Section 2 - Dispositions relatives aux droits et aux obligations de recherche d'emploi 246 ( * )

Article 35 (art. L. 5411-6-1, L. 5411-6-3 et L. 5411-6-4 du code du travail) - Simplification des règles de l'offre raisonnable d'emploi

Objet : Cet article supprime les critères d'évolution de l'offre raisonnable d'emploi (ORE) en fonction de la durée d'inscription à Pôle emploi, en renvoyant au conseiller référent le soin de la définir avec le demandeur d'emploi dans le cadre de son projet personnalisé d'accès à l'emploi, tout en conservant trois motifs de refus légitime.

I - Le dispositif proposé

A. L'obligation pour les démissionnaires indemnisés par Pôle emploi d'intégrer leur projet de reconversion professionnelle dans leur projet personnalisé d'accès à l'emploi

En application de l'article L. 5411-6-1 , toute personne inscrite à Pôle emploi doit conclure avec Pôle emploi un projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) afin de préciser la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu 247 ( * ) .

Il tient compte :

- des caractéristiques du demandeur d'emploi (sa formation, ses qualifications, les connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, sa situation personnelle et familiale) ;

- de la situation du marché du travail local.

En contrepartie des engagements du demandeur d'emploi, Pôle emploi garantit des actions en matière d'accompagnement personnalisé et, le cas échéant, de formation et d'aide à la mobilité.

Le PPAE doit être élaboré conjointement par le demandeur d'emploi et le conseiller Pôle emploi et être actualisé régulièrement (en pratique, tous les mois).

Il peut être conclu avec une autre institution que Pôle emploi, comme un organisme participant au service public de l'emploi, si une convention passée entre l'opérateur public et cet organisme le prévoit. Dans cette hypothèse, Pôle emploi doit être informé du contenu du PPAE et de ses actualisations.

Le présent article maintient ces dispositions mais prévoit que si le PPAE concerne un démissionnaire indemnisé par Pôle emploi, il doit présenter son projet de reconversion professionnelle 248 ( * ) . En outre, il remplace la mention « institution mentionnée à l'article L. 5312-1 » par celle plus explicite de « Pôle emploi ».

B. Suppression de plusieurs critères légaux d'évolution automatique de l'offre raisonnable d'emploi

L'article L. 5411-6-3 , également introduit par l'article 1 er de la loi du 1 er août 2008 précitée, prévoit que l'actualisation du PPAE donne lieu à une révision des éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi (OPE), afin d'accroître les perspectives de retour sur le marché du travail du demandeur d'emploi.

En cas de deux refus d'une offre raisonnable d'emploi sans motif légitime, le demandeur d'emploi encourt une radiation de la liste tenue par Pôle emploi pendant deux mois (en cas de manquements répétés, la radiation est comprise entre deux et six mois 249 ( * ) ), et le cas échéant une réduction de son allocation de deux mois décidée par les services de la Direccte, sous l'autorité du préfet (en cas de manquement répété, le revenu de remplacement est supprimé pendant deux à six mois, voire définitivement 250 ( * ) ).

Les critères de l'OPE sont très précisément définis par la loi, et leur rigueur augmente à mesure que la période de chômage s'accroît, comme le montre le tableau suivant.

Présentation des critères légaux précisant l'offre raisonnable d'emploi

Durée minimale d'inscription
à Pôle emploi

Plancher de la rémunération proposée pour une offre d'emploi compatible
avec les qualifications et compétences de la personne

Temps de trajet aller-retour entre le domicile
et le lieu de travail

Trois mois

95 % du salaire antérieur

Aucune règle n'est prévue

Six mois

85 % du salaire antérieur

Une heure en transport
en commun, ou distance
à parcourir d'au moins 30 kilomètres

Douze mois

Le montant du revenu
de remplacement

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Si le demandeur d'emploi suit une formation prévue dans son PPAE, les durées minimales d'inscription mentionnées dans le présent tableau sont prorogées du temps de cette formation.

En contrepartie des obligations pesant sur le demandeur d'emploi en matière d'offre raisonnable d'emploi, l'article L. 5411-6-4 définit les deux garanties dont il dispose pour refuser une offre d'emploi.

D'une part, Pôle emploi ne peut pas obliger un demandeur d'emploi à accepter un niveau de salaire inférieur au salaire normalement pratiqué dans la région et pour la profession concernée.

D'autre part, si le PPAE prévoit que le ou les emplois recherchés sont à temps complet, le demandeur d'emploi ne peut être obligé d'accepter un emploi à temps partiel.

Malgré l'effort du législateur d'objectiver les critères de l'ORE en 2008, l'étude d'impact indique que seulement 111 radiations pour refus d'accepter une telle offre ont été prononcés par Pôle emploi en 2016, sur un total de 626 237 radiations , soit 0,02 % du total 251 ( * ) .

Nombre de radiations par motif,
prononcées par Pôle emploi entre 2008 et 2013

2008

2009

2010

2011

212

2013

Déclaration inexacte

1 504

381

285

357

402

673

Insuffisance de recherche d'emploi

8 790

8 958

100924

13 143

11 336

13 409

Non réponse à convocation

558 288

473 517

504 228

489 608

464 318

461 235

Refus d'élaboration ou d'actualisation du PPAE

4

41

24

55

97

80

Refus d'emploi, de contrat aidé, de contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, d'action d'insertion ou de formation

29 276

28 047

34 788

39 373

35 468

68 091

Refus d'offre raisonnable d'emploi

5

29

40

82

68

77

Refus de visite médicale

95

83

67

65

60

51

TOTAL

597 962

511 056

550 356

542 683

511 749

543 616

Source : FH-Pôle emploi

Plusieurs raisons expliquent l'échec de l'ORE.

Tout d'abord, les conseillers référents sont en règle générale peu enclins à sanctionner les demandeurs d'emploi qu'ils suivent, surtout lorsqu'il s'agit d'un contrôle qualitatif (la plupart des radiations concerne l'absence de réponse à une convocation à un entretien). C'est pourquoi la direction de Pôle emploi a expérimenté depuis 2014 la mise en place d'équipe de conseillers dédiés au contrôle (voir commentaire à l'article 36), évitant ainsi aux conseillers référents d'être juge et partie dans la définition des obligations et des sanctions imposées aux demandeurs d'emploi.

Ensuite, les règles de l'ORE sont complexes à utiliser, compte tenu de l'existence de trois paliers temporels (3, 6 et 12 mois) et de plusieurs critères qui doivent être utilisés simultanément, ayant trait au salaire proposé et au temps de transport.

Par ailleurs, la règle de calcul de la durée d'inscription des demandeurs d'emploi est diversement appréciée dans les agences Pôle emploi. En effet, la reprise d'une activité réduite, par exemple de quelques semaines, entraîne parfois une remise à zéro du compteur d'ancienneté utilisée dans ce dispositif, ce qui atténue le caractère mécanique et rigoureux de l'ORE.

En outre, les règles de l'ORE seraient parfois désincitatives financièrement à la reprise d'un emploi.

Par surcroît, certains demandeurs d'emplois mettent volontairement en échec le processus de recrutement pour un emploi entrant dans la catégorie de l'ORE.

Enfin, le régime juridique unique de l'ORE ne permet pas d'appréhender la diversité du chômage en fonction des spécificités des territoires et du profil des demandeurs d'emploi.

C'est pourquoi le présent article modifie en profondeur la définition de l'offre raisonnable d'emploi.

D'une part, il supprime tous les critères mentionnés à l'article L. 5411-6-3 précisant son contenu.

D'autre part, il complète l'article L. 5411-6-4 par une troisième garantie : le demandeur d'emploi peut refuser légitiment une offre d'emploi si elle est incompatible avec ses qualifications et ses compétences professionnelles, et ne saurait alors être radié pour manquement à ses obligations.

Ainsi, c'est lors de l'établissement puis de l'actualisation de son PPAE que le demandeur d'emploi devra définir conjointement avec le conseiller Pôle emploi le contenu de l'offre raisonnable d'emploi.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté à cet article en commission .

En séance publique , un amendement de Monique Iborra, députée, et plusieurs de ses collègues du groupe La République En Marche a été adopté pour obliger le conseiller référent à remettre au demandeur d'emploi, lors de son premier entretien, un document rappelant ses droits concernant l'acceptation ou le refus d'une ORE, ainsi que les voies de recours en cas de sanction par Pôle emploi.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs rappellent au préalable que le dispositif de l'offre raisonnable d'emploi ne saurait être perçu comme un outil massif de contrôle des demandeurs d'emploi . Les règles actuelles de l'ORE sont manifestement inadaptées, car trop abstraites et mécaniques, alors qu'elles avaient été présentées comme un dispositif essentiel pour améliorer l'adéquation entre l'offre et la demande de travail et réduire ainsi à la fois le chômage frictionnel et celui structurel. L'ORE ne doit pas éclipser toutes les autres obligations que doit remplir le demandeur d'emploi. C'est le renforcement des équipes dédiées au contrôle de Pôle emploi qui aura un réel effet de mobilisation sur les demandeurs d'emploi, et non la redéfinition de l'offre raisonnable d'emploi, qui n'est qu'une partie de leurs obligations.

Vos rapporteurs souhaitent par ailleurs que Pôle emploi élabore une circulaire à l'attention de ses agents pour leur indiquer une liste de critères de l'ORE qui pourraient être retenus dans le PPAE. Il est en effet irréaliste de penser qu'un entretien entre le conseiller référent et le demandeur d'emploi pourrait naturellement déboucher sur la définition d'une ORE sans lignes directrices et recommandations délivrées par la direction de l'opérateur public.

Cette circulaire comprendrait également un socle de recommandations applicables sur tout le territoire, assorti de marges d'appréciation pour permettre aux conseillers référents de tenir compte du profil du demandeur d'emploi et des spécificités locales.

Sur proposition de vos rapporteurs, la commission a adopté cinq amendements à cet article.

Elle a tout d'abord adopté l' amendement COM-329 , afin de prévoir que le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) tienne compte de la difficulté de recrutement pour certains métiers . Selon une étude de Pôle emploi réalisée en décembre 2017, on estime que sur un total de 3,2 millions offres d'emploi déposées l'année dernière auprès de l'opérateur public, entre 200 000 et 330 000 recrutements ont été abandonnés faute de candidat. Plus de la moitié de ces abandons concernerait des emplois durables (CDI ou contrats de plus de six mois). Compte tenu du niveau élevé du chômage en France, il convient d'inciter les conseillers Pôle emploi à inviter les demandeurs d'emploi à accorder une attention particulière aux métiers en tension dès leur inscription à Pôle emploi.

La commission a ensuite adopté l' amendement COM-331 , afin de renforcer la mobilisation de Pôle emploi et du demandeur d'emploi à l'issue d'une période d'indemnisation chômage dépassant un an . Cette nouvelle règle a vocation à s'appliquer aux quatre types d'accompagnement mis en oeuvre par Pôle emploi : le suivi et l'appui à la recherche d'emploi (modalité de droit commun) ; l'accompagnement guidé (pour les demandeurs d'emploi qui ont besoin d'un appui régulier dans leur recherche) ; l'accompagnement renforcé (destiné aux personnes les plus éloignées de l'emploi) et l'accompagnement global (le demandeur d'emploi est accompagné par un binôme constitué d'un conseiller Pôle emploi et d'un correspondant social relevant du conseil départemental). Cette actualisation complète, qui doit être acceptée par le demandeur d'emploi après échange avec son conseiller, peut prendre plusieurs formes, en élargissant ses recherches aux CDD et aux contrats d'intérim, aux contrats à temps partiel et aux emplois proposés au-delà de la zone géographique de recherche initiale.

Le troisième amendement adopté par la commission, COM-333 , vise à renforcer les droits du demandeur d'emploi , en lui indiquant dès l'élaboration de son projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) les sanctions encourues s'il ne respecte pas ses obligations (radiation et suppression du revenu de remplacement), et les recours qui lui sont offerts s'il entend les contester. Ce faisant, l'amendement va plus loin que la disposition introduite en séance publique à l'Assemblée nationale, qui ne renforce les droits du demandeur d'emploi qu'en matière d'offre raisonnable d'emploi, et qui ne concerne donc pas l'ensemble de ses obligations légales.

La commission a ensuite adopté l' amendement COM-334 , afin de limiter à deux ans la période pendant laquelle une personne peut légitimement refuser une offre raisonnable d'emploi , sauf exceptions prévues par la convention d'assurance chômage. Cette nouvelle règle est susceptible d'avoir un effet mobilisateur sur les demandeurs d'emploi concernés avant que n'expire la période de deux années d'indemnisation. Vos rapporteurs considèrent en effet que l'absence de dégressivité des allocations chômage et la suppression de tout critère d'adaptation de l'offre raisonnable d'emploi en fonction de la durée d'inscription (3, 6 et 12 mois dans le droit en vigueur) pourraient avoir comme effet non voulu de décourager certains demandeurs d'emploi dans leur recherche et de les enfermer dans l'inactivité. C'est pourquoi le présent article prévoit qu'au-delà de deux ans d'inscription à Pôle emploi, le demandeur d'emploi ne pourra pas refuser une offre d'emploi qui lui procurerait un salaire supérieur à son revenu de remplacement (allocation chômage, allocation de solidarité, allocation spécifique). Des règles similaires existent en Allemagne et aux Pays-Bas. L'amendement donne également la possibilité aux partenaires sociaux, en charge de négocier la convention d'assurance chômage, d'adapter cette règle de deux ans pour tenir compte des spécificités de certains publics, en fonction de leurs âges par exemple 252 ( * ) .

Enfin, le dernier amendement adopté par la commission, COM-335 , précise qu'un demandeur d'emploi, pendant les deux premières années de son inscription à Pôle emploi, ne pourra légitimement refuser une offre raisonnable d'emploi que si le salaire proposé est « manifestement » inférieur à celui pratiqué dans la région pour une profession donnée. Il ne revient pas à la loi de fixer précisément ce que recouvre cette notion, mais aux conseillers de Pôle emploi, en fonction des spécificités du bassin d'emploi et de la région, du salaire proposé et du profil du demandeur d'emploi. Cet amendement aura pour conséquence d'accélérer le retour sur le marché du travail des demandeurs d'emploi et de faciliter le contrôle exercé par les conseillers de Pôle emploi.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 246 Cet intitulé a été modifié en commission puis en séance publique à l'initiative des rapporteurs.

* 247 Le PPAE a été créé par l'article 1 er de la loi n° 2008-758 du 1 er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi.

* 248 Ce projet de reconversion professionnel est mentionné au 2° du II de l'article L. 5422-1.

* 249 Art. R. 5412-5.

* 250 Art. R. 5426-3.

* 251 Étude d'impact, p. 300.

* 252 Pour mémoire, un salarié qui remplit les conditions d'attribution peut bénéficier d'une allocation chômage pour la durée équivalente à ses périodes d'emploi passées, dans la limite de 2 ans s'il est âgé de moins de 53 ans, 3 ans s'il est âgé d'au moins 53 ans et de moins de 55 ans, quatre ans s'il est âgé de 55 ans ou plus à la fin de son contrat de travail.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page