PREMIÈRE PARTIE : LES ÉVOLUTIONS DE CRÉDITS PRÉVUES POUR 2018

I. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

A. LE PROGRAMME 117 « CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L'ÉTAT » REPRÉSENTE 99 % DES CRÉDITS DE LA MISSION

Le programme 117 vise un double objectif. Le premier est de garantir la solvabilité de l'État à tout moment, donc à couvrir ses besoins de financement en émettant des titres de dette, dans les conditions d'endettement les moins onéreuses possible. Le second objectif est de garantir que le solde du compte de l'État à la Banque de France, appelé le « compte unique du Trésor », présente un solde positif à la fin de chaque journée.

C'est l'Agence France Trésor (AFT) qui assure la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État . Il s'agit d'un service à compétence nationale (SCN), créé en 2001, qui relève de la direction générale du Trésor. En 2016, les équipes étaient composées de 25 fonctionnaires et 11 contractuels.

Pour l'année 2018, ce programme représente 15,9 % des dépenses de l'État , estimées au total à 256,9 milliards d'euros 1 ( * ) .

Les 41,197 milliards d'euros (AE=CP) demandés pour 2018, en baisse de 1 % par rapport à 2017 , sont répartis entre deux actions .

L'action 01 porte les crédits liés à la gestion de la dette, qui représentent 98 % des crédits du programme , soit un montant de 40,235 milliards d'euros. Ce chiffre est en baisse de 1 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2017.

L'action 02 correspond aux charges de gestion de la trésorerie , qui recouvrent les 2 % restants des crédits du programme. Ce chiffre est en hausse de 1 % par rapport aux crédits ouverts en 2017.

Selon l'article 22 de la LOLF, « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont retracées dans un compte de commerce déterminé » 2 ( * ) . Ainsi, les crédits du programme 117 sont reversés au compte de commerce « Gestion de la dette et trésorerie de l'État ». Y figurent également les recettes issues des opérations d'adjudications, à savoir les primes et décotes reçues et versées. Il n'y a pas d'identité parfaite entre le programme 117 et le compte de commerce « Gestion de la dette et trésorerie de l'État », dans la mesure où ce dernier retrace d'autres opérations, comme les interventions de la Caisse de la dette publique, qui ne sont pas comprises dans le champ du programme 117.

1. Les taux d'intérêt restent très bas, concourant à une légère baisse de la charge de la dette

L'évolution de la charge de la dette dépend de plusieurs facteurs : la courbe des taux d'intérêt, l'inflation, le volume de titres émis et, de manière moins significative, le moment de l'année auquel l'État procède aux opérations de financement (effet calendaire).

Pour 2018, l'inflation, l'augmentation du volume de titres et l'effet calendaire concourent à une hausse de la charge de la dette à hauteur de 0,9 milliard d'euros, qui est plus que compensée par « l'effet taux », qui contribue à faire baisser la charge d'intérêts de 1,4 milliard d'euros .

Facteurs d'évolution de la charge de la dette entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Ainsi, il apparaît que la baisse de la charge de la dette résulte uniquement d'un environnement de taux très faibles.

En effet, depuis 2015, et en particulier depuis l'été 2016, les taux d'intérêt pour les pays européens se situent à des niveaux historiquement bas . Les taux d'intérêt à court terme sont même négatifs dans le cas de la France : les investisseurs acquérant des titres de dette français à court terme permettent à l'État de « gagner de l'argent » en s'endettant : il ne paie pas d'intérêts, mais au contraire reçoit une contrepartie de la part des investisseurs.

Cette situation macroéconomique explique la légère diminution de la charge de la dette en valeur nominale. Cependant, il est à noter que la charge de la dette représente une part relativement stable du budget de l'État (hors remboursements et dégrèvements d'impôts et y compris fonds de concours).

Évolution de la charge de la dette de 2014 à 2018

Année

Montant de charge
de la dette

Évolution par rapport à l'année antérieure

2014

43,16

2015

42,14

-2,4%

2016

40,41

-4,1%

2017 (LFI)

40,60

0,5%

2018 (PLF)

40,24

-0,9%

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Ainsi, entre 2017 et 2018, une légère diminution de la charge de la dette est prévue, de l'ordre de 1 %. En valeur absolue, elle passerait de 40,6 milliards d'euros à 40,24 milliards d'euros.

2. Un encours de dette en hausse

Après une hausse constante en 2012 et 2016 (de 17 % environ au total), la progression de l'encours de dette devrait se poursuivre entre 2017 et 2018, passant de 1 677,2 milliards d'euros à 1 752,8 milliards d'euros, soit une progression de 4,5 %.

La hausse de l'encours de la dette provient à la fois de l'amortissement des titres de dette antérieurs (le refinancement n'étant pas effectué à coût nul) et des déficits budgétaires accumulés.

3. L'évolution du besoin et des ressources de financement de l'État en 2018 : le poids des amortissements de dette arrivant à échéance

Fin 2017, le besoin de financement s'élevait à 191,7 milliards d'euros (contre 185,4 milliards d'euros en loi de finance initiale). Pour 2018, le besoin de financement serait de 203,3 milliards d'euros, soit une hausse de 6,4 %.

Évolution du besoin de financement de l'État

(en milliards d'euros)

2017 révisé

PLF 2018

Évolution entre 2017 et 2018

Amortissement de titres d'État à moyen et long terme

115,2

120,1

4 %

Valeur nominale

112,8

119,4

6 %

Suppléments d'indexation dus

2,4

0,7

-71 %

Amortissement des autres dettes (dettes reprise, etc...)

0

0

0%

Déficit à financer

76,5

82,9

8 %

Déficit budgétaire

76,5

82,9

8 %

Dotations budgétaires au titre des investissements d'avenir

0

0

0 %

Autres besoins de trésorerie

0

0,3

+ 0,3

Total

191,7

203,3

6 %

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances de la mission « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2018

L'amortissement de titres d'État à moyen et à long termes est subdivisé en deux branches principales : la valeur nominale des titres à amortir, d'une part , ou valeur faciale, qui correspond à la valeur monétaire du titre de dette à rembourser , et les suppléments d'indexation, d'autre part, dus par l'État à ses créanciers si le titre est indexé sur l'inflation.

La seconde partie du besoin de financement est composée du déficit à financer, qui recouvre deux éléments : le déficit budgétaire, qui explique la majeure partie de la hausse du besoin de financement, et les dotations budgétaires au titre des investissements d'avenir.

Enfin, la rubrique « Autres besoins de trésorerie » retrace les besoins résultant d'opérations de transfert ou d'administration , ayant un impact nul ou minime sur le besoin de financement (neutralisation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie, décaissements opérés à partir des comptes consacrés aux investissements d'avenir nets des intérêts versés, passage de l'exercice budgétaire à l'année civile).

Si le déficit à financer augmente davantage que l'amortissement des titres de dette, ce dernier représente 60 % du besoin de financement. La majorité des titres de dettes émis le sont donc afin de pouvoir rembourser les intérêts de la dette passée.

Montant des dettes de moyen et long terme à amortir

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des questionnaires du rapporteur spécial

Ainsi, il apparaît que le montant à amortir concernant les dettes à moyen et long termes passerait de 127,6 milliards d'euros à 140,3 milliards d'euros entre 2017 et 2018, soit une hausse de 10 % environ. En effet, les amortissements progressent en raison de l'arrivée à échéance des volumes de dette importants émis lors de la crise économique et financière de la fin des années 2000. Il s'agit d'un élément de tension sur le programme de financement de l'État : la hausse des amortissements fait augmenter les volumes à émettre, avec le risque que le marché ne puisse pas absorber des montants trop importants.

Ce besoin de financement est couvert par des recettes de financement, composées à 96 % d'émissions de titre à moyen et à long terme (nettes des rachats de dettes opérés chaque année).

Évolution des recettes de financement de l'État

(en milliards d'euros)

2017 révisé

PLF 2018

Évolution entre 2017 et 2018

Émissions de titres à moyen et long termes, nettes des rachats

185

195

5 %

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique (CDP) et consacrées au désendettement

0

1

1,00

Variation de l'encours de titres à court terme

3,8

0

- 100 %

Variation des dépôts des correspondants

- 4,6

1

0 %

Contribution des disponibilités du Trésor

1

2,8

180 %

Autre ressources de trésorerie

6,5

3,5

- 46 %

Total

191,7

203,3

6 %

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances de la mission « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2018

L'émission de titres à moyen et long terme est en hausse de 5 % par rapport à 2017 .

L'encours de titre à court terme sert à couvrir les opérations quotidiennes afin de garantir une trésorerie positive .

L'estimation nulle pour l'année 2018 ne reflète pas la réalité. Mais l'émission de titres de court terme n'est pas prévisible, car elle dépendra des aléas de la gestion budgétaire.

Les dépôts des correspondants du Trésor sont les dépôts d'excédents de trésorerie effectués par des administrations . Le but de ces opérations de dépôts est la limitation des emprunts auprès d'acteurs privés. En effet, ces dépôts constituent des ressources de financement pouvant servir à couvrir des besoins de financement : plus ils sont importants, plus les ressources de financement augmentent. Ainsi, les dépôts des correspondants du Trésor représentent environ la moitié des mouvements du compte unique de l'État.

Les contributions des disponibilités du Trésor sont des ressources déposées à la Banque de France ou sous la forme de placement de trésorerie de l'État. Leur hausse représente une dégradation des ressources de financement, car ces ressources sont placées et ne peuvent donc pas être utilisées.


* 1 Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2018.

* 2 Article 22 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

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