C. UN RECENTRAGE DU PORTEFEUILLE DE L'ÉTAT ACCENTUERA LES TENSIONS SUR LE COMPTE

1. Une rentabilité plus aléatoire

Dans la mesure où il se compose pour moitié de valeurs énergétiques, un biais sectoriel conditionne le rendement du portefeuille de l'État.

La maquette de performance du compte reflète ce biais sectoriel. Le premier objectif s'attache ainsi à l'augmentation de la valeur des participations financières de l'État au travers de trois indicateurs 47 ( * ) calculés rétrospectivement en fonction de l'évolution des résultats constatés.

Leurs valeurs s'améliorent entre 2015 et 2016, en particulier s'agissant du taux de rendement de l'actionnaire. Ce taux de rendement était négatif en 2016 (- 6,78 %), en raison des difficultés du secteur de l'énergie. Hors énergie, il était ainsi de 7,5 % en 2016. La prévision actualisée pour 2017 est fixée à 8 %.

De ce point de vue, l'évolution du périmètre des participations publiques conduira de facto à accentuer la sensibilité au secteur énergétique . En effet, compte tenu des contraintes juridiques de seuil de détention et des contraintes de marché pour des entreprises en réorganisation, les cessions ne porteront pas à court et moyen termes sur les titres énergétiques.

Le graphique ci-après illustre ce risque à partir de l'évolution des dividendes en numéraire versés à l'État entre 2010 et 2017.

Estimation de l'évolution des dividendes perçus en numéraire
au titre des exercices 2010 et 2017 pour EDF, Engie et Orange

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat.

2. Une rigidité préjudiciable à la capacité de l'État à répondre aux difficultés sectorielles

Surtout, le recentrage du portefeuille géré par l'Agence des participations de l'État risque de se traduire par une rigidité accrue du compte d'affectation spéciale.

La capacité de réaction de l'État à d'éventuelles difficultés , matérialisée ces dernières années pour PSA ou pour le secteur énergétique, s'en trouverait obérée.

Conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances 48 ( * ) , le fonctionnement du compte fait principalement reposer l'acquisition de titres de participation par les produits tirés des cessions d'autres titres.

En recentrant le portefeuille de l'État sur un noyau dur de participations, dont la motivation repose sur des intérêts régaliens et stratégiques, les titres entrant dans la respiration du portefeuille deviendraient marginaux.

De fait, c'est ainsi l'équilibre même du fonctionnement du compte d'affectation spéciale qui serait en partie remis en cause .

Or le soutien apporté par l'État à des entreprises faisant face à des difficultés temporaires, à l'instar de PSA en 2014 ou de l'ambitieuse réorganisation de la filière nucléaire française depuis 2015, a précisément été rendu possible par la cession préalable d'autres titres 49 ( * ) .

À défaut de pouvoir rapidement céder une partie de son portefeuille, seul un versement du budget général pourrait permettre à l'État d'apporter son concours à un groupe. À rebours de toute vision stratégique et patrimoniale, ainsi que du rôle de « maître des horloges » de l'État, la préservation de compétences sur le territoire national serait alors soumise aux contingences budgétaires.

Un compte plus rigide signifie donc une capacité amputée de l'État à jouer son indispensable rôle de soutien aux secteurs stratégiques.

Une telle perspective contraste avec l'objectif affiché par le Gouvernement pour justifier l'atrophie l'État actionnaire, à savoir préparer l'avenir.

Surtout, le projet d'abonder un fonds de soutien à l'innovation est fortement critiquable . En effet, si ses modalités demeurent floues à ce stade, il procède davantage d'une débudgétisation de crédits destinés au financement de l'innovation qu'à une impulsion nouvelle en faveur de l'innovation.


* 47 Il s'agit de l'indicateur 1.1 « Rentabilité opérationnelle des capitaux employés (ROCE), de l'indicateur 1.2 « Suivi et maîtrise de l'endettement » et de l'indicateur 1.3 « Taux de rendement de l'actionnaire ».

* 48 L'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances indique que « Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. ».

* 49 La participation à l'augmentation de capital de PSA en 2014 avait été en partie préalablement financée par la cession de titres GDF-Suez, de même, les cessions des titres Engie en janvier 2017 puis des titres PSA en juin 2017 ont dégagé une partie de la trésorerie nécessaire aux augmentations de capital d'EDF et d'Areva.

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