C. PROPOSITIONS POUR RENDRE CRÉDIBLE L'OBJECTIF DE 2022, ET POUR ATTEINDRE UNE COUVERTURE EN FIBRE OPTIQUE EN 2025

Dans ce contexte, et alors que la transformation numérique bouleverse aujourd'hui tous les secteurs de l'économie, de la TPE/PME à la grande entreprise, il importe de réaffirmer que la couverture du territoire en très haut débit doit rester une priorité nationale, et que la couverture intégrale en fibre optique doit demeurer l'objectif ultime.

Lors de la conférence des territoires, le 17 juillet 2017, le Président de la République a réaffirmé l'objectif d'une couverture du territoire en très haut débit d'ici 2022 , notamment par la mobilisation de toutes les solutions technologiques en complément de la fibre optique, y compris le cas échéant des technologies non filaires telles que les fréquences hertziennes récemment libérées ou la 4G pour les zones où le déploiement de réseaux physiques est trop onéreux.

Si vos rapporteurs spéciaux saluent cette ambition renouvelée, ils appellent toutefois à ce que « l'objectif intermédiaire » d'un « bon haut débit pour tous » en 2020 (supérieure à 8 Mbits/seconde), annoncé le même jour par le Président de la République, n'ait pas pour effet de décaler à plus long terme l'objectif du très haut débit pour tous.

Surtout, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les annonces du Président de la République manquent à ce jour de garanties ou de perspectives précises dans quatre domaines :

- premièrement, l'ambition réaffirmée d'une couverture intégrale en très haut débit en 2022 ne s'accompagne d'aucun engagement financier supplémentaire , alors même que la Cour des comptes a identifié des risques de dépassements importants. Compte tenu de la contrainte budgétaire, vos rapporteurs spéciaux appellent à une nette accélération des procédures en cours, afin de tirer parti des conditions actuelles des marchés financiers, c'est-à-dire des taux relativement faibles encourageant les opérateurs et les investisseurs, notamment institutionnels, à investir dans des infrastructures de communication dont la rentabilité est à long terme. En effet, les réseaux d'initiative publique ont pour vocation de répondre à une carence potentielle de l'initiative privée, qui se concentre plus naturellement sur les zones denses, donc plus rapidement rentables ; les conditions actuelles rendent le déploiement des réseaux dans les zones non denses plus intéressantes aujourd'hui, ce qui pourrait constituer une réponse partielle à l'enjeu budgétaire ;

- deuxièmement, il conviendrait d'utiliser dès maintenant, lorsque nécessaire, la possibilité d'obtenir de la part des opérateurs des engagements contraignants . Cette possibilité a été créée par l'article 78 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, sous la forme d'une disposition codifiée à l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques : « le ministre chargé des communications électroniques peut accepter, après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l'article L. 36-11 », c'est-à-dire par des sanctions financières pouvant atteindre 3 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'opérateur. Cet article pourrait d'ailleurs être modifié afin d'inclure dans son champ les zones denses, pour lesquels il pourrait être utile de disposer également d'un instrument contraignant ;

- troisièmement, un effort supplémentaire pourrait être fait pour mobiliser les citoyens et les décideurs, en s'appuyant notamment sur des outils tels que la carte mise en ligne par l'Observatoire France très haut débit, qui permet de visualiser, en temps réel et sur tout le territoire, le déploiement des réseaux (cf. extrait ci-dessous). A contrario , il convient d'exercer une vigilance accrue sur la communication des opérateurs , en sanctionnant la confusion parfois entretenue entre déploiement du très haut débit et de la fibre optique jusqu'à l'abonné ;

Extrait de la carte interactive de l'Observatoire France Très haut débit

Source : https://observatoire.francethd.fr/ , octobre 2017.

- quatrièmement, et surtout, il est impératif de ne pas perdre de vue que l'objectif ultime est bien la couverture intégrale du territoire en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) , non pas seulement en « très haut débit », qui n'offre pas un débit suffisant pour le développement économique et donc la cohésion des territoires.

À cet égard, les premières années du plan France Très haut débit sont riches en enseignements sur les difficultés financières, procédurales et opérationnelles que rencontrent les projets de déploiement des réseaux. Dès lors, il est impératif que l'État fixe au plus vite des objectifs ambitieux - et contraignants - pour les prochaines années, au-delà de 2022, et qu'il se donne les moyens juridiques et financiers de les atteindre .

D'après les éléments transmis à vos rapporteurs spéciaux, l'année 2025 pourrait constituer une échéance à la fois crédible et ambitieuse pour une couverture quasi-intégrale du territoire en fibre optique jusqu'à l'abonné , hors zones particulièrement inaccessibles.

À l'instar du présent projet de loi de finances, qui fixe - enfin - un échéancier pour la fin du plan France Très haut débit, le projet de loi de finances pour 2019 devrait fournir une prévision de décaissement des AE et des CP en vue de la couverture intégrale du territoire en fibre optique .

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