, in fine , pas de bonne méthode : c'est le droit qui doit être à notre service, pas l'inverse !

L'amendement COM-217 est adopté, ainsi que les amendements COM-218 et COM-219 .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-179 vise à prolonger l'information du Parlement par le Gouvernement sur l'exécution des programmes immobiliers pénitentiaires, dès lors que le moratoire sur l'encellulement individuel est prorogé jusqu'en 2022.

L'amendement COM-179 est adopté.

Articles additionnels après l'article 52

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous vous proposons une série de dispositions sur l'aide juridictionnelle. Notre amendement COM-255 vise à rétablir la contribution pour l'aide juridique, qui serait désormais modulée de 20 à 50 euros en fonction du type d'instance engagée. Je vous rappelle qu'après sa suppression par la loi de finances pour 2014, le Sénat avait souhaité la rétablir l'an dernier lors de l'examen de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par notre président Philippe Bas.

M. Jacques Bigot . - Sur cet amendement, comme lors de l'examen de la proposition de loi, mon groupe s'abstient.

L'amendement COM-255 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-257 , également inspiré par cette proposition de loi, vise à prévoir, sauf exceptions, la consultation obligatoire d'un avocat préalablement au dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle.

M. Philippe Bas , président . - Cette idée avait d'ailleurs été formulée par la Fédération des unions de jeunes avocats, que nous avions entendue lors des travaux de la mission d'information sur le redressement de la justice.

Mme Muriel Jourda . - Je me réjouis de cette proposition car sachez, pour ceux d'entre nous qui ne sont pas avocats, qu'une fois désigné au titre de l'aide juridictionnelle, l'avocat est aujourd'hui concrètement tenu de mettre en oeuvre l'action juridictionnelle quand bien même il sait que celle-ci est inéluctablement vouée à l'échec.

M. Alain Richard . - Mais ne sont-ce pas, justement, les causes perdues qui font tout le sel du métier d'avocat ? Le véritable talent, d'ailleurs, ce n'est pas de vendre cher quelque chose à quelqu'un qui en a besoin, c'est de vendre ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en a pas besoin...

L'amendement COM-257 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-260 propose de rendre obligatoire la consultation, par les bureaux d'aide juridictionnelle, des services ou des organismes sociaux compétents pour apprécier les ressources des demandeurs, possibilité qui n'est que trop peu utilisée actuellement.

L'amendement COM-260 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-263 vise à améliorer le taux de recouvrement des sommes versées au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à la suite d'une décision de retrait de l'aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès, dès lors que celle-ci n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, en confiant ce recouvrement au Trésor public.

L'amendement COM-263 est adopté.

Article 53

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous en arrivons à présent à l'organisation judiciaire. Dans un souci de clarification de la réforme de la première instance prévue par le projet de loi, regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort au sein d'une nouvelle juridiction unifiée, notre amendement COM-253 vise à donner à celle-ci la dénomination plus cohérente de tribunal de première instance, plutôt que de conserver la dénomination de tribunal de grande instance. Il procède en conséquence à de nombreuses coordinations et supprime le maintien de la dénomination de tribunal d'instance pour les chambres détachées de cette nouvelle juridiction unifiée, en raison de la confusion qu'elle entraîne pour la lisibilité de l'organisation judiciaire.

Cet amendement reprend la logique de la proposition de loi que nous avions adoptée en octobre 2017.

L'amendement COM-253 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-256 vise à apporter des précisions et des garanties pour les magistrats du siège et les fonctionnaires de greffe dans la nouvelle organisation de la juridiction unifiée issue de ce regroupement.

S'agissant des magistrats du siège, il prévoit que l'ordonnance de roulement prise chaque année par le président du tribunal de première instance peut les affecter au siège de la juridiction ou dans une chambre détachée, le service d'un magistrat pouvant être partagé entre les deux, comme cela se pratique déjà dans les quelques chambres détachées de tribunal de grande instance qui existent aujourd'hui.

S'agissant des fonctionnaires, il apporte une garantie de localisation géographique des emplois soit au siège du tribunal soit dans une chambre détachée, tout en prévoyant un mécanisme limité de délégation interne entre les différents sites du tribunal, qui devra être précisé par voie de décret. Il s'agit également de répondre à la crainte exprimée par les organisations syndicales de greffiers dans le cadre de cette nouvelle juridiction de voir leur lieu de travail être modifié au jour le jour à la discrétion des chefs de juridiction.

Cet amendement reprend lui aussi une disposition adoptée par le Sénat en 2017.

M. Alain Richard . - Concernant les magistrats, certains préfèrent passer d'un tribunal d'instance à l'autre. En conséquence, il faut prévoir la possibilité d'une habilitation partagée entre deux chambres détachées.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous sommes d'accord sur le principe. Nous allons vérifier, mais il semble que la rédaction que nous proposons permet cela.

L'amendement COM-256 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-258 propose d'instaurer une procédure encadrant toute évolution de la carte judiciaire, concernant toutes les juridictions judiciaires de première instance. Cette procédure devrait associer les chefs de cour et les élus départementaux et aboutir à un rapport public d'évaluation, reposant sur des critères objectifs préexistants.

Nous reprenons les dispositions que nous avions proposées en 2017 pour essayer d'associer les territoires à la décision qui appartiendra in fine à l'État. Cela nous paraît légitime, mais il nous paraît également légitime d'associer les acteurs locaux à cette prise de décision.

M. Philippe Bas , président . - Très bien. Nous avions effectivement adopté cette disposition en 2017

Mme Sophie Joissains . - Je ne troublerai pas la commission car je sais que le vote est unanime sur ces questions. Je souhaite cependant marquer mon opposition à cette unification du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, car le jour où les juridictions deviendront des chambres, il sera beaucoup plus facile de les fermer et, de fait, d'éloigner le justiciable de l'institution judiciaire. Je m'oppose donc pour ma part à toute cette organisation.

L'amendement COM-258 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - En cohérence avec ce que nous avons exposé lors de la discussion générale, notre amendement COM-261 vise à supprimer le mécanisme de spécialisation d'un tribunal par département pour connaître de certaines matières civiles et de certains délits et contraventions. Cette procédure, extrêmement lourde, ne présente guère d'intérêt pour améliorer le fonctionnement de la justice, tandis qu'elle serait source de complexité et porterait atteinte à la lisibilité de l'organisation judiciaire pour le justiciable, sans compter le risque de remise en cause à terme de certains tribunaux.

L'amendement COM-261 est adopté, ainsi que les amendements rédactionnels COM-264 et COM-266 .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-267 vient en débat avec un amendement du Gouvernement sur le même sujet. Il vise à mettre un place un juge chargé des contentieux de proximité, reprenant une partie importante des compétences aujourd'hui exercées par le juge d'instance, sans pour autant en faire une fonction spécialisée. Ceci figurait dans le rapport de la mission d'information sur le redressement de la justice.

En conséquence, l'attribution au juge de l'exécution de la compétence pour connaître du surendettement et de la saisie des rémunérations, prévue par le texte, serait supprimée, car elle serait dévolue à ce nouveau juge. Celui-ci serait en outre compétent en matière de contentieux civils dont l'enjeu n'excède pas 10 000 euros, de baux d'habitation, de surendettement ou encore de crédit à la consommation. À la différence de l'actuel juge d'instance, afin de constituer un bloc de compétences qui demeure cohérent, il ne serait pas compétent dans certains domaines, en particulier en matière d'élections professionnelles, de contrat de travail maritime, de divers litiges agricoles ou encore de bornage ou de servitudes.

À la différence de ce que propose le Gouvernement, nous ne créons pas un juge statutaire. Cela permet à ce magistrat de pouvoir être appelé à siéger dans les autres compositions du tribunal, qui peuvent être des compositions civiles ou correctionnelles, sans rigidité liée à son affectation. Il peut donc participer aux compositions collégiales. Il s'agit d'un élément de souplesse important, allant dans le sens d'une plus grande mutualisation des moyens.

M. Alain Richard . - L'intention du Gouvernement était aussi de permettre cette polyvalence des juges.

M. Philippe Bas , président . - Il est possible que l'on se rejoigne sur ce point.

L'amendement COM-267 est adopté.

Les amendements COM-144 , COM-146 et COM-147 deviennent sans objet.

L'amendement COM-145 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-148 et COM-149 sont de même nature : ils s'opposent à ce qu'un tribunal de grande instance puisse ne pas avoir de juge d'instruction ou de juge de l'application des peines. Nous n'y sommes pas favorables.

Les amendements COM-148 et COM-149 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-95 devient sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-288 du Gouvernement clarifie les conditions de la spécialisation départementale. Il devient sans objet à la suite de l'adoption des amendements supprimant ce mécanisme.

L'amendement COM-288 devient sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-133 du Gouvernement, dont nous avons parlé précédemment, crée une fonction spécialisée de juge des contentieux de la protection. Il devient sans objet du fait de l'adoption de notre amendement COM-267 mais il y aura sans doute un débat si le Gouvernement le redépose en séance.

L'amendement COM-133 devient sans objet.

Article 54

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-268 vise à supprimer l'expérimentation prévue par le projet de loi concernant les cours d'appel.

Prévue dans deux régions, cette expérimentation comporte deux volets : d'une part, la possibilité de désigner, au sein d'une même région, des chefs de cour ayant des fonctions d'animation et de coordination vis-à-vis des autres chefs de cour et, d'autre part, la possibilité de spécialiser, au sein d'une même région également, des cours d'appel pour connaître de certains contentieux civils particuliers.

En matière d'organisation judiciaire des cours d'appel, les enjeux de réforme consistent d'abord, indépendamment même de leur nombre, à assurer la cohérence de leurs ressorts avec les limites administratives des régions, de façon à ce qu'aucun ressort ne soit partagé entre deux voire trois régions. Cela nuit à l'efficacité de l'action de l'institution. Se pose ensuite la question de la taille critique de certaines cours, compte tenu d'un faible effectif de magistrats. Ces sujets ne sont pas évoqués dans le cadre de ce texte.

Outre qu'elle serait source de complexité, une telle expérimentation ne présenterait qu'une faible utilité pour le justiciable et créerait entre les chefs de cour une hiérarchisation qui serait peu appréciée et n'aurait sans doute que peu d'effets concrets en termes d'amélioration du fonctionnement de la justice. Elle ne correspond pas aux enjeux prioritaires.

Enfin, au cours de nos auditions, nous avons pu observer que les chefs de cour à qui était destinée cette expérimentation étaient réticents. Au-delà de la hiérarchisation induite, leurs craintes concernent l'aspect budgétaire : les chefs de cour ont peur que le chef de cour chargé de l'animation et de la coordination prenne une partie de leur budget. Nous ne pensons pas pertinent d'apporter de la discorde dans un système qui fonctionne plutôt bien aujourd'hui.

M. Jacques Bigot . - Nous sommes d'accord avec les rapporteurs, puisque nous avons déposé un amendement identique. Il est important de souligner que nous ne pouvons rester à mi-chemin. Nous savons qu'il existe une inquiétude extrêmement importante des magistrats et des élus locaux sur la disparition de certaines cours d'appel. Il faudra un jour que la chancellerie soit très claire sur l'organisation qu'elle veut mettre en oeuvre au niveau des cours d'appel et des regroupements, mais pas de cette manière que l'on peut qualifier d'inconfortable. Il faudra déjà absorber la réforme des tribunaux de première instance, ce qui ne sera pas simple. Laisser du temps au temps est utile et je pense que nous sommes en phase là-dessus. C'était d'ailleurs le sens de la mission d'information de notre commission.

Les amendements de suppression COM-268 , COM-96 et COM-150 sont adoptés.

L'amendement COM-151 devient sans objet.

Article 55

L'amendement de coordination COM-271 est adopté, ainsi que l'amendement de précision COM-287 .

L'amendement COM-153 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 55

M. André Reichardt . - Mon amendement COM-84 concerne le droit local alsacien-mosellan et répond à un problème rencontré par les notaires.

Les actes établis par les notaires d'Alsace-Moselle, contenant une obligation ayant pour objet une somme d'argent, une chose fongible ou une valeur mobilière, affectée d'un terme d'exigibilité, doivent contenir la clause de l'exécution forcée pour constituer un titre exécutoire. Par quatre arrêts, la Cour de cassation a jugé que l'acte notarié ne constitue un titre exécutoire, pour les obligations monétaires, que si la somme est déterminée. Or, en droit général, la copie exécutoire peut être établie à la garantie du paiement d'une somme simplement déterminable. Il serait de bonne justice d'aligner ici le droit alsacien-mosellan sur le droit général - ce qui fera plaisir aux adeptes de la décision Somodia !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le sujet est complexe, et nous n'avons pas pu apprécier pleinement la portée de cet amendement. Sagesse, dans l'attente des éclaircissements du Gouvernement.

L'amendement COM-84 est adopté.

Article 56

Les amendements de coordination COM-281 et COM-273 sont adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-230 vise d'abord à reporter au 1 er janvier 2020 l'entrée en vigueur des dispositions prévoyant l'inscription des amendes forfaitaires au casier judiciaire, dont les responsables, que nous avons rencontrés à Nantes, nous ont demandé de leur laisser le temps d'adapter leurs programmes informatiques. N'oublions pas qu'ils doivent être en mesure de délivrer des extraits à valeur certaine à une date donnée.

L'amendement tend également à reporter d'un an l'entrée en vigueur de l'extension du champ d'application de l'ordonnance pénale, vu la nécessité de mettre à jour les bases Cassiopée et Natinf , et de trois mois celle de la réforme de l'appel dévolutif en matière correctionnelle, afin de permettre aux justiciables d'anticiper ces évolutions.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Pourquoi prévoir une date fixe pour l'entrée en vigueur des dispositions relatives au casier judiciaire, plutôt qu'un délai suivant la publication de la loi ? Ce serait plus sûr, par les temps qui courent...

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Cela devrait aller.

L'amendement COM-230 est adopté.

L'amendement COM-152 devient sans objet.

Mme Sophie Joissains . - Je m'abstiendrai sur l'ensemble du projet de loi.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le groupe socialiste et républicain également, à ce stade.

M. Jacques Bigot . - Nous apprécions la qualité du travail fourni par nos rapporteurs, mais nous voulons prendre le soin de relire l'ensemble du texte issu des travaux de la commission et consulter notre groupe avant de nous prononcer.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Articles additionnels avant l'article 1 er

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-24 reprend les dispositions de l'article 2 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice, adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017. Il pose le principe selon lequel les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction, sans préjudice des durées maximales spécifiques qui sont déjà prévues par le droit en vigueur pour certaines fonctions et resteraient inchangées.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'instauration d'une nouvelle obligation de mobilité par le législateur organique, non plus que celle d'une durée minimale d'exercice des fonctions, ne porte atteinte au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège prévu à l'article 64 de la Constitution, car ces dispositions s'appliqueraient à l'ensemble des magistrats, qui seraient en outre pleinement informés de la limitation dans le temps de leurs fonctions ; les conséquences qui en résulteraient en matière d'affectation feraient l'objet des garanties d'emploi requises.

Nous prévoyons toutefois, pour tenir compte des difficultés pratiques susceptibles de découler de ces nouvelles règles, qu'il puisse y être dérogé sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

L'amendement COM-24 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-25 comporte des dispositions transitoires sur la mobilité des magistrats.

L'amendement COM-25 est adopté.

Article 1 er

L'amendement rédactionnel COM-17 est adopté.

Les amendements COM-1 et COM-10 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 1 er

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-15 vise à mettre en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou la préparation de décisions complexes. Ainsi, le magistrat en charge de l'affaire, qui seul endosserait la responsabilité du jugement, bénéficierait d'un renfort précieux pour préparer sa décision et le jeune magistrat, qui se verrait confier le traitement d'une partie de l'affaire, pourrait quant à lui parfaire sa formation.

Seraient concernés les magistrats en poste depuis moins de trois ans. Le président de la juridiction pourrait leur demander de prêter leur concours au magistrat en charge d'une affaire dont la nature le justifierait, en raison de sa complexité par exemple.

Cette disposition apporterait un début de solution à la problématique de l'isolement de nombreux jeunes magistrats du siège, à la sortie de l'École nationale de la magistrature, en promouvant une forme utile de tutorat. Nous avons constaté sur le terrain que certains ont tendance à confondre isolement et indépendance...

Nous reprenons ainsi l'article 4 de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adoptée par le Sénat en 2017.

M. Alain Richard . - Les élèves de l'École nationale de la magistrature en stage ne seraient pas concernés, je suppose ?

M. Jacques Bigot . - Non, seulement les jeunes magistrats déjà en poste. Cette mesure ne les enthousiasme pas...

M. Philippe Bas , président . - Pas encore !

L'amendement COM-15 est adopté, ainsi que l'amendement COM-26 .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-27 prévoit une obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction, au plus tard dans les trois mois de leur installation, afin de mieux préparer leur prise de fonction.

L'amendement COM-27 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Dans le prolongement de l'amendement COM-15, l'amendement COM-16 prévoit que des auditeurs de justice puissent être nommés en premier poste auprès d'un magistrat du siège exerçant ses fonctions au sein d'une juridiction qui détient des compétences particulières ou au sein d'une juridiction spécialisée.

L'amendement COM-16 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-28 pose le principe d'une durée minimale d'affectation de trois années dans la même juridiction, s'appliquant aux fonctions de conseiller référendaire et d'avocat général référendaire à la Cour de cassation.

Là encore, il s'agit d'une disposition déjà adoptée par le Sénat l'an dernier.

L'amendement COM-28 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-29 , également repris de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice, a pour objet de mieux définir les critères de sélection des chefs de cour et de juridiction.

M. Philippe Bas , président . - Cette proposition de bon sens ne répond sans doute pas à une demande du Conseil supérieur de la magistrature, mais le législateur organique est dans son rôle en renforçant les obligations qui incombent à celui-ci dans l'examen des candidatures.

L'amendement COM-29 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-30 fixe une durée minimale d'affectation de trois années pour l'exercice des fonctions de président et de procureur de la République d'un même tribunal de grande instance ou de première instance, pour les magistrats du premier grade.

M. Philippe Bas , président . - Ce sont ceux qui changent le plus rapidement d'affectation, et nous voulons éviter les vacances de postes trop nombreuses.

M. Alain Richard . - On lit dans l'amendement qu'il pourrait être dérogé à cette règle sur avis motivé du Conseil supérieur de la magistrature. S'agirait-il d'un avis simple ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Oui.

L'amendement COM-30 est adopté.

Article 2

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-31 fixe une durée minimale de quatre années d'exercice dans la même juridiction pour les fonctions spécialisées.

L'amendement COM-31 est adopté.

Les amendements COM-2 et COM-11 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 2

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-32 institue une durée minimale de trois années d'exercice pour les fonctions de premier président d'une même cour d'appel et laisse inchangées le reste des dispositions spéciales actuelles qui limitent la durée d'exercice de ces fonctions.

L'amendement COM-32 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-33 concerne les critères de sélection des chefs de cour.

L'amendement COM-33 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Notre amendement COM-34 institue une durée minimale de trois années d'exercice pour les fonctions de procureur général près une même cour d'appel et décline ainsi aux juridictions d'appel le dispositif déjà adopté pour les juridictions de premier ressort.

L'amendement COM-34 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Par cohérence, l'amendement COM-35 reprend cette même durée minimale de trois années et l'applique aux chefs de juridiction placés hors hiérarchie.

L'amendement COM-35 est adopté.

Article 3

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-3 tend à revenir sur le regroupement des tribunaux de grande instance avec les tribunaux d'instance.1

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Article 4

L'amendement de coordination COM-18 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-4 ne peut pas être adopté pour les mêmes raisons que l'amendement COM-3 .

L'amendement COM-4 devient sans objet, ainsi que l'amendement COM-12 .

Article 5

L'amendement de coordination COM-19 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous ne sommes pas d'accord avec le principe de l'amendement COM-5 .

L'amendement COM-5 devient sans objet.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-13 du Gouvernement rouvre le débat sur la création d'une fonction statutaire spécialisée.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - En effet, le Gouvernement souhaite spécialiser les magistrats de première instance par voie statutaire. Cette mesure ferait obstacle à ce que l'on puisse recourir à ces magistrats dans les formations de jugement avec toute la souplesse nécessaire, ce qui pose un problème.

L'amendement COM-13 devient sans objet.

Article 6

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

Article 7

L'amendement COM-7 `est pas adopté.

Article additionnel après l'article 7

L'amendement de coordination COM-20 est adopté.

Article additionnel avant l'article 8

L'amendement de coordination COM-21 est adopté.

Article 8

L'amendement de coordination COM-22 rect. bis est adopté.

L'amendement COM-8 devient sans objet.

Article additionnel après l'article 9

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-14 présenté par le Gouvernement reçoit un avis défavorable pour les mêmes raisons que pour l'amendement COM-13.

L'amendement COM-14 n'est pas adopté.

Article 10

L'amendement de coordination COM-23 est adopté.

L'amendement COM-9 devient sans objet.

Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :

AMENDEMENTS AU PROJET DE LOI

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Programmation financière et rapport annexé
prévoyant les orientations et les moyens de la justice

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

285

Programmation budgétaire pour la justice 2018-2022 déjà adoptée par le Sénat

Adopté

Articles additionnels après l'article 1 er

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

245

Programmation 2018-2022 des recrutements de conciliateurs de justice

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

254

Remise annuelle au Parlement d'un rapport sur l'exécution de la présente loi

Adopté

M. MOHAMED SOILIHI

168

Remise d'un rapport annuel au Parlement sur l'exécution de la présente loi de programmation pour la justice

Satisfait ou sans objet

Article 2
Développement du recours aux modes alternatifs de règlement des différends

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

235

Amendement de coordination avec la suppression de l'article 12

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

237

Suppression de l'extension du champ de l'obligation de tentative de règlement amiable des litiges préalable à la saisine du juge

Adopté

Mme DEROMEDI

51

Diversification des modes amiables de règlement des litiges admis comme préalables à la saisine du juge

Satisfait ou sans objet

Article 3
Fixation d'un cadre juridique pour les services de résolution amiable
des litiges en ligne et certification de ces services

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

231

Distinction des services en ligne de résolution amiable des litiges et d'arbitrage, renforcement des obligations applicables et extension aux services en ligne d'aide à la saisine des juridictions

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

232

Caractère obligatoire de la certification pour les services en ligne de résolution amiable des litiges et d'aide à la saisine des juridictions

Adopté

Le Gouvernement

7

Modifications rédactionnelles concernant le cadre juridique des services en ligne de résolution amiable des litiges

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

52

Précisions rédactionnelles concernant notamment le champ de la résolution amiable des litiges en ligne

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

53

Précisions rédactionnelles concernant notamment le champ de la résolution amiable des litiges en ligne

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

54

Précisions rédactionnelles concernant notamment le champ de la résolution amiable des litiges en ligne

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

85

Sanctions pénales en cas de méconnaissance des obligations en matière de service en ligne de résolution amiable des litiges

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

55

Sanctions pénales en cas de violation de l'obligation de confidentialité pour les services en ligne de résolution amiable des litiges

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

97

Sanctions pénales en cas de violation de l'obligation de confidentialité pour les services en ligne de résolution amiable des litiges

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

56

Certification obligatoire pour les services en ligne de résolution amiable des litiges

Satisfait ou sans objet

Article 4
Extension de la représentation obligatoire

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

259

Suppression de l'extension de la représentation obligatoire par avocat devant les tribunaux paritaires des baux ruraux

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

262

Introduction au sein de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques des principes de dérogation au monopole de l'avocat devant le tribunal de grande instance

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

265

Codification dans le code du travail des modalités d'assistance et de représentation devant le conseil de prud'hommes

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

269

Codification dans le code de commerce des modalités d'assistance et de représentation devant le tribunal de commerce

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

270

Précisions rédactionnelles et légistiques

Adopté

M. Jacques BIGOT

99

Remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur le financement de l'aide juridictionnelle

Rejeté

M. Jacques BIGOT

108 rect.

Suppression de l'extension de la représentation obligatoire par avocat devant les tribunaux paritaires des baux ruraux

Adopté

Mme COSTES

159 rect.

Suppression de l'extension de la représentation obligatoire par avocat devant les tribunaux paritaires des baux ruraux

Adopté

M. GREMILLET

176 rect. bis

Suppression de l'extension de la représentation obligatoire par avocat devant les tribunaux paritaires des baux ruraux

Adopté

M. Jacques BIGOT

86

Possibilité d'assistance et de représentation par un défenseur social en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale

Rejeté

M. Jacques BIGOT

87

Possibilité d'assistance et de représentation par un défenseur social en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale

Rejeté

M. Jacques BIGOT

88

Possibilité d'assistance et de représentation par un défenseur social en matière de contentieux de la sécurité sociale et de l'admission à l'aide sociale

Rejeté

Articles additionnels avant l'article 5

Mme DEROMEDI

57

Force exécutoire de l'acte d'avocat en matière de médiation

Rejeté

Mme DEROMEDI

58

Force exécutoire de l'acte d'avocat en matière de conciliation

Rejeté

Article 5
Compétence des notaires pour délivrer certains actes de notoriété et recueillir le consentement
dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

239

Amendement réactionnel

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

240

Suppression de l'attribution exclusive aux notaires de la compétence pour recueillir le consentement du couple qui recourt à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

Adopté

M. Jacques BIGOT

91

Suppression des transferts aux notaires de certaines compétences

Satisfait ou sans objet

Article 6
Expérimentation de la révision des pensions alimentaires
par les organismes débiteurs des prestations familiales

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

242

Limitation de l'expérimentation prévue en matière de révision des pensions alimentaires aux seules hypothèses dans lesquelles les parties sont d'accord sur le nouveau montant

Adopté

Mme DEROMEDI

46

Suppression de l'expérimentation de révision des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales ou les officiers publics et ministériels

Satisfait ou sans objet

M. Alain MARC

48

Suppression de l'expérimentation de révision des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales ou les officiers publics et ministériels

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

89

Suppression de l'expérimentation de révision des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales ou les officiers publics et ministériels

Satisfait ou sans objet

Mme LHERBIER

177

Suppression de l'expérimentation de révision des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales ou les officiers publics et ministériels

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

59

Suppression de l'intervention des officiers publics et ministériels dans l'expérimentation de révision des pensions alimentaires

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

60

Effet suspensif du caractère exécutoire du titre relatif à la pension alimentaire délivré par les caisses d'allocations familiales ou les officiers publics et ministériels en cas de recours devant le juge

Satisfait ou sans objet

Article 7
Modification des conditions de changement de régime matrimonial

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

244

Maintien de l'homologation par le juge des modifications de régime matrimonial en présence d'enfants mineurs

Adopté

Mme LHERBIER

165

Maintien de l'homologation par le juge des modifications de régime matrimonial des époux en présence d'enfants mineurs

Satisfait ou sans objet

Article 8
Allègement du contrôle a priori du juge des tutelles pour certains actes de gestion du patrimoine
de personnes protégées, présumées absentes ou éloignées

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

272

Suppression de la déjudiciarisation de certains actes de gestion du budget de la tutelle

Adopté

Le Gouvernement

8

Mesures de déjudiciarisation concernant la protection juridique des majeurs

Rejeté

Mme DEROMEDI

61

Précision rédactionnelle sur l'acceptation pure et simple d'une succession par le tuteur d'un majeur protégé

Retiré

Article 9

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

274

Suppression de l'habilitation visant à transférer à la Caisse des dépôts et consignations certaines saisies sur rémunérations et la gestion des sommes consignées pour expertise

Adopté

Article additionnel après l'article 9

Le Gouvernement

9

Réforme de la procédure de saisie immobilière

Rejeté

Article 10
Habilitation à réformer par ordonnance la procédure de délivrance
des apostilles et des légalisations

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

247

Transfert dans un article distinct de la suppression de l'avis du procureur de la République, dans la procédure d'amende civile prononcée à l'encontre d'une personne qui a irrégulièrement opéré un changement d'usage de locaux destinés à l'habitation

Adopté

Article additionnel après l'article 10

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

248

Transfert dans un article distinct de la suppression de l'avis du procureur de la République, dans la procédure d'amende civile prononcée à l'encontre d'une personne qui a irrégulièrement opéré un changement d'usage de locaux destinés à l'habitation

Adopté

Article 11
Révision des critères de détermination des tarifs
des professions réglementées du droit et du dispositif des remises

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

233

Rédactionnel

Adopté

Division additionnelle après l'article 11

Mme DEROMEDI

68

Insertion d'une division additionnelle dans le texte relative à la profession d'avocat

Irrecevable (48-3)

Articles additionnels après l'article 11

Mme DEROMEDI

75

Pouvoir donné au Conseil national des barreaux d'émettre des titres exécutoires pour recouvrer les cotisations annuelles dues par les avocats

Irrecevable (48-3)

Mme DEROMEDI

76

Communication au Conseil national des barreaux de l'ensemble des décisions prononcées par les juridictions administratives et judiciaires

Retiré

Mme DEROMEDI

81

Procédure de contestation des frais et honoraires des avocats

Irrecevable (48-3)

Mme DEROMEDI

82

Procédure de contestation des frais et honoraires des avocats

Irrecevable (48-3)

Article 12
Simplification de la procédure de divorce par la suppression
de la tentative de conciliation préalable à l'assignation

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

249

Maintien de la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux

Adopté

M. Jacques BIGOT

90

Maintien de la phase de conciliation dans la procédure contentieuse de divorce

Adopté

Le Gouvernement

10

Ajustements de la procédure contentieuse de divorce tirant les conséquences de la suppression de la phase de conciliation

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

62

Mentions et formalités relatives à la demande introductive en divorce

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

77

Déjudiciarisation de la procédure de séparation de corps

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 12

M. REICHARDT

160

Modification des règles applicables à la procédure de divorce par consentement mutuel sans juge

Rejeté

M. REICHARDT

161

Déjudiciarisation de la procédure de séparation de corps

Rejeté

M. REICHARDT

162

Transposition de la procédure de divorce par consentement mutuel sans juge à la fixation des modalités d'exercice de l'autorité parentale

Rejeté

M. REICHARDT

163

Autorisation de la signature électronique pour les conventions sous signature privée contresignées par avocats et déposées au rang des minutes d'un notaire

Rejeté

Article 13
Procédure sans audience devant le tribunal de grande instance
et procédure dématérialisée de règlement des petits litiges

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

275

Renforcement des garanties applicables aux procédures sans audience devant le tribunal de grande instance

Adopté

M. Jacques BIGOT

92

Suppression des procédures sans audience nouvellement créées devant le tribunal de grande instance

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

109

Caractère expérimental des procédures sans audience nouvellement créées par le projet de loi devant le tribunal de grande instance

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

110

Caractère expérimental des procédures sans audience nouvellement créées par le projet de loi devant le tribunal de grande instance

Satisfait ou sans objet

Article 14
Traitement dématérialisé des requêtes en injonction de payer
par un tribunal de grande instance à compétence nationale spécialement désigné

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

276

Saisine dématérialisée facultative de la juridiction nationale des injonctions de payer

Adopté

M. Jacques BIGOT

93

Suppression de la création de la juridiction nationale des injonctions de payer

Satisfait ou sans objet

Article 15
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour unifier
et harmoniser les procédures au fond à bref délai
devant les juridictions judiciaires

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

286

Précision rédactionnelle

Adopté

M. Jacques BIGOT

94

Suppression de l'habilitation confiée au Gouvernement pour modifier les dispositions régissant la procédure « en la forme des référés »

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 15

M. GRAND

135

Modification du seuil de compétence des tribunaux d'instance

Rejeté

Article 17
Réforme des modalités d'inventaire et de contrôle des comptes
de gestion des personnes protégées

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

277

Modalités d'élargissement de l'inventaire à l'ouverture des mesures de tutelle

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

278

Réforme du contrôle des comptes de gestion des mesures de tutelle

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

279

Maintien du droit en vigueur en matière de dispense d'établissement et d'approbation des comptes

Adopté

Mme DEROMEDI

78

Mention formelle des subrogés curateurs

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 17

M. GRAND

134

Transfert au juge des tutelles de la compétence du procureur de la République d'établir la liste des médecins autorisés à délivrer des certificats médicaux nécessaires à l'ouverture d'une mesure de protection

Rejeté

Article 18
Renforcement de l'efficacité des décisions fixées en matière familiale

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

250

Suppression de la possibilité pour le juge aux affaires familiales ou pour le parent qui y a un intérêt, de demander au procureur de la République de requérir le concours des forces publiques pour faire exécuter une décision inexécutée relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Adopté

Mme DEROMEDI

63

Attribution par le juge aux affaires familiales de la jouissance du domicile familial à l'un des parents au moment de la séparation du couple non marié

Rejeté

Article additionnel après l'article 18

Mme DEROMEDI

64

Attribution par le juge aux affaires familiales de la jouissance du domicile familial à l'un des parents au moment de la séparation du couple non marié

Rejeté

Mme DEROMEDI

65

Attribution par le juge aux affaires familiales de la jouissance du domicile familial à l'un des parents au moment de la séparation du couple non marié

Rejeté

M. REICHARDT

164

Attribution par le juge aux affaires familiales de la jouissance du domicile familial à l'un des parents au moment de la séparation du couple non marié

Rejeté

Article 19
Renforcement de la protection de la vie privée
dans le cadre de la mise à disposition du public des décisions de justice,
de la délivrance de copie des décisions de justice et de la publicité des débats

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

234

Relèvement du niveau d'exigence de protection de la vie privée dans le cadre de l' open data des décisions de justice, incluant les magistrats

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

236

Codification et coordination

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

238

Suppression des restrictions à la délivrance de copies de décisions de justice

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

241

Codification et précisions

Adopté

Mme DEROMEDI

66

Transmission au Conseil national des barreaux de l'ensemble des décisions de justice

Rejeté

Mme DEROMEDI

67

Transmission au Conseil national des barreaux de l'ensemble des décisions de justice

Rejeté

Articles additionnels après l'article 19

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

243

Élargissement du collège électoral des tribunaux de commerce aux exploitants agricoles, travailleurs indépendants et professionnels libéraux

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

246

Extension de la compétence des tribunaux de commerce, renommés tribunaux des affaires économiques, aux exploitants agricoles, travailleurs indépendants et professionnels libéraux en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

251

Extension de la compétence des tribunaux de commerce aux baux commerciaux

Adopté

Article 21
Recours aux magistrats honoraires au sein des tribunaux administratifs
et des cours administratives d'appel

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

252

Précision relative à la désignation de magistrats honoraires pour exercer des fonctions d'aide à la décision

Adopté

Article 22
Création de juristes assistants au sein de la juridiction administrative

Mme DEROMEDI

80

Possibilité pour les personnes titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat de devenir juristes assistants

Rejeté

Article 26
Diverses mesures de simplification de la procédure pénale

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

183

Suppression de la plainte par voie électronique en cas de crime ou de délit contre les personnes

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

182

Correction d'une erreur de renvoi

Adopté

M. Jacques BIGOT

98

Suppression de la possibilité de renvoyer le jugement sur l'action civile quand il n'est pas établi que la victime a été informée de l'audience

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 26

Le Gouvernement

47

Compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris pour l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme

Rejeté

Division additionnelle avant l'article 27

M. REVET

50 rect.

Interdiction de la divulgation de toute information relative à une personne gardée à vue ou mise en examen et obligation pour le juge d'agir systématiquement en cas d'atteinte à la présomption d'innocence pour y mettre fin

Rejeté

Article 27
Extension des possibilités de recours aux interceptions
de communications électroniques et aux techniques de géolocalisation

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

194

Encadrement de l'extension du recours aux interceptions judiciaires

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

196

Encadrement de l'extension du recours aux techniques de géolocalisation

Adopté

Mme DEROMEDI

2

Suppression de l'extension du champ d'application permettant le recours aux interceptions et aux mesures de géolocalisation

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

100

Suppression de l'extension des possibilités de recours aux interceptions judiciaires

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

3

Détermination d'un seuil concernant les infractions punies de 5 ans d'emprisonnement, permettant de recourir aux interceptions judiciaires

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

4

Encadrement de l'extension du recours en urgence aux interceptions judiciaires

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

5

Détermination d'un seuil à 5 ans d'emprisonnement pour le recours à la géolocalisation

Satisfait ou sans objet

Article 28
Généralisation de l'enquête sous pseudonyme

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

197

Encadrement de l'extension du champ d'application de l'enquête sous pseudonyme

Adopté

Mme DEROMEDI

6

Suppression de l'extension du champ d'application de l'enquête sous pseudonyme

Satisfait ou sans objet

M. Alain MARC

49

Suppression de l'extension du champ d'application de l'enquête sous pseudonyme

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

104

Suppression de l'extension du champ d'application de l'enquête sous pseudonyme

Satisfait ou sans objet

Article 29
Extension et harmonisation du régime des techniques spéciales d'enquête

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

202

Suppression de l'extension aux crimes de droit commun

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

212

Encadrement de l'accès aux correspondances électroniques

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

203

Alignement des garanties encadrant le recours aux techniques spéciales d'enquête

Adopté

Mme DEROMEDI

14

Suppression de l'extension des techniques spéciales d'enquête aux infractions de droit commun

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

105

Suppression de l'extension des techniques spéciales d'enquête aux infractions de droit commun

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

15

Création d'une voie de recours contre les techniques spéciales d'enquête aux infractions de droit commun

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

16

Encadrement du régime d'urgence des techniques spéciales d'enquête aux infractions de droit commun

Satisfait ou sans objet

Article 30
Statut et compétence de la police judiciaire

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

181

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

184

Précision rédactionnelle

Adopté

M. GRAND

136

Possibilité pour les policiers de déclarer leur adresse professionnelle pour l'immatriculation de leur véhicule personnel

Irrecevable (48-3)

M. GRAND

137

Élargissement des pouvoirs reconnus aux agents de police judiciaire adjoints pour constater des infractions pénales

Rejeté

M. Jacques BIGOT

106

Suppression de l'élargissement des attributions des agents de police judiciaire et de la possibilité pour les enquêteurs de prendre des réquisitions de faible importance sans autorisation du procureur

Rejeté

Article 31
Simplification du régime de la garde à vue

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

185

Maintien de l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de la garde à vue

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

186

Obligation d'informer l'avocat en cas de transport du gardé à vue pour les nécessités de l'enquête

Adopté

Mme DEROMEDI

17

Suppression de l'article

Rejeté

M. Jacques BIGOT

107

Maintien de l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de la garde à vue et suppression de la possibilité de prolonger la garde à vue à la seule fin de garantir la présentation à l'autorité judiciaire

Rejeté

Mme DEROMEDI

1

Obligation d'informer l'avocat en cas de transport du gardé à vue nécessité par une hospitalisation

Rejeté

Mme DEROMEDI

18

Maintien de l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de la garde à vue

Adopté

Article 32
Extension des pouvoirs des enquêteurs

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

204

Présence de l'avocat lors des perquisitions

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

205

Suppression de la création d'un nouveau régime ad hoc permettant aux agents des forces publiques de pénétrer au sein d'un domicile afin de faire exécuter un ordre de comparaître

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

229

Encadrement du régime des fouilles des navires

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

206

Recours devant le président de la chambre de l'instruction

Adopté

Mme DEROMEDI

19

Suppression du renforcement des pouvoirs des enquêteurs

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

23

Encadrement du régime de flagrance

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

42

Application, en matière douanière, du régime procédural de la perquisition chez un avocat en matière pénale

Adopté

M. GRAND

138

Extension des pouvoirs de saisie lors des perquisitions

Rejeté

M. Jacques BIGOT

111

Suppression du renforcement des pouvoirs des enquêteurs

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

20

Suppression de l'extension de l'enquête de flagrance aux crimes

Rejeté

Mme DEROMEDI

21

Limitation des enquêtes de flagrance prolongées aux infractions punies de 5 ans d'emprisonnement

Rejeté

Mme DEROMEDI

22

Limitation des perquisitions dans le cadre des enquêtes préliminaires portant sur des infractions punies de 5 ans d'emprisonnement

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

143

Extension des pouvoirs des policiers municipaux

Rejeté

Articles additionnels après l'article 32

Mme DEROMEDI

24

Présence obligatoire de l'avocat lors des perquisitions

Rejeté

Mme DEROMEDI

40

Renforcement des garanties prévues en cas de perquisition effectuée au domicile ou au cabinet d'un avocat

Rejeté

Mme DEROMEDI

41

Renforcement des garanties en cas de visite effectuée au domicile ou au cabinet d'un avocat dans le cadre d'une enquête de l'Autorité de la concurrence

Rejeté

Mme DEROMEDI

43

Renforcement des garanties en cas de visite effectuée au domicile ou au cabinet d'un avocat, dans les locaux de l'ordre ou des caisses de règlement pécuniaire dans le cadre d'une enquête fiscale

Rejeté

Le Gouvernement

289

Correction d'une malfaçon dans le code de la défense

Irrecevable (48-3)

Article 33
Dispositions diverses de simplification

M. GRAND

154

Élargissement des missions des policiers municipaux dans le domaine de la répression de la conduite en état d'ivresse

Rejeté

Mme LHERBIER

166

Dépaysement systématique de l'affaire quand le mis en cause a des relations avec des magistrats ou fonctionnaires de la cour d'appel.

Rejeté

Mme DEROMEDI

44

Copie du dossier de la procédure à la disposition de l'avocat quand son client est un mineur victime d'une infraction

Rejeté

Mme DEROMEDI

45

Délai porté de deux à dix jours pour saisir le président de la chambre de l'instruction quand le juge d'instruction refuse de communiquer à l'avocat le dossier de la procédure

Rejeté

Le Gouvernement

72

Suppression de l'obligation d'un examen médical pour dépister la présence d'alcool dans le sang

Adopté

Article additionnel après l'article 33

Mme DEROMEDI

25

Possibilité pour l'avocat d'accéder à l'entier dossier de la procédure dès la garde à vue et obligation pour le procureur lorsque son enquête préliminaire est terminée d'informer la personne mise en cause qu'une copie de la procédure est mise à sa disposition et qu'elle peut formuler des observations

Rejeté

Article 34
Continuité des actes d'enquête lors de la saisine du juge d'instruction
et recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

208

Encadrement de l'extension du « sas » de continuité des actes d'investigation

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

207

Suppression du recours préalable au procureur général avant une plainte avec constitution de partie civile

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

209

Précisions concernant l'ordonnance de non-lieu à informer

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

214

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

M. Jacques BIGOT

112 rect.

Suppression de l'extension du « sas » de continuité des actes d'investigation

Satisfait ou sans objet

M. MOHAMED SOILIHI

178

Suppression du recours préalable au procureur général avant une plainte avec constitution de partie civile

Adopté

Mme DEROMEDI

26

Suppression de l'encadrement des plaintes avec constitution de partie civile

Rejeté

Le Gouvernement

37

Suppression du recours préalable au procureur général avant une plainte avec constitution de partie civile

Adopté

Le Gouvernement

73

Suppression du recours préalable au procureur général avant une plainte avec constitution de partie civile

Adopté

Mme DEROMEDI

27

Suppression de l'assimilation des consignations

Rejeté

Article 35
Mesures diverses de simplification du déroulement de l'instruction

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

187

Maintien du droit pour la personne mise en cause de refuser la visioconférence pour le débat sur son placement en détention provisoire et sur la prolongation de cette détention provisoire

Adopté

Mme LHERBIER

167

Suppression des dispositions relatives à la visioconférence

Rejeté

M. MOHAMED SOILIHI

170

Maintien du droit pour la personne mise en cause de refuser la visioconférence pour le débat sur son placement en détention provisoire

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

113

Maintien de l'obligation de renouveler tous les six mois l'assignation à résidence sous surveillance électronique d'un individu dans l'attente de son procès

Rejeté

Mme DEROMEDI

28

Suppression des dispositions relatives à la visioconférence

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

29

Maintien du droit pour la personne mise en cause de refuser la visioconférence pour le débat sur son placement en détention provisoire et sur la prolongation de cette détention provisoire

Adopté

Le Gouvernement

38

Maintien du droit pour la personne mise en cause de refuser la visioconférence pour le débat sur son placement en détention provisoire

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

74

Maintien du droit pour la personne mise en cause de refuser la visioconférence pour le débat sur son placement en détention provisoire

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

114

Maintien du droit pour la personne mise en cause de refuser la visioconférence pour le débat sur son placement en détention provisoire et sur la prolongation de cette détention provisoire

Adopté

Articles additionnels après l'article 35

Mme Nathalie DELATTRE

173

Redéfinition de l'irresponsabilité pénale pour troubles psychiques

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

174

Prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

175

Évaluation de l'état mental des condamnés

Rejeté

Article 36
Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l'instruction

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

188

Délai de quinze jours donné aux parties pour faire savoir si elles ont des observations ou des demandes à présenter avant la clôture de l'instruction

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

180

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

M. MOHAMED SOILIHI

169

Délai de quinze jours donné aux parties pour faire savoir si elles ont des observations ou des demandes à présenter avant la clôture de l'instruction

Adopté

Mme DEROMEDI

30

Suppression du délai donné aux parties pour faire savoir si elles ont des observations ou des demandes à présenter avant la clôture de l'instruction

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

31

Délai d'un mois donné aux parties pour faire savoir si elles ont des observations ou des demandes à présenter avant la clôture de l'instruction

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

39

Délai de quinze jours donné aux parties pour faire savoir si elles ont des observations ou des demandes à présenter avant la clôture de l'instruction

Adopté

Le Gouvernement

79

Délai de quinze jours donné aux parties pour faire savoir si elles ont des observations ou des demandes à présenter avant la clôture de l'instruction

Adopté

M. Jacques BIGOT

115

Suppression du délai donné aux parties pour faire savoir si elles ont des observations ou des demandes à présenter avant la clôture de l'instruction

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

116

Maintien de l'obligation de rendre une ordonnance de règlement et une ordonnance de renvoi motivée dans le cas où les parties acceptent de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité sur proposition du procureur à la fin de l'instruction

Adopté

Mme DEROMEDI

32

Obligation pour le procureur de proposer une peine et délai d'un mois laissé aux parties pour prendre leur décision lorsque le procureur propose une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la fin de l'instruction

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

117

Suppression des dispositions tendant à autoriser le président de la chambre de l'instruction à statuer à juge unique sur certains contentieux

Adopté

Article 37
Extension du champ d'application de l'amende forfaitaire délictuelle

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

215

Amendement rédactionnel

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

210

Extension du champ d'application de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle

Adopté

M. GRAND

139

Limitation de l'amende forfaitaire aux primo-délinquants

Rejeté

M. GRAND

140

Modification des montants de l'amende forfaitaire délictuelle

Rejeté

M. GRAND

141

Modification des montants de l'amende forfaitaire délictuelle pour l'usage de stupéfiants

Rejeté

M. GRAND

155

Application de l'amende forfaitaire au délit d'occupation des halls d'immeubles

Rejeté

M. GRAND

156

Application de l'amende forfaitaire délictuelle à la vente à la sauvette

Rejeté

M. Jacques BIGOT

118 rect.

Suppression de l'amende forfaitaire appliquée à l'usage illicite de stupéfiants

Satisfait ou sans objet

Article 38
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale
et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

189

Coordination

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

190

Correction d'erreurs matérielles

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

193

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

192

Maintien à un an de la peine maximale d'emprisonnement encourue dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

191

Coordination

Adopté

Mme DEROMEDI

33

Désignation d'un juge des enfants en cas de composition pénale avec un mineur

Rejeté

M. Jacques BIGOT

119

Maintien de l'obligation de validation par un juge du siège pour toutes les compositions pénales

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

120 rect.

Suppression de la possibilité, dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d'infliger une peine de prison de plus d'un an et de la possibilité de révoquer des sursis précédemment accordés

Satisfait ou sans objet

Mme DEROMEDI

34

Information obligatoire sur la peine envisagée dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Rejeté

Article 39
Dispositions relatives au tribunal correctionnel

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

195

Suppression de la procédure de comparution à délai différé

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

198

Coordination

Adopté

Mme DEROMEDI

35

Doublement de certains délais accordés à l'avocat pour préparer la défense de son client

Rejeté

M. Jacques BIGOT

122

Suppression de la comparution à délai différé et d'une disposition relative au supplément d'information dans le cadre d'une comparution par procès-verbal

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

121

Accord obligatoire du prévenu pour regrouper plusieurs audiences

Rejeté

Article 40
Extension du champ d'application de la procédure de jugement
à juge unique et de l'ordonnance pénale

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

211

Simplification du champ d'application des infractions relevant d'un jugement correctionnel en formation à juge unique

Adopté

M. Jacques BIGOT

123

Suppression des dispositions relatives au juge unique

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

124

Suppression de l'élargissement du champ d'application de l'ordonnance pénale

Satisfait ou sans objet

Article 41
Effet dévolutif de l'appel en matière correctionnelle
et formation à juge unique de la chambre des appels correctionnels

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

213

Suppression du recours au juge unique en appel

Adopté

M. Jacques BIGOT

126

Précision quant à l'encadrement de l'appel en matière correctionnelle

Rejeté

M. Jacques BIGOT

125

Suppression du recours au juge unique en appel

Satisfait ou sans objet

Article 42
Mesures de simplification du procès d'assises -
Expérimentation du tribunal criminel départemental

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

199

Suppression de la possibilité pour le président de la cour d'assises de statuer seul sur les dommages et intérêts alloués à la victime

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

200

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

201

Précision rédactionnelle

Adopté

M. SUEUR

103 rect.

Extension de la compétence des juridictions françaises pour la répression des crimes contre l'humanité, crimes de génocide et crimes de guerre

Adopté

M. GRAND

157

Accès des jurés aux pièces de la procédure

Adopté

M. GRAND

158

Délai de 7 jours avant l'audience pour le dépôt des demandes de nullités

Rejeté

M. Jacques BIGOT

127

Possibilité d'interrompre la déposition des témoins aux assises

Adopté

Mme DEROMEDI

36

Suppression de l'expérimentation du tribunal criminel départemental

Rejeté

Articles additionnels après l'article 42

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

280

Représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

Adopté

Le Gouvernement

11

Modification du délit de l'entreprise individuelle terroriste

Rejeté

Le Gouvernement

12

Dispositions sur les JIRS et la criminalité organisée

Rejeté

Le Gouvernement

13

Création du parquet national antiterroriste

Rejeté

Article 43
Nomenclature des peines

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

223

Modification de l'échelle des peines correctionnelles

Adopté

M. Jacques BIGOT

128

Suppression de la possibilité de prononcer un TIG sans la présence de la personne à l'audience

Satisfait ou sans objet

Article 44
Enquêtes pré-sentencielles

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

224

Maintien de la priorité donnée aux associations pour les enquêtes pré-sentencielles

Adopté

M. Jacques BIGOT

129

Suppression de dispositions relatives à l'ajournement aux fins d'investigations

Rejeté

Article 45
Dispositions concernant le prononcé des peines

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

225

Refonte du prononce des peines correctionnelles à l'audience

Adopté

M. Jacques BIGOT

130

Suppression du mandat de dépôt à effet différé

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

69

Maintien de la possibilité de fractionner les peines

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 45

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

226

Rapport annuel du procureur de la République sur l'état et les délais de l'exécution des peines

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

227

Extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire

Adopté

M. SUEUR

101

Élargissement des procédures de révision en matière pénale

Rejeté

Article 46
Création du sursis probatoire

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

282

Transformation du sursis probatoire en une peine autonome de probation

Adopté

Article 47
Création du sursis probatoires -
Modifications du code de procédure pénale

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

283

Modifications du code de procédure pénale pour tenir compte de la création d'une peine autonome de probation et précision selon laquelle le suivi probatoire peut être effectué par une association habilitée

Adopté

Le Gouvernement

70

Possibilité pour le JAP de mettre fin au suivi renforcé dans le cadre d'une peine de probation

Satisfait ou sans objet

Article 48
Modalités d'exécution de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

222

Suppression

Adopté

Le Gouvernement

71

Mesures de coordination

Satisfait ou sans objet

Article 49
Libération sous contrainte

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

284

Suppression du principe selon lequel tout détenu doit bénéficier d'une libération sous contrainte aux deux tiers de sa peine

Adopté

Article 50
Simplification des procédures

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

228

Rédactionnel

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

220

Suppression de la dématérialisation des commissions d'application des peines

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

221

Précision de la délégation de pouvoir du juge d'application des peines au chef d'établissement pénitentiaire pour accorder les permissions de sortir

Adopté

M. Jacques BIGOT

131

Suppression du juge unique pour les requêtes en confusion de peines

Satisfait ou sans objet

M. Jacques BIGOT

132

Suppression de la dématérialisation des commissions d'application des peines

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 50

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

290

Création d'une agence de l'exécution des peines

Adopté

M. GRAND

142

Réforme des crédits de réduction de peine pour les récidivistes

Rejeté

Le Gouvernement

83

Règles d'affectation des détenus

Rejeté

Article 51
Allégement des procédures en matière de construction des établissements pénitentiaires
et report du moratoire sur l'encellulement individuel

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

216

Encadrement de l'utilisation des procédures dérogatoires

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

217

Garanties propres aux garants de la commission nationale du débat public

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

218

Procédure intégrée

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

219

Rédactionnel

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

179

Information du Parlement

Adopté

Articles additionnels après l'article 52

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

255

Rétablissement de la contribution pour l'aide juridique

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

257

Consultation obligatoire d'un avocat préalablement au dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

260

Obligation pour les bureaux d'aide juridictionnelle de consulter les services ou les organismes sociaux compétents pour apprécier les ressources des demandeurs

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

263

Compétence donnée au Trésor public pour recouvrer les sommes versées au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à la suite d'une décision de retrait de l'aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès

Adopté

Article 53
Fusion du tribunal de grande instance avec les tribunaux d'instance de son ressort,
maintenus sous forme de chambres détachées, suppression de la fonction spécialisée de juge d'instance,
possibilité de spécialisation de certains tribunaux de grande instance en matière civile et pénale
et désignation de procureurs de la République chefs de file au niveau départemental
et regroupement départemental des juges d'instruction et des juges de l'application des peines

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

253

Fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance sous la dénomination du tribunal de première instance, comportant des chambres détachées en remplacement des tribunaux d'instance

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

256

Garanties d'affectation pour les magistrats et de la localisation pour les fonctionnaires de greffe entre les différents sites du tribunal de première instance

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

258

Procédure encadrant toute modification de la carte judiciaire

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

261

Suppression de la possibilité de spécialiser des tribunaux de grande instance au niveau départemental

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

264

Amendement rédactionnel

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

266

Amendement de précision

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

267

Création de la fonction de juge chargé des contentieux de proximité

Adopté

M. GRAND

144

Suppression

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

145

Suppression de la possibilité de spécialiser certains tribunaux de grande instance en matière civile ou pénale

Adopté

M. GRAND

146

Limitation de la possibilité de spécialiser certains tribunaux de grande instance en matière civile ou pénale

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

147

Avis des élus locaux en cas de spécialisation de certains tribunaux de grande instance en matière civile ou pénale

Satisfait ou sans objet

M. GRAND

148

Suppression de la possibilité de ne pas avoir de juge d'instruction dans un tribunal de grande instance

Rejeté

M. GRAND

149

Suppression de la possibilité de ne pas avoir de juge de l'application des peines dans un tribunal de grande instance

Rejeté

M. Jacques BIGOT

95

Suppression partielle du dispositif de spécialisation des tribunaux de grande instance en matière civile ou pénale

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

288

Précisions concernant la possibilité de spécialisation de certains tribunaux de grande instance en matière civile ou pénale et la dénomination des chambres détachées du tribunal de grande instance

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

133

Création d'une fonction spécialisée de juge des contentieux de la protection

Satisfait ou sans objet

Article 54
Expérimentation dans deux régions de l'attribution de fonctions d'animation
et de coordination à certains chefs de cour pour plusieurs cours d'appel
et de la spécialisation de certaines cours d'appel en matière civile

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

268

Suppression

Adopté

M. Jacques BIGOT

96

Suppression

Adopté

M. GRAND

150

Suppression

Adopté

M. GRAND

151

Avis des élus locaux sur l'expérimentation concernant la spécialisation des cours d'appel

Satisfait ou sans objet

Article 55
Habilitation en vue de tirer les conséquences de la suppression du tribunal d'instance
et de sa fusion au sein du tribunal de grande instance

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

271

Coordination et précision

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

287

Précision

Adopté

M. GRAND

153

Suppression

Rejeté

Article additionnel après l'article 55

M. REICHARDT

84

Modification des dispositions relatives aux titres exécutoires applicables en Alsace-Moselle

Adopté

Article 56
Modalités particulières d'entrée en vigueur
de certaines dispositions du projet de loi

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

281

Modifications d'entrée en vigueur

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

273

Coordination de l'entrée en vigueur des dispositions relatives aux tribunaux de commerce

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

230

Report de l'entrée en vigueur de l'inscription des amendes forfaitaires au casier judiciaire, de l'extension du champ d'application de l'ordonnance pénale et de la réforme de l'appel dévolutif en matière correctionnelle

Adopté

M. GRAND

152

Suppression du regroupement entre le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort

Satisfait ou sans objet

AMENDEMENTS AU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Articles additionnels avant l'article 1 er

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

24

Principe selon lequel les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

25

Dispositions transitoires relatives à l'entrée en vigueur des dispositions sur la mobilité pour les magistrats déjà en fonctions

Adopté

Article 1 er
Suppression des fonctions de premier vice-président
chargé du service d'un tribunal d'instance

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

17

Rédactionnel

Adopté

M. GRAND

1

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

10

Création d'une fonction statutaire spécialisée de juge des contentieux de la protection

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 1 er

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

15

Mise en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou pour la préparation de décisions complexes

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

26

Articulation des modalités d'évaluation des chefs de juridiction avec les critères de sélection nouvellement instaurés

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

27

Obligation de formation pour les chefs de cour et de juridiction

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

16

Mise en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou pour la préparation de décisions complexes

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

28

Durée minimale d'affectation applicable aux fonctions de conseiller référendaire et d'avocat général référendaire à la Cour de cassation

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

29

Critères de sélection des chefs de juridiction

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

30

Durée minimale d'affectation de trois années d'exercice des fonctions de président et de procureur de la République d'un même tribunal de grande instance ou de première instance, pour les magistrats du premier grade

Adopté

Article 2
Suppression de la fonction spécialisée de juge d'instance
et introduction d'une durée minimale de quatre années pour l'exercice
des fonctions spécialisées dans la même juridiction

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

31

Durée minimale de quatre années d'exercice des fonctions spécialisées dans la même juridiction

Adopté

M. GRAND

2

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

11

Création d'une fonction statutaire spécialisée de juge des contentieux de la protection

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 2

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

32

Durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de premier président d'une même cour d'appel

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

33

Critères de sélection des chefs de cour

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

34

Durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de procureur général près une même cour d'appel

Adopté

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

35

Durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de chefs de juridiction placés hors hiérarchie

Adopté

Article 3
Impossibilité pour une formation collégiale du tribunal de première instance
de comporter une majorité de magistrats à titre temporaire à temps partiel

M. GRAND

3

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Rejeté

Article 4
Possibilité pour les magistrats à titre temporaire d'exercer leurs fonctions
dans les chambres détachées du tribunal de première instance

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

18

Coordination

Adopté

M. GRAND

4

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

12

Création d'une fonction statutaire spécialisée de juge des contentieux de la protection

Satisfait ou sans objet

Article 5
Coordinations avec la suppression du tribunal d'instance
dans le régime des magistrats à titre temporaire

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

19

Coordination

Adopté

M. GRAND

5

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

13

Création d'une fonction statutaire spécialisée de juge des contentieux de la protection

Satisfait ou sans objet

Article 6
Coordination avec la suppression du tribunal d'instance
dans le régime des magistrats à titre temporaire

M. GRAND

6

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Rejeté

Article 7
Possibilité pour une formation collégiale de la cour d'appel ou du tribunal de première instance
de comporter plusieurs magistrats honoraires

M. GRAND

7

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Rejeté

Articles additionnels après l'article 7

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

20

Coordinations avec la création du tribunal de première instance

Adopté

Article additionnel avant l'article 8

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

21

Coordinations avec la création du tribunal de première instance

Adopté

Article 8
Coordinations concernant la fusion des tribunaux d'instance de Paris
et la création du tribunal de première instance

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

22 rect. bis

Coordination

Adopté

M. GRAND

8

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 9

Le Gouvernement

14

Création d'une fonction statutaire spécialisée de juge des contentieux de la protection

Rejeté

Article 10
Conditions d'entrée en vigueur différée
de certaines dispositions du projet de loi organique

MM. BUFFET
et DÉTRAIGNE, rapporteurs

23

Coordination

Adopté

M. GRAND

9

Suppression du regroupement du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance

Satisfait ou sans objet

AUDITION DE MME NICOLE BELLOUBET,
GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE

___________

(MARDI 25 SEPTEMBRE 2018)

M. Philippe Bas , président . - Mme la garde des sceaux, je vous remercie de nous consacrer un moment pour la présentation de votre projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, accompagné d'un projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions. Je me réjouis que le Sénat soit la première assemblée saisie ; j'y vois un hommage au travail approfondi que notre commission des lois a pu faire dans les années passées en matière de justice : je pense à la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle, dont Yves Détraigne était déjà rapporteur, mais aussi à notre rapport d'information intitulé Cinq ans pour sauver la justice , qui a été suivi de l'adoption par notre assemblée, le 24 octobre 2017, de deux propositions de loi, une proposition de loi d'orientation et de programmation et une proposition de loi organique. Nous aurions été particulièrement sensibles au fait que le Gouvernement inscrive ces textes à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, mais, pour des raisons communes à nombre de gouvernements, vous avez préféré faire votre propre travail. Il n'en demeure pas moins que notre investissement sur ce sujet nous sert un peu de boussole pour apprécier vos propositions. Je ne vous cache pas que nous aurons aussi à l'esprit le programme du candidat Emmanuel Macron à l'élection présidentielle. Nous apprécierons donc les dispositions que vous nous proposez à l'aune de ces engagements, non pas que nous soyons comptables du respect de ceux-ci
- vous l'êtes certainement bien plus que nous -, mais pour mesurer le degré de réalisation des objectifs que le Président de la République s'était engagé à atteindre.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je suis heureuse de venir aujourd'hui devant le Sénat, première assemblée saisie, vous présenter le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, ainsi que le projet de loi organique qui l'accompagne. Ce projet de loi de programmation a été annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale, traduisant dès 2017 l'engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale de faire de la justice un chantier prioritaire. La nécessité d'élaborer ce texte est née d'un constat partagé, un constat que la commission des lois du Sénat avait d'ailleurs établi au travers de deux propositions de loi déposées l'an passé par le président Bas.

La société se transforme, l'État redéfinit ses missions, les services publics se modernisent, et le service public de la justice n'échappe évidemment pas à ces mutations. Il doit donc non seulement s'adapter aux besoins des justiciables, mais également gagner en efficacité grâce, notamment, aux nouvelles technologies. Nos concitoyens ont bien sûr confiance dans l'indépendance de leur justice, mais ils la considèrent trop complexe et trop lente. Les deux tiers d'entre eux estiment que la justice fonctionne mal et plus de 70 % d'entre eux pensent que les moyens dont elle dispose sont insuffisants - et je crois qu'ils ont raison. J'ai la conviction que la justice sera plus crédible si elle est plus compréhensible et si elle apporte en temps utile des réponses aux problèmes quotidiens que les citoyens rencontrent. À cette fin, je vous propose une réforme globale et concrète.

Elle est globale, car elle vise la question des moyens, qui figure à l'article 1 er , et prévoit une réforme des procédures, avec cinq chantiers : la procédure pénale, la procédure civile, l'exécution des peines, le numérique et l'organisation territoriale. Elle est concrète, car je me suis appuyée de manière très pragmatique, j'y insiste, sur les remontées du terrain. Je suis intimement persuadée que l'idéologie ne fait pas nécessairement bon ménage avec la justice. La justice française a beaucoup souffert des coups de balancier, au nom de conceptions abstraites ou de présupposés trop éloignés des réalités. Or le Sénat a pour habitude d'avoir une certaine distance avec ces questions et, par tradition, il sait regarder les nécessités du terrain. C'est, me semble-t-il, cette conception commune qui nous permettra de nouer un dialogue utile.

Permettez-moi de vous dire maintenant quelques mots de cette réforme, qui a été construite avec les acteurs de la justice et pour le justiciable. Une grande consultation a eu lieu au travers des chantiers de la justice, qui se sont déroulés du mois d'octobre 2017 au mois de janvier 2018 ; nous avons entendu l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des magistrats, des personnels, des avocats, des policiers. Les cinq chantiers que j'ai évoqués précédemment ont tous été animés par des référents venant d'horizons divers - des avocats, des professeurs d'université, des magistrats, des personnes du monde de l'entreprise, etc. -, lesquels ont rendu leurs travaux en janvier 2018. Des concertations ont ensuite été entamées avec les professions juridiques, les organisations professionnelles des magistrats, les avocats, les élus, les services de police et de gendarmerie. J'ai constamment été à l'écoute de chacun d'entre eux en ayant deux préoccupations : comprendre les craintes exprimées et y répondre, sans abandonner l'ambition que je porte pour la justice. Une réforme suscite toujours des réactions dans notre pays : certains acteurs expriment un certain nombre de craintes face au changement ; d'autres font valoir des aspirations nouvelles. Pour ma part, je n'ai eu qu'une seule boussole, l'intérêt des justiciables. Il faut que la justice soit plus simple, plus compréhensible, plus facile d'accès, plus protectrice. Cela ne signifie pas pour autant que je n'ai pas entendu les préoccupations exprimées par les différents acteurs ; j'ai essayé de les satisfaire lorsqu'elles étaient compatibles avec l'intérêt du justiciable. C'est pourquoi je vous proposerai dès demain des amendements.

À l'issue de ce processus, deux projets de loi - l'un organique et l'autre ordinaire - ont été déposés le 20 avril dernier devant le Sénat. Ce choix n'est pas le fruit du hasard. En effet, j'ai souhaité que nous approfondissions ensemble le travail qui avait été entamé à l'automne 2017 à l'occasion des propositions de loi présentées par votre commission des lois. Vous avez pu examiner les textes que je vous présente avec soin puisque près de six mois se sont écoulés entre le dépôt et l'examen par votre assemblée.

Sur le fond, nous faisons un effort sans précédent concernant les moyens. Nous avons besoin de moyens pour investir dans la programmation immobilière, qu'il s'agisse de l'immobilier judiciaire ou des constructions pénitentiaires, et pour recruter, un besoin dont nous avons perçu la prégnance pour assurer une justice de qualité. Cette loi de programmation sur cinq ans permet d'avoir de la visibilité, d'investir dans la durée et de planifier les recrutements. Une première étape a été franchie avec le budget de 2018, qui a connu une hausse de 3,9 % et la création de 1 100 emplois. Le budget pour 2019, qui a été présenté hier en conseil des ministres, consacre l'augmentation des moyens, celle-ci atteignant 4,5 %, et prévoit la création de 1 300 emplois supplémentaires. L'importance des moyens prévus doit être clairement mesurée, je le redis ici, à l'aune de la discipline budgétaire à laquelle le Gouvernement s'est astreint par ailleurs. Le budget de la justice augmentera de 1,6 milliard en cinq ans, passant de 6,7 milliards à 8,3 milliards, soit une hausse de 24 %. Cela nous permettra d'engager le recrutement de 6 500 personnes en cinq ans. On peut donc s'attendre à une amélioration des conditions de travail des magistrats et des personnels ainsi qu'à une résorption des vacances de postes et nous aurons la possibilité de constituer de véritables équipes autour des magistrats. Ces moyens vont également nous permettre de passer de l'ère de l'informatique à celle du numérique. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, c'est le défi qu'il nous faut gagner pour que la réforme de la justice soit crédible et que les évolutions de notre service public soient vraiment à la hauteur de l'attente des justiciables. En la matière, le ministère de la justice a d'énormes marges de progression en termes de performances. Je suis assez confiante : les équipes que j'ai constituées sont très mobilisées et la gouvernance est très serrée. Enfin, ces moyens se déploieront aussi dans le secteur pénitentiaire, avec la livraison de 7 000 places de prison supplémentaires en 2022 et le lancement de 8 000 places d'ici à 2022, soit 15 000 places dans les dix ans à venir. D'ailleurs, le texte prévoit un certain nombre de dispositions de nature à accélérer la construction de prisons par l'allégement des procédures. J'ajoute que la loi de programmation prévoit la création de vingt centres éducatifs fermés.

La réforme du service public de la justice s'articule autour de six axes.

Le premier axe concerne la procédure civile, la justice de la vie quotidienne. Si elle est moins spectaculaire que la justice pénale, elle est essentielle. Il s'agit de faciliter la vie des gens et de simplifier les procédures. Si la justice est un vecteur de paix sociale, elle doit aussi permettre d'éviter les procédures contentieuses inutiles par le développement du règlement amiable des différends, avec la certification d'outils nouveaux, comme les plates-formes en ligne de médiation, de conciliation ou d'arbitrage, afin de maintenir un haut niveau de garantie pour les personnes qui y ont recours. Il est également proposé d'en finir avec les cinq modes de saisine des juridictions différents actuellement en vigueur, qui sont incompréhensibles et complexes pour les justiciables. Ainsi, il n'y aura désormais plus qu'un seul mode de saisine. Il est également prévu de simplifier la procédure de divorce hors consentement mutuel, afin d'en diminuer par deux la durée, laquelle atteint parfois aujourd'hui plus de deux ans, plus de la moitié de ce délai étant liée à la phase de conciliation, qui en réalité ne concilie jamais personne. Aussi, cette phase sera supprimée. Il s'agit aussi de simplifier la protection des majeurs vulnérables, en supprimant des formalités inutiles, qui n'étaient guère protectrices. Il ne sera, par exemple, plus nécessaire d'imposer une vérification lourde des comptes des personnes âgées quand l'essentiel des revenus sert uniquement à payer l'hébergement. L'un des objets du texte est aussi de faciliter le règlement des petits litiges de la vie quotidienne, soit en les dématérialisant - ce sera le cas des injonctions de payer - soit en évitant des audiences inutiles en cas d'accord des parties. Enfin, il est proposé d'étendre le périmètre de la représentation obligatoire par avocat pour assurer une justice de meilleure qualité. Cette mesure s'appliquera non pas aux litiges inférieurs à 10 000 euros, mais au contentieux des baux ruraux, des élections professionnelles, de l'expropriation ou en matière douanière. Le caractère exécutoire des décisions de première instance viendra confirmer la force et le poids des jugements rendus à cette étape de la procédure.

Le deuxième axe concerne la justice pénale. Je le dis clairement ici, je ne céderai pas au fantasme du grand soir de la procédure pénale. On pourrait engager une réforme de grande ampleur, mais je souhaite aller vers plus d'efficacité tant pour les justiciables que pour les acteurs de la justice pénale. Pour ce faire, j'ai voulu construire des solutions pratiques, qui me sont toutes remontées du terrain. J'ai mené ce travail en commun avec le ministre de l'intérieur pour ce qui concerne la phase d'enquête, ainsi qu'avec les magistrats pour les évolutions concernant la phase du jugement. Simplifier ne veut pas dire renier la garantie des droits ; il faut évidemment trouver l'équilibre entre ces deux impératifs : assurer la garantie des droits et donc la constitutionnalité et la conventionnalité de notre texte, tout en permettant l'accélération de la procédure.

Il s'agit d'abord de mieux protéger les victimes, avec, par exemple, la plainte en ligne si elles le souhaitent et la possibilité de se constituer partie civile à l'audience par voie dématérialisée. Il s'agit aussi de simplifier le travail des acteurs avec la numérisation complète de la procédure pénale. Nous avons travaillé à un cahier des charges commun et une procédure pénale numérique unique. Il nous faut aussi renforcer l'efficacité des enquêtes. C'est pourquoi le texte prévoit d'harmoniser les techniques spéciales d'enquête ; je pense ici aux techniques de sonorisation, de captation des données, pour mieux lutter contre l'ensemble des trafics. Les acteurs auront ainsi à leur disposition des textes plus clairs, qui sécuriseront les procédures et faciliteront le travail avec le terrain. Toute une série de mesures est également prévue pour lutter contre la délinquance du quotidien ; je pense, par exemple, à l'interdiction de paraître dans un lieu, qui pourra être plus largement prononcée, ainsi qu'aux amendes forfaitaires pour l'usage des stupéfiants. Enfin, je propose l'expérimentation d'un tribunal criminel départemental. L'objectif est d'éviter la correctionnalisation d'un certain nombre de crimes et de les juger dans un délai plus rapide au bénéfice des parties. Seuls seront concernés les crimes punis des peines de quinze à vingt ans de réclusion, la cour d'assises restant toujours compétente pour les autres crimes en première instance et pour tous les appels. L'ensemble de ces mesures prolongent les évolutions de la procédure pénale, déjà ouvertes par des textes antérieurs. Sans doute un travail général de refonte de la procédure pénale sera-t-il ultérieurement nécessaire.

Le troisième axe a trait à l'efficacité et au sens de la peine. Il s'agit ici de mieux réprimer les infractions, de mieux protéger la société et de mieux réinsérer les personnes condamnées. Ce chantier doit se comprendre en lien avec le plan pénitentiaire que j'ai présenté il y a une quinzaine de jours en conseil des ministres. Notre droit de la peine est en effet trop complexe, en raison des modifications législatives qui se sont accumulées. Le postulat de base est simple et assez partagé dès lors que l'on entend traiter ces questions raisonnablement et sans démagogie. Les personnes qui doivent aller en prison doivent s'y rendre réellement. En revanche, celles qui n'ont rien à y faire doivent être sanctionnées d'une autre manière. C'est pourquoi je propose une nouvelle échelle des peines considérant, je le répète ici, que toute infraction mérite sanction. Ainsi, les peines d'emprisonnement sont interdites en dessous d'un mois, car elles semblent inutiles. Entre un et six mois, la peine s'exécutera, par principe, en dehors d'un établissement de détention, mais il pourra en être autrement lorsque cela apparaîtra nécessaire. Entre six mois et un an, le juge pourra prononcer une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique, une peine d'emprisonnement ou d'autres peines. Au-delà d'un an, les peines d'emprisonnement seront exécutées sans aménagement de peine ab initio . Cela signifie que le seuil d'aménagement des peines d'emprisonnement, tel qu'il découle de l'article 723-15 du code procédure pénale, sera abaissé de deux ans à un an. L'idée est non seulement d'éviter des emprisonnements inutiles, désocialisants et de nature à nourrir la récidive, mais également d'assurer une exécution effective des peines prononcées. Aujourd'hui, l'inexécution des peines prononcées, qui est extrêmement fréquente, rend incompréhensible notre justice pénale aussi bien pour les victimes et les délinquants que pour la société en général.

Parallèlement, il faut que les peines prononcées en lieu et place de la prison soient réelles et utiles, qu'il s'agisse de peines autonomes. À cette fin, nous allons développer les peines de travail d'intérêt général en les ouvrant, notamment, aux secteurs de l'économie sociale et solidaire et en créant une agence dont la préfiguration est en cours. La détention à domicile sous surveillance électronique, autrement dit le bracelet électronique, sera sécurisée et développée. Nous avons prévu des dispositions concernant le suivi du parcours en détention pour assurer la réinsertion des détenus.

Le quatrième axe de cette réforme concerne l'organisation judiciaire. Ce chantier a suscité beaucoup d'émoi, d'interrogations, de questionnements et de mobilisations. Je me suis employée à en expliquer les contours, parfois d'ailleurs contre des arguments de mauvaise foi, et j'ai souhaité rassurer, tout en n'abandonnant pas l'idée d'améliorer notre organisation judiciaire. Il s'agit pour moi de réformer sans brutaliser, d'allier proximité et qualité. Ma méthode diffère de celle qui a été employée il y a une dizaine d'années. La réforme doit être faite, mais, pour ce faire, elle doit être acceptée par les acteurs. Ma préoccupation est double : elle repose sur la proximité et la qualité du service public de la justice. Le justiciable doit avoir un accès simple à la justice, ce qui passe par une proximité physique ainsi que par le déploiement du numérique. La dispersion des moyens et l'absence, parfois, de spécialisation pour certains contentieux complexes ne sont pas le gage d'une justice efficace. De ce point de vue, nous pouvons améliorer la situation.

Dès l'ouverture des chantiers de la justice, j'ai affirmé qu'il n'y aurait aucune fermeture de lieux de justice ; je tiens pleinement parole. Toutefois, pour améliorer notre organisation, le texte prévoit la fusion administrative des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance, en vue de simplifier l'organisation de la justice pour le justiciable, qui ne connaîtra plus qu'une seule juridiction, avec une seule procédure de saisine. Tous les sites seront maintenus pour assurer une justice de proximité pour les contentieux du quotidien. Afin d'optimiser le traitement des contentieux et de s'adapter au mieux à la situation de chaque ressort, les chefs de cour, s'ils le jugent utile, en fonction des caractéristiques des territoires, pourront, dans les villes où il n'existe actuellement qu'un tribunal d'instance, lui confier des contentieux supplémentaires par rapport à ceux qui y sont actuellement jugés. Dans les départements dans lesquels il existe plusieurs tribunaux de grande instance, les chefs de cour pourront également, après concertation locale, proposer de créer des pôles de compétence, qui jugeront, pour l'ensemble du département, certains contentieux spécialisés, techniques et de faible volume, ces pôles devant évidemment être répartis de manière équilibrée entre les différents tribunaux de grande instance d'un même département. L'objectif est de renforcer les compétences là où c'est utile. C'est un gage d'harmonisation des jurisprudences, de qualité et de rapidité de la justice. Enfin, le projet de loi prévoit d'expérimenter dans deux régions comportant plusieurs cours d'appel l'exercice par l'une d'elles de fonctions d'animation et de coordination, ainsi que la spécialisation des contentieux selon le modèle précédemment évoqué. Le projet de loi organique tire les conséquences de la loi ordinaire quant à la fusion administrative des tribunaux d'instance et de grande instance.

Le cinquième axe de la réforme porte sur la diversification du mode de prise en charge des mineurs délinquants. Au-delà de la création de vingt centres éducatifs fermés, le texte permet de mieux préparer la sortie progressive de ces structures, notamment le retour en famille, pour en atténuer les effets déstabilisants. Il sera aussi institué à titre expérimental une mesure éducative d'accueil de jour, troisième voie entre le placement et le milieu ouvert.

Enfin, le sixième axe concerne la procédure devant les juridictions administratives. Le projet de loi prévoit le recrutement de juristes assistants pour renforcer les équipes autour des magistrats et l'exécution des décisions par des injonctions et astreintes.

Cette réforme riche et ambitieuse pour les justiciables et la justice entend prendre en considération avec sérieux les problèmes qui se posent afin de tenter de les résoudre. Telle est l'ambition que je porte et aussi, à n'en pas douter, celle que nous partageons.

M. Philippe Bas , président . - Permettez-moi de formuler quelques observations. L'augmentation de 24 % en cinq ans du budget de la justice constitue un effort très important. Rapprochons-le de l'effort consenti lors du quinquennat précédent, avec une augmentation de 15,6 %, contre 19,3 % pour l'avant-dernier et 37,18 % sous Jacques Chirac, le seul quinquennat d'ailleurs au cours duquel avait été adoptée une loi de programmation des moyens de la justice. Pour notre part, nous avions estimé que le bon étiage impliquait, à périmètre identique, une croissance de 34 % au cours du quinquennat 2018-2022. Il serait intéressant d'avoir des précisions sur la ventilation des moyens prévus dans les différents programmes de la mission « Justice » - le texte est muet sur ce point - pour pouvoir apprécier la réalité du redressement que nous espérons dans le fonctionnement des tribunaux.

Par ailleurs, votre texte reste silencieux sur l'aide juridictionnelle
- c'est un choix que vous avez fait. Nous avions le souci d'assurer la pérennité du financement de cette aide. Dans quel cadre comptez-vous traiter ce problème ? Quelles sont vos intentions en la matière ?

En outre, durant la campagne présidentielle, le Président de la République avait annoncé la construction de 15 000 places de prison pendant le quinquennat. Or vous en proposez aujourd'hui 7 000. Pourquoi a-t-il changé d'avis ? La diminution de ses ambitions en matière de mise à niveau de l'administration pénitentiaire est compensée par des moyens considérables en faveur des peines alternatives aux peines de prison. Toutefois, les chiffres qui m'ont été communiqués sont préoccupants en ce qui concerne le nombre de condamnés en semi-liberté et le nombre de condamnés bénéficiant d'un placement à l'extérieur, avec respectivement une diminution en un an de 6,4 % et de 25 %. Aussi, si l'on construit moins de places de prison que le Président de la République s'était engagé à le faire, il faudra que les peines, que vous voulez certaines, soient exécutées autrement. Pour l'instant, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'effort n'est pas suffisant dans ce domaine.

Il est un sujet qui nous préoccupe particulièrement parce que nous avons à coeur d'être la chambre des libertés - je me fais aussi l'écho des juges d'instruction que nous avons entendus -, je veux parler des pouvoirs supplémentaires donnés au procureur, même si le juge des libertés et de la détention assurera un contrôle.

Enfin, se pose la question du parquet national antiterroriste. Alors que le Gouvernement avait renoncé à cette idée, il la remet sur la table par voie d'amendement. Nous avions émis de forts doutes à l'époque où l'idée avait été avancée, considérant que le parquet de Paris faisait bien son travail. Le vivier du ministère public permet, en cas d'attentat, de mobiliser un grand nombre de parquetiers. Personnellement, je suis préoccupé par la renaissance de ce projet de création ; nous pressentons des difficultés d'articulation avec le parquet de Paris.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous avez évoqué le quinquennat du président Chirac.

M. Philippe Bas , président . - Cela ne vous surprend pas...

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Pas vraiment. Vous le savez, j'ai beaucoup de respect pour le président Chirac. Mais permettez-moi de relever que nous étions alors dans des temps où les contraintes budgétaires n'étaient pas les mêmes.

M. Philippe Bas , président . - Je le reconnais, c'était une sorte d'âge d'or...

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Comme je l'ai précisé, je m'inscris dans un budget qui respecte un certain nombre de contraintes, notamment un objectif de déficit en dessous de 3 %. Dès lors, il convient de souligner la priorité donnée au budget de la justice et de nous en réjouir, à condition que cela s'accompagne de réformes.

Vous voulez avoir des précisions sur la répartition des crédits ; vous m'avez d'ailleurs écrit récemment à ce sujet. Je vous la communiquerai très rapidement, mais je tiens d'ores et déjà à préciser deux choses. Le schéma est actuellement à peu près équilibré, avec 39 % de moyens accordés à l'administration pénitentiaire et 38 % à la justice judiciaire, mais il va se déséquilibrer un petit peu au cours du quinquennat, eu égard à la nécessité de procéder à des recrutements importants dans l'administration pénitentiaire. Nous ouvrons de nouveaux établissements, nous avons besoin de surveillants pénitentiaires, et il nous faut aussi construire des établissements pénitentiaires, ce qui suppose des investissements importants. Pour autant, notre priorité de résorber les vacances de postes de magistrats prévaut toujours, avec 250 postes de magistrats vacants aujourd'hui, contre 500 auparavant. Par ailleurs, nous continuons à recruter des magistrats, avec 100 emplois supplémentaires cette année. Toutefois, les créations d'emplois seront évidemment plus importantes au sein de l'administration pénitentiaire.

Par ailleurs, nous avons volontairement fait le choix de ne pas traiter la question de l'aide juridictionnelle dans ce projet de loi. L'inspection générale des finances et l'inspection générale de la justice viennent de nous remettre un rapport sur cette question, que nous sommes en train d'étudier et à partir duquel nous allons, avec les avocats, travailler à rebâtir un système solide dans la durée. J'ai considéré qu'il ne fallait pas se précipiter. Budgétairement, il n'y a pas de problème pour l'année à venir, y compris avec l'accroissement de la représentation obligatoire prévue par la loi. Si nous parvenons à un accord, nous verrons les traductions de l'évolution de l'aide juridictionnelle dans le budget pour 2020.

Concernant les places de prison, l'engagement du Président de la République de créer 15 000 places sera tenu : 7 000 nouvelles places seront livrées en 2022 - nous allons commencer cette année - et nous engagerons d'ici à cette date 8 000 nouvelles autres places. À cet égard, je pourrai vous communiquer dans quelques jours les implantations retenues.

M. Philippe Bas , président . - C'était un engagement pour deux quinquennats alors ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous n'imaginiez pas autre chose, monsieur le président...

Il importe d'avoir une réflexion globale : on ne construit pas des places de prison pour les remplir. La loi pénale que nous allons modifier aura des incidences sur le nombre de places nécessaires. Je le dis avec beaucoup d'humilité, parce que l'on touche là aux comportements humains et je ne puis en être certaine à 300 %, mais l'étude d'impact prévoit 8 000 personnes détenues en moins, ce qui a des conséquences sur les constructions pénitentiaires.

Vous relevez que les centres de semi-liberté ne sont pas pleins ; vous avez raison. C'est précisément la raison pour laquelle nous voulons modifier la manière dont les tribunaux vont rendre leurs jugements, non pas que j'ai à leur imposer quoi que ce soit de ce point de vue, mais je veux leur donner des outils extrêmement concrets, telle une application spécifique, pour prononcer la peine la mieux adaptée à la situation de la personne concernée. Nous allons recruter davantage de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, pour les placer en pré-sentenciel en vue de réaliser les enquêtes de personnalité. Bref, nous souhaitons que les juges soient dotés de tous les outils leur permettant d'utiliser pleinement toute la palette des peines. C'est un défi pour nous, mais c'est à cette condition-là que notre réforme fonctionnera.

Vous me dites que vous êtes la chambre des libertés, mais nous sommes le gouvernement des libertés, monsieur le président ! Oui, nous souhaitons donner des pouvoirs au procureur pour des raisons de rapidité, de réalité, de prise en compte des besoins du terrain, mais nous veillons systématiquement à ce que l'équilibre avec les libertés individuelles soit préservé ; le juge des libertés et de la détention est d'ailleurs présent dans plusieurs étapes. Je ne méconnais pas la préoccupation des juges d'instruction - ils interviennent dans 3,5 à 4 % des affaires -, mais celle-ci n'est pas nouvelle. C'est pourquoi je ne prétends pas avoir fait le grand soir de la réforme pénale - des évolutions nouvelles seront peut-être nécessaires. Je dis simplement que j'ai déverrouillé un certain nombre de choses pour faire évoluer notre procédure.

Enfin, concernant la question de la création du parquet national antiterroriste, vous dites que les choses fonctionnent bien aujourd'hui. Il serait inconvenant de ma part de dire que le procureur de Paris ne fait pas bien son travail ; nous pensons évidemment tout le contraire. Toutefois, indépendamment de la qualité des hommes, le procureur de Paris a une fonction pleine et entière. Le parquet de Paris, c'est le parquet de France le plus important. Il me semble que la lutte contre le terrorisme justifie aujourd'hui qu'une personne s'y consacre pleinement, en ayant des relais sur le territoire, en animant une politique nationale en matière de lutte contre le terrorisme. Nous avons prévu la possibilité pour le procureur national antiterroriste de mobiliser des magistrats du parquet de Paris en tant que de besoin lors d'événements exceptionnels, à partir d'une liste dressée en accord avec le procureur de Paris.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Vous avez dit que cette réforme n'était pas le grand soir de la justice, mais le projet de loi comprend tout de même cinquante-sept articles. Pris individuellement, tous les sujets visés pourraient constituer des projets de loi à part entière, singulièrement en matière pénale et d'exécution des peines, dans le maquis actuel de notre droit. C'était sans doute le bon moment pour faire un travail de fond.

Votre projet ne trouvera de réalité que si les moyens sont là, dites-vous. Au début du mois de juillet, nous avons demandé à vos collaborateurs de nous transmettre la ventilation des crédits prévus. À une semaine de la présentation du rapport devant la commission des lois, nous ne disposons toujours pas de ces éléments budgétaires. Je le regrette, je vous le dis très clairement. Vous avez raison, nous travaillons sur ce texte depuis six mois, mais nous le faisons à l'aveugle sur le plan budgétaire. Nous avons besoin de ces éléments.

Sur le fond, en matière pénale, vous renforcez le rôle du procureur de la République, en lui donnant des moyens considérables pour les enquêtes. Pourquoi pas, même si les juges d'instruction se sentent dépouillés. Pour autant, nous avons besoin d'éléments de garantie dans l'exercice des pouvoirs des procureurs bien sûr, mais aussi des droits des personnes poursuivies et des avocats.

Concernant l'encadrement des plates-formes sur Internet, quels éléments sont de nature à donner des garanties pour nos concitoyens ?

En matière pénale, ne craignez-vous pas que la nouvelle procédure de comparution à effet différé, qui permettrait de décider d'une mesure de sûreté sans ouverture d'une information judiciaire, n'aboutisse à une nouvelle augmentation du nombre de personnes placées en détention provisoire ?

La diminution du nombre de nouvelles places de prison programmées se fait naturellement au détriment de l'encellulement individuel, une mesure prévue depuis plusieurs années. La preuve en est, le moratoire est prolongé dans le projet de loi. Certes, c'est une responsabilité collective ancienne, mais ce texte était l'occasion de fournir un effort en la matière.

Enfin, pourquoi vouloir faire de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine la règle de principe ? L'opportunité d'une libération sous contrainte ne devrait-elle pas être appréciée au cas par cas, en fonction de la personnalité du détenu et du projet de réinsertion ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je précise mon propos : c'est le grand soir de la justice, mais pas celui de la procédure pénale. Les évolutions en matière de procédure civile sont extrêmement importantes et peuvent réellement faire évoluer la manière dont notre justice est rendue. En matière pénale, les dispositions que nous avons prises nous semblent aller dans le bon sens ; elles s'inscrivent dans la continuité des réformes précédentes, avec un équilibre permanent entre la nécessité d'avoir des mesures permettant de garantir la manifestation de la vérité et le respect des droits des personnes suspectées.

Vous dites avoir demandé la ventilation des crédits dès le mois de juillet, je suis confuse, mais la lettre du président que j'ai sous les yeux date du 13 septembre dernier.

M. Philippe Bas , président . - Je vous ai précisément écrit parce que vos services n'avaient pas répondu à notre demande.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je pourrai sans doute vous communiquer ces renseignements dès demain. Je vous fais toutefois observer que la ventilation des emplois figure dans le rapport annexé au projet de loi de programmation.

Vous évoquez la question de la garantie des droits. La loi que nous proposons est moins en rupture avec la procédure pénale telle qu'elle existe aujourd'hui que d'autres lois précédemment adoptées ; je pense, notamment, à la loi de janvier 1993, qui avait renforcé l'efficacité de l'enquête préliminaire, ou à la loi de juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui avait introduit la figure du juge des libertés et de la détention et qui a été vécue comme une amputation forte des pouvoirs du juge d'instruction. Je ne méconnais pas les craintes que l'adoption de ce texte peut créer, mais nous avons veillé à mettre en place les garanties nécessaires.

S'agissant de la procédure de comparution à effet différé, elle ne vise que des cas limités. D'après nos analyses, cette mesure n'est pas de nature à conduire à une augmentation massive du recours à la détention provisoire. Au contraire, je crois que cela permettra d'en limiter la durée.

Vous prétendez que je diminue le nombre de places en prison. Non, monsieur le sénateur, permettez-moi avec une grande amabilité, mais aussi une grande fermeté...

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Je n'ai pas dit cela.

M. Philippe Bas , président . - Vous revoyez à la baisse votre projet de création de places de prison.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Non, sans doute me suis-je mal exprimée. Nous construirons 15 000 places de prison. Mais il faut entre six et sept ans pour construire une place - peut-être un peu moins grâce aux procédures prévues dans le texte. Peut-être faudra-t-il aussi moins de temps pour construire des places moins sécuritaires - je pense aux structures d'accompagnement vers la sortie. Quoi qu'il en soit, nous lancerons entre 2018 et 2022 la construction de 8 000 places, qui seront livrées après 2022.

Il faut faire des études, acheter des terrains et construire ; cela demande du temps. Nous pourrons proposer 7 000 places en dur et lancer 8 000 autres places d'ici 2022. Par ailleurs, il y aura des places supplémentaires : nous passons de 60 000 places actuellement à 65 000, ce qui nous permettra d'assurer l'encellulement individuel.

La libération sous contrainte aux deux tiers de la peine n'est pas une idée dogmatique ; c'est une manière d'éviter les sorties sèches. Accompagner le détenu dans sa sortie est de nature à éviter la récidive. C'est la raison pour laquelle nous posons cette mesure comme principe.

M. Philippe Bas , président . - Pardonnez-moi cette mesquinerie assez médiocre, mais il est écrit dans les engagements du Président de la République : « Nous construirons 15 000 places de prison supplémentaires sur le quinquennat, soit environ un quart de plus qu'aujourd'hui. » Notre collègue François-Noël Buffet était donc parfaitement fondé à dire qu'avec 7 000 places vous avez singulièrement revu - peut-être pour toutes les bonnes raisons que vous avez indiquées - le programme à la baisse, puisqu'il s'agit d'une baisse de 50 %. Nous savons que la construction des places de prison est longue. Mais il est certain que le programme présidentiel a été abandonné. Peut-être auriez-vous pu l'atteindre si vous aviez envisagé une diversification des modalités d'incarcération, avec des structures plus légères que les centres de détention que nous avons construits au cours des vingt dernières années, parce qu'un certain nombre de détenus accomplissent une peine relativement courte, sont en fin de peine et que la réadaptation à la vie sociale doit être organisée. À l'évidence, il ne faut pas construire 15 000 places de prison à l'ancienne. Nous voulons non pas vous ennuyer, mais assumer ensemble le fait qu'il y a un autre programme que le programme présidentiel : le programme de Mme Belloubet - et nous sommes prêts à l'examiner avec vous.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Il n'y a pas de « programme Belloubet » ! Le programme présidentiel est entièrement respecté ; je m'inscris totalement en faux contre vos propos. Le programme présidentiel n'a pas été abandonné, il a été enrichi par deux éléments. Il s'agit premièrement de la reconstruction de la politique des peines, qui ne figurait pas nécessairement dans l'annonce qui avait été faite par le Président de la République. Nous avons rebâti une échelle des peines, ce qui explique que nous soyons en mesure de dire que nous construirons 15 000 places - 7 000 places livrées et 8 000 places lancées d'ici à 2022. Il importe de construire des places de prison qui répondent à un réel besoin. Deuxièmement, le Président de la République, sûrement dans son subconscient, vous a entendu : le programme que nous présentons concerne non seulement des maisons d'arrêt très sécuritaires, des centres de détention à sécurité adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), des lieux à sécurité allégée, où les détenus incarcérés pour une très courte peine et à faible dangerosité ou en fin de peine viendront préparer leur sortie. Non, je le répète, le programme présidentiel n'a pas été abandonné. Oserais-je vous rappeler, monsieur le président, que le programme de 2002 a mis plus de deux quinquennats à être réalisé ?

M. Yves Détraigne , rapporteur . - En matière d'aide juridictionnelle, le programme du président Macron prévoyait la mise en place d'avocats salariés au sein des barreaux, ainsi qu'une généralisation de l'assurance de protection juridique. Ces propositions ont-elles été abandonnées ou sont-elles à l'instruction, si je puis dire ?

Le projet de loi prévoit un aménagement automatique des peines d'emprisonnement comprises entre un mois et six mois. Quel est le sens de la peine si l'on sait dès le départ qu'elle sera tronquée ? Il s'agit d'une question de lisibilité et de compréhension de la peine, y compris pour les personnes condamnées.

L'article 2 du projet de loi prévoit l'obligation de tentative de règlement amiable des différends préalablement à la saisine du juge, notamment par un conciliateur. Ne faudrait-il pas mener quelques expérimentations avant de mettre en place ce système ? Combien d'affaires seraient concernées par l'extension envisagée de cette obligation ?

Un rapport d'évaluation de l'expérimentation du tribunal criminel départemental doit être remis au Parlement. Selon vous, quels seraient les critères permettant d'apprécier le succès ou l'échec de cette expérimentation ?

Enfin, envisagez-vous de corriger les limites territoriales des ressorts actuels des cours d'appel, afin d'assurer un minimum de cohérence entre la carte judiciaire et la carte administrative ? J'en profite pour signaler que des compétences sociales de certaines cours d'appel, dont celle de Reims, ont été transférées à d'autres cours.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je l'ai précisé précédemment, le budget de l'aide juridictionnelle sera en augmentation de 20 % en 2019, pour tenir compte de l'évolution tendancielle et de l'extension de la représentation obligatoire. Pour autant, cela ne résout pas la question d'une prise en charge plus pérenne. Vous avez raison, on a évoqué la question de l'assurance de protection juridique. Dans leur rapport, les corps d'inspection que j'ai évoqués précédemment doutent que cette solution soit pertinente, mais ne l'excluent pas. Il me faut un peu de temps pour dialoguer avec les avocats et les assureurs. Ce dossier est à l'instruction, comme vous l'avez dit.

Concernant l'aménagement automatique des peines entre un et six mois, sans doute me suis-je mal exprimée. Lorsqu'une infraction pourra donner lieu à une courte peine d'emprisonnement comprise entre un et six mois, le tribunal prononcera, par principe et d'emblée, une peine autonome autre que la détention - détention sous surveillance électronique, travail d'intérêt général, placement extérieur -, et non pas une peine de conversion. Mais, je tiens à le préciser clairement devant vous, l'emprisonnement restera une possibilité dans des cas précis - si le condamné n'a pas de logement, par exemple. Il ne s'agit donc pas d'un aménagement ; c'est une autre peine que l'emprisonnement.

Par ailleurs, nous souhaitons étendre les modes amiables de règlement des différends (MARD). Il n'y a pas que le contentieux qui permette de trouver des solutions. Dans l'étude d'impact, nous estimons que le potentiel d'affaires évitées par les conciliations pourrait se situer entre 13 000 et 20 000 par an.

Enfin, je m'engagerai sur un certain nombre de critères pour juger du succès ou de l'échec du tribunal criminel départemental. Il y va de la responsabilité de l'exécutif et du pouvoir d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Parmi ces critères, que je dois affiner, doivent figurer l'amélioration des délais, l'évolution de la correctionnalisation, c'est-à-dire une diminution - je pense, par exemple, aux affaires de violences sexuelles, qui sont très souvent correctionnalisées pour obtenir un jugement plus rapide - ainsi que la satisfaction des parties. Je vous présenterai ces critères lors de l'examen du projet de loi en séance publique.

Enfin, vous faites allusion à la réforme concernant les cours d'appels liée à l'évolution des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI), qui résulte d'une loi de 2016, une loi que je n'ai pas portée dans ses modalités d'application, même si je considère que sa finalité est très bonne. Vous m'incitez à un rééquilibrage, soit par les compétences, soit par le territoire. Je vous répète ici ce que je vous ai répondu lorsque je vous ai reçu au ministère : pour des cas particuliers, nous pouvons envisager, par décret, des évolutions si toutes les parties en sont d'accord. Sur le plan des principes, je n'y suis pas opposée, mais c'est un mikado extrêmement sensible.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial de la commission des finances . - Si la trajectoire budgétaire et les effectifs proposés par le projet de loi de programmation me semblent cohérents avec la loi de programmation des finances publiques, j'ai toutefois noté que les montants avaient été arrondis, ce qui permet tout de même de gagner avantageusement 50 millions d'euros... Il est certes important de prévoir les crédits nécessaires, notamment pour les recrutements, mais encore faut-il réussir à pourvoir les postes. Je pense en particulier à la profession de surveillant pénitentiaire, qu'il est difficile de rendre attractive malgré les efforts entrepris.

L'article 37 du projet de loi de programmation prévoit d'étendre la procédure de l'amende forfaitaire à la vente d'alcool à des mineurs, à l'usage de stupéfiants et à certains délits de transport routier, dans le but d'alléger la charge des juridictions. Se pose toutefois la question de l'effectivité d'une telle mesure. Le taux de recouvrement des amendes forfaitaires existantes est-il satisfaisant ? Avez-vous effectué des estimations sur le produit à en attendre ?

Vous avez évoqué tout à l'heure la réforme de la carte judiciaire menée voilà dix ans par Rachida Dati, rappelant que la méthode avait été rude. Il est vrai qu'elle s'était faite sans discussion avec les élus, mais ces derniers étaient aussi peu enclins à se faire hara-kiri en acceptant la fermeture de telle ou telle juridiction. Je remarque toutefois que les successeurs de Mme Dati n'ont pas remis en cause cette réforme et, tout comme M. Urvoas avant vous, vous avez reconnu en privé, madame la garde des sceaux, que cette réforme avait permis de régler un certain nombre de problèmes financiers et organisationnels. La « méthode Belloubet » est certes plus douce, mais nous restons vigilants !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Je ne saurais vous répondre précisément au sujet des crédits avantageusement arrondis, mais je suis sûr que mon directeur de cabinet veillera à la sincérité des comptes !

La question de l'attractivité des carrières n'est pas propre au service public dont j'ai la charge. Elle se pose dans les établissements pénitentiaires, mais aussi dans les tribunaux, notamment pour les personnels de greffe. Paradoxalement, elle concerne parfois plus la région parisienne que la province. Elle touche le plus souvent des établissements pénitentiaires particulièrement difficiles. Nous avons donc décidé de mettre en place une prime de fidélisation pour les surveillants pénitentiaires, pouvant aller jusqu'à 8 000 euros, si les personnes restent six années dans le même établissement. Nous avons aussi revu la politique sociale de notre ministère en augmentant très significativement les crédits alloués à la petite enfance, à la restauration, au logement, etc. Enfin, nous travaillons actuellement avec les organisations syndicales et la direction de l'administration pénitentiaire sur la diversification des carrières des surveillants de prison et sur les moyens de les rétablir dans leur autorité et leur rôle.

Quant à l'impact budgétaire de l'amende forfaitaire, je ne saurais vous répondre avec précision, monsieur Lefèvre, mais je vous promets d'affiner les chiffres pour les débats en séance. Nous ne disposons pas encore de données chiffrées sur les amendes forfaitaires pour défaut d'assurance ou de permis prévues par la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle, qui se déploient en ce moment. Le taux de recouvrement pour la consommation de stupéfiants risque en effet de ne pas être très élevé.

Enfin, après la « carte Dati », il n'y aura pas de « carte Belloubet », je vous le confirme ; je revendique simplement une méthode.

M. François Pillet . - Ma question touche à la légistique. Il me semble que certaines modifications contenues dans ce projet de loi auraient pu être intégrées dans des réformes plus profondes qui ont d'ores et déjà été annoncées. Je pense aux modalités de recueil du consentement à une assistance médicale à la procréation, qui auraient pu trouver leur place dans la future loi de bioéthique, ou à certaines mesures relatives au régime des tutelles, qui auraient pu être rattachées à une réforme plus vaste de la protection juridique, dans le prolongement de la mission présidée par Mme Caron-Déglise.

M. Jérôme Durain . - Dans votre propos liminaire, vous avez fortement insisté sur l'importance stratégique du numérique. Votre texte prévoit une dématérialisation accrue des procédures. Pouvez-vous nous détailler vos ambitions en la matière ? Je nourris quelques inquiétudes sur cette numérisation, qui peut avoir des effets désastreux si elle n'est pas suffisamment financée. Les membres de la commission ont déjà eu l'occasion de s'alarmer de la dispersion des crédits, qui n'est jamais un gage d'efficacité. Les personnes que nous avons entendues ont aussi régulièrement avancé le risque d'une justice impersonnelle. Plus concrètement, s'agissant de la dématérialisation des injonctions de payer, quelle sécurisation prévoyez-vous pour éviter les utilisations frauduleuses ?

Enfin, le développement de la justice prédictive a été associé, d'une part, à un risque de fossilisation de la jurisprudence et, d'autre part, à un risque de privatisation de la justice. Ce sujet nécessite beaucoup de pédagogie, madame la ministre.

M. François Grosdidier . - Sur les places de prison, le compte n'y est pas. La surpopulation carcérale pose des problèmes immenses et entraîne des dysfonctionnements en amont de la chaîne pénale. Au rythme des constructions actuelles, à quelle échéance pensez-vous atteindre l'objectif de l'encellulement individuel ? Pourquoi ne pas construire davantage de centres dotés d'un dispositif allégé de sécurité ? Les SAS ont pour seule vocation de préparer la sortie. Or tous les délinquants emprisonnés ne sont pas des Redoine Faïd - délinquants en col blanc, délinquants routiers... La présidente de la région Île-de-France avait fait des propositions en la matière. Pourquoi ne pas avoir envisagé une telle évolution ?

Vous dites que ce ne sera pas le grand soir de la procédure pénale. En revanche, j'ai peur que votre projet ne douche l'espoir d'un certain nombre de nos concitoyens, notamment les policiers et les gendarmes, qui consacrent les deux tiers de leur temps à la procédure et un tiers seulement aux missions opérationnelles. En l'occurrence, nous sommes très déçus par vos projets de numérisation de la procédure pénale. Il faudrait aller beaucoup plus loin que la simple numérisation de documents qui étaient jadis photocopiés, notamment en développant l'usage de la signature électronique pour valider les procédures.

Pourquoi ne pas aller plus loin également sur l'oralisation des actes simples de procédure, comme le proposaient déjà il y a quatre ans M. Beaume et la direction générale de la gendarmerie nationale ? Ce pourrait être le cas, par exemple, de la notification des droits lors des gardes à vue.

Enfin, sur l'organisation territoriale, si l'idée de fusionner tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance peut s'entendre, on relève parfois des contradictions entre un discours qui entend rapprocher les citoyens de la justice et des politiques qui consistent souvent à les en éloigner. On évoque toujours une taille minimale, un plancher en dessous duquel les juridictions fonctionnent mal. Mais a-t-on déjà réfléchi à une taille maximale ? Les « tribunaux-usines » ne semblent pas mieux fonctionner que les tribunaux à taille humaine, comme le montre le taux de cassation des décisions en fonction des cours d'appel, meilleur critère de qualité des jugements selon moi.

M. Philippe Bas , président . - La taille optimale ne serait-elle pas finalement celle de la cour d'appel de Metz ?

M. François Grosdidier . - Absolument ! Une bonne justice est une justice de proximité et contextualisée !

Quelles sont vos réflexions en la matière, madame la garde des sceaux ?

- Présidence de M. François Pillet, vice-président -

Mme Catherine Troendlé . - Au printemps dernier, nous nous étions émus de la création de vingt centres éducatifs fermés (CEF), car nous ne disposions pas vraiment d'un bilan des résultats obtenus dans ces structures. Je veux aussi vous mettre en garde contre le coût exorbitant de ces centres. Ces établissements accueillent douze mineurs au maximum, pour une prise en charge de quatre mois en moyenne, alors qu'elle devrait être au moins de six mois. Les équipes pluridisciplinaires qui y interviennent sont méritantes, mais le coût de ces centres s'élève à 660 euros par jeune et par jour, soit un total de 57 millions d'euros par an. Par ailleurs, ne serait-il pas plus opportun de fermer des quartiers pour mineurs - certains sont dans un état honteux et affichent des taux de récidive très élevés - et de redéployer une partie des crédits vers le milieu ouvert et la prévention ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Monsieur Pillet, d'autres textes traiteront en effet des sujets que vous évoquez, mais les dispositions qui figurent dans ce projet de loi nous semblent pouvoir être traitées indépendamment. L'autorisation de consentement à la procréation médicalement assistée demeurera en toute hypothèse un acte important, mais nous pouvons sans difficulté en prévoir la déjudiciarisation, le juge n'apportant aucune plus-value.

Sur la question des tutelles, le rapport de Mme Caron-Déglise prévoit des évolutions en lien avec la dignité des personnes sur le droit de vote, le mariage ou le PACS. Ces mesures, que je vous proposerai et qui font l'unanimité, peuvent être détachées du projet de loi relatif à la dépendance pour être intégrées dans ce projet de loi.

Monsieur Durain, 530 millions d'euros de crédits sont consacrés au déploiement du numérique dans la loi de programmation et nous prévoyons 260 recrutements. J'ai souhaité également fixer des objectifs très précis en matière de déploiement de la fibre optique sur l'ensemble des sites judiciaires, de développement d'applications - dès demain, on pourra accéder en ligne à son casier judiciaire B3 « néant » - et de chaîne de soutien aux utilisateurs. J'ai mis en place une gouvernance resserrée et je réunis tous les deux mois un comité stratégique du plan numérique pour la justice. J'espère ainsi que nos engagements, très importants pour la crédibilité de ce projet de loi, seront tenus. Pour autant, la numérisation ne conduira pas à une justice impersonnelle ou robotisée. Au contraire, nous voulons libérer du temps pour que les magistrats, les greffiers et les services d'accueil unique du justiciable soient davantage en relation avec les usagers. Toutes les mesures sont par ailleurs prises pour sécuriser les injonctions de payer.

Quant à la justice prédictive, elle est traitée avec beaucoup de prudence. Le texte contient une disposition sur l' open data des décisions de justice, que nous sommes obligés de développer aujourd'hui. Le professeur Loïc Cadiet nous a remis un rapport extrêmement intéressant sur le sujet, qui donne lieu à des positions divergentes, notamment sur la question de l'anonymisation des noms des magistrats ou sur l'utilisation qui pourra être faite de ces décisions. Je ne crois pas en revanche que son développement conduira à une fossilisation de la jurisprudence. Au contraire, cette ouverture pourrait être de nature à stimuler les capacités d'imagination.

Monsieur Grosdidier, vous communiquer une échéance pour l'encellulement individuel n'aurait guère de sens. En revanche, nous voulons mesurer aussi précisément que possible l'impact prévisionnel des mesures de politique pénale. Si notre étude d'impact s'avère exacte, le nombre de personnes détenues diminuera de 8 000, pour s'établir à 62 000. Sachant que nous disposons d'un peu plus de 59 000 places de prison, nous pourrons alors retravailler réellement sur cet objectif d'encellulement individuel, d'autant que nous aurons aussi des livraisons de places nouvelles.

Les 2 000 places de SAS que nous allons construire s'adressent non seulement aux fins de peine, mais aussi aux détentions de courte durée de personnes peu dangereuses. Nous prévoyons de petites structures de 120 places réparties sur l'ensemble du territoire, et nous voulons nous assurer que ces nouvelles structures fonctionnent avant d'en construire davantage.

Vous avez évoqué également le désespoir des policiers et des gendarmes. Toutes les mesures du texte ont été validées avec les plus hautes autorités de la police et de la gendarmerie.

Je connais aussi les volontés d'oralisation de certaines procédures. Mais comment les magistrats pourront-ils alors se repérer dans l'ensemble du dossier et identifier les quelques phrases qui leur permettront de faire progresser l'enquête ? Nous avons procédé à un certain nombre de simplifications, notamment sur les procès-verbaux, mais nous pensons que l'oralisation pure et simple n'est pas la bonne solution.

Concernant l'usage de la signature électronique, la dématérialisation de la procédure pénale native permettra de disposer d'un dossier unique, du policier au magistrat. Nous avons déjà beaucoup avancé sur ce dossier : le cahier des charges a été élaboré en concertation avec le ministère de l'intérieur, l'équipe en charge du projet est en place, et j'espère avoir les premiers résultats dès le début de l'année 2020.

Vous plaidez enfin pour une justice proche et contextualisée, monsieur Grosdidier. Je partage pleinement votre point de vue, et c'est la raison pour laquelle je ne ferme aucun tribunal d'instance ; ils vont juste changer de nom. Je n'ignore rien des difficultés rencontrées à Bobigny, par exemple ; plusieurs parlementaires ont remis un rapport sur l'action publique en Seine-Saint-Denis et j'attends dans les jours qui viennent un rapport d'audit de l'inspection générale de la justice sur le tribunal de Bobigny. Nous tenterons d'améliorer la situation à partir des propositions formulées. Au demeurant, nous ne voulons pas promouvoir un modèle unique ; nous entendons traiter les justiciables avec leurs particularités, là où ils sont.

Enfin, pour répondre à Mme Troendlé, je reconnais que le coût des centres éducatifs fermés est élevé, mais c'est une des réponses demandées par les magistrats. Au fond, tout l'objet du projet de loi est de permettre une diversification des réponses pour les jeunes mineurs délinquants : centres éducatifs fermés, accueils de jour, familles d'accueil, sortie progressive des centres... Nous prônons toujours la primauté de l'éducatif, mais avec des solutions et des niveaux de contraintes différents.

Mme Brigitte Lherbier . - Madame la garde des sceaux, je me réjouis tout d'abord de vos propos sur le rapprochement des justiciables et de leur justice. C'est vraiment une nécessité à mes yeux. Le terme de « déjudiciarisation » est à la mode, mais il me perturbe quelque peu. Vous me direz que j'appartiens à l'ancien monde, mais, pour moi, le magistrat doit exercer une fonction sacrée d'autorité. Il me semble que le développement des médiateurs et autres éducateurs spécialisés a contribué à la désaffection des jeunes pour le métier de magistrat. En déjudiciarisant, on donne finalement le sentiment que tout le monde peut exercer ce métier.

Vous n'avez pas beaucoup parlé des soins associés aux peines. Or je voudrais qu'ils ne soient pas oubliés, en particulier la santé mentale en prison. Enfin, n'oubliez jamais que les femmes avec enfants ne devraient pas pouvoir être emprisonnées aussi sévèrement qu'elles le sont actuellement dans certains centres pénitentiaires.

M. Alain Richard . - La Cour de cassation a avancé une proposition de filtrage des pourvois, qui n'apparaît pas dans le projet de loi. Avez-vous pris position sur cette suggestion, madame la ministre ? Aurons-nous l'occasion d'en discuter pendant l'examen du projet de loi ?

M. Alain Marc . - Si les réformes de la justice se succèdent pour en améliorer le fonctionnement, une chose demeure : la grande méconnaissance des Français à l'égard de l'institution judiciaire. Pourquoi ne pas vous rapprocher de votre collègue de l'éducation nationale pour mettre en place des modules de formation auprès des lycéens ?

Lorsque j'étais député, j'orientais souvent des personnes qui venaient me voir vers des conciliateurs de justice. Avez-vous prévu de recruter davantage de bénévoles de ce type, qui sont particulièrement efficaces ?

Mme Muriel Jourda . - La justice est une fonction régalienne extrêmement sensible, qui doit être efficace et crédible si l'on ne veut pas assister à un développement de la justice privée.

Je m'interroge sur le degré d'immixtion du numérique dans la tâche juridictionnelle. C'est un euphémisme de dire que les juridictions utilisent encore assez mal l'outil numérique, mais il ne faut jamais oublier non plus que les magistrats jugent des justiciables, et non des dossiers. Sur ce point important, il me semble toutefois vous avoir entendu dire que le numérique resterait un simple outil au service des magistrats, ce dont je me réjouis.

Je veux aussi aborder la question de la responsabilité des magistrats. Un grand journal du soir estime aujourd'hui même que les fautes des magistrats sont peu sanctionnées. Nos magistrats sont de très grande qualité et commettent globalement peu de fautes, mais il est essentiel que ces dernières soient sanctionnées. Avez-vous prévu des moyens pour rendre ces sanctions plus effectives ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Madame Lherbier, l'objectif de la pré-plainte en ligne est non pas d'éloigner le justiciable, mais de faciliter la saisine de la justice pour certaines personnes ayant subi des agressions ou des violences. Bien entendu, elles seront ensuite reçues par un policier ou un gendarme. Dans les cas de violences sexuelles notamment, plus tôt la plainte est déposée, plus grandes sont les chances de retrouver l'agresseur.

La déjudiciarisation ne suscite pas que des craintes. La procédure de divorce par consentement mutuel, dans laquelle le juge n'intervient plus, donne satisfaction, par exemple. Notre idée est non pas de porter atteinte à l'autorité du juge, mais, au contraire, de nous appuyer sur la réelle plus-value que celui-ci peut apporter et de le décharger d'un certain nombre de tâches assez automatiques. Par ailleurs, c'est souvent le juge lui-même qui essaye d'aiguiller le dossier vers des solutions non contentieuses. Dans tous les cas, si l'une des parties ne souscrit plus à la déjudiciarisation, on revient évidemment devant le juge.

La question des soins en prison n'est pas traitée dans le projet de loi et, sauf exception, je ne crois pas qu'elle relève du domaine législatif. En effet, nous rencontrons des difficultés, en particulier pour ce qui concerne le traitement de la maladie psychiatrique en prison. Le nombre de cas semble extrêmement important, mais nous manquons de places, de médecins, et nous rencontrons aussi des difficultés dans l'administration des soins. Agnès Buzyn et moi-même attendons un rapport de l'inspection générale des affaires sociales sur ce sujet à la fin du mois de novembre, et le plan de construction de prisons comportera un volet sur les structures médico-psychologiques dans les établissements pénitentiaires.

Enfin, je partage votre avis sur la nécessaire adaptation du régime de détention pour les femmes. J'ai récemment visité la prison de Remire-Montjoly à Cayenne, où les femmes sont emprisonnées dans un lieu extrêmement difficile.

Monsieur Richard, vous avez évoqué le rapport du premier président Louvel sur le filtrage que pourrait opérer la Cour de cassation afin de répartir différemment les affaires qui lui sont soumises. Je n'ai pas souhaité intégrer directement ses propositions dans le projet de loi, mais nous sommes convenus avec M. Louvel de mettre en place un groupe de travail sur cette question essentielle pour l'égalité des citoyens devant la justice. Pour moi, la cassation doit être pensée comme un continuum avec la première instance et l'appel. Je souhaite toutefois poursuivre les consultations avec les magistrats et les avocats, et aussi réfléchir à l'articulation du dispositif de la Cour de cassation avec celui du Conseil d'État. J'espère que ce dispositif pourra être intégré dans un prochain texte.

Monsieur Marc, les modules de formation que vous proposez peuvent se rattacher aux sciences économiques et sociales ou à l'éducation à la citoyenneté ; j'en parlerai volontiers avec Jean-Michel Blanquer. Pour répondre à votre deuxième question, oui, nous aurons besoin de plus de conciliateurs de justice, et nous allons lancer une campagne de recrutement.

Madame Jourda, tout ce que nous faisons, c'est bien pour que notre justice d'État soit plus efficace et plus rapide et pour qu'elle ne laisse pas émerger en ses contours certaines formes de justice privatisée.

Je n'ai pas encore lu l'article du Monde sur la responsabilité des magistrats. Comme vous le savez, je ne dispose pas de pouvoirs disciplinaires à l'égard des magistrats du siège. La révision constitutionnelle, que je porterai prochainement devant vous, visera à confier un pouvoir disciplinaire autonome au Conseil supérieur de la magistrature pour les magistrats du parquet. L'article visé relaie certaines interrogations qui peuvent apparaître ici ou là, mais je ne souhaite pas m'étendre davantage sur le sujet ce soir.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je me réjouis que ce texte soit présenté en priorité au Sénat et je regrette, une fois encore, le choix de la procédure accélérée.

Je salue aussi la philosophie de ce projet de loi sur la question pénitentiaire. Si j'ai bien compris votre logique, madame la ministre, vous voudriez finalement qu'il y ait moins de personnes dans les prisons. Il est vrai que l'emprisonnement pour de courtes peines a des effets négatifs, car les jeunes finissent par découvrir le milieu de la délinquance. Il vous faudra toutefois faire preuve de beaucoup de pédagogie, car il ne sera pas facile de faire comprendre aux Français, dans le contexte de simplisme ambiant, que certaines autres peines sont beaucoup plus efficaces que la détention.

La réforme du parquet que vous avez évoquée m'apparaît vraiment nécessaire, et il serait bien de pouvoir la mener à terme pour que la France ne soit plus condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Dès lors, ne pourriez-vous pas suggérer d'épurer quelque peu l'édifice de la réforme constitutionnelle, afin que l'on aille à l'essentiel et que l'on ne perde pas son temps avec des lois ordinaires et organiques dont l'utilité semble moindre ?

Enfin, vous avez annoncé que tous les sites de justice seraient préservés. Dès lors, si un tribunal d'instance ferme, je suppose qu'il sera remplacé par un démembrement du tribunal de grande instance... Ai-je bien compris ?

M. François Bonhomme . - Tout à l'heure, j'ai sursauté lorsque vous avez évoqué la mise en oeuvre du programme présidentiel en matière de construction de nouvelles prisons. Vous avez précisé qu'il s'agissait non pas de construire, mais de lancer la construction de 15 000 places de prison, 7 000 étant effectivement livrées d'ici à 2022. Construire et lancer, ce n'est pas la même chose, et je relève sur ce point une modification de l'engagement présidentiel. Nul besoin d'être un grand expert des questions de justice pour connaître la prégnance des questions foncières. Ces difficultés ne pouvaient pas être ignorées lors de la rédaction du programme présidentiel, et il est savoureux de vous entendre dire à présent que l'engagement présidentiel a été enrichi. Au-delà, comment comptez-vous articuler cet engagement de construction de prisons avec la promesse présidentielle de revenir sur l'automaticité de l'aménagement des peines inférieures à deux ans ?

Mme Josiane Costes . - À quel niveau les juristes assistants seront-ils recrutés ? Quelles seront leurs missions ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Monsieur Sueur, vous avez raison, la pédagogie jouera un grand rôle dans l'explicitation de cette réforme. J'espère être à la hauteur, mais je ne doute pas que vous m'aidiez !

Je partage pleinement votre souhait de voir aboutir la réforme du parquet, et donc la révision constitutionnelle. Le Président de la République s'est également fermement engagé en faveur de l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et du transfert du pouvoir disciplinaire à cette instance lors de son discours devant la Cour de cassation voilà quelques mois.

Les tribunaux d'instance ne sont pas supprimés, mais débaptisés, puisqu'ils seront administrativement regroupés avec les tribunaux de grande instance. Ils demeureront toutefois à la même place, accompliront les mêmes fonctions et accueilleront les mêmes usagers, continuant à jouer ce rôle essentiel de justice de proximité. En revanche, lorsque les tribunaux d'instance sont insérés dans les tribunaux de grande instance, au sein d'une même ville, on laissera un peu plus de souplesse d'organisation aux deux tribunaux.

Monsieur Bonhomme, je ne reviens pas sur la question des 15 000 places de prison : en 2022, 7 000 d'entre elles seront livrées et 8 000 auront été lancées.

Vous m'interrogez aussi sur le lien entre la construction de ces établissements pénitentiaires et la réforme de l'article 723-15 du code de procédure pénale, qui prévoit un aménagement de peine jusqu'à deux ans d'emprisonnement prononcés. Comme je l'ai dit précédemment, cet article conduit à décrédibiliser quelque peu l'efficacité de la justice, car une peine de prison peut être prononcée sans être exécutée. Nous croyons au contraire dans la concordance entre la peine prononcée et la peine exécutée et nous posons le principe qu'une peine de prison de plus d'un an doit être exécutée. Cette mesure fera mécaniquement augmenter le nombre de détenus. Toutefois, lorsque l'étude d'impact prévoit 8 000 détenus de moins, c'est bien en tenant compte de cette augmentation, une fois consolidées toutes les mesures que nous prenons.

Madame Costes, les juristes assistants devront au moins être titulaires d'une maîtrise. Certains ont même un doctorat, et beaucoup passent ensuite le concours de la magistrature. Ils fournissent une aide extrêmement précieuse aux magistrats et nous prévoyons d'en recruter 250 sur le quinquennat.

M. François Pillet , président . - Au terme de ce débat, il restera sans doute des interrogations, mais personne ne pourra dire qu'il souffre d'une question rentrée ! Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré, madame la garde des sceaux, et je vous donne rendez-vous pour la suite de la discussion de ce texte.

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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Défenseur des droits

M. Jacques Toubon , Défenseur des droits

Mme Claudine Jacob , directrice de la protection des droits et des affaires juridiques

M. Pascal Montfort , chef du pôle justice et libertés

Mme France de Saint-Martin , attachée parlementaire

Ministère de la justice

Cabinet de la garde des sceaux

M. Nicolas Heitz , conseiller chargé de la coordination des politiques de la justice

M. Jérôme Simon , conseiller chargé de la politique pénale

M. Albin Heuman , conseiller dialogue social et modernisation

M. Naïl Bouricha , conseiller chargé de la prospective et de l'attractivité du droit au cabinet du ministre

Secrétariat général

M. Stéphane Verclytte , secrétaire général

Mme Anne Duclos-Grisier , directrice, secrétaire générale adjointe

Direction des services judiciaires

M. Peimane Ghaleh-Marzban , directeur

Mme Stéphanie Kretowicz , sous-directrice de l'organisation judiciaire et de l'innovation

Direction des affaires civiles et du sceau

M. Thomas Andrieu , directeur

Mme Valérie Delnaud , chef de service, adjointe au directeur

M. Damien Pons , chef du bureau du droit processuel et du droit social

Direction des affaires criminelles et des grâces

M. Rémy Heitz , directeur

M. Manuel Rubio-Gullon , sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

M. Francis Le Gunehec , chef du bureau de la législation pénale générale

M. Thibault Cayssials , chef du bureau de la législation pénale spéciale

Direction de l'administration pénitentiaire

M. Stéphane Bredin , directeur

Mme Anne Bérard , chef de service, adjointe au directeur

M. Pierre Azzopardi , sous-directeur du pilotage et du soutien des services

Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

Mme Madeleine Mathieu , directrice

Mme Catherine D'Hérin , chef du bureau de la législation et des affaires juridiques

Ministère de l'intérieur

Direction générale de la police nationale

Mme Stéphanie Cherbonnier , conseillère judiciaire au cabinet du directeur général

Direction générale de la gendarmerie nationale

Mme Sandrine Guillon , conseillère justice au cabinet du directeur général

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques

M. Éric Tison , sous-directeur des libertés publiques

Mme Maddgi Vaccaro , adjointe au chef du bureau des questions pénales

Ministère de l'action et des comptes publics

Direction du budget

M. Philippe Lonné , sous-directeur de la 8 ème sous-direction

Cour de cassation

M. Bertrand Louvel , premier président

Mme Isabelle Goanvic , secrétaire général

Conseil d'État

M. Bruno Lasserre , vice-président du Conseil d'État

M. David Moreau , secrétaire général adjoint en charge des juridictions administratives

Cour des comptes

Mme Mireille Faugère , conseiller maître

Commission nationale consultative des droits de l'Homme

Mme Christine Lazerges , présidente

Mme Renée Koering-Joulin , personnalité qualifiée et conseillère honoraire à la Cour de cassation

Mme Ophélie Marrel , conseillère juridique

Agence publique pour l'immobilier de la justice

Mme Marie-Luce Bousseton , directrice générale

M. Sébastien Faure , directeur opérationnel

Agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires

M. Damien Martinelli , magistrat, directeur

Service technique national des captations judiciaires

M. Patrick Guyonneau , directeur technique de la direction générale de la sécurité intérieure

Caisse des dépôts et consignations

M. Pierre Chevalier , directeur juridique et fiscal

M. Pascal Roubach , directeur du département des consignations et dépôts spécialisés, direction des clientèles bancaires

M. Philippe Blanchot , directeur des relations institutionnelles

Caisse nationale des allocations familiales

Mme Marie-Christine Davrincourt , directrice

Mme Mariette Daval , responsable du département insertion et cadre de vie

Mme Patricia Chantin , directrice adjointe de cabinet, responsable des relations parlementaires

Conférence des premiers présidents de cour d'appel

M. Régis Vanhasbrouck , président, premier président de la cour d'appel de Lyon

M. Jean-François Beynel , vice-président, premier président de la cour d'appel de Grenoble

Conférence nationale des procureurs généraux

M. Jean-François Thony , président, procureur général près la cour d'appel de Rennes

Mme Marie-Suzanne Le Quéau , procureur général près la cour d'appel de Versailles

Mme Véronique Malbec , procureur général près la cour d'appel de Versailles

Conférence nationale des présidents de tribunal de grande instance

Mme Joëlle Munier , présidente de la conférence, présidente du tribunal de grande instance d'Albi

M. Benjamin Deparis , président du tribunal de grande instance d'Évry

Conférence nationale des procureurs de la République

M. Marc Cimamonti , président, procureur de la République de Lyon

M. Éric Mathais , vice-président, procureur de la République de Dijon

M Alexandre De Bosschere , secrétaire, procureur de la République d'Amiens

Association nationale des juges d'instance

M. Paul Barincou , co-président, juge d'instance à Lille

Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille

M. Laurent Gebler , président, vice-président au tribunal pour enfants de Bordeaux

Association française des magistrats instructeurs

M. Pascal Gastineau , président, vice-président chargé de l'instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris

Mme Lucie Delaporte , vice-présidente, vice-présidente chargée de l'instruction au tribunal de grande instance de Bobigny

Mme Patricia Simon , trésorière, vice-présidente chargée de l'instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris

Association nationale des juges de l'application des peines

M. Ludovic Fossey , premier vice-président chargé de l'application des peines au tribunal de grande instance de Créteil

Union syndicale des magistrats

M. Jacky Coulon , secrétaire national

Mme Pascale Loue-Williaume , trésorière nationale adjointe

Syndicat de la magistrature

Mme Laurence Blisson , secrétaire générale

M. Vincent Charmoillaux , secrétaire national

Syndicat Unité Magistrats

Mme Béatrice Brugère , secrétaire générale, magistrat

Mme Claire Danko , membre du bureau national, magistrat

Juges des libertés et de la détention

M. Thierry Fusina , premier vice-président, chargé du service du juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Paris

M. Frédéric Nguyen-Duc-Quang , premier vice-président, juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Créteil

Mme Frédérique Dalle , juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Nanterre

Syndicat de la juridiction administrative

Mme Suzie Jaouen , secrétaire générale

M. Thomas Breton , membre du conseil syndical

Union syndicale des magistrats administratifs

M. Ivan Pertuy , président

Mme Ophélie Thielen , secrétaire générale

Mme Viviane André , secrétaire générale adjointe

Syndicat national pénitentiaire FO direction

M. Sébastien Nicolas , secrétaire général

Mme Franca Annani , secrétaire nationale

Syndicat national des directeurs pénitentiaires CFDT

M. Jean-François Fogliarino , directeur d'insertion et de probation à la direction interrégionale de Strasbourg

Mme Flavie Rault , directrice adjointe à la maison d'arrêt de Paris La Santé

UNSA services judiciaires

M. Vincent Rochefort , secrétaire général adjoint, directeur de service de greffe

Mme Brigitte Bruneau , secrétaire générale adjointe, greffière

CGT chancellerie et services judiciaires

M. Michel Demoule , secrétaire général

M. Henri-Ferréol Billy , secrétaire national

CFDT services judiciaires

M. Michel Besseau , représentant au comité technique ministériel, directeur des services de greffe judiciaire au tribunal de grande instance de Versailles

Syndicat des greffiers de France - FO services judiciaires

Mme Sophie Grimault , secrétaire générale adjointe, trésorière, greffière au tribunal de grande instance de Limoges

M. Jean-Jacques Pieron , greffier au tribunal de grande instance de Vannes

Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire - SNEPAP-FSU

Mme Aurélie Demmer , secrétaire générale adjointe

M. Gautier Schont , secrétaire national

CGT Insertion - Probation

M. Julien Magnier , secrétaire national

M. Pierre-Yves Lapresle , secrétaire national

Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation

M. Louis Boré , président

Conseil national des barreaux

Mme Christiane Feral-Schuhl , présidente

Mme Carine Denoit-Benteux , présidente de la commission « textes »

Mme Béatrice Voss , présidente de la commission « libertés et droits de l'homme »

Mme Françoise Louis-Tréfouret , directrice des relations institutionnelles

Conférence des bâtonniers

M. Jérôme Gavaudan , président

Barreau de Paris

Mme Marie-Aimée Peyron , bâtonnier de Paris

Cercle des cabinets français

M. Jean-Georges Betto , avocat au Barreau de Paris, membre du Conseil de l'ordre

M. Joël Grange , avocat, associé de Flichy Grangé Avocats

M. Christophe Ingrain , avocat, associé de Darrois Villey Maillot Brochier

M. Rémi Lorrain , avocat, collaborateur de Darrois Villey Maillot Brochier

Mme Pauline Boussin , chargée de développement chez Betto Seraglini

Conseil supérieur du notariat

M. Didier Coiffard , président

M. Jean François-Humbert , premier vice-président

M. Jérôme Fehrenbach , directeur général

Mme Christine Mandelli , chargée des relations avec les institutions

Chambre nationale des huissiers de justice

M. Patrick Sannino , président

M. Gabriel Mecarelli , directeur du service juridique

Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce

M. Thomas Denfer , greffier associé de Paris

Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires

M. Nicolas Moretton , président

Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires

M. Christophe Thevenot , président

M. Christophe Basse , vice-président

M. Alexandre de Montesquiou , consultant

Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables

Mme Charles-René Tandé , président

M. Éric Ferdjallah-Cherel , directeur des études

Conciliateurs de France

M. Michel Pinet , président

M. Patrick Tronche , secrétaire adjoint

Fédération nationale de la médiation et des espaces familiaux

Mme Sophie Lassalle , secrétaire générale

Fédération des associations socio-judiciaires Citoyens et justice

Mme Véronique Dandonneau , juriste, chargée de projets

Mme Stéphanie Lassalle , conseillère technique post-sentenciel

Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale

M. Frédéric Lauféron , directeur général

Association nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

M. Philippe Ehouarne , président

Association nationale des délégués et personnels des services mandataires à la protection juridique des majeurs

Mme Maud Schindele , membre du comité de direction

Mme Chrystelle Cardon , membre du conseil d'administration

Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Mme Anne Gozard , présidente

Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs

Mme Séverine Roy , co-présidente

Mme Sandrine Schwob , déléguée générale

NEXEM

Mme Marie Aboussa , directrice pôle Gestion des organisations

Fédération nationale des associations tutélaires

M. Ange Finistrosa , président

M. Hadeel Chamson , délégué général

Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis

M. François Richir , membre de la commission protection juridique

Association française contre les abus tutélaires

Mme Valérie Albou , avocat conseil, correspondant région parisienne

M. Jacques Vivien , juriste

Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques

Mme Thérèse Prêcheur , administratrice et référente protection juridique

Institut supérieur de la gérance de tutelle

M. Jean-Charles Le Masson , directeur général

Union nationale des associations familiales

Mme Guillemette Leneveu , directrice générale

Mme Agnès Brousse , coordonnatrice du pôle évaluation, développement des activités, protection et droit des personnes

Mme Claire Ménard , chargée des relations parlementaires

Open Law

M. Benjamin Jean , président

M. Bertrand Cassar , secrétaire général

M. Alexis Deborde , fondateur de Leganov et de Hercule The Legal Tech Agency

Plates-formes de résolution amiable des litiges en ligne et d'aide en ligne à la saisine des juridictions

Demanderjustice.com

M. Léonard Sellem , directeur général

M. Thomas Cailleau , conseil

Mme Margaux Ripley , conseil

eJust

Mme Agathe Girard , chef de projet

Mme Sophie Laure , associée, conseiller, membre du secrétariat d'arbitrage

Médicys

Mme Christine Valès , présidente

M. Cyril Murie , directeur général

Personnalités qualifiées

M. Loïc Cadiet , professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Mme Évelyne Bonis , professeur à l'université de Bordeaux, codirectrice de la mention « justice, procès et procédures » à l'institut de sciences criminelles et de la justice

Contributions écrites

Alliance Police Nationale

Chambres d'agriculture France

Club des médiateurs de services au public

Confédération paysanne

Consommation Logement Cadre de vie

Dès maintenant en Europe

Fédération française de l'assurance

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles

FNATH Association des accidentés de la vie

Mouvement des entreprises de France

ANNEXE 1 - LISTE DES INFRACTIONS RELEVANT DE LA PROCÉDURE APPLICABLE À LA CRIMINALITÉ ET À LA DÉLINQUANCE ORGANISÉES

Les infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées sont mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale. Si l'ensemble du régime procédural dérogatoire s'applique aux infractions mentionnées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, la possibilité de prolonger la durée de la garde à vue jusqu'à quatre jours et de différer l'intervention de l'avocat jusqu'à la soixante-douzième heure est exclue pour les infractions mentionnées à l' article 706-73-1 .

Les infractions relevant du champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale :

1° Crime de meurtre commis en bande organisée ;

2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée ;

3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants ;

4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée ;

5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains ;

6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme ;

7° Crime de vol commis en bande organisée ;

8° Crimes aggravés d'extorsion ;

9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée ;

10° Crimes en matière de fausse monnaie ;

11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme ;

12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée ;

13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée ;

14° Délits de blanchiment ou de recel du produit, des revenus et des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ;

15° Délits d'association de malfaiteurs, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ;

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ;

17° Crime de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée ;

18° Crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d'application de l'article 706-167 du code de procédure pénale ;

19° Délit d'exploitation d'une mine ou de disposition d'une substance concessible sans titre d'exploitation ou autorisation, accompagné d'atteintes à l'environnement, commis en bande organisée, lorsqu'il est connexe avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 17° du présent article.

Les infractions relevant du champ de l'article 706-73-1 du code de procédure pénale :

1° Délit d'escroquerie en bande organisée ;

2° Délits de dissimulation d'activités ou de salariés, de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d'oeuvre, de prêt illicite de main-d'oeuvre ou d'emploi d'étranger sans titre de travail, commis en bande organisée ;

3° Délits de blanchiment ou de recel du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° ;

4° Délits d'association de malfaiteurs, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 3° ;

5° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 4°.

Par ailleurs, en application de l'article 706-74 du code de procédure pénale, le régime procédural de la délinquance et de criminalité organisées s'applique également à tous les délits d'association de malfaiteurs et tous les crimes et délits commis en bande organisée non mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1, « lorsque la loi le prévoit ».


* 1 Le dossier législatif de cette proposition de loi est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-641.html

* 2 Le dossier législatif de cette proposition de loi organique est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html

* 3 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 4 Nature, efficacité et mise en oeuvre des peines : en finir avec les illusions ! Rapport d'information n° 713 (2017-2018) de MM. Jacques Bigot et François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre, déposé le 12 septembre 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2017/r17-713-notice.html

* 5 Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ne comporte aucune disposition spécifique sur la justice prud'homale.

* 6 Le plafond des crédits de la mission « Justice » prévu par la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice a été retraité afin d'être présenté dans le même format que celui du projet de loi de programmation du Gouvernement, c'est-à-dire hors contribution directe de l'État aux pensions des fonctionnaires civils et militaires.

* 7 D'après les chiffres du projet de loi de finances pour 2019 déposé à l'Assemblée nationale.

* 8 Avis n° 114 (2017-2018) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2018, déposé le 23 novembre 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/a17-114-8/a17-114-8.html

* 9 L'absence de référentiel sur la charge de travail des magistrats ne permet pas à ce jour d'évaluer de façon fiable et complète le nombre de postes de magistrats nécessaire dans chaque juridiction.

* 10 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000861/index.shtml

* 11 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000843/index.shtml

* 12 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/164000019/index.shtml

* 13 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/rap_jj_urvoas_encellulement_individuel.pdf

* 14 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/174000263/index.shtml

* 15 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018, loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (paragraphes 86 à 89).

* 16 Au vingtième alinéa : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État ».

* 17 Rapport n° 83 (2012-2013) de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l12-083/l12-0831.pdf

* 18 « 12. Considérant que les orientations pluriannuelles ainsi définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet ou proposition de loi ; »

* 19 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 20 Article 22 de ladite loi.

* 21 Rapport n° 33 (2017-2018) de MM. Jacques Bigot et François-Noël Buffet, sur la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 octobre 2017.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l17-033/l17-033.html

* 22 Voir commentaires des articles 52 bis , 52 ter, 52 quater et 52 quinquies du projet de loi.

* 23 Les tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi concernent le tribunal d'instance (procédure ordinaire devant le tribunal d'instance et procédure de saisie des rémunérations), le conseil de prud'hommes et le tribunal paritaire des baux ruraux.

* 24 Étude d'impact annexée au projet de loi, p. 30. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl17-463-ei/pjl17-463-ei.pdf .

* 25 Mission qui leur est dévolue par l'article 54 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 26 Articles 118-9 et suivants du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 27 Le juge aux affaires familiales peut, dans certaines situations, trouver intéressant de prévoir une mesure de médiation pour l'avenir, afin de facilité la mise en oeuvre concrète de sa décision.

* 28 Voir commentaire de l'article 12 du projet de loi.

* 29 Article 843 du code de procédure civile.

* 30 En application de l'article 2062 du code civil, « la convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige ». En application de l'article 2064 du même code, dans le cadre de cette procédure, les parties sont assistées de leurs avocats.

* 31 Tel est le cas pour les contestations en matière de sécurité sociale ou pour certains contentieux fiscaux.

* 32 Tel est le cas pour les litiges prud'homaux, les litiges en matière de baux ruraux, les saisies des rémunérations, les divorces contentieux et les séparations de corps.

* 33 Voir l'étude d'impact annexée au projet de loi, p. 25. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl17-463-ei/pjl17-463-ei.pdf .

* 34 Voir le projet de réforme de la responsabilité civile présenté par le Gouvernement en mars 2017, p. 4. Ce document est consultable à l'adresse suivante :
http://www.justice.gouv.fr/publication/Projet_de_reforme_de_la_responsabilite_civile_13032017.pdf

* 35 Voir étude d'impact précitée p. 26.

* 36 L'article 1244 du projet de réforme est ainsi rédigé : « le propriétaire, le locataire, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs, qui provoque un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, répond de plein droit du dommage résultant de ce trouble ».

* 37 Étude d'impact précitée p. 28.

* 38 Le recours à la procédure participative est limité en pratique. En 2017, toutes juridictions confondues, 220 demandes d'homologation d'un accord issu de cette procédure ont été enregistrées. Il y en avait eu 118 en 2016.

* 39 En application des articles 26, 118-9 et suivants du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle peut être accordée pour une procédure participative ou une médiation judiciaire, si tant est que la tentative de médiation préalable à la saisine du juge, prévue par le présent article, soit considérée comme une médiation judiciaire.

* 40 Étude d'impact précitée p. 30.

* 41 Étude d'impact précitée p. 22.

* 42 Voir l'étude d'impact annexée à ce projet de loi, p. 48. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl14-661-ei/pjl14-661-ei.pdf

* 43 Étude d'impact précitée p. 28.

* 44 Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, p. 21, en 2017, les tribunaux d'instance ont enregistré contre 291 684 nouvelles affaires contre 267 261 affaires nouvelles enregistrées en 2016, soit une hausse de 9 % du contentieux. Plus spécifiquement, selon les données fournies par les services de la chancellerie, le nombre de saisines des tribunaux d'instance par déclaration au greffe s'élevait à 85 006 en 2017 contre 69 965 en 2016.

* 45 Association créée en 1994 à l'initiative des pouvoirs publics, le COFRAC est l'unique organisme français compétent pour accréditer les organismes ayant pour mission l'évaluation de la conformité, au travers de processus d'inspection ou de certification.

* 46 Conseil d'État, 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier.

* 47 Conseil constitutionnel, décision n° 76-70 DC du 2 décembre 1976 sur la loi relative au développement de la prévention des accidents du travail, considérant 2.

* 48 Conseil constitutionnel, décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, considérant 84.

* 49 Cour de cassation, assemblée plénière, 30 juin 1995, n° 94-20302.

* 50 A rticle 412 du code de procédure civile.

* 51 Article 411 du code de procédure civile.

* 52 Les parties doivent obligatoirement constituer un avocat au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Elles ne peuvent être représentées par un avocat au barreau.

* 53 Le principe de la postulation, prévu à l'article 5 de la même loi, veut que, sauf exception, un avocat ne puisse plaider que devant les tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel dans laquelle il a établi sa résidence professionnelle, ainsi que devant ladite cour d'appel. Avant la réforme opérée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, les avocats ne pouvaient plaider que devant le tribunal de grande instance du ressort dans lequel ils avaient établi leur résidence professionnelle.

* 54 La loi dispose également que seul l'avocat peut assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil.

* 55 Depuis la suppression de la profession d'avoué par la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel. Les avoués, qui étaient des officiers publics et ministériels nommés par arrêté du ministre de la justice, détenaient le monopole de la postulation, c'est-à-dire de la représentation à l'instance, devant les cours d'appel en matière civile dans les contentieux avec représentation obligatoire ainsi qu'en matière commerciale.

* 56 Ces activités sont régies par l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

* 57 Conseil d'État, sixième et deuxième sous-sections réunies, 19 mars 1993, n os 108246 et 109457 : « (...) ni l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971, qui confère aux avocats le monopole de la représentation des parties devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires, ni le principe général des droits de la défense, n'ont pour objet ni pour effet d'interdire au pouvoir réglementaire, dans le cadre des pouvoirs qu'il détient pour régler la procédure civile ou administrative, de dispenser les justiciables de recourir, en certaines matières, au ministère d'un avocat ».

* 58 Conseil d'État, sixième et quatrième sous-sections réunies, 6 avril 2001, n° 205136.

* 59 Voir commentaire de l'article 53 du projet de loi qui modifie l'organisation entre tribunal d'instance et tribunal de grande instance. Dans le droit en vigueur, le tribunal d'instance connaît des litiges civils en matière personnelle et mobilière, à concurrence du seuil de 10 000 euros (article L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire). Il est par ailleurs notamment compétent en matière d'injonction de payer, de saisie sur salaire, de baux d'habitation, de surendettement, de tutelles des majeurs, de bornage, de litiges de voisinage, de litiges de nature agricole, et pour certaines opérations relatives aux élections politiques ou professionnelles (articles L. 221-4 et suivants et R. 221-3 et suivants du code de l'organisation judiciaire).

* 60 « Le conseil de prud'hommes règle les différends et litiges nés entre salariés à l'occasion du travail » (article L. 1411-3 du code du travail). Il s'agit d'une juridiction paritaire comprenant un nombre égal de salariés et d'employeurs. Le conseil de prud'hommes (CPH) est compétent dans sa matière quel que soit le montant de la demande. Toutefois, en-dessous de 4 000 euros, le CPH statue en premier et dernier ressort. Pour toutes les demandes supérieures à ce montant, les jugements du CPH sont susceptibles d'appel.

* 61 Le tribunal paritaire des baux ruraux (TBPR) est compétent pour trancher les litiges s'élevant à l'occasion d'un contrat de bail rural entre un propriétaire d'un domaine agricole (le « bailleur ») et celui qui loue la terre en question (le « preneur » du bail) (articles L. 491-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime). Un TBPR, présidé par un juge d'instance, est institué auprès de chaque tribunal d'instance. Il s'agit d'une juridiction échevinée, composée de quatre assesseurs : deux représentants élus des bailleurs et deux des preneurs de baux ruraux.

* 62 Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) connaît du contentieux général de la sécurité sociale, relatif aux cotisations ou aux prestations sociales, qui naissent entre les assurés sociaux et les organismes de sécurité sociale. Juridiction échevinée relevant de l'ordre judiciaire, elle est présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire, assisté de deux assesseurs désigné parmi les représentants des salariés et ceux des employeurs. Les décisions rendues par le TASS relèvent, en appel, de la chambre sociale de la cour d'appel du ressort (article L. 142-2 du code de la sécurité sociale).

* 63 Le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI), relevant de l'ordre judiciaire, présente la même organisation que le TASS. Il statue sur le contentieux technique de la sécurité sociale, soit les questions médicales relatives à l'appréciation des taux d'invalidité, d'incapacité ou de nécessité de soins. Les décisions rendues par le TCI relèvent, en appel, de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (article L. 143-2 du code de la sécurité sociale).

* 64 Les commissions départementales d'aide sociale (CDAS), relevant de l'ordre administratif, sont présidées par le président du tribunal de grande instance. Elles sont compétentes pour statuer sur les recours relatifs aux prestations d'aide sociale versées par l'État (couverture maladie universelle complémentaire, assurance complémentaire santé, aide médicale d'État) ou le département (revenu de solidarité active, allocation aux adultes handicapés etc .). L'appel de ces décisions est formé devant les commissions centrales d'aide sociale (CCAS) (articles L. 134-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles).

* 65 Outre l'appel des décisions du TCI, la CNITAAT est également compétente en premier et dernier ressort pour les contentieux relatifs à la fixation des taux de cotisation des accidents du travail (articles L. 143-3 et suivants du code de la sécurité sociale).

* 66 Créé par l'article 258 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 67 Cour de cassation, première chambre civile, 7 avril 1999, n° 97-10.656 et 21 janvier 2003, n° 01-14.383.

* 68 Voir article L. 621-2 du code de commerce. Le tribunal de grande instance demeure aujourd'hui compétent pour les exploitants agricoles et les professionnels libéraux, à moins qu'ils aient opté pour un statut de société commerciale, ainsi que pour les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique (associations, fondations ou coopératives). Le tribunal de commerce n'est compétent que pour les personnes ayant le statut de commerçant, les sociétés commerciales et les artisans (à compter du 1 er janvier 2022).

* 69 Sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.

* 70 Les fonctions de juge de l'exécution sont exercées par le président du tribunal de grande instance, qui peut les déléguer à un ou plusieurs autres juges (article L. 213-5 du code de l'organisation judiciaire). Il est notamment compétent pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et aux contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, mais aussi en matière de saisie immobilière, de demande en réparation fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée (article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire).

* 71 Conseil d'État, Assemblée générale, section de l'intérieur, n° 394535, avis sur un projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, séance du 12 avril 2018. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl17-463-avis-ce.pdf

* 72 Procédure civile, droit interne et européen du procès civil , Cécile Chainais, Frédérique Ferrand, Serge Guinchard, Dalloz, Précis, 33 ème édition.

* 73 L'article 2 du code de procédure civile dispose que « les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis ».

* 74 Cour européenne des droits de l'homme, 13 février 2003, Bertuzzi c/France, n° 36378/97.

* 75 Conseil constitutionnel, décision n° 80-113 L du 14 mai 1980, nature juridique des diverses dispositions du code général des impôts relatives à la procédure contentieuse en matière fiscale, considérant 1 : « (...) les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions civiles ou administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne (...) mettent en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés dans le domaine de la loi par l'article 34 de la Constitution (...) ».

* 76 Rapport n° 36 (2007-2008) de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 octobre 2007, sur la proposition de loi relative à la simplification du droit, p. 33.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l07-036/l07-036.html

* 77 Sans toutefois pouvoir déterminer la proportion des contentieux actuellement non soumis à la représentation obligatoire mais dans lesquels les parties constituent avocat avec le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

* 78 Voir commentaires des articles 52 bis , 52 ter , 52 quater et 52 quinquies .

* 79 Les ressources prises en compte sont celles de l'année antérieure.

* 80 Plafonds fixés par la circulaire du 15 janvier 2018 relative au montant des plafonds de ressources, des correctifs pour charges familiales et des tranches de ressources pour l'admission à l'aide juridictionnelle à compter du 16 janvier. Cette circulaire est accessible à l'adresse suivante : http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUST1801298C_VF.pdf

* 81 Articles 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

* 82 Article 55 de la même loi.

* 83 Étude d'impact, p. 220.

* 84 Cette disposition vise les salariés de la personne physique ou morale partie à une procédure qui n'exercent pas d'activité salariée pour le compte d'une autre personne physique ou morale.

* 85 Conseil constitutionnel, décision n° 73-76 L du 20 février 1973, sur la nature juridique de diverses dispositions relatives à l'urbanisme.

* 86 Conseil constitutionnel, décision n° 72-75 L du 21 décembre 1972, sur la nature juridique des dispositions de l'article 48, alinéa 2, modifié, de la loi du 22 juillet 1889 sur la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs et article 13, paragraphes 1 et 2, de la loi du 27 décembre 1963 portant unification ou harmonisation des procédures, délais et pénalités en matière fiscale.

* 87 Articles 751 et suivants du code de procédure civile.

* 88 Voir article 56.

* 89 Rapport n° 121 (2015-2016) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, déposé le 28 octobre 2015, sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI e siècle.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l15-121/l15-121.html

* 90 Texte n° 35 (2015-2016) adopté par le Sénat le 5 novembre 2015, article 8. Ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/tas15-035.html

* 91 Voir article 56.

* 92 En vertu de l'article 311-1 du code civil, « la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ».

* 93 Étude d'impact précitée p. 52.

* 94 Conseil d'État, assemblée générale, avis sur un projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, p. 5. Cet avis est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/leg/pjl17-463-avis-ce.pdf .

* 95 La liste des titres exécutoires est fixée à l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.

* 96 L'article 373-2-13 du code civil dispose que « Les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ainsi que les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d'un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non ».

* 97 Le 4° de l'article 229-3 du code civil prévoit en effet que la convention de divorce fixe « les modalités du règlement complet des effets du divorce ».

* 98 Étude d'impact précitée, p. 58.

* 99 Étude d'impact précitée, p. 61

* 100 Voir encadré ci-dessus.

* 101 Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, p. 60, ce barème indicatif se fonde sur les travaux de l'INSEE, menés à partir de l'enquête « Budget de famille », qui propose une valeur moyenne du coût relatif de l'enfant, sans tenir compte ni de son âge, ni de son rang dans la fratrie, ni du niveau de revenu de ses parents. Ce barème est consultable à l'adresse suivante :

https://www.justice.fr/simulateurs/pensions/bareme .

* 102 Étude d'impact précitée, p. 58.

* 103 Étude d'impact précitée, p.65.

* 104 Voir le rapport n° 288 (2013-2014) fait au nom de la commission des lois par M. Thani Mohamed Soilihi, p. 48. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l13-288/l13-2881.pdf .

* 105 L'évolution de la protection juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables. Rapport de mission interministérielle 2018, remis par Mme Anne Caron-Déglise le 21 septembre 2018. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_pjm_dacs_rapp.pdf

* 106 Est présumée absente la personne ayant cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l'on ait eu de nouvelles. Le juge des tutelles du tribunal d'instance peut alors être saisi à la demande de tout intéressé ou d'office par le procureur de la République, et rendre une décision de présomption d'absence (article 112 du code civil), valable dix ans au terme desquels l'absence pourra être déclarée par le tribunal de grande instance (article 122 du code civil).

* 107 Article 120 du code civil.

* 108 Article 838 du code civil : « Le partage amiable peut être total ou partiel. Il est partiel lorsqu'il laisse subsister l'indivision à l'égard de certains biens ou de certaines personnes ».

* 109 Article 115 du code civil : « Le juge peut, à tout moment et même d'office, mettre fin à la mission de la personne ainsi désignée; il peut également procéder à son remplacement. »

* 110 Article 840 du code civil : « le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière de procéder ou de le terminer ou lorsque le partage n'a pas été autorisé ou approuvé (...) »

* 111 Le recours à un notaire est obligatoire lorsqu'un bien immobilier figure parmi les biens de la succession, en application des articles 710-1 et 835 du code civil, lesquels imposent la rédaction d'un acte authentique pour effectuer la publicité foncière.

* 112 Cour de cassation, première chambre civile, 24 octobre 2012, n° 11-19855.

* 113 Voir le commentaire de l'article 16 s'agissant de l'habilitation familiale qui est une mesure de protection juridique.

* 114 L'action en rescision ou en réduction doit être exercée par la personne protégée ou ses héritiers dans un délai de cinq ans à compter du moment où l'auteur de l'acte en a eu connaissance alors qu'il était en état de le refaire valablement (articles 414-2 et 1304 du code civil).

* 115 Dans cette hypothèse, certaines obligations valables pour la tutelle s'appliquent à la curatelle, s'agissant des revenus de la personne et du contrôle des comptes de gestion.

* 116 Article 440 du code civil.

* 117 Article 441 du code civil. La mesure peut être renouvelée pour une même durée de cinq ans, ou lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, sur décision spécialement motivée du juge et sur avis d'un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République, pour une durée plus longue qui ne peut excéder vingt ans (article 442 du code civil).

* 118 Article 440 du code civil.

* 119 Ou pour une durée plus longue dans les conditions précitées de l'article 442 du code civil.

* 120 La protection cesse en cas d'émancipation. Le mineur émancipé peut bénéficier, le cas échéant, d'un régime de protection prévu pour les majeurs.

* 121 Article L. 221-9 du code de l'organisation judiciaire.

* 122 Article L. 213-3-1 du code de l'organisation judiciaire : « Le juge aux affaires familiales exerce les fonctions de juge des tutelles des mineurs (...) ».

* 123 Le conseil de famille, présidé par le juge des tutelles, est composé d'au moins quatre membres, y compris le tuteur et le subrogé tuteur (articles 399 et 400 du code civil). S'agissant des mineurs, une mesure de tutelle est toujours organisée avec un conseil de famille (article 398 du code civil), sauf exception. En revanche, la constitution d'un conseil de famille est facultative pour les majeurs (article 456 du code civil). Le fonctionnement du conseil de famille est identique dans les deux cas, à l'exception des règles spécifiques au suivi des mineurs.

* 124 La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs n'a pas modifié ce régime, mais a seulement donné explicitement au juge la possibilité d'exercer les pouvoirs normalement dévolus au conseil de famille.

* 125 De même que son testament (article 470 du code civil).

* 126 Le titre XII, relatif à la gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle, comprend notamment l'article 507 relatif aux modalités de contrôle du partage.

* 127 « L'héritier peut accepter la succession purement et simplement ou y renoncer. Il peut également accepter la succession à concurrence de l'actif net lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel. Est nulle l'option conditionnelle ou à terme. »

* 128 Article 785 du code civil.

* 129 Voir commentaire de l'article 17.

* 130 La protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en oeuvre défaillante . Cour des comptes, communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, septembre 2016, p. 64.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20161004-rapport-protection-juridique-majeurs.pdf

* 131 Article 456 du code civil.

* 132 Rapport n° 288 (2013-2014) de M. Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 janvier 2014, sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, p. 42. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l13-288/l13-2881.pdf

* 133 Articles 500 à 502 du code civil.

* 134 Articles 505 à 508 du code civil.

* 135 Il s'agit d'une saisie mobilière exécutoire qui permet à tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, de saisir entre les mains d'un tiers les créances de sommes d'argent de son débiteur, afin d'obtenir paiement de la sienne, ainsi nommée parce que l'acte de saisie emporte attribution immédiate au saisissant de la créance disponible saisie, à concurrence de la saisie. Elle rend le tiers personnellement débiteur de celui-ci dans la limite de son obligation.

* 136 Elle ne peut être exercée à titre conservatoire (article L. 3252-7 du code du travail).

* 137 La procédure est régie par les articles L. 3252-1 et suivants et R. 3252-1 et suivants du code du travail.

* 138 Conformément à l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, comptent parmi les titres exécutoires : les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire et administratif, les extraits de procès-verbal de conciliation signés par le juge et les parties, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ou les titres délivrés par huissiers de justice en cas de non-paiement d'un chèque.

* 139 Article L. 3252-6 du code du travail. Il exerce à cet effet les pouvoirs de juge de l'exécution (article L. 221-8 du code de l'organisation judiciaire).

* 140 La saisie s'applique aux indemnités qui ont pour objet de compenser des rémunérations (indemnités journalières d'accident du travail, de maladie ou de maternité, indemnité de chômage par exemple), mais ne peut en revanche concerner des sommes versées à un autre titre que la rémunération du travail (par exemple : des indemnités de licenciement).

* 141 Si le débiteur réside à l'étranger ou n'a pas de domicile connu, la procédure est portée devant le tribunal d'instance du lieu où demeure le tiers saisi, à savoir l'employeur.

* 142 L'audience n'est pas publique et se tient dans le bureau du juge du tribunal d'instance qui reçoit les parties.

* 143 Ce jugement peut faire l'objet d'un recours en appel, contrairement au procès-verbal de non-conciliation. La saisie s'exerce dans les huit jours suivant la notification du jugement s'il est exécutoire et, à défaut, à l'expiration des délais de recours contre ce jugement.

* 144 Article R. 3252-20 du code du travail.

* 145 Articles L. 3252-2 et R. 3252-2 du code du travail. Le montant est calculé à partir de la rémunération nette annuelle des douze derniers mois de salaire. À titre d'illustration, une personne percevant 21 760 euros de revenus annuels (soit 1 813 euros par mois environ), pourra voir sa rémunération saisie à hauteur de 482 euros par mois, voire 1 262 euros en cas de demande de paiement de pension alimentaire. Le barème est pondéré en fonction des personnes à charge du débiteur. Le portail internet justice.fr propose un simulateur de saisies sur rémunération accessible à tout justiciable. Il est consultable au lien suivant : https://www.justice.fr/simulateurs/saisi_remu

* 146 Il doit aussi faire connaître la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi, sous peine de condamnation par le juge au paiement d'une amende civile (article L. 3252-9 du code du travail) ainsi que de dommages et intérêts.

* 147 Tout créancier muni d'un titre exécutoire peut intervenir dans une procédure de saisie afin de participer à la répartition des sommes saisies (article R. 3252-30 du code du travail).

* 148 Sauf si dans l'intervalle ils atteignent un montant suffisant pour désintéresser tous les créanciers. Le désintéressement se définit comme l'action de donner satisfaction à un prétendant, ce qui éteint son intérêt à agir ou à réclamer. Celui des créanciers est effectif par le paiement qui leur est dû.

* 149 « En cas de pluralité de saisies, les créanciers viennent en concours sous réserve des causes légitimes de préférence. » Les sommes sont versées en priorité au détenteur d'une créance pour non-paiement d'une pension alimentaire, puis au Trésor public pour le recouvrement d'un impôt ou d'une taxe non-payée, puis les créances les plus faibles - inférieures à 500 euros - et enfin les autres créances dues (article L. 3252-8 du code du travail).

* 150 Article R. 3252-36 du code du travail.

* 151 « Le régisseur installé auprès du greffe du tribunal d'instance verse les sommes dont il est comptable au préposé de la Caisse des dépôts et consignations le plus rapproché du siège du tribunal auprès duquel le greffe est installé, qui lui ouvre un compte spécial.
Il opère ses retraits pour les besoins des répartitions, sur leur simple quittance, en justifiant de l'autorisation du directeur de greffe » (article R. 3252-10 du code du travail).

* 152 Action en justice ouverte à la personne qui a effectué un paiement alors qu'elle n'en était pas débitrice.

* 153 Articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales.

* 154 Articles L. 213-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

* 155 La demande de paiement direct se faisant par l'intermédiaire d'un huissier de justice.

* 156 Article R. 3252-8 du code du travail.

* 157 Article L. 3252 10 du code du travail.

* 158 Disparition d'un obstacle de droit à l'accomplissement d'un acte, à l'exercice d'un droit et levée d'un obstacle qui avait créé, dans un intérêt légitime, une situation de blocage ou de protection que les circonstances ne justifient plus.

* 159 « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien » (article 232 du code de procédure civile).

* 160 Cour de cassation, première chambre civile, 26 novembre 1980.

* 161 Article 265 du code de procédure civile.

* 162 Les parties peuvent aussi faire appel à une expertise, qui dans ce cas-là est privée, et n'est pas soumise au contrôle du juge.

* 163 Il ne s'agit donc pas d'un collaborateur occasionnel du service public.

* 164 Article 269 du code de procédure civile.

* 165 Le fait de consigner le montant de la provision vaut acquiescement à la décision ordonnant l'expertise (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 5 octobre 1988).

* 166 Article 271 du code de procédure civile. En revanche, la caducité prévue à cet article ne peut être invoquée par la partie à la charge de laquelle avait été mise l'obligation de consigner

(Cour de cassation, deuxième chambre civile, 29 juin 1994, n° 92-21.989).

* 167 Article R. 123-20 du code de l'organisation judiciaire.

* 168 Article R. 123-24 du code de l'organisation judiciaire.

* 169 Étude d'impact précitée, p. 75 de l'étude d'impact, p. 251 du projet de loi.

* 170 Ibid . supra .

* 171 La Caisse des dépôts et consignations, banque du service public de la justice , termes employés par la Cour des comptes dans un référé publié en 2015. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20150616-refere-71291-CDC-banque-service-public-justice.pdf

* 172 Cour de cassation, chambre commerciale, 5 novembre 2013, n° 12-22.002.

* 173 Cet article du code monétaire et financier dispose en effet que toute consignation de fonds sur un compte auprès de la Caisse des dépôts et consignation donne lieu à des intérêts, servis par la CDC.

* 174 Chantiers de la justice, amélioration et simplification de la procédure civile. Référents : Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis, janvier 2018, p. 41. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/publication/chantiers_justice/Chantiers_justice_Livret_03.pdf

* 175 Étude d'impact, p. 252.

* 176 Elle résultait, en droit interne, de l'ordonnance touchant la marine du mois d'août 1681. Cette disposition a été abrogée par erreur par l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, elle-même ratifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.

* 177 « La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ». Cette définition est celle donnée par le droit international, notamment de l'article 2 de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 et reprise en droit interne à l'article 2 du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation des actes.

* 178 Rapport annuel de la Cour de cassation 2016, p. 23. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/IMG/pdf/cour_de_cassation_rapport_2016_web_-2.pdf .

* 179 Le projet de loi ajuste également, par coordination, le contenu du décret en Conseil d'État, prévu à l'article L. 444-7 du code de commerce, pour préciser les modalités d'application des règles de fixation des tarifs.

* 180 Le Sénat avait voté, en première lecture, le principe de la création d'un « code de l'accès au droit et de l'exercice du droit, destiné à rassembler les dispositions législatives et réglementaires relatives, d'une part, à l'aide juridique et à l'accès au droit, et, d'autre part, à l'exercice du droit, à titre principal, par les professions juridiques ou judiciaires réglementées, et, à titre accessoire, par les autres professions ».

* 181 Articles L. 444-1 à L. 444-7 du code de commerce.

* 182 Avis n° 146 (2016-2017) de M. André Reichardt, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de finances pour 2017, déposé le 24 novembre 2016. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/a16-146-6/a16-146-63.html#toc43

* 183 L'article L. 444-3 du code de commerce prévoit que le tarif est révisé au moins tous les cinq ans. Le pouvoir réglementaire a fait le choix en 2016 d'une révision rapide tous les deux ans.

* 184 Décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice.

* 185 Étude d'impact précitée p. 97.

* 186 Étude d'impact précitée p. 97.

* 187 Étude d'impact précitée p. 102.

* 188 Divorce pour faute sur le fondement de l'article 242 du code civil, divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l'article 237 du même code ou divorce accepté sur le fondement de l'article 233 du même code.

* 189 En application de l'article 2 de l'arrêté du 7 juin 2011 relatif à la création d'un comité technique spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires, ce comité est composé du directeur des services judiciaires, du sous-directeur des ressources humaines des greffes et de dix représentants du personnel.

* 190 Étude d'impact précitée p.107.

* 191 Étude d'impact précitée p.102.

* 192 Les débats qui se tiennent en chambre du conseil se déroulent hors de la présence du public, le plus souvent dans le bureau du juge.

* 193 Conseil d'État, assemblée, 4 octobre 1974, Dame David, n° 88930.

* 194 Ces dispositions ont en outre été reprises aux articles 434 et 435 du code de procédure civile.

* 195 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 196 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-645 QPC du 21 juillet 2017, M. Gérard B. [ Huis clos de droit à la demande de la victime partie civile pour le jugement de certains crimes ].

* 197 Cour européenne des droits de l'homme, Grande Chambre, Jussila c. Finlande, 23 novembre 2006, n° 73053/01.

* 198 « (...) Le jugement doit être rendu publiquement ».

* 199 Cour européenne des droits de l'homme, Grande Chambre, Jussila c. Finlande, 23 novembre 2006, n° 73053/01.

* 200 Cour européenne des droits de l'homme, Schuler-Zgraggen c. Suisse, 24 juin 1993, n° 14518/89.

* 201 Cour européenne des droits de l'homme, Grande Chambre, Jussila c. Finlande, 23 novembre 2006, n° 73053/01.

* 202 Cour européenne des droits de l'homme, Miller c. Suède, 8 février 2005, n° 55853/00. La CEDH précise d'ailleurs que « cela ne signifie pas que le rejet d'une demande tendant à la tenue d'une audience ne puisse se justifier qu'en de rares occasions. Il convient ici, comme en toute autre matière, d'avoir égard avant tout au principe d'équité consacré par l'article 6, dont l'importance est fondamentale ».

* 203 Cour européenne des droits de l'homme, Schuler-Zgraggen c. Suisse, 24 juin 1993, n° 14518/89.

* 204 Cour européenne des droits de l'homme, Grande Chambre, Vilho Eskelinen et autres c. Finlance, 19 avril 2007, n° 63235/00.

* 205 Article 847-1 du code de procédure civile.

* 206 Article 779 du code de procédure civile.

* 207 Article 486-1 du code de procédure civile. La décision rendue dans ces conditions est contradictoire.

* 208 p. 287.

* 209 Amélioration et simplification de la procédure civile , Chantiers de la justice, ministère de la justice, Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis, référents, janvier 2018, p. 11. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/chantiers_justice/Chantiers_justice_Livret_03.pdf

* 210 « Le juge du 21 ème siècle », Un citoyen acteur, une équipe de justice , Pierre Delmas-Goyon, décembre 2013, p. 78-79. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_dg_2013.pdf

* 211 Étude d'impact du projet de loi p. 288 : « (...) les données statistiques disponibles ne permettent pas d'identifier les actions en paiement en-dessous de 5 000 euros ».

* 212 En matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat y compris, le cas échéant, la clause pénale.

* 213 Cotisations aux ordres professionnels, aux caisses de retraite.

* 214 Relevant auparavant de la compétence du seul tribunal d'instance, cette nouvelle répartition faisait suite au rapport de M. Serge Guinchard.

* 215 Créances inférieures à 10 000 euros.

* 216 Créances supérieures à 10 000 euros.

* 217 Créance de tout montant due par un débiteur ayant la qualité de commerçant ou de société.

* 218 La procédure d'introduction de la requête devant la juridiction est gratuite sauf devant le tribunal de commerce eu égard aux frais de greffe de 37,07 euros, payables dans les quinze jours de présentation de la requête.

* 219 Article 4 de la loi n° 2011-1682 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

* 220 Dans l'hypothèse où le juge rejette la requête, sa décision est sans recours pour le créancier, sauf à procéder selon les voies de droit commun.

* 221 Par huissier de justice.

* 222 L'opposition à injonction de payer n'a pas à être motivée (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 14 janvier 1987, n° 84-17.466).

* 223 Cette audience se tient pour toute demande d'opposition formée à l'encontre d'une ordonnance portant injonction de payer.

* 224 Depuis la loi n° 2015 990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, il existe par ailleurs une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conduite par un huissier de justice exclusivement rémunéré par le créancier, habilité par la loi à délivrer un titre exécutoire dès lors que les parties en sont d'accord. Celle-ci relève du même champ d'application que l'injonction de payer - à savoir le paiement d'une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d'une obligation de caractère statutaire - mais ne concerne que les créances dont le montant est inférieur à 4 000 euros.

* 225 P. 290.

* 226 Sauf avec le Danemark.

* 227 Article L. 221-7 du code de l'organisation judiciaire

* 228 Article L. 722-3-1 du code de commerce.

* 229 Aux termes de l'injonction de payer, le défendeur est informé que l'injonction a été délivrée sur le seul fondement des informations fournies par le demandeur et n'a pas été vérifiée par la juridiction.

* 230 Le défendeur indique dans l'opposition qu'il conteste la créance, sans être tenu de préciser les motifs de contestation.

* 231 Amélioration et simplification de la procédure civile , Chantiers de la justice, ministère de la justice, Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis, référents, janvier 2018.

Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/chantiers_justice/Chantiers_justice_Livret_03.pdf

* 232 Amélioration et simplification de la procédure civile , Chantiers de la justice, ministère de la justice, Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis, référents, janvier 2018.

Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/publication/chantiers_justice/Chantiers_justice_Livret_03.pdf

* 233 En application de l'article L. 721-2 du code de commerce.

* 234 Exprimé en équivalents temps plein travaillé (ETPT).

* 235 Toujours exprimés en ETPT.

* 236 Étude d'impact p. 293.

* 237 p. 293.

* 238 Articles 485 à 487 et 490 du code de procédure civile.

* 239 Article 488 du code de procédure civile.

* 240 Articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9 et deuxième alinéa de l'article 814 du code civil.

* 241 Article 57 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'agent et de hasard en ligne.

* 242 p. 295.

* 243 Cette suggestion est reprise du Professeur Yves Strickler auteur avec le professeur Marcel Foulon d'un ouvrage sur le sujet. Les référés en la forme , Marcel Foulon, Yves Strickler, Dalloz, septembre 2013.

* 244 Article 488 du code de procédure civile.

* 245 Le juge peut en effet statuer en faveur d'une habilitation entre époux sous forme d'une habilitation restreinte (art. 217 du code civil, qui concernera un acte ou des actes précis), ou d'une habilitation générale (art. 219 du même code, portant sur un pouvoir large de représentation du conjoint en incapacité d'exprimer sa volonté). Le droit des régimes matrimoniaux n'offre pas tout à fait les mêmes possibilités que l'habilitation familiale, notamment en matière extra-patrimoniale. Le juge des tutelles du tribunal d'instance est compétent pour examiner ces demandes.

* 246 Rapport n° 228 (2014-2014) de M. Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, déposé le 14 janvier 2014, sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, p. 45. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l13-288/l13-2881.pdf

* 247 À l'exception de tous les actes de disposition conclus à titre gratuit, qui doivent systématiquement recueillir l'autorisation du juge des tutelles (acceptation ou renonciation à une succession par exemple).

* 248 Dans le cas d'une habilitation générale, une opposition d'intérêts entre le proche habilité et la personne protégée fait obstacle à l'accomplissement de l'acte, sauf autorisation donnée par le juge à titre exceptionnel.

* 249 Cour de cassation, première chambre civile, 20 décembre 2017, n° 16-27507.

* 250 Cour de cassation, rapport annuel 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2017_8791/suggestions_modifications_8800/reforme_matiere_8803/b._suggestions_nouvelles_39475.html

* 251 Étude d'impact du projet de loi, p. 299.

* 252 « Le juge peut également, à tout moment, ordonner une curatelle renforcée. Dans ce cas, le curateur perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière. Il assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l'excédent sur un compte laissé à la disposition de l'intéressé ou le verse entre ses mains. (...) La curatelle renforcée est soumise aux dispositions des articles 503 et 510 à 515. » (article 472 du code civil).

* 253 Rapport n° 2012 (2006-2007) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 février 2007, sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, p. 62. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l06-212/l06-2121.pdf

* 254 La protection juridique des majeurs. Une réforme ambitieuse, une mise en oeuvre défaillante . Cour des comptes, communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, septembre 2016, p. 64.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20161004-rapport-protection-juridique-majeurs.pdf

* 255 Celle-ci ne peut excéder 3000 euros (article 1216 code de procédure civile).

* 256 Voir article 472 du code civil.

* 257 Article 437 du code civil : « Le mandataire spécial est tenu de rendre compte de l'exécution de son mandat à la personne protégée dans les conditions prévues aux articles 510 à 515 ».

* 258 Si elle âgée d'au moins seize ans.

* 259 Cour de cassation, première chambre civile, 13 décembre 1994, n° 93-13.826.

* 260 Cour de cassation, première chambre civile, 7 octobre 2015, n° 14.23.955.

* 261 « À peine d'engager sa responsabilité à l'égard de la personne protégée, le subrogé curateur ou le subrogé tuteur surveille les actes passés par le curateur ou par le tuteur en cette qualité et informe sans délai le juge s'il constate des fautes dans l'exercice de sa mission. (...) »

* 262 L'évolution de la protection juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables. Rapport de mission interministérielle 2018, remis par Mme Anne Caron-Déglise le 21 septembre 2018, p. 79. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_pjm_dacs_rapp.pdf

* 263 Ibid supra .

* 264 En 2016, les juges aux affaires familiales ont été saisis, hors incapacités des mineurs, de 383 652 affaires nouvelles dont 172 294 ruptures d'unions et 50 339 demandes relatives à l'après-divorce. Ces données sont issues des statistiques disponibles sur le site du ministère de la justice, consultable à l'adresse suivante :

http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/references-statistiques-justice-12837/activite-des-juridictions-donnees-2016-31194.html .

* 265 Article 34-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

* 266 Placement de l'enfant auprès de l'autre parent, d'un autre membre de la famille ou d'un tiers digne de confiance, auprès d'un service départemental de l'aide sociale à l'enfance, d'un service habilité pour l'accueil de mineurs à la journée, d'un service ou d'un établissement sanitaire ou d'éducation...

* 267 Cette procédure a été mise en place par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

* 268 Étude d'impact précitée p. 143.

* 269 Étude d'impact précitée p. 143.

* 270 Étude d'impact précitée p.141.

* 271 Étude d'impact précitée p. 145.

* 272 Article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire et article L. 10 du code de justice administrative.

* 273 Des règles distinctes sont prévues par le code de procédure pénale.

* 274 Par exception, les débats sont toujours publics devant la Cour de cassation.

* 275 Par exception, les arrêts de la Cour de cassation sont toujours prononcés publiquement.

* 276 Articles L. 153-1 et L. 153-2 du code de commerce.

* 277 Après l'admission à la retraite, en application du droit commun de la fonction publique (article 71 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et article 94 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale), les magistrats administratifs justifiant de vingt années d'exercice peuvent se prévaloir de l'honorariat de leur grade, sauf décision le leur refusant ou leur retirant cet avantage.

* 278 Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de modernisation de la justice du XXI è siècle, n° 839 (2015-2016), p. 49 et s. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l15-839/l15-8391.pdf .

* 279 Étude d'impact précitée p. 176.

* 280 Article 1 er de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public.

* 281 Étude d'impact précitée p. 183 et 184.

* 282 Avis du Conseil d'État p. 13.

* 283 Le cadre de l'enquête réfère à la fois au cadre des enquêtes de flagrance et préliminaire.

* 284 Selon l'article 32 du code des postes et communications électroniques (CPCE), les communications électroniques correspondent à « toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature par fil, optique, radioélectricité ou autres systèmes électromagnétiques ». Est donc concernée l'interception des correspondances émises ou reçues sur des différents supports tels que les téléphones fixes ou mobiles, les tablettes ou les ordinateurs.

* 285 Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques .

* 286 CEDH, 24 avr. 1990, n os 11801/85 et 11105/84, Krusling et Huvig.

* 287 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 288 Les infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale définissent le champ d'application du régime procédural dérogatoire propre à la criminalité et à la délinquance organisées : ces infractions sont listées à l'annexe 1 du présent rapport, page 503.

* 289 Article 311-3 du code pénal.

* 290 Article 225-12-5 du code pénal.

* 291 En application du décret n° 2014-1162 du 9 octobre 2014 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Plate-forme nationale des interceptions judiciaires ».

* 292 Décret n° 2017-614 du 24 avril 2017 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires » et d'un comité d'orientation des techniques d'enquêtes numériques judiciaires .

* 293 Cass. crim., 10 janv. 2018, n° 17-83.932.

* 294 Il s'agit par exemple des données relatives aux identifiants des terminaux géolocalisés (numéros IMEI ou IMSI), au détenteur de l'équipement terminal géolocalisé (nom, prénom), à l'identification de l'objet (nature, numéro d'immatriculation, etc.), mais aussi des données de géolocalisation (coordonnées géographiques, horodotage, vitesse de déplacement)...

* 295 L'article 35 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a, la première, institué cette procédure aux articles 706-35-1 et 706-47-3 du code de procédure pénale, pour les infractions relatives à la traite des êtres humains, au proxénétisme et aux atteintes aux mineurs.

* 296 Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2).

* 297 Ordonnance n° 2013-1183 du 19 décembre 2013 relative à l'harmonisation des sanctions pénales et financières relatives aux produits de santé et à l'adaptation des prérogatives des autorités et des agents chargés de constater les manquements .

* 298 Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme .

* 299 Au regard de l'arrêté du 21 octobre 2015, la quasi-totalité des services sont susceptibles de procéder à des enquêtes sous pseudonyme, y compris les circonscriptions de sécurité publique ou les brigades de recherches de la gendarmerie départementales.

* 300 Cf. Gabriel Dumenil, « La nécessité urgente d'encadrer procéduralement la mesure de cyber-infiltration », in Droit pénal n° 9, septembre 2018.

* 301 Cass. crim., 11 juill. 2017, n° 17-80.313, Publié au bulletin.

* 302 Décision du Conseil constitutionnel n° 2011/191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011.

* 303 Dispositif de proximité, un IMSI-catcher imite le fonctionnement d'une antenne relais et force la connexion des téléphones mobiles ou autres terminaux situés à proximité : cela permet d'identifier les équipements terminaux, de recueillir les données techniques, de localiser les détenteurs et de mettre en oeuvre des interceptions judiciaires.

* 304 Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale .

* 305 Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure , dite LOPPSI 2.

* 306 Un programme dit « cheval de troie » a l'apparence d'un logiciel légitime mais peut contenir en réalité un virus, un enregistreur de frappe (dit keylogger ) ou un espiologiciel.

* 307 Article 3 de la proposition de loi (n° 79- 2015-2016 ) tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste adoptée par le Sénat le 2 février 2016, devenu l'article 2 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale .

* 308 Arrêté du 9 mai 2018 portant création du service à compétence nationale dénommé « service technique national de captation judiciaire ».

* 309 Cette absence de certification s'explique par le refus des fournisseurs industriels de ces produits, étrangers ou non, à accepter « d'ouvrir » le code de leur dispositif à l'ANSSI, qui a vocation à vérifier qu'il n'existe pas de « portes dérobées » pouvant aspirer les données et les communiquer à d'autres entités que les services judiciaires.

* 310 Décisions n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 et n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013.

* 311 Cette exigence d'habilitation ne concerne pas toutefois les maires et leurs adjoints, ni les directeurs et sous-directeurs de la police et de la gendarmerie nationales.

* 312 Cf. Cass. Crim., 18 novembre 2014, bull. 2014, n° 241 ; Cass.Crim., 20 octobre 2015, n° 13-87.079 ; Cass.Crim. 24 juin 2015, n° 14-86.731.

* 313 En application de l'article 67 du code de procédure pénale.

* 314 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, considérant n° 59.

* 315 Voir commentaire de l'article 27.

* 316 Cass. crim., 22 févr. 2017, n° 16-82.412, Publié au bulletin.

* 317 Rapport n° 612 (2017-2018) de M. François Grosdidier, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 27 juin 2018. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r17-612-1/r17-612-1_mono.html

* 318 Cette restriction ne s'applique pas, par exemple, s'il s'agit d'un délit de presse.

* 319 L'ordonnance de règlement est l'ordonnance par laquelle le juge met fin à l'instruction.

* 320 Elle a été créée par le décret-loi du 29 décembre 1926 concernant l'unification des compétences en matière de police de la circulation et de la conservation des voies publiques .

* 321 En application de l'article 529 du code de procédure pénale, la procédure d'amende forfaitaire est applicable à toutes les contraventions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État. Une procédure de l'amende forfaitaire spécifique aux contraventions des quatre premières classes à la police des services de transport terrestre permet également à la fois le paiement d'une indemnité forfaitaire, la somme due au titre du transport, au titre de péage et le cas échéant du droit départemental de passage. La procédure a été étendue aux contraventions de cinquième classe par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011. Le décret n'a cependant pas été publié pour l'heure.

* 322 En cas de paiement anticipé, soit un paiement direct à l'agent verbalisateur ou dans les quinze jours, l'article 495-18 du code de procédure pénale prévoit une minoration de l'amende qu'il apparaît opportun de conserver afin d'inciter à un recouvrement rapide.

* 323 Voir notamment le décret n° 2017-429 du 28 mars 2017.

* 324 L'entrée en vigueur de la procédure d'amende forfaitaire délictuelle dépend de la publication d'un arrêté fixant les modalités encadrant les requêtes et les réclamations adressées de façon dématérialisée à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI). Le décret concernant l'application de la procédure de l'amende forfaitaire aux contraventions de cinquième classe est également en attente de publication.

* 325 Les fiches relatives aux amendes forfaitaires seront retirées à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de leur paiement, si la personne n'a pas, pendant ce délai, soit subi de condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle, soit exécuté une composition pénale, soit fait de nouveau l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle.

* 326 Voir page 296 de l'étude d'impact précitée.

* 327 Par exemple, le délit prévu au second alinéa de l'article 322-1 du code pénal.

* 328 Si la CRPC est exclue pour certains délits particulièrement graves (homicide involontaire, agressions sexuelles, violences...) certains délits punis de dix ans d'emprisonnement, le trafic de stupéfiants par exemple, entrent dans son champ.

* 329 Contrôle judiciaire, assignation à résidence avec surveillance électronique ou détention provisoire.

* 330 Régi par l'article 175 du code de procédure pénale.

* 331 Loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 simplifiant et complétant certaines dispositions relatives à la procédure pénale, aux peines et à leur exécution .

* 332 Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

* 333 Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

* 334 Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.

* 335 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

* 336 Conformément à l'article 395, la comparution immédiate n'est possible que si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans ou, en cas de délit flagrant, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois.

* 337 En procédure pénale, on distingue la voie de recours dite de réformation, qui permet un deuxième examen d'une affaire régulièrement jugée en premier ressort de la voie de recours dite de rétractation qui permet de porter à nouveau une affaire devant la même juridiction en cas de jugement rendu par défaut.

* 338 Voir étude d'impact précitée, page 338.

* 339 Comme le précise l'étude d'impact, « cette peine autonome de placement sous surveillance électronique ne remettra pas en cause la possibilité de recourir au placement sous surveillance électronique dans le cadre d'un aménagement de peine. »

* 340 Tout en conservant le « PSE » aménagement de peine, le projet de loi remplace, par une disposition « balai » l'appellation « placement sous surveillance électronique » par celle de « détention à domicile sous surveillance électronique ».

* 341 En application des articles 132-25 à 132-27 du code pénal, le tribunal correctionnel peut aménager ab initio les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement (un an pour les récidivistes).

* 342 Voir exposé des motifs, page 31 : « En instituant la surveillance électronique comme peine autonome, et non plus uniquement comme modalité d'aménagement d'une peine d'emprisonnement, ces dispositions favoriseront son prononcé par les juridictions . »

* 343 Voir étude d'impact, page 409.

* 344 Les conclusions du rapport d'information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en oeuvre soulignaient le faible contrôle réellement exercé au regard du nombre quotidien très important d'alertes de « non-respect » des horaires.

* 345 Selon le rapport de la mission d'information sur la nature, l'efficacité et la mise en oeuvre des peines, « la flexibilité du secteur associatif devrait être privilégiée : l'ensemble des magistrats du parquet rencontrés ont en effet loué la capacité de réaction du secteur associatif socio-judiciaire, même le dimanche, pour fournir des informations pertinentes. Cette enquête devrait également permettre de déterminer la faisabilité ou non de certaines peines (disponibilités des places en TIG, existence d'un domicile adapté à un placement sous surveillance électronique...). De même, afin d'encourager le prononcé d'aménagement ab initio , ces enquêtes devraient permettre de vérifier la situation sociale et matérielle du prévenu : s'il travaille, ses horaires, ses obligations parentales, etc. »

* 346 En application de l'article 41 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut requérir une personne habilitée ou, en cas d'impossibilité matérielle, le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) aux fins de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne faisant l'objet d'une enquête et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressé.

Ces diligences doivent être prescrites avant toute réquisition de placement en détention provisoire, en cas de poursuites contre un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l'infraction, lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement, et en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate ou selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

* 347 La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé, dans plusieurs décisions du 29 novembre 2016, que la peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier ressort, si toute autre sanction est manifestement inadéquate : une peine d'emprisonnement sans sursis doit être justifiée au regard de sa nécessité, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. La décision de refus d'aménager une peine d'emprisonnement ferme doit également être motivée. Cour de cassation, chambre criminelle, 29 novembre 2016, n° 15-83.108, n° 15-86.116 et n° 15-86.712.

* 348 Comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 2 mars 2018, « le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de [la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789], implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Ces exigences constitutionnelles imposent la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine . »

* 349 Décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, Crim. 1 er fév. 2017, n° 15-83984, Crim. 15 mars 2017, n° 16-83838 Crim. 11 juill. 2017, n° 16-82.985 et 2 nov. 2017, n° 16-86.802, Crim. 20 juin 2018, n° 17-82237 et Crim. 30 mai 2018, (peines contraventionnelles).

* 350 Dans sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a consacré l'existence du « principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

* 351 Voir page 12.

* 352 Art. 132-25 du code pénal.

* 353 Art. 132-25 du code pénal.

* 354 Art. 132-26-1 du code pénal.

* 355 Art. 132-27 du code pénal.

* 356 Infostat Justice, « La mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme aménageables avant toute incarcération », Rodolphe Houllé, Guillaume Vaney, septembre 2018, n° 166.

* 357 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-641.html .

* 358 En application de l'article D. 48-5-1 du code de procédure pénale, une conférence régionale portant sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération doit être organisée annuellement dans chaque cour d'appel afin :

- de dresser le bilan des aménagements de peines et des alternatives à la détention intervenus dans le ressort de la cour, de recenser ou mettre à jour le recensement des moyens disponibles en cette matière ;

- d'améliorer les échanges d'informations entre les juridictions, les services pénitentiaires et les services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- de définir et mettre en oeuvre les actions nécessaires à un renforcement des aménagements de peines et des alternatives à la détention ;

- de prévenir la surpopulation carcérale au sein des établissements pénitentiaires du ressort.

* 359 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-641.html .

* 360 Selon une étude de 2011, le taux de « recondamnation toutes peines confondues, cinq ans après la sortie de prison » des sortants de prison sans aménagement était de 63 %, tandis que celui des bénéficiaires d'une libération conditionnelle était de 39 %. A. Kensey, A.Benaoudal « Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation » , Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, n° 36, mai 2011.

* 361 Commission présidée par M. Bruno Cotte, rapport à Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, Pour une refonte du droit des peines , décembre 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_refonte_droit_peines.pdf

* 362 Infostat Justice, février 2013, numéro 121, Rémi Josnin, « Le recours au suivi socio-judiciaire ».

* 363 Dans sa rédaction issue de l'article 43 du projet de loi.

* 364 Cf. la proposition n° 11 du rapport d'information n° 713 de MM. François-Noel Buffet et Jacques Bigot. Ce rapport d'information est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/r17-713/r17-7131.pdf

* 365 Sont mentionnés les cas suivants : inobservation par le condamné des interdictions ou obligations qui lui sont imposées ; inconduite notoire ; nouvelle condamnation ; refus par le condamné d'une modification nécessaire des conditions d'exécution [de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique].

* 366 La CAP est présidée par le JAP et composée du procureur, du chef de l'établissement pénitentiaire où le condamné est incarcéré, ainsi que des membres du personnel de surveillance et du service pénitentiaire d'insertion et de probation.

* 367 Cf. «Une recherche pour étudier l'échec de la libération sous contrainte », article de Pierre Januel, Dalloz actualité, 25 octobre 2017.

* 368 Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation (avis du 7 février 2011), « tous les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences pénales pour lesquels aucune autre procédure n'est prévue par la loi relèvent des articles 710 à 712 du code de procédure pénale ».

* 369 En matière criminelle, cela relève de la chambre de l'instruction compétente.

* 370 En vertu de l'article 132-2 du code pénal, il y a concours réel d'infractions « lorsqu'une infraction est commise par une personne avant qu'elle n'ait été définitivement condamnée pour une autre infraction ».

* 371 Rapport précité page 298.

* 372 Lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ou lorsqu'elle a été condamnée soit à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, soit à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à dix ans pour une infraction faisant encourir la rétention de sûreté.

* 373 Les réductions de peines au maximum égal et les confusions de peines créent des difficultés de mise en oeuvre : ainsi, l'adaptation d'une peine étrangère au droit français en vue d'une d'exécution d'une ou plusieurs peines prononcées à l'étranger supposer de rechercher le droit le plus favorable à un condamné et donc de se livrer à une comparaison des lois applicables.

* 374 Voir article 9 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

* 375 Une enquête publique resterait toutefois nécessaire en amont d'une expropriation pour cause d'utilité publique, notamment pour mieux évaluer le montant de l'indemnisation de la personne expropriée.

* 376 Par renvoi aux I et III de l'article L. 121-1-1 du code de l'environnement.

* 377 Alors que, dans le projet de loi initial, le garant était directement indemnisé par le maître d'ouvrage.

* 378 Articles L. 521-1 à L. 521-8 et L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

* 379 Décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989, loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles.

* 380 Étude d'impact du projet de loi relatif à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, p. 53.

* 381 Loi relative à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

* 382 En application de l'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales.

* 383 Conseil constitutionnel, Décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986.

* 384 Question n° 38373, la question et la réponse sont consultables à l'adresse suivante : http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-38373QE.htm .

* 385 L'article 716 du code de procédure pénale prévoit que, pour les prévenus, ne peut être dérogé à ce principe que « si les intéressés en font la demande » ; « leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls » ; « s'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent ».

L'article 717-2 prévoit que, pour les condamnés, il ne peut être dérogé à ce principe que « si les intéressés en font la demande ou si leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls, ou en raison des nécessités d'organisation du travail ».

* 386 L'article 100 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit que « dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application. »

* 387 Étude d'impact, page 430.

* 388 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-641.html .

* 389 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html .

* 390 Il existe à ce jour six chambres détachées d'un tribunal de grande instance, dont deux outre-mer :

- Dole, chambre détachée du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier ;

- Guingamp, chambre détachée du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc.

- Marmande, chambre détachée du tribunal de grande instance d'Agen ;

- Millau, chambre détachée du tribunal de grande instance de Rodez ;

- Saint-Laurent-du-Maroni, chambre détachée du tribunal de grande instance de Cayenne ;

- Saint-Martin, chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre.

* 391 Rapport n° 75 (2000-2001) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats, déposé le 15 novembre 2000. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l00-075/l00-075.html

* 392 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 393 Ces durées maximales d'exercice de certaines fonctions sont de dix ans pour les juges spécialisés, au sein d'une même juridiction (juge d'instruction, juge des enfants, juge de l'application des peines, juge des libertés et de la détention, juge chargé du service d'un tribunal d'instance), sept ans pour les chefs de cour et de juridiction, huit ans pour les magistrats « placés ».

* 394 Conseil supérieur de la magistrature, rapport d'activité 2016, page 38. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/actualites/rapport-dactivite-2016-du-csm

* 395 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 396 Décision n° 67-33 DC du 12 juillet 1967 sur la loi organique modifiant et complétant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 397 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 398 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html .

* 399 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 400 Le dispositif d'évaluation prévu à l'article 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ne s'applique pas aux chefs de cour. Ces derniers doivent en revanche, depuis la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, définir les objectifs de leur action dans les six mois de leur nomination, et élaborer ensuite tous les deux ans un bilan de leur activité dans l'ensemble du ressort.

* 401 Voir le commentaire de ces articles pour de plus amples explications.

* 402 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 403 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 404 Les dispositions de ces mêmes articles relatives aux critères de nomination des chefs de cour ont été reprises à l'article 2 ter du projet de loi organique.

* 405 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 406 L'article 2 quinquies du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats hors hiérarchie.

* 407 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 408 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 409 Les dispositions de ces mêmes articles relatives aux critères de nomination des chefs de juridiction ont été reprises à l'article 1 er septies du projet de loi organique.

* 410 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 411 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 412 L'article 1 er octies du projet de loi organique a pour objet d'instituer une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction, pour les magistrats du premier grade.

* 413 Le dossier législatif relatif à l'examen de ce texte est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html .

* 414 Les magistrats à titre temporaire peuvent être nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Leur recrutement est soumis à des conditions d'âge, de nationalité et de diplôme. Ils peuvent traiter des contentieux civil et pénal en qualité d'assesseurs dans les formations collégiales du tribunal de grande instance et du contentieux civil dans le tribunal d'instance.

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