DEUXIÈME PARTIE - ANALYSE DES PRINCIPAUX DISPOSITIFS DE LA MISSION

1. Des dépenses d'exonérations de charges historiquement basses et dont la pérennité est incertaine, dans un contexte de chômage accru

La compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques outre-mer est assurée par le ministère des outre-mer. Les crédits qui s'y rapportent sont inscrits sur son programme 138 « Emploi outre-mer », à l'action 01 « Soutien aux entreprises ». Ils représentent 1,079 milliard d'euros, soit plus de la moitié des crédits prévus au sein de la mission « Outre-mer » en 2018 et 81,2 % des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ».

Le dispositif des exonérations de cotisations de sécurité sociale spécifique aux outre-mer résulte des dispositions de l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les entreprises implantées outre-mer et des articles L. 756-4 et L. 756-5 de ce même code pour les travailleurs indépendants ultramarins s'inscrit dans le cadre des politiques publiques menées par l'État en vue de réduire les handicaps structurels des départements et collectivités d'outre-mer et d'améliorer la compétitivité de leurs entreprises tout en encourageant la création d'emplois pérennes par une réduction du coût du travail.

Cette politique publique fait l'objet, depuis cinq ans, d'une démarche de rationalisation visant à la rendre plus efficiente. La loi de finances pour 2014 et la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 ont ainsi abaissé les niveaux de salaires concernés par les exonérations de charges patronales afin de recentrer l'application de celles-ci sur les bas et moyens salaires , compte tenu de l'importance plus grande que joue, à ce niveau, le facteur du coût du travail sur l'emploi. Les entreprises situées dans les territoires ultramarins bénéficient depuis le 1 er janvier 2015 de la baisse de 1,8 point des cotisations employeurs famille pour les salaires compris entre 1 SMIC et 1,6 SMIC ainsi que de l'allègement de cotisations sociales en faveur des indépendants. Il faut néanmoins relever que :

- d'une part, l'intensité de l'aide demeure modulée selon plusieurs critères tenant à la fois à leur taille (plus ou moins de 11 salariés) et leur éligibilité ou non au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ;

- d'autre part, les entreprises relevant des secteurs dits renforcés tels qu'ils ont été identifiés par la loi pour le développement économique des outre-mer (recherche et développement, technologies de l'information et de la communication, tourisme, environnement, agronutrition et énergies renouvelables) n'ont pas été affectées par ces mesures de recentrage, les seuils de salaire dans la limite desquels elles sont totalement ou partiellement exonérées de cotisations patronales ayant été majorés.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a poursuivi ces recentrages, cette fois, sur le dispositif d'exonérations applicables aux cotisations dont les travailleurs indépendants sont redevables, ce qui devait entraîner une économie nette de 30 millions d'euros par an .

Montant des exonérations de cotisations de charges patronales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Ces multiples recentrages ont entraîné une baisse importante de la dépense associée à ces exonérations ; de plus de 36 % entre 2014 et la prévision de dépenses pour 2018. Dans le même temps, le taux de chômage a connu une hausse de 2 points dans les outre-mer, et s'élève aujourd'hui à 23 % (il oscille entre 25 % à La Réunion et 19 % en Martinique).

Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale actuellement en cours d'examen par le Parlement ne prévoient, cette année, aucun recentrage des exonérations. Elle devrait toutefois faire l'objet d'un « réexamen » à l'automne 2019.

La réforme des exonérations de cotisations sociales en outre-mer prévue en 2018

Au-delà des dispositifs généraux, il existe encore plusieurs exonérations spécifiques applicables à un secteur ou une zone géographique, pour des effets souvent limités dans le temps, et dont l'efficacité a été fortement remise en cause par plusieurs rapports, en particulier par la mission de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) sur la revue des dépenses sur les exonérations et exemptions sociales spécifiques de juin 2015. Le maintien de ces exonérations nuit aujourd'hui à la lisibilité générale des dispositifs applicables en faveur de la baisse du coût du travail, ce qui nuit au final aux employeurs eux-mêmes. Ces exonérations spécifiques, en outre, seront dorénavant moins avantageuses dans la plupart des cas, proche du SMIC, que les allègements généraux, ce qui justifie leur réexamen ou leur mise en extinction selon les cas. Une révision dans le cadre des lois financières pour 2019 sera menée, à l'issue d'une concertation approfondie avec les représentants des acteurs concernés. Il s'agit spécifiquement :

- Des trois exonérations sociales applicables dans certaines zones du territoire : zone de revitalisation rurale (ZRR), zone de restructuration de la défense (ZRD) et bassins d'emploi à redynamiser (BER) ;

- De l'exonération pour l'emploi de travailleurs occasionnels agricoles ;

- Des exonérations applicables à deux structures d'insertion par l'activité économique (IAE) que sont les associations intermédiaires et les ateliers et chantiers d'insertion ;

- De l'exonération applicable aux contrats uniques d'insertion sous forme de contrats d'accompagnement dans l'emploi ;

- Des exonérations applicables en outre-mer (issues en dernier lieu de la loi dite LODEOM).

Source : annexe 10 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

Le futur dispositif devra garantir une réduction du coût du travail au moins équivalente à celle des exonérations actuelles . Il devra, en outre, être suffisamment progressif ; un recentrage excessif des exonérations de cotisations patronales étant de nature à provoquer des « trappes à bas salaires », en augmentant trop fortement le coût marginal des revalorisations salariales.

Ce dispositif devra, en outre, être suffisamment abouti pour rester stable dans le temps. Cette stabilité est nécessaire pour donner une réelle visibilité aux entreprises et aux travailleurs indépendants sur leurs charges sociales futures, et conditionner l'impact du dispositif sur l'emploi. À cet égard, il importe que la concertation promise par le Gouvernement soit effective, et s'appuie, notamment, sur les « Assises des outre-mer ».

2. Après l'atteinte de l'objectif « SMA 6000 », la nécessaire consolidation du service militaire adapté

Dispositif militaire d'insertion socioprofessionnelle destiné aux jeunes volontaires les plus éloignés de l'emploi au sein des outre-mer français, le service militaire adapté (SMA) est un outil majeur de la réalisation des actions en faveur de l'insertion des jeunes ultramarins.

Le service militaire adapté

Créé en 1961, le service militaire adapté (SMA) est un organisme d'insertion professionnelle relevant du ministère de l'outre-mer régi par l'article L. 4132-12 du code de la défense. Le SMA participe également, par les chantiers d'application qu'il conduit, à la mise en valeur des collectivités d'outre-mer et, au titre de son statut militaire, à l'exécution des plans d'urgence et de secours en cas de catastrophe naturelle.

L'originalité du SMA consiste à associer une formation citoyenne, militaire et professionnelle.

Les douze mois passés au SMA comprennent :

- un mois de formation militaire ;

- 800 heures de formation professionnelle dans l'une des cinquante filières existantes ;

- une remise à niveau scolaire en tant que de besoin ;

- la préparation et le passage du permis de conduire ;

- la préparation et le passage de l'attestation de premiers secours ;

- le cas échéant, un chantier d'application.

Cette action est renforcée par l'accompagnement permanent des volontaires, fondé sur l'internat et un suivi individualisé vers l'emploi. Au terme de leur année au SMA, la quasi-totalité des jeunes obtiennent un diplôme spécifique qui sanctionne leur formation : le Certificat d'aptitude personnelle à l'insertion (CAPI).

65 % des encadrants sont des militaires détachés, les volontaires, de 18 à 25 ans, ont le statut militaire, vivent en caserne et portent l'uniforme. Ils perçoivent une indemnité de 340 euros par mois (nourris, logés et blanchis), et passent gratuitement le permis de conduire.

Sources : « L'insertion professionnelle des jeunes d'outre-mer », ministère de l'outre-mer, 30 avril 2009 et rapport de la Cour des comptes sur la « Journée défense et citoyenneté », janvier 2016

Depuis 2017, année d'atteinte de l'objectif du plan « SMA 6000 », 6 000 jeunes sont accueillis par an au sein des huit formations du SMA avec un taux de réussite et d'insertion probant (ce taux s'élève à 78 %, selon la prévision actualisée pour 2017).

Évolution de la capacité d'accueil du SMA

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Places de stages ouvertes
dans l'année

2 900

3 000

4 100

4 850

5 300

5 500

5 700

5 800

6 000

Source : réponse au questionnaire budgétaire

L'année 2018 conforte cette cible. Elle marquera en outre un renforcement de l'encadrement des volontaires : 127 emplois sont inscrits à ce titre sur le quinquennat pour un montant de plus de 10 millions d'euros, afin d'assurer la qualité de cette formation.

Le schéma d'emplois du Service militaire adapté (SMA) augmente de 20 ETPT en 2018 pour atteindre + 127 en 2022. La masse salariale du SMA enregistre de fait une majoration de 3,5 %. De même, l'affectation de ces effectifs supplémentaires explique une augmentation des crédits de fonctionnement du SMA (+ 7 %).

À ce stade, une consolidation de cette réussite doit être entreprise. La hausse du ratio « effectifs gérant / effectifs gérés » (1,68 % contre 1,63 % en 2017) constitue à cet égard une évolution bienvenue. Cette augmentation du personnel encadrant (+ 3 ETPT par rapport à 2017 du personnel « organisant la formation ») répond à un besoin accru du personnel chargé de l'organisation de la formation professionnelle induit par l'augmentation du nombre de volontaires décidée en 2017. À terme, cette consolidation passe également par une meilleure adaptation et spécialisation des formations aux divers territoires ultramarins et par un achèvement des infrastructures.

3. Une poursuite de la baisse des crédits affectés au logement, en inadéquation avec les besoins et les objectifs fixés

Différents éléments expliquent la crise du logement que connaissent les outre-mer, notamment la forte pression démographique, la rareté du foncier, l'urbanisation rapide et la forte proportion de ménages à bas revenus.

Cette problématique est particulièrement prégnante pour certains territoires ultramarins, comme la Guyane, qui fait face à d'importants flux migratoires, et dont l'insalubrité des logements est de plus en plus alarmante.

Ainsi, dans les seuls départements d'outre-mer, les besoins en logements sociaux s'élèvent à plus de 9 200 par an, tandis que le nombre de demandeurs de logements sociaux est de 60 158.

Besoins en logements sociaux dans les départements d'outre-mer

DOM

Nombre de demandeurs

de logements sociaux (SNE)

Besoins par an en logements sociaux (données DEAL)

Nombre de logements insalubres

Guadeloupe

9.821

1.000

11.000

Martinique

11.319

1.000

8.300

Guyane

7.962

de 1.400 à 2.850 28 ( * )

10.000

La Réunion

27.696

5.000

18.918

Mayotte

3.360

760

18.700

Total DOM

60.158

Entre 9.200 à 11.000 logements sociaux

67.918

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer 29 ( * ) et portant autres dispositions en matière sociale et économique prévoit, dans son article 3, que « la République s'assigne pour objectif la construction de 150 000 logements dans les outre-mer au cours des dix années suivant la promulgation de la présente loi. Cet objectif est décliné territorialement, en tenant compte des besoins de réhabilitation ».

Les objectifs territorialisés de production de logements sont présentés dans les accords territoriaux du « Plan Logement Outre-mer ».

Objectifs de construction de logements du « Plan Logement Outre-mer »

Construction neuve de logements sociaux en location et en accession

(logements/an)

Réhabilitation de logements sociaux (logements/an)

Amélioration du parc privé (logements/an)

Objectif total d'ici 2027 (logements)

Guadeloupe

1700

370

20 700

Martinique

1200

800

650

26 500

Guyane*

pas d'objectif chiffré, mais des besoins évalués à 3700 à 5130

51 300

La Réunion

pas d'objectif chiffré, mais souhait de maintenir un rythme de construction à 3500

35 000

Mayotte**

1179

-

-

11 790

Nouvelle Calédonie ***

4650 logements sont programmés d'ici 2021

4 650

Saint-Pierre et Miquelon

210

210

Wallis et Futuna

-

-

Polynésie française

-

-

Total

150 150 logements

* d'après l'étude INSEE/DEAL sur « Le logement aujourd'hui et demain en Guyane » publiée en avril 2014

** d'après le Plan Mayotte 2025

*** d'après le contrat de développement sur 5 ans

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

En 2018, le Gouvernement prévoit la construction de 5 870 logements locatifs sociaux et très sociaux et 3 550 réhabilitations de logements. Cette prévision reste inférieure au nombre de réhabilitation et de constructions annuelles nécessaires pour atteindre l'objectif fixé par la loi.

Par ailleurs, ces objectifs apparaissent incompatibles avec une poursuite de la baisse des crédits affectés à la ligne budgétaire unique, principal instrument de l'État en faveur du logement outre-mer.

Le Gouvernement insiste sur le fait que, sur la période 2011-2018, les moyens de paiement de la LBU se sont accrus de 17 %, favorisant la réalisation des opérations, sans peser sur la trésorerie des opérateurs du logement social. La ligne budgétaire unique connaît toutefois une « stagnation budgétaire » depuis 2014. En 2018, ses financements devraient, à nouveau, connaître une baisse, de 8,13 % en AE et de 1,57 % en CP. Cette baisse est d'autant plus préoccupante que les coûts de constructions continuent à augmenter, et que la ligne budgétaire unique supporte un niveau toujours élevé de restes à payer et de restes à charge.

Évolution des AE et des CP de la LBU depuis 2011

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

4. Une hausse des crédits destinés à la politique contractuelle toujours insuffisante pour faire face aux impayés et résorber les sous-dotations

L'action 02 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie en outre-mer » porte essentiellement sur les crédits destinés au financement des contrats de projets et des contrats de développement passés entre l'État et les collectivités territoriales d'outre-mer.

La politique contractuelle de l'État dans les outre-mer se décline en deux formes. S'agissant des départements et collectivités uniques d'outre-mer, il s'agit de contrats de plan État-Région (CPER) pour la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion et Mayotte et de contrat de plan État-Région-Département pour la Martinique dont la nouvelle génération, d'une durée de six ans, a débuté en 2015. Pour les collectivités d'outre-mer, de contrat de projets ou de développement ; une nouvelle génération de contrats de développement pour la période 2017-2021 est en cours de négociation entre l'État et la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes.

Le cahier des charges pour l'élaboration des CPER dans les outre-mer a retenu les six thématiques suivantes :

- les infrastructures et services collectifs de base, la lutte contre la vulnérabilité des territoires et des populations ;

- l'aménagement urbain durable ;

- la gestion des ressources énergétiques et environnementales ;

- le développement de la recherche et de l'innovation, les filières d'excellence ;

- la cohésion sociale et l'employabilité ;

- le développement économique durable.

L'emploi est une priorité transversale aux six thématiques.

Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées sont en hausse et s'élèvent à 152 millions d'euros en AE et 157 millions d'euros en CP (contre 136 millions d'euros en AE et 148 millions d'euros en CP en 2017), soit une hausse de 12 % en AE et de 6 % en CP, ces derniers étant principalement destinés au règlement des opérations contractualisées au titre des années antérieures. Ainsi, fin 2016, les restes à payer sur les engagements des contrats en cours et passés s'élèvent à 243,5 millions d'euros.

Pour 2018, le financement destiné aux contrats de plan État-région (qui concernent les départements d'outre-mer) s'élèvera à 46,2 millions d'euros en AE et 49,1 millions d'euros en CP.

Répartition par territoire des crédits consacrés aux contrats de plan

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Guadeloupe

5

9,1

5

10,1

3,4

11,6

Guyane

5,3

6,6

5,2

5,1

5,8

6,4

Martinique

4,5

7,7

4,4

7,4

4,9

6,8

La Réunion

14,2

13,9

14

13,4

15,6

10,2

Mayotte

13,5

20,2

14,7

18

16,5

14,1

Total

42,5

57,5

43,3

54

46,2

49,1

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour l'exercice 2018, 92,8 millions d'euros en AE et 94,5 millions d'euros en CP les crédits prévus au titre des contrats de projets et de développement en cours dans les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, sont en hausse de plus de 6 % et s'élèvent à 105,9 millions d'euros en AE et 104,4 millions d'euros en CP. Ils sont répartis comme suit :

- contrat de développement 2015-2018 de Saint-Pierre-et-Miquelon : 3,6 millions d'euros en AE et 2,6 millions d'euros en CP ;

- contrat de développement de Saint-Martin : 8,3 millions d'euros en AE et 6,3 en CP sont prévus au projet de loi de finances pour 2017. Le nouveau contrat de développement 2014-2020 est décliné en deux périodes budgétaires successives : de 2014 à 2017 et de 2018 à 2020. La seconde période de l'engagement financier des partenaires sera matérialisée par voie d'avenant au contrat ;

- contrat de développement de Wallis et Futuna 2012-2016 prolongé en 2017, puis jusqu'au 31 décembre 2018 : 5,8 millions d'euros en AE et 8,5 millions d'euros en CP ;

- nouveau contrat de développement 2017-2021 de Nouvelle-Calédonie. En 2018, 63,3 millions en AE sont mobilisés au titre de cette nouvelle génération de contrats de développement et 65,3 millions d'euros en CP sont destinés à couvrir principalement les opérations de l'ancienne génération ;

- contrat de projets en Polynésie française 2015-2020 : 24,9 millions d'euros en AE et 21,5 millions d'euros en CP au titre du contrat de projet signé le 9 mars 2015. Ce contrat appelle une vigilance particulière, le taux d'exécution des crédits au terme des deux premières années ne s'élevant qu'à 21 %. La dotation prévue pour 2018 devrait perpétuer cette sous-dotation. Par ailleurs, chaque année, une partie des crédits du contrat de projet fait l'objet de fongibilités au profit de dispositifs non abondés (CUCS, ADIE, ALE, équipement des communes), réduisant encore davantage les crédits disponibles.

5. Une baisse des crédits destinés à la continuité territoriale préoccupante

Les crédits de l'action 03 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » s'élèvent à 41,12 millions en AE et en CP, enregistrant une baisse de 1,31 %.

Aux termes de l'article L. 1803-1 du code des transports, la politique nationale de continuité territoriale doit tendre « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».

Les crédits de l'action 03 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont principalement destinés à abonder le fonds de continuité territoriale (FCT), qui est notamment chargé de financer :

- l'aide à la continuité territoriale (ACT) pour tous publics ;

- le passeport-mobilité études (PME) pour les étudiants et les lycéens ;

- le passeport-mobilité formation professionnelle (PMFP) pour les personnes ayant un projet d'insertion professionnelle.

Les critères d'éligibilité de l'aide à la continuité territoriale ont fait l'objet d'une importante réforme entrée en vigueur en février 2015, avec la mise en place d'un délai d'au moins trois années entre le versement de deux aides et la division de leurs montants par deux pour les foyers dont le quotient familial annuel est supérieur à 6 000 euros.

Ces changements avaient entraîné une réduction de 80 % du nombre de bénéficiaires et du coût du dispositif entre 2014 et 2015. Cette tendance se confirme en 2016 puisque les dépenses du dispositif ont atteint 29,6 millions d'euros en AE/CP soit une diminution de 17,3 % par rapport à l'enveloppe consommée en 2015. Le nombre de bénéficiaires (hors volet transport dans le cadre de la formation professionnelle) s'élève à 19 516 en 2016 soit - 5,2 % par rapport à 2015.

Évolution par territoire des crédits consommés pour l'aide à la continuité territoriale

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Guadeloupe, St-Barth., St-Martin

16 631

19 677

18 530

6 523

8 074

Martinique

22 410

25 094

26 879

7 390

6 222

Guyane

554

940

1 726

1 665

1 396

Réunion

38 607

44 583

42 283

506

4

Mayotte

2 407

3 436

3 876

2 331

1 900

SPM

28

29

42

20

16

Wallis et Futuna

270

152

409

266

288

Polynésie Française

863

722

670

613

469

Nouvelle-Calédonie

2 601

2 977

3 277

1 306

1 147

DOM

80 609

93 730

93 294

18 415

17 596

COM

3 762

3 880

4 398

2 205

1 920

Total

84 371

97 610

97 692

20 620

19 516

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Parallèlement à cette réforme, le conseil régional de la Réunion a renforcé son propre dispositif (initié en 2010, fortement renforcé en 2016). Plus favorable que l'aide de l'État (l'aide régionale est attribuée une fois par an sous conditions de ressources) et non cumulable avec celle-ci, qui a donc capté les Réunionnais qui étaient les principaux bénéficiaires de l'aide de l'État.

Cette poursuite de la baisse des crédits traduit le retrait de l'État dans l'effort de désenclavement des collectivités ultramarines, alors même que le financement de la continuité territoriale faisait partie des promesses de campagne 30 ( * ) .

6. Un maintien des crédits du FEI sur le quinquennat : une promesse ambitieuse

Créé par l'article 31 de la loi LODEOM 31 ( * ) , le fonds exceptionnel d'investissement a pour objet d'apporter une aide financière aux personnes publiques qui réalisent dans les départements et collectivités d'outre-mer des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de manière déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local en complément des opérations arrêtées dans le cadre des contrats de projets et de développement.

Les domaines couverts sont : l'eau potable, l'assainissement, le traitement et la gestion des déchets, le désenclavement du territoire (sauf modernisation et entretien des réseaux routiers), les infrastructures numériques, le développement durable et énergies renouvelables, la prévention des risques majeurs, les équipements de proximité en matière sanitaire et sociale, les infrastructures d'accueil des entreprises et les constructions scolaires.

Ses crédits sont en augmentation de 3 % en AE et stables en CP. Surtout, le Gouvernement s'est engagé à un maintien de sa dotation sur l'ensemble du quinquennat.

Dotation prévue pour le FEI sur la période 2018-2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

Sous le précédent quinquennat, le président de la République avait formulé le souhait de doter ce fonds de 500 millions d'euros d'ici 2017, mais il n'avait en réalité cumulé que 230 millions d'euros en AE et 214 millions d'euros en CP. L'annonce du maintien des crédits du FEI, dont il convient de souligner l'ambition, appelle donc une vigilance et un suivi particulier.


* 28 Le nombre annuel de logements sociaux varie selon les hypothèses de programmation retenues (basse ou haute). Une étude est en vue d'affiner ces données.

* 29 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

* 30 « Les outre-mer : un potentiel à libérer », programme d'Emmanuel Macron, 2017.

* 31 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

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