III. UNE ANNÉE 2017 MARQUÉE PAR DES AJUSTEMENTS DES DÉPENSES FISCALES ASSOCIÉES À LA MISSION

1. Des dépenses fiscales dépassant les 4 milliards d'euros

Dépenses fiscales associées à la mission

(en millions d'euros)

Dispositif

Base légale

Impôt concerné

Chiffrage pour 2015

Chiffrage actualisé pour 2016

Chiffrage pour 2017

Chiffrage pour 2018

Taux de TVA minoré

Art. 296 du code général des impôts (CGI)

TVA

1 300

1 450

1 450

1 500

Défiscalisation des investissements productifs

Art. 199 undecies B du CGI

IR

282

282

304

304

Défiscalisation des investissements en matière de logement

Art. 199 undecies A et 199 undecies D du CGI

IR

180

138

110

190

Défiscalisation dans le logement social

Art. 199 undecies C

IR

202

225

205

205

Réduction du barème de l'impôt sur le revenu

Art. 197-I-3 du CGI

IR

384

405

405

405

Défiscalisation des investissements productifs

Art. 217 undecies et 217 duodecies du CGI

IS

140

97

60

nc

Exonération de certains produits et matières premières ainsi que des produits pétroliers

Art. 295 du CGI

TVA

158

154

154

154

TVA dite « non perçue récupérable »

Art. 295 A du CGI

TVA

100

100

100

100

Exclusion du champ d'application de la TICPE

Art. 267 du code des douanes

TICPE

940

996

1 055

1 169

Crédit d'impôt pour les investissements productifs

Art. 244 quater W du CGI

IR et IS

-

40

85

25

Crédit d'impôt pour les investissements dans le logement social

Art. 244 quater X du CGI

IS

-

-

27

nc

Autres dépenses fiscales rattachées à la mission (hors dépenses fiscales sur impôts locaux)

152

176

491

225

Total (en estimant constants, en 2018 le coût des dispositifs non chiffrés)

3 853

3 994

4 093

4 277

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018

Le montant de la dépense fiscale en faveur de l'outre-mer devrait à nouveau dépasser les 4 milliards d'euros en 2018.

Un quart de cette dépense porte sur les dispositifs de défiscalisation. Ces dispositifs d'aide fiscale sont issus, dans leur première mouture, des dispositions de la loi de finances rectificative pour 1986 du 11 juillet 1986 (« loi Pons »), et ont fait l'objet de nombreux aménagements depuis lors. Ils ont ainsi été restreints en 2001 (« loi Paul » 10 ( * ) ), étendus en 2003 (« Girardin immobilier » 11 ( * ) ), puis plafonnés à 18 000 euros au total par contribuable en loi de finances pour 2013 12 ( * ) .

Ils ont été mis en place pour compenser les contraintes particulières pesant sur les économies ultramarines, qui rendent ces dispositifs « vitaux » 13 ( * ) . À ce titre, ils sont considérés par le droit de l'Union européenne comme des aides à finalité régionale, placées sous le régime du règlement général d'exemption par catégorie 14 ( * ) , car considérées comme de faible ampleur sur la concurrence et de nature à compenser les surcoûts liés à cette situation géographique particulière.

La baisse de la dépenses fiscale associée s'explique par le fait que certains dispositifs sont en extinction progressive (199 undecies A), tandis que d'autres ont été préservés mais revus dans les lois de finances pour 2014 et 2016.

Le législateur a par ailleurs opté pour une montée en puissance des dispositifs de crédit d'impôt (244 quater W et 244 quater X), au détriment de la défiscalisation classique. Le crédit d'impôt représente une économie pour les finances publiques, l'État n'ayant plus à verser une incitation fiscale aux tiers-investisseurs. Ces dispositifs répondent en partie aux critiques adressées par la Cour des comptes, qui relevait que « pour les investissements productifs, seulement 60 % des réductions d'impôt reviennent, indirectement, aux entreprises d'outre-mer et 40 % bénéficient aux contribuables-investisseurs, alors qu'ils ne courent pratiquement aucun risque 15 ( * ) », même si en contrepartie ils doivent utiliser leur trésorerie.

Évolution de la dépense associée aux six principaux dispositifs de défiscalisation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ces dispositifs ont connu, en 2017, des assouplissements importants, quoique « parcellaires », et ne modifiant pas l'architecture générale de ces dispositifs 16 ( * ) . Ces mesures pourraient augmenter de 150 à 200 millions d'euros par les dépenses fiscales de la mission à horizon 2020 17 ( * ) .

2. La loi relative à l'égalité réelle outre-mer : des assouplissements nécessaires mais toujours mineurs

La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique 18 ( * ) comprend en effet diverses dispositions importantes assouplissant les dispositifs de défiscalisation, sans remettre en question leur économie générale. Elle a ainsi permis la suppression de la mention explicite de la distinction entre investissement initial et investissement de renouvellement dans les articles du code général des impôts relatifs à la défiscalisation outre-mer (article 127), ou encore la suppression de l'exigence de subvention publique (« 5 % LBU ») pour pouvoir bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'investissement dans le logement social (article 128). Le texte rétablit également une réduction d'impôt sur le revenu en cas de travaux de réhabilitation sur des immeubles de plus de vingt ans (article 126), alors même que celle-ci avait été supprimée en loi de finances pour 2016.

Elle a également élargi le bénéfice du crédit d'impôt ouvert aux entreprises qui investissent dans le logement intermédiaire, auparavant limité à des secteurs particuliers, à toutes les entreprises (article 132) et augmente le montant du crédit d'impôt dont peuvent bénéficier les organismes de logement social lorsqu'ils investissent dans la rénovation de logements sociaux outre-mer (article 134).

D'autres dépenses fiscales sont également élargies ou assouplies.

Deux articles apportent des ajustements au régime de l'octroi de mer : l'un double la limite maximale de l'octroi de mer régional (article 139) et l'autre diminue d'un point les frais d'assiette et de recouvrement prélevés par l'État au titre de la collecte de cet impôt (article 140).

Des mesures telles que l'extension de la taxe sur les logements vacants dans les départements d'outre-mer (article 100), l'ouverture de la possibilité d'investir dans un f onds d'investissement de proximité outre-mer (FIP-OM) à l'ensemble des contribuables français (article 131), ou encore l'exonération des collectivités de Guyane des frais de garderie et d'administration versés à l'ONF (article 120) sont prévues par le texte.

Le dispositif des zones franches d'activités dans les départements d'outre-mer 19 ( * ) , dont les taux avaient déjà fait l'objet d'un gel en loi de finances pour 2017, a été prorogé jusqu'en 2020 par la loi relative à l'égalité réelle outre-mer. Il conviendra qu'un nouveau dispositif, contribuant également au soutien du tissu productif ultramarin, lui succède à cette date. Aussi, il apparait indispensable que les « Assises des outre-mer » soient mise à profit pour dessiner les contours de ce nouveau dispositif.

3. Des procédures d'agrément toujours trop lourdes, dont la simplification doit être poursuivie

Le bénéfice de la plupart des avantages fiscaux ouverts à raison des investissements dans le secteur productif ou dans le logement social outre-mer est soumis à une procédure administrative préalable d'agrément du projet.

Dans un rapport de 2013 20 ( * ) , nos collègues Éric Doligé et Serge Larcher relevaient déjà que « de l'avis général des acteurs économiques, la procédure conduite au niveau central est trop longue et entraîne souvent un différé de la réalisation de l'investissement qui peut être préjudiciable à sa pertinence économique ». Ce constat a pu être vérifié à de nombreuses reprises dans le cadre des travaux menés par la délégation sénatoriale à l'outre-mer et la commission des finances 21 ( * ) .

Délai de traitement des demandes d'agrément

(en nombre de jours)

Année civile

Délai moyen
d'instruction

Médiane

2011

103

80

2012

87

82

2013

93

67

2014

102

82

2015

111

79

2016

121

65

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

Les raisons de ces délais sont connues et n'ont pas évolué depuis 2013 : demandes d'informations complémentaires répétées intervenant peu de temps avant l'expiration du délai, ce qui a pour effet d'interrompre et de relancer ce délai, intervention de différents acteurs dans la procédure (préfecture, direction générale des outre-mer, etc.), marge d'interprétation des textes, s'agissant par exemple de l'intérêt économique de l'investissement, etc.

Plusieurs avancées récentes doivent toutefois être relevées. La loi de finances rectificative pour 2016 a ainsi supprimé l'agrément préalable conditionnant le bénéfice du crédit d'impôt, prévu à l'article 244 quater X du code général des impôts, dont peuvent bénéficier les organismes de logement social à raison de leurs investissements dans les logements 22 ( * ) . Cet aménagement se justifiait par le fait que l'agrément prévu à l'article 244 quater X apparaissait superfétatoire, les organismes de logement social étant déjà soumis à de nombreux contrôles de l'État 23 ( * ) , et l'avantage fiscal en cause étant conditionné par le fait que le projet fasse l'objet d'une subvention publique à hauteur de 5 % (règle dite du « 5 % LBU »), ce qui constitue un contrôle supplémentaire de l'État.

La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique 24 ( * ) a supprimé l' agrément pour le crédit d'impôt sur les sociétés ouvert aux organismes de logement social pour les investissements dans les programmes d'accession à la propriété sociale dans les départements d'outre-mer. Elle a également introduit une disposition visant à instaurer une procédure simplifiée de l'agrément fiscal pour les projets visés par un arrêté du représentant de l'État en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française portant attribution d'une subvention au titre des contrats de développement. Pour ces projets, la procédure est désormais :

- simplifiée : l'agrément porte exclusivement sur la détermination de la base fiscale éligible et les conditions permettant de garantir la protection des investisseurs et des tiers ;

- accélérée : le délai d'instruction de la demande d'agrément est ramené dans tous les cas à deux mois, renouvelable une seule fois 25 ( * ) .

Ce nouveau dispositif, introduit à l'initiative de la commission des finances du Sénat 26 ( * ) , pourrait constituer une source d'inspiration pour une réforme plus générale des agréments, notamment dans le secteur productif. Une procédure plus rapide, plus stable et plus lisible serait en effet de nature à favoriser l'investissement dans les territoires d'outre-mer et leur rattrapage économique.

S'il convient de saluer ces avancées, une poursuite des assouplissements et de la simplification des procédures d'agrément, dans l'intérêt des territoires ultramarins, doit être entreprise.


* 10 Loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 de finances pour 2001.

* 11 Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer.

* 12 Article 73 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 13 « L'aide fiscale à l'investissement outre-mer, levier incontournable du développement : 10 propositions pour en optimiser l'impact », Rapport d'information n° 628-(2012-2013) d'Éric Doligé et Serge Larcher.

* 14 Règlement d'exemption n° 651/2014 de la commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (RGEC).

* 15 Cour des comptes, rapport public annuel de 2012.

* 16 Avis n° 281 (2016-2017) de Michel Canevet, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 10 janvier 2017.

* 17 Ibid.

* 18 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 19 Ce dispositif est composé d'abattements sur les bénéfices des petites et moyennes entreprises soumises à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, sur leur base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE), à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et d'une exonération partielle sur la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB). Il s'applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et en partie à Mayotte.

* 20 Rapport d'information n° 628 (2012-2013) d'Éric Doligé et de Serge Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, déposé le 5 juin 2013.

* 21 Avis n° 281 (2016-2017) de Michel Canevet, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 10 janvier 2017 .

* 22 Article 166 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », invalidé par le Conseil constitutionnel, puis réintroduit à l'article 106 de la loi de finances rectificative pour 2016.

* 23 Contrôle des préfectures, des DREAL-DRFIP, en raison de la règle des « 5% LBU » prévue à au f du 1 du I de l'article.

* 24 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 25 VII de l'article 199 undecies C du code général des impôts.

* 26 Amendement de commission de Michel Canevet, rapporteur pour avis, n° COM-182.

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