B. SIMPLIFIER LE RÉGIME DES ASSIGNATIONS À RÉSIDENCE

Les articles 1 er et 2 de la proposition de loi tendent à remplacer les deux régimes actuels d'assignation à résidence de la procédure « Dublin » 64 ( * ) par un régime d'assignation unique, d'une durée de 45 jours renouvelable trois fois pour la même durée (soit un total de 180 jours) .

D'après notre collègue député Jean-Luc Warsmann, il s'agit « d'unifier le régime de l'assignation à résidence » car il semble « complexe de faire perdurer un régime de droit commun et un régime destiné aux personnes relevant du règlement Dublin » 65 ( * ) .

Cette mesure de simplification impliquerait une diminution de la durée totale possible d'assignation à résidence des personnes sous procédure « Dublin », qui passerait ainsi de 450 66 ( * ) à 180 jours, soit une réduction de 270 jours. Si votre rapporteur s'est interrogé sur cette disposition, les services centraux et déconcentrés de l'État considèrent toutefois cette durée de 180 jours comme suffisante pour mener à bien les procédures.

C. GARANTIR LES DROITS DES « DUBLINÉS »

Nos collègues députés ont souhaité compléter la proposition de loi afin de garantir le respect des droits des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin ».

En réalité, l'ensemble de ces droits sont d'ores et déjà assurés par le règlement « Dublin III », d'application directe. D'un point de vue strictement juridique, ces ajouts de l'Assemblée nationale pourraient donc paraître redondants par rapport au droit communautaire.

À l'initiative de Mme Coralie Dubost et du groupe La République En Marche, nos collègues députés ont tout d'abord prévu qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité durant l'ensemble de la procédure « Dublin ». De même, la préfecture devrait évaluer « l'état de vulnérabilité » de l'étranger « dubliné » avant son placement en rétention (article 1 er de la proposition de loi) . Ces dispositions s'ajouteraient à l'examen de vulnérabilité des demandeurs d'asile déjà prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La notion de « vulnérabilité »

D'origine communautaire, la notion de « vulnérabilité » est aujourd'hui transversale à l'ensemble du droit français de l'asile et de l'immigration .

Elle permet la mise en oeuvre de garanties procédurales spécifiques pour les personnes « vulnérables » , telles que « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents seuls accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle » 67 ( * ) .

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) procède ainsi à un examen de vulnérabilité fondé sur questionnaire normalisé permettant d'apprécier les besoins d'hébergement et « d'adaptation » de tous les demandeurs d'asile, « dublinés » inclus (handicap sensoriel, handicap moteur, etc .) 68 ( * ) .

Ces informations sont prises en compte dans l'ensemble des procédures administratives . L'article 10 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 69 ( * ) précise ainsi que « lorsque des personnes vulnérables sont placées en rétention, les États membres veillent à assurer un suivi régulier de ces personnes et à leur apporter un soutien adéquat, compte tenu de leur situation particulière, y compris leur état de santé ».

En application du droit communautaire, l'article L. 551-1 du CESEDA prévoit par exemple que « le placement en rétention d'un étranger accompagné d'un mineur n'est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l'accueil des familles . L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». De même, son article R. 553-8 dispose que les locaux et les moyens matériels des centres de rétention administrative « doivent permettre au personnel de santé de donner des consultations et de dispenser des soins ».

Dans la même logique, nos collègues députés ont précisé, sur proposition du Gouvernement, que l'étranger ne peut être maintenu en rétention que le « temps strictement nécessaire » à la mise en oeuvre de la procédure « Dublin » (article 1 er de la proposition de loi) , disposition qui reprend l'article 28 du règlement « Dublin III ».

En outre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Coralie Dubost pour que les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure « Dublin » reçoivent, « dans une langue qu'il(s) compren(nent) ou dont il est raisonnable de supposer qu'il(s) la compren(nent), une information sur (leurs) droits et obligations » (article 1 er bis de la proposition de loi) . Là encore, cette mesure est d'ores et déjà prévue par l'article 4 du règlement « Dublin III », d'application directe, que la Commission européenne a mis en oeuvre en publiant deux brochures d'information spécifiques 70 ( * ) . De même, le Conseil d'État considère depuis de nombreuses années que l'absence d'information ou son manque d'intelligibilité au cours d'une procédure « Dublin » constitue une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile » 71 ( * ) .

Enfin, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa présidente, Mme Yaël Braun Pivet, précisant qu'aucune procédure « Dublin » ne peut conduire à transférer un demandeur d'asile vers un pays faisant preuve de « défaillances systémiques » dans les procédures et les conditions d'accueil des demandeurs (article 2 de la proposition de loi) .

Définie par l'article 4 du règlement « Dublin III », cette interdiction se réfère aux États dans lesquels il existe un « risque de traitement inhumain et dégradant » des demandeurs d'asile. En l'état du droit, le transfert de demandeurs vers ces États peut déjà être interdit par :

- la Commission européenne, qui a suspendu les réadmissions vers la Grèce entre 2011 et 2017 (voir supra ) ;

- chaque État, dont le ministère en charge du droit d'asile peut « activer » cette interdiction ;

- le juge, la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant par exemple reconnu une « défaillance systémique » de la Hongrie en septembre 2016 et donc annulé une décision de transfert vers cet État 72 ( * ) .


* 64 Soit l'assignation à résidence ad hoc d'une durée de six mois, renouvelable une fois, avant la décision de transfert (article L. 742-2 du CESEDA), et l'assignation de droit commun, d'une durée de 45 jours, renouvelable une fois, après la décision de transfert (article L. 561-2 du CESEDA).

* 65 Rapport n° 427, op.cit. , p. 16.

* 66 Soit 360 jours (deux fois six mois) au titre de l'assignation à résidence ad hoc avant la décision de transfert, plus 90 jours au titre de l'assignation de droit commun après la décision de transfert.

* 67 Article 20 de la directive 2011/95/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

* 68 Arrêté du 23 octobre 2015 relatif au questionnaire de détection des vulnérabilités des demandeurs d'asile prévu à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 69 Directive du Parlement et du Conseil établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 70 Voir supra pour plus de précision.

* 71 Conseil d'État, 30 juillet 2008, M. Khizir A , affaire n° 313767.

* 72 Cour administrative d'appel de Bordeaux, 27 septembre 2016, affaire n° 16BX00997.

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