E. LA RATIONALISATION DES RÈGLES DE LA NÉGOCIATION DE LA BRANCHE

1. L'accélération de la restructuration du paysage conventionnel

Le cadre fixé par la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation
à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
(article 1 er , 2°, d)

« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin :

[...]

2° De favoriser les conditions de mise en oeuvre de la négociation collective en :

[...]

d) Modifiant la section 8 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la deuxième partie du code du travail et les II à V de l'article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et en fixant à vingt-quatre mois les délais mentionnés aux IV et V du même article 25. »

L' article 12 de l'ordonnance accélère le calendrier de la restructuration des branches professionnelles prévue à l'article 25 de la loi « Travail ».

C'est désormais à l'expiration d'un délai de deux ans, et non plus trois ans, à compter de la promulgation de cette même loi (soit après le 8 août 2018), que le ministre du travail pourra engager la fusion des branches n'ayant pas conclu d'accord ou d'avenant depuis le 8 août 2009. Cette prérogative du ministre s'appliquera également aux branches comptant moins de cinq mille salariés.

En outre, jusqu'au 8 août 2019, et non plus jusqu'au 8 août 2020, toute opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) empêchera le ministre du travail de poursuivre un projet de fusion de deux branches.

2. Les nouvelles règles de négociation dans les branches

L' article 6 réécrit intégralement les dispositions relatives à la négociation de branche, en appliquant le triptyque ordre public/champ de la négociation collective/dispositions supplétives, qui avait été utilisé par la loi « Travail » en matière de durée du travail, de repos et de congés. En l'absence d'accord de branche, les dispositions supplétives qui s'appliquent sont toutes reprises du droit en vigueur avant la publication de l'ordonnance .

• Les dispositions d'ordre public

La nouvelle rédaction de l'article L. 2241-1 du code du travail définit les cinq thèmes de négociation que les partenaires sociaux au niveau de la branche doivent aborder au moins tous les quatre ans :

- les salaires ;

- l' égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (et les mesures de rattrapage si des inégalités existent) ;

- les conditions de travail , la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et la prise en compte des effets de l'exposition aux facteurs de risques professionnels ;

- l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés ;

- les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle des salariés.

Deux autres thèmes devront être examinés au moins tous les cinq ans :

- l'opportunité de réviser les classifications ;

- la création d'un plan d'épargne interentreprises (PEI) ou d'un plan d'épargne pour la retraite collectif interentreprises (Perco) dans les branches qui en sont dépourvues.

Reprenant à l'identique les termes de l'article L. 2241-13 en vigueur jusqu'à présent, l'article L. 2241-2 oblige les partenaires sociaux de la branche à ouvrir une négociation sur le temps partiel dès qu'un tiers de l'effectif de la branche a adopté cet aménagement du temps de travail.

Enfin, reprenant sans modification les dispositions de l'article L. 2241-12 applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, l'article L. 2241-3 sanctionne l'absence d'engagement sérieux et loyal d'une négociation par l'obligation de réunir la commission mixte paritaire , si un syndicat de salariés ou une organisation professionnelle d'employeurs représentative le demande. L'engagement de la négociation est qualifié de sérieux et loyal lorsque la partie patronale communique aux organisations syndicales les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et répond de manière motivée à leurs éventuelles propositions.

• Le champ de la négociation collective

L'article L. 2241-4 invite les partenaires sociaux à négocier et conclure, au niveau de la branche ou d'un secteur professionnel, un accord de méthode , chargé de préciser le calendrier des négociations, les thèmes retenus et les modalités de la négociation. Les règles de périodicité des négociations sont les mêmes que celles mentionnées à l'article L. 2241-1.

L'article L. 2241-5 indique que l'accord de méthode, dont la validité est limitée à quatre ans , pourra définir les lieux de réunion de négociation et les informations qui devront être remises aux organisations syndicales, ainsi que leur date de remise .

Quant à l'article L. 2241-6 , il rappelle la possibilité pour tout accord collectif traitant de l'un des thèmes obligatoires au niveau de la branche de fixer une périodicité spécifique pour chaque négociation, dans la limite de quatre ans, voire cinq ans pour la révision des classifications et l'épargne salariale (cf. supra ).

• Les dispositions supplétives en l'absence d'accord

L'article L. 2241-7 dispose qu'en l'absence d'accord collectif, ou de non-respect de ses stipulations, les partenaires sociaux doivent appliquer des dispositions supplétives , qui reprennent le droit applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance .

En particulier, la périodicité des négociations est :

• annuelle pour les salaires 47 ( * ) ;

• triennale pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes 48 ( * ) , la GPEC 49 ( * ) , les travailleurs handicapés 50 ( * ) , la formation professionnelle et l'apprentissage 51 ( * ) ;

• quinquennale pour la révision des classifications 52 ( * ) et l'épargne salariale 53 ( * ) ;

• inexistante pour le temps partiel 54 ( * ) , le code du travail indiquant seulement qu'une négociation sur ce thème est obligatoire dès lors que plus d'un tiers de l'effectif d'une branche est concerné par cette organisation du temps de travail.

Par ailleurs, l'ordonnance prévoit qu'en matière de lutte contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes :

- les négociations annuelles sur les salaires et quinquennales sur la révision des classifications devront définir des mesures pour supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, consignées dans un accord collectif ;

- en l'absence de négociation sur ce thème, ou d'échec, le ministre du travail peut obliger la commission mixte paritaire à se réunir pour l'engager.


* 47 Art. L. 2241-8 à L. 2241-10, qui reprennent l'ancienne rédaction des articles L. 2241-1 à L. 2241-2-1.

* 48 Art. L. 2241-11, qui reprend l'ancienne rédaction de l'article L. 2241-3.

* 49 Art. L. 2241-12, identique à l'ancienne rédaction de l'article L. 2241-4, à l'exception des dispositions portant sur le contrat de génération, abrogé par l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

* 50 Art. L. 2241-13, qui reprend l'ancienne rédaction de l'article L. 2241-5.

* 51 Art. L. 2241-14, identique à l'ancienne rédaction de l'article L. 2241-6.

* 52 Art. L. 2241-15, qui reprend l'ancienne rédaction de l'article L. 2241-7.

* 53 Art. L. 2241-16, identique à l'ancienne rédaction de l'article L. 2241-8.

* 54 Art. L. 2241-19, identique à l'ancienne rédaction de l'article L. 2241-13.

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