B. LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT DE LA DGAC RESTERONT ÉLEVÉES EN 2018 POUR TENTER DE COMBLER LE RETARD ACCUMULÉ PAR LE PASSÉ

Entre 2008 et 2013, la DGAC, confrontée à la chute de ses recettes provoquée par la crise du transport aérien, avait décidé de sacrifier ses investissements et de s'endetter pour éviter d'augmenter ses redevances , ce qui aurait encore davantage mis en difficulté les compagnies aériennes.

C'est ce qui explique que ses investissements aient atteint un niveau plancher de 150 millions d'euros en 2010, notoirement insuffisant pour préparer l'avenir , avant de lentement remonter dans les trois années qui ont suivi .

Le transport aérien bénéficiant d'une conjoncture plus favorable, la DGAC a cherché à rattraper le temps perdu en investissant 257,5 millions d'euros en 2014 et en 2015, soit une augmentation de + 31,7 % par rapport aux 195,5 millions d'euros de 2013.

En 2016 et en 2017, elle a maintenu son effort en investissant respectivement 252,6 millions d'euros et 250,0 millions d'euros . Elle le poursuivra en 2018 pour une cinquième année consécutive puisqu'elle prévoit d'investir 252,0 millions d'euros l'an prochain, auxquels s'ajouteront environ 50 millions d'euros de fonds de concours européens .

Sur ce montant, 135 millions d'euros sont consacrés à la modernisation des systèmes , 65 millions d'euros aux opérations de génie civil (rénovation ou construction de nouveaux bâtiments techniques, de tours de contrôle, etc.) et 100 millions d'euros au maintien en condition opérationnelle des systèmes actuels .

Les dépenses d'investissement de la DGAC depuis 2013 (avec comparaison 2010)

(en millions d'euros)

Source : projets annuels de performance

1. Les grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne de la DSNA, auxquels votre rapporteur spécial consacrera un contrôle budgétaire au premier semestre 2018, bénéficieront de 135 millions d'euros en 2018

Le programme 612 « Navigation aérienne » du budget annexe porte 88,4 % de la dotation d'investissement du BACEA, avec 222,9 millions d'euros prévus en AE et en CP en 2018, soit un niveau quasi identique à celui de 2017.

Sur cette somme, la DSNA a prévu de consacrer 135 millions d'euros à ses grands programmes de modernisation de la navigation aérienne .

En maintenant à un niveau élevé cet effort d'investissement, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) souhaite remettre à niveau ses équipements dans les meilleures conditions afin de pouvoir absorber les hausses du trafic aérien prévues dans les prochaines années.

Mais il s'agit également pour elle de respecter les objectifs de performance qui lui sont fixés au niveau européen et de disposer de matériels compatibles avec les développements du programme européen de R&D SESAR.

Le programme de R&D SESAR (Single european sky ATM research)

Fondé par la Commission européenne et Eurocontrol, il a pour objet de développer pour les 30 prochaines années une nouvelle génération du système de gestion du trafic aérien européen sûre et performante, moins coûteuse et respectant les conditions d'un développement durable.

SESAR est un enjeu majeur car il constitue le cadre européen où seront développés et validés les futurs concepts opérationnels et techniques pour la navigation aérienne et permettra de synchroniser les mises en service opérationnelles de systèmes techniques ou de procédures.

À l'issue d'une première phase de travaux de R&D et démonstrations menées entre 2008 et 2014, le déploiement des fonctionnalités validées se fera progressivement entre 2015 et 2025. En parallèle, les travaux de R&D se poursuivront dans le cadre de SESAR 2020 depuis 2016 ; des démonstrations à grande échelle seront organisées pour préparer le déploiement opérationnel. La DGAC y participera afin de profiter des financements et des synergies européennes.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi que le résume le projet annuel de performances pour 2018 de la mission, « l'objectif à l'horizon 2020 [des programmes de modernisation de la navigation aérienne] est d'apporter aux centres opérationnels de la DSNA un système d'Air Trafic Management (ATM) moderne compatible avec les développements de SESAR . Ce système inclut, notamment, des outils de contrôle stripless (sans papier), un plan de vol volumique 4D , des liaisons de données sol-bord aux fonctionnalités avancées et des outils d'aide au contrôle ».

Pour répondre à ces défis, la DSNA porte actuellement cinq grands programmes techniques destinés à modifier en profondeur le travail des contrôleurs aériens , tant dans les centres en-route que dans les centres d'approche et dans les tours de contrôle des aérodromes :

- « CO-FLIGHT », système de traitement automatique des plans de vol s'appuyant sur une modélisation des vols en quatre dimensions , réalisé par un consortium franco-italien Thalès-Leonardo, dont le coût total est estimé à 310 millions d'euros ;

- « 4-FLIGHT », nouveau système de contrôle complet , qui permettra d'intégrer les nouvelles fonctions de contrôle SESAR , et dont le coût est estimé à 670 millions d'euros ;

- « SYSAT », qui oeuvre à la modernisation des systèmes des tours de contrôle et centres d'approche , pour un budget de 309 millions d'euros ;

- « Cssip » , réseau de communication sol-sol qui doit fournir les capacités d'échange de données nécessaires aux nouvelles générations de systèmes de contrôle aérien, pour un coût de 216 millions d'euros ;

- « Data Link », destiné à fiabiliser et enrichir les échanges de données sol-bord entre les contrôleurs aériens et les pilotes en complément des transmissions radio, pour un coût de 29 millions d'euros .

Il convient d'ajouter à ces cinq programmes toujours en cours le programme « ERATO », dont le développement a duré de 2002 à 2015 et dont le coût a représenté quelque 127 millions d'euros .

ERATO est un système d'assistance au contrôleur qui lui permet de se passer d'aides papiers (les « strips ») et de gérer les vols dans un environnement exclusivement électronique , ce qui constitue une véritable révolution pour les contrôleurs aériens français. Ce nouveau système a été mis en service fin 2015 à Brest puis en 2016 dans le centre en-route de Bordeaux. La DSNA prévoit d'intégrer ses fonctionnalités à compter de 2021 dans le système 4-FLIGHT, ce qui conduirait de facto à sa disparition.

Le coût de ces six programmes techniques est considérable - près de 1 660 millions d'euros au total -, tout comme la durée de conception de la plupart d'entre eux, souvent supérieure à dix ans.

Coût des programmes techniques de modernisation du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total sur la période < 2016

2016

2017

2018

Coût total programme après 2018

Coût total programme

4-Flight

2011-2022

232,6

79,6

78,1

78,8

202,7

669,1

Coflight

2003-2022

185,6

26,1

23,7

20,5

54,0

309,9

Sysat

2012-2025

5,8

3,3

6,6

29,0

264,1

308,8

Data Link

2006-2019

23,6

1,8

1,6

1,0

1,0

29,0

Erato

2002-2015

120,9

6,3

-

-

-

127,2

Cssip

2006-2019

116,3

8,5

10,8

5,0

75,0

215,6

Total

-

684,8

125,6

120,8

134,3

596,8

1 659,6

Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

C'est à raison que la modernisation des outils de contrôle de la navigation aérienne constitue une priorité pour la DSNA : comme votre rapporteur spécial a pu lui-même le constater en visitant des centres en route et des centres d'approche, la France a pris un retard considérable dans ce domaine , susceptible de fragiliser à terme la place éminente qui est la sienne dans le domaine de l'aviation civile au niveau mondial et de la placer dans une position délicate au regard de ses engagements européens.

La Cour des comptes ne disait pas autre chose lorsqu'elle écrivait en octobre 2016, dans sa communication « L'État et la compétitivité du transport aérien » réalisée à la demande de votre commission, que « la France [avait] pris du retard dans ses investissements de modernisation des systèmes de navigation qui auraient dû être réalisés dans les années 1990 et 2000. La DGAC disposait depuis les années 1970 d'outils à la pointe de la technique existante, mais la prise de conscience de la nécessité d'investissements lourds à réaliser afin de moderniser ces outils a eu lieu alors que la crise économique réduisait fortement les recettes disponibles , et donc la capacité d'investissement, à la fin de la première décennie des années 2000 ».

La Cour notait également que les différents programmes cités plus haut - « CO-FLIGHT », « 4FLIGHT », « ERATO », etc. - « ont pris du retard dans leur déploiement , que leur interdépendance a amplifié , et ont connu des surcoûts ».

Contestant cette appréciation, la DGAC estime pour sa part que le niveau d'investissements consenti depuis 2014 devrait permettre la réalisation de l'essentiel de ces programmes , ce qui permettrait, selon elle, d'obtenir des gains de productivité de 20 % sur le contrôle en route et le contrôle d'approche . Elle a d'ailleurs transmis à la Commission européenne un échéancier des mises en service opérationnelles majeures d'ici 2021 , s'engageant ainsi à ce que l'essentiel de leur déploiement soit réalisé pour 2020 .

Eu égard aux sommes en jeu, votre rapporteur spécial a décidé de mener un contrôle budgétaire consacré à la modernisation du contrôle de la navigation aérienne , qui s'attachera notamment à évaluer la gestion de ces grands programmes de modernisation technique .

Ce contrôle devrait donner lieu à une présentation devant votre commission des finances au premier semestre 2018 .

2. Les autres investissements de la DGAC bénéficieront en 2018 d'un niveau de crédits identique à celui de 2017

Les dépenses d'investissement des programmes 613 et 614, qui bénéficieront de crédits identiques en 2018 par rapport à 2017 , concernent essentiellement :

- les domaines de la sûreté et de la sécurité de l'aviation civile , avec la construction d'un laboratoire de détection des explosifs artisanaux liquides sur le site du service technique de l'aviation civile à Biscarosse, le développement d'une nouvelle application de gestion des habilitations et titres d'accès aux zones réservées des aéroports baptisée « STITCH » et la mise en oeuvre du Passenger name record (données des dossiers passagers - PNR) en partenariat avec d'autres ministères 22 ( * ) ;

- le soutien général à l'aviation civile : investissements informatiques, avec notamment le développement de nouveaux systèmes d'information financière et des ressources humaines, maintien en conditions opérationnelles des systèmes actuels et investissements immobiliers, la DGAC étant implantée sur plus de trente sites en métropole et en outre-mer.


* 22 Il s'agit des ministères des finances et des comptes publics, de l'intérieur et de la défense.

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