II. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

1. Une augmentation des crédits du programme, portant principalement sur l'accompagnement des réfugiés

Le programme 104 regroupe les crédits d'intervention consacrés à l'intégration des étrangers et des réfugiés et s'articule autour de cinq actions :

- l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants », qui porte la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) ;

- l'action 12 « Accompagnement des étrangers primo-arrivants », qui finance les actions d'intégration des étrangers en situation régulière hors OFII ;

- l'action 14 « Accès à la nationalité française », qui porte les crédits de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations ;

- l'action 15 « Accompagnement des réfugiés », qui finance les actions d'intégration des réfugiés et, en pratique, essentiellement les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) ;

- l'action 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », nouvellement créée, qui reprend des crédits auparavant intégrés au sein de l'action 12 et qui sont désormais, à juste titre, isolés au sein d'une action spécifique.

La hausse des crédits du programme s'explique en partie par l'augmentation du financement des actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière (+ 61,53 % en AE et en CP), qui portent principalement sur le financement des centres provisoires d'hébergement des réfugiés.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement
du programme 303 « Immigration et asile »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

LFI 2017

PLF 2018

Variation

Intégration et accès à la nationalité française

239,44

282,63

18,04 %

Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,54

8,54

0,00 %

Actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière

29,73

38,43

29,26 %

Accompagnement des réfugiés

26,72

43,16

61,53 %

Accueil des étrangers primo arrivants

173,5

191,43

10,33 %

Accès à la nationalité française

0,95

1,07

12,63 %

Total général

1 224,46

1 352,42

10,45 %

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

Variation

Intégration et accès à la nationalité française

239,49

282,59

18,00%

Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,54

8,54

0,00%

Actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière

29,73

38,43

29,26%

Accompagnement des réfugiés

26,72

43,16

61,53%

Accueil des étrangers primo arrivants

173,5

191,43

10,33%

Accès à la nationalité française

1

1,03

3,00%

Total général

1 097,65

1 383,15

26,01%

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018

2. Une politique d'accueil et d'intégration des primo-arrivants toujours trop peu ambitieuse

La loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France 16 ( * ) a réformé le dispositif d'accueil et d'intégration des étrangers accédant pour la première fois au séjour en France et désireux de s'y installer durablement en remplaçant l'ancien « contrat d'accueil et d'intégration » par un « contrat d'intégration républicaine ». Elle a créé un nouveau parcours d'intégration, caractérisé par de nouvelles formations linguistiques et civiques, une volonté d'articulation avec la politique des visas, et un relèvement de l'objectif linguistique de A1.1 à A1.

En pratique, sur la période du 1 er juillet 2016 (date d'entrée en vigueur de la réforme) au 30 juin 2017, 101 448 contrats ont été signés et 55,6 % des signataires ont bénéficié d'une formation linguistique.

L'année 2018 est marquée par une augmentation des crédits dédiés à l'accueil des étrangers primo-arrivants, qui s'élèvent à 191,4 millions d'euros (+ 10,3 % par rapport à 2017), même s'il faut relever que ces crédits avaient connu une diminution de plus de 20 % entre 2010 et 2014. Parallèlement à cette augmentation de crédits, des remaniements de la formation linguistique et civique devraient avoir lieu :

- un arrêté du ministère de l'intérieur du 25 juillet 2017 permet de prescrire 20 % d'heures de cours supplémentaires pour les stagiaires n'ayant pas obtenu le niveau A1 à la fin de leur formation ;

- des modules de formation linguistique spécifiques pour les étrangers primo-arrivants analphabètes qui n'ont jamais été scolarisés dans leur pays d'origine vont être créés (et devraient représenter une dépense supplémentaire financée de l'ordre de 3,3 millions d'euros).

Ces évolutions, qui rejoignent pour partie les recommandations présentées par notre collègue Roger Karoutchi, devraient renforcer l'efficacité de ces formations mais ne remédient toutefois pas aux carences structurelles de ces formations 17 ( * ) . Tout d'abord, le taux de réussite global apparaît comme particulièrement faible, et ne s'élève à 61,4 %. Surtout, le niveau visé (A1), inférieur à celui requis dans d'autre pays européens, comme l'Allemagne (qui requiert B1) s'avère largement insuffisant pour garantir une intégration réussie des étrangers. Enfin, l'articulation avec la politique de délivrance des titres de séjour fait encore très largement défaut, puisque la seule assiduité est prise en compte, indépendamment de l'implication réelle de l'étranger dans ses formations.

Dans ce contexte, l'indicateur de performance de l'efficience de la formation linguistique dans le cadre du CIR, à savoir le taux d'atteinte du niveau A1, n'apparaît pas pertinent (61 % en 2017). En plus de mesurer un niveau trop faible pour être satisfaisant, il ne tient pas compte des progrès effectués par les migrants et de l'impact réel de la formation, indépendamment de leur niveau initial.

Réussite aux formations linguistique
en fonction du parcours suivi

(en nombre de bénéficiaires)

200 h

100 h

50 h

Total

Taux de réussite

A1 acquis

5 302

6 292

3 531

15 125

61,40 %

A1 partiellement acquis

4 563

1 681

388

6 632

26,90 %

A1 non acquis

2 386

375

108

2 869

11,70 %

Total

12 251

8 348

4 027

24 626

100,00 %

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires budgétaires

3. Une augmentation de la subvention de l'Ofii insuffisante pour réduire les délais de traitement des demandes

Créé en 2009, l'Ofii dispose d'une compétence générale en matière d'intégration des étrangers en situation régulière dans les cinq premières années de résidence sur le territoire français .

Jusqu'en 2016, il était financé essentiellement par des taxes affectées , correspondant aux droits de timbre acquittés par les étrangers ou aux taxes sur la main d'oeuvre étrangère due par les entreprises. La loi de finances pour 2017 a modifié la structure des ressources de l'établissement, par une mesure de budgétisation de l'ensemble des taxes qui lui étaient précédemment affectées. Le portage budgétaire est exclusivement assuré par le programme 104 18 ( * ) , par le biais d'une subvention pour charges de service public (SCSP) ainsi que de transferts directs destinés à couvrir les dépenses d'intervention.

Ces ressources sont complétées par des crédits européens issus des fonds « Réfugiés, Intégration et Retour » relevant de la programmation 2007-2013 mais aussi désormais du fonds « Asile, Migration, Intégration » (FAMI) relevant de la programmation 2014-2020.

Au titre du programme 104, il est prévu, pour 2018, d'allouer à l'Ofii 191,4 millions d'euros en AE et CP, (+ 10,3 %). Ces crédits comprennent 10,5 millions d'euros de crédits d'intervention et 180,9 millions d'euros de subvention pour charges de service public (SCSP).

Financement de l'Ofii intéressant le programme 104

(en millions d'euros, hors crédits d'intervention)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

L'adoption, en 2015 et 2016, des deux lois relatives à l'asile 19 ( * ) d'une part et au droit des étrangers 20 ( * ) d'autre part , a considérablement renforcé ses missions.

S'agissant de l'asile, l'Ofii est désormais un acteur majeur du dispositif d'orientation, d'accompagnement et de gestion des demandeurs d'asile , en étant chargé du premier accueil des demandeurs, de la gestion du parc d'hébergement et de la gestion de l'ADA.

S'agissant du droit des étrangers et de l'intégration, les missions de l'Ofii ont été également revues à la hausse : refonte du parcours d'intégration autour d'un contrat d'intégration républicaine (voir supra ), qui comprend un entretien individuel plus personnalisé, renforcement de la formation civique (deux jours, contre deux heures auparavant), relèvement des exigences de connaissance de la langue pour les étrangers.

Les documents budgétaires précisent que cette évolution est basée sur une évolution de 10 % de la demande d'asile. Le risque de voir ce chiffre dépassé, ainsi que l'importance des demandeurs sous procédure Dublin mène toutefois à penser que cette dotation insuffisante pour permettre à l'Ofii d'assurer pleinement ses missions.

4. Les centres provisoires d'hébergement : un effort budgétaire important qui devrait permettre la création de 3 000 places en 2018

L'action 15 du programme 104 porte essentiellement les crédits destinés au financement de l'hébergement des réfugiés, en particulier les centres provisoires d'hébergement (CPH) 21 ( * ) . Ils s'élèvent à 43,16 millions d'euros, soit une augmentation de 62 % par rapport à 2017.

Le Gouvernement prévoit la création de 5 000 places supplémentaires d'ici fin 2019, dont 3 000 dès 2018. Cette ambition est justifiée par l'augmentation du nombre de personnes bénéficiant d'un statut protecteur en France, qui augmentera mécaniquement le nombre de bénéficiaires potentiels du dispositif.

Nombre d'admissions à la protection
(y compris protection subsidiaire et apatride)
et nombre de places en centres provisoires d'hébergement

(*) Estimation prévisionnelle 2017 sur la base du nombre d'admissions au 1 er semestre (15 996)

Source : commission des finances, d'après les projets annuels de performances et les rapports annuels de performances

Toutefois, l'exécution du projet du Gouvernement doit être observée avec une vigilance toute particulière, puisqu'il prévoit en réalité un doublement du parc de CPH dès 2018, celui-ci étant actuellement composé de 2 207 places. Par ailleurs, le nombre de place total (5 207) restera dérisoire par rapport au nombre de personnes bénéficiant d'un statut protecteur, alors même que ce mode d'hébergement est particulièrement adapté aux personnes présentant des difficultés (il comprend en effet un encadrement social, administratif et sanitaire spécifique).

Au 31 juin 2017, 1 964 places de CPH étaient occupées sur les 2 207 places existantes, ce qui représente un taux d'occupation de 89 %. Si les 11 % restants s'expliquent en partie par le taux frictionnel de rotation, une meilleure gestion administrative de ces places pourrait permettre une augmentation du taux d'occupation.


* 16 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 17 Rapport d'information de Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances n° 660 (2016-2017) - 19 juillet 2017.

* 18 Des crédits sont également versés depuis le programme 303. Ils correspondent au flux financier généré par l'ADA dont la gestion est assurée par l'Ofii.

* 19 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 20 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 21 Aux termes de l'article R. 349-1 du code de l'action sociale et des familles, « Les centres provisoires d'hébergement accueillent, sur décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire pour une période de neuf mois. Après évaluation de la situation de la personne ou de celle de sa famille, cette période peut être prolongée, par période de trois mois, (...) ».

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