B. UN DISPOSITIF LARGEMENT INSUFFISANT AU REGARD DES ENJEUX

S'il repose sur un compromis historique acquis à la fin du XIXe siècle et qui a profondément marqué notre législation sociale, ce dispositif de réparation apparaît aujourd'hui insuffisant à plusieurs égards :

- au regard des données collectées par les épidémiologistes dans le secteur agricole, les pathologies liées à l'exposition aux pesticides font l'objet d'une sous-déclaration et d'une sous-reconnaissance manifestes ;

- les tableaux de maladies professionnelles ne sont que trop peu actualisés et les conditions de réparation qui y figurent souvent qu'imparfaitement adaptées au type de pathologie ;

- le dispositif de réparation ne permet pas de prendre en compte les préjudices extra-patrimoniaux qui résultent de la pathologie occasionnée par l'exposition aux produits phytopharmaceutiques ; seule une indemnisation forfaitaire est versée, permettant la prise en charge des frais de soins, des indemnités journalières ainsi qu'une indemnisation en cas de séquelles sous la forme d'un capital ou d'une rente ;

- enfin, le système ne garantit pas une véritable équité. La prise en charge diffère en fonction des professionnels concernés. Au sein du secteur agricole lui-même, le niveau d'indemnisation est par exemple plus élevé pour les salariés que pour les exploitants agricoles, comme l'a rappelé le ministère chargé de la santé à votre rapporteur. Enfin, l'exposition aux pesticides s'étend bien au-delà des seuls professionnels pour toucher en réalité potentiellement l'ensemble des citoyens plus ou moins directement et à des degrés divers.

L'ensemble de ces limites avait été souligné dès 2012 par la mission commune d'information sénatoriale précitée.

Les insuffisances du système de reconnaissance des maladies professionnelles :

Extraits du rapport de la mission commune d'information sénatoriale sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement (2012)

A l'origine, le système de reconnaissance des maladies professionnelles a été établi pour réparer les conséquences de l'exposition professionnelle à certains risques physiques, chimiques ou biologiques et pour répondre à la difficulté d'établissement du lien de causalité entre cette exposition et la maladie contractée par le travailleur. Ainsi, l'ensemble du système repose sur une présomption de causalité pour les personnes ayant travaillé au contact de certains risques répertoriés, et constatant l'apparition d'une pathologie dans un délai déterminé. (...)

Toutefois, il est apparu à la mission d'information que ce système de réparation au moyen des tableaux de maladies professionnelles est globalement insatisfaisant ou tout au moins insuffisant dans le cas des risques liés aux pesticides.

Les tableaux concernant ces substances sont peu nombreux, les critères d'obtention de la reconnaissance de maladie professionnelle sont très rigides , conduisant bien souvent le malade à un véritable parcours du combattant. Par ailleurs, les auditions de représentants de la MSA (Mutualité sociale agricole) et de la CNAMTS (Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés) ont permis de constater les très faibles chiffres de reconnaissance de maladies professionnelles en France, laissant suspecter un phénomène de sous-déclaration d'une ampleur difficile à évaluer.

Le système n'est pas entièrement satisfaisant du point de vue de la responsabilité au sens large, dans la mesure où il fait exclusivement reposer sur la collectivité le poids financier de la réparation.

Il convient pour finir de garder à l'esprit que le système en vigueur ne touche, par définition, que les travailleurs au contact du risque pesticides, et qu'il ne bénéficie pas, de fait, aux jardiniers du dimanche ou encore aux riverains des exploitations agricoles .

Source : Rapport d'information n° 42 (2012-2013) « Pesticides : vers le risque zéro » fait au nom de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement par Mme Nicole Bonnefoy.

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