Rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Pascal SAVOLDELLI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 26

REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

Rapporteur spécial : M. Pascal SAVOLDELLI

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 et 109 à 114 (2017-2018)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En 2018, 115 milliards d'euros de crédits sont demandés au titre de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Ce montant est en large hausse (+ 12 milliards d'euros) par rapport au montant inscrit dans la loi de finances initiale pour 2017, du fait notamment de la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et de la mise en place du dégrèvement sur la taxe d'habitation.

2. Le rapporteur spécial déplore l' absence de prise en compte des observations formulées antérieurement sur la mesure de la performance , qui reste inadéquat et peu pertinent , car uniquement centré sur la mesure de la rapidité de traitement des demandes de remboursements et dégrèvements.

3. Le coût budgétaire du CICE atteint en 2018 un montant record , alors même que les effets du dispositif sur la compétitivité et l'emploi restent particulièrement incertains , comme le souligne le rapport 2017 du comité de suivi. Le rapporteur souligne l'absence de traçabilité et de contrôle des crédits concernés. Ses effets budgétaires sont évalués pour l'année 2018 à plus de 20 milliards d'euros .

4. La décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017, relative aux modalités de calcul du dégrèvement barémique, coûtera 450 millions d'euros en 2018 à l'État . Les contentieux qui seront engagés par les entreprises se traduiront par un coût de 300 millions d'euros en 2017 et de 150 millions d'euros en 2018, tandis que la hausse du coût du dégrèvement pour 2018 atteindra 300 millions d'euros supplémentaires ; en 2019 en revanche, le coût de ce dégrèvement devrait être réduit de 340 millions d'euros par rapport à son niveau de 2018.

5. Le dégrèvement de taxe d'habitation prévu par l'article 3 du présent projet de loi de finances représente un gain de pouvoir d'achat pour les « classes moyennes », mais le gain effectif variera de façon importante selon le décile de revenus et la localisation du contribuable. Certes, « l'injustice » de la taxe d'habitation sera partiellement corrigée, mais cette solution crée un risque sur les ressources des collectivités territoriales , compte tenu des incertitudes sur la pérennité et la consistance du dégrèvement mis en place, et ne résout pas le problème de la vétusté des valeurs locatives , qui continueront à être utilisées comme assiette de nombreuses taxes locales et pour la répartition de la péréquation. Le rapporteur spécial estime nécessaire de mener la révision des valeurs locatives, tout en s'attachant à prendre en compte les revenus dans le calcul de la cotisation due.

À la date du 10 octobre, date limite prévue par la LOLF pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial avait reçu la totalité des réponses.

PREMIÈRE PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS » EN 2018

La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l'application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d'impôts - c'est-à-dire la prise en charge par l'État de l'impôt dû par un contribuable -, des remboursements, des restitutions de crédits d'impôt ou des compensations prévues par des conventions fiscales internationales. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs ; en d'autres termes, ils ne constituent pas un plafond , contrairement à ceux des autres missions budgétaires 1 ( * ) , et les dépenses correspondantes peuvent s'imputer au-delà des crédits ouverts.

La mission est composée de deux programmes, l'un consacré aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, l'autre aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux.

I. APERÇU GÉNÉRAL : DES CRÉDITS EN HAUSSE DE 10 % ENVIRON

Pour 2018, 115,2 milliards d'euros de crédits sont demandés au titre de la présente mission, soit le montant le plus important atteint depuis qu'elle existe, du fait d' une hausse de 6,4 milliards d'euros (+ 5,9 %) par rapport à la loi de finances pour 2017 et de près de 7 milliards d'euros par rapport à l'évaluation 2017 révisée.

Évolution des crédits de la mission à périmètre courant

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

Montant 2017 révisé

PLF 2018

Écart PLF 2018/ LFI 2017

Écart PLF 2018 / Exécution 2016

200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

90 617,7

96 960,1

95 872,0

100 155,5

+ 3 195,4

+ 3,3%

+ 9 537,8

+ 10,5%

201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

12 707,9

11 873,5

12 360,0

15 046,0

+ 3 172,5

+ 26,7%

+ 2 338,1

+ 18,4%

Total mission

103 325,6

108 833,6

108 232,0

115 201,5

+ 6 367,9

+ 5,9%

+ 11 875,9

+ 11,5%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

L'augmentation des crédits se répartit de façon quasi égale sur les deux programmes. Cependant, la hausse des crédits relatifs aux impôts locaux résulte en grande partie de mesures de périmètre ou nouvelles (dégrèvement de taxe d'habitation), qui seront exposées dans la troisième partie du présent rapport spécial. Ainsi, à périmètre constant, la hausse totale des crédits est ramenée à 4 milliards d'euros, dont 3,2 milliards sur les impôts d'État.

Évolution des crédits de la mission à périmètre constant

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

Montant 2017 révisé

PLF 2018

Écart PLF 2018/ LFI 2017

Écart PLF 2018 / Exécution 2016

200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

90 617,7

96 960,1

95 872,0

100 155,5

+ 3 195,4

+ 3,3%

+ 9 537,8

+ 10,5%

201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

12 707,9

11 873,5

12 360,0

12 756,0

+ 882,5

+ 7,4%

+ 48,1

+ 0,4%

Total mission

103 325,6

108 833,6

108 232,0

112 911,5

+ 4 077,9

+ 3,7%

+ 9 585,9

+ 9,3%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Évolution des remboursements et dégrèvements depuis 2001,
en valeur absolue et en proportion des recettes fiscales brutes

(échelle de gauche : en millions d'euros ; échelle de droite : en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

N.B. : les montants indiqués correspondent aux dépenses effectivement effectuées pour les années 2001 à 2016 ; les crédits sont évaluatifs pour les années 2017 et 2018

Les remboursements et dégrèvements devraient représenter 28,5 % des recettes fiscales brutes . Après une chute significative (de 34 % à 25 %) au début des années 2010, qui s'explique par la réforme de la taxe professionnelle, ce taux ne cesse de croître : il a ainsi augmenté de plus de 5 points depuis 2013. Ce chiffre traduit une politique fiscale qui repose de façon importante et croissante sur des mécanismes de réduction fiscale, qui grèvent en contrepartie les dépenses budgétaires . La diminution de la taxe d'habitation ne peut laisser ignorer que d'autres mesures prises auparavant diminuent fortement les recettes de l'État et des collectivités territoriales.

II. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE ENCORE INADAPTÉE

Le dispositif de mesure de la performance de la mission demeure inchangé en 2018, malgré les observations formulées par notre ancienne collègue Marie-France Beaufils sur le manque d'ambition des indicateurs utilisés et l'inadéquation générale du dispositif , en particulier dans son rapport d'information 2 ( * ) « Remboursements et dégrèvements : la machine fiscale à la recherche d'un pilote ».

Ainsi, la performance de l'utilisation des crédits de la mission n'est évaluée que sous l'angle de la rapidité de traitement des demandes de remboursements et de dégrèvements, puisqu'elle n'est assortie que d'un seul objectif : permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible. Il est regrettable qu'un meilleur équilibre ne soit pas trouvé entre la qualité de traitement des demandes et la rapidité, composantes indissociables de la performance globale de la mission.

Par ailleurs, le niveau des cibles choisi pour chacun des indicateurs devant permettre d'évaluer si l'objectif de la mission est atteint est révélateur du peu d'ambition de ce dispositif global de performance et souligne la difficulté de ne retenir que le critère de la rapidité.

À titre d'illustration, l'indicateur 1.1, qui retrace la part des demandes de remboursement de crédit de TVA et des restitutions de trop versé d'impôt sur les sociétés, ayant reçu une suite favorable ou partiellement favorable, traitées dans un délai égal ou inférieur à 30 jours, est chaque année assorti d'une cible fixée à 80 %, tandis que la réalisation approche systématiquement 90 %.

Évolution entre 2011 et 2016 de l'indicateur 1.1
« Part des demandes de remboursement de crédit de TVA et des restitutions de trop versé d'impôt sur les sociétés, ayant reçu une suite favorable ou partiellement favorable, traitées dans un délai égal ou inférieur à 30 jours »

(en %)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La justification des prévisions et de la cible de l'indicateur fournie par le bleu budgétaire précise d'ailleurs que : « un objectif de 100 % ne traduirait pas nécessairement une meilleure gestion : en effet, afin d'éviter des remboursements indus, et en cas de dossier complexe, il est nécessaire que l'administration accorde davantage de temps à l'examen de la demande de restitution ». Cette analyse de l'administration fiscale confirme l'inadéquation persistante des objectifs et indicateurs proposés pour la mission.

DEUXIÈME PARTIE
« REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT »

I. DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT EN HAUSSE CONTINUE MALGRÉ LA STABILITÉ DU PÉRIMÈTRE DU PROGRAMME

A. DES DÉPENSES QUI CONTINUENT À BÉNÉFICIER TRÈS MAJORITAIREMENT AUX ENTREPRISES

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » retrace les dépenses en atténuation de recettes relatives aux impôts d'État. Le montant global des crédits demandés pour 2018 s'élève à 100 milliards d'euros .

Il se compose de trois actions d'inégale importance en termes de volume budgétaire :

- les dépenses qui relèvent de la mécanique de l'impôt représentent plus de deux tiers des crédits du programme. Il s'agit principalement des restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés et les remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;

- les dépenses qui sont liées à des politiques publiques prennent en principe la forme de crédits d'impôt. Elles représentent 21 % des crédits du programme ;

- les autres dépenses représentent 11 % des crédits. Il s'agit des remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État, ce qui inclut les restitutions de sommes indûment perçues, les remises de débet et les admissions en non-valeur. C'est au sein de cette action que sont retracées les dépenses liés à des contentieux fiscaux.

Répartition des crédits des
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État »

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La part des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (action 12) au sein du programme a progressé de façon constante depuis 2013, à la faveur de la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), alors que le niveau global des crédits d'impôts avait diminué de 2010 à 2013 en raison de la réduction des niches fiscales.

Évolution de la part relative des actions au sein du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » depuis 2012

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les remboursements et dégrèvements continuent de bénéficier en majeure partie aux entreprises , près de 90 % des crédits étant des transferts à destination de celles-ci, soit 90 milliards d'euros en 2018. Ce constat est confirmé si l'on écarte les dépenses liées à la mécanique de l'impôt (action 11) qui comprennent en particulier les restitutions de crédits de TVA, par nature destinés aux entreprises, et de l'autre celles liées à la gestion des produits de l'État (action 13). 80 % des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques bénéficient aux entreprises, à travers notamment des restitutions de créances au titre des crédits d'impôt sur les sociétés.

Cette réduction massive de l'imposition des entreprises , déjà soulignée les années précédentes par notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, alors rapporteure spéciale sur la mission « Remboursements et dégrèvements », se trouve renforcée en 2018 et continue d'interroger sur les finalités de la politique fiscale, alors même que les effets semblent par ailleurs incertains (cf. infra , développements relatifs au crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi).

Évolution de la part des bénéficiaires des « Remboursements et dégrèvements
liés à des politiques publiques » entre 2013 et 2018

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE RÉVISION LÉGÈREMENT À LA BAISSE DU MONTANT DES CRÉDITS POUR L'ANNÉE 2017

L'évaluation révisée des crédits nécessaires pour 2017 est inférieure d'un milliard d'euros au montant inscrit en loi de finances initiale (1,1 %). Cet écart est plus faible que pour les exercices précédents. Cette relative stabilité globale cache cependant des variations plus conséquentes si l'on étudie les montants révisés action par action. Les lignes budgétaires concernées par les plus nettes variations sont les restitutions d'excédents d'acomptes de l'impôt sur les sociétés (- 2 milliards d'euros) et les restitutions de crédits de TVA (- 1,8 milliard d'euros).

Par ailleurs, la prévision révisée pour 2017 fait subsister deux sous-actions qui avaient été votées avec un montant nul en loi de finances initiale, en conséquence de l'extinction des dispositifs fiscaux concernés. Il s'agissait du plafonnement des impositions indirectes qui retraçait les crédits restitués au titre du bouclier fiscal, supprimé à compter du 1 er janvier 2013, et d'autre part de la prime pour l'emploi, dispositif supprimé à compter des revenus de l'année 2015. Le présent projet de loi de finances prévoit que les restitutions seront nulles pour ces deux dispositifs à compter de l'année 2018.

Révision des estimations des crédits du programme 200 pour l'exercice 2017,

par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2017 (LFI)

2017 (révisé)

Évolution 2017 LFI/révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

69 757

66 017

-3 740

-5,67%

IS

17 174

15 185

-1 989

-13,10%

TVA

52 419

50 650

-1 769

-3,49%

Bouclier fiscal

-

2

+2

-

Autres

164

180

+16

+8,89%

Action 12 : politiques publiques

15 785

16 883

+1 098

+6,50%

PPE

-

3

+3

-

IR

2 628

2 651

+23

+0,87%

IS

11 519

12 455

+936

+7,52%

TIPP

1 120

1 186

+66

+5,56%

TICGN

3

2

-1

-50,00%

CAP

515

586

+71

+12,12%

Action 13 : gestion des produits de l'État

11 421

12 972

+1 551

+11,96%

IR

2 348

2 103

-245

-11,65%

IS

1 317

2 306

+989

+42,89%

Autres impôts directs

1 627

2 075

+448

+21,59%

TVA

2 200

2 336

+136

+5,82%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

500

679

+179

+26,36%

Autres

716

760

+44

+5,79%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

2 200

2 063

-137

-6,64%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

513

650

+137

+21,08%

Total général

96 963

95 872

-1 091

-1,14%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

C. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS PRINCIPALEMENT DUE AUX DÉPENSES DE CICE ET D'IMPÔT SUR LE REVENU

Le montant des crédits du programme 200 est en hausse de 3,3 % par rapport au montant des crédits votés en LFI 2017 . La hausse est de 4,47 % si l'on se rapporte au montant révisé des prévisions de remboursements et dégrèvements pour 2017.

Évolution des crédits du programme 200 de 2013 à 2018, par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2013

2014

2015

2016

2017 (LFI)

2017 (révisé)

2018 (PLF)

Évolution 2018/2017 révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

57 868

62 395

66 617

66 609

69 757

66 017

67 758

+1 741

+2,64%

IS

10 554

14 523

16 898

16 573

17 174

15 185

16 097

+912

+6,01%

TVA

47 008

47 607

49 532

50 148

52 419

50 650

51 481

+831

+1,64%

Bouclier fiscal

177

19

10

8

-

2

-

-2

-100,00%

Autres

129

246

177

180

164

180

180

0

-

Action 12 : politiques publiques

6 515

11 597

13 613

13 001

15 785

16 883

21 232

4 349

25,76%

PPE

1 882

1 951

1 962

37

-

3

-

-3

-100,00%

IR

1 459

2 108

2 372

2 696

2 628

2 651

3 691

+1 040

+39,23%

IS

1 894

6 267

8 058

8 891

11 519

12 455

15 521

+3 066

+24,62%

TIPP

787

760

706

758

1 120

1 186

1 423

+237

+19,98%

TICGN

3

3

1

2

3

2

3

+1

+50,00%

CAP

490

508

514

617

515

586

594

+8

+1,37%

Action 13 : gestion des produits de l'État

12 827

10 638

11 279

10 708

11 421

12 972

11 165

-1 807

-13,93%

IR

2 320

2 106

2 236

2 071

2 348

2 103

2 055

-48

-2,28%

IS

1 145

1 187

1 245

1 162

1 317

2 306

839

-1 467

-63,62%

Autres impôts directs

2 967

1 527

1 413

1 454

1 627

2 075

2 075

0

-

TVA

2 300

1 972

2 200

2 136

2 200

2 336

2 136

-200

-8,56%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

675

403

452

679

500

679

650

-29

-4,27%

Autres

578

702

729

660

716

760

710

-50

-6,58%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

1 970

2 296

2 513

2 063

2 200

2 063

2 050

-13

-0,63%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

872

445

491

483

513

650

650

0

-

Total général

77 210

84 630

91 509

90 618

96 963

95 872

100 155

+4 283

+4,47%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette augmentation s'explique tout d'abord par la croissance des recettes de TVA et de l'impôt sur les sociétés, qui entraînent mécaniquement davantage de restitutions. Celles-ci sont retracées dans l'action 11 « Remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt ».

Mais l'augmentation des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État est surtout la conséquence d'une hausse continue des restitutions de créances au titre du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE), qui se traduit budgétairement dans la sous-action 12-03 (cf. infra ).

Évolution du montant de l'action 12-03 « Impôt sur les sociétés » depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse globale du montant total des crédits du programme 200 est enfin portée par les restitutions de crédits d'impôts concernant l'impôt sur le revenu, parmi les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques. Ces dépenses vont nettement augmenter en 2018 en raison de la modification du dispositif fiscal relatif aux services à la personne votée en loi de finances initiale pour 2017 . Le crédit d'impôt auquel donnait droit l'emploi d'un salarié à domicile était auparavant réservé aux seuls actifs ou personnes en recherche d'emploi. Les personnes inactives ne pouvaient bénéficier que d'une réduction d'impôt au titre de cette dépense. L'article 82 de la loi de finances initiale pour 2017 a supprimé cette condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle et a ainsi « universalisé » le crédit d'impôt, ce qui permet en particulier aux retraités à revenus modestes d'en bénéficier. Le coût de cette mesure était évalué au cours des discussions budgétaires de l'automne 2016 à 1,1 milliard d'euros. Les crédits du programme 200 traduisent donc l'impact en 2018 de ce nouveau dispositif et la sous-action 12-02 intègre le montant annoncé de cette universalisation du crédit d'impôt. L'évaluation du coût budgétaire de la mesure est, selon le projet annuel de performances, maintenu à 1,1 milliard d'euros.

Évolution des remboursements et dégrèvements d'impôt sur le revenu liés à des politiques publiques depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Seuls les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État (action 13) sont attendus en diminution en 2018, de 1,8 milliard d'euros, même si la prévision pour 2018 tient compte des prévisions de dépenses liées à des contentieux. Ainsi, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 mai 2012 sur la non-conformité au droit européen du régime fiscal des « OPCVM » (organismes de placement collectifs en valeurs mobilières) continue de peser sur le programme 200 puisque la dépense prévue en 2018 à ce titre s'élève à 1 milliard d'euros.

II. LE POIDS CONSTANT DU CICE SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME

A. DES EFFETS BUDGÉTAIRES RECORD EN 2018 QUI DÉPASSENT 20 MILLIARDS D'EUROS

Le crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE) mis en place par la loi de finances rectificative pour 2012 3 ( * ) est un crédit d'impôt en faveur des entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu et qui est assis sur la masse salariale de celles-ci. Il pèse sur les dépenses du programme 200 de la mission « Remboursements et dégrèvements » à deux titres, selon la forme choisie par les entreprises pour mobiliser leur créance de CICE :

- lorsque les entreprises décident d'imputer leur créance sur le solde ou sur les acomptes, cette imputation peut entraîner la restitution d'un excédent de versement d'acompte. Ces opérations sont alors retracées au sein de la sous-action 11-01, « Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt » au titre de l'impôt sur les sociétés ;

- si les entreprises choisissent la restitution immédiate de la créance au titre du CICE lorsque cette possibilité leur est ouverte, la dépense correspondante sera retracée dans la sous-action 12-03 qui regroupe les restitutions de crédits d'impôt sur les sociétés.

La montée en puissance progressive du dispositif se confirme en 2018 et se traduit dans le projet de loi de finances par un montant record du coût budgétaire du dispositif pour l'année 2018, qui atteint 20 milliards d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés .

Évolution des créances de CICE (IS) par type de consommation

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Créance au titre de 2013

6,2

1,6

0,0

2,9

0,3

0,0

dont imputation au solde

4,1

0,8

0,0

0,0

0,0

dont imputation aux acomptes

0,0

0,2

0,0

0,0

0,0

dont restitution

2,1

0,6

0,0

2,9

0,3

Créance au titre de 2014

0,0

10,0

1,3

0,0

5,0

0,6

dont imputation au solde

6,0

0,3

0,0

0,0

0,0

dont imputation aux acomptes

0,7

0,2

0,0

0,0

0,0

dont restitution

3,4

0,9

0,0

5,0

0,6

Créance au titre de 2015

0,0

0,0

10,7

1,4

0,0

5,0

dont imputation au solde

6,4

0,3

0,0

0,0

dont imputation aux acomptes

0,8

0,2

0,0

0,0

dont restitution

3,5

0,9

0,0

5,0

Créance au titre de 2016

0,0

0,0

0,0

11,2

1,4

0,0

dont imputation au solde

6,7

0,3

0,0

dont imputation aux acomptes

0,9

0,2

0,0

dont restitution

3,6

0,9

0,0

Créance au titre de 2017

0,0

0,0

0,0

0,0

13,1

1,7

dont imputation au solde

7,8

0,4

dont imputation aux acomptes

1,0

0,3

dont restitution

4,4

1,0

Total sur l'exercice budgétaire

6,2

11,6

12,0

15,5

19,8

7,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la direction générale des finances publiques

L'effet budgétaire en matière d'impôt sur le revenu est quant à lui évalué à 1,1 milliard d'euros en 2018.

Évolution des créances de CICE (IR) par type de consommation

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Imputation

0,3

0,5

0,6

0,6

0,7

0,7

Restitution

0,1

0,3

0,3

0,3

0,4

0,4

Total sur l'exercice budgétaire

0,4

0,8

0,9

0,9

1,1

1,1

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la direction générale des finances publiques

Plusieurs paramètres expliquent cette hausse continue. Les entreprises disposent tout d'abord d'un délai de trois ans pour déclarer leur créance de CICE, ce qui implique que la consommation de la créance au titre d'une année s'échelonne sur plusieurs exercices budgétaires. La progression du montant des restitutions s'explique aussi par une hausse du nombre des déclarations, qui correspond d'une part à une meilleure connaissance par les entreprises du fonctionnement du dispositif et, d'autre part, à un intérêt accru du fait de la révision à la hausse du taux du CICE. En effet, celui-ci est successivement passé de 4 % à 6 % entre 2013 et 2014, puis à 7 % en 2017.

Les prévisions fournies par la direction générale des finances publiques montrent une diminution à partir de 2019. La baisse du taux du CICE à 6 % à compter des revenus 2018 prévue par le présent projet de loi de finances pour 2018 (article 42), puis la suppression annoncée du dispositif dans sa forme actuelle à partir du 1 er janvier 2019 conduiront à une diminution progressive des remboursements et dégrèvements retracés dans le programme 200 .

B. UNE DÉPENSE CONSIDÉRABLE AUX EFFETS INCERTAINS

Malgré son poids budgétaire conséquent, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi n'a pas démontré des effets certains . Le dernier rapport d'évaluation 4 ( * ) du comité de suivi du CICE, présidé par Michel Yahiel, commissaire général de France Stratégie, conclut ainsi que le dispositif n'a pas eu d'impact à court terme en 2013 et 2014 sur les investissements, sur la recherche et développement ni sur les exportations. Il souligne par ailleurs l'incertitude quant aux effets du CICE sur l'emploi : le comité de suivi reconnaît dans son rapport que les entreprises les plus exposées au crédit d'impôt ont bénéficié d'un effet positif modéré, mais qu'il n'est pas possible de mettre en évidence un effet plus significatif. L'incertitude subsiste selon le comité d'évaluation sur les niveaux de qualification d'emploi qui auraient bénéficié des effets du CICE. De même, les effets sur le niveau des salaires sont, selon les termes du rapport, « difficiles à déceler ». Enfin, le comité observe que les estimations concernant l'effet du crédit d'impôt sur les dividendes sont trop fragiles pour pouvoir conclure sur ce point.

Votre rapporteur spécial observe par ailleurs que l'information relative à la répartition géographique des bénéficiaires du CICE n'est pas accessible et regrette l'absence de dispositif de traçabilité de l'utilisation des crédits concernés sur ce point, qui permettrait de mieux juger des effets de la mesure sur l'emploi et la compétitivité.

III. DES ÉVOLUTIONS ATTENDUES EN CAS D'ENTRÉE EN VIGUEUR DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

L'entrée en vigueur du prélèvement à la source aurait des conséquences sur la structure et le volume de dépenses du programme 200 . Son report à l'année 2019 par l'ordonnance du 22 septembre 2017 5 ( * ) repousse cependant ces conséquences sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Les estimations fournies par le Gouvernement en réponse aux questions adressées par votre rapporteur spécial indiquent que le montant des dépenses retracées dans le programme 200 devrait être affecté par le prélèvement à la source en raison notamment de la mise en place du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) destiné à éviter la double imposition en 2018.

En conséquence de cette évolution à venir, une réflexion sur la maquette du programme est en cours et devrait aboutir au cours du premier semestre 2018 à des ajustements techniques de l'organisation du programme, avec la création éventuelle de sous-actions permettant de retracer des restitutions de trop-versé d'impôt sur le revenu ou des dégrèvements accordés à la suite de réclamations contentieuses.

TROISIÈME PARTIE
« REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS LOCAUX »

En 2017, les crédits demandés au titre des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux s'élèvent à 15 milliards d'euros, en hausse de 3,2 milliards d'euros (+ 27 %), à périmètre courant, par rapport à la loi de finances pour 2017. À périmètre constant, en revanche, cette hausse est ramenée à 7,4 % et même à 3,2 % par rapport à la prévision actualisée 2017.

Évolution à périmètre courant des crédits du programme 201
« Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux »

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

2017 (prévision actualisée)

PLF 2018

Variation PLF 2018 / LFI 2017

Variation PLF 2018 / prévision 2017 actualisée

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale

6 724,5

6 599,4

6 998,0

6 490,0

- 109,4

- 1,7 %

- 508,0

- 7,3 %

02 - Taxes foncières

1 474,7

1 076,0

1 128,0

1 161,0

+ 85,0

+ 7,9 %

+ 33,0

+ 2,9 %

03 - Taxe d'habitation

3 977,5

3 717,2

3 703,0

6 864,0

+ 3 146,8

+ 84,7 %

+ 3 161,0

+ 85,4 %

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

531,2

481,0

531,0

531,0

+ 50,0

+ 10,4 %

-

-

TOTAL

12 707,9

11 873,5

12 360,0

15 046,0

+ 3 172,5

+ 26,7 %

2 686,0

+ 21,7 %

Évolution à périmètre constant des crédits du programme 201
« Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux »

Exécution 2016

LFI 2017

2017 (prévision actualisée)

PLF 2018

Variation PLF 2018 / LFI 2017

Variation PLF 2018 / prévision 2017 actualisée

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale

6 724,5

6 599,4

6 998,0

7 240,0 6 ( * )

+ 640,6

+ 9,7%

+ 242,0

+ 3,5%

02 - Taxes foncières

1 474,7

1 076,0

1 128,0

1 161,0

+ 85,0

+ 7,9 %

+ 33,0

+ 2,9 %

03 - Taxe d'habitation

3 977,5

3 717,2

3 703

3 824,0 7 ( * )

+ 106,8

+ 2,9 %

+ 121,0

+ 3,3 %

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

531,2

481,0

531,0

531,0

+ 50,0

+ 10,4 %

-

-

TOTAL

12 707,9

11 873,5

12 360,0

12 756,0

+ 882,5

+ 7,4%

+ 396,0

+ 3,2%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

L'évolution des crédits inscrits s'explique notamment par la mise en place de la première tranche du dégrèvement de taxe d'habitation prévu à l'article 7 du présent projet de loi de finances (+ 3 milliards d'euros) et par le fait que les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont retracés, à compter de 2018, sur le programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » (- 750 millions d'euros).

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, cette augmentation significative des crédits conduit à s'approcher du montant record de 2009 (17,3 milliards d'euros), alors que les années suivant la réforme de la taxe professionnelle avaient vu ces crédits diminuer sensiblement (11 milliards d'euros entre 2011 et 2015). Ce montant continuera à croître compte tenu des deux tranches suivantes de dégrèvement de taxe d'habitation annoncées pour 2019 et 2020, qui représenteront au total 7 milliards d'euros par an supplémentaires.

Évolution depuis 2007 des montants de dégrèvements
des différents impôts locaux

Taxes foncières

Fiscalité économique locale

Taxe d'habitation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Ainsi, moins de dix ans après la réforme de la taxe professionnelle, le débat sur l'État « premier contribuable local » pourrait être relancé , alors que la part des recettes fiscales des collectivités territoriales qu'il prenait en charge avait fortement décru après 2010.

Part des recettes des impôts locaux prise en charge par l'État
(dégrèvements et compensations)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Impôts économiques

42,2%

43,5%

-

29,6%

25,4%

23,7%

22,8%

21,7%

22,1%

Impôts « ménages »

15,1%

13,9%

13,6%

12,8%

12,2%

11,9%

11,7%

12,0%

12,4%

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGPL)

I. LES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS ÉCONOMIQUES LOCAUX : UN CHANGEMENT DE PÉRIMÈTRE ET LES CONSÉQUENCES D'UNE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR LE COÛT DES CONTENTIEUX

En 2018, les dégrèvements en matière d'impôts économiques locaux devraient diminuer de 7,3 % par rapport à la prévision 2017 actualisée ( - 508 millions d'euros ).

Évolution des dégrèvements de fiscalité économique locale

(en millions d'euros)

2014 (exécution)

2015 (exécution)

2016 (exécution)

2017
(prévision)

2018 (prévision)

Plafonnement TP/VA

12

12

3

0

0

Plafonnement CET/VA

1 068

1 041

1 171

1 216

1 190

Crédit impôt zones de restructuration défense

3

3

0

0

0

Dégrèvement barémique CVAE

3 962

3 953

4 368

4 282

4 680

Restitution CVAE

807

763

711

750

0

Dégrèvement transitoire

92

28

20

0

0

Autres motifs

536

507

452

750

620

TOTAL

6 480

6 307

6 725

6 998

6 490

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Cette évolution est due :

- au fait que la présente mission ne retracera plus les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à compter de 2018 (- 750 millions d'euros) ;

- à la hausse exceptionnelle en 2017 des dépenses dues aux contentieux en matière de CVAE , à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017 ; en 2018 ce montant baisse de façon importante (- 150 millions d'euros), sans pour autant revenir à son niveau des années 2014-2016 ;

- à la croissance des dépenses au titre du dégrèvement barémique (+ 400 millions d'euros).

A. UN TRANSFERT DES RESTITUTIONS DE CVAE SUR LE PROGRAMME 833 QUI ÉVITE UN EXCÉDENT STRUCTUREL DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS

Comme l'a régulièrement 8 ( * ) souligné notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, alors rapporteure spéciale de la présente mission « Remboursements et dégrèvements », les modalités comptables d'inscription des restitutions d'acomptes de CVAE ne sont pas pertinentes .

Le produit des impôts directs locaux sont versés par l'État aux collectivités territoriales à travers le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » : ses recettes sont égales au produit de ces impositions recouvrées par l'État et ses dépenses aux versements mensuels aux collectivités. Il en est de même pour la CVAE, à une exception près. Cet impôt étant auto-liquidé par les entreprises, les acomptes qu'elles versent peuvent se révéler supérieurs à la cotisation due, ce qui leur ouvre le droit à restitutions. Or, ces restitutions ne sont pas retracées sur compte de concours financiers précité mais sur la présente mission « Remboursements et dégrèvements ». Il en résulte un excédent structurel du compte, puisque ces restitutions ne viennent jamais minorer ses recettes, et parallèlement une charge pour le budget général de l'État . C'est pourquoi le rapport précité de Marie-France Beaufils proposait 9 ( * ) que ces restitutions de CVAE soient retracées sur le compte de concours financiers.

À compter de 2018, les restitutions de CVAE seront effectivement retracées sur le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » , en minoration des recettes du programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes ». Dès lors, le montant 2018 sur la présente mission est nul .

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES LIÉE AUX CONTENTIEUX DUE À LA CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DES MODALITÉS DE CALCUL DU DÉGRÈVEMENT BARÉMIQUE POUR LES GROUPES FISCALEMENT INTÉGRÉS

Le dégrèvement barémique de CVAE est le dispositif fiscal par lequel l'État prend en charge la différence entre le produit perçu par les collectivités territoriales, correspondant à un taux théorique de 1,5 %, et le montant effectivement acquitté par les entreprises, dont le taux d'imposition varie de 0 % à 1,5 % en fonction de leur chiffre d'affaires 10 ( * ) .

Dès lors que le taux effectif de CVAE dépend du chiffre d'affaires, certaines entreprises pourraient avoir des comportements d'optimisation fiscale en multipliant les filiales , ce qui leur permettrait de réduire artificiellement leur chiffre d'affaires et donc de bénéficier d'un taux effectif de CVAE moins élevé. Afin d'éviter cela, l'article 1586 quater du code général des impôts prévoit que le chiffre d'affaires des groupes de sociétés fiscalement intégrés - c'est-à-dire une société mère et ses filiales détenues à 95 % au moins ayant opté pour ce régime fiscal - est consolidé au niveau du groupe .

Cependant, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution en mai dernier 11 ( * ) , en considérant qu'elles créaient une inégalité devant la loi entre les groupes satisfaisant les conditions précitées selon qu'elles avaient opté ou non pour le régime de l'intégration fiscale, dans la mesure où leur taux d'imposition global serait différent. Si le Conseil constitutionnel reconnaissait le motif d'intérêt général (empêcher l'optimisation fiscale), il considérait que le critère retenu (l'option pour ce régime fiscal) n'était pas en adéquation avec l'objet de la loi, puisque les groupes non intégrés peuvent également avoir des comportements d'optimisation 12 ( * ) .

La censure du Conseil constitutionnel étant d'application immédiate, il en résulte un coût pour l'État, correspondant aux montants réclamés par les entreprises au titre des exercices passés du fait de l'application de la consolidation du chiffre d'affaires. D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, ce coût devrait s'élever à 300 millions d'euros en 2017 et à 150 millions d'euros en 2018. Les montants inscrits en 2017 (prévision révisée) et 2018 au titre des « autres dégrèvements » (qui comprennent le coût des contentieux) correspondent donc au montant de 2016 (450 millions d'euros) majoré de ce coût.

L'article 7 du présent projet de loi de finances propose qu' à compter de 2018, le chiffre d'affaires soit consolidé pour les groupes, qu'ils aient ou non opté pour le régime de l'intégration fiscale.

C. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DU DÉGRÈVEMENT BARÉMIQUE

Le montant du dégrèvement barémique augmente de 400 millions d'euros environ, passant de 4,3 milliards d'euros à 4,7 milliards.

Cette hausse s'explique à hauteur de 100 millions d'euros par la dynamique spontanée du dégrèvement, elle-même liée à la dynamique du produit de CVAE. Les 300 millions d'euros restant sont pour leur part une conséquence de la décision précitée du Conseil constitutionnel . En effet, la CVAE versée aux collectivités territoriales en 2018 correspond à celle collectée en 2017 auprès des entreprises, années au cours de laquelle les entreprises qui devaient jusque-là consolider leur chiffre d'affaires ont pu ne pas le faire. Ceci se retrouve d'ailleurs dans la diminution que constate l'administration fiscale dans les acomptes de CVAE de juin et de septembre. En 2019 en revanche, d'après les chiffres du Gouvernement, si l'article 7 du présent projet de loi de finances était adopté (cf. supra ), le coût du dégrèvement barémique diminuerait de 300 millions d'euros (les entreprises dont le chiffre d'affaires était consolidé en 2016 devant à nouveau le consolider) et même de 40 millions d'euros supplémentaires , dans la mesure où les groupes qui n'avaient pas opté pour la consolidation seront d'office consolidés à compter de la CVAE acquittée en 2018.

*

Enfin, depuis l'an dernier, le programme 201 ne retrace plus de dégrèvement relatif à la taxe professionnelle . Pourtant, l'action 01 de ce programme continue à s'appeler « Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques créés ou modifiés dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle ». Aussi, votre rapporteur spécial propose que cette action soit renommée « Fiscalité économique locale » . Il note cependant que le produit fiscal découlant de la contribution économique territoriale est bien inférieur à celui de la taxe professionnelle avant sa suppression.

II. LES DÉGRÈVEMENTS DE TAXES FONCIÈRES

Les dégrèvements de taxe foncière sont en légère hausse par rapport à la prévision actualisée 2017 : ils augmentent de 33 millions d'euros (+ 2,9 %). L'écart par rapport à l'exécution 2016 s'explique par la suppression du dégrèvement exceptionnel mis en place cette année-là pour compenser la perte de l'exonération de taxe foncière dont bénéficiaient certains contribuables, du fait en particulier de la suppression progressive de la demi-part supplémentaire de quotient familial - dite « demi-part des veuves » - par la loi de finances pour 2009 et de la fiscalisation des majorations de pensions de retraites par la loi de finances pour 2014 .

Évolution de l'action 02 « Taxes foncières »

(en millions d'euros)

2014 (exécution)

2015 (exécution)

2016 (exécution)

2017 (prévision)

2018 (prévision)

Personnes de 65-75 ans de condition modeste

70

53

55

55

55

Pertes de récoltes

18

6

174

34

34

Jeunes agriculteurs

9

9

8

8

8

Travaux dans le cadre de la prévention des risques technologiques (TFPB)

1

1

Epsilon

Epsilon

Epsilon

Travaux d'économie d'énergie, pour les organismes HLM et les SEM (TFPB)

100

59

80

80

80

Personnes de condition modeste, en fonction de leur revenu

3

4

4

4

4

Accessibilité pour personnes handicapées (TFPB)

N.C.

42

64

64

64

Association foncière pastorale (TFPNB)

Epsilon

Epsilon

Epsilon

Epsilon

Epsilon

Cotisation inférieure à 12 euros

12

12

12

12

12

Autres dégrèvements

873

803

1 078

871

904

TOTAL

1 086

989

1 475

1 128

1 161

N.C. : non chiffré.

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

III. LES DÉGRÈVEMENTS DE TAXE D'HABITATION : LA MISE EN PLACE DE LA PREMIÈRE TRANCHE DU DÉGRÈVEMENT ANNONCÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

A. UNE LÉGÈRE HAUSSE DES DÉGRÈVEMENTS DE TAXE D'HABITATION, À PÉRIMÈTRE CONSTANT

À périmètre constant , les crédits des dégrèvements de taxe d'habitation augmentent légèrement (+ 3 % environ, soit + 120 millions d'euros) tant par rapport à la loi de finances pour 2017 que par rapport aux prévisions actualisées pour 2017.

Évolution des crédits de l'action 03 « Taxe d'habitation »

(en millions d'euros)

2014
(exécution)

2015
(exécution)

2016 (exécution)

2017 (prévision)

2018 (prévision)

Gestionnaires de foyers
(article 1414 II du CGI)

41

53

60

60

60

Plafonnement en fonction du revenu (article 1414 A du CGI)

2 906

3 153

2 996

3 046

3 147

Cotisation inférieure à 12 euros

2

2

2

2

2

Logements vacants

19

27

27

27

27

Dégrèvement personnes de condition modeste relogées (programme Agence pour la rénovation urbaine)

33

36

38

38

38

Autres dégrèvements

555

526

855

530

550

Dégrèvement créé à l'article 7 du présent PLF

-

-

-

-

3 040

Total action

3 556

3 797

3 978

3 703

6 864

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

B. LA RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET MISE EN oeUVRE DANS LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES

À périmètre courant , le montant des crédits inscrits sur cette action augmente de plus de 3 milliards d'euros , du fait de la réforme de la taxe d'habitation portée par l'article 3 du présent projet de loi de finances.

1. Le dispositif prévu à l'article 3 du présent projet de loi de finances

L'article 3 du présent projet de loi de finances met en oeuvre l'engagement du Président de la République, pris au cours de la campagne électorale du printemps dernier, « d'exonérer » 80 % des Français de la taxe d'habitation. Ce dispositif sera analysé en détail dans le Tome II du rapport général . On peut néanmoins en présenter les grandes lignes :

- cet allègement fiscal prendra la forme d'un dégrèvement - et non d'une exonération -, d'où l'inscription sur la présente mission des crédits correspondants ;

- en bénéficient les contribuables dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un plafond donné (qui tient donc compte également de la composition du foyer) ;

- la mesure sera mise en place progressivement sur trois ans : les contribuables concernés bénéficieront d'un tiers du dégrèvement - calculé dans les conditions présentées au point ci-dessous - en 2018, de deux tiers en 2019 et de 100 % en 2020 ;

- le dégrèvement sera calculé sur la base des taux et des abattements de 2017 ; si le dégrèvement ainsi calculé était inférieur à la contribution due, la différence serait acquittée par le contribuable.

2. Des effets concentrés sur les « classes moyennes »

D'après l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) 13 ( * ) , cette mesure représentera - en 2020, lorsqu'elle aura été mise en place dans son intégralité - un gain de pouvoir d'achat moyen de 325 euros par ménage acquittant actuellement la taxe d'habitation. Le gain effectif variera cependant de façon importante, selon le décile de revenus et la localisation du contribuable .

Présentée comme devant bénéficier essentiellement aux « classes moyennes », cette mesure voit effectivement ses effets concentrés sur celles-ci, comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Effets de la réforme par décile de niveau de vie

Source : Observatoire français des conjonctures économiques

On observe ainsi que les ménages des déciles 4 à 8 verront leur niveau de vie augmenter de 400 à 500 euros par an en moyenne, soit une hausse de 2 % à 2,5 % (jusqu'au septième décile). Plus précisément, l'ensemble des ménages ayant des revenus inférieurs à la médiane ne payeront plus de taxe d'habitation et 70 % des bénéficiaires de cette mesure ont un niveau de vie compris entre le troisième et le septième décile. À l'inverse, les contribuables des deux premiers déciles n'en bénéficieront que marginalement, dans la mesure où ils sont déjà éligibles, pour la plupart, aux exonérations et dégrèvements existants .

Si l'on se concentre uniquement sur les gagnants de la réforme, au sein de chaque décile, on observe que les gains par bénéficiaires sont plus importants dans les déciles élevés , dans la mesure où le montant de la taxe d'habitation est au moins partiellement corrélé au revenu.

Nombre de gagnants et gain moyen des gagnants
par décile de niveau de vie

Source : Observatoire français des conjonctures économiques

Enfin, on peut noter que le montant de l'avantage fiscal ne sera pas proportionné au seul revenu, mais dépendra également du montant de taxe d'habitation acquitté, qui dépend pour sa part de la politique fiscale de la collectivité territoriale mais aussi de sa situation économique et de la présence ou de l'absence de bases de fiscalité économique importantes. Ainsi, à revenus équivalents, le montant de l'allègement pourra être très différent .

La carte ci-dessous, également issue de l'étude de l'OFCE précitée, illustre cette hétérogénéité territoriale du bénéfice de la réforme.

Gain moyen en euros par ménage et par département

Source : Observatoire français des conjonctures économiques

3. Une solution qui fragilise les ressources des collectivités territoriales sans résoudre le problème de la vétusté des valeurs locatives

La mesure proposée par le Gouvernement vise à donner du pouvoir d'achat aux « classes moyennes », mais également à apporter une solution au caractère injustice de la taxe d'habitation , souvent souligné. En effet, si le montant moyen de la taxe d'habitation évolue effectivement avec le revenu, on observe des écarts significatifs au sein d'une même commune et entre communes, sans que ces écarts puissent être justifiés de façon satisfaisante.

La solution retenue par le Gouvernement n'est pas satisfaisante . Tout d'abord, pour des revenus identiques, l'allègement fiscal pourra varier de façon importante. De plus, les ressources des communes et groupements seront diminuées si l'État décidait à l'avenir de modifier le dégrèvement mis en place dans le présent projet de loi de finances. Enfin, elle ne résout pas la question de la vétusté des valeurs locatives, qui continueront à être utilisées pour la taxe d'habitation de 20 % des Français, mais également pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, la cotisation foncière des entreprises, la répartition du produit de la CVAE des entreprises multi-établissements et pour le calcul des attributions et versements au titre des dispositifs de péréquation.

Aussi, plutôt que mettre en place une réforme incertaine quant à la pérennité des ressources des collectivités territoriales, votre rapporteur spécial estime nécessaire de mener la révision des valeurs locatives, tout en s'attachant à prendre en compte les revenus dans le calcul de la cotisation due . Celui-ci est d'ores-et-déjà pris en compte, à travers les abattements, exonérations et dégrèvements existants, mais il aurait sans doute été préférable d'aller plus loin et d'étendre, même progressivement, le plafonnement de la taxe d'habitation en fonction des revenus 14 ( * ) . N'oublions jamais que les contribuables à la taxe d'habitation n'ont - en général - pas la possibilité de la déduire de leur impôt sur le revenu, contrairement aux entreprises qui peuvent déduire la contribution économique territoriale qu'elles acquittent de la base de calcul de leur impôt sur les sociétés ou sur le revenu.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission, l'Assemblée nationale a adopté un amendement majorant de 166 millions d'euros les crédits du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », afin de tirer les conséquences de l'insertion par nos collègues députés d'un article 3 ter en première partie du projet de loi de finances, relatif au maintien de l'exonération de taxe d'habitation pour certains contribuables prévu par la loi de finances pour 2016 15 ( * ) .

AMENDEMENT PROPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES FINANCES

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2018

ARTICLES SECONDE PARTIE

MISSION REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

1

A M E N D E M E N T

présenté par

M. de MONTGOLFIER,

Rapporteur général

_________________

ARTICLE 29

ÉTAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

- 3 206 000 000

- 3 206 000 000

TOTAL

- 3 206 000 000

- 3 206 000 000

SOLDE

- 3 206 000 000

- 3 206 000 000

OBJET

Le présent amendement propose de tirer les conséquences de la décision de la commission des finances de supprimer l'article 3 du projet de loi de finances pour 2018, relatifs à la mise en place d'un dégrèvement de taxe d'habitation, dans la mesure où cette réforme est précipitée et incohérente et ne répond pas à la question du caractère inéquitable de cet impôt. Une réflexion permettant d'aboutir à une refonte globale de la fiscalité locale devra être menée. De même, par cohérence, la commission des finances a également supprimé l'article 3 ter qui mettait en place un dispositif transitoire lié à l'article 3.

En conséquence, les crédits de la mission sont réduits de 3,206 milliards d'euros, ce montant correspondant à l'estimation par le Gouvernement du coût de ces deux articles.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 octobre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

M. Pascal Savoldelli , rapporteur spécial . - Je ne tiendrai pas de meeting ici. Je fais partie des sénateurs et sénatrices qui ne font partie ni de la majorité présidentielle ni de la majorité sénatoriale. Je me limiterai à une approche strictement budgétaire.

La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l'application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d'impôts, des remboursements ou des restitutions de crédits d'impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs ; en d'autres termes, ils ne constituent pas un plafond, contrairement à ceux des autres missions budgétaires.

La mission est composée de deux programmes, l'un consacré aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, l'autre aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux, que je vous présenterai successivement, après avoir dit quelques mots sur l'ensemble de la mission.

Pour 2018, les crédits demandés au titre de la présente mission s'élèvent à 115,2 milliards d'euros, montant le plus important depuis que cette mission existe, ce qui en fait la première mission du budget de l'État. Ses crédits augmentent de 7 milliards d'euros, soit une hausse de 6 % par rapport à l'évaluation de 2017 révisée.

Cette hausse significative s'explique notamment par l'augmentation des dépenses au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et de l'impôt sur le revenu et, s'agissant des impôts locaux, par la mise en place de la première tranche du dégrèvement de taxe d'habitation annoncée par le Président de la République pendant la campagne, qui fera l'objet d'un rapporteur particulier de notre rapporteur général.

Au total, en 2018, les remboursements et dégrèvements devraient représenter 28,5 % des recettes fiscales brutes. Ce taux a augmenté de 5 points depuis 2013, traduisant une politique fiscale qui repose de façon importante et croissante sur des mécanismes de réduction fiscale, qui grèvent en contrepartie les dépenses budgétaires. La diminution de la taxe d'habitation ne peut laisser ignorer que d'autres mesures prises auparavant diminuent fortement les recettes de l'État et des collectivités territoriales. Enfin, le dispositif de mesure de la performance de la mission demeure inadéquat et manque d'ambition. Ainsi, la cible de certains indicateurs est systématiquement fixée à un niveau inférieur à celui de la réalisation des années précédentes.

En ce qui concerne les impôts d'État, les remboursements et dégrèvements sont en grande partie la conséquence de la mécanique de l'impôt, puisqu'il s'agit des restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés et des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Pourtant, la part des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques au sein du programme a progressé de façon constante depuis 2013, à la faveur de la montée en puissance du CICE, alors que le niveau global des crédits d'impôt avait diminué de 2010 à 2013 en raison de la réduction des niches fiscales.

Les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques continuent de bénéficier en majeure partie aux entreprises à hauteur de 80 %. Cette réduction massive de l'imposition des entreprises, déjà soulignée les années précédentes par notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, continue d'interroger sur les finalités de la politique fiscale, alors même que ses effets semblent incertains.

Le CICE pèse sur les dépenses de la mission à deux titres : lorsque l'imputation de la créance correspondante entraîne une restitution d'un excédent de versement d'acompte de l'impôt sur les sociétés et, bien évidemment, en cas de restitution immédiate de la créance.

La montée en puissance progressive du dispositif se traduit dans le projet de loi de finances pour 2018 par un montant record du coût budgétaire du dispositif, qui atteint 20 milliards d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés. Cette hausse continue s'explique par le délai de trois ans dont disposent les entreprises pour déclarer leur créance de CICE, mais également par une meilleure connaissance du dispositif et un intérêt accru du fait de la révision à la hausse du taux du CICE.

La baisse du taux du CICE à 6 % à compter de 2018, puis la suppression annoncée du dispositif dans sa forme actuelle à partir du 1 er janvier 2019 conduiront à une diminution progressive des remboursements et dégrèvements correspondants.

Malgré son poids budgétaire important, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi n'a pas démontré des effets certains. Le dernier rapport d'évaluation du comité de suivi du CICE, de septembre 2017, conclut ainsi que le dispositif n'a pas eu d'impact à court terme en 2013 et 2014 sur les investissements, sur la recherche et le développement ni sur les exportations. Il souligne également l'incertitude des effets du CICE sur l'emploi.

Enfin, j'ai demandé une information sur la répartition géographique des bénéficiaires du CICE - il ne s'agit pas de lever le secret bancaire ni de porter atteinte au secret fiscal -, parce qu'il me semblait qu'elle permettrait d'évaluer totalement ses effets sur le chômage. L'absence d'un dispositif de traçabilité et de contrôle de l'utilisation des crédits concernés sur ce point, qui permettrait de mieux juger des effets de la mesure sur l'emploi et la compétitivité, est regrettable. Nous ne pouvons qu'y être sensibles en tant que parlementaires, quelles que soient nos options politiques.

Le dernier élément significatif qui explique la hausse globale du montant des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État est l'universalisation du crédit d'impôt pour les services à la personne votée en loi de finances initiale pour 2017, qui va notamment permettre aux retraités à revenus modestes de bénéficier du dispositif. Le coût de cette mesure en 2018 est évalué à 1,1 milliard d'euros qui sont retracés sur les dépenses de la mission.

En ce qui concerne les impôts locaux, le montant des dégrèvements d'impôts économiques appelle plusieurs observations.

Tout d'abord, conformément aux souhaits réitérés par ma prédécesseur, les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) seront désormais retracées sur le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » et non plus sur la présente mission, afin d'éviter un excédent structurel du compte. Ceci se traduit par une mesure de périmètre de 750 millions d'euros environ.

Par ailleurs, comme vous le savez, une décision du Conseil constitutionnel de mai 2017 a modifié les modalités de calcul du dégrèvement barémique de CVAE. Nos collègues Charles Guené et Claude Raynal ont particulièrement travaillé sur cette question, qui a une double incidence sur les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

D'une part, la censure du Conseil constitutionnel étant d'application immédiate, il en résulte un coût pour l'État, correspondant aux montants réclamés par les entreprises au titre des exercices passés du fait de l'application de la consolidation du chiffre d'affaires. Le coût de ces contentieux devrait s'élever à 300 millions d'euros en 2017 et à 150 millions d'euros en 2018.

D'autre part, le coût du dégrèvement barémique sur la CVAE acquittée par les entreprises en 2017 augmente ; compte tenu du décalage d'un an, ses effets se feront sentir en 2018, par une hausse de 300 millions d'euros des crédits de la mission. Cette situation devrait être résolue par l'article 7 du projet de loi de finances, sous réserve de son adoption.

Au total, les effets de cette décision du Conseil constitutionnel représentent un surcoût pour l'État de 450 millions d'euros en 2018 sur la présente mission.

J'en viens au dégrèvement de taxe d'habitation, dont je rappelle qu'il sera présenté par le rapporteur général le 15 novembre prochain. Le coût correspondant étant retracé sur la présente mission, j'en rappelle néanmoins les grandes lignes.

Il s'agit bien d'un dégrèvement et non d'une exonération ; la mesure sera mise en place progressivement sur trois ans : en 2018, l'ensemble des bénéficiaires verront leur cotisation diminuer d'un tiers ; enfin, le dégrèvement sera calculé en se fondant sur les taux et les abattements de 2017 ; la base, elle, continuera à croître ; si le dégrèvement ainsi calculé était inférieur à la contribution due, la différence serait acquittée par le contribuable.

D'après l'Observatoire français des conjonctures économiques, cette mesure représentera - en 2020, lorsqu'elle aura été mise en place dans son intégralité - un gain de pouvoir d'achat moyen de 325 euros par ménage acquittant actuellement la taxe d'habitation. Le gain effectif variera cependant de façon importante, selon le décile de revenus et la localisation du contribuable. Cette mesure bénéficiera essentiellement aux « classes moyennes », même si j'avoue avoir du mal à préciser les contours de cette notion.

On observe également que le bénéfice de la mesure sera différent selon la localisation du contribuable. Ainsi, à revenus équivalents, le montant de l'allégement pourra être très différent.

Je considère pour ma part que la solution retenue par le Gouvernement n'est pas satisfaisante. Elle crée notamment un risque sur les ressources des communes et groupements et ne résout pas la question de la vétusté des valeurs locatives. Il est nécessaire de procéder à une révision des valeurs locatives, tout en s'attachant à prendre en compte les revenus dans le calcul de la cotisation due. Celui-ci est d'ores et déjà pris en compte, à travers les abattements, exonérations et dégrèvements existants, mais il aurait sans doute été préférable d'aller plus loin et d'étendre, même progressivement, le plafonnement de la taxe d'habitation en fonction des revenus. Cela ne signifie pas que je suis favorable à une poll tax !

N'oublions jamais que les contribuables à la taxe d'habitation n'ont, en général, pas la possibilité de la déduire de leur impôt sur le revenu, contrairement aux entreprises qui peuvent déduire la contribution économique territoriale qu'elles acquittent de la base de calcul de leur impôt sur les sociétés ou sur le revenu.

Compte tenu de ces observations, du poids du CICE et des incertitudes quant à son utilité, des doutes demeurant sur la compensation de l'allégement de la taxe d'habitation, je vous invite à ne pas adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Mme Sylvie Vermeillet . - Je partage les analyses et conclusions du rapporteur spécial, notamment sur la taxe d'habitation. Un dégrèvement ne suffit pas à rendre un impôt juste. Il fallait mener à terme la révision des valeurs locatives.

A-t-on une idée du coût de gestion du CICE ? Cette mesure n'a pas été lisible pour les entreprises ; son préfinancement possible via Bpifrance relevait plutôt de l'usine à gaz et le coût de gestion a dû être exorbitant.

A-t-on une idée des retombées du « suramortissement Macron » qui permettait d'ajouter 40 % de déduction fiscale à l'amortissement comptable ? Cette mesure a été extrêmement efficace sur l'investissement, contrairement au CICE. Il serait intéressant d'établir un comparatif entre ces deux mesures. Le suramortissement a pris fin le 15 avril 2017, mais c'est lui qui aurait dû être prolongé, contrairement au CICE.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cette mission a tiré notamment les conséquences de la réforme de la taxe d'habitation, prévue à l'article 3 du projet de loi de finances. Le rapporteur spécial vient de proposer de ne pas adopter ses crédits. Pour ma part, je pense que nous devrons approfondir l'analyse de cette mesure - nous n'avons reçu que récemment les réponses à notre questionnaire -, et je propose de réserver notre vote sur cette mission.

M. Éric Bocquet . - Vous connaissez ma position de fond sur le CICE. Le comité de suivi émet des réserves très fortes quant à son efficacité en termes de création d'emplois : le Gouvernement a-t-il prévu des ajustements pour améliorer cette efficacité ?

Concernant la répartition géographique des bénéficiaires du CICE, de deux choses l'une : soient les données n'existent pas, soit on refuse de les transmettre à un parlementaire - la deuxième hypothèse me paraissant inquiétante. J'avais adressé un courrier il y a trois ans au préfet de mon département et l'on m'avait répondu que le secret des affaires s'opposait à la transmission d'une telle information, ce qui m'avait profondément choqué.

M. Marc Laménie . - Notre rapporteur spécial a retracé précisément l'évolution de cette mission très importante. Ce sont les restitutions de crédit de la TVA qui représentent le plus fort montant, soit 51 milliards d'euros, mais on observe également une forte progression des restitutions d'impôt sur les sociétés. Comment s'explique cette évolution ?

M. Julien Bargeton . - Comme le rapporteur spécial, je pense que nous devrions apprendre à évaluer davantage les dispositifs fiscaux. Il note d'ailleurs que le dégrèvement de taxe d'habitation gomme partiellement les injustices. Je suis plus réticent sur la révision des bases locatives, dans la mesure où les transferts sont tellement massifs que cette mesure en devient inacceptable, non pas par les contribuables, mais par les maires.

Le rapport n'évoque pas l'avenir du CICE, notamment sa pérennisation sous forme de baisse des cotisations sociales. Il serait intéressant de disposer d'éléments sur ce point. J'estime que le dispositif a malgré tout permis d'éviter un certain nombre de licenciements et de restaurer les marges des PME.

Cette mission retracera-t-elle, à terme, le remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes censurée par le Conseil constitutionnel ? J'évoque ce sujet d'un point de vue purement technique.

En définitive, cette mission décrit les réformes fiscales dans la partie « dépenses », mais le tome II de l'évaluation des voies et moyens évalue les dépenses fiscales, c'est-à-dire les pertes de recettes. En termes d'évaluation, il serait bon de consolider la présentation des réformes fiscales.

Mme Frédérique Espagnac . - Comme Éric Bocquet, j'avais demandé au préfet de région la répartition des bénéficiaires du CICE dans mon département. N'ayant pas obtenu cette information, j'ai procédé moi-même à l'enquête en contactant les chefs d'entreprise. J'ai ainsi pu vérifier que ce dispositif, compte tenu de la baisse de l'investissement des collectivités locales liée aux baisses de dotations, a permis d'éviter un certain nombre de licenciements, notamment pour les entreprises de travaux publics et les TPE-PME de nos territoires.

M. Jean-Marc Gabouty . - Je déclare que je suis chef d'entreprise en exercice. Mais à ce titre, je peux témoigner de la réalité quotidienne. Le CICE et son préfinancement ne sont pas des usines à gaz comme on a pu le prétendre : le dispositif est tout à fait accessible à une petite entreprise si elle a un comptable. Les difficultés viennent de l'application sans discernement d'autres mesures, notamment celles destinées à lutter contre le blanchiment, qui ont retardé les versements.

Il n'y a pas de lien direct entre le CICE et la création d'emplois. Néanmoins, il a contribué à la survie d'entreprises et a favorisé l'investissement. Nous connaissons actuellement le taux le plus faible de défaillances d'entreprises depuis dix ans et le CICE n'y est sûrement pas pour rien.

Le CICE facilite l'autofinancement pour investir, le suramortissement est une incitation à accélérer les investissements : c'est un outil de relance, mais pas de compétitivité. Lorsqu'il a été prorogé, le suramortissement a vu son périmètre considérablement réduit.

Le CICE doit être transformé en baisse de charges sociales. Si le patronat a pu manifester quelques réticences, c'est parce qu'il s'est aperçu que le CICE, étant un crédit d'impôt, n'avait pas d'incidence sur l'impôt sur les sociétés, alors que la baisse de charges augmentera le résultat de l'entreprise, et donc sa cotisation d'impôt sur les sociétés.

M. Jacques Genest . - On peut dire que la taxe d'habitation est obsolète parce que les valeurs locatives sont obsolètes. En 1989-1990, nous avons travaillé un an sur la révision des valeurs locatives, sans résultat puisque personne n'a voulu prendre la responsabilité d'assumer cette réforme. Si la taxe d'habitation est injuste, la taxe foncière l'est également, puisque ses bases sont les mêmes. De toute façon, le contribuable trouve toujours l'impôt injuste...

Le rapporteur spécial nous a indiqué que le dégrèvement compenserait les hausses des bases de la taxe d'habitation. Mais le Gouvernement sera-t-il enclin à revaloriser chaque année les valeurs locatives, comme il le fait traditionnellement, alors qu'il va devoir rembourser les communes ?

Si on augmente les taux, les personnes qui bénéficient du dégrèvement vont devoir payer quelques dizaines d'euros. Là aussi, c'est l'État qui paiera in fine , puisque la taxe n'est pas mise en recouvrement en dessous d'un certain montant. Cette réforme sera peut-être populaire, mais elle coûtera très cher.

M. Bernard Delcros . - Sur le CICE, je partage ce qui a été dit. Le coût du dispositif est très élevé, pour des résultats qui sont, a minima , peu lisibles. Je suis favorable au remplacement de cette mesure par la baisse des cotisations patronales, comme il est prévu.

Sur la taxe d'habitation, il ne s'agit pas de revenir sur la mesure prévue, qui figurait dans le programme du Président de la République. La question posée aujourd'hui est plutôt celle de savoir quel dispositif garantira au mieux une juste recette pour les collectivités locales. Le système qui a été choisi est celui du dégrèvement ; certaines questions restent en suspens, dans la mesure où le taux de la taxe d'habitation est lié à celui d'autres taxes. Des simulations vont nous être fournies afin que nous puissions mesurer les incidences dans les départements.

Je suis favorable à la proposition du rapporteur général de réserver notre position sur les crédits de cette mission.

M. Philippe Dallier . - Je veux faire une remarque sur le sens du vote que nous allons émettre : je comprends tout à fait que nous nous interrogions sur la pertinence de telle ou telle mesure votée et sur le coût de ces dégrèvements et exonérations. Nous sommes là pour ça. Ceci étant dit, sur la taxe d'habitation, nous aurons l'occasion, en première partie, de nous positionner, pour ou contre.

Ce matin, il s'agit simplement, dans l'hypothèse où la décision serait actée, de prévoir le remboursement des sommes aux communes par l'État. Quel message enverrions-nous à nos collectivités locales si nous votions contre les crédits de la mission ?

Revenons-en à l'objet même de cette mission, et nous discuterons en première partie du bien-fondé de cette suppression de la taxe d'habitation. Contrairement à ce que dit Julien Bargeton, on ne va pas gommer les inégalités : l'inégalité de traitement entre contribuables va persister, au détriment de tous ceux qui continueront à payer la taxe d'habitation et la taxe foncière.

Je rejoins le rapporteur spécial en appelant de mes voeux une réforme des valeurs locatives. Nous savons bien, certes, que c'est très compliqué : beaucoup de tentatives ont échoué devant le risque politique. Mais il n'y a pas d'autre voie si nous voulons rendre cet impôt juste. L'alternative pourrait consister à imaginer une suppression, à brève échéance, de la taxe foncière ; mais, le cas échéant, je ne sais comment nous pourrons rétablir un lien, même minimal, entre le contribuable local et la commune.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . -Soyons clairs : réserver les crédits n'est pas un appel à les rejeter. Le débat sur la première partie n'a même pas encore eu lieu ; la position de la commission n'est pas arrêtée. Si nous modifions de façon importante la réforme de la taxe d'habitation, cela aura de conséquences considérables sur la mission que nous examinons puisque la compensation pour les collectivités territoriales prend la forme d'un dégrèvement. Quoi qu'il en soit, réserver aujourd'hui ne veut pas dire rejeter demain, mais simplement se préparer à tirer les conséquences d'une position que nous adopterions sur la taxe d'habitation. Honnêtement, à ce stade, je ne sais pas ce qu'il faut penser de cette réforme. Je n'ai pour le moment arrêté sur cette question aucune position définitive.

Sur certaines questions, d'ailleurs, nous attendons toujours des réponses, lesquelles méritent d'être digérées. Je m'interroge en particulier sur la constitutionnalité d'un dispositif qui aurait pour effet de réduire le nombre de contribuables, dans certaines communes, à zéro, un ou deux ! Cette mesure mérite donc d'être expertisée. C'est pourquoi je propose que nous réservions les crédits, ce qui ne veut pas dire prendre une position, favorable ou défavorable.

M. Vincent Éblé , président . - Je partage ce point de vue.

M. Pascal Savoldelli , rapporteur spécial . - Mes chers collègues, un certain nombre de vos observations et analyses relèvent du travail critique des parlementaires en direction du Gouvernement, dont je prends moi-même ma part. Soyons attentifs !

Toute exonération, tout remboursement, doivent donner lieu à traçabilité. C'est vrai pour le CICE comme pour tous les autres dispositifs. L'unanimité, sur ce principe, me semble accessible. Soyons très exigeants sur cette question, puisqu'elle nous rassemble !

S'agissant du CICE, il est vrai que nous avons du mal à localiser les bénéficiaires du crédit d'impôt - vous voyez bien que ce constat n'est pas idéologique -, de même que nous avons du mal à localiser la valeur ajoutée qui sert de base à la CVAE. Dans mon département, l'opposition dit la même chose que moi : comment localiser le crédit d'impôt ? Ce mécanisme crée des difficultés pour les maires et les présidents de départements.

Concernant les coûts de gestion, les PME rencontrent des difficultés de trésorerie et demandent des préfinancements. Personne ici n'a le monopole de l'esprit d'entreprendre ; ce problème est très important, il se pose nationalement. Ceci dit, j'ai aussi constaté, dans mon département, que les demandes de préfinancement reviennent chaque année, sachant que dans les TPE que je connais - tous le disent -, il y va d'un simple jeu de trésorerie. Les conséquences sur l'emploi, on en est loin !

Je n'ai en effet pas abordé le dispositif de suramortissement, car son coût n'est pas une dépense de la présente mission : il s'agit d'un dispositif de déduction et non d'un remboursement ou d'un dégrèvement.

La question a été posée de savoir s'il existait un seuil minimal de recouvrement pour la taxe d'habitation. La réponse est oui : 12 euros. La multiplication de ces petites cotisations coûterait plusieurs dizaines de millions d'euros à l'État.

D'autres questions relèvent de sujets sur lesquels je ne suis ni habilité à répondre ni compétent pour le faire. Mon collège, ami, camarade, Éric Bocquet, se réjouira de constater la baisse du taux du CICE à 6 % : sa ténacité en la matière n'a pas été vaine !

L'un de nos collègues de la majorité présidentielle me reproche de ne pas avoir parlé de la baisse des charges au 1 er janvier 2019. Si je suis resté silencieux sur ce point, ce n'est pas pour manifester mon désaccord, lequel est par ailleurs tout à fait réel, mais parce que je ne suis ni au Gouvernement, ni dans la majorité présidentielle, et que mon rôle de rapporteur spécial n'est pas de commenter ce genre de décisions !

Dernière chose : monsieur le rapporteur général, j'ai commencé par me demander pourquoi vous n'aviez pas le même avis que moi - je souhaitais voter contre, vous proposez de réserver les crédits. Il n'y a là aucune bande jaune, aucune frontière. Mais la réforme de la taxe d'habitation coûtera 10 milliards d'euros, quand le CICE coûte 20 milliards d'euros : on ne peut pas mettre en balance les deux dispositifs. Il faut regarder les crédits de la mission dans leur ensemble ! En quelque sorte, monsieur le rapporteur général, vous proposez de réserver les crédits de la mission en attendant que vos amendements sur la taxe d'habitation soient adoptés, avant, pour finir, de voter les crédits. Je veux bien être très constructif - ça m'arrive souvent en tant qu'élu local. En même temps, il faut bien, le moment venu, savoir émettre un avis tranché, non pour le plaisir de la polémique, mais par souci de clarté dans les orientations que nous prenons en matière de remboursements et de dégrèvements.

M. Vincent Éblé , président . - La sagesse dicterait, me semble-t-il, de réserver notre position définitive sur les crédits de la mission.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous sommes en train d'examiner les crédits des missions. À l'issue de cet examen, après transmission du texte de l'Assemblée nationale, nous effectuerons une revue de tous les votes, et nous adopterons ou rejetterons les crédits des missions qui auront été réservés. La réserve peut être motivée par une simple demande de précision. S'agissant de la taxe d'habitation, notre décision dépend simplement de votes ultérieurs. Réserver ne préjuge en aucun cas du vote que nous serons amenés à émettre en fin d'examen des missions.

M. Vincent Éblé , président . - En réservant notre position, nous ne méconnaissons pas ce que Pascal Savoldelli souligne à juste titre : la mission comprend une consolidation de crédits de diverses natures, pour des ordres de grandeur assez variables. Il nous manque simplement quelques éléments d'éclairage définitifs pour nous prononcer.

M. Julien Bargeton . - Favorable aux réformes fiscales qui sont proposées, et donc à leur traduction budgétaire, je ne partagerai pas cette position.

M. Pascal Savoldelli , rapporteur spécial . - Mes chers collègues, j'ai bénéficié d'une petite formation à la dialectique.

M. Philippe Dallier . - Ça nous manque !

M. Pascal Savoldelli , rapporteur spécial . - Je vais maintenir ma position, qui est respectée et respectable. Je ne suis pas friand de polémique pour la polémique. Si tel était le cas, j'aurais eu du grain à moudre lors du débat précédent : sur la mission de tout à l'heure, nous nous sommes beaucoup moins posé la question de réserver notre position, et j'aurais eu des titres à bondir sur certaines phrases prononcées. Mais je suis au Sénat, pas en meeting ; je m'en tiens à un comportement respectueux de l'ensemble de mes collègues.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

* *

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Réunie à nouveau le mercredi 22 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », précédemment réservés.

M. Vincent Éblé , président . - Nous passons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », précédemment réservés.

M. Pascal Savoldelli , rapporteur spécial . - Il faut tirer les conséquences de ce que nous avons voté à l'article 3, sur l'exemption de taxe d'habitation. Je crois que le rapporteur général a une proposition à nous faire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - En effet. La suppression de cet article 3 qui justifiait l'inscription de crédits à hauteur de 3,206 milliards d'euros en remboursement et dégrèvements d'impôts locaux, doit nous conduire, mécaniquement, à réduire d'autant les crédits de la mission. Tel est l'objet de mon amendement.

À l'issue de cette intervention, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » ainsi modifiés.

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements», tels que modifiés par l'amendement adopté.


* 1 En application de l'article 10 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, ont un caractère évaluatif les crédits relatifs aux charges de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État.

* 2 Rapport d'information de Mme Marie-France BEAUFILS, fait au nom de la commission des finances n° 625 (2016-2017) - 12 juillet 2017.

* 3 Art. 244 quater C du code général des impôts.

* 4 Rapport 2017 du comité de suivi du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.

* 5 Ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 relative au décalage d'un an de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

* 6 Le montant 2018 est majoré des restitutions de CVAE 2017 (750 millions d'euros) désormais comptabilisées sur le programme 833.

* 7 Le montant 2018 est minoré du coût de la première tranche de dégrèvement de la taxe d'habitation mis en place par l'article 7 du présent projet de loi de finances (3,04 milliards d'euros).

* 8 Voir notamment Marie-France Beaufils, « Remboursements et dégrèvements : la machine fiscale à la recherche d'un pilote », rapport d'information n° 625 (2016-2017) du 12 juillet 2017.

* 9 Recommandation n° 10.

* 10 Les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros bénéficient d'un dégrèvement complémentaire de 1 000 euros.

* 11 Décision n° 2017-629 QPC, Société FB Finance, Conseil constitutionnel, 19 mai 2017.

* 12 Le régime de l'intégration fiscale résulte d'une option librement souscrite par un groupe, lui permettant, pour le calcul de son impôt sur les bénéfices, de consolider les résultats de ses différentes entités.

* 13 Pierre Madec et Mathieu Plane, « Évaluation de la réforme de la taxe d'habitation d'Emmanuel Macron », OFCE, Sciences Po Paris, 26 juin 2017.

* 14 Article 1414 A du code général des impôts.

* 15 Voir le commentaire de l'article 3 ter dans le tome II du rapport général.

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