LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération , l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à réduire de 1,13 millions d'euros les AE et les CP de la mission (1 128 136 euros sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et 5 608 euros sur le programme 183 « Protection maladie ») afin de gager des ouvertures de crédits sur d'autres missions.

AMENDEMENT PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES

PROJET DE LOI DE FINANCES

ARTICLES SECONDE PARTIE

MISSION SANTÉ

1

A M E N D E M E N T

présenté par

M. JOYANDET

_________________

ARTICLE 29

ÉTAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

Protection maladie

300 000 000

300 000 000

TOTAL

SOLDE

- 300 000 000

- 300 000 000

OBJET

Cet amendement a pour objet de diminuer de 300 millions d'euros les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de l'action 02 « Aide médicale de l'État » du programme 183 « Protection maladie » de la mission « Santé » relatifs à l'aide médicale d'État (AME).

L'augmentation des crédits de l'AME proposée par le présent projet de loi de finances témoigne certes d'une budgétisation plus sincère que les sous-budgétisations chroniques qui se sont succédé ces dernières années, mais met en péril la soutenabilité de la mission.

Il eût été préférable d'engager une réflexion sur l'AME et sur ses déterminants. Une réforme de l'AME pourrait consister à remplacer l'AME de droit commun par une « aide médicale d'urgence » réservant l'accès gratuit aux soins au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, aux soins liés à la grossesse et à ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive, sur le modèle du dispositif existant en Allemagne.

À défaut d'une refonte du dispositif, le présent amendement propose donc une réduction des crédits de paiement et des autorisations d'engagement relatifs à l'AME.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 21 novembre 2017 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, sur la mission « Santé ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous allons examiner les crédits de la mission « Santé » et je salue la présence parmi nous de Mme Corinne Imbert, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Alain Joyandet , rapporteur spécial sur la mission « Santé » . - Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit plusieurs mesures de périmètre sur la mission « Santé », conduisant à la suppression de cofinancements entre l'État et la sécurité sociale, pour l'École des hautes études en santé publique (EHESP) et pour l'Agence française de biomédecine. Toutefois, à périmètre constant, les crédits de la mission augmentent de 10 %, soit plus du double des augmentations prévues en loi de finances pour 2016 et pour 2017 : ils s'élèvent donc à 1 417 millions d'euros. La mission a systématiquement dépassé le plafond inscrit en loi de programmation des finances publiques entre 2015 à 2017. Les évolutions répétées du champ de la mission n'ont ainsi pas suffi à contenir une progression non maîtrisée de la dépense. La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 prévoit une augmentation du plafond des crédits de la mission pour le triennal 2018-2020 : 1 481 millions d'euros pour 2019 et 1 541 millions d'euros pour 2020, soit une augmentation moyenne annuelle de 4 %.

La mission « Santé » comporte deux programmes qui correspondent à deux grands types d'actions en matière sanitaire : d'un côté, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » qui regroupe essentiellement les subventions de l'État aux opérateurs sanitaires et, de l'autre, le programme 183 « Protection maladie » qui est consacré au financement de l'aide médicale d'État (AME) et comporte également une dotation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

La budgétisation pour 2018 rompt avec le pilotage effectué depuis quelques années, marqué par une évolution divergente des deux programmes. Les crédits du programme 204 sont pour la première fois cette année en augmentation, mais principalement en raison de la budgétisation de 77 millions d'euros pour l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Au total, les crédits du programme 204 ont diminué de 24 % depuis 2013, alors que les crédits du programme 183 ont progressé de 25 % depuis cette date.

Je relèverai trois points relatifs aux deux programmes et à la mission « Santé » de façon plus large.

Les opérateurs sanitaires font l'objet d'une nouvelle mise à contribution, certes moindre que les années précédentes : leurs subventions augmentent de 1 % à périmètre constant, alors qu'elles diminuaient de 2 % en 2017. Cette attrition de leurs ressources conduit à une diminution de leur fonds de roulement de 36 % entre 2016 et 2017 et l'incitation à la recherche d'efficacité que cette réduction des subventions pouvait viser arrive à son terme. Les mutualisations entre agences sanitaires constituent une piste d'économies plus sérieuse que les coups de rabots successifs subis par les opérateurs ces dernières années, qui auraient pu remettre en cause leur capacité à assurer les missions que nous leur avons confiées.

La soutenabilité des dépenses de la mission dépend en réalité principalement du dynamisme des dépenses portées par le programme 183 « Protection maladie », à savoir les dépenses d'Aide médicale d'État (AME). Elles ont augmenté de 40 % entre 2009 et 2016, tandis que sur la même période, le nombre de bénéficiaires a progressé de 44 %.

En outre, la dépense d'Aide médicale d'État (AME) se caractérise par une sous-budgétisation répétée, conduisant à l'ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative et à la constitution d'une dette vis-à-vis de l'assurance maladie. Pour le seul exercice 2016, cette dette s'élève à 11,5 millions d'euros. Le montant de crédits proposés en loi de finances pour 2017, de 815 millions d'euros, était ainsi inférieur au montant finalement exécuté en 2016, tel que présenté en loi de règlement, qui s'élevait à 825 millions d'euros.

L'augmentation des crédits d'AME proposée par le projet de loi de finances me semble s'inscrire dans une démarche de sincérité budgétaire bienvenue, mais ne saurait suffire à assurer la soutenabilité budgétaire de la mission à moyen terme.

Ceci m'amène à tirer une conclusion simple relative à la mission « Santé » : pour assurer la soutenabilité de sa dépense, une réforme de l'AME semble incontournable. La hausse des crédits de la mission traduit en effet une budgétisation plus sincère, mais le dynamisme de la mission résulte essentiellement du mouvement opposé des deux programmes qui la composent. Cette trajectoire divergente révèle les carences d'une stratégie de pilotage ayant privilégié des rabots successifs sur les crédits du programme 204. Le Gouvernement actuel affirme vouloir rompre avec la stratégie du coup de rabot, mais préfère augmenter de façon peu soutenable les crédits de la mission plutôt que d'engager une réflexion sur l'AME.

Une réforme de l'Aide médicale d'État (AME) pourrait consister à remplacer l'Aide médicale d'État de droit commun par une « aide médicale d'urgence » réservant l'accès gratuit aux soins au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, à la prophylaxie, aux soins liés à la grossesse et à ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive, sur le modèle du dispositif existant en Allemagne. C'est d'ailleurs la réforme qu'avait proposée notre collègue Roger Karoutchi et qui avait été adoptée par le Sénat dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration en 2015. Le recentrage de l'Aide médicale d'État entraînerait des économies difficiles à chiffrer. En attendant cette réforme nécessaire, je vous propose d'adopter un amendement réduisant les crédits du programme 183 relatifs à l'Aide médicale d'État.

Tout se passe comme si, d'un côté, le programme de santé publique en direction des organismes de santé publique était en permanence raboté tandis que, de l'autre, l'Aide médicale d'État, prenant en charge les dépenses de santé des personnes immigrées en situation irrégulière - puisque les personnes immigrées en situation régulière ont accès à la CMU - devait être abondée sans fin. En 2012, l'Aide médicale d'État (AME) avait diminué pour atteindre 588 millions d'euros, notamment du fait de l'introduction d'un droit de timbre de 30 euros par demande d'AME. Comme ce dispositif a été abrogé en juillet 2012, le budget consacré à l'Aide médicale d'État est reparti à la hausse, pour atteindre 825 millions d'euros en 2018. L'Italie et l'Espagne ont démontré qu'une règle du jeu différente permettait de minorer la dépense. Cette aide doit être recentrée.

Mme Corinne Imbert , rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales . - Ce rapport sera présenté en commission des affaires sociales demain matin. Le périmètre du programme 204 diminue depuis plusieurs exercices puisque certaines dépenses ont été transférées à la sécurité sociale. En 2018, le financement de deux nouveaux opérateurs serait transféré à l'assurance maladie. Le Gouvernement parle de simplification et souhaite instaurer un financeur unique. Cette évolution ne doit cependant pas conduire à un désengagement de l'État, ni à un moindre contrôle du Parlement. En tout état de cause, on peut s'interroger sur la cohérence du programme dans les années à venir.

Le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine devra être évalué : nous interrogerons les autorités concernées en cours d'année prochaine.

Comme les années passées, les objectifs assignés aux agences s'avèrent particulièrement exigeants. Il faudra porter une attention particulière à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, car elle est particulièrement exposée, compte tenu de ses missions. Il est légitime que ses crédits pour 2018 augmentent, d'autant que son fonds de roulement s'est trouvé proche de son niveau prudentiel à la fin 2016.

J'en viens au programme 183 : durant plusieurs années, ce programme a été sous-doté. Je rends hommage à l'effort de sincérité du Gouvernement pour 2018 qui tente de mettre un terme à cette sous-budgétisation. Selon les caisses d'assurance maladie, le nombre de bénéficiaires de l'Aide médicale d'État serait en légère diminution. En métropole, les demandes d'Aide médicale d'État seront centralisées auprès des caisses de Paris, de Bobigny et de Marseille. La sécurité des procédures s'en trouvera renforcée et les coûts de gestion minorés. Il semble que la demande des caisses d'accéder aux informations sur les titres de séjour et qui sont détenues par le ministère de l'intérieur a enfin été entendue.

Ce programme comprend également la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) dont le financement devient subsidiaire par rapport à celui opéré par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

M. Jean Pierre Vogel . - Nous avons entendu dire que le Gouvernement avait l'intention de reprendre 50 % du produit du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) accordé aux établissements privés non lucratifs. Or, ces établissements ont signé un avenant avec la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) pour utiliser une grande part du CITS pour revaloriser les rémunérations des agents du secteur privé, désavantagés par rapport aux fonctionnaires et aux agents hospitaliers du public. Qu'en est-il ?

M. Arnaud Bazin . - La courbe d'augmentation des dépenses d'Aide médicale d'État suit celle des dépenses des départements en matière d'accueil des mineurs étrangers isolés. L'amendement de notre rapporteur spécial est parfaitement justifié car si l'Aide médicale d'État est indispensable, compte tenu de notre tradition d'accueil des immigrés, il convient d'éviter les excès actuels.

M. Patrice Joly . - Le Gouvernement souhaite lutter contre les inégalités sociales et territoriales, mais les mesures pour endiguer la désertification médicale me semblent insuffisantes.

Je m'étonne que le Gouvernement n'ait pas fait le maximum pour que le siège de l'Agence européenne du médicament soit transféré de Londres à Lille. Il était plutôt favorable à l'implantation de l'Autorité bancaire européenne à Paris. C'est un choix d'arrière-garde, compte tenu des évolutions technologiques actuelles dans le monde de la finance.

M. Alain Joyandet , rapporteur spécial . - Je partage les observations et remarques de Corinne Imbert.

Néanmoins, les contrôles des bénéficiaires de l'AME n'ont engendré que peu d'économies car les critères pour obtenir cette aide sont le plus souvent remplis. Il convient donc de réformer le système pour qu'il coûte moins cher, tout en respectant notre tradition d'accueil des personnes immigrées.

Vous trouverez la réponse à votre question sur le CITS dans le rapport sur le projet de loi de finances, cher collègue Vogel.

Enfin, je prends acte des remarques de Patrice Joly, qui n'étaient pas des questions.

Je vais maintenant présenter mon amendement sur l'Aide médicale d'État, qui propose de diminuer de 300 millions d'euros les autorisations d'engagement et crédits de paiement. Il s'agit d'un amendement qui appelle à engager une réforme de fond de l'AME. Avec cette baisse, l'AME disposerait d'un budget comparable à celui de 2012. Il est indispensable qu'un nouveau dispositif, que nous pourrions appeler « Aide médicale d'urgence », se recentre sur des missions prioritaires, comme l'a déjà fait notre voisin allemand, où le coût de son dispositif est moitié moindre.

L'amendement n° 1 est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.

*

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par son amendement.

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