TROISIÈME PARTIE - LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT »

1. Une relative stabilisation des crédits en 2018 qui masque une évolution très contrastée selon les différentes actions

Créé en 2006, le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) est composé d'actions territorialisées répondant à des enjeux divers et abondé par des contributions de différents ministères.

Même s'il représente un faible enjeu budgétaire, ce programme est pertinent pour répondre à certaines problématiques locales complexes mettant en jeu la responsabilité de l'État, comme par exemple en cas de contentieux européen ou de risque sanitaire. Comme l'a montré le contrôle budgétaire mené au printemps dernier 16 ( * ) , le PITE présente en effet des avantages notables pour les gestionnaires, en leur offrant une grande souplesse de gestion, tandis qu'il garantit aux acteurs locaux une meilleure visibilité de l'engagement de l'État sur leur territoire.

Évolution des crédits du programme 162 « Interventions territoriales de l'État »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2018 et des rapports annuels de performances des années antérieures)

Après avoir enregistré une baisse quasiment continue entre 2011 et 2017, les crédits du PITE devraient s'établir en 2018 à :

- 34 millions d'euros en autorisations d'engagement , soit une hausse de 14 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2017 et une baisse de 12 % par rapport à l'exécution 2016 ;

- 27,4 millions d'euros en crédits de paiement , ce qui correspond à une baisse de 6 % par rapport à 2017 et de 25 % par rapport à 2016.

Évolution par action des crédits du programme 162
« Interventions territoriales de l'État »

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

PLF 2018

Variation 2018/2017

Variation 2018/2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 02 - Eau et agriculture en Bretagne

9,8

9,0

7,7

6,8

2,5

3,3

-68%

-51%

-75%

-63%

Action 04 - PEI en Corse

23,6

23,5

18,8

18,8

27,5

20,0

46%

7%

17%

-15%

Action 06 - Plan gouvernemental Marais poitevin

3,4

1,7

1,4

1,7

1,0

1,6

-26%

-8%

-71%

-5%

Action 08 - Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe

1,8

2,2

2,0

2,0

2,0

2,0

-2%

-1%

10%

-8%

Action 09 - Plan Littoral 21

-

-

-

-

1,0

0,5

-

-

-

-

Total

38,6

36,3

29,9

29,3

34,0

27,4

14%

-6%

-12%

-25%

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet annuel de performances)

Cette évolution globale s'explique par deux mouvements contraires :

- d'une part, la forte hausse des autorisations d'engagement en faveur du programme exceptionnel d'investissement (PEI) en Corse (+ 46 % par rapport à 2017) ;

- d'autre part, la diminution, plus ou moins prononcée, des crédits des trois autres actions . Si les moyens dévolus au plan chlordécone dans les Antilles demeureraient relativement stables en valeur, aux alentours de 2 millions d'euros, ceux de l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » seraient drastiquement réduits (- 68 % en AE et - 51 % en CP).

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2018 crée, pour la première fois depuis 2009, une nouvelle action au sein du PITE : l'action 09 « Plan littoral 21 » en faveur de la région Occitanie .

Au total, ces évolutions conduisent à accroître le poids de l'action 04 « PEI en Corse » au sein du PITE : en 2018, celle-ci représente 81 % des autorisations d'engagement du programme et 73 % des crédits de paiement.

2. Eau et agriculture en Bretagne : un manque de sincérité budgétaire

L'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » a pour objectif d'améliorer la qualité de l'eau en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à supprimer les atteintes à l'environnement et à respecter les normes européennes. Cette action contribue également au financement du plan de lutte contre les algues vertes , renouvelé pour la période 2017-2021.

Après le classement, en 2010, du contentieux européen au titre de la qualité des eaux qui avait valu à la France d'être condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne en 2001, neufs bassins versants font encore l'objet d'un suivi spécifique de la concentration moyenne de leurs eaux en nitrates dans le cadre du plan « algues vertes ».

Malgré la recrudescence des algues vertes observée dans les Côtes d'Armor au printemps 2017, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit uniquement 2,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3,3 millions d'euros en crédits de paiement , soit deux à trois fois moins que les montants inscrits en 2017.

Le projet annuel de performances de la présente mission précise que cette action sera abondée de 5 millions d'euros (en AE et en CP) en gestion grâce à un transfert de crédits du ministère de l'agriculture et de l'alimentation . Comme l'a confirmé le secrétariat général du ministère de l'intérieur, chargé de la gestion déléguée du PITE, les crédits de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne seraient donc maintenus en 2018 au même niveau qu'en 2017 .

Compte tenu du caractère régulier et prévisible de cette dépense, cette situation est difficilement compréhensible. De plus, elle fausse l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement, sans lui donner aucune garantie quant au montant qui sera in fine transféré en faveur de cette action. Une attention accrue devra donc être portée à l'exécution des crédits de cette action en 2018.

3. Plan exceptionnel d'investissement en Corse : un objectif de rattrapage des retards de mise en oeuvre

La hausse de 8,7 millions d'euros des autorisations d'engagement (+ 46 %) et de 1,2 million d'euros des crédits de paiement (+ 7 %) prévue en 2018 pour le plan exceptionnel d'investissement (PEI) en Corse marque la volonté d'accélérer la mise en oeuvre de ce programme, entamé en 2002.

Dans le cadre de ce plan destiné à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité, pour résorber son déficit en équipements et services collectifs » 17 ( * ) , l'État s'est en effet engagé à verser 416 millions d'euros au total, auxquels s'ajoutent 552 millions d'euros de l'Agence pour le financement des infrastructures de transport (AFITF).

Selon les informations transmises par le secrétariat général du ministère de l'intérieur, un certain nombre de projets seraient suffisamment mûrs pour être lancés en 2018 comme, par exemple, en matière de mise à niveau des réseaux d'eau, la réhabilitation de stations de pompage d'Altizone et de Péri et la sécurisation de l'alimentation en eau potable de l'agglomération d'Ajaccio, la poursuite des travaux de l'aéroport d'Ajaccio ou encore la rénovation du lycée maritime de Bastia.

Bien que le PEI ait déjà été prolongé en 2015 18 ( * ) , repoussant ainsi la date limite d'engagement de 2018 à 2020 et la date ultime de paiement de 2022 à 2024, une nouvelle prorogation de deux années supplémentaires est envisagée, compte tenu du volume des opérations restant à programmer et afin de lisser sur une plus longue période les crédits nécessaires pour couvrir l'intégralité des engagements de l'État.

4. Marais poitevin : une réduction des moyens avant une extinction en 2019

Le projet de loi de finances pour 2018 confirme la tendance à la baisse des crédits en faveur du Marais poitevin observée depuis 2015. Pour 2018, seul 1 million d'euros est prévu en autorisations d'engagement (- 26 % par rapport à 2017) et 1,6 million d'euros en crédits de paiement (- 8 % par rapport à 2017).

Considérant que le plan gouvernemental pour le Marais poitevin était désormais achevé depuis 2013, que l'objectif de maintien voire de reconquête des prairies naturelles humides était globalement atteint et que le Parc naturel régional avait désormais reconquis son label, le Gouvernement prévoit une extinction progressive de l'action 06 « Plan gouvernemental pour le Marais poitevin sur trois ans . Les dernières autorisations d'engagement seront ouvertes en 2018, puis 1,6 million d'euros de crédits de paiement seraient programmés en 2019 et 2020 pour couvrir les restes à payer.

Pourtant, la situation sur le terrain reste précaire. À l'occasion du contrôle budgétaire mené au printemps 2017 19 ( * ) , j'ai constaté qu'une intervention financière spécifique de l'État devait être maintenue, au moins pour deux à trois ans, avant d'envisager un arrêt du PITE. Plus précisément, j'ai recommandé de doter cette action de 2,5 à 3 millions d'euros pendant une période trois ans, en concentrant ces crédits sur les besoins prioritaires en matière de remise à niveau des ouvrages hydrauliques et sur les mesures agroenvironnementales . L'objectif était de donner de la visibilité aux acteurs locaux, tout en conservant un seuil critique d'intervention et en introduisant une clause de réexamen de l'action fin 2020.

Le secrétariat général du ministère de l'intérieur indique que « l'action de l'État sera poursuivie avec le même souci d'efficacité et la même détermination avec les outils de droit commun (crédits du ministère de l'agriculture et de l'Agence de la biodiversité) afin de garantir que le contentieux ne puisse être ouvert à nouveau » 20 ( * ) . Si cet arbitrage est compréhensible, dans la mesure où une action du PITE est, en principe, limitée dans le temps, aucune visibilité n'est donnée au préfet de région comme aux acteurs locaux quant aux moyens financiers de droit commun qui seront mis à leur disposition à partir de 2019 pour répondre aux enjeux spécifiques de biodiversité du Marais poitevin.

5. Plan chlordécone dans les Antilles : la continuité des moyens et des actions

Le plan chlordécone vise à répondre aux risques liés à la contamination des sols par ce pesticide, utilisé entre 1972 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe pour lutter contre le charançon de la banane.

Pour l'exercice 2018, les moyens prévus sont stables et conformes à la maquette budgétaire, soit 2 millions d'euros en AE et en CP . Ce montant devrait être complété par un transfert en gestion de 200 000 euros du ministère de l'agriculture et de l'alimentation afin de soutenir les pêcheurs professionnels touchés par les interdictions de pêche liées à la pollution par le chlordécone.

Les quatre axes du plan couvrant la période 2014 à 2020 continueront à être financés selon des montants similaires aux années précédentes : environ 800 000 euros en faveur du développement d'une stratégie locale de développement durable (chartes patrimoniales, cartographie de la pollution, actions de communication), 725 000 euros pour les actions de surveillance et les études, 160 000 euros au profit d'actions de recherche et 300 000 euros pour l'accompagnement des agriculteurs et des petits producteurs locaux.

6. Plan littoral 21 en Occitanie : une nouvelle action très faiblement dotée

Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit, pour la première fois depuis huit ans, la création d'une nouvelle action au sein du PITE. L'action 09 « Plan littoral 21 » a vocation à participer au financement du plan de reconversion du littoral de la région Occitanie à l'horizon 2050 , défini conjointement par l'État et la région et représentant un montant global d'investissement d'environ 900 millions d'euros entre 2017 et 2020.

Selon le projet annuel de performances, le vieillissement des stations touristiques, l'inadaptation des infrastructures, le réchauffement climatique et l'urbanisation qui menacent l'intégrité des espaces naturels sont des facteurs susceptibles d'affaiblir la compétitivité de ce territoire, ce qui justifie l'intervention de l'État. L'inscription de ce plan au sein du PITE a pour objectif de « privilégier une approche intégrée de l'ensemble de la démarche, face aux différentes sources de financement mobilisables, et de donner de la lisibilité quant à l'action de l'État, avec l'impulsion nécessaire pour lancer cette dynamique de transformation ».

Les critères de sélection du PITE

Pour se voir financée par le PITE, une action doit en principe satisfaire aux conditions suivantes :

i. comporter une « forte dominante interministérielle » justifiant le recours au PITE par rapport aux outils budgétaires de droit commun ;

ii. présenter « un enjeu particulier voire exceptionnel » légitimant « le recours à une programmation et une exécution budgétaires hors droit commun » ;

iii. avoir une « dimension interrégionale et/ou interdépartementale complexe » nécessitant une coordination unique portée par un préfet de région ;

iv. nécessiter une « qualité de gouvernance [justifiant] la mobilisation des services du Premier ministre et du préfet de région en direct » ;

v. être en lien « avec une obligation de réactivité dans le temps, sous la contrainte notamment du calendrier prescriptif de directives communautaires ou de lois territoriales ciblées » ;

vi. être « lisiblement jalonnée dans le temps » ;

vii. présenter une « masse critique budgétaire [...] d'au minimum 10 millions d'euros sur trois ans ».

Source : Sénat, rapport d'information n° 604 (2016-2017), op. cit ., p. 13.

Le plan littoral 21 remplit, incontestablement, un certain nombre des critères énoncés ci-avant, dont en particulier le caractère interministériel. Il convient toutefois de noter que le recours au PITE pour ce type de plan d'investissement pourrait certainement être envisagé dans d'autres territoires.

Par ailleurs, les informations complémentaires transmises par le secrétariat général du ministère de l'intérieur indiquent que le critère de masse critique budgétaire devrait pouvoir être atteint dans les prochaines années. En effet, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit seulement 1 million d'euros en AE et 500 000 euros en CP en faveur du plan littoral 21. Cependant, les crédits devraient être sensiblement revalorisés dès 2019, pour atteindre 6 millions d'euros en AE et 4,5 millions d'euros en CP en 2021 .

Maquette budgétaire prévisionnelle de l'action 09 « Plan littoral 21 » du PITE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses au questionnaire écrit du rapporteur spécial)

En 2018, les crédits du PITE devraient permettre de financer les premières études en vue de réaliser les projets sélectionnés (opérations de repli stratégique à Vic-la-Gardiole dans l'Hérault, projets de smart grid portuaire, travaux de valorisation des phares de Cap Bear et de l'Espiguette).


* 16 Sénat, rapport d'information n° 604 (2016-2017) sur le programme des interventions territoriales de l'État et l'exemple du Marais poitevin fait par le sénateur Bernard Delcros au nom de la commission des finances.

* 17 Article L. 4425-9 du code général des collectivités territoriales.

* 18 Article 30 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

* 19 Sénat, rapport d'information n° 604 (2016-2017), op. cit .

* 20 Réponse au questionnaire du rapporteur spécial.

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