D. LA PROTECTION DE L'ENFANCE : DES EFFORTS DU GOUVERNEMENT QUI RESTENT À CONFIRMER

1. Une fusion des GIP « Agence française de l'adoption » et « Enfance en danger» nécessaire mais sous conditions

L' Agence française de l'adoption (AFA) , créée en 2005 sous forme de groupement d'intérêt public (GIP), a pour mission d'informer, de conseiller et de servir d'intermédiaire pour l'adoption des mineurs étrangers de moins de quinze ans. Quant au GIP « Enfance en danger » , il est gestionnaire du service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED) et de l'observatoire national pour la protection de l'enfance (ONPE).

Le paysage de l'adoption en France est marqué par une baisse continue du nombre d'adoptions internationales, qui explique celle du budget alloué à l'AFA (2,4 millions d'euros en 2018 contre 2,56 millions d'euros en 2017) . En 2016, seules 738 adoptions internationales ont été réalisées 21 ( * ) , contre plus de 3 000 en 2009. Parmi ces 738 adoptions, 25 % ont été réalisées par l'intermédiaire de l'agence française de l'adoption (AFA), les autres par le biais des 31 organismes autorisés pour l'adoption (52 %) et d'adoptions individuelles (23 %).

Évolution du nombre d'adoptions internationales depuis 2009

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Nombre d'adoptions internationales

3 019

3 508

2 003

1 569

1 343

1 069

815

738

dont adoptions réalisées par l'intermédiaire de l'AFA

514

568

402

304

256

239

201

185

Part des adoptions internationales réalisées par l'intermédiaire de l'AFA

17 %

16,2 %

20,1 %

19,4 %

19,1 %

22,4 %

24,7 %

25 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ce contexte de baisse du nombre d'enfants proposés à l'adoption qui s'explique notamment par le profil des enfants adoptables 22 ( * ) et le développement dans les pays de politique de soutien et d'aide aux familles locales (en application de la convention de la Haye), pose également la question de l'efficience de l'organisation de la politique d'adoption en France , où coexistent plusieurs acteurs dont 31 organismes agréés, dont l'action est parfois mal coordonnée.

Dans ce contexte et en cohérence avec les recommandations de la Cour des comptes exprimées dans son rapport public annuel de 2014 23 ( * ) , le Gouvernement a engagé une réflexion sur le regroupement de l'AFA et du GIP « Enfance en danger » , qui a abouti à la signature d'un protocole d'accord en mars 2017 prévoyant des pistes de collaboration et notamment un regroupement géographique au 1 er octobre 2017.

Cette fusion est ainsi nécessaire afin de permettre la création d'un opérateur unique pour la protection de l'enfance au service des départements. Toutefois, avant toute validation par le législateur, vos rapporteurs spéciaux seront attentifs aux conditions dans lesquelles deux questions en suspens seront réglées, à savoir la reprise des accréditations de l'AFA et la question de la participation financière des départements.

Il importe que les inquiétudes exprimées par plusieurs associations représentant les parents 24 ( * ) , concernant les risques de disparition des accréditations dans la trentaine de pays d'origine dans lesquels l'AFA est accréditée , soient entendues et prises en compte dans le projet de fusion.

2. Mineurs non accompagnés : un financement exceptionnel de l'État mais insuffisant face à la crise migratoire qui nécessite une prise en charge intégrale par l'État

Les crédits alloués pour le dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés (MNA 25 ( * ) ) , progressent de 15,2 millions d'euros, en 2017, à 132 millions pour 2018, en raison du nombre croissant de bénéficiaires mais surtout de la prise en charge à titre exceptionnel d'une partie des surcoûts des dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE) liée au nombre de mineurs supplémentaires présents au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016.

Dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés

Ce dispositif piloté par les départements, a été expérimenté en 2013 et pérennisé par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant.

Au titre de ce dispositif, les départements qui engagent des actions de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des jeunes mineurs étrangers non accompagnés - c'est à dire sans parents et sans adulte titulaire de l'autorité parentale - peuvent obtenir un remboursement des dépenses engagées sur la base d'un montant forfaitaire fixé à 250 euros par jour et par jeune, dans la limite de cinq jours , via le Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE).

Lorsque l'évaluation conclut à la minorité et l'isolement du jeune, celui-ci est pris en charge par le département au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), selon le dispositif de répartition nationale.

Cette enveloppe de 132 millions d'euros comprend donc :

- d'une part, 65,2 millions d'euros au titre du remboursement par l'État des frais engagés par les départements s'agissant de la mise à l'abri, de l'évaluation et de l'orientation des jeunes sur 2017 et 2018. Ce montant comprend, en effet, le remboursement des deux derniers trimestres de 2017 (environ 20 millions d'euros) et les trois premiers de 2018 (environ 45 millions d'euros). Les remboursements sont ainsi échelonnés, car les demandes de remboursements envoyées par les départements ne sont pas forcément régulières ;

- d'autre part, 66,8 millions d'euros au titre du financement exceptionnel par l'État de 30 % des dépenses d'aide sociale à l'enfance engagés pour le nombre de mineurs supplémentaires présents au 31 décembre 2017, par rapport au 31 décembre 2016. Cette enveloppe correspond ainsi au versement par l'État de 12 000 euros par jeune (qui correspond à 30 % de 40 000 euros, le coût de la prise en charge d'un MNA), au-delà de 13 000 jeunes accueillis, chiffre constaté au 31 décembre 2016. Cette enveloppe correspond à un engagement de l'État pris en décembre 2016 vis-à-vis de l'ADF, en raison de l'afflux de jeunes migrants pris en charge par les départements.

Malgré cet effort financier de l'État, ces enveloppes restent insuffisantes :

- s'agissant des actions de mise à l'abri et d'évaluation réalisées par les départements, leur durée dépasse bien souvent les cinq jours pour atteindre 40 ou 60 jours dans les départements les plus engorgés. L'authentification des papiers d'identité est une tâche qui peut prendre beaucoup de temps ;

- concernant les dépenses d'ASE, le soutien à hauteur de 30 % de l'État n'est pas suffisant alors que le nombre de mineurs non accompagnés arrivant en France est exponentiel.

Source : rapport d'information d'Élisabeth DOINEAU et Jean-Pierre GODEFROY, fait au nom de la commission des affaires sociales, « Mineurs non accompagnés : répondre à l'urgence qui s'installe » (juin 2017), p 24

L'État doit prendre ses responsabilités et assumer ces dépenses qui relèvent de la politique nationale d'immigration alors que de plus en plus de départements se trouvent en difficulté, face à l'afflux de mineurs, qui, pour certains, subissent l'existence de « filières » , puisqu'un même département reçoit parfois plusieurs demandes de personnes venant du même pays voire du même village. Par ailleurs, beaucoup de majeurs semblent se présenter dans les conseils départementaux, qui sont ainsi obligés d'engager des dépenses d'évaluation.

La prise en charge de ces mineurs non accompagnés relève pour vos rapporteurs spéciaux d'une mission régalienne, qui doit être assumée par l'État . Le Premier ministre s'est ainsi engagé le 20 octobre 2017, lors du congrès de l'ADF, à ce que l'État assume l'évaluation et l'hébergement d'urgence des personnes se déclarant mineures entrants dans le dispositif jusqu'à ce que leur minorité soit confirmée. Une mission 26 ( * ) d'expertise a ainsi été lancée , de façon conjointe par le Gouvernement et l'ADF, dont les conclusions devraient être rendues pour le 15 décembre prochain. Plusieurs scenarii sont envisagés dont ceux d'un financement total de l'État des dispositifs qui resteraient gérés par les départements, ou d'une recentralisation de l'évaluation et une prise en charge, par l'État, des mineurs au titre d'un hébergement d'urgence adapté.


* 21 Hors les 218 adoptions réalisées exceptionnellement en République démocratique du Congo.

* 22 De plus en plus d'enfants proposés à l'adoption sont des enfants dits « à besoins spécifiques », c'est-à-dire âgés de plus de cinq ans, en fratrie ou souffrant de pathologies ou de handicaps.

* 23 Cour des comptes, «L'organisation de l'adoption internationale en France : une réforme à poursuivre », insertion au rapport public annuel 2014.

* 24 Les associations Enfance & familles d'adoption, Mouvement de l'adoption sans frontière et Association des parents adoptant en Russie.

* 25 Ex-mineurs isolés étrangers, MIE.

* 26 Elle a été confiée à des représentants de l'IGAS, l'IGA et l'IGJ, de l'ADF et des directeurs généraux des services de départements.

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