N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 11a

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
(PROGRAMMES 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ », 181 « PRÉVENTION DES RISQUES », 174 « ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES », 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » ET 217 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MOBILITÉ DURABLES »)

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : AIDES À L'ACQUISITION
DE VÉHICULES PROPRES

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE

Rapporteur spécial : M. Jean-François HUSSON

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 et 109 à 114 (2017-2018)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Mission « Écologie, développement et mobilité durables »
(hors transports et énergie)

(Programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 181 « Prévention des risques », 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »
et 174 « Énergie, climat et après-mines »)

1. 11,3 milliards d'euros de crédits de paiement sont demandés au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en 2018 , soit une hausse de 9,3 % par rapport à 2017. À périmètre constant , le budget de la mission augmente de 6,6 % - soit 497 millions d'euros , principalement en raison du dynamisme des dépenses portées par le programme 345 , en particulier les dispositifs liés à la péréquation tarifaire en faveur des zones non interconnectées (+126,5 millions d'euros) et aux ménages en situation de précarité énergétique, avec la généralisation du chèque énergie (+ 257 millions d'euros).

2. S'agissant des programmes étudiés dans le cadre du présent rapport, la hausse des crédits de 14,42 % par rapport à l'année 2017 ne traduit pas uniquement l'augmentation des moyens alloués aux politiques portées , quand bien même des évolutions positives sont à retenir, mais résulte également de la rebudgétisation du financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). La prévision triennale présentée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 inscrit la mission dans une trajectoire de progression sur trois ans (+ 170 millions d'euros).

3. La masse salariale augmente de 0,4 % par rapport à 2017 à périmètre courant. Les économies induites par les suppressions d'emplois découlent d'un durcissement du schéma d'emplois ministériels par rapport à 2017 : il est prévu une réduction de 828 ETP ; le taux de départs à la retraite non remplacés s'établira à près de 55 %.

3. Le budget proposé pour la mission en 2018 constitue une traduction du « Plan Climat », même s'il manque, sur certains aspects, de cohérence , et paraît en deçà des très fortes ambitions politiques affichées par le Gouvernement. S'agissant de la fiscalité énergétique , l'accélération de la trajectoire de la « composante carbone » et la convergence des fiscalités du gazole et du diesel proposée par l'article 9 du projet de loi de finances traduisent une conception « punitive » de la fiscalité énergétique, poursuivant un objectif clair de rendement. Les deux mesures censées atténuer les effets de la hausse de la fiscalité énergétique pour les ménages, le renforcement de la prime à la conversion automobile et la généralisation du chèque énergie, ne constituent pas des contreparties suffisantes à l'augmentation de la fiscalité énergétique.

4. Le financement de la politique de la biodiversité est profondément remanié : l'article 54 du projet de loi de finances propose de remplacer la contribution des agences de l'eau à l'Agence française pour la biodiversité par une nouvelle contribution annuelle au profit de l'Agence française pour la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, rompant avec le principe selon lequel « l'eau paye l'eau » et marquant un éloignement de la logique de la redevance et du principe du « pollueur-payeur ». Si l'on retient la fourchette haute, la mesure proposée reviendrait à doubler la contribution des agences de l'eau en 2018, tandis que les subventions pour charges de service public versées par l'État sont supprimées.

5. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) voit son financement entièrement budgétisé sur le programme 181 « Prévention des risques » à compter de 2018. Cette budgétisation s'imposait afin de répondre aux problèmes récurrents de trésorerie de l'ADEME, dont le fonds de roulement serait quasiment épuisé à la fin de l'année 2017. L'augmentation de 36 % de son budget serait toutefois absorbée par le règlement des reste-à-payer issus des engagements , et n'emporterait pas de moyens supplémentaires. Cette stagnation des moyens est contradictoire avec la volonté d'accroître les missions et les aides versées par l'agence dans le cadre du développement de la chaleur renouvelable et de la politique de prévention et de valorisation des déchets. Le budget du fonds « chaleur » diminuerait en 2018 de 10 % par rapport à 2017, alors même qu'il parait sous dimensionné au regard des objectifs fixés.

6. Le financement de la politique de l'eau apparaît totalement incohérent : alors que les missions des agences de l'eau ont récemment été élargies, l'article 19 du projet de loi de finances tel qu'adopté par l'Assemblée nationale prévoit de nouveau un prélèvement sur le fonds de roulement des agences, à hauteur de 200 millions d'euros pour 2018 , alors que le Gouvernement prévoyait initialement une baisse du plafond du montant annuel des taxes et redevances perçues par les agences - finalement repoussée à 2019. Conjugué avec les dispositions de l'article 54 du projet de loi de finances, c'est près du quart des redevances perçues en 2018 par les agences de l'eau qui serait détourné des politiques de l'eau.

7. La politique de lutte contre la pollution de l'air manque de vision stratégique et l'accompagnement proposé par l'État aux collectivités territoriales dans ce domaine par le biais d'appels à projet est instable et insuffisant. Alors que la fragilité de la situation financière des Associations agrées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) appellerait une consolidation de la participation financière de l'État, celle-ci a diminué de 5 % entre 2012 et 2017. 350 millions d'euros de crédits de paiement manquent au sein de l'enveloppe spéciale transition énergétique (ESTE), destinée à soutenir les initiatives des collectivités en matière de transition énergétique.

8. La politique de prévention des risques est marquée par l'adoption quasi-totale des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), quinze ans après la catastrophe «AZF» ; les prochaines années seront dédiées à la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans (renforcement du bâti des riverains, mesures foncières d'expropriation ou de délaissement). Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dont les ressources ont été accrues au fil du temps connaît un solde positif de plus de 200 millions d'euros en 2017. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit en conséquence un plafonnement à 137 millions d'euros de la taxe affectée au fonds.

9. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) voit ses moyens humains et financiers renforcés , dans la continuité du budget triennal 2015-2017 : 10 ETP supplémentaires sont ainsi prévus. L'évolution des charges de l'ASN pourrait cependant conduire à faire apparaître des besoins supplémentaires, notamment au regard de la montée en puissance de la problématique du démantèlement .

Sur les charges de service public de l'énergie
(programme 345 « Service public de l'énergie » et compte d'affectation
spéciale « Transition énergétique »)

1. Les charges de service public de l'énergie , qui étaient financées jusqu'en 2015 par la contribution au service public de l'électricité (CSPE) en dehors de tout contrôle parlementaire sont désormais retracées dans le budget de l'État par le programme 345 « Service public de l'énergie » et par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » .

2. Ces charges , dont le montant est arrêté tous les ans par une délibération de la commission de régulation de l'énergie (CRE), représenteront 7,9 milliards d'euros en 2018 , soit une hausse de 10 % par rapport à 2017, principalement due à l'augmentation du coût du soutien aux énergies renouvelables électriques .

3. Les projections réalisées par la CRE montrent que les charges du service public de l'énergie s'élèveront à 10,1 milliards d'euros en 2022 , soit 2,2 milliards d'euros de plus qu'en 2018, et que leur total cumulé atteindra 44,9 milliards d'euros sur la période 2018-2022.

4. Il devient urgent que le Parlement joue un rôle beaucoup plus actif dans la détermination de ces charges , en votant une loi de programmation pluriannuelle de l'énergie qui fixerait notamment le plafond par filière des nouvelles capacités de production d'électricité issues de sources d'énergie renouvelable .

5. Les crédits du programme 345 vont augmenter de près de 20 % en 2018 . La solidarité avec les zones non interconnectées (ZNI) représentera 1,5 milliard d'euros , en hausse de 9,2 % . La CRE formule deux propositions pour tenter de freiner cette tendance dans les années à venir. Le soutien à la cogénération sera lui aussi très dynamique , avec 691,5 millions d'euros de dépenses , ce qui représente une augmentation de 22,9 % par rapport à 2017.

6. C'est aussi le programme 345 qui porte la généralisation du chèque énergie au 1 er janvier 2018 en remplacement des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz. La loi relative à la transition énergétique prévoyait que le Parlement disposerait du rapport d'évaluation de l'expérimentation de ce nouveau dispositif de lutte contre la précarité énergétique qui a été testé pendant deux ans dans quatre départements. Ce rapport ne lui ayant pas été transmis , votre rapporteur spécial a dû se contenter de quelques bribes d'information qui laissent à penser que ce dispositif, qui coûtera 581,1 millions d'euros en 2018, est relativement efficace , même s'il demeure perfectible.

7. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » , doté de 7,2 milliards d'euros pour 2018, porte avant tout les 5,4 milliards d'euros de soutien aux énergies renouvelables électriques , en hausse de 13 % par rapport à 2017 en raison du très fort dynamisme de la filière photovoltaïque . Il est désormais financé de façon quasi-exclusive par des recettes issues de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) .

8. Le CAS porte également le soutien à l'injection de bio-méthane , dont le montant va doubler à 100 millions d'euros en 2018 ainsi que le remboursement à EDF de la dette relative à des défauts de compensation accumulés entre 2009 et 2015 , soit une somme de 1,6 milliard d'euros en 2018.

Sur le compte d'affectation spéciale « Financement
des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) »

1. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité pour le financement des travaux d'électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage. Notre collègue Jacques Genest a présenté un rapport très complet à son sujet devant notre commission des finances le 15 février 2017.

2. Le montant des aides versées par le FACÉ va diminuer de 4,5 % en 2018. Tous les postes de dépenses du CAS seront touchés , le Gouvernement ayant décidé de lui faire subir un coup de rabot aveugle . Ce non-choix aura des conséquences pour les territoires ruraux , puisqu'ils seront moins en mesure d'accompagner leur développement démographique et économique en matière de réseaux électriques . Les crédits du programme 794 étant systématiquement sous-exécutés , votre rapporteur spécial présente un amendement visant à les redéployer en faveur du programme 793 qui porte 98 % des crédits du CAS .

Sur le compte d'affectation spéciale
« Aide à l'acquisition de véhicules propres »

1. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres » porte les crédits relatifs aux aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 ( prime à la conversion ). Il est financé par une taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules les plus polluants malus »).

2. Les crédits du CAS vont augmenter de 11,8 % en 2018 pour atteindre 388 millions d'euros . Cette hausse recouvre deux mouvements contradictoires : une baisse de 18,4 % des crédits destinés aux bonus (soit 261 millions d'euros ) et une hausse de 370,4 % des crédits destinés à la prime à la conversion (soit 127 millions d'euros ). Elle est financée par un nouveau durcissement du malus automobile .

3. Les bonus automobiles vont être recentrés sur les véhicules électriques alors qu'ils pouvaient en 2017 être perçus pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable. Le Gouvernement voulait mettre fin à l'aide à l'achat d'un vélo à assistance électrique (VAE), qui devrait coûter 50 millions d'euros en 2017, mais il a cédé à sa majorité à l'Assemblée nationale en prolongeant ce dispositif au-delà du 1 er janvier 2018 et en lui allouant 5 millions d'euros . Votre rapporteur spécial propose un amendement visant à supprimer ces crédits en faveur d'un dispositif qui présente d'évidents effets d'aubaine .

4. Alors que seulement 21 000 primes à la conversion ont été versées depuis le 1 er avril 2015 , le Gouvernement se fixe l'objectif très ambitieux de 100 000 primes versées en 2018 . Si les nouveaux critères d'attribution de cette prime paraissent plutôt pertinents , le Gouvernement devra veiller à leur cohérence avec le seuil d'application du malus et cesser de les modifier tous les ans , ce qui a pour effet de rendre ce mécanisme illisible .

Au 10 octobre 2017, date limite fixée par la LOLF, 95 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

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