EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le 20 novembre 2017, après une large consultation des présidents de groupe et des présidents de commission, le président Gérard Larcher a déposé une proposition de résolution (n° 98, 2017-2018) visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission. Cette initiative doit permettre de disposer de façon définitive dans notre Règlement d'une procédure permettant de mettre aux voix directement, en séance, sans droit d'amendement, le texte du projet de loi ou de la proposition de loi ou de résolution tel qu'adopté par la commission en application de l'article 42 de la Constitution.

La faculté d'une telle procédure simplifiée a été ouverte par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a prévu à l'article 44 de la Constitution que le droit d'amendement pouvait dorénavant s'exercer « en séance ou en commission », permettant ainsi de limiter le droit d'amendement à la seule réunion de la commission, chargée d'établir son texte.

Le Sénat a mis en oeuvre en 2015 et 2016, à titre expérimental, une telle procédure, alors appelée procédure d'examen en commission, instaurée par la précédente modification du Règlement, résultant d'une résolution adoptée le 13 mai 2015. Votre commission ayant eu recours à plusieurs reprises à cette procédure, de façon globalement satisfaisante, elle a souscrit à la logique de la présente proposition de résolution.

Le dépôt de cette proposition intervient quelques semaines seulement après le terme, au 30 septembre 2017, de la période d'expérimentation de la procédure d'examen en commission. La proposition tire les enseignements de cette expérimentation et, sans remettre en cause le dispositif conçu en 2015, qu'elle renomme procédure de législation en commission, procède à quelques ajustements et surtout innove en prévoyant de permettre une application de la procédure sur une partie seulement d'un texte et pas uniquement sur un texte dans son ensemble.

Alors que le Président de la République, lors de sa déclaration devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017, a souhaité une rénovation de la procédure législative, estimant que « la navette pourrait être simplifiée » car « le rythme de conception des lois doit savoir répondre aux besoins de la société », une telle proposition de résolution simplifierait indéniablement le travail législatif, sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution.

L'adoption d'une telle modification de notre Règlement confirmerait d'ailleurs le caractère pionnier du Sénat, depuis le début des années 1990, en matière de procédure législative simplifiée.

Alors que le Président de la République a indiqué aux parlementaires réunis en Congrès : « je pense même que vous devriez pouvoir, dans les cas les plus simples, voter la loi en commission », votre rapporteur ne peut que constater que notre assemblée procède déjà ainsi, expérimentalement, depuis deux ans, et s'apprête, avec la présente proposition de résolution, à s'engager plus avant dans le développement de la législation en commission.

Cette proposition de résolution constitue la première étape d'une plus vaste modernisation de notre Règlement, à laquelle le président Gérard Larcher souhaite procéder, avec l'accord du Bureau et de la Conférence des présidents. Cette modernisation s'inscrit dans le cadre de cette réflexion plus globale sur l'efficacité de la procédure législative et la réforme de nos institutions ouverte par le Président de la République - réflexion conduite, s'agissant de notre assemblée, par le président Gérard Larcher, en y associant tous les groupes politiques au sein d'un groupe de travail ad hoc . En sa qualité de président de votre commission des lois, votre rapporteur est membre de droit de ce groupe de travail, tandis que notre collègue François Pillet en est le rapporteur.

Votre rapporteur concède qu'une période d'adaptation sera nécessaire, pour permettre à nos collègues de se familiariser avec cette nouvelle procédure de législation en commission et avec des modalités différentes d'exercice de leur droit d'amendement.

En revanche, si cette procédure simplifiée doit nous permettre d'alléger la séance publique de discussions secondaires d'un point de vue politique et d'ainsi gagner du temps, elle ne doit pas nous conduire à la résignation face au phénomène de l'inflation législative, dont votre rapporteur tient à rappeler que la responsabilité première incombe au Gouvernement, tant par le nombre et le volume de ses projets de loi que par l'exercice de son droit d'amendement : il ne s'agit donc pas, pour le Sénat, de se doter d'une capacité accrue d'absorption du flux des textes gouvernementaux pour alimenter ce phénomène. Comme l'a annoncé le Président de la République le 3 juillet, il est nécessaire de « mettre un terme à la prolifération législative ».

Comme il est d'usage en matière de modification de notre Règlement, votre rapporteur a entendu en audition l'ensemble des présidents de groupe et des présidents de commission. À son initiative, votre commission a apporté quelques précisions et clarifications à la proposition de résolution, s'agissant notamment des conséquences procédurales du rejet du texte en commission.

I. LE SÉNAT PIONNIER DES PROCÉDURES LÉGISLATIVES SIMPLIFIÉES ET DE LA LÉGISLATION EN COMMISSION

Dès le début des années 1990, à l'initiative notamment de notre regretté collègue Jacques Larché, alors président de votre commission des lois, le Sénat a fait preuve de volontarisme dans la mise en place de procédures législatives simplifiées, permettant d'aller plus vite et d'alléger les débats en séance, lorsque l'objet du projet ou de la proposition de loi s'y prête.

À l'époque, le Conseil constitutionnel avait fortement limité la portée des évolutions souhaitées par le Sénat, au nom de la préservation du droit d'amendement en séance. Nous avions donc dû restreindre nos ambitions aux procédures dites abrégées.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a permis de surmonter, dans certaines conditions précisées par la loi organique, cette jurisprudence constitutionnelle restrictive, de sorte que le Sénat a pu aller plus loin, dans les réformes de son Règlement intervenues en 2009 et 2015, avancées qui devraient être prolongées avec l'adoption de la présente proposition de résolution.

Quant à l'Assemblée nationale, elle n'a pas modifié son Règlement sur cette question à la suite de la révision constitutionnelle de 2008, de sorte qu'elle conserve les seules procédures dites simplifiées, à la portée limitée, mises en place au début des années 1990 au vu de l'expérience sénatoriale. En revanche, sur ces nouvelles bases constitutionnelles, elle s'est dotée du temps législatif programmé, autorisant la mise aux voix d'un texte dans un délai donné, sans que tous les amendements aient nécessairement été discutés - procédure que le Sénat n'a pas jugé bon d'adopter, compte tenu de sa tradition pluraliste.

Ces procédures modifient largement voire radicalement les conditions de discussion des textes législatifs en séance publique, en limitant l'expression de nos collègues voire en supprimant leur droit d'amendement, de sorte que leur mise en oeuvre exige - légitimement, selon votre commission - un certain consensus politique. À cet égard, pour mémoire, il existait à la Chambre des députés sous la III e République une procédure de délibération sans débats, qui avait été formalisée dans son Règlement en 1915, sur la base d'une coutume déjà ancienne, et qui était assortie d'un droit d'opposition conduisant au retrait du texte de l'ordre du jour.

A. DE PREMIÈRES INITIATIVES INABOUTIES AU DÉBUT DES ANNÉES 1990 : LES PROCÉDURES ABRÉGÉES

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, qui virent la naissance de l'obstruction parlementaire, les assemblées étaient confrontées, lors des deux sessions d'automne et de printemps, à un ordre du jour législatif de plus en plus chargé et à des amendements de plus en plus nombreux, conduisant à des séances de plus en plus longues et à la multiplication des séances de nuit comme des sessions extraordinaires. Dans ce contexte, avant la révision constitutionnelle de 1995 qui a instauré la session unique, laquelle fut une autre forme de réponse au même phénomène, l'idée est apparue de créer des procédures législatives simplifiées, pour gagner du temps en séance, en particulier pour l'examen de textes à caractère plus technique.

On invoquait notamment le modèle italien pour défendre le principe de la législation en commission, simplement ratifiée en séance publique.

La procédure de législation en commission au Sénat italien

Conformément à l'article 72 de la Constitution de la République italienne 1 ( * ) , plusieurs procédures législatives simplifiées sont prévues par les règlements des assemblées.

La procédure législative ordinaire prévoit que le texte est envoyé à une commission, qui l'examine et qui peut l'amender, puis discuté en séance plénière.

Cette procédure ordinaire est obligatoire pour certains textes :

- en matière constitutionnelle et électorale ;

- ayant trait à la délégation de pouvoirs législatifs ;

- autorisant la ratification des traités internationaux ;

- relatifs à l'approbation des budgets et des lois de règlement.

Pour les autres catégories de textes, deux procédures plus rapides sont prévues par le règlement du Sénat, donnant des pouvoirs accrus aux commissions.

D'une part, l'examen des textes peut être entièrement délégué à une commission, sans passage en séance plénière. La commission examine le texte et procède au vote au nom du Sénat. Elle a donc pleine capacité législative. On parle alors de « commissioni in sede deliberante ». Tous les sénateurs peuvent proposer des amendements au texte ainsi examiné. La commission applique les règles de vote de la séance plénière.

D'autre part, une commission a aussi la capacité de rédiger un projet de texte qui sera soumis à l'assemblée plénière sans que celle-ci puisse l'amender. On parle alors de « commissioni in sede redigente ». L'assemblée plénière procède simplement au vote final par déclarations de vote. Cette procédure est utilisée pour des textes techniques et urgents, de portée mineure.

Lors de ces procédures spéciales, le Gouvernement, un dixième des sénateurs ou un cinquième des membres de la commission peuvent demander le retour à la procédure normale.

Le Sénat ayant été le premier à innover, il fut également le premier à encourir la censure du Conseil constitutionnel dans ce domaine des procédures législatives simplifiées.

Ainsi, dans un premier temps, le Sénat modifia son Règlement par une résolution 2 ( * ) adoptée le 4 octobre 1990, sur le rapport de notre regretté collègue Jacques Larché 3 ( * ) , afin notamment d'y introduire un nouveau chapitre VII bis consacré aux « procédures abrégées » (articles 47 ter et suivants), instaurant une procédure de vote sans débat et une procédure de vote après débat restreint. La décision de recourir à ces procédures revenait à la Conférence des présidents, sur demande du Président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, d'un président de groupe ou du Gouvernement. Elle exigeait l'accord de tous les présidents de groupe et ne pouvait concerner certains types de textes (révisions constitutionnelles, lois organiques, lois de finances, textes relatifs aux collectivités locales ou aux libertés publiques...). La Conférence des présidents fixait un délai limite pour le dépôt des amendements des sénateurs, avec une application normale, notamment, des règles de recevabilité.

Ensuite, dans le cas du vote après débat restreint, l'exercice normal du droit d'amendement était maintenu en séance, avec un débat plus limité que dans la procédure normale, tandis que, dans le cas du vote sans débat, l'ensemble du texte était mis aux voix en séance avec les amendements acceptés par la commission, les amendements ayant été écartés par la commission ne pouvant pas être présentés. Dans la seconde procédure, le Gouvernement pouvait de droit participer aux débats de la commission.

Dans sa décision n° 90-278 DC du 7 novembre 1990 portant sur cette résolution, le Conseil constitutionnel censura les dispositions relatives à la procédure de vote sans débat, considérant que celle-ci « porte atteinte au droit d'amendement, reconnu à chaque parlementaire par le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution ».

Plus largement, le Conseil considéra que « l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi par la commission saisie au fond constitue une phase de la procédure législativ e » et donc qu'il était « loisible à une assemblée parlementaire, par les dispositions de son règlement, d'accroître le rôle législatif préparatoire de la commission saisie au fond du texte (...), dans le but de permettre une accélération de la procédure législative prise dans son ensemble », à la condition que « les modalités pratiques retenues à cet effet [soient] conformes aux règles de valeur constitutionnelle de la procédure législative ; qu'en particulier, il leur faut respecter aussi bien les prérogatives conférées au Gouvernement dans le cadre de cette procédure que les droits des membres de l'assemblée concernée et, notamment, l'exercice effectif du droit d'amendement garanti par le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution ».

Aussi le Sénat dut-il, dans un second temps, modifier son Règlement à nouveau pour prendre en compte la contrainte ainsi énoncée par le Conseil constitutionnel. Dans une résolution 4 ( * ) adoptée le 18 décembre 1991, sur le rapport de notre regretté collègue Etienne Dailly 5 ( * ) , le Sénat reprit, entre autres dispositions, la question des procédures abrégées, en particulier celle du vote sans débat. Cette résolution prévoyait la conversion de la procédure de vote sans débat en procédure de vote après débat restreint en cas de demande en ce sens du Gouvernement, cette conversion étant de droit en cas de dépôt par ce dernier d'amendements après la réunion de commission, permettant « d'assurer la sauvegarde des droits conférés au Gouvernement en matière d'amendement et de détermination des textes inscrits à l'ordre du jour prioritaire » selon le Conseil constitutionnel. Ensuite, outre la publication au Journal officiel des débats de la commission en cas de vote sans débat, avec un délai de cinq jours entre cette publication et le vote en séance, le Sénat avait surtout prévu que les auteurs des amendements écartés par la commission auraient la faculté de les reprendre en séance, avec un temps de parole spécifique, à condition de le faire savoir avant la clôture de la discussion générale, permettant ainsi un vote sur tous les amendements. De ce fait, la différence entre vote sans débat et vote après débat restreint devenait relativement limitée.

Dans sa décision n° 91-301 DC du 15 janvier 1992 portant sur cette résolution, le Conseil constitutionnel a estimé que « se trouve pleinement assuré l'exercice du droit d'amendement » dans la nouvelle procédure de vote sans débat, dont les modalités « ne portent atteinte ni au droit d'amendement des membres du Sénat ni aux prérogatives du Gouvernement dans la procédure législative ».

Bien qu'admettant l'objectif d'accélération de la procédure législative, cette jurisprudence fit néanmoins perdre beaucoup d'intérêt aux procédures simplifiées, dès lors qu'elle exigeait le maintien du droit d'amendement en séance. Ceci étant, les deux assemblées se sont bien dotées de telles procédures, l'Assemblée nationale à la suite du Sénat.

Chapitre VII bis du Règlement du Sénat, relatif aux procédures abrégées, tel qu'il résulte de la résolution du 18 décembre 1991

« Art. 47 ter

« 1. - La Conférence des présidents, à la demande du Président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, d'un président de groupe ou du Gouvernement, peut décider le vote sans débat ou le vote après débat restreint d'un projet ou d'une proposition de loi. Elle fixe un délai limite pour le dépôt des amendements.

« 2. - Le vote sans débat ou le vote après débat restreint ne peut être décidé qu'avec l'accord de tous les présidents des groupes politiques.

« Art. 47 quater

« 1. - Lorsqu'il y a lieu à vote sans débat, la commission ne peut se réunir pour procéder à l'examen du texte et des amendements qui s'y rapportent avant un délai de soixante-douze heures suivant l'expiration du délai limite pour le dépôt des amendements. Chaque sénateur et le Gouvernement sont immédiatement informés de la date, du lieu et de l'objet de la réunion.

« 2. - Le ou l'un des signataires de chaque amendement peut participer aux débats de la commission. La participation du Gouvernement est de droit. Par dérogation à l'alinéa 1 de l'article 18, les ministres peuvent, lors de cette réunion, assister aux votes.

« 3. - Lorsque le Gouvernement soulève, au cours de cette réunion, une exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 41 de la Constitution, le débat est suspendu et le Président du Sénat en est immédiatement avisé. L'irrecevabilité est admise de droit lorsqu'elle est confirmée par le Président du Sénat.

« 4. - S'il y a désaccord entre le Président du Sénat et le Gouvernement, il est procédé conformément à l'alinéa 6 de l'article 45 du Règlement.

« 5. - Lorsqu'une exception d'irrecevabilité est fondée sur les dispositions de l'article 40 de la Constitution ou sur l'une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, l'irrecevabilité est appréciée par la commission des finances.

« Art. 47 quinquies

« 1. - Lorsqu'il y a lieu à vote sans débat en séance publique, les amendements rejetés par la commission peuvent avant la clôture de la discussion générale être repris par leur auteur qui dispose de cinq minutes pour les présenter ; il est ensuite procédé au vote sur ces amendements, sur ceux adoptés par la commission lorsqu'il en existe, ainsi que sur l'article auquel ils se rapportent. La même procédure s'applique aux sous-amendements sur lesquels la commission n'a pas statué.

« 2. - Le Président met enfin aux voix l'ensemble du texte, y compris, pour les articles autres que ceux adoptés en application de l'alinéa précédent, les amendements retenus par la commission. Avant le vote sur l'ensemble, la parole peut être accordée, pour cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

« 3. - Le rapport de la commission reproduit, en annexe, le texte des amendements qu'elle a rejetés.

« Art. 47 sexies

« 1. - Lorsqu'il y a lieu à débat restreint, peuvent seuls intervenir le Gouvernement, le président et le rapporteur de la commission saisie au fond ainsi que les auteurs d'amendements et, sur chaque amendement, un orateur d'opinion contraire. Les interventions autres que celles du Gouvernement ne peuvent excéder cinq minutes.

« 2. - Sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution, le Président ne met aux voix que les amendements, les articles et l'ensemble du projet ou de la proposition.

« 3. - Avant le vote sur l'ensemble, la parole peut être accordée, pour cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

« Art. 47 septies

« 1. - Le vote sans débat est converti de plein droit en vote après débat restreint lorsque le Gouvernement le demande. Cette demande doit être formulée au plus tard quatre jours avant la date prévue pour le vote du texte en séance publique.

« 2. - La conversion en vote après débat restreint est de droit lorsque le Gouvernement a déposé un ou plusieurs amendements après que la commission a statué.

« Art. 47 octies

« Les projets ou propositions pour lesquels le vote sans débat ou après débat restreint a été décidé ne peuvent faire l'objet des initiatives mentionnées à l'article 44 du Règlement que lors de la réunion de la commission ou, en séance publique, que lorsqu'elles émanent de la commission compétente ou du Gouvernement.

« Art. 47 nonies

« Ne peuvent faire l'objet d'une procédure de vote sans débat ou de vote après débat restreint les projets et propositions de loi portant révision de la Constitution, les projets et propositions de loi organiques ou portant amnistie, les projets de loi de finances, les projets de loi de l'article 38 de la Constitution, les projets de loi tendant à autoriser la prorogation de l'état de siège, les projets ou propositions de loi relatifs au régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales, concernant les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, ni les lois soumises au Parlement en application du second alinéa de l'article 10 de la Constitution.

Ces dispositions relatives aux procédures abrégées sont à nouveau en vigueur depuis le 1 er octobre 2017, à l'issue de la période d'expérimentation de la procédure dite d'examen en commission instaurée en 2015, présentée infra .

Les procédures abrégées n'ont presque jamais été utilisées. Ainsi, en avril 1991, un premier projet de loi 6 ( * ) fit l'objet d'une demande de vote après débat restreint, formulée conjointement par les commissions des lois et des affaires économiques, avant que cette dernière y renonce, puis un second projet de loi 7 ( * ) fit l'objet de la même demande, à l'initiative de la commission des lois, mais le groupe communiste s'y opposa. En mai 1991, une nouvelle demande de vote après débat restreint, concernant cette fois une proposition de loi 8 ( * ) , ne rencontra pas l'opposition du groupe communiste, de sorte que ce texte put être adopté selon cette procédure le 10 juin 1991. En mai 1992, c'est-à-dire après la mise en application de la résolution du 18 décembre 1991, la commission des lois demanda à nouveau l'application de la procédure de débat restreint, pour un projet de loi 9 ( * ) , sans rencontrer d'opposition, mais la deuxième lecture du texte eut lieu devant le Sénat selon la procédure ordinaire. Par la suite, cette procédure de vote après débat restreint n'a plus jamais été utilisée, alors que la procédure de vote sans débat n'a même jamais été appliquée.

Par la suite, sur la proposition de notre regretté collègue Serge Vinçon, alors président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, formulée dès janvier 2006 dans le cadre d'une réflexion sur l'amélioration du travail sénatorial, une procédure simplifiée a été conçue pour l'examen des projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation d'une convention internationale ou fiscale 10 ( * ) .

Cette procédure a d'abord été mise en place de façon expérimentale et coutumière, sur la base d'un consensus au sein de la Conférence des présidents. Elle prévoyait, sous réserve de l'accord de tous les groupes, comme pour les procédures abrégées, sur décision de la Conférence des présidents, un simple vote sans aucun débat ni prise de parole en séance publique dès lors que les textes étaient adoptés en commission. Par comparaison avec les procédures abrégées, cette procédure faisait l'économie de la discussion générale, pour des textes qui ne donnaient déjà pas lieu, en pratique, au dépôt d'amendements. Un droit d'opposition était prévu pour permettre à chaque groupe de demander le retour à la procédure normale, après la décision de la Conférence des présidents, de sorte que le droit de veto des groupes pouvait s'exercer à deux étapes de la procédure. Ce dispositif a connu une première application en juin 2006, pour sept textes.

Cette procédure extrêmement rapide en séance, sans la présence des rapporteurs ni celle des ministres concernés, a été codifiée dans le Règlement du Sénat à l'occasion de la résolution 11 ( * ) du 2 juin 2009, adoptée après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, sur le rapport de notre ancien collègue Patrice Gélard 12 ( * ) . Dans sa décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009, le Conseil constitutionnel a implicitement validé ce nouveau dispositif.

Chapitre VII ter du Règlement du Sénat, relatif à la procédure d'examen simplifié des textes relatifs à des conventions internationales ou fiscales, tel qu'il résulte de la résolution du 2 juin 2009

« Art. 47 decies

« 1. - À la demande du Président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, d'un président de groupe ou du Gouvernement, à moins que l'une de ces autorités ne s'y oppose, la Conférence des présidents peut décider le vote sans débat d'un projet de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation d'une convention internationale ou d'une convention fiscale. En cas d'urgence, le Sénat peut prendre la même décision.

« 2. - Un président de groupe peut demander le retour à la procédure normale, dans un délai fixé par la Conférence des présidents ou, selon le cas, par le Sénat.

« 3. - Lors de la séance plénière, le président met directement aux voix l'ensemble du projet de loi. »

Cette procédure est vite devenue, dès sa mise en place, la procédure ordinaire pour l'examen de la plupart des conventions internationales. Le droit d'opposition est parfois utilisé, pour des conventions suscitant des débats de nature politique, mais votre rapporteur constate que cette procédure donne large satisfaction et n'appelle pas d'observation ou de modification. De plus, elle permet de compenser, en partie, le retard récurrent observé, du fait du Gouvernement, dans l'examen des conventions internationales.

Ainsi, avant la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le bilan des procédures législatives simplifiées, en raison de l'obstacle de la jurisprudence restrictive du Conseil constitutionnel, est resté mitigé au Sénat.


* 1 « Tous projets ou propositions de loi, présentés à l'une des deux Chambres sont, suivant les dispositions de son règlement, examinés par une commission et ensuite par cette même assemblée qui les adopte, article par article et par un vote final.

« Le règlement prévoit des procédures simplifiées pour les projets ou propositions de loi dont l'urgence est déclarée.

« Il peut aussi prévoir dans quels cas et sous quelles formes l'examen et l'adoption des projets ou propositions de loi sont envoyés à des commissions, même permanentes, composées de manière à reproduire la représentation proportionnelle des groupes parlementaires. Dans ces cas aussi, jusqu'au moment de leur adoption définitive, le projet ou la proposition de loi sont remis à l'assemblée, si le Gouvernement ou un dixième des membres de l'assemblée ou un cinquième des membres de la commission demandent qu'ils soient discutés et votés par cette même assemblée ou qu'ils soient soumis à son adoption finale par de simples explications de vote. Le règlement détermine les formes de publicité des travaux des commissions.

« La procédure normale d'examen et d'adoption directe par l'assemblée est toujours adoptée pour les projets ou propositions de loi en matière constitutionnelle et électorale et pour ceux portant délégation législative, autorisation de ratifier des traités internationaux, adoption de budgets et de comptes. »

* 2 Résolution modifiant les articles 16, 24, 29 et 48 du Règlement du Sénat et introduisant dans celui-ci des articles 47 ter, 47 quater, 47 quinquies, 47 sexies, 47 septies, 47 octies, 47 nonies et 56 bis A. Cette résolution était le résultat d'une réflexion engagée par la remise au Bureau du Sénat, en janvier 1990, d'un rapport de MM. Henri de Raincourt, Guy Allouche et Gérard Larcher.

* 3 Rapport n° 433 (1990-1991) de M. Jacques Larché, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de résolution tendant à modifier les articles 16, 21, 48 et 70 du Règlement du Sénat et tendant à insérer dans celui-ci un article 42 bis et un article 56 bis A, déposé le 27 juin 1990. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l89-433/l89-433.html

* 4 Résolution rendant le Règlement du Sénat conforme aux nouvelles dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, relatif aux commissions d'enquête et de contrôle parlementaires et modifiant certains de ses articles en vue d'accroître l'efficacité des procédures en vigueur au Sénat.

* 5 Rapport n° 185 (1991-1992) de M. Etienne Dailly, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de résolution tendant à rendre le Règlement du Sénat conforme aux nouvelles dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relatif aux commissions d'enquête et de contrôle parlementaire, déposé le 16 décembre 1991. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l91-185/l91-185.html

* 6 Projet de loi relatif aux sociétés anonymes de crédit immobilier.

* 7 Projet de loi modifiant le code de l'organisation judiciaire et instituant la saisine pour avis de la Cour de cassation.

* 8 Proposition de loi tendant à supprimer les sanctions contre les avocats prévues à l'article 75 de l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 sur le Conseil d'État.

* 9 Projet de loi relatif au code de la propriété intellectuelle.

* 10 Le temps dégagé par cette procédure simplifiée devait en principe permettre d'organiser en séance, en contrepartie, plusieurs débats de politique étrangère. La commission des finances, compétente en matière de conventions fiscales, a accepté cette nouvelle procédure.

* 11 Résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat.

* 12 Rapport n° 427 (2008-2009) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, déposé le 20 mai 2009. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l08-427/l08-427.html

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