B. UN SOLDE CUMULÉ RECORD DE 7,6 MILLIARDS D'EUROS FIN 2018

Lors de sa création par la loi de finances initiale pour 2006, le CAS « Pensions » a été doté d'un fonds de roulement de 1 milliard d'euros .

Ces dernières années, le solde constamment positif du compte a abouti à la constitution d'un fonds de réserve en expansion.

Solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année (en Md€)

Source : projet annuel de performances pour 2018

Entre 2014 et 2017, le fonds de roulement du compte passerait de 1,6 milliard d'euros à 5,2 milliards d'euros.

À la fin de l'exercice 2018, il atteindrait 7,6 milliards d'euros.

Toute prévision de solde est évidemment entourée d'incertitudes. Sensible aux aléas sur les recettes et les dépenses, qu'il faut cumuler, il existe systématiquement un écart entre les prévisions et les réalisations. En 2018, s'ajoute d'emblée à ces incertitudes l'impact de la suspension du protocole « PPCR » qui entraînera une légère détérioration du solde par rapport aux prévisions du projet de loi de finances.

La tendance à l'augmentation de l'excédent cumulé du solde du CAS ne devrait pourtant pas être démentie.

L'existence d'un excédent du CAS « Pensions » n'est pas plus équivalente à une amélioration du solde budgétaire que l'augmentation des dépenses du budget général correspondant au financement du CAS n'équivaut à une détérioration du solde budgétaire. Le financement du CAS est assuré par un système mixte combinant des prélèvements sur les salaires des fonctionnaires et des transferts entre administrations publiques (notamment dans le cadre des relations entre l'État et la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales CNRACL) et entre le budget général et le compte. Afin de neutraliser des doubles comptes, seules les dépenses de pensions du CAS sont prises en compte pour apprécier les charges de pensions de l'État, application d'un principe élémentaire de consolidation comptable. Dans l'hypothèse où la variation positive de ces charges est inférieure à celle des cotisations salariales, le CAS participe à une amélioration du solde public quelle que soit l'évolution des transferts entre administrations publiques et entre le budget général et le CAS. Ces dernières années (entre 2014 et 2018), l'augmentation des ressources affectées au CAS a été supérieure à celle de ses charges (8,1 milliards d'euros contre 2,1 milliards d'euros). Il en est résulté une amélioration du solde du compte de 6 milliards d'euros, les dépenses du budget général excédant le supplément de charges à hauteur de 1,8 milliard d'euros, circonstance qui illustre que l'alourdissement des contributions employeurs n'équivaut pas à un alourdissement à due proportion des dépenses de l'État, non plus, ainsi, qu'à une dégradation du solde public. Sous réserve de précisions complémentaires sur les « autres recettes », le supplément de cotisations retenues sur les salaires a, de son côté, excédé les charges supplémentaires de 2,1 milliards d'euros. Dans ces conditions, l'amélioration du solde du CAS peut être attribuée pour une part significative à un relèvement des prélèvements obligatoires. Celui-ci a excédé les besoins de financement si bien que les opérations du CAS sur la période ont contribué à améliorer le solde public, au prix d'un alourdissement des prélèvements obligatoires sur les ménages concernés.

En toute hypothèse, le solde cumulé du compte ressort comme de plus en plus éloigné des préconisations de la Cour des comptes qui, déjà, le jugeait trop élevé quand il atteignait 1,6 milliard d'euros.

Évolution du solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

Solde cumulé du CAS « Pensions »

0,80

1,15

1,25

1,01

0,78

0,99

1,6

2,2

3,2

5,4

Source : projet annuel de performances pour 2016

En raison des aléas de dépenses et de recettes (évolution des comportements de départ à la retraite, variation de l'inflation, évolution des assiettes des contributions et cotisations), le compte a besoin d'une trésorerie suffisante pour couvrir les éventuels écarts par rapport à la programmation initiale, en plus de la réserve minimale pour faire face au décalage temporel entre les décaissements et les encaissements. Il est évident que cette préoccupation qui est largement satisfaite - la Cour des comptes avait pu juger qu'avec 1,6 milliard d'euros d'excédent, le solde du compte dépassait le niveau prudentiel requis - et que la politique de solde conduite par les Gouvernements répond à d'autres préoccupations que celles fondées sur de simples impératifs de trésorerie.

La justification du solde du compte a d'ailleurs beaucoup évolué au fil des années.

Le projet annuel de performances pour 2016 indiquait encore « il n'apparaît pas souhaitable de modifier, par à-coups, le niveau des taux de contribution au CAS « Pensions » en budgétisation ou en cours d'année , dans la mesure où la dynamique spontanée des dépenses de pension ramènera mécaniquement le niveau du solde cumulé du CAS « Pensions » autour de 1 milliard d'euros . Une stabilisation des taux est donc privilégiée, de manière à atteindre ce niveau à moyen terme sachant que le solde d'exercice du CAS « Pensions » repassera en négatif à compter de 2020, en l'état actuel des dernières prévisions, sous l'effet de la croissance tendancielle de la dépense de pensions ».

De son côté, comme l'avait observé le précédent rapporteur spécial de la commission des finances, notre ancien collègue Jean-Claude Boulard, le projet annuel de performances pour 2017 avait introduit une nuance par rapport au précédent dans la mesure où celui-ci mentionnait « les alentours de 2018 » comme échéance prévisible d'un retour du solde vers un excédent réduit à un milliard d'euros. Il comportait toutefois une précision sur les équilibres annuels du compte dans l'avenir proche, celui-ci devant extérioriser un déficit à compter de 2020.

Notre collègue avait observé que cette perspective ne se trouvait pas confirmée par les projections à long terme réalisées pour tester la soutenabilité du système de retraites non plus que par les projections publiées par le conseil d'orientation des retraites - COR.

Le projet annuel de performances pour 2018 ne comporte plus des justifications qui depuis deux ans étaient apparues assez spécieuses à votre commission des finances.

En principe, au regard de la forte augmentation du solde cumulé, les taux des contributions pourraient être baissés. Une telle opération, appliquée aux contributions employeurs, permettrait au Gouvernement d'alléger temporairement les dépenses de personnel des ministères et des opérateurs. Elle présenterait certains inconvénients compte tenu de l'augmentation des prélèvements directement supportés par les fonctionnaires.

La voie alternative qui consisterait à mieux revaloriser les pensions pourrait, de son côté, poser un problème d'équité entre générations. Elle reviendrait à élever le taux de remplacement de générations de retraités qui bénéficient aujourd'hui d'un revenu de remplacement assurant à leurs contributions au système un taux de rendement implicite relativement élevé. Par ailleurs, les projections longues, qui reposent sur des hypothèses d'allongement de la durée des pensions, fondées ou non, ont conduit à modifier les règles des régimes pour compenser cet allongement par une baisse progressive des taux de remplacement.

Dans ces conditions, la constitution de réserves n'est pas nécessairement illogique. Elle pourrait éviter de rigidifier à l'excès la gestion d'un système qui devra pouvoir s'ajuster aux évolutions réelles.

Observation n° 6 : Le solde cumulé du CAS « Pensions » devrait passer de 3,2 milliards d'euros fin 2016 à 7,6 milliards d'euros fin 2018 (+4,4 milliards d'euros), plus de la moitié de cet excédent supplémentaire étant due à la hausse des prélèvements obligatoires sur les ménages, si bien que ces dernières années, les opérations du compte ont contribué à améliorer le solde public. La gestion financière du CAS reflète le choix du Gouvernement de privilégier la stabilisation des taux des contributions à moyen terme et constituer un fonds de réserve utile dans une perspective très longue, qui est celle de tout régime de retraites, mais qui se traduit par l'application d'un mécanisme d'épargne forcée au terme duquel la logique du financement par répartition s'efface au profit d'une logique de fonds de réserve. Cette orientation n'est pas nécessairement à condamner dans la mesure où elle peut permettre un pilotage plus souple du système si les hypothèses sur lesquelles repose la projection de ses équilibres devaient se trouver déjouées par les évolutions réelles.

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