DEUXIÈME PARTIE - LE FINANCEMENT DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES

Qu'il s'agisse de la politique de l'eau ou de la lutte contre la pollution de l'air, les moyens budgétaires proposés pour les principales politiques environnementales portées par la mission apparaissent en complet décalage avec la réalité de l'urgence écologique et environnementale à laquelle il s'agit de faire face.

La mise sous tension des agences de l'eau découlant pour partie de la réforme du financement de la politique de la biodiversité se conjugue notamment à une rebudgétisation des moyens de l'ADEME bienvenue , mais dont les moyens ne permettront pas d'engager les actions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la loi de transition énergétique.

La satisfaction découlant d'une hausse des moyens alloués à la prévention des risques naturels et technologiques est contrebalancée par l'insuffisance des moyens financiers de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui font craindre des difficultés pour aborder les échéances qui l'attendent.

I. DEUX RÉFORMES D'AMPLEUR DU FINANCEMENT DES OPÉRATEURS DE LA MISSION

A. UN FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE LA BIODIVERSITÉ PROFONDÉMENT REMANIÉ

1. Une large réforme du financement des opérateurs du programme 113 mettant à contribution les agences de l'eau

Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » finance la politique de gestion, de protection de l'eau et des milieux marins, de la biodiversité et la protection des espaces, des sites et des paysages.

Les crédits du programme connaissent une forte diminution à périmètre courant, qui résulte d'une évolution substantielle des modalités de financement des opérateurs de la biodiversité .

Crédits de paiement du programme 113 entre 2017 et 2018

(en millions d'euros en en %)

LFI 2017

PLF 2018

Évolution

Action 1, Sites, paysages, publicité

6,97

6,77

-2,9 %

Action 2 Logistique, formation et contentieux

5,63

5,63

0 %

Action 7 Gestion des milieux et de la biodiversité

268,3

136,2

-49 %

Total programme 113

280,9

148,6

-47,1 %

Source : commission des finances du Sénat

Les principales subventions pour charges de service public du programme seraient supprimées, pour un montant total de 136,18 millions d'euros :

- 37,63 millions d'euros, versés à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ;

- 64,05 millions d'euros, versés aux Parcs Nationaux ;

- 34,50 millions d'euros, à destination de l'Agence française pour la biodiversité (AFB).

Jusqu'à présent, les agences de l'eau versaient une contribution annuelle à l'Agence française pour la biodiversité - et, avant sa création par la loi relative à la reconquête de la biodiversité 4 ( * ) , à l'ONEMA -, d'un montant plafonné à 150 millions d'euros 5 ( * ) . En outre, elles reversaient une fraction du produit annuel de la redevance pour pollution diffuse à l'ONEMA 6 ( * ) , afin de mettre en oeuvre le plan « Ecophyto » , destiné à diminuer le recours aux produits phytosanitaires.

L'article 54 du projet de loi de finances propose de remplacer la contribution existante par une nouvelle contribution annuelle des agences de l'eau au financement des opérateurs (cf. infra ), au profit :

- d'une part, de l'Agence française pour la biodiversité , à hauteur d'un montant compris entre 240 et 260 millions d'euros ;

- d'autre part, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, à hauteur d'un montant compris entre 30 et 37 millions d'euros .

L'Agence française pour la biodiversité reverserait une partie de la contribution aux parcs nationaux- entre 61 et 65 millions d'euros (cf. article 54 quater du présent projet de loi de finances rattaché à la mission).

Le schéma ci-dessous présente les nouvelles modalités de financement des opérateurs de la biodiversité proposée par le présent projet de loi de finances.

Comparaison des modalités actuelles de financement des opérateurs du programme 113 et des modalités proposées par l'article 54
du projet de loi de finances*

(en millions d'euros)

* Hors contribution des agences de l'eau à l'AFB au titre du plan « Ecophyto ».

Source : commission des finances du Sénat

Hors contribution au plan « Ecophyto », maintenue en l'état, le montant de la contribution versée aux opérateurs s'élèverait, dans une fourchette basse, à 270 millions d'euros ; dans une fourchette haute, à 297 millions d'euros. Si l'on retient la fourchette haute, la mesure proposée reviendrait à doubler la contribution des agences de l'eau en 2018 .

Fourchette des montants de la contribution annuelle des agences de l'eau au financement des opérateurs de la biodiversité (article 54 PLF)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

NB : hors contribution à l'AFB au titre du plan « Ecophyto »

Au total, cette évolution conduit votre rapporteur spécial à formuler deux constats :

- d'une part, la suppression des subventions pour charge de service public versées par le programme 113 aux opérateurs traduit un désengagement de l'État du financement de la politique de la biodiversité ;

- d'autre part, ce désengagement conduit à un transfert injustifié de ce financement aux agences de l'eau , rompant avec le principe selon lequel « l'eau paye l'eau » et marquant un éloignement de la logique de la redevance et du principe du « pollueur-payeur » qui préside à la politique de l'eau (cf. infra, le commentaire de l'article 54 du présent projet de loi de finances, rattaché à la mission).

2. Une réforme qui ne s'accompagne pas d'un renforcement des moyens de l'Agence française pour la biodiversité

L'année 2017 constitue le premier exercice budgétaire de l'Agence française pour la biodiversité, créée par la loi pour la reconquête de la biodiversité 7 ( * ) et mise en place au 1 er janvier 2017.

Issue de la fusion de quatre opérateurs 8 ( * ) , soit au total plus de 1 200 agents, l'AFB est désormais l'opérateur de référence en matière de préservation, de gestion et de restauration de la biodiversité .

Dépenses prévues par le budget pour 2017 de l'Agence française
pour la biodiversité par titre (crédits de paiement)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données communiquées par l'AFB

Alors même que ses missions recouvrent un champ plus large que celui des opérateurs auxquels elle succède, l'AFB a été dotée d'un budget initial en 2017 consolidant les budgets des quatre opérateurs fusionnés , comme l'a rappelé le directeur adjoint de l'AFB, Paul Michelet, entendu dans le cadre du présent rapport.

L'AFB est désormais pleinement opérationnelle, la principale difficulté dans sa mise en place ayant résidé dans l'intégration des équipes du service du patrimoine naturel du Musée National d'Histoire Naturelle (MNHN), dont le transfert des contrats a été repoussé à novembre 2017 afin d'en assurer la sécurité juridique.

La rédaction du contrat d'objectifs et de performance de l'opérateur devrait s'étaler sur la fin de l'année 2017 et le début de l'année 2018, et s'appuierait sur la feuille de route de l'agence élaborée en 2017.

S'agissant des implantations géographiques et de la politique immobilière , l'AFB repose sur un siège « tripolaire » : l'arrêté du 4 janvier 2017 a ainsi fixé le siège de l'AFB à Vincennes, reprenant le siège de l'ONEMA ; le pôle maritime de l'agence est fixé Brest (ancien siège de l'AAMP) et le pôle Scientifique et la mission Communication de l'Agence sont fixés à Montpellier (GIP ATEND et PNF).

Toutefois, l'AFB ne dispose pas à ce jour de schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI), dont l'élaboration aurait lieu d'ici la fin de l'année 2018. Un travail de réflexion est ainsi en cours quant à la rationalisation des implantations géographiques et à la mutualisation de locaux avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et les agences de l'eau, dès lors que les services départementaux des organismes pourraient être regroupés sur un même site dans certains départements.

S'agissant des moyens humains, l'agence, dont le plafond d'emplois est maintenu à 1 227 ETP pour 2018 , est préservée d'une réduction d'effectifs . En 2017, l'AFB avait bénéficié de la création de 50 emplois : la moitié d'entre eux dans les neuf parcs naturels marins, une quinzaine régularisant des situations spécifiques 9 ( * ) , et une dizaine de postes correspondant aux nouvelles missions de l'AFB par rapport à celles des établissements intégrés.

Toutefois, en ce qui concerne les moyens budgétaires, la réforme d'ampleur proposée à l'article 54 du présent projet de loi de finances n'emporte pas de moyens financiers supplémentaires pour l'AFB .

En 2018, au-delà de la suppression de la subvention versée par le programme 113, l'AFB recevrait la contribution annuelle des agences de l'eau, d'un montant compris entre 240 et 260 millions d'euros, le produit de la redevance pour pollutions diffuses perçu par les agences de l'eau et reversé à l'AFB (41 millions d'euros), et reverserait entre 61 et 65 millions d'euros aux Parcs nationaux. D'après les informations communiquées par l'AFB, « le montant exact de cette contribution pour 2018 n'est pas, à ce stade, formellement fixé, non plus que la répartition entre la partie propre du budget de l'AFB et la partie destinée aux Parcs nationaux ».

En conséquence, l'AFB a formalisé la construction de son budget pour 2018 sur la base de l'hypothèse d'une contribution de 245 millions d'euros, qui reste à confirmer (dont 65 millions d'euros à reverser aux parcs nationaux et 180 millions d'euros restant pour l'AFB ).

Pour 2018, cela correspondrait à une reconduction quasiment à l'identique des bases de construction du budget initial de l'AFB en 2017 . Le reversement du montant dû aux parcs nationaux constituerait la principale nouveauté en 2018 pour l'AFB - en effet, une contribution directe des agences de l'eau, au nombre de six, aux dix parcs nationaux aurait été complexe à mettre en oeuvre.

Au total, si l'origine du financement de l'AFB évolue en 2018, le budget de l'opérateur reste stable, alors même que les charges de personnel évolueraient à la hausse (+3 %), en raison de l'effet en année pleine des postes créés en 2017 et de l'intégration dans les effectifs de l'Agence des personnels du MNHN et de la Fédération des Conservatoires botaniques nationaux.


* 4 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 5 L'arrêté du 25 avril 2017 relatif à la contribution financière des agences de l'eau à l'Agence française pour la biodiversité a fixé cette contribution à 145 millions d'euros pour 2017 et 150 millions d'euros pour 2018.

* 6 Le budget de ce plan est dorénavant intégré à celui de l'Agence française pour la biodiversité (AFB).

* 7 L oi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 8 L'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l'agence des aires marines protégées (AAMP), l'établissement public « Parcs nationaux de France » (PNF) et le groupement d'intérêt public « Atelier technique des espaces naturels » (ATEN).

* 9 Notamment des mises à disposition antérieurement existantes et non reconductibles.

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