EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'EXPOSITION AUX PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES EST DEVENUE UN ENJEU SANITAIRE MAJEUR

A. UNE PRISE DE CONSCIENCE CROISSANTE DES RISQUES POUR LA SANTÉ HUMAINE

Dans le contexte du modèle agricole conçu dans l'après-seconde guerre mondiale pour parvenir à l'autosuffisance en privilégiant des techniques intensives permettant une élévation des rendements, la consommation de pesticides aurait globalement doublé tous les dix ans entre 1945 et 1985. Aujourd'hui, malgré les mesures mises en place dans la période récente, notamment le plan « Ecophyto 1 » , cette dépendance aux produits phytopharmaceutiques demeure très forte, en particulier dans les secteurs de la viticulture et de l'arboriculture. La France demeure ainsi l'un des tout premiers consommateurs de pesticides en Europe et dans le monde.

Pendant longtemps, cette dépendance s'est accompagnée d'une sous-évaluation des risques liés à l'usage de ces produits et la conscience des réels dangers qu'ils occasionnent sur l'environnement et la santé humaine est demeurée insuffisante. Dès les années 1970 cependant, des interrogations ont émergé sur l'impact des pesticides sur l'environnement. Au début des années 1980, l'utilisation des pesticides a progressivement fait l'objet d'une réglementation plus contraignante à l'échelle de l'Union européenne. Depuis lors, de nombreux rapports ont permis une prise de conscience progressive par les pouvoirs publics et nos concitoyens de la gravité et de l'ampleur des risques liés à ces produits pour la santé humaine.

Le rapport de la mission commune d'information sénatoriale de 2012 relevait ainsi une sous-évaluation des dangers et des risques présentés par les pesticides malgré « un consensus scientifique autour d'effets sanitaires connus » 3 ( * ) .

Tout récemment, le rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales, du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et du Conseil général de l'environnement et du développement durable, rendu public le 19 janvier dernier, constatait que : « L'utilisation massive des produits phytopharmaceutiques constitue un enjeu majeur de santé publique tant pour les applicateurs et leurs familles que pour les riverains et la population en général à travers les modes de contamination par l'air, l'eau, le sol et l'alimentation (...). Selon les modes de contamination, ce sont plus d'un million de professionnels de l'agriculture, la population des riverains et, plus largement, l'ensemble des consommateurs qui sont potentiellement exposés aux dangers que peuvent présenter les pesticides ». 4 ( * )

Dans ce contexte, l'Assemblée nationale a, elle aussi, fait de ce sujet l'une de ses priorités, avec la mise en place en octobre dernier, d'une mission d'information commune sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques 5 ( * ) .

De l'avis général, la nécessité de protéger les populations s'impose même en l'absence d'interdiction décidée à l'échelon européen, où se prennent les décisions relatives à l'autorisation des produits phytopharmaceutiques. En ce sens, le rapport d'inspection précité souligne en particulier que le cadre juridique défini à l'échelle européenne « laisse persister des substances reconnues dangereuses dans l'attente du renouvellement de leur approbation » et appelle les autorités à agir vis-à-vis des « substances les plus préoccupantes qui demeurent sur le marché ». Votre rapporteur ne peut que partager cette analyse .


* 3 Rapport d'information n° 42 (2012-2013) « Pesticides : vers le risque zéro » fait au nom de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement par Mme Nicole Bonnefoy.

* 4 « Utilisation des produits phytopharmaceutiques », rapport IGAS n° 2017-124R/CGEDD n° 011624-01/ CGAAER n° 17096, décembre 2017.

* 5 Mission commune d'information constituée le 26 octobre 2017 et présidée par Mme Élisabeth Toutut-Picard.

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