C. UN EFFORT DE MODERNISATION TOUJOURS INSUFFISANT

1. La nécessaire poursuite de démarches de rationalisation et de modernisation

Si la question des moyens demeure centrale, il reste possible de renforcer la capacité opérationnelle des deux forces à effectifs et budget constants via :

- la réduction des « tâches indues » incombant aux forces de police et de gendarmerie, qui permet de libérer du temps pour les missions de lutte contre la délinquance ;

- la recherche d'une meilleure complémentarité et d'une plus grande mutualisation entre les forces de police et de gendarmerie.

Sur ces deux plans, le précédent quinquennat avait été marqué par d'importantes réformes , avec notamment :

- le transfert de la gendarmerie nationale du ministère de la défense vers le ministère de l'intérieur au 1 er janvier 2009 ;

- la rationalisation des zones de compétences de la gendarmerie et de la police ;

- la mutualisation de la maintenance automobile et des services chargés des transmissions et des systèmes d'information ;

- la décision prise en 2010 de confier progressivement à l'administration pénitentiaire les missions de transfèrements judiciaires.

Toutefois, la plupart de ces chantiers semblent avoir connu un « coup d'arrêt ». Ainsi, s'agissant de la rationalisation des zones de compétences, seules quelques opérations ont eu lieu sur les deux derniers quinquennats. Selon la direction générale de la police nationale, « de nouvelles opérations de redéploiement entre les zones de compétence de la police et de la gendarmerie nationales sont à l'étude afin de procéder à de nouvelles répartitions permettant, à moyen terme, de renforcer la police d'agglomération et garantir une meilleure allocation des forces de sécurité sur le territoire ». 31 ( * ) Cette démarche ne peut être qu'encouragée.

En matière de mutualisation des marches de manoeuvre importantes subsistent dans trois domaines : la police technique et scientifique, les formations spécialisées (chiens, motocyclistes et montagne) et les redéploiements territoriaux.

2. L'absolue nécessité d'éradiquer les tâches indues, qui mobilisent l'équivalent de plus de 6 000 ETPT

Le principal levier permettant de « dégager des effectifs » est le recentrage des forces de l'ordre sur leur coeur de métier , par la suppression progressives des tâches indues .

Ces dernières constituent 3,8 % du total des missions de la gendarmerie nationale et 9,12 % des missions de la police nationale en 2016 (soit respectivement 4,10 et 7,6 millions d'heures). Ceci représente l'équivalent de plus de 6 000 ETPT.

Évaluation de la proportion de tâches indues dans le total de l'activité

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans ce cadre, si des avancées significatives ont été obtenues, certains chantiers demeurent à consolider, voire à initier . Il en est ainsi de :

- la garde des locaux préfectoraux : dans le cadre du plan de sécurité publique, il a été décidé qu'au 31 octobre 2017, toutes les gardes policières des préfectures devront avoir cessé (en dehors des heures ouvrables mais également pendant les heures d'ouverture au public). Une première étape a été atteinte au 31 mars 2017 par l'abandon progressif des gardes policières pendant les heures non ouvrables 32 ( * ) ;

- la garde statique des tribunaux : depuis avril 2017, il n'y a plus aucune garde statique des tribunaux, assurée par les policiers de la direction centrale de la sécurité publique. Il été toutefois été précisé en audition par le préfet de police de Paris que 378 ETP étaient encore consacrés à la surveillance périmétrique du tribunal de grande instance de Paris ;

- l'assistance aux opérations funéraires : en application de la loi du 16 février 2015, portant modernisation et simplification du droit et des procédures 33 ( * ) , certaines opérations mortuaires ne nécessitent plus la présence de policiers. Cette question fait actuellement l'objet d'un audit de la Cour des comptes sur les opérations funéraires et le rôle des services centraux du ministère de l'intérieur ;

- la participation aux commissions consultatives départementales de sécurité et d'accessibilité : la participation à ces instances des policiers a été limitée aux seuls cas où les enjeux de sécurité le nécessitent 34 ( * ) ;

- la prise en charge des extractions judiciaires . Alors qu'il avait été décidé en 2010 de transférer de la charge des extractions judiciaires du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice, avec un principe de reprise échelonnée par région et un transfert d'ETP (420 ETP de police nationale transférés à ce jour), une partie importante de ces opérations reste effectuée par les forces de l'ordre. En conséquence, pour pallier les carences du ministère de la justice, le calendrier de reprise des extractions par l'administration pénitentiaire a été décalé dans les régions non reprises à cette date, en fixant le terme de novembre 2019 pour une reprise totale , et a réattribué au ministère de l'intérieur la charge de 21 extractions dites vicinales (proximité de la maison d'arrêt et de la juridiction concernées) ;

- le désengagement de la police nationale du transport des scellés illicites ou dangereux (armes, stupéfiants) : le 6 janvier 2011, un protocole a été signé entre les ministères de l'intérieur et de la justice, visant notamment à décharger les forces de sécurité intérieure des missions d'escorte de scellés sensibles. Cependant, la réglementation applicable aux sociétés de transports sécurisés est estimée inadaptée aux besoins comme aux difficultés opérationnelles rencontrées par le ministère de la justice pour leur confier cette mission. Ainsi, la police et la gendarmerie nationales poursuivent les transports sous escorte, jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée (modification de la réglementation applicable aux transporteurs de fonds ou prise en compte de cette mission par l'administration pénitentiaire) ;

- la prise en charge des ivresses publiques et manifestes (IPM) : il a été décidé en 2017 de permettre l'examen médical et la délivrance du certificat de non-admission des personnes en situation d'IPM dans les locaux de police et de gendarmerie. La mise en oeuvre de cette mesure du plan de rencontre cependant des difficultés qui tiennent à la disparité des conditions tarifaires localement proposées et à une problématique de désertification médicale dans certains territoires. Malgré ces difficultés, à ce jour, 22 conventions ont été signées avec les ordres et associations de médecins (10 au niveau départemental, 12 autres au niveau des circonscriptions) ;

- la médecine légale de proximité : le principe de l'examen dans les locaux de police est rarement respecté, obligeant les policiers à conduire la personne concernée à l'hôpital afin de s'y faire délivrer le certificat médical relatif à la compatibilité de la mesure de garde à vue avec l'état de santé du mis en cause. Il avait été décidé en 2015 que des conventions devaient être signées dans chaque département sous l'autorité des procureurs de la République : une impulsion politique plus grande semble toutefois nécessaire pour accélérer ce chantier.


* 31 Réponses aux questionnaires budgétaires.

* 32 Hormis la préfecture du Bas-Rhin qui a obtenu une dérogation permanente et les préfectures des Bouches-du-Rhône, du Rhône, de la Haute- Garonne, du Calvados, de Seine-et-Marne et du Nord qui ont obtenu des dérogations temporaires.

* 33 Loi n°2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

* 34 Décret n° 2016-1201 du 5 septembre 2016 portant modification du décret n° 95-260 du 8 mars 1995 relatif à la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité.

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