EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 octobre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Pouvoirs publics ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Conformément au principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, qui découle du principe de séparation des pouvoirs, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits alloués aux différents pouvoirs publics constitutionnels : la Présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat - ainsi que les chaînes parlementaires -, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

Ces différentes institutions participent pleinement à l'effort de redressement des comptes publics, comme en attestent les montants de crédits demandés : 991,7 millions d'euros, soit une hausse de 0,08 %, minime donc, par rapport à 2017.

Cette évolution recouvre une stabilisation des dotations de l'État aux assemblées parlementaires et à la Cour de justice de la République, une progression de celle attribuée à la Présidence de la République et une diminution des crédits du Conseil constitutionnel.

La dotation de la Présidence de la République est portée de 100 millions d'euros en 2017 à 103 millions d'euros. Cette augmentation de 3 % succède à trois exercices de reconduction à l'identique de la dotation. Elle est justifiée par une mise à niveau des équipements destinés à assurer la sécurité des personnes et des biens. Les charges de personnels progressent de 1,6 million d'euros, soit 2,3 %, en raison du renforcement des effectifs de sécurité autour du chef de l'État, les effectifs affectés à des missions de sécurité représentant près du tiers de l'ensemble des personnels de la présidence. Un important programme de travaux et d'équipements entraîne une hausse des dépenses d'investissement de 1,8 million d'euros alors que les charges relatives aux déplacements présidentiels sont stables depuis trois exercices. Blindage de véhicules, pose de barrières de protection, renforcement des effectifs du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) : ces crédits sont difficilement contestables. Au total, en dépit de la progression de la dotation demandée en 2018, les crédits de la Présidence demeurent inférieurs de près de 6 millions d'euros à ceux budgétés en 2012.

Les dotations prévues pour l'Assemblée nationale et le Sénat s'élèvent à 841,5 millions d'euros, montant inchangé depuis la loi de finances pour 2012. Cette stabilisation en euros courants des dotations des deux chambres est associée à la réalisation d'efforts en dépenses qui absorbent en partie la hausse tendancielle des charges, notamment du fait du GVT.

Les dépenses de l'Assemblée nationale reculeraient de 34,7 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 5,9 %. L'exercice 2017 était caractérisé par le coût du renouvellement, estimé à 37,8 millions d'euros, et par un programme important de travaux durant la suspension des travaux parlementaires. Les dépenses de fonctionnement reviennent à un niveau comparable à l'exercice 2016, l'effort étant maintenu sur la maîtrise des charges de personnel, qui baissent de 2,89 millions d'euros. Les dépenses d'investissement diminuent de 8,5 millions d'euros mais demeurent à un niveau élevé en raison de l'achèvement de programmes de travaux lancés antérieurement. La dotation de l'État est maintenue à 517,89 millions d'euros, un prélèvement sur les disponibilités financières de l'Assemblée nationale d'un montant de près de 28,5 millions d'euros - contre 62,8 millions d'euros en 2017 - équilibrant le budget.

La dotation de l'État au Sénat au titre de l'exercice 2018 demeure également au même niveau depuis 2012, soit 323,58 millions d'euros, ce qui illustre la poursuite des efforts engagés depuis 2008. Les dépenses du Sénat diminueraient sensiblement en 2018 en marquant un recul de près de 12 millions d'euros, soit 3,29 %.

Les dépenses inhérentes à la mission institutionnelle du Sénat prises isolément baisseraient de 11,95 millions d'euros. Cette évolution recouvre une contraction de 4,9 millions d'euros des charges liées au mandat parlementaire - alors que le coût du renouvellement sénatorial avait été évalué à 5,3 millions d'euros en 2017 - ainsi qu'une baisse de 7,3 millions d'euros des dépenses d'investissement. Celles-ci concernent la poursuite des opérations engagées en 2017 : rénovation des bâtiments de bureaux des 26 et 36 rue de Vaugirard, création d'un restaurant libre-service et transformation de l'ancienne chapelle en salle de réunion multimédia. Les dépenses de personnel progressent de 0,9 million d'euros, malgré la suppression de cinq emplois de fonctionnaires, du fait de l'effet des augmentations du point d'indice intervenues en 2016 et 2017 et du recours à l'emploi de contractuels dans le cadre des chantiers en cours.

Les dépenses liées au Jardin du Luxembourg, quant à elles, baissent de 44 875 euros. Les dépenses de fonctionnement pour le jardin sont réduites de 1,8 %, du fait de la baisse de 3,1 % des charges de personnel, et les produits progressent en raison de l'évolution des redevances versées par les concessionnaires, ce qui fait plus que compenser un effort d'investissement en hausse sensible de 24 %.

Enfin, du fait de travaux d'investissement prévus en 2018, les charges prévisionnelles du Musée du Luxembourg atteignent 167 700 euros en 2018. Pour autant, ce poste demeure positif pour le Sénat, dès lors qu'il est associé à des produits d'un montant de 247 000 euros, grâce à la délégation de service public confiée à la Réunion des musées nationaux (RMN).

Comme l'Assemblée nationale, le Sénat équilibrerait son budget 2018 par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d'un montant de 22,2 millions d'euros.

Pour ce qui est de la chaîne parlementaire, le projet de budget pour 2018 de LCP Assemblée nationale prévoit une dotation de 16,64 millions d'euros, identique à celle de 2017. La dotation demandée par Public-Sénat est en diminution de 1,1 % en 2018, à 18,05 millions d'euros. Ces dotations sont conformes à la trajectoire définie par le contrat d'objectifs et de moyens (COM) signé en décembre 2015 pour la période 2016-2018.

La dotation demandée par le Conseil constitutionnel au titre de 2018 est, quant à elle, en baisse de 1,98 million d'euros et s'élève à 11,7 millions d'euros. La différence correspond au montant prévu en 2017 pour financer les dépenses relatives à l'élection présidentielle. La baisse de 128 000 euros des dépenses de fonctionnement équilibre la hausse du même montant des dépenses d'investissement, consacrées à des équipements informatiques et des travaux de restauration de différents espaces. Alors que la réforme constitutionnelle de 2008, avec l'institution de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a conduit à une forte hausse de l'activité de la juridiction, le budget du Conseil constitutionnel pour 2018 est inférieur de près de 6 % à la dotation accordée en 2009.

J'en viens, pour terminer, à la Cour de justice de la République. À titre de rappel, conformément à l'article 68-1 de la Constitution, la Cour est compétente pour juger les membres du Gouvernement au titre des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Le budget prévisionnel de la Cour de justice de la République s'élève à 861 500 euros, soit un niveau identique à celui prévu depuis 2015. Je vous rappelle que le président de la République, s'exprimant le 3 juillet 2017 devant le Congrès, a indiqué sa volonté de supprimer cette juridiction.

En conclusion, je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. Bernard Lalande . - Le président du Sénat l'a dit un jour : le budget des deux assemblées, Sénat et Assemblée nationale, représente 840 millions d'euros, soit à peine plus d'un euro par mois et par habitant, ou 12 euros par an. Voilà le coût de la liberté, le coût de l'élaboration de la loi ! On ne peut pas dire que ce soit extrêmement cher.

Par ailleurs, le Sénat entretient le jardin du Luxembourg et prend à sa charge les frais d'un équipement ouvert au public.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il faut aussi comparer nos coûts de fonctionnement avec ceux des autres démocraties européennes. À cet égard, l'indemnité parlementaire les députés et sénateurs français se situe dans la moyenne. Et quand on voit certains bureaux, on ne peut pas parler d'« ors de la République ». Il est parfois très compliqué d'y travailler avec deux ou trois assistants. Beaucoup de cadres d'entreprise n'accepteraient pas ces conditions de travail.

M. Bernard Delcros . - Ma question porte sur les aides à l'exercice du mandat parlementaire. Je lis à la page 20 du rapport que « la dotation à l'Association de gestion des assistants de sénateurs diminuerait de 8,7 % ». Quelle en est l'explication ? D'une manière générale, je trouve que l'enveloppe dont dispose chaque sénateur pour rémunérer ses collaborateurs est d'un faible montant. Si l'on souhaite disposer d'une équipe de trois collaborateurs, il en résulte des niveaux de rémunération qui ne correspondent pas aux qualifications et aux compétences.

M. Jean-François Rapin . - Également à la page 20 du rapport, il est écrit que « les crédits dédiés à l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) demeureraient stables dans l'attente de connaître l'incidence sur les dépenses 2018 des nouvelles dispositions législatives ». Certes, mais n'apparaissent pas les crédits consacrés aux contrôles rendus obligatoires par ces nouvelles dispositions législatives, contrôles qui représenteront une importante charge en personnel. Cette charge ne saurait être imputée sur les crédits consacrés à l'exercice du mandat parlementaire ; il faut qu'elle apparaisse bien comme une dépense de contrôle.

M. Éric Bocquet . - Ma première question porte sur le Conseil constitutionnel. On nous a répondu sur les raisons de la forte augmentation des dépenses en 2017, liée à la tenue de l'élection présidentielle. Cela étant, la hausse des dépenses depuis 2006 est de plus de 18 %. Comment s'explique-t-elle ?

Ma deuxième question porte sur les chaînes parlementaires, qui sont sur un pied d'égalité puisqu'elles se partagent le temps d'antenne. Aussi, comment expliquer que Public Sénat dispose d'un budget plus important que LCP ?

M. Marc Laménie . - Ma question porte sur le patrimoine du Sénat, qui a engagé des ventes d'immeubles et d'appartements. Est-il envisagé de poursuivre ce mouvement ? Le jardin fait partie de notre patrimoine et, même s'il a un coût, présente pour tous ceux qui le fréquentent un grand intérêt.

Mme Nathalie Goulet . - Comme cela a été dit, la dotation à l'AGAS diminuerait de 8,7 %. Est-ce lié à la fin de la possibilité de rétrocéder aux groupes une partie des crédits d'assistants non utilisés ?

M. Pascal Savoldelli . - Je n'ai pas de question sur l'augmentation des moyens consacrés à la sécurité du Président de la République, car elle ne fait pas débat. Néanmoins, on demande aux collectivités territoriales de réduire leurs dépenses de fonctionnement, ce qui oblige les communes et les départements à trouver des équilibres. Par exemple, mon département du Val-de-Marne a dû consacrer 7 millions d'euros à la sécurité aux abords des collèges. Or il a bien fallu voter un budget en équilibre. Encore une fois, je ne conteste pas la hausse des moyens consacrés à la sécurité du Président de la République, mais dans ce cas il faudrait faire des arbitrages par ailleurs.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Bernard Delcros et Nathalie Goulet m'ont interrogé sur le montant des crédits dédiés aux collaborateurs parlementaires. Leur augmentation l'année dernière était liée au versement des indemnités de fin de contrat en 2017, année de renouvellement triennal.

M. Vincent Delahaye . - Ce n'est pas pris sur l'enveloppe ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Non. La prime d'ancienneté n'est pas non plus prise sur l'enveloppe, ce qui a un impact direct sur les crédits consacrés aux collaborateurs des parlementaires.

Jean-François Rapin m'a interrogé sur le contrôle de l'utilisation de l'IRFM. Lorsque François Pillet et moi-même, à la demande du Président du Sénat, avons étudié cette question, nous avons regardé ce qu'il en était chez nos voisins. Certains parlements pratiquent un système d'indemnité purement forfaitaire, tandis que d'autres pratiquent le remboursement sur justificatif en exerçant des contrôles très précis. Le Royaume-Uni, par exemple, est passé du premier au second système, ce qui a engendré un coût de traitement de 7 millions d'euros. C'est une vraie question. Il appartiendra au bureau de définir un système de contrôle souple et intelligent qui n'aura pas pour conséquence une augmentation de la dépense publique délirante et la création de 50 postes de contrôleur. Je lui fais confiance. Il serait hallucinant que cela coûte plus cher qu'auparavant : économie et transparence doivent aller de pair. Toujours est-il que ces frais de contrôle n'ont pas été budgétés à ce jour.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je confirme les éléments indiqués à l'instant par le rapporteur général s'agissant de la baisse des aides à l'exercice du mandat parlementaire, à mettre en rapport avec les provisions passées antérieurement pour le licenciement des collaborateurs lorsque le parlementaire choisit de ne pas les renouveler ou lorsque son mandat a pris fin. Il est normal qu'on en revienne à un rythme différent en 2018.

S'agissant de l'IRFM - je parle sous le contrôle de Bernard Lalande - nous sommes en train d'élaborer des propositions et le Bureau du Sénat sera amené à fixer des règles, conformément à la loi. Les propositions des Questeurs seront soumises pour avis au comité de déontologie puis au Bureau du Sénat.

Nous devrons répondre à plusieurs exigences - certains d'entre vous ont fait part de leurs attentes -, en particulier faire en sorte que ce contrôle n'induise aucun surcoût.

S'agissant de la politique immobilière, nous avons la volonté de valoriser et de rationaliser le patrimoine du Sénat.

S'agissant du financement de l'entretien du jardin, il y a eu dans le passé des discussions avec la Ville de Paris.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Sur l'IRFM, il est prématuré d'en dire plus dans l'attente des décisions du Bureau.

Éric Bocquet m'a interrogé sur le Conseil constitutionnel. Malgré les efforts de rationalisation - hors période électorale, compte tenu de l'élection présidentielle -, l'augmentation de ses dépenses résulte de l'accroissement du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Aujourd'hui, au minimum une séance hebdomadaire leur est consacrée, parfois deux, ce qui exige du personnel pour l'instruction. Depuis le 1 er janvier 2017, environ 50 QPC ont été soumises au Conseil.

Marc Laménie m'a interrogé sur le patrimoine du Sénat. Le questeur a partiellement répondu. Deux appartements ont été vendus rue Garancière pour 5,25 millions d'euros, montant conforme à l'estimation de France Domaine. L'objectif est de réduire au maximum les locations à l'extérieur. Par exemple, la transformation en bureaux du pavillon Guynemer, situé dans le jardin, permettra à terme de quitter des locaux actuellement loués, au 6 rue Casimir Delavigne. Au total, le Sénat aura cédé son patrimoine improductif et ne louera plus grand-chose à l'extérieur.

Enfin, Pascal Savoldelli a évoqué la hausse des dépenses de sécurité de la Présidence de la République. Jusqu'à une date très récente, je présidais, et cela depuis seize ans, un conseil départemental : nous avons dû faire face à des dépenses de sécurité incendie dans les collèges, les Ehpad, etc., malgré la baisse des dotations de l'État et sans augmentation des impôts. Aussi, nous avons dû faire des économies.

Le temps m'a manqué pour mener des investigations plus approfondies, afin de savoir si des mesures d'économies sont possibles sur les dépenses de la Présidence de la République. Les dépenses de sécurité ne sont pas contestables en elles-mêmes, mais je partage ce que dit notre collègue.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

* *

*

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Page mise à jour le

Partager cette page