SECONDE PARTIE : L'ATROPHIE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE SOUHAITÉE PAR LE GOUVERNEMENT DOIT ÊTRE CONTESTÉE

I. LE RÔLE MAJEUR DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE, DÉFINI EN 2014, CONSERVE TOUTE SON ACTUALITÉ

A. L'ÉTAT ACTIONNAIRE JOUE UN RÔLE CLÉ DANS L'ÉCONOMIE NATIONALE

1. Les progrès récents de la coordination entre les différents actionnaires publics pourraient être approfondis

Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » ne retrace pas l'intégralité des participations publiques dans l'économie.

Outre l'Agence des participations de l'État, la liste des actionnaires publics comprend essentiellement la Caisse des dépôts et consignations ainsi que Bpifrance , dont le capital est lui-même détenu à parité par l'État et la Caisse des dépôts 26 ( * ) .

Les participations détenues par ces trois actionnaires s'élèvent environ à 140 milliards d'euros , selon la décomposition suivante :

- 100 milliards d'euros pour l'Agence des participations de l'État , dont environ 89 milliards d'euros hors Bpifrance, pour 81 entités ;

- 15 milliards d'euros pour Bpifrance ;

- 24,4 milliards d'euros pour la Caisse des dépôts et consignations , dont 13,9 milliards d'euros hors Bpifrance, pour 1014 entités.

À cet égard, votre rapporteur spécial critique les lacunes et la dispersion de l'information disponible sur l'ensemble de ces participations publiques, selon une double perspective :

- s'agissant d'une part de l'évaluation des participations non cotées ;

- s'agissant d'autre part des risques associés portés par les sociétés dans lesquelles l'État détient une participation : la structure financière dégradée de certaines entreprises publiques peut se traduire par des besoins financiers qui imposeront in fine à l'État de procéder à des recapitalisations en mobilisant des ressources budgétaires .

Par ailleurs, la diversité des actionnaires publics pose la question du chevauchement et de la coordination des interventions dans l'économie. Dans son rapport consacré à l'État actionnaire en janvier 2017, la Cour des comptes insiste sur les « recouvrements entre actionnaires publics ». Est en particulier relevée l'absence de « coordination formelle entre l'Agence des participations de l'État et la Caisse des dépôts et consignations », alors que « près des deux tiers du portefeuille de participations de la Caisse sont aujourd'hui codétenus avec l'État » 27 ( * ) .

À cet égard, la spécificité des doctrines d'intervention de l'Agence des participations de l'État et de Bpifrance est davantage étayée. Martin Vial précise ainsi que « les politiques d'investissement de Bpifrance et de l'Agence des participations de l'État sont complémentaires . Nous investissons dans des entreprises de très grande taille, sur le très long terme, en tant qu'actionnaire majoritaire ou minoritaire, selon les quatre lignes de la doctrine d'investissement actuelle. À l'inverse, Bpifrance investit toujours en tant qu'actionnaire minoritaire, en partenariat ou en co-investissement avec d'autres actionnaires. Elle investit par apport de nouveaux capitaux, soit à l'occasion d'une augmentation de capital, avec un horizon d'investissement beaucoup plus court que celui de l'Agence des participations de l'État. Bpifrance fait tourner son portefeuille, concentré de plus en plus sur les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, davantage que sur les très grandes entreprises [...]. Bpifrance est un outil extrêmement précieux car, son horizon d'investissement étant plus proche, elle est beaucoup plus agile que l'Agence des participations de l'État, dont les contraintes sont différentes. La complémentarité entre l'État et Bpifrance me paraît donc importante » 28 ( * ) .

Pour autant, ainsi que le relève Martin Vial « dans le futur, il sera nécessaire, me semble-t-il, de clarifier davantage encore [la complémentarité entre l'État et Bpifrance] ; c'est ce que Bpifrance et l'Agence des participations de l'État s'attachent à proposer au Gouvernement ».

La réorganisation du portefeuille opérée en juin dernier avec la cession des titres Peugeot à Bpifrance participe de cette recherche d'une complémentarité renforcée.

2. D'une valeur estimée à 100 milliards d'euros, le portefeuille de l'Agence des participations de l'État conjugue défense des intérêts publics et performance

Le compte d'affectation spéciale retrace à titre principal les participations relevant du périmètre de l'Agence des participations de l'État. Il se compose de 81 entités , et représente au 30 juin 2017 un actif estimé à 100 milliards d'euros environ , dont 66,3 milliards d'euros pour les seules entreprises cotées 29 ( * ) .

Le graphique ci-après présente les principales participations de l'État, en fonction du chiffre d'affaires, du taux de détention de l'État et de la capitalisation boursière pour les entreprises cotées ou de la valeur des capitaux propres pour les entreprises non cotées.

Les principales participations de l'État

Source : Rapport d'activité 2016-2017 de l'Agence des participations de l'État

La liste des entités des relevant du périmètre de l'Agence des participations de l'État figure en annexe du décret du 9 septembre 2004 30 ( * ) . Elle a été mise à jour en octobre 2017 31 ( * ) , en particulier afin de prendre en compte les évolutions intervenues depuis 2013.

En effet, à l'initiative du précédent Gouvernement, il a été procédé à une gestion active du portefeuille des participations conciliant défense des intérêts publics et recherche de la performance .

Martin Vial précise en ce sens que « contrairement à une idée reçue, la rotation de notre portefeuille a été très importante. On accuse l'État de se montrer très statique dans sa gestion, mais ce n'est pas conforme à la réalité . En 2004, le portefeuille de l'APE comportait 66 entreprises, et son portefeuille coté pesait environ 43 milliards d'euros. Aujourd'hui, les douze lignes cotées de notre portefeuille représentent 67 milliards d'euros, et nous avons réalisé plus de 30 milliards d'euros de cessions entre 2004 et 2016. Depuis deux ans, le rythme de la rotation du portefeuille s'est plutôt accéléré. Nous aurons effectivement réalisé plus de 9 milliards d'euros de cessions depuis 2015 et 11,5 milliards d'euros d'investissements ».

Au-delà des participations inhérentes à des préoccupations de souveraineté, la respiration du portefeuille procède d'une démarche responsable.

Elle permet à l'État de répondre aux situations conjoncturelles , comme pour le sauvetage de PSA, de défendre ses intérêts , comme lors de la montée dans le capital de Renault 32 ( * ) ou encore de financer la refondation de la filière nucléaire française.


* 26 De façon moins importante, des actionnaires sectoriels doivent aussi être mentionnés, à l'instar du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le Centre national d'études spatiales (CNES), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et IFP Énergies nouvelles (IFPEN).

* 27 « L'État actionnaire », Cour des comptes, janvier 2017, page 101.

* 28 Audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, le 13 septembre 2017.

* 29 Rapport d'activité 2016-2017 de l'Agence des participations de l'État, novembre 2017.

* 30 Décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l'État.

* 31 Décret n° 2017-1500 du 26 octobre 2017.

* 32 Afin de permettre la mise en place des droits de vote double, l'État a fait, le 8 avril 2015, l'acquisition de 14 millions de titres Renault, pour un montant de 1,258 milliard d'euros, portant sa participation de 15,01 % à 19,73 % du capital de l'entreprise.

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