EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN RÉGIME DE RETRAITE SPÉCIFIQUE TRÈS LARGEMENT FINANCÉ PAR LA SOLIDARITÉ NATIONALE MAIS QUI N'OFFRE TOUJOURS PAS UN NIVEAU DE VIE SATISFAISANT AUX NON-SALARIÉS AGRICOLES RETRAITÉS

A. UN RÉGIME AUX RÈGLES SPÉCIFIQUES QUI SERAIT FORTEMENT DÉSÉQUILIBRÉ SANS UN FINANCEMENT PAR LA SOLIDARITÉ NATIONALE

1. Un régime spécifique à trois étages qui s'est construit dans le temps
a) Une retraite de base constituée de deux étages

Mise en place par la loi du 10 juillet 1952 5 ( * ) , la retraite de base des non-salariés agricoles est composée de deux volets : une retraite forfaitaire et une retraite proportionnelle.

La retraite forfaitaire est versée en contrepartie de la cotisation d'assurance vieillesse individuelle (AVI). Assise sur les revenus professionnels, l'assiette minimale de cette assurance vieillesse est de 800 Smic et son taux est fixé à 3,32 % pour 2018 (voir tableau). Elle permet d'obtenir, quelle qu'ait été la capacité contributive de l'assuré, la part forfaitaire de la pension agricole dont le montant dépend de la durée d'affiliation au régime en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole.

La retraite proportionnelle est versée en contrepartie de la cotisation vieillesse agricole (AVA). Elle est calculée en fonction des revenus professionnels dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale. Cette retraite proportionnelle est organisée selon un système par points, acquis en fonction d'un barème variant selon le revenu. Des points supplémentaires peuvent également être acquis, au bénéfice par exemple de la majoration de durée d'assurance pour enfant.

Pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, l'assiette minimale de l'assurance vieillesse agricole est de 600 Smic. Pour les conjoints et aides familiaux, elle est assise sur une assiette minimale forfaitaire de 400 Smic. Le taux de cotisation s'élève à 11,55 % pour 2018.

Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole bénéficient en outre d'une assurance vieillesse agricole déplafonnée , assise également sur les revenus professionnels et sur la base minimale de 600 Smic, au taux de 2,24 % pour 2018 (AVA déplafonnée).

La retraite de base des non-salariés agricoles, qui additionne retraites forfaitaire et proportionnelle, ne peut dépasser la limite de 50 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).

Le régime d'assurance vieillesse des non-salariés agricoles comprend 1,4 million de retraités dont 1,3 million de droit direct. Pour une carrière complète dans le régime, la pension de base servie aux anciens chefs d'exploitation s'élève en moyenne à 751 euros par mois. Celle servie aux conjoints est de 566 euros par mois et les aides familiaux perçoivent en moyenne une retraite de base de 553 euros par mois 6 ( * ) .

L'assurance vieillesse des non-salariés dans les outre-mer fait l'objet de règles spécifiques à la fois de gestion et de cotisations, sur lesquelles ce rapport reviendra.

b) Une retraite complémentaire récente

Le régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) pour les non-salariés agricoles a été créé par la loi du 4 mars 2002 7 ( * ) , dite « loi Peiro », et mis en oeuvre depuis 2003.

Ce régime complémentaire avait déjà pour ambition, lors de sa création, de soutenir les faibles retraites agricoles, l'article 1 er de la loi Peiro posant l'objectif « de garantir, après une carrière complète en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins égal à 75 % du salaire minimum de croissance net. » Il repose ainsi sur un système par points, certains étant attribués à titre gratuit et d'autres acquis par cotisation. En effet, afin de revaloriser à court terme les pensions des non-salariés agricoles, la loi prévoyait d'accorder des points de retraite complémentaire pour que les retraités n'ayant pas encore cotisé dans le régime puissent bénéficier immédiatement d'une retraite complémentaire.

Les anciens chefs d'exploitation ont ainsi bénéficié de 100 points de retraite par an s'ils avaient cotisé au moins 17,5 années dans le régime des exploitants, pour un coût de 150 millions d'euros.

Les cotisations au RCO sont assises sur les revenus professionnels, l'assiette minimale étant fixée à 1 820 Smic pour les chefs d'exploitation et 1 200 Smic pour les autres non-salariés agricoles. Le taux de cotisation, initialement fixé à 3 %, a été porté à 3,5 % en 2017 puis à 4% pour 2018 8 ( * ) .

D'abord réservé aux seuls chefs d'exploitation, le régime complémentaire obligatoire a été étendu à l'ensemble des non-salariés agricoles en 2011. Les conjoints et aides familiaux ont également pu bénéficier de points « gratuits » de retraite complémentaire de manière rétroactive grâce à la loi du 20 janvier 2014 9 ( * ) . Ils ont ainsi acquis 66 points par an, dans la limite de 17 ans, sous réserve d'avoir cotisé pendant 32,5 années dans le régime des non-salariés agricoles. Cette mesure, qui a bénéficié à 477 000 personnes en 2014, a représenté un coût de 136 millions d'euros en 2014 et 145 millions d'euros en 2015.

Le RCO des non-salariés agricoles bénéficie à 680 000 retraités de droits directs et 105 000 de droits indirects. Parmi les droits servis, 93 % sont issus de points acquis à titre gratuit.

La pension moyenne de RCO versée aux anciens chefs d'exploitation est de 96 euros par mois et de 31 euros par mois pour les conjoints et aides familiaux retraités 10 ( * ) .

c) Des dispositifs de solidarité spécifiques aux non-salariés agricoles

Il existe deux dispositifs de solidarité spécifiques au régime des non-salariés agricoles, destinés à soutenir les faibles pensions de retraite. Le premier dispositif, appelé pension majorée de référence, permet de revaloriser la pension de base. L'autre dispositif assure aux exploitants agricoles que leur pension globale, base et complémentaire, atteigne un montant minimum garanti à 75 % du Smic.

(1) La pension majorée de référence (PMR)

Ce dispositif de majoration de la pension de base est similaire au minimum contributif (MiCo) qui existe dans les régimes de retraites alignés. Mise en place par la loi de financement de de la sécurité sociale pour 2009 11 ( * ) , la PMR permet de faire porter la pension servie aux non-salariés agricoles retraités à un montant minimum déterminé par la durée d'assurance et le statut de l'assuré.

Le montant de la PMR, qui est revalorisé dans les mêmes conditions que les pensions de retraite de base, s'élève à 687,33 euros par mois pour les chefs d'exploitation et 556,17 euros par mois pour les conjoints et aides familiaux 12 ( * ) , pour une carrière complète dans le régime des non-salariés agricoles. Ces montants sont « proratisés » si la durée d'assurance du bénéficiaire est inférieure à la durée de référence dans le régime.

(2) La garantie minimale à 75 % du Smic

La loi du 20 janvier 2014 a rendu effectif l'objectif de garantir un montant minimum de pension globale, base et complémentaire, à 75 % du Smic net agricole pour une carrière complète. La mise en oeuvre de ce dispositif s'est traduite par l'attribution, à titre gratuit, d'un complément différentiel de points de retraite complémentaire pour les anciens chefs d'exploitation dont la retraite globale n'atteignait pas ce seuil, après la majoration éventuelle de leur pension de base (PMR) 13 ( * ) .

Le complément différentiel assurant cette pension minimum à 75 % du Smic net agricole bénéficie à 230 000 personnes en 2017, qui voient leur pension revalorisée d'environ 35,9 euros par mois grâce à ce dispositif 14 ( * ) . D'après les chiffres communiqués à votre rapporteur, le coût de cette mesure de solidarité s'élèverait à 146 millions d'euros par an entre 2018 et 2030 selon la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA).

2. La solidarité nationale contribue largement à l'équilibre financier du régime qui demeure pourtant fragile
a) Les cotisations sociales brutes : une part minoritaire du financement du régime

La part occupée par les cotisations sociales dans le financement du régime des non-salariés agricoles est faible.

En 2018, le régime de base devrait verser 7,3 milliards d'euros de prestations mais ne recouvrer que 1,2 milliard d'euros de cotisations sociales 15 ( * ) . Cette situation résulte des deux faiblesses structurelles du régime qui justifient le recours à la solidarité nationale : le très fort déséquilibre démographique et la faiblesse des revenus agricoles (voir infra) .

b) Le régime des non-salariés agricoles est largement financé par la solidarité nationale

Les recettes du régime, qui représentent 7,4 milliards d'euros en 2017, sont essentiellement constituées du produit du transfert entre régimes de base au titre de la compensation démographique, à hauteur de 3 milliards d'euros, et du produit de taxes affectées, principalement les taxations sur les boissons alcoolisées et non alcoolisées pour 2,8 milliards d'euros (voir graphique ci-après) .

Malgré ce recours à la solidarité nationale, la branche vieillesse du régime connait un déficit de 265 millions d'euros en 2016, qui devrait être ramené à 73 millions d'euros en 2017.

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, Les comptes de la Sécurité sociale. Résultats 2016, prévisions 2017 et 2018 (septembre 2017)

Le financement du régime complémentaire obligatoire est, à cet égard, assez spécifique, puisqu'il fait également appel à la solidarité nationale, contrairement à tous les autres régimes complémentaires.

Alors qu'il a servi 730 millions d'euros de prestations en 2016, le régime RCO n'a perçu que 334 millions d'euros de cotisations. En plus des cotisations, le RCO est donc largement financé par des taxes affectées 16 ( * ) à hauteur de 253 millions d'euros en 2016. Il est prévu pour 2018 que la taxe sur les alcools (93 millions d'euros), celle sur les huiles alimentaires (137 millions d'euros) et celle sur les farines (64 millions d'euros) permettent d'abonder le régime à hauteur de 294 millions d'euros.

En outre, une dotation au régime de 55 millions d'euros de la mission Régimes sociaux de retraites du budget de l'État pour 2017 a été reconduite en 2018, pour le même montant. En contrepartie, la hausse du taux de cotisation à 4 % pour 2018 permettrait de faire porter les recettes issues des cotisations à 469 millions d'euros 17 ( * ) .


* 5 Loi n° 52-799 du 10 juillet 1952 assurant la mise en en oeuvre du régime de l'allocation de vieillesse des personnes non salariées et la substitution de ce régime à celui de l'allocation temporaire.

* 6 Données au 31 décembre 2016, fournies par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à la demande de votre rapporteur.

* 7 Loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles, loi dite « Peiro » en référence à Germinal Peiro, député de la Dordogne.

* 8 Décret n° 2016-1961 du 28 décembre 2016 fixant pour les années 2016 à 2018 les modalités de financement du régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.

* 9 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 10 Données au 31 décembre 2016, fournies par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à la demande de votre rapporteur.

* 11 Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 12 Données au 1 er octobre 2017, fournies par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à la demande de votre rapporteur.

* 13 Sur les règles encadrant le bénéfice de cette prestation, voir le commentaire de l'article 1 er .

* 14 Données fournies par le ministère des solidarités et de la santé à la demande de votre rapporteur.

* 15 Commission des comptes de la sécurité sociale, Les comptes de la Sécurité sociale. Résultats 2016, prévisions 2017 et 2018 (septembre 2017).

* 16 Sur les différentes ressources financières du RCO, voir le commentaire de l'article 2.

* 17 Données CCMSA.

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