III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. JEAN-FRANÇOIS RAPIN)

1. Un soutien budgétaire à la recherche en hausse en 2017

Dans un contexte de forte contrainte budgétaire , les programmes « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont bénéficié en 2017 d'une forte hausse des crédits alloués en loi de finances initiale.

La somme des crédits des programmes « Recherche » votés par le Parlement, hors attributions de produits et fonds de concours et hors programme d'investissements d'avenir, s'élevait ainsi à 11,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 11 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 3,5 % en AE et de 2,4 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2016. Les crédits consacrés à la recherche ont ainsi représenté 3,45 % des dépenses du budget général de l'État en 2017 .

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » , principal programme consacré à la recherche en France, est le principal bénéficiaire de cette augmentation. En 2017, les crédits du programme 172 ont ainsi connu une hausse très substantielle de 269,6 millions d'euros en AE (+ 4,3 %) et de 174,9 millions d'euros en CP (+ 2,8 %) , pour atteindre 6,5 milliards d'euros en AE et 6,4 milliards d'euros en CP.

Exécution des crédits des programmes « recherche » en 2017
(y compris fonds de concours)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2016

Crédits votés

LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Écart exécution 2017 / exécution 2016

Écart exécution 2017 / LFI 2017

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

6 274,1

6 513,9

6 537,2

+4,19%

+0,36%

CP

6 176,0

6 423,9

6 596,3

+6,81%

+2,68%

193

Recherche spatiale

AE

1 363,0

1 466,6

1 453,4

+6,63%

-0,90%

CP

1 363,0

1 466,6

1 453,4

+6,63%

-0,90%

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

1 689,4

1 707,0

1 570,7

-7,03%

-7,98%

CP

1 665,3

1 713,0

1 902,5

+14,24%

+11,06%

192

Recherche et enseigne ment supérieur en matière économique et industrielle

AE

848,8

769,3

767,9

-9,53%

-0,18%

CP

909,4

794,6

862,3

-5,18%

+8,52%

191

Recherche duale

AE

172,3

180,1

161,1

-6,50%

-10,55%

CP

166,7

180,1

166,7

0,00%

-7,44%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

117,7

115,4

111,9

-4,93%

-3,03%

CP

118,0

116,6

113,4

-3,90%

-2,74%

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

324,7

340,5

330,2

+1,69%

-3,02%

CP

324,0

339,7

329,7

+1,76%

-2,94%

Total « Recherche »

AE

10 790,1

11 092,8

10 932,4

+1,32%

-1,45%

CP

10 722,3

11 034,5

11 424,3

+6,55%

+3,53%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Une sur-exécution traduisant une budgétisation initiale insuffisante, compensée par d'importants mouvements de crédits

En 2016, le montant des crédits consommés consacrés à la recherche avait été inférieur de 0,8 % aux crédits votés en loi de finances initiale.

En 2017, les crédits de paiement des programmes « Recherche » ont été, en exécution, supérieurs de 3,53 % aux crédits votés en loi de finances initiale et de 6,55 % aux crédits exécutés en 2016 .

Taux d'exécution des crédits des programmes « Recherche »

Intitulé du programme

Taux d'exécution par rapport aux crédits votés en LFI 2017

Taux d'exécution par rapport aux crédits ouverts

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

100,36%

99,96%

CP

102,68%

99,99%

193

Recherche spatiale

AE

99,10%

100,00%

CP

99,10%

100,00%

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

92,02%

99,97%

CP

111,06%

100,00%

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

99,82%

93,10%

CP

108,52%

96,04%

191

Recherche duale

AE

89,45%

96,64%

CP

92,56%

100,00%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

96,97%

98,50%

CP

97,26%

98,87%

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

96,98%

78,19%

CP

97,06%

98,98%

Total « Recherche »

AE

98,55%

98,56%

CP

103,53%

99,64%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La prévision initiale en loi de finances s'est ainsi révélée largement insuffisante, traduisant une sous-budgétisation globale de la mission , en particulier de ses programmes 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires), 190 (Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables) et 192 (Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle).

S'agissant du programme 172 , qui dépend du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, la sous-budgétisation initiale (2,68 % en CP) concerne principalement, une nouvelle fois, les contributions aux organisations scientifiques internationales et aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) (voir infra ). Cette lacune, constatée en début d'exercice, a néanmoins été partiellement compensée dès le mois de mars 2017 par un arrêté de report de crédits entrant à hauteur de 153 millions d'euros .

S'agissant des programmes 190 et 192 , les taux d'exécution s'élèvent respectivement à 111,1 % et 108,5 % en CP rapportés à la LFI 2017 . Ces dépassements s'expliquent principalement par les effets de deux dispositifs non programmés en loi de finances initiale (dont le fonds de concours NANO, rattaché au programme 192 mais financé par la Caisse des dépôts et consignations), ainsi que par l'augmentation tendancielle des dépenses liées au dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI). Les taux d'exécution retombent ainsi respectivement à 1 00 % et 96 % lorsqu'ils sont rapportés aux crédits ouverts , en raison d'un versement respectivement de 270 millions d'euros et 77 millions d'euros de CP effectué par voie de fonds de concours au profit de ces deux programmes.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion pendant l'exercice 2017

(en millions d'euros)

Programme

Crédits LFI 2017

Reports entrants hors FDC

Reports entrants sur crédits FDC

Transferts et virements

Décrets d'avance

Décrets d'annulation

LFR 2017

Fonds de concours et attributions de produits

Reports sortants

Crédits consom-més

Taux d'exécution crédits consommés/crédits prévus en LFI

142

339,7

0,00

0,00

0,07

-6,57

0,00

-0,10

0,00

0,00

329,7

97,1%

172

6 423,9

153,00

0,04

1,01

-33,48

0,00

50,80

1,75

-0,73

6 596,3

102,7%

186

116,6

0,11

0,44

0,00

-5,05

0,00

0,00

2,61

-1,27

113,4

97,3%

190

1 713,0

0,00

0,00

0,09

-8,79

-71,76

0,00

269,98

0,00

1 902,5

111,1%

191

180,1

5,40

0,00

0,00

-18,77

0,00

0,00

0,00

0,00

166,7

92,6%

192

794,6

7,72

47,42

41,10

-70,38

0,00

0,00

77,40

-34,64

862,3

108,5%

193

1 466,6

0,00

0,00

0,00

-13,15

0,00

0,00

0,00

0,00

1 453,4

99,1%

Total programmes « Recherche »

11 034,5

166,23

47,91

42,27

-156,19

-71,76

50,8

351,75

-36,63

11,42

101,2%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Programme 172 : une sous-budgétisation chronique du financement des très grandes infrastructures de recherche qui porte atteinte au principe de sincérité budgétaire

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » constitue le support principal des politiques de recherche en France , puisqu'il représente 6,60 milliards d'euros en exécution en 2017, soit environ 60 % des crédits de paiement exécutés en matière de recherche .

Ce programme porte notamment les subventions de l'État en faveur des principaux organismes de recherche publics - CEA, CNRS, INRA, INRIA ou bien encore INSERM - et assure le financement des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) . Le crédit d'impôt recherche (CIR) est également rattaché à ce programme stratégique (voir infra ).

Comme en 2014, 2015 et 2016, les crédits destinés au financement des contributions de la France aux organisations scientifiques internationales (OSI) et aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) ont été sous-budgétés . Après constitution de la réserve de précaution et mouvements de reports, les ressources prévisionnelles apparaissaient en effet nettement inférieures aux prévisions de dépenses, conduisant à une nouvelle impasse de 224,64 millions d'euros en AE et 222,13 millions d'euros en CP , en forte augmentation par rapport à 2016 (131,5 millions d'euros en AE et de 130,6 millions d'euros en CP), alors même que les crédits destinés aux OSI sont considérés comme des dépenses inéluctables et obligatoires (DIO) au sens de l'article 95 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

De fait, cette sous-budgétisation récurrente constitue une atteinte au principe de sincérité budgétaire que votre rapporteur spécial ne peut que déplorer. Couplé au circuit de financement complexe des TGIR, ce constat a conduit votre commission des finances à demander à la Cour des comptes la réalisation, en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, d'une enquête portant sur le financement et le pilotage des très grandes infrastructures de recherche , qui lui sera remise au premier semestre 2019.

4. Crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) : un coût en hausse constante, une évaluation toujours en attente

Alors qu'il avait représenté une dépense fiscale de 5,27 milliards d'euros en 2015 et de 5,55 milliards d'euros en 2016 , le crédit d'impôt recherche (CIR) , deuxième dépense fiscale du budget de l'État , a atteint 5,71 milliards d'euros en 2017, soit une hausse de 2,9 %. Il représente à lui seul un peu plus de la moitié des dépenses fiscales de la MIRES et 6,1 % de la totalité des dépenses fiscales , un chiffre stable depuis 2014.

Grâce notamment à la dématérialisation de la déclaration de CIR ainsi qu'à l'actualisation des données relatives aux créances fiscales , le chiffrage du CIR semble de plus en plus fiable , ce dont votre rapporteur spécial se félicite. Tout comme la Cour des comptes, il déplore néanmoins que son efficacité au regard de l'augmentation de la dépense intérieure de recherche et de développement des entreprises (DIRDE) demeure difficile à mesurer . Ainsi que le relève la Cour dans sa note d'exécution budgétaire, l'effet multiplicateur du CIR n'apparaît pas, pour l'heure, clairement établi.

Un appel à projets de recherche pour « évaluer les effets du crédit d'impôt recherche », auquel a contribué le ministère, a été lancé en juin 2016 par la Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI). Trois sujets d'études retenus devraient ainsi être publiés d'ici la fin de l'année 2018. Une nouvelle d'étude d'impact du CIR , menée par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur des données postérieures à 2009 (intégrant les effets de la réforme du dispositif en 2008) et qui aurait dû aboutir en 2017, ne devrait finalement être publiée que courant 2018 .

Votre rapporteur spécial regrette que ce document n'ait toujours pas été finalisé et s'associe à la recommandation de la Cour des comptes, déjà formulée en 2016, d'achever cette étude d'impact dans les meilleurs délais .

Votre rapporteur spécial estime en outre que l'indicateur de performance 2.3 « Mesures de l'impact du crédit d'impôt recherche » demeure, en tout état de cause, trop imprécis pour permettre d'évaluer les effets véritables du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises privées. À cet égard, il encourage donc l'administration à poursuivre l'amélioration du chiffrage du CIR , ce qui passe notamment par la dématérialisation totale de la déclaration de CIR , qui ne concerne à ce stade que 64 % des déclarants.

5. Une architecture budgétaire perfectible

La partie « Recherche » de la mission, qui comprend en 2017 sept programmes rattachés à six ministères, continue de souffrir d'une architecture budgétaire complexe la rendant peu lisible .

La masse salariale est ainsi essentiellement financée en crédits de titre 3 , au niveau des opérateurs, seuls les programmes 192 (« Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ») et 142 (« Enseignement supérieur et recherche agricoles ») étant directement dotés de crédits de titre 2. Cette particularité est principalement liée au versement d'une dotation de service public aux organismes de recherche et aux universités, qui demeurent des opérateurs largement autonomes. Elle empêche toutefois la consolidation d'informations concernant la masse salariale globale de la mission, compliquant ainsi la programmation budgétaire et le pilotage y afférents.

La lisibilité de la partie « Recherche » de la mission est également brouillée par la part importante de ses crédits extrabudgétaires, principalement issus des programmes d'investissements d'avenir (PIA) , qui visent en partie des actions relevant de la MIRES 187 ( * ) . Ces crédits ont représenté 1,22 milliards d'euros de ressources supplémentaires en 2017 (867 millions d'euros de dépenses directes annuelles et 356 millions d'euros de rémunération annuelle des dotations non consommables), soit l'équivalent de plus de 10 % des crédits des programmes « Recherche » de la mission .

Ces crédits étant toutefois regroupés au sein d'une mission particulière du budget général (« Investissements d'avenir ») et faisant l'objet d'un mode de gestion spécifique 188 ( * ) , le suivi de leur articulation avec les crédits de la MIRES est peu aisé. La mise en place d'outils de suivi annuel des crédits PIA dépensés par opérateur de la MIRES s'avère donc indispensable afin d' assurer la traçabilité et d'évaluer l'utilisation des crédits du PIA en faveur de la recherche .


* 187 Deux concernent la valorisation de la recherche et quatre l'enseignement supérieur.

* 188 Qui conduit notamment à contourner la règle de l'annualité budgétaire, les crédits du PIA étant transférés d'un bloc aux opérateurs de l'État l'année du lancement de chaque PIA, puis progressivement dépensés par ces derniers.

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