II. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2018

L'article 3 du présent projet de loi finances prévoit la mise en place d' un dégrèvement progressif de la taxe d'habitation (de 30 % de la contribution due en 2018, 65 % en 2019 et 100 % en 2020), devant se traduire, à l'horizon 2020, par une « exonération » de près de 80 % des ménages .

Le Gouvernement a justifié ce projet par le caractère profondément injuste de la taxe d'habitation, qui repose sur des valeurs locatives obsolètes. Dans la mesure où les valeurs locatives constituent également la base de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la suppression de la taxe d'habitation ne résout qu'imparfaitement l'injustice soulevée par le Gouvernement . À cette inégalité entre contribuables s'ajoute une inégalité entre collectivités territoriales dans la mesure où leur potentiel fiscal, qui permet de mesurer leur richesse relative et est utilisé dans les dispositifs de péréquation, est calculé à partir des mêmes valeurs locatives obsolètes.

Par ailleurs, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, entrée en vigueur en 2017, a conduit à introduire un coefficient de neutralisation afin de compenser l'écart entre les valeurs locatives des locaux professionnels, révisées, et celles des locaux d'habitation, non révisées. L'application de ce coefficient de neutralisation ne peut être pérenne car il conduit à figer, sur un territoire, le poids relatif des valeurs locatives entre les ménages et les entreprises. Autrement dit, les modifications du tissu local sont atténuées par l'application de ce coefficient.

Enfin, on ne peut écarter un risque contentieux, conduisant des contribuables à contester leur valeur locative au regard du principe d'égalité devant l'impôt : comment justifier que deux appartements, situés dans une même rue, aient des valeurs locatives extrêmement différentes uniquement en raison de leur dates de construction respectives ?

Pour l'ensemble de ces raisons et alors que le Gouvernement a remis au Parlement, au début de l'année 2017 2 ( * ) , un rapport sur les résultats de l'expérimentation menée par la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans cinq départements, qui concluait à la faisabilité de la réforme à condition de mettre en place des dispositifs de lissage dans le temps en raison des importants transferts de charges, vos rapporteurs spéciaux envisagent de proposer au Sénat d'élargir l'expérimentation à l'ensemble des départements, afin de disposer de l'ensemble des informations nécessaires à une telle révision . Un tel élargissement serait un préalable indispensable à cette révision et permettrait au législateur de décider, le cas échéant, des dispositifs à mettre en oeuvre pour atténuer les transferts de charges entre contribuables.

L' article 16 du présent projet de loi de finances fixe le montant des prélèvements sur recettes de l'État au profit des collectivités territoriales pour 2018. Il prévoit une dotation globale de fonctionnement (DGF) en légère hausse (+ 94,4 millions d'euros) après plusieurs années de diminution. Cette augmentation s'explique cependant exclusivement par la hausse de la péréquation verticale (95 millions d'euros). La hausse de la DGF a cependant été remise en cause par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui a souhaité réduire de 90 millions d'euros la DGF afin d'éviter de minorer de façon excessive la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes et EPCI. Le même article 16 prévoit de minorer de 323 millions d'euros les « variables d'ajustement » et notamment la DCRTP (- 241 millions d'euros) et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (- 66 millions d'euros).


* 2 Voir l'audition de Christian Eckert par la commission des finances du Sénat le 21 février 2017.

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