MISSION « ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT » - M. PHILIPPE DALLIER, RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2017

La mission « Égalité des territoires et logement » regroupe des crédits qui ont pour but, selon le projet annuel de performances pour 2017, d'améliorer les conditions de la production de logements décents et d'accès au logement des citoyens, tout en articulant les politiques de l'aménagement, du logement, de l'urbanisme, ainsi que celles de l'hébergement et de la lutte contre l'exclusion.

Elle regroupe en 2017, comme en 2016 :

- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui porte en particulier les dépenses d'hébergement et de veille sociale ;

- le programme 109 « Aide à l'accès au logement », qui contribue au financement des aides au logement à travers la dotation d'équilibre au fonds national d'aide au logement (FNAL) ;

- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui porte notamment les aides à la pierre ;

- le programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires », consacré aux dépenses de personnel du ministère chargé du logement.

L'année 2017 est la dernière année d'exécution de cette mission. La loi de finances pour 2018 a en effet créé une nouvelle mission « Cohésion des territoires » qui regroupe les crédits des missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ».

Votre rapporteur a approuvé ce changement de périmètre en raison des liens étroits qui relient les actions en faveur du logement et celles relevant de la politique de la ville. Cette nouvelle configuration permet aussi de supprimer le programme 337, qui accueillait jusqu'en 2017 les crédits consacrés à l'essentiel de la masse salariale du ministère chargé du logement, mais qui étaient ensuite transférés en gestion vers le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Il s'agit d'une mesure de bon sens et de bonne gestion.

S'agissant de 2017, la mission « Égalité des territoires et logement » a reçu une enveloppe budgétaire stable après deux années de modifications importantes du périmètre de la mission, qui avaient notamment vu le transfert à l'État du financement de l'allocation de logement familiale.

Les crédits inscrits en loi de finances initiale sont ainsi passés, entre 2016 et 2017, de 18,36 à 18,39 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 18,15 à 18,35 milliards d'euros en crédits de paiement.

Une nouvelle fois, les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ont été assez substantiellement augmentés d'une loi de finances initiale à l'autre (+ 15,1 %, soit 229 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2016), afin de tenir compte des besoins toujours plus importants au cours des dernières années.

À l'inverse, les crédits votés du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ont diminué en loi de finances initiale de 38,3 % en autorisations d'engagement, soit 247,4 millions d'euros, et de 19 % en crédits de paiement, soit 83 millions d'euros.

Les dépenses de la mission se sont finalement élevées à 18,13 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 18,09 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces chiffres correspondent ainsi à un dépassement , par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale, de 1,43 % en autorisations d'engagement et de 1,39 % en crédits de paiement , soit respectivement 350 millions et 270 millions d'euros .

Dans la suite de l'analyse, l'exécution de la mission sera présentée sans tenir compte des crédits du programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires », dans la mesure où ils sont, en gestion, automatiquement transférés vers le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2017

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Crédits exécutés 2016

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Évolution exécution 2017 / exécution 2016
(en %)

Évolution exécution 2017 / LFI 2017

(en %)

Programme 177

AE

1 752,05

1 741,68

2 071,03

+ 18,21 %

+ 18,91 %

CP

1 751,2

1 741,68

1 963,05

+ 12,10 %

+ 12,71 %

Programme 109

AE

15 356,99

15 469,44

15 514,97

+ 1,03 %

+ 0,29 %

CP

15 356,99

15 469,44

15 514,96

+ 1,03 %

+ 0,29 %

Programme 135

AE

848,38

398,76

541,14

- 36,21 %

+ 35,71 %

CP

828,23

353,16

611,33

- 26,19 %

+ 73,10 %

Total mission hors programme 337

AE

17 957,42

17 609,89

18 127,14

+ 0,95 %

+ 2,94 %

CP

17 936,42

17 564,28

18 089,34

+ 0,85 %

+ 2,99 %

Programme 337 *

AE

-

780,74

-

-

-

CP

-

780,74

-

-

-

Total mission

AE

17 957,42

18 390,63

18 127,14

+ 0,95 %

- 1,43 %

CP

17 936,42

18 345,03

18 089,34

+ 0,85 %

- 1,39 %

* Le programme 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires » regroupe les effectifs et l'essentiel des crédits de masse salariale du ministère chargé du logement et de l'habitat durable, qui sont intégralement transférés, en gestion, dans le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » relevant du ministère de l'écologie, de l'énergie et de la mer.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'analyse des dépenses par programme met en évidence des situations contrastées, comme le montrent les mouvements de crédits enregistrés sur la mission au cours de l'année.

Répartition des crédits de paiement consommés
par programme

Source : commission des finances, d'après le rapport annuel de performances

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » connaît une nouvelle année de sur-exécution budgétaire . Cette situation était prévisible car, malgré un effort de rebasage, il apparaissait lors de l'examen de la loi de finances pour 2017 que la dotation initiale permettrait uniquement de couvrir l'équivalent de la dépense déjà prévue pour 2016, alors que la demande liée à la crise migratoire était toujours aussi forte.

L'exécution est donc supérieure à la prévision avec un dépassement de 18,9 %, soit 2 071 millions d'euros contre 1 742 millions d'euros en autorisations d'engagement. La sincérité de la programmation budgétaire demeure insuffisante .

Un premier décret d'avance a permis d'ouvrir des crédits nouveaux de 122 millions d'euros en autorisations d'engagement et 120 millions d'euros en crédits de paiement le 20 juillet 2017 afin, selon le rapport de motivation annexé à ce décret, de permettre l'ouverture de places d'hébergement d'urgence rendues nécessaires par la mise à l'abri de migrants en transit et de financer la pérennisation de 5 000 places hivernales décidée en mars 2017.

Un second décret d'avance a porté sur le même programme 177 le 30 novembre 2017, avec l'ouverture de 65 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement tendant à financer les opérateurs qui assurent l'hébergement des personnes migrantes en Île-de-France et, en particulier, les centres d'hébergement d'urgence, le centre de premier accueil et le Samu social de Paris.

En outre, la seconde loi de finances rectificative du 28 décembre 2017 a encore ouvert sur ce programme des crédits de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Ces crédits correspondaient principalement au remboursement de crédits gagés en cours de gestion sur le dispositif de l'allocation de logement temporaire 92 ( * ) , ainsi que, une nouvelle fois, sur des insuffisances relatives à l'hébergement d'urgence.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » enregistre une dépense supérieure de 0,29 % à la prévision initiale . Si le dépassement est faible en proportion, il correspond à un montant de plus de 45 millions d'euros compte tenu du poids prépondérant de ce programme dans la mission « Égalité des territoires et logement ».

La relative stabilité de ce programme résulte, selon la Cour des comptes, de mesures d'économie telles que la réduction forfatiaire de 5 euros du montant des allocations logement. La dette du fonds national d'aide au logement (FNAL) vis-à-vis des régimes sociaux demeure toutefois de 261 millions d'euros au 31 décembre 2017, contre 258 millions d'euros un an plus tôt.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » connaît également une exécution de ses crédits anormalement élevée (+ 35,7 % en autorisations d'engagement et + 73,1 % en crédits de paiement par rapport à l'autorisation en loi de finances initiale), avec une consommation de 541 millions d'euros en autorisations d'engagement et 611 millions d'euros en crédits de paiement. Ce montant est en baisse par rapport à 2016, année qui avait connu un versement exceptionnel de 150 millions d'euros au fonds d'aide à la rénovation thermique (FART). De plus, la suppression en cours de gestion du dispositif d'aide aux « maires bâtisseurs » a permis une économie de 64,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 22,45 millions d'euros en crédits de paiement, hors réserve de précaution.

La gestion de ce programme a été profondément marquée par les conséquences du décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 qui a notamment réduit la participation de l'État au fonds national des aides à la pierre (FNAP), ce qui a conduit à diminuer le montant des fonds de concours versés par le FNAP au programme 135. Ce décret a annulé 184,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 130,5 millions d'euros en crédits de paiement.

L'annulation a porté sur :

- la totalité de la réserve de précaution du programme, pour 50,29 millions d'euros en autorisations d'engagement et 54,49 millions d'euros en crédits de paiement ;

- les autorisations d'engagement encore disponibles sur le dispositif de l'aide aux « maires bâtisseurs », après la décision prise par le gouvernement de ne pas reconduire cette mesure, pour 53,4 millions d'euros en autorisations d'engagement ;

- la participation de l'État au FNAP, pour 76 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ;

- des ajustements internes à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) pour 5,19 millions d'euros en autorisations d'engagement et 5 000 euros en crédits de paiement.

Mouvements de crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » en 2017

(en millions d'euros)

Programmes

LFI 2017*

FDC et ADP

Reports entrants hors FDC

Reports entrants sur crédits FDC et ADP

Transferts et virements

Décrets d'avance

LFR 2017

Crédits ouverts 2017

Crédits consommés 2017

177

AE

1 741,68

0,361

123,782

0,240

187,039

89,626

2 142,73

2 071,03

CP

1 741,68

0,361

42,355

0,240

185,000

89,626

2 059,26

1 963,04

109

AE

15 469,44

0,005

45,572

15 515,02

15 514,97

CP

15 469,44

0,005

45,572

15 515,02

15 514,96

135

AE

398,76

800,198

0,711

384,731

0,006

-184,874

1 399,53

541,14

CP

353,16

366,363

6,235

125,264

0,006

-130,493

720,54

611,33

337

AE

780,74

-780,741

0,00

0,00

CP

780,74

-780,741

0,00

0,00

Total mission

AE

17 609,88

800,56

124,50

384,97

0,01

2,17

135,20

19 057,28

18 127,13

CP

17 564,28

366,72

48,60

125,50

0,01

54,51

135,20

18 294,82

18 089,33

* hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP)

Source : commission des finances, rapport annuel de performances

S'agissant des dépenses fiscales , leur montant reste très élevé . 53 dépenses fiscales totalisent un coût de 13,29 milliards d'euros, contre 13,6 milliards d'euros en 2016.

Cette légère diminution est liée à l'extinction progressive de certains dispositifs fiscaux, tels que les réductions d'impôt sur le revenu « Scellier » et « Scellier intermédiaire » en faveur de l'investissement locatif et le crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés à raison de l'acquisition ou de la construction de l'habitation principale. Ces dispositifs produiront encore leur effet pendant plusieurs années, et même jusqu'en 2030 pour le dispositif « Scellier intermédiaire ».

Les réductions d'impôt « Duflot » et « Pinel » en faveur de l'investissement locatif intermédiaire ont un coût estimé de 354 millions d'euros en 2017. Le coût de ces dispositifs est estimé à 554 millions d'euros en 2018.

La Cour des comptes note que sa recommandation tendant à une évaluation régulière de l'efficacité des dépenses fiscales, et à la suppression de celles dont l'efficacité et l'efficience apparaissent insuffisantes, n'a pas été suivie d'effet.


* 92 Cette aide est versée à des organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées et qui ne peuvent être hébergées en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

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