MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET CAS « PENSIONS » - MME SYLVIE VERMEILLET, RAPPORTEURE SPÉCIALE

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION «  RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » EN 2017

La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les subventions versées par l'État à certains régimes spéciaux en déséquilibre démographique et comporte, à ce titre, presque exclusivement des crédits de titre 6 (dépenses d'intervention).

Ces régimes correspondent à des entreprises (SNCF, RATP, SEITA...) ou à des professions (marins, mineurs...) considérées comme dotées de caractéristiques particulières du fait d'une diversité de facteurs propres à leur histoire, leurs équilibres, la nature des professions exercées...

Certains sont dits « ouverts » c'est-à-dire qu'ils renouvellent leur population quand d'autres dits « fermés » n'accueillent plus de nouveaux cotisants et sont appelés à s'éteindre plus ou moins rapidement.

Les dépenses budgétaires en provenance de la mission, qui ne couvre que certains des régimes spéciaux de retraite, s'élèvent en 2017 à 6,3 milliards d'euros .

À titre d'illustration, cette somme représente 11 % des dépenses de pensions autorisées dans le cadre du compte d'affectation spéciale « Pensions » ou encore, pour la comparer avec une autre mission budgétaire dédiée à des dépenses de transferts vers les ménages, deux fois et demi les dépenses d'intervention de la mission « Anciens combattants ».

Les dépenses de la mission ne financent pas la totalité des prestations servies par les régimes spéciaux mais seulement les déséquilibres financiers, assez différenciés selon les cas, entre les prestations qu'ils servent et leurs ressources propres.

Au niveau de la mission, qui comporte trois programmes d'importance inégale, les dépenses ont été globalement conformes aux crédits initialement programmés pour 2017 , moyennant un léger ajustement en gestion entre les programmes qu'elle regroupe.

La hausse des dépenses par rapport à l'exercice précédent se révèle plus apparente que réelle puisqu'elle provient d'une modification du périmètre de la mission alourdie par la charge nouvelle de contribuer au financement du régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles.

A. UNE EXÉCUTION PRESQUE CONFORME AUX PRÉVISIONS AU PRIX DE QUELQUES ADAPTATIONS EN GESTION

Au cours de l'exercice 2017, les crédits programmés ont connu des taux d'exécution élevés, manifestation d'une programmation budgétaire globalement satisfaisante. Quelques ajustements, mineurs, ont été nécessaires, au-delà de la loi de finances initiale afin de compenser la sous-dotation des besoins de financement de la caisse de retraite de la SNCF, qui se révèle récurrente. La pleine consommation des crédits a contraint les gestionnaires à lever la réserve de précaution, qui apparaît comme d'application largement virtuelle s'agissant d'une mission budgétaire chargée de financer des droits sociaux.

Dans ces conditions, la contribution de la mission au bouclage des objectifs macrofinanciers a été nulle.

1. Des dépenses globales très proches des crédits programmés...

L'écart entre la prévision de dépenses et l'exécution a été très faible ces trois dernières années.

En 2015, la dépense n'avait été supérieure aux crédits votés en loi de finances initiale que de 38 millions d'euros, soit un écart minime de 0,5 %. En 2016, l'exécution avait été « nominale ».

Pour l'exercice 2017, un léger dépassement des crédits ouverts en loi de finances initiale se traduit par une consommation en excédent de 23 millions d'euros (0 ,4 % des crédits initiaux).

En 2016, l'écart entre les crédits de la mission et les dépenses est nul .

Données l'exécution des crédits de la mission entre 2015 et 2017

(en millions d'euros)

Exécution 2015

Exécution 2016

Crédits votés en LFI 2017

Crédits ouverts en 2017

Exécution 2017

Dépenses 2017/2016

Dépenses 2017/ crédits votés en 2017

Programme 198 « Régimes sociaux de retraite et transports terrestres »

4 089

4 066

4 049

4 075

4 075

+ 9

+ 26

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

853

825

828

828

828

+ 3

0

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 510

1 429

1 430

1 427

1 427

- 2

- 3

Total

6 452

6 320

6 307

6 330

6 330

+ 10

+ 23

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances de la mission « Régimes sociaux et de retraite » annexé au projet de loi de règlement pour 2016 et 2017)

2. ... au prix d'adaptations en gestion, mineures mais récurrentes en leur nature
a) Le besoin de financement du régime de retraite plus important que prévu a suscité des ajustements

Les crédits initialement ouverts au titre du régime de retraite des personnels de la SNCF n'ont, une fois encore, pas suffi.

Lors des deux exercices précédents, des abondements avaient dû intervenir. En 2015, un déficit supplémentaire de près de 81 millions d'euros par rapport aux prévisions budgétaires avait dû être financé. En 2016, 51 millions d'euros avaient, à nouveau été dégagés pour combler le déficit de la programmation initiale, dont 16 millions d'euros prélevés sur la dotation prévisionnelle programmée au bénéfice de la Caisse de la RATP.

En 2017, la consommation des crédits a excédé de 18,3 millions d'euros les dotations de la loi de finances.

Ce besoin a été couvert par un ajustement des crédits du programme 198 pour un total de 25,8 millions d'euros (3,9 millions venant du programme 195 et 21,8 millions d'euros ayant été ouverts en loi de finances rectificative).

La partie de ces dotations complémentaires non allouée à la CPRPSNCF a été fléchée vers le financement du régime de congé de fin d'activité des conducteurs routiers. Ce régime a connu des dépenses encore supérieures à la prévision (122,9 millions d'euros contre 115,4 millions d'euros).

En ce qui concerne le transfert entre le programme 195 et le programme 198, votre rapporteure spéciale rappelle que, dans son analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes s'interroge sur la conformité de ce transfert aux dispositions de la loi organique sur les lois de finances (article 12-2° de la loi organique) dans la mesure où les objets initial et final des crédits transférés pourraient être considérés comme différents. Elle en conclut que ce mouvement de crédits aurait dû passer par un décret d'avance ou par une loi de finances rectificative.

Votre rapporteure spéciale prend acte de l'observation de la Cour des comptes et recommande qu'à l'avenir, si les conditions en sont réunies, des mouvements de crédits de cette nature empruntent les voies prévues par la loi organique.

b) Certains ajustements ont été quelque peu précipités

Il convient, en premier lieu, de rappeler que la discussion budgétaire a été marquée par l'ouverture de 55 millions d'euros pour couvrir les besoins financiers du régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO) consécutive à un amendement du Gouvernement présenté en deuxième lecture du projet de loi de finances. Les crédits du programme 195 en ont été abondés d'autant et la mission budgétaire a dû prendre en charge un nouveau chef de dépenses avec le financement du déséquilibre d'un régime complémentaire, s'ajoutant à sa vocation traditionnelle de subventionner des régimes spéciaux dans toutes leurs composantes.

Cette mesure présentée comme provisoire car devant combler un déficit de trésorerie ponctuel, en lien avec le processus de revalorisation des retraites agricoles, et devant être remplacée par l'inscription de ressources supplémentaires au titre des taxes affectées a finalement été prolongée par la loi de finances pour 2018.

En second lieu, l'adoption de l'article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ayant pour effet de priver l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) de 15 millions d'euros de recettes correspondant aux droits sur les tabacs (dont la moitié versée au régime de retraite) n'avait pas été anticipé par la loi de finances. Dans ces conditions, la trésorerie de l'établissement a dû être sollicitée (6 millions d'euros) pour couvrir le surcroît de besoin de financement associé à cette mesure.

Ce palliatif ne fait que prolonger une tendance par laquelle à la dépense budgétaire est substituée la mobilisation du fonds de roulement de l'établissement. Celui-ci qui atteignait 98 millions d'euros à fin 2015 n'est plus que de 30,7 millions d'euros au terme de l'exercice 2017 (soit une économie budgétaire de 67,3 millions d'euros en deux ans).

c) Peu de mouvements internes aux programmes, mais des reports de charges liés à la gestion de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

Alors que des redéploiements de moyens importants avaient caractérisé l'exécution interne du programme 198 en 2016, l'année n'a été marquée que par peu de transferts entre les différentes actions du programme : 2 millions d'euros au total au profit de la CPRPSNCF et du gestionnaire du régime de fin d'activité des conducteurs routiers.

En ce qui concerne la CANSSM, le report de deux paiements pour 72 millions d'euros, dont 29 millions d'euros au titre des charges de retraite sur l'année 2018 est susceptible d'exercer une tension sur la subvention versée à la caisse en 2018 dans la mesure où l'État couvre 86 % des dépenses de la branche vieillesse du régime.

d) Une réserve de précaution intégralement levée, mais obstinément maintenue

La mise en réserve des crédits de la mission a été intégralement levée.

Compte tenu de son volume budgétaire, c'est le programme 198 qui avait, en montant, connu la mise en réserve la plus significative (324 millions d'euros).

Le taux de la mise en réserve a, en revanche, été à peu près uniforme pour chaque programme, à 8 %.

L'application d'un taux de réserve aussi élevé à des crédits dont la vocation, même si elle est moins directe que lorsque celui-ci verse directement des prestations représentatives de créances des administrés, est d'honorer des engagements de l'État, suscite une réelle perplexité. Prise à la lettre, elle jette une sorte de suspicion sur la parole de l'État, qui, convenons-en est particulièrement fâcheuse. Sa seule justification pourrait provenir d'ajustements sur les recettes propres des régimes dont l'État garantit les équilibres financiers. Or, cette variable est peu flexible, se trouvant l'objet d'une programmation réglementaire qui est au coeur des réformes des régimes spéciaux de retraite mises en oeuvre depuis 2007.

La réduction du taux de mise en réserve à 3 % dans la loi de finances pour 2018 ne change rien à l'affaire. Au demeurant, selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes, cette décision, qui maintient la réserve sur les dotations de la mission, bien que prise à l'initiative du ministère de l'économie et des finances, conduit son organe de contrôle, le contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) à émettre un avis favorable avec réserve sur les documents prévisionnels de gestion.

Cette situation offre des perspectives étonnantes sur l'application de certaines règles budgétaires.

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