III. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA SUPPRESSION DU VERROU DE BERCY

La présente proposition de loi abroge le monopole accordé à l'administration fiscale pour le dépôt de plaintes pour fraude fiscale . Elle supprime également la commission des infractions fiscales et donc l'autorisation donnée par cette commission au dépôt de plaintes par l'administration fiscale.

Elle comporte enfin des dispositions de conséquence dont certaines, quoique non explicitement présentées dans l'exposé des motifs, semblent présenter une réelle portée.

L'article premier modifie dans son 1° l'article L. 228 du livre des procédures fiscales en supprimant toute mention du dépôt des plaintes par l'administration ainsi que du recours à la commission des infractions fiscales.

Aux termes de la rédaction proposée par cet article, le procureur de la République territorialement compétent a toute compétence pour apprécier les suites à donner à des faits entrant dans les catégories relevant de cet article, c'est-à-dire ceux qui sont susceptibles de donner lieu à des sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre. C'est donc une suppression complète du dispositif qui est proposé dans ses deux branches : le monopole du dépôt des plaintes par l'administration et le rôle de filtre joué par la commission des infractions fiscales.

Le 2 ° de l'article premier prévoit, dans un article L. 225 B (nouveau) du même livre des procédures fiscales, que les procès-verbaux d'infractions fiscales sont transmis au procureur de la République.

Le même article procède ensuite, du 3° au 7, à des modifications de conséquence dans le même livre des procédures fiscales :

- le précise que l'article L. 229, qui indique que les plaintes sont déposées par le service chargé de l'assiette ou du recouvrement de l'impôt, ne s'applique qu'aux plaintes formées par l'administration ;

- le supprime, à l'article L. 230, la prescription de l'action publique pendant la période d'examen du dossier par la commission des infractions fiscales, puisque cet examen est supprimé ;

- le procède à une modification de conséquence sur l'article L. 232, les plaintes de l'administration fiscale n'étant pas les seules envisageables ;

- le supprime les articles L. 137, L. 228 A et L. 228 B qui décrivent les compétences ou les modalités de fonctionnement de la commission des infractions fiscales. Il supprime également l'article L. 248 qui autorise l'administration à conclure des transactions avant la mise en mouvement d'une action judiciaire ou, en matière de contributions indirectes, avant le jugement définitif.

Votre rapporteur fait observer que la suppression de l'article L. 248 du livre des procédures fiscales semble aller au-delà du simple souci de supprimer le verrou de Bercy , puisqu'elle remet en cause les modalités de réalisation de transactions.

Les articles suivants procèdent également à des coordinations.

L'article 2 supprime le 3 de l'article 1746 du code général des impôts, qui exclut de l'application du « verrou » certaines infractions d'obstruction.

L'article 3 supprime la nécessité d'un avis conforme de la commission des infractions fiscales pour la transmission au procureur de la République d'informations relatives à des frais frauduleux à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin (article L. 711-21), à Saint-Pierre-et-Miquelon (VI de l'article L. 725-3 35 ( * ) ), en Nouvelle-Calédonie (5° du III de l'article L. 745-13) et en Polynésie française (5° du III de l'article L. 755-13).

L'article 4 modifie l'article 28-2 du code de procédure pénale, qui définit les modalités de mise en oeuvre de la procédure d'enquête judiciaire pénale précitée, au cours de laquelle des agents des services fiscaux peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires. La rédaction actuelle de l'article 28-2 limite l'action de ces agents aux infractions fiscales qui sont présumées appartenir aux cas visés actuellement aux 1° à 5° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, c'est-à-dire des cas où existe un risque de dépérissement de preuves, ce qui justifie le lancement d'une investigation sans en avertir le contribuable. La rédaction proposée supprime cette limitation et étend donc, de fait, l'action des agents des services fiscaux à l'ensemble des infractions de nature fiscale prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts.

Votre rapporteur considère qu'une telle extension de la procédure d'enquête judiciaire pénale nécessiterait des explications supplémentaires. Il convient de rappeler que cette procédure, instaurée en 2009, vise des cas de fraude dont la gravité, ainsi que le risque de dépérissement des preuves, justifient qu'il soit dérogé au principe selon lequel le contribuable est averti du déclenchement d'une investigation à son égard. Il apparaît donc qu'une suppression éventuelle du « verrou de Bercy » ne pourrait être réalisée sans une réflexion plus approfondie sur la procédure d'enquête judiciaire fiscale.

L'article 5 abroge l'article 1 er de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière. Cet article, qui définit la procédure du monopole du dépôt des plaintes pénales en matière fiscale par l'administration fiscale ainsi que la nécessité d'un avis conforme de la commission des infractions fiscales, a été codifié à l'article L. 228 du livre des procédures fiscales.

L'article 6 supprime, dans la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, des références à la procédure devant la commission des infractions fiscales dans le cadre de la répression de la fraude à la réglementation fiscale dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. Il s'agit d'une coordination avec les modifications apportées par l'article 3.

L'article 7 supprime les dispositions relatives à l'entrée en vigueur de l'article 58 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, qui étend le délai de reprise de l'administration fiscale de dix ans à l'ensemble des avoirs détenus à l'étranger et non déclarés.

Votre rapporteur fait observer que cet article supprime en fait une disposition transitoire qui n'a plus vocation à s'appliquer. En tout état de cause, une rédaction différente serait nécessaire pour assurer son effectivité juridique.


* 35 Une erreur manifeste de rédaction concerne cette mention : la proposition de loi vise la fin de la troisième phrase du VI de l'article L. 725-3 du code monétaire et financier alors qu'il conviendrait de viser la fin de la quatrième phrase.

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