EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES DROITS DE L'AIDANT : UNE oeUVRE INACHEVÉE PEINTE À PETITES TOUCHES

A. L'AIDANT : UNE RÉALITÉ JURIDIQUE PROTÉIFORME

L'émergence d'un statut juridique unifié de l'aidant s'est jusqu'à présent heurtée à la diversité des situations auxquelles pouvaient être confrontées les personnes assurant ce rôle. Outre l'évolution de leur appellation, qui entend prendre en compte les évolutions progressives de la fonction, l'aidant se voit reconnaître un éventail de droits différents selon qu'il accompagne un enfant atteint d'une pathologie grave , une personne atteinte de handicap ou une personne en perte d'autonomie . Les deux derniers cas doivent cependant être distingués du premier, en raison du versement par le conseil départemental de deux allocations compensatrices - prestation de compensation du handicap (PCH) et allocation personnalisée à l'autonomie (Apa) - sur lesquelles le financement de l'aidant peut être assuré.

1. Des appellations diverses

Les différences d'appellation entre aidants selon le public auquel l'aide est apportée peuvent être génératrices d'importantes confusions.

Le statut de la personne apportant de l'aide à un enfant atteint de pathologie grave ne fait pas l'objet de dispositions dérogatoires au droit de la politique familiale. L'article L. 222-2 du code de l'action sociale et des familles (CASF) ne limite pas la notion d'aidant, sans toutefois la désigner par cette appellation, aux seuls parents de l'enfant puisqu'il dispose que « l'aide à domicile est attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou, à défaut, à la personne qui assume la charge effective de l'enfant, lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l'exigent ». Cette aide à domicile peut prendre la forme d'une aide financière ou d'une aide humaine définie au cas par cas par le conseil départemental.

Pour le cas des personnes venant en aide aux personnes atteintes de handicap , le CASF retient la notion d' aidant familial , définie à l'article R. 245-7 comme « le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle la personnes handicapée a conclu un pacte civil de solidarité, l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de la personne handicapée, ou l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple qui apporte l'aide humaine [...] et qui n'est pas salarié pour cette aide ».

Pour le cas des personnes âgées en perte d'autonomie , la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement 1 ( * ) (ASV) a introduit la notion de proche aidant , définie à l'article L. 113-1-3 du CASF comme le « conjoint, le partenaire avec qui [la personne âgée] a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel , pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ». On constate que la notion de proche aidant est appréhendée de façon plus extensive que celle d'aidant familial, puisque sont explicitement incluses des personnes non liées à la personne âgée par des liens de parenté,

2. Dédommagement et rémunération : des distinctions nécessaires

Malgré la diversité de ses appellations, la qualité d'aidant reste définie par un critère déterminant : l'absence de lien de subordination l'unissant à la personne aidée . La personne aidée reste cependant tout à fait libre d'employer son aidant par conclusion d'un contrat de travail.

Dans le cas de l'aide apportée aux personnes handicapées, l'article L. 245-3 du CASF prévoit expressément que la PCH peut être affectée au financement des aides humaines apportées par les aidants familiaux. L'article L. 245-12 rappelle bien que ce versement n'induit pas de « lien de subordination avec la personne handicapée », lui conférant la qualité de dédommagement et non celle de rémunération. Un arrêté du 28 décembre 2005 2 ( * ) limite le dédommagement mensuel de l'aidant familial à 85 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) mensuel net, montant majoré de 20 % lorsque l'aidant n'exerce aucune activité professionnelle afin d'apporter une aide à une personne handicapée dont l'état nécessite une présence constante 3 ( * ) .

En revanche, contrairement à l'aidant familial pour le cas d'une personne handicapée, aucune disposition du CASF ne prévoit de dédommagement du proche aidant d'une personne âgée en perte d'autonomie sur le versement de l'Apa . Ainsi, le seul mode possible de financement du proche d'aidant est la rémunération par la personne aidée en qualité d'employeur. L'article L. 232-15 du CASF, qui régit la partie de l'Apa destinée à la rémunération d'un intervenant, a été profondément modifié par la loi ASV afin de dépasser le seul cas d'intervention de services d'aide à domicile (Saad), mais ne mentionne pour autant pas explicitement le proche aidant comme récipiendaire potentiel de cette rémunération 4 ( * ) .

Cette première différence de financement des aidants, distingués selon le public auquel ils apportent leur aide, pour surprenante qu'elle paraît, se justifie par l'élasticité de la notion de proche aidant prévue par la loi ASV . En effet, l'extension de la notion de proche aidant à des personnes extérieures au cercle familial, utile pour lutter contre l'isolement de certaines personnes âgées en perte d'autonomie, présente un risque d'abus dès qu'est ouverte la possibilité d'un dédommagement financier.

Pour autant, cette différence entre aidant familial et proche aidant soulève un problème important d'égalité de traitement, d'autant plus préoccupant qu'elle se double d'une seconde discrimination, de nature fiscale .

En effet, la nature du dédommagement financier reçu par l'aidant familial sur la PCH perçue par la personne aidée le fait logiquement échapper à l'impôt sur le revenu (IR), dont l'assiette est limitée aux revenus professionnels. Les dédommagements financiers des aidants familiaux sont ainsi imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), avec la possibilité pour eux de recourir au régime déclaratif spécial prévu par l'article 102 ter du code général des impôts. Ce régime déclaratif, ouvert aux cas de revenus non professionnels annuels inférieurs à 33 200 euros 5 ( * ) , permet aux aidants familiaux de bénéficier d'un abattement de 34 % sur les sommes effectivement touchées.

Par ailleurs, les dédommagements des aidants familiaux n'ayant pas la qualité de revenus professionnels, ils ne sont pas assujettis aux cotisations sociales, contrairement aux rémunérations éventuelles touchées par les proches aidants. Jusqu'en 2018, l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale prévoyait que les dédommagements financiers, comme revenus assujettis au régime des BNC et exclus de l'assiette des cotisations sociales, seraient assujettis aux prélèvements sociaux (CSG et CRDS) sur les revenus du patrimoine au taux global de 15,5 %. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 6 ( * ) est revenue, pour l'assujettissement à la CSG, sur cette disposition et a assimilé le dédommagement financier de l'aidant familial à un revenu d'activité ou de remplacement, rabaissant ainsi le taux de leur CSG à 9,2 %. Cette mesure, favorable aux aidants familiaux, a néanmoins eu pour conséquence de creuser un peu plus l'écart financier entre ces derniers et les proches aidants .


* 1 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 2 Arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de l'élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 3 Ces plafonds sont actuellement de 960 euros et 1 152 euros mensuels respectivement.

* 4 « La partie de l'allocation destinée à rémunérer un salarié, un accueillant familial ou un service d'aide à domicile [...] peut être versée au bénéficiaire de l'allocation sous forme de chèque emploi-service universel ».

* 5 Le dédommagement d'un aidant familial étant limité à 1 152 euros mensuels, le régime déclaratif spécial leur est normalement ouvert à tous.

* 6 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 8. Cette modification fut introduite à la faveur d'un amendement n° 219 déposé lors du passage du texte en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

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