CAS « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT » - M. VICTORIN LUREL, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

1. Une comparaison de l'exécution à la prévision impossible

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire , via l'Agence des participations de l'État (APE).

Ses caractéristiques sont les suivantes :

- en recettes, il retrace à titre principal les produits des cessions de participations conduites par l'État actionnaire ;

- en dépenses, il a pour objet de financer de nouvelles prises de participation 153 ( * ) et de contribuer au désendettement de l'État 154 ( * ) .

Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité parfaitement compréhensibles, le Gouvernement refuse toutefois de s'engager sur un montant de cessions pour l'année à venir. Comme chaque année, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017 indiquait ainsi que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération ».

De ce fait, le compte spécial présente une particularité : la prévision de la loi de finances initiale, tant pour les recettes que pour les dépenses, est fixée conventionnellement à cinq milliards d'euros.

À cet égard, la loi de finances pour 2017 avait, de façon inédite, rompu avec cette convention en inscrivant un montant de dépenses prévisionnelles de 6,5 milliards d'euros, conduisant à un déficit prévisionnel du CAS de 1,5 milliard d'euros . Il s'agissait ainsi de prendre en compte les conséquences budgétaires de la recapitalisation du secteur nucléaire.

Pour autant, compte tenu du caractère conventionnel de la prévision, l'exécution ne saurait être comparée à la prévision dans les mêmes conditions que pour les autres missions.

2. Un montant de cession quasiment doublé par rapport à 2016

Pour l'exercice 2017, le total des recettes s'élève à 7,9 milliards d'euros , contre 5,3 milliards d'euros en 2016.

Évolution des recettes du compte spécial entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

2016

2017

Cessions

2 268,5

3 976,7

Reversement de produits

0,0

20,3

Reversement de dotations en capital

442,2

1 912,9

Remboursement de créances rattachées à des participations financières

23,8

480,0

Autres remboursements de créances

7,4

20,9

Versements du budget de l'État

2 538,7

1 500,8

Total

5 280,6

7 911,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette augmentation s'explique par la mise en oeuvre d'une importante vague de cessions , en partie contrebalancée par une réduction des versements du budget général.

Les recettes tirées des cessions progressent fortement par rapport à 2016 et s'élèvent à 3,97 milliards d'euros (+ 76 %).

Encore ce montant n'intègre-t-il pas la cession par l'État à Bpifrance de la totalité des titres PSA qu'il détenait, pour un montant de 1,9 milliard d'euros. En effet, comme ces titres étaient détenus par l'État via la holding SOGEPA, le produit de la cession est retracé sur le CAS comme une réduction de capital de SOGEPA à due concurrence.

En intégrant cette opération, les recettes tirées des cessions augmentent de 160 % entre 2016 et 2017 (4,9 milliards d'euros).

Quoique diminuant de 40 % par rapport à 2016, les versements du budget général demeurent à niveau élevé en 2017 (1,5 milliard d'euros). Ce montant s'explique par la poursuite de la recapitalisation de la filière nucléaire .

Évolution des recettes tirées des cessions depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les deux principales opérations réalisées et comptabilisées parmi les cessions correspondent à :

- la cession de 211 millions d'actions Engie 155 ( * ) pour un montant global de 2,67 milliards d'euros ;

- la cession de 14 millions de titres Renault pour un montant de 1,21 milliard d'euros.

3. La diminution des dividendes versés s'amplifie en 2017

Le montant des dividendes versés diminue de 20 % par rapport à 2016. Malgré une stabilisation entre 2010 et 2013, il s'agit d'une tendance puisque les dividendes versés ont été divisés par deux depuis 2008 (5,6 milliards d'euros). Cette diminution résultait toutefois essentiellement d'une performance limitée des titres détenus par l'État.

Évolution des dividendes versés depuis 2008

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Évolution
2008-2017

Dividendes en numéraire

5,6

3,3

4,3

4,4

3,2

4,2

4,1

3

1,8

1,5

- 73 %

Dividendes en actions

-

2,2

0,1

-

1,4

0,2

-

0,9

1,7

1,3

-

Total

5,6

5,5

4,4

4,4

4,6

4,4

4,1

3,9

3,5

2,8

- 50 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Malgré tout, l'indicateur mesurant le taux de rendement de l'actionnaire 156 ( * ) est positif en 2017 , porté par la hausse générale des cours du CAC 40 et par une performance supérieure du portefeuille côté de l'État.

La portée de cet indicateur doit toutefois être nuancée dans la mesure où il prend en compte la plus-value potentielle en cas de cession. Le bon résultat de 2017 s'explique en partie par la progression du titre Air France KLM en 2017 (+ 162,5 %), qui a depuis vu sa valeur divisée par deux au cours du premier semestre 2018.

4. Des dépenses multipliées par deux par rapport à 2016 quasi exclusivement imputables à la recapitalisation du secteur nucléaire...

S'agissant des dépenses, le montant total s'élève à 8,6 milliards d'euros au titre de l'année 2017 , soit plus du double des dépenses enregistrées en 2016 (4 milliards d'euros).

Dépenses du compte spécial en 2017

(en millions d'euros)

Dépenses

Augmentations de capital

7 970

dont...

Augmentation de capital EDF

3 000

Augmentation de capital Areva SA

2 000

Augmentation de capital New Areva Holding

2 500

Agence française de développement

160

Banques multilatérales de développement

133,9

Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies

90

Autres

86,1

Achats ou souscriptions de titres

566,6

dont...

Areva SA

285,3

Société technique pour l'énergie atomique

281,3

Autres

0,9

Prestations de services

25,5

Désendettement de l'État

100

Total

8 663

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires et la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

La quasi-intégralité (94 %) des dépenses du CAS résulte de la refondation de la filière nucléaire 157 ( * ) , pour un montant proche de 8,2 milliards d'euros, résultant de :

- la recapitalisation d'EDF, d'Areva SA et d'Areva NewCo (devenue Orano en 2018) pour un montant de 7,5 milliards d'euros ;

- l'acquisition de titres Areva SA pour un montant de 285,3 millions d'euros ;

- l'acquisition de titres de la Société technique pour l'énergie atomique pour un montant de 281,3 millions d'euros 158 ( * ) ;

- une dotation au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de 100 millions d'euros afin de le désendetter vis-à-vis d'Areva 159 ( * ) .

De fait, ainsi neutralisé de cette opération, aucune contribution réelle au désendettement n'est enregistrée pour l'exercice 2017 . La poursuite de la pause initiée en 2016 est conforme à l'intérêt patrimonial de l'État, compte tenu du faible coût de refinancement actuel.

5. ... ayant pour conséquence la constatation d'un déficit du compte pour la première fois depuis 2014

Au total, la différence entre les dépenses et les recettes fait apparaître un solde négatif (- 751,3 millions d'euros), pour la première fois depuis 2014. Ce résultat de gestion est le plus bas depuis 2010 (- 3,7 milliards d'euros).

Le déficit enregistré en 2017 est toutefois inférieur au montant initialement prévu en loi de finances initiale (- 1,5 milliard d'euros).

Solde des exercices 2016 et 2017

(en millions d'euros)

2016

2017

Recettes

5 280,6

7 911,6

Dépenses

4 004,9

8 662,9

Solde de l'exercice

1 275,7

- 751,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Pour autant, compte tenu des excédents précédemment enregistrés, le solde cumulé du compte spécial faisant l'objet d'un report en fin d'exercice s'élève à 2,9 milliards d'euros.

Évolution du solde cumulé du compte depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde de l'exercice

- 494

1 220

- 418

30

1 275,7

- 751,3

Solde cumulé

1 567

2 787

2 369

2 399

3 675

2 924

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)


* 153 Ces opérations relèvent alors du programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».

* 154 Ces opérations relèvent alors du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».

* 155 La cession a eu lieu en deux temps : la première est intervenue le 13 janvier 2017 à hauteur de 1,14 milliard d'euros, la seconde est intervenue le 8 septembre 2017 à hauteur de 1,38 milliard d'euros.

* 156 Cet indicateur représente l'enrichissement lié à la détention d'action sur une période donnée, intégrant à la fois la plus-value potentielle ou réalisée et la perception de dividendes.

* 157 Voir le rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Victorin Lurel sur le projet de loi de finances pour 2018, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017, pages 12 à 14.

* 158 Dans le cadre du contrat signé entre l'État, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), DNCS et Areva le 15 décembre 2016 relatif à la vente par Areva de sa participation majoritaire au capital de la Société technique pour l'énergie atomique.

* 159 Cet endettement résulte du transfert en 2004 vers Areva NC de certaines charges d'assainissement et de démantèlement d'installations du CEA.

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