CHAPITRE V - Gouvernance, financement, dialogue social
Section 1 - Principes généraux et organisation institutionnelle
de la formation professionnelle

Article 15 (art. L. 6121-1 à L. 6121-6, L. 6122-1 à L. 6211-3 du code du travail ; art. L. 214-12, L. 214-12-1, L. 214-13, L. 214-13-1, L. 214-15, L. 234-2, L. 313-7, L. 337-4, L. 352-1, L. 431-1, L. 443-5, L. 936-1 du code de l'éducation ; art. L. 4332-1, L. 4424-34 du code général des collectivités territoriales) - Rôle des acteurs de la formation professionnelle

Objet : Cet article tire les conséquences de la nouvelle répartition des compétences entre acteurs de l'apprentissage et de la formation professionnelle, en particulier s'agissant du rôle des régions en matière d'apprentissage. Sont ainsi modifiées diverses dispositions du code du travail, du code de l'éducation et du code général des collectivités territoriales.

I - Le dispositif proposé

La région s'est vu confier la compétence de droit commun en matière d'apprentissage au gré des lois de décentralisation et de celles relatives à la formation professionnelle, en particulier les lois du 7 janvier 1983 135 ( * ) , du 13 août 2004 136 ( * ) et du 5 mars 2014 137 ( * ) . Ainsi, la région conclut les conventions créant les CFA et subventionne ces centres en disposant de 51 % du produit de la taxe d'apprentissage 138 ( * ) . Elle attribue et détermine le niveau des primes régionales aux employeurs d'apprentis.

La région dispose en outre d'une compétence de coordination sur son territoire des politiques de formation professionnelle, notamment au travers du contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP), de la mise en oeuvre du service public régional de l'orientation (SPRO) ou encore de l'élaboration, avec les autorités académiques, d'une carte régionale des formations professionnelles initiales. Elle coordonne également les actions de formation professionnelle à destination des demandeurs d'emploi.

Le présent projet de loi modifie le rôle la région dans la mise en oeuvre de la politique d'apprentissage, compte tenu des nouvelles missions reconnues aux branches professionnelles : les CFA pourront être créés sans son aval 139 ( * ) ; chaque contrat d'apprentissage sera financé par les opérateurs de compétences selon son coût, déterminé par les branches professionnelles 140 ( * ) ; les primes régionales disparaitront au profit d'une aide unique aux employeurs d'apprentis versée par l'État 141 ( * ) .

Les régions verront toutefois leurs compétences renforcées en matière d'information et d'orientation des jeunes sur les métiers 142 ( * ) .

En outre, elles conserveront des attributions en matière de financement de l'apprentissage. Elles pourront, au titre de l'aménagement du territoire et du développement économique, soutenir les CFA en majorant la prise en charge fixée pour chaque contrat d'apprentissage et leur attribuer des subventions pour leurs dépenses d'investissement. Le Gouvernement a annoncé que ces deux enveloppes seraient respectivement portées à 250 millions d'euros et 180 millions d'euros 143 ( * ) par an.

Afin de dessiner cette nouvelle répartition des compétences, les I à III du présent article procèdent aux modifications des dispositions du code du travail, du code de l'éducation et du code général des collectivités territoriales fixant les attributions de l'État et des régions en matière de formation professionnelle initiale et continue . Ces modifications sont détaillées dans les tableaux ci-dessous.

Elles conduisent aussi à renforcer les attributions de l'État en matière de formation des demandeurs d'emploi. Elles comportent également des mesures de coordination juridique afin de mentionner « Pôle emploi » au lieu de faire référence à l'article du code du travail régissant cette institution et pour tirer les conséquences de la disparition des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et du congé individuel de formation (CIF).

Modifications du code du travail

Article concerné

Modifications proposées

Entrée
en vigueur

L. 6121-1

La région, actuellement chargée de la politique régionale d'accès à l'apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle, ne conservera cette compétence qu'en matière de formation professionnelle.

La région perd la compétence de définition et de mise en oeuvre de la politique d'apprentissage, tout en conservant ses attributions en matière de formation professionnelle.

Elle adoptera désormais la carte des formations professionnelles initiales hors apprentissage.

La concertation pilotée par la région sur les priorités de la politique régionale et sur la complémentarité des interventions en matière de formation professionnelle ne couvrira plus l'apprentissage.

La contribution de la région pour évaluer la politique de formation professionnelle ne concernera plus l'évaluation de la politique d'apprentissage. Cette évaluation sera concentrée sur la politique de formation continue pour les jeunes et les demandeurs d'emploi.

La région pourra contribuer au développement de l'apprentissage au titre de l'aménagement du territoire dans les conditions de l'article L. 6211-3 ( voir ci-dessous ).

1 er janv. 2020

L. 6121-3

Abrogation de l'article en raison de la suppression des Opca et du CIF. Il prévoit que des conventions conclues entre les régions et les Opca déterminent les conditions de participation des régions à certaines actions de formation et au congé individuel de formation.

1 er janv. 2019

L. 6121-4

Cet article concerne les aides individuelles à la formation attribuées à Pôle emploi.

Une première modification de coordination vise à citer « Pôle emploi » plutôt qu'à renvoyer à l'article du code du travail régissant cet institution.

Une seconde modification ajoute que Pôle emploi pourra contribuer à l'achat de formations financées par l'État en raison de leur caractère émergent ou parce qu'elles répondent à un besoin additionnel de qualification des jeunes sortis du système scolaire sans qualification (voir les modifications de l'article L. 6122-1 ).

1 er janv. 2019

L. 6121-5

Suppression de l'obligation faite aux régions et aux structures contribuant aux financement de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi de s'assurer que les organismes de formation informent les opérateurs du service public de l'emploi et du conseil en évolution professionnelle des sessions d'information et des modalités d'inscription.

Les organismes de formation seront toutefois tenus d'informer Pôle emploi de l'entrée effective en formation, de l'interruption et de la sortie effective d'une personne inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi.

1 er janv. 2019

L. 6121-6

La région organise actuellement la diffusion de l'information relative à l'offre de formation professionnelle continue en coordination avec l'État et les Coparef. Elle le fera dorénavant en coordination avec l'État et les Crefop, les Coparef devant être supprimés 144 ( * ) .

1 er janv. 2019

L. 6122-1

Cet article, qui concerne le financement par l'État de certains types de formation, est complété afin de prévoir la mise en oeuvre par l'État d'un programme national permettant de répondre à un besoin additionnel de qualification au profit des jeunes sortis du système scolaire sans qualification et des demandeurs d'emplois dont le niveau de qualification est inférieur ou égal au baccalauréat. La mise en oeuvre de ce programme s'effectuera grâce à un conventionnement entre l'État et la région, qui pourra être prévu dans le CPRDFOP.

En l'absence de convention avec la région, l'Etat pourra organiser et financer ce plan avec Pôle emploi et les organismes participant à l'accompagnement et l'insertion professionnelle dans le cadre du service public de l'emploi.

1 er janv. 2019

L. 6122-2

Article abrogé en raison de la suppression des Opca et du CIF. Il prévoit des conventions entre l'Etat et les Opca pour déterminer la participation de l'Etat à des actions de formation et à la rémunération des bénéficiaires du CIF.

1 er janv. 2019

L. 6211-3

Cet article prévoit actuellement que des conventions d'objectifs et de moyens (COM) sont conclues par la région avec l'État, les chambres consulaires, les organisations syndicales et patronales représentatives ou d'autres parties afin de développer l'apprentissage.

Cet article, totalement réécrit, prévoit désormais que la région pourra contribuer au financement des CFA au titre de l'aménagement du territoire et du développement économique, en majorant le financement des contrats d'apprentissage et en subventionnant les dépenses d'investissement des CFA.

La région devra adresser tous les ans le montant de ces dépenses engagées à France compétences. Les régions interviendront le cas échéant dans le cadre de COM conclus avec les Opco.

1 er janv. 2020

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Modifications du code de l'éducation

Article concerné

Modifications proposées

Entrée en vigueur

La section 3 du chapitre IV du titre I er du livre II de la première partie est renommée « orientation et formation professionnelle », supprimant ainsi la mention de l'apprentissage.

1 er janv. 2020

L. 214-12

Cet article prévoit que la région définit avec l'État et met en oeuvre le service public régional de l'orientation et qu'elle élabore le CPRDFOP.

Cet article est modifié, par coordination, pour supprimer l'apprentissage de la compétence des régions. Elles seront en effet chargées uniquement de la politique régionale de la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle.

1 er janv. 2020

L.214-12-1

Cet article est modifié afin de supprimer de la compétence des régions les actions en matière d'apprentissage à destination des Français établis hors de France. Elles demeureront compétentes pour ces personnes s'agissant des actions en matière de formation professionnelle.

1 er janv. 2020

L. 214-13

Cet article détermine le contenu des CPRDFOP.

La région ne fixera plus des « objectifs » mais des « orientations » en matière de formation initiale et continue. Elles devront tenir compte des besoins des entreprises en matière de développement des contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Il est précisé que ces orientations devront inclure les formations sanitaires et sociales, les schémas régionaux des formations sanitaires et sociales étant abrogés.

Le schéma de développement de la formation professionnelle initiale, à destination des jeunes, sera remplacé par des actions dont les objectifs resteront de favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans chacune des filières et de prendre en compte les besoins d'hébergement et de mobilité des jeunes pour leurs parcours de formation.

L'accès à la certification professionnelle est ajouté parmi les objectifs des actions de formation aux côtés de l'accès, du maintien et du retour à l'emploi.

1 er janv. 2020

Le « schéma prévisionnel de développement » du service public de l'orientation sera remplacé par des « objectifs de développement ».

1 er janv. 2019

L. 214-13-1

Le recensement effectué par les autorités académiques visant à établir par ordre de priorité les ouvertures et fermetures de sections de formation professionnelle initiale dans les établissements du second degré ne concernera plus l'apprentissage. Il en sera de même pour le classement des ouvertures et fermetures de section en fonction des moyens disponibles effectué par les autorités académiques et la région.

1 er janv. 2020

Par ailleurs, la région arrêtera chaque année, après accord du recteur, une carte régionale des formations professionnelles initiales dans laquelle ne figureront plus les formations en apprentissage.

1 er janv. 2019

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Modifications du code général des collectivités territoriales

Article concerné

Modifications proposées

Entrée en vigueur

La section 1 du chapitre II du titre III du livre III de la quatrième partie est renommée « fonds régional de la formation professionnelle continue » supprimant ainsi la mention de l'apprentissage.

1 er janv. 2020

L. 4332-1

Cet article relatif au fonds régional à la formation professionnelle prévoit un transfert des crédits de l'État aux régions pour l'abondement de ce fonds.

Les références à l'apprentissage sont supprimées pour tenir compte de la fin de la compétence régionale en la matière.

Parmi les crédits transférés de l'État aux régions sont supprimés ceux au titre de l'apprentissage, car le fonds n'aura plus cette compétence. En outre, ce fonds ne sera plus abondé par le produit de la ressource régionale pour l'apprentissage, la taxe d'apprentissage devant être supprimée 145 ( * ) .

1 er janv. 2020

L. 4424-34

Cet article fixe les règles relatives à la formation professionnelle dans la collectivité de Corse. Il est modifié afin de supprimer un alinéa prévoyant que le suivi et l'évaluation du CPRDFOP sont assurés selon des modalités définies par le Cnefop, ce dernier devant être supprimé.

1 er janv. 2019

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Le IV du présent article prévoit que les régions établiront un rapport annuel portant sur la gestion de l'apprentissage pour les années 2018 et 2019 , qui seront les deux dernières années d'exercice de cette compétence. Ces rapports identifieront les coûts moyens par apprenti, toutes certifications confondues, et le coût moyen par type de diplôme ou titre, en précisant certains types de dépenses (frais pédagogiques, hébergement, transport, restauration). Ils devraient ainsi contribuer à déterminer le coût de prise en charge par contrat d'apprentissage qui sera défini par les branches professionnelles, avec l'appui des opérateurs de compétences.

Le V du présent article prévoit une entrée en vigueur au 1 er janvier 2020 des dispositions supprimant la compétence régionale en matière d'apprentissage. Les autres dispositions entreront en vigueur au 1 er janvier 2019 , aux termes de l'article 25 du présent projet de loi et comme indiqué dans les tableaux précédents.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre huit amendements rédactionnels de la rapporteure, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté six autres amendements .

Un amendement de Fadila Khatthabi, députée (groupe La République en marche), permet aux missions locales et aux Cap emploi d'être informés, au même titre que Pôle emploi, par les organismes de formation de l'entrée effective en formation, de l'interruption et de la sortie effective d'une personne qu'elles accompagnent.

Un amendement de Béatrice Piron, députée (groupe La République en marche), précise que le programme national mis en oeuvre par l'État afin de répondre à un besoin additionnel de qualification au profit des jeunes sortis du système scolaires sans qualification et des demandeurs d'emplois dont le niveau de qualification est inférieur ou égal au baccalauréat devra se concentrer en priorité sur les personnes en situation d'illettrisme .

Un amendement présenté par le Gouvernement précise que les ressources qui seront allouées à la région au titre du soutien à l'investissement des CFA seront déterminées et réparties chaque année par la loi de finances sur la base des dépenses d'investissement constatées au titre des exercices 2017, 2018 et 2019.

Enfin trois amendements adoptés en commission ont été présentés par la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Le premier amendement précise que les orientations prises par la région en matière de formation professionnelle initiale et continue dans le cadre du CPRDFOP devront notamment viser à identifier de nouvelles filières et métiers dans le domaine de la transition énergétique et numérique , en plus de la transition écologique.

Le deuxième amendement prévoit que la région, dans le cadre du CPRDFOP, encouragera la signature de conventions entre CFA et lycées professionnels pour faciliter le passage des jeunes entre les deux structures et mutualiser les plateaux techniques.

Le troisième amendement ajoute dans le contenu des CPRDFOP les actions de formation professionnelle favorisant l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

En séance publique, un amendement rédactionnel de la rapporteure et trois autres amendements ont été adoptés à l'initiative de Sylvain Maillard, député, et ses collègues du groupe La République en Marche.

Un premier amendement précise que les informations communiquées par les régions à France compétences sur les dépenses engagées et mandatées par les régions au titre du soutien financier aux CFA devront comprendre un état détaillé de l'affectation de ces dépenses .

Un second amendement prévoit que les dépenses régionales visant à soutenir les CFA au titre de l'aménagement du territoire et du développement économique s'inscriront dans les orientations du CPRDFOP. Elles pourront faire l'objet de conventions d'objectifs et de moyens avec les opérateurs de compétences agissant pour le compte des branches adhérentes.

Un troisième amendement complète les contrats fixant des objectifs de développement coordonné des différentes voies de formation professionnelle initiale et continue, conclus dans le cadre du CPRDFOP. Ces contrats devront également déterminer des objectifs « qui concourent à favoriser une insertion professionnelle des jeunes gens en situation de handicap ayant suivi une voie professionnelle initiale ou un apprentissage ».

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs considèrent que les régions ont une connaissance précieuse des bassins d'emploi et des besoins en compétences des entreprises dans leur territoire. Par conséquent, ils regrettent que les régions ne conservent qu'une capacité d'action résiduelle en matière de formation en alternance, même s'ils reconnaissent l'intérêt d'associer les branches professionnelles au pilotage du système de formation professionnelle initiale.

C'est pourquoi votre commission, à l'initiative de vos rapporteurs, a adopté trois amendements ( COM-357 , COM-358 et COM-360 ) visant à donner aux régions les moyens de participer au pilotage et au développement des formations en alternance sur leurs territoires, sans remettre en cause la liberté de création des CFA et le mode de financement au contrat prévus par le présent projet de loi.

Le premier amendement institue une stratégie régionale pluriannuelle des formations en alternance. Cette stratégie sera élaborée par la région, en lien avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux, dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP). Cette stratégie permettra à la région d'identifier les besoins en matière d'offre de formation professionnelle initiale dans son territoire et de définir en conséquence sa politique de soutien à l'apprentissage. Elle visera notamment à assurer une offre de formation professionnelle initiale cohérente sur l'ensemble du territoire régional. Les branches et les opérateurs de compétences devront prendre en compte cette stratégie régionale. Pour la définition de cette stratégie par la région, les branches et les opérateurs de compétences transmettront à la région un bilan annuel de leurs actions en matière d'apprentissage.

Le deuxième amendement prévoit que les régions pourront conclure des conventions d'objectifs et de moyens avec les CFA dans le cadre des dépenses régionales de soutien à l'apprentissage . Ces conventions permettront aux régions d'assurer le suivi des subventions qu'elles verseront aux CFA et de définir avec les centres qu'elles financeront des objectifs répondant à des besoins d'aménagement du territoire et de développement économique.

Le troisième amendement prévoit la tenue d'un débat annuel en conseil régional sur les dépenses engagées par la région en matière d'apprentissage , sur la base d'un rapport présenté par l'exécutif, transmis pour information au représentant de l'État dans la région et à France compétences. Ce dispositif remplace celui du présent article qui oblige les régions à communiquer à France compétences un état des dépenses engagées en matière d'apprentissage au titre de l'aménagement du territoire.

Enfin, votre commission a adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs ( COM-369 ).

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16 (art.  L. 2271-1, L. 2272-1, L. 2272-2, L. 6123-3 à L. 6123-7 et L. 6123-8, L. 6123-8-1, L. 6123-8-2, L. 6123-9, L. 6123-10, L. 6123-11, L. 6123-12 et L. 6123-13 [nouveaux] du code du travail) - Réforme de la gouvernance du système de formation professionnelle et création de France compétences

Objet : Cet article remplace plusieurs instances paritaires ou quadripartites par France compétences, instance nationale chargée de la répartition du financement, de la régulation et de l'animation de la politique de formation professionnelle et d'alternance.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit existant

• La commission nationale de la négociation collective (CNNC)

L'article L. 2271-1 du code du travail prévoit une commission nationale de la négociation collective (CNNC), chargée notamment de proposer au ministre chargé du travail toute mesure de nature à faciliter le développement de la négociation collective (1°) et d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales portant sur les relations individuelles et collectives du travail (2°).

• Les instances quadripartites et paritaires de la politique de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelles

Le chapitre III du titre II du livre I er de la sixième partie du code du travail contient des dispositions relatives à la coordination des politiques de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelles. Ce chapitre mentionne plusieurs instances associant selon des modalités diverses l'État, les partenaires sociaux et les régions. Ce chapitre comporte 5 sections :

- la section 1 est relative au conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) ;

- la section 2 est relative aux comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop) ;

- la section 3 est relative au comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef) ;

- la section 4 est relative aux comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l'emploi et la formation (Coparef) ;

- la section 5, composée d'un unique article L. 6123-7, renvoie à un décret en Conseil d'État les modalités d'application du chapitre.

- Le Cnefop

Aux termes de l'article L. 6123-1 , le Cnefop est notamment chargé (1°) d'émettre un avis sur (a) les projets de loi, d'ordonnance et de dispositions réglementaires dans le domaine de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle initiale et continue, (b) le projet de convention pluriannuelle d'assurance chômage, (c) l'agrément des accords d'assurance chômage, (d) le programme d'étude des principaux organismes publics d'étude et de recherche de l'État dans le domaine de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle, (e) la liste des compétences mentionnée à l'article L. 6112-4 et (f) les plans de formation organisés par l'État.

Le Cnefop assure par ailleurs au plan national la concertation entre l'État, les régions, les départements et les partenaires sociaux pour la définition des orientations pluriannuelles de la politique de formation professionnelle, d'apprentissage et d'insertion et de maintien dans l'emploi (2° du même article L. 6123-1). Il contribue au débat public sur l'articulation de ces politiques (3°), veille à la mise en réseau des systèmes d'information (4°), suit les travaux des Crefop (5°), évalue les politiques menées au niveau national et régional (6°), la mise en oeuvre du compte personnel de formation (7°), et contribue à l'évaluation de la qualité des formations dispensées par les organismes de formation (8°).

L'article L. 6123-2 précise que le Cnefop est placé auprès du Premier ministre et que son président est nommé par décret. Il comprend des représentants des collectivités territoriales, de l'État, du Parlement, des partenaires sociaux, des chambres consulaires, des personnalités qualifiées ainsi que des représentants des principaux opérateurs des politiques concernées, dotés d'une voix consultative.

- Les Crefop

Aux termes de l'article L. 6123-3 , les Crefop ont pour mission d'assurer la coordination des acteurs dans la région. Ils associent la région, l'État, les partenaires sociaux, les chambres consulaires et les représentants des principaux opérateurs sous la présidence conjointe du président de région et du préfet de région. Le Crefop est doté d'une commission chargée de la concertation relative aux politiques de l'emploi sur le territoire, qui assure la coordination des acteurs du service public de l'emploi.

Il est précisé que le bureau du Crefop est le lieu de concertation sur la répartition des fonds de la taxe d'apprentissage non affectés par les entreprises et sur les listes de formation éligibles au compte personnel de formation (CPF).

L'article L. 6123-4 prévoit la signature d'une convention régionale pluriannuelle de coordination de l'emploi, de l'orientation et de la formation. Cette convention détermine les actions des différents acteurs, en cohérence notamment avec les orientations définies dans la stratégie élaborée par le président du conseil régional et le préfet de région en application de l'article L. 6123-4-1.

- Le Copanef

L'article L. 6123-5 prévoit un comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef) constitué des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Le Copanef définit les orientations politiques paritaires en matière de formation et d'emploi et assure leur suivi et leur coordination avec les politiques menées par d'autres acteurs. Il élabore la liste nationale des formations éligibles au CPF.

- Les Coparef

Les Coparef, prévus par l'article L. 6123-6, constituent la déclinaison régionale du Copanef. Ils sont notamment chargés du déploiement des politiques paritaires définies par les accords nationaux interprofessionnels (ANI) et d'élaborer des listes régionales de formations éligibles au CPF.

- Le FPSPP

Le chapitre II du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail, consacré au financement de la formation professionnelle continue, prévoit en sa section 4 (art. L. 6332-18 et suivants) un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) chargé notamment de contribuer au financement de la formation des demandeurs d'emploi et d'assurer une péréquation financière entre organismes paritaires collecteurs agréés (Opca).

B. Les modifications proposées

Le présent article vise à créer une nouvelle instance de gouvernance de la formation professionnelle, dénommée France compétences. Cette nouvelle instance est appelée à se substituer au Cnefop, au Copanef et au FPSPP, alors qu'une partie des missions du Cnefop sont transférées à la CNNC.

• Transfert à la CNNC d'une partie des missions du Cnefop

Le I 146 ( * ) confie à la CNNC une partie des missions consultatives actuellement confiées au Cnefop par l'article L. 6123-1. Il modifie à cet effet l'article L. 2271-1 :

- le 2° est complété afin que la CNNC émette un avis sur les projets de textes relatifs à la politique de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle ;

- un 10° est ajouté aux termes duquel la CNNC est chargée d'émettre un avis sur le projet de convention pluriannuelle d'assurance chômage, sur l'agrément des accords d'assurance chômage mentionnés à l'article L. 5422-20 et sur les plans de formation organisés par l'État en application des I et II de l'article L. 6122-1.

Le II complète l'article L. 2272-1 afin de préciser que, lorsqu'elle est consultée dans le domaine de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle ou sur les documents mentionnés au 10° de l'article L. 2271-1 résultant du I du présent article, la CNNC « comprend des représentants des régions, départements et collectivités ultra-marines ».

• Suppression des instances paritaires et quadripartites

Le présent article abroge la section 1 consacrée au Cnefop, la section 4 relative au Coparef et la section 5, relative aux dispositions d'application du chapitre, et réécrit intégralement la section 3 actuellement consacrée au Copanef.

• Évolution des missions des Crefop

Dans la rédaction initiale, le du III ajoutait un alinéa au même article L. 6123-3 aux termes duquel le Crefop devait être doté d'une commission regroupant les représentants régionaux des organisations syndicales et patronales chargée d'assurer le déploiement des politiques paritaires définies par les ANI, en coordination avec les acteurs régionaux. Cette commission avait par ailleurs pour mission d'autoriser la mise en oeuvre du projet de transition professionnelle prévue par l'article L. 6323-17-2 résultant de l'article 1 er du présent projet de loi et d'attester par ailleurs du caractère réel et sérieux du projet de reconversion professionnelle mentionné au 2° du II de l'article L. 5422-1, dans sa rédaction issue de l'article 26 du présent projet de loi, qui ouvre sous conditions le droit à l'allocation d'assurance chômage pour les salariés démissionnaires.

Le c) du même III supprime le rôle consultatif du bureau du Crefop sur la répartition des fonds de la taxe d'apprentissage et sur les listes de formation éligibles au CPF, en cohérence avec les dispositions des articles 1 er et 17 du présent projet de loi.

Le modifie l'article L. 6123-4 en mentionnant explicitement Pôle emploi aujourd'hui désigné par un renvoi à l'article L. 5312-1 (1°) et en proposant une nouvelle rédaction de l'alinéa relatif au contenu de la convention régionale pluriannuelle de coordination de l'emploi, de l'orientation et de la formation. Cette nouvelle rédaction supprime la référence à la stratégie prévue à l'article L. 6123-4-1, abrogé par ailleurs, et ajoute une référence aux plans de convergence mentionnés à l'article 7 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer 147 ( * ) .

Le abroge l'article L. 6123-4-1 relatif à la stratégie coordonnée en matière d'emploi, d'orientation et de formation professionnelle élaborée par le président de région et le préfet de région. En cohérence, le a) du III supprime la référence à cette stratégie à l'article L. 6123-3.

• France compétences

Le du III modifie l'intitulé du chapitre III du titre II du livre I er de la sixième partie du code du travail (« Coordination des politiques de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelles »).

Le du même III remplace la section 3 de ce chapitre, aujourd'hui consacrée au Copanef, par une section intitulée « France compétences » et composée de neuf articles numérotés L. 6123-5 à L. 6123-13 .

Dans la rédaction initialement proposée de l'article L. 6123-5, France compétences devait être un établissement public de l'État à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle.

Les missions de France compétences sont de plusieurs ordres.

Elle est premièrement chargée de missions de répartition de fonds.

En premier lieu, France compétences est chargée d'une mission de péréquation en versant :

- aux opérateurs de compétences des fonds pour le financement complémentaire des contrats d'apprentissage et de professionnalisation et des reconversions au titre de la péréquation inter-branches (1°) ;

-aux régions des fonds pour le financement des CFA au titre de la péréquation territoriale (2°) ;

France compétences est par ailleurs chargée de répartir les fonds de la taxe d'apprentissage et des contributions des entreprises au développement de la formation professionnelle (3°). France compétences doit ainsi verser :

- à la Caisse des dépôts et consignations les fonds affectés au financement du CPF ;

- à l'État les fonds destinés à la formation des demandeurs d'emploi ;

- aux opérateurs de compétences les fonds destinés au développement des compétences dans les entreprises de moins de 50 salariés.

France compétences est en outre chargée d'organiser et de financer le conseil en évolution professionnelle (CEP) des actifs occupés hors agents publics.

Le schéma ci-dessous illustre le rôle de répartiteur de flux financiers que France compétences sera appelée à jouer :

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

En second lieu, France compétences se voit confier des missions d'animation et d'organisation de la politique publique en matière de formation professionnelle et d'apprentissage :

- assurer la veille, l'observation et la transparence des coûts et des règles de prise en charge en matière de formation professionnelle (5°) ;

- contribuer au suivi et à l'évaluation de la qualité des actions de formation dispensées, notamment en émettant un avis sur le référentiel national prévu par l'article L. 6316-3 dans sa rédaction résultant de l'article 14 du présent projet de loi (6°) ;

- établir le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ainsi que le répertoire spécifique prévus par les articles L. 6113-1 et L. 6113-6 dans leur rédaction résultant de l'article 14 (7°).

- émettre des recommandations (8°) sur les coûts et règles de prise en charge du financement de l'alternance (a), la qualité des formations effectuées notamment au regard de leurs résultats en matière d'accès à l'emploi (b), l'articulation des actions en matière d'orientation, de formation professionnelle et d'emploi (c) et sur toute question relative à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage (d) ;

- mettre en oeuvre toutes autres actions en matière de formation professionnelle et continue et d'apprentissage qui lui seraient confiées par l'État, les régions et les organisations syndicales et professionnelles représentatives.

Les articles suivants détaillent la gouvernance de France compétences.

L'article L. 6123-6 proposé précise que France compétences est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur général.

L'article L. 6123-7 proposé détaille la composition du conseil d'administration. Il mentionne cinq collèges comprenant respectivement des représentants de l'État, des régions, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel et des personnalités qualifiées.

Un décret en Conseil d'État doit déterminer la composition et le fonctionnement de ce conseil d'administration.

L'article L. 6123-8 proposé précise les missions du directeur général. Celui-ci exerce la direction de l'établissement dans le cadre des orientations définies par le conseil d'administration. Il prépare les délibérations de ce conseil et en assure l'exécution. Il est précisé que le directeur général est nommé par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la formation professionnelle.

L'article L. 6123-9 proposé apporte des précisions relatives aux recommandations de France compétences. Celles-ci sont adoptées par son conseil d'administration, rendues publiques et transmises aux ministres concernés, aux présidents des conseils régionaux, aux présidents des commissions nationales paritaires pour l'emploi (CNPE) et aux présidents des opérateurs de compétences.

L'article L. 6123-10 proposé prévoit une convention triennale d'objectifs et de performance conclue entre l'État et France compétences. Cette convention doit définir les modalités de son financement, la mise en oeuvre de ses missions et les modalités de suivi de son activité.

L'article L. 6123-11 proposé est relatif aux recettes de France compétences. Celles-ci sont constituées d'impositions de toutes natures, de subventions, de redevances pour service rendu, du produit des ventes et des locations ainsi que de dons et legs et recettes diverses. Un pourcentage de ces recettes doit permettre de financer la mise en oeuvre des missions de l'établissement. Un décret doit préciser ces recettes et leurs modalités d'affectation.

L'article L. 6123-12 proposé permet au Gouvernement de fixer par décret le niveau de prise en charge des contrats de professionnalisation ou d'apprentissage lorsque les opérateurs de compétences n'ont pas fixé les modalités de prise en charge du financement de l'alternance ou lorsque les coûts retenus ne convergent pas vers les coûts recommandés par France compétence en application du a) du 8° de l'article L. 6123-5 proposé.

Enfin, l'article L. 6123-13 proposé prévoit un décret en Conseil d'État déterminant les conditions d'application de la section 3. Ce décret doit notamment déterminer :

- la nature des disponibilités et des charges mentionnées au 6° de l'article L. 6332-6 qui, dans sa rédaction résultant de l'article 19, est relatif aux règles applicables aux excédents financiers dont sont susceptibles de disposer les Opco et qui doivent être reversés à France compétences (1°) ;

- les documents et pièces relatifs à leur gestion que les opérateurs de compétences communiquent à France compétences et ceux qu'ils doivent présenter aux contrôleurs qu'il commissionne. Il est précisé que ces dispositions s'appliquent sans préjudice des contrôles exercés par l'inspection du travail (2°) ;

- les modalités d'application de la péréquation visée au 1° et 2° de l'article L. 6123-5 dans sa rédaction issue du présent article (3°).

• Substitution de France compétences au FPSPP

Le IV précise les modalités selon lesquelles France compétences doit se substituer au FPSPP.

Le A précise que l'association gestionnaire du FPSPP est dissoute au plus tard le 30 juin 2019. À compter du 1 er janvier de cette année, France compétences aura été substitué au FPSPP dans ses droits et obligations de toutes natures.

Pour la collecte au titre de la masse salariale 2018, l'association gestionnaire du FPSPP perçoit les versements prévus au III de l'article 17 du présent projet de loi et les affecte conformément aux dispositions en vigueur au 31 décembre 2018.

Le B prévoit que France compétences se substitue au FPSPP en tant qu'employeur des personnes titulaires d'un contrat de travail conclu antérieurement.

Le C prévoit l'abrogation de la section 4 du chapitre II du titre III du livre III de la sixième partie du code du travail, relatif au FPSPP, à compter du 1 er janvier 2019.

Le VI précise que ces transferts sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au versement d'aucune indemnité ni à la perception d'aucune taxe.

Le V permet au directeur général de prendre toutes les mesures utiles à l'exercice des missions et activité de France compétences jusqu'à l'installation du conseil d'administration. Il doit alors rendre compte de sa gestion à ce dernier.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

1. En commission

En commission, l'Assemblée nationale a adopté quinze amendements .

Trois amendements adoptés à l'initiative de la rapporteure ont une portée rédactionnelle ou de coordination légistique.

Quatre amendements de la rapporteure visent à modifier la dénomination de la CNNC, en lien avec l'extension de ses missions prévue par le présent article et conformément à une suggestion formulée par le Conseil d'État dans son avis sur le présent projet de loi. La CNNC deviendrait ainsi la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle. Cette modification rend nécessaires des modifications de l'intitulé du titre relatif à cette commission et des articles L. 2271-1 et L. 2272-2.

Un amendement du Gouvernement à l'article 1 er du présent projet de loi a confié à des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPIR) la mission de permettre la mobilisation du CPF dans le cadre d'un projet de transition professionnelle et de valider les projets des démissionnaires souhaitant bénéficier de l'allocation de chômage. En cohérence, un amendement du Gouvernement au présent article a supprimé les dispositions relatives aux missions de la commission du Crefop à laquelle cette mission devait être confiée. Un second amendement du Gouvernement charge France compétences de verser à ces commissions les fonds destinés au financement des projets de transition professionnelle (CPF transition).

Un amendement de Francis Vercamer, député (groupe UDI, Agir et indépendants) a soumis, d'une part, les membres du conseil d'administration de France compétences à une déclaration d'intérêt et a précisé, d'autre part, que cette fonction est exercée à titre gratuit (art. L. 6123-7 proposé).

Enfin, un amendement de Ericka Bareigts, députée (groupe Nouvelle Gauche), prévoit la remise au Parlement et au ministre chargé de la formation professionnelle d'un rapport annuel d'activité de France compétences. Il est précisé que ce rapport porte sur la mise en oeuvre des actions de l'agence dans l'hexagone, en Corse et dans les départements et régions d'outre-mer.

2. En séance publique

- France compétences

Un amendement du Gouvernement a changé la nature juridique de France compétences, qui ne doit plus être un établissement administratif mais une institution nationale publique dotée de la personnalité morale, sur le modèle de Pôle emploi. Un nouvel article L. 6123-8-1 précise que les agents de France compétences sont soumis au droit du travail. Il est également précisé à l'article L. 6123-10 proposé que l'institution est soumise en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales ainsi qu'à l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics 148 ( * ) , à l'instar de Pôle emploi (art. L. 5312-8). Cet amendement précise par ailleurs que les contrats de droit privé conclus avec le FPSPP sont maintenus par France compétences, par dérogation aux dispositions de l'article L. 1224-3, qui prévoit qu'une personne publique reprenant l'activité d'une entité de droit privé propose aux salariés transférés des contrats de droit public.

Un amendement de Michèle de Vaucouleurs, députée (groupe Mouvement Démocrate), a précisé que les critères de répartition des fonds versés par France compétences aux régions pour le financement des CFA font l'objet d'un dialogue avec les régions. Ces critères demeurent néanmoins fixés par décret.

Un amendement du Gouvernement a complété les dispositions relatives à la mission de veille sur les coûts et la prise en charge des formations par France compétences en ajoutant la mission de collecter les informations transmises par les prestataires et de publier « des indicateurs permettant d'apprécier la valeur ajoutée des actions de formation ». Cet amendement prévoit par ailleurs l'obligation pour les centres de formation des apprentis (CFA) de transmettre à France compétences « tout élément relatif à la détermination de leurs coûts ».

En outre, France compétences devra également signaler tout dysfonctionnement identifié dans le cadre de ses missions en matière de formation professionnelle aux services de contrôle de l'État (10°), de consolider, d'animer et, aux termes d'un sous-amendement de notre collègue Gérard Cherpion (groupe Les Républicains), de rendre public les travaux des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications (11°), et de financer des enquêtes de satisfaction auprès d'une « partie significative des entreprises couvertes par les accords collectifs des branches adhérentes à chaque opérateur de compétences » (12°).

Un autre amendement du Gouvernement adopté en séance publique a précisé que France compétences devra également suivre la mise en oeuvre des contrats de plan régionaux de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDEFOP) (17° bis ).

Un amendement de Gérard Cherpion a supprimé la création de la commission qui devait initialement être créée au sein des Crefop et dont les missions ont largement été transférées vers les CPRI.

Deux amendements de la rapporteure adoptés en commission ont précisé que les recommandations émises par France compétences portent sur les niveaux de prise en charge et non sur les coûts des formations. Deux autres confient à cet établissement public la mission d'émettre des recommandations sur « la garantie de l'égal accès de tous les actifs à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage » et sur les modalités et règles de prise en charge des financements alloués au titre du CPF transition, en vue de leur harmonisation.

Un amendement du Gouvernement a limité à quinze le nombre de membres du conseil d'administration de Frances compétences (art. L. 6123-7 proposé).

Un amendement de Gérard Cherpion a précisé que la convention d'objectifs et de performance conclue tous les trois ans entre l'État et France compétences est rendue publique à sa signature et à son renouvellement (art. L. 6123-10 proposé).

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa rapporteure insérant un III bis confiant à France compétences la mission d'assurer, avec les Crefop, le suivi statistique des parcours de validation des acquis de l'expérience que l'article L. 6423-2 confié actuellement au Cnefop.

III - La position de votre commission

Le présent article constitue une profonde réforme du paysage institutionnel en matière de politiques de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Il s'inscrit dans une logique de reprise en main par l'État de compétences aujourd'hui confiées aux partenaires sociaux ou relevant du quadripartisme. Cette logique contribue d'ailleurs à expliquer l'avis défavorable rendu par le Cnefop sur le présent projet de loi.

Vos rapporteurs notent que, outre les ajouts ayant fait l'objet d'une saisine rectificative du Conseil d'État, le présent article a fait l'objet de sept amendements du Gouvernement, dont quatre en séance publique, portant sur la nature juridique même et sur les missions de France compétences. Si la création d'une nouvelle instance de gouvernance mérite une réflexion approfondie, il aurait été préférable que cette réflexion fût menée préalablement au dépôt du projet de loi, notamment afin que l'étude d'impact et l'avis du Conseil d'État portent sur le dispositif réellement proposé par le Gouvernement.

Votre commission a adopté un amendement ( COM-361 ) de ses rapporteurs tendant à ce que les apprentis soient représentés au sein des Crefop.

France compétences sera appelée à exercer des missions dont la diversité justifie aujourd'hui qu'elles soient exercées par des acteurs distincts. Elle devra en effet d'une part assurer un rôle de répartiteur de financements collectés par le réseau des caisses de sécurité sociale et d'autre part exercer des missions d'animation et de régulation et émettre des recommandations. Dans ces conditions, on peut craindre qu'une des missions de cette instance prenne le pas sur les autres.

La liste des missions confiées à France compétences prévue par le texte initial prévoyait neuf thèmes. Les compléments adoptés sur proposition du Gouvernement en séance publique à l'Assemblée nationale ont ajouté des éléments qui apparaissent superflus ou qui ne relèvent pas du domaine règlementaire. En effet, définir trop précisément au niveau législatif les missions confiées à France compétences revient à priver son conseil d'administration de tout pouvoir d'orientation.

Au demeurant, le 9° de l'article L. 6123-5 proposé permet à l'État, aux régions et aux partenaires sociaux de confier à France compétences la mise en oeuvre de « toute autre action en matière de formation continue et d'apprentissage ».

Sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a donc supprimé le 10°, le 11° et le 12° de l'article L. 6123-5 (amendement COM-345 ).

Si le paritarisme fait l'objet de critiques qui peuvent parfois être justifiées, il est faux de dire que les partenaires sociaux ne parviennent jamais à faire évoluer les dispositifs qu'ils gèrent. Ainsi, les grandes lois sur la formation professionnelle ont systématiquement été précédées d'un accord national interprofessionnel qui a prévu les principaux dispositifs que le législateur a ensuite repris. C'est par exemple le cas du CPF. En outre, le Copanef est à l'origine du certificat Cléa, qui est aujourd'hui la formation la plus demandée par les demandeurs d'emploi selon l'étude d'impact (plus de 77 000 formations sur les 820 000 dossiers de demandeurs d'emploi traités).

Il existe cinq organisations syndicales et trois organisations patronales représentatives, dix-huit régions et plusieurs ministères et administrations concernés par la politique de formation et d'apprentissage. Si vos rapporteurs entendent la nécessité de resserrer la gouvernance de cette institution, ils considèrent qu'il n'est pas possible d'associer efficacement l'ensemble des parties prenantes dans un conseil d'administration ne comportant que quinze membres dont des personnalités qualifiées. Votre commission a donc souhaité mieux définir la gouvernance de France compétences en s'inspirant des dispositions qui régissent Pôle emploi, dont le modèle juridique a été cité en exemple par le Gouvernement.

Sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement ( COM-359 ) aux termes duquel chaque collège est composé du même nombre de membres, fixé à cinq. Aucun collège ne pourra donc avoir seul la majorité au sein du conseil d'administration. Cet amendement précise en outre, que le conseil d'administration élit parmi ses membres un président.

Par ailleurs, sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement ( COM-362 ) visant à ce que le conseil d'administration soit consulté sur la désignation du directeur général de France compétences et puisse adopter une délibération demandant sa révocation.

L'article L. 6123-12 proposé, qui permet au Gouvernement de fixer par décret le niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage en cas de carence des opérateurs de compétence, est redondant avec une disposition de l'article 19 du présent projet de loi. Sur proposition de ses rapporteurs, votre commission a donc supprimé cet élément du présent article (amendement COM-364 ).

Le 7° de l'article L. 6123-5 proposé par le présent article confie à France compétences la tâche d'établir le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique prévus par les articles L. 6113-1 et L. 6113-6 dans leur rédaction issue de l'article 14 du présent projet de loi. L'article 14 fait à plusieurs reprises référence à « la commission de France compétences en charge de la certification professionnelle ». En cohérence, votre commission a adopté un amendement ( COM-363) de vos rapporteurs visant à inscrire cette commission dans un nouvel article L. 6123-8-2.

Votre commission a adopté deux amendements rédactionnels de vos rapporteurs ( COM-366 et COM-370 ).

Votre commission a enfin adopté un amendement ( COM-412 ) de vos rapporteurs effectuant les corrections de références rendues nécessaires par la réécriture par l'Assemblée nationale de l'article 17, ainsi qu'un amendement de coordination ( COM-425 ) précisant que les fonds versés par France compétences couvrent également le financement de l'alternance.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16 bis (art. 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) - Déclarations patrimoniale et d'intérêt des membres du conseil d'administration de France compétences

Objet : Cet article complète la liste des personnes qui ont l'obligation d'adresser à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue députée Ericka Bareigts adopté par l'Assemblée nationale en séance publique.

La loi du 11 octobre 2013 pour la transparence de la vie publique 149 ( * ) a prévu une obligation de transmission à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) d'une déclaration d'intérêts et d'une déclaration de situation patrimoniale pour certaines personnes occupant des fonctions publiques.

Cette obligation concerne plus de 15 000 personnes et pèse notamment sur les membres du Gouvernement et leurs collaborateurs ainsi que sur les parlementaires. Sont également concernés les membres des collèges et, le cas échéant, les membres des commissions investies de pouvoirs de sanction ainsi que les directeurs généraux d'autorités administratives et publiques indépendantes énumérés au 6° de l'article 11 de la loi du 11 octobre 2013.

Le présent article ajoute France compétences à cette énumération.

II - La position de votre commission

Si l'article 16 du présent projet de loi précise que le conseil d'administration de France compétences est composé de cinq collèges, la notion de collège ne saurait avoir ici le sens qu'elle revêt s'agissant d'autorités administratives indépendantes investies d'un pouvoir de réglementaire voire de sanction. Il ne semble donc pas que la rédaction proposée étende, ainsi que le souhaitaient les auteurs de l'amendement à l'origine du présent article, les obligations de déclaration à la HATVP aux membres du conseil d'administration de France compétences.

Au demeurant, les membres du conseil d'administration, qui exercent cette fonction à titre gratuit, n'ont pas vocation à prendre des décisions ayant une portée règlementaire. A l'instar des membres du CA de Pôle emploi, il ne semble donc pas pertinent de les soumettre à des obligations de déclaration d'intérêt et de situation patrimoniale.

Dans la mesure où France compétences aura nécessairement un budget supérieur à 200 millions d'euros, son directeur général mais également son directeur général délégué chargé des affaires financières et son secrétaire général seront soumis à de telles obligations conformément au 2° du II de l'article 2 du décret du 28 décembre 2016 150 ( * ) .

Pour ces raisons, votre commission a adopté un amendement ( COM-371 ) de vos rapporteurs visant à supprimer le présent article.

Votre commission a supprimé cet article.


* 135 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.

* 136 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

* 137 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 138 Art. L. 6241-2 du code du travail.

* 139 Voir le commentaire de l'article 11.

* 140 Voir le commentaire de l'article 19.

* 141 Voir le commentaire de l'article 12.

* 142 Voir le commentaire de l'article 10.

* 143 Étude d'impact annexée au projet de loi, p. 155.

* 144 Voir le commentaire de l'article 16.

* 145 Le nouveau schéma de financement est explicité au commentaire de l'article 17.

* 146 L'Assemblée nationale a opéré une renumérotation des parties du présent article.

* 147 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 148 Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

* 149 Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

* 150 Décret n° 2016-1968 du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration de situation patrimoniale prévue à l'article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

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