PREMIÈRE PARTIE - ANALYSE GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION

La mission « Action extérieure de l'État » regroupe en 2018 quatre programmes relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) :

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » , qui porte les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau diplomatique ainsi que les contributions de la France aux organisations internationales et opérations de maintien de la paix ;

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » , qui contient les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau consulaire et les bourses accordées aux élèves français scolarisés à l'étranger ;

- le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » , qui rassemble les crédits de fonctionnement du réseau culturel ainsi que les bourses aux étudiants étrangers et les subventions aux quatre opérateurs de la mission ;

- le programme 347 « Présidence française du G7 » , qui regroupe les moyens financiers dédiés à la préparation du sommet qui se tiendra en France en 2019.

Répartition des crédits de la mission par programme

(en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de finances pour 2018)

La mission regroupe ainsi l'ensemble des crédits du ministère, à l'exception de ceux consacrés à l'aide publique au développement , qui figurent dans le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».

1. La création d'un nouveau programme en vue de la présidence française du G7 en 2019

La maquette budgétaire de la mission « Action extérieure de l'État » connaît une modification notable en 2018 : la création d'un nouveau programme 347 « Présidence française du G7 » . Établi à titre temporaire pour les exercices 2018 et 2019, ce programme regroupe les crédits destinés à financer l'exercice, par la France, de la présidence du « groupe des 7 » (G7) à partir du 1 er janvier 2019. Il couvrira les dépenses relatives à la préparation et à l'organisation du sommet du G7 et des réunions ministérielles ainsi que les dépenses transversales, comme le fonctionnement du secrétariat général et la communication.

Les dépenses totales pour 2018 et 2019 sont évaluées à 36,4 millions d'euros , dont 14,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 12 millions d'euros en crédits de paiement (CP) inscrits dans le présent projet de loi de finances.

La création d'un programme budgétaire temporaire ad hoc , relevant du ministère des affaires étrangères, constitue une pratique bien établie pour l'organisation de ce type d'événements diplomatiques. Avaient ainsi été mis en place, entre 2010 et 2012, un programme 332 « Présidence française du G20 et du G8 » et, entre 2015 et 2016, un programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 » .

Le nouveau programme 347 « Présidence française du G7 » permettra d'assurer un suivi, en toute transparence, des dépenses de fonctionnement liées à l'organisation de ce sommet . Toutefois, ce programme ne comprend ni les dépenses de personnel du secrétariat général de la présidence - des fonctionnaires étant mis à disposition par les administrations concernées - ni les dépenses de sécurité tenant à la mobilisation des forces de police, de gendarmerie, de sécurité civile et aux forces armées.

2. Une mission marquée par l'annulation de 5,5 % de ses crédits à l'été 2017

Avant d'analyser les crédits proposées par le présent projet de loi de finances pour 2018, il convient de rappeler que la mission « Action extérieure de l'État » a fait l'objet d' importantes annulations de crédits durant l'été 2017 .

Le décret d'avance du 20 juillet 2017 1 ( * ) a procédé à des annulations à hauteur de 163 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 166 millions d'euros en crédits de paiement , soit environ 5,5 % des crédits de la présente mission inscrits dans la loi de finances initiale pour 2017.

Annulations opérées par le décret d'avance du 20 juillet 2017

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement annulées

Crédits de paiement annulés

Programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde »

91,18

95,42

Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires »

12,13

10,38

Programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »

60,00

60,00

Total mission

163,31

165,80

Source : décret d'avance du 20 juillet 2017

Certaines de ces annulations ont été permises grâce à des économies de constatation, notamment sur les contributions aux organisations internationales et opérations de maintien de la paix grâce à un effet de change positif et à l'actualisation des prévisions de dépenses.

En revanche, les annulations portant sur la subvention pour charges de service public versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) (- 33 millions d'euros ) ont fortement déstabilisé l'agence et l'ont amenée à ralentir certaines dépenses, tout en jouant sur des effets de trésorerie. Ses marges de manoeuvres ont été d'autant plus limitées qu'elle a également été confrontée à l'annulation de 12 millions d'euros en AE et de 10 millions en CP sur le dispositif de bourses scolaires.

3. Un budget 2018 en léger repli par rapport à 2017

Le projet de loi de finances pour 2018 fixe le montant des crédits demandés pour la mission « Action extérieure de l'État » à environ 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

Plus précisément, les crédits inscrits dans le présents projet de loi s'établissent à :

- 2 999,9 millions d'euros en AE , soit une diminution de 0,07 % en valeur à périmètre courant par rapport à 2017 ;

- 3 000,5 millions d'euros en CP , ce qui correspond à une baisse de 0,18 % en valeur à périmètre courant par rapport à 2017.

À périmètre constant , c'est-à-dire en neutralisant les crédits du nouveau programme 347 « Présidence française du G7 » ainsi que l'enveloppe de 14,2 millions d'euros prévue en 2017 pour couvrir l'organisation des élections présidentielle et législatives à l'étranger, les crédits diminuent respectivement de 0,08 % en AE et 0,10 % en CP par rapport à 2017 .

Évolution des crédits de la mission par programme

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde »

2 056,88

2 053,86

1 899,36

1 903,04

1 899,56

1 902,53

0,01%

-0,03%

Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires »

347,07

345,95

387,28

387,28

368,44

368,44

-4,86%

-4,86%

Programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »

720,10

715,28

715,43

715,43

717,51

717,51

0,29%

0,29%

Programme 347 « Présidence française du G7 »

-

-

-

-

14,40

12,00

-

-

Total

3 124,04

3 115,09

3 002,07

3 005,75

2 999,91

3 000,47

-0,07%

-0,18%

Total hors programme 347

-

-

3 002,07

3 005,75

2 985,51

2 988,47

-0,55%

-0,57%

Total hors programme 347 et dépenses électorales 2017

-

-

2 987,87

2 991,55

2 985,51

2 988,47

-0,08%

-0,10%

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet annuel de performances)

Compte tenu de l'inflation prévisionnelle de 1 % en 2018 , l'ensemble des crédits de la mission diminuerait d'environ 1 % en volume , en AE comme en CP.

Ainsi, l'évolution des crédits de la présente mission se situe nettement en deçà de celle des dépenses totales de l'État 2 ( * ) qui augmentent de 2,7 % en valeur entre 2017 et 2018. La mission « Action extérieure de l'État » fait partie des sept missions pour lesquelles le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une baisse des crédits en valeur.

S'agissant des crédits de paiement, cette évolution s'explique par la combinaison de différents facteurs :

- une diminution de 15,8 millions d'euros des dépenses de personnel de titre 2 (y compris contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions ») ;

- une économie de constatation de 11 millions d'euros sur les contributions internationales et opérations de maintien de la paix du fait de la baisse en volume de certaines contributions et d'un effet de change favorable ;

- la suppression de l'enveloppe de 14,2 millions ouverte en 2017 pour financer l'organisation des élections présidentielle et législatives ;

- l'affectation de 12 millions d'euros à la préparation du sommet du G7 , dans le cadre du nouveau programme 347 « Présidence française du G7 » ;

- la création d'une enveloppe supplémentaire de 12 millions d'euros en faveur de l'entretien lourd et courant du parc immobilier du ministère ;

- enfin, divers postes augmentent de montants moindres comme la coopération internationale en matière de lutte antiterroriste (+ 2 millions d'euros), la sécurité (+ 2,4 millions d'euros) et les moyens affectés au service du protocole (+ 2,5 millions d'euros).

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit le maintien de l'enveloppe de 60 millions d'euros engagée en 2017 afin de renforcer les moyens de lutte anti-terroriste et de protection des communautés et intérêts français à l'étranger.

Principaux facteurs d'évolution de la mission « Action extérieure de l'État » en 2018

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet annuel de performances)

Au regard de l'exécution constatée en 2016, les crédits de la présente mission diminueraient d'environ 4 % (en AE = CP), hors prise en compte des programmes 341 « Conférence Paris Climat 2015 » et 347 « Présidence française du G7 ». Cet écart provient essentiellement de la variation du montant des contributions internationales et opérations de maintien de la paix.

4. Un exercice de programmation prévoyant une baisse de 6 % des crédits de la mission à l'horizon 2020

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe une trajectoire d'évolution orientée à la baisse pour la mission « Action extérieure de l'État » sur le triennal 2018-2020 .

Hors contributions de l'État au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits de paiement de la mission s'établiraient à 2,68 milliards d'euros en 2020 contre 2,86 milliards d'euros en 2018, soit une baisse de 6,3 % en valeur et de 8,6 % en volume .

À titre de comparaison, entre 2018 et 2020, les crédits du budget général 3 ( * ) devraient augmenter de 3 % en valeur et de 0,5 % en volume, hors économies complémentaires attendues du processus « Action publique 2022 ».

Évolution des crédits de la mission sur le triennal 2018-2020

(crédits de paiement, en milliards d'euros)

Crédits de paiement

LFI 2017

LFI 2017 Format 2018

2018

2019

2020

Évolution 2018/2017

Évolution 2020/2018

En valeur absolue

En %

En valeur absolue

En %

Action extérieure de l'État

En valeur

2,86

2,86

2,86

2,75

2,68

0

0,0%

-0,18

-6,3%

En volume

2,86

2,86

2,83

2,69

2,59

-0,03

-1,0%

-0,24

-8,6%

Nota bene : crédits hors

Source : commission des finances du Sénat

La présente mission compte ainsi parmi les dix missions du budget général de l'État - sur trente au total - pour lesquelles un objectif de diminution des crédits en valeur est prévu à l'horizon 2020.

Selon les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux auprès des responsables de programme, aucune mesure n'a été identifiée, à ce stade, pour assurer le respect de cette programmation pluriannuelle . La direction du budget a indiqué qu'un quantum d'économies devrait être identifié par le MEAE dans le cadre du processus « Action publique 2022 ».

Cette programmation apparaît d'autant plus fragile qu'elle n'est pas assumée par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Ce dernier a ainsi déclaré devant nos collègues députés : « Nous sommes les bons élèves, c'est vrai . [...] Mais nous sommes à l'extrême limite de l'équilibre » 4 ( * ) , tout en ajoutant devant le Sénat qu'il espérait « pouvoir obtenir que ce ministère soit "redoté" pour faire faire face de manière plus substantielle aux missions que lui confie la République » 5 ( * ) .

5. La suppression de la réserve parlementaire

L'article 14 de la loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique 6 ( * ) a « mis fin à la pratique dite de la « réserve parlementaire », consistant en l'ouverture de crédits en loi de finances par l'adoption d'amendements du Gouvernement reprenant des propositions de membres du Parlement en vue du financement d'opérations déterminées ».

Jusqu'en 2017, la mission « Action extérieure de l'État » contenait chaque année des crédits au titre de la réserve parlementaire attribués sur proposition des sénateurs et députés à diverses entités à l'étranger (organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES), écoles et lycées français, alliances françaises etc.) .

Au total, 3,2 millions d'euros de réserve parlementaire ont été attribués chaque année en 2015 et 2016. Le montant voté en 2017 s'établit à 3,3 millions d'euros , dont environ 85 % avaient été consommés fin octobre 2017.

À la suite de la suppression de la réserve parlementaire, aucun « débasage » n'a été effectué dans le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ainsi, les 3,3 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2017 ont été réinjectés dans les divers programmes et actions de la mission « Action extérieure de l'État », sans qu'un mécanisme de dotation de substitution ne soit créé, à l'instar de la dotation de solidarité locale pour les associations et collectivités territoriales situées en France.

Extrait du discours du Président de la République, Emmanuel Macron, devant l'Assemblée des Français de l'étranger

2 octobre 2017

« J'ai noté comme vous que le Parlement avait choisi de mettre fin à la réserve parlementaire. Sur ce sujet, ça n'était pas un engagement de campagne ; c'est la coproduction législative, ça a été un choix du Parlement. J'ai noté comme vous que pour ce qui est des territoires français, il avait été décidé de mettre en place un fonds qui permette de compenser l'impact justement de la suppression de la réserve. C'est pourquoi je demande au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et à son secrétaire d'État d'étudier la mise en place d'un dispositif permettant d'accompagner le tissu associatif des Français de l'étranger compte tenu de la suppression de cette réserve .

Nous devons avoir là un principe de justice, je sais que pour beaucoup d'associations que vous souteniez et que les parlementaires accompagnaient, la réserve était un élément important et donc nous devons regarder là-dessus comment créer avec le Quai un dispositif comparable et que les ministres puissent instruire cela en lien avec vous-même et les parlementaires. »

Conformément à la déclaration du Président de la République, le 2 octobre 2017 devant l'Assemblée des Français de l'étranger, un projet de remplacement de la réserve parlementaire par une dotation budgétaire dotée d'environ 2 millions d'euros est à l'étude . Celle-ci serait imputée sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » et financée par un transfert de crédits provenant du fonds de développement de la vie associative créé par amendement à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » par l'Assemblée nationale (voir infra ).

En tout état de cause, ce dispositif de remplacement devra garantir un degré élevé de transparence, tout en évitant la mise en place d'un processus d'instruction chronophage et coûteux .


* 1 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 2 L'évolution des crédits du budget de l'État intègre les dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Elle comprend les attributions de produit et les fonds de concours. Elle est retraitée des crédits évaluatifs (remboursements et dégrèvements et charge de la dette), de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI) et des dépenses exceptionnelles (plan de relance 2008-2009, programmes d'investissement d'avenir, dotation au MES et à la BEI, recapitalisation de Dexia).

* 3 Hors contributions au CAS « Pensions, dette et remboursements et dégrèvements.

* 4 Assemblée nationale, audition de Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangère en commission élargie, 26 octobre 2017.

* 5 Sénat, audition de Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangère devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 24 octobre 2017.

* 6 Loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

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